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LA CAUSE DU BÉGAIEMENT DE L’ENFANT Ann Packman et traduit par Jacqueline Nadel NecPlus | « Enfance » 2013/3 N° 3 | pages 207 à 216 ISSN 0013-7545 Distribution électronique Cairn.info pour NecPlus. © NecPlus. Tous droits réservés pour tous pays. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128...

LA CAUSE DU BÉGAIEMENT DE L’ENFANT Ann Packman et traduit par Jacqueline Nadel NecPlus | « Enfance » 2013/3 N° 3 | pages 207 à 216 ISSN 0013-7545 Distribution électronique Cairn.info pour NecPlus. © NecPlus. Tous droits réservés pour tous pays. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-enfance2-2013-3-page-207.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- La cause du bégaiement de l’enfant Ann PACKMAN* RÉSUMÉ La cause du bégaiement n’est pas entièrement comprise. De ce fait, de nombreuses théories causales ont été développées Cet article théorique présente un modèle causal à trois facteurs qui propose une explication du mécanisme causal sous-tendant les moments de bégaiement. Le modèle tente d’expliquer la causalité dans sa totalité, avec l’espoir de stimuler la discussion et de conduire à de nouvelles lignes de recherche. MOTS CLÉS : BÉGAIEMENT, CAUSE, THÉORIE. The cause of stuttering in children Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus The cause of stuttering is not yet fully understood. As a result, many causal theories have been developed. In this theoretical paper, a 3-factor causal model is presented that explains the causal mechanism underpinning moments of stuttering. It is argued that this is a sensible way to model causality, because all causal factors must be operating at each moment of stuttering. The model attempts to explain causality in its entirety. It is hoped this will stimulate discussion and lead to further lines of inquiry. KEY-WORDS: STUTTERING, CAUSE, THEORY. *Australian Stuttering Research Centre, The University of Sydney, PO Box 170, Lidcombe NSW 182, Australia. Email : [email protected] Traduit par Jacqueline Nadel, directrice d’Enfance. nfance n◦ 3/2013 | pp. 207-216 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus ABSTRACT 208 Ann PACKMAN INTRODUCTION Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus La cause du bégaiement n’est pas encore bien comprise. Beaucoup de théories ont été proposées dans le but d’y remédier (voir les revues et discussion de Bloodstein & Bernstein Ratner, 2008 ; Packman & Attanasio, 2004 ; Yairi & Seery, 2011). Comme les traitements de ce trouble, les théories causales du bégaiement remontent à des siècles. Cependant pour la plupart ces théories ne sont pas testables au sens où une théorie scientifique peut être testée, ce qui explique pourquoi tant d’entre elles sont encore considérées comme viables actuellement. En d’autres termes, si une théorie n’est pas présentée en termes opérationnels et donc ne peut pas être testée, on ne pourra jamais prouver qu’elle est fausse (Packman & Attanasio, 2004). Dans cet article, je survole brièvement les principaux modèles causaux du bégaiement et discute ensuite un modèle développé récemment en collaboration (Packman, 2012). Il y a plusieurs façons de catégoriser les théories causales. Par exemple, Packman et Attanasio (2004) les ont discutées sous les catégories du contrôle moteur du langage, le modelage des systèmes de contrôle, le traitement cognitive et linguistique, le conflit multifactoriel et anticipatoire, tandis que Bloodstein et Bernstein Ratner (2008) ont opposé les théories de l’étiologie et le concept de moments de bégaiement. Comme le suggère leur classification, on a longtemps considéré que les théories causales peuvent être catégorisées en fonction du fait qu’elles expliquent la cause sous-jacente au bégaiement ou la cause des moments individuels de bégaiement. Selon Bloodstein et Bernstein Ratner, certaines théories causales concernent les deux perspectives. Les théories causales actuelles qui concernent les deux perspectives sont considérées comme multifactorielles. Les deux modèles multifactoriels sont le modèle des demandes et capacités (Demands and capacities, Starkweather, 1987 ; Starkweather & Givens-Ackerman, 1997 ; Starkweather & Gottwald, 2000) et le modèle dynamique multifactoriel (the Dynamic Multifactorial model, Smith & Kelly, 1997). Selon le modèle des demandes et capacités, le bégaiement est le résultat de l’interaction de facteurs intrinsèques et environnementaux quand les demandes de fluidité du langage sont plus grandes que la capacité de produire. Aucun de ces facteurs n’est en soi anormal et « il n’y a pas d’étiologie unique mais autant d’étiologies que d’histoires individuelles du développement du bégaiement » (Starkweather & Givens-Ackerman, 1997, p. 24). De même, selon le modèle dynamique multifactoriel, « le bégaiement émerge de l’interaction complexe et non linéaire entre facteurs. Aucun facteur ne peut à lui seul être identifié comme la cause du bégaiement » (Smith & Kelly, 1997, p. 209). Sans nul doute le bégaiement est d’origine multifactorielle et en le soulignant ces deux modèles ont beaucoup fait pour stimuler la réflexion sur ses origines. Mais de la façon dont ils sont présentés, ces deux modèles ne sont pas falsifiables. On ne peut donc pas démontrer qu’ils sont faux. Il y a aussi, comme nous le discuterons plus tard, les résultats en neuroimagerie qui détectent aujourd’hui Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus Survol des théories causales du bégaiement Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus des différences cérébrales structurales chez les personnes qui bégaient, suggérant ainsi qu’il doit y avoir une condition nécessaire pour que le bégaiement se produise. Clairement, en tout cas, même si la recherche établit un jour l’existence de telles anomalies, elles ne sont pas suffisantes, à elles seules, pour causer le bégaiement. Elles n’expliquent pas par exemple pourquoi on bute sur certaines syllabes tandis que d’autres sont prononcées de façon fluide. Le modèle causal que nous présentons maintenant est multifactoriel par nature mais il décrit les facteurs de façon opérationnelle. Il est basé sur l’idée qu’il vaut mieux se demander la cause des moments de bégaiement plutôt que ce qui cause le bégaiement. L’argument ici est que les facteurs causaux doivent tous intervenir à chaque moment de bégaiement. Formulé par Packman et Attanasio (Packman & Attanasio, 2004), le modèle causal trifactoriel des moments de bégaiement est la première explication multifactorielle du bégaiement qui tente de simuler les conditions nécessaires et suffisantes pour que se produise un moment de bégaiement. Le modèle de Packman et Attanasio a été présenté pour la première fois lors de la Convention de l’Association Américaine du Langage et de l’Audition à Philadelphie en 2010, et ensuite à la 9e conférence d’Oxford sur la disfluence en 2011. Il est maintenant publié (Packman, 2012) dans une édition spéciale du Journal of Fluency Disorders émanant de la conférence d’Oxford. Selon ce modèle, les trois facteurs intervenant à tout moment ans un épisode de bégaiement sont : 1. un déficit du traitement neural sous-tendant le langage oral, qui rend le système de production du langage instable, et sujet à perturbation, 2. des activateurs, qui sont des caractéristiques inhérentes au langage oral augmentant les exigences de la tâche motrice sur ce système, et 3. des facteurs de modulation qui sont des facteurs intrinsèques déterminant le seuil auquel l’activation intervient. Voyons maintenant plus précisément le rôle de ces trois facteurs. Traitement neural déficitaire Il y a maintenant un nombre croissant d’éléments en neuroimagerie qui suggèrent que les personnes qui bégaient ont un déficit du traitement neural qui sous-tend le langage oral (Chang, Erickson, Ambrose, Hagesawa-Johnson, & Ludlow, 2008 ; Chang, Horwitz, Ostuni, Reynolds, & Ludlow, 2011 ; Fox, Ingham, Ingham, & Robin, 2010 ; Watkins, Smith, Davis, & Howell, 2008). Ces études ont montré à la fois des anomalies structurales et des anomalies fonctionnelles, mais, en raison des divers problèmes associés aux techniques d’imagerie (Wymbs, Ingham, Ingham, Paolini, & Grafton, 2013), la nature précise de ces problèmes de traitement neural reste encore à préciser. Des études cérébrales utilisant l’imagerie en diffusion (DTI) suggèrent qu’il pourrait y avoir, chez les personnes qui bégaient, un déficit de transmission de la matière blanche dans les aires cérébrales du langage et de la production orale (cf. Chang et al., 2011 ; Cykowski et al., 2010). Dans leur article, Chang et collègues (2011) concluaient « nos données sont en accord avec l’hypothèse nfance n◦ 3/2013 209 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus La cause du bégaiement de l’enfant 210 qu’une déficience de connectivité entre le cortex frontal inférieur et le cortex prémoteur dans l’hémisphère gauche est un corrélat neural du bégaiement » (p. 2507, notre traduction). Selon Kochunov et collègues (2010), « La matière blanche cérébrale est constituée de paquets d’axones qui connectent les régions cérébrales proximales et distales et créent des réseaux neuronaux à large échelle qui facilitent les comportements complexes » (p. 1109, notre traduction). Se basant sur leurs propres résultats en imagerie de diffusion (DTI) et sur des recherches génétiques récentes, Cykowski et collègues (2010) ont fait l’hypothèse que le dysfonctionnement cérébral dans le bégaiement implique un déficit de la myélogenèse des fibres blanches du cerveau dans les aires responsables du langage oral. Même si cette hypothèse doit être confirmée, elle a un considérable pouvoir d’explication (cf. Packman, 2012). Par exemple, la couverture de myéline des fibres blanches du cerveau se développe durant les toutes premières années après la naissance ; de ce fait, un délai de ce processus pourrait expliquer des bégaiements transitoires tandis que le bégaiement chronique résulterait d’un échec de la myélinisation. Que cette hypothèse soit confirmée ou pas, il y a de plus en plus d’éléments en neuroimagerie qui montrent que ceux qui bégaient ont un certain type de déficit du traitement neural sous-tendant le langage oral. La présence d’un tel déficit est un élément central du modèle de Packman et Attanasio. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus Générateurs Comme on l’a déjà dit, le bégaiement n’intervient pas sur chaque syllabe, donc quelque chose doit engendrer les épisodes de bégaiement. Le modèle de Packman et Attanasio suggère que ces générateurs se trouvent dans certains caractères inhérents au langage oral. Ces caractères seraient plus susceptibles d’engendrer le bégaiement parce qu’ils sont associés à des demandes motrices plus fortes. Ces demandes plus fortes perturberaient le système responsable de la production orale, déjà instable, et de ce fait engendreraient les moments de bégaiement. Bien sûr, l’idée que le bégaiement est associé à des caractéristiques linguistiques n’est pas nouvelle. Ce qui est nouveau ici est que le modèle de Packman et Attanasio ne fait pas l’hypothèse que le langage est nécessairement perturbé chez les personnes qui bégaient mais plutôt qu’il y a des caractéristiques inhérentes au langage qui, quand elles sont réalisées en production orale provoquent le bégaiement. Le premier de ces générateurs est la variabilité de l’accentuation syllabique. Cette idée a été développée dans le modèle de la variabilité ou « Vmodèle » (Packman, Onslow, Richard, & van Doorn, 1996). Ce modèle a été développé pour expliquer pourquoi le nouveau pattern de production orale connu sous le terme de production prolongée est si efficace pour réduire le bégaiement. Ce pattern de production orale a été largement utilisé et l’est encore pour libérer la production du bégaiement chez les adolescents et les adultes (par exemple, cf. Ingham, 1984 ; Langevin, Huinck, Kully, Peters, Lomheim, & Tellers, 2006 ; O’Brian, Onslow, Cream, & Packman, 2003). Tel qu’enseigné classiquement, le locuteur ralentit son débit de production et prolonge les sons et les mots, en Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus Ann PACKMAN Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus se basant sur la production sonore naturelle, ce qui peut donc être utilisé dans les situations quotidiennes (cf. Ingham, 1984 ; Packman, Onslow, & Menzies, 2000). Cependant, une analyse acoustique de la durée des voyelles indique que la production prolongée réduit la variation de l’accentuation de syllabe en syllabe (cf. Packman, Onslow, Richard, & van Doorn, 1996). Ce fut un résultat inattendu car l’entraînement à la production prolongée ne recommandait pas la réduction d’accentuation syllabique. Le Vmodèle explique cette réduction d’accentuation syllabique par la réduction de la variabilité du contraste syllabique. La réduction de la variabilité du contraste syllabique est également une caractéristique ce la production orale rythmée, qui est même plus efficace dans le bégaiement (cf. Ingham, 1984: Packman, Onslow, & Menzies., 2000). Selon le Vmodèle, le fait de marquer une emphase syllabique similaire réduit les contraintes de la tâche motrice sur un système instable de production orale. Il rend la transition entre les syllabes moins contraignante. Le Vmodèle (et donc cette composante du modèle de Packman et Attaniaso) a un pouvoir considérable d’explication du bégaiement des enfants (cf. Packman et al., 1996). Il explique pourquoi le bégaiement commence quand les enfants commencent à assembler des mots en courtes phrases et à utiliser l’accentuation syllabique des adultes. Dans le babillage et les premiers mots, l’accentuation est similaire pour toutes les syllabes, par exemple « Mama », « chien parti ». Ainsi, il y a un rapport entre le stade de développement du langage et le début du bégaiement (cf. Reilly et al., 2009 et ce volume). Cela peut expliquer aussi pourquoi le bégaiement consiste en répétitions de syllabes au début Un moment de bégaiement indique que l’enfant a une difficulté à réaliser la transition d’une syllabe à une autre et par défaut l’enfant répète la syllabe. Selon le Vmodèle, répéter une syllabe est rythmique et restaure de ce fait la stabilité du système moteur. Le résultat des répétitions syllabiques est donc que l’enfant peut évoluer vers la production orale. Le second générateur identifié dans le modèle de Packman et Attanasio est la complexité linguistique. Depuis des décennies, la complexité linguistique a été un domaine d’intérêt dans l’étude du bégaiement, ave des résultats de recherche indiquant que le bégaiement tend à augmenter dans les phrases linguistiquement plus complexes (cf. Bloodstein & Ratner, 2008). Le modèle de Packman et Attanasio attribue cela aux exigences motrices que la complexité de la tâche place sur le système instable de production orale. D’après Kleinow & Smith (2000), la complexité linguistique rend les mouvements du langage oral instables, et ces auteurs concluent en faisant l’hypothèse que « la complexité linguistique est un facteur qui contribue aux dérapages de la stabilité motrice du langage oral caractéristique du bégaiement » (Kleinow & Smith, 2000, p. 548, notre traduction). Donc dans le modèle de Packman et Attanasio, la complexité linguistique, comme la variation d’accentuation syllabique, est un facteur inhérent au langage oral normal qui active le bégaiement chez des locuteurs dont le traitement neural du langage oral est compromis par une transmission inefficace des fibres blanches de connexion. nfance n◦ 3/2013 211 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus La cause du bégaiement de l’enfant 212 Ann PACKMAN La question se pose alors de la relation entre la production d’accentuation syllabique variable et la complexité linguistique. Il se pourrait qu’une complexité linguistique accrue implique une variabilité accrue dans l’accentuation contrastée des syllabes. C’est une question empirique pour laquelle des réponses sont en attente. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus Dans le modèle de Packman et Attanasio, le mécanisme générateur est modulé par des facteurs intrinsèques. Le principal est l’état de stimulation physiologique (arousal). Selon le modèle, le niveau de stimulation physiologique d’un individu peut changer le seuil à partir duquel l’épisode de bégaiement est engendré. Ici, la stimulation physiologique se réfère à la préparation du corps à réagir à des stimuli internes ou externes perturbants. L’état de stimulation peut augmenter avec l’excitation émotionnelle, l’anticipation ou la peur. Ainsi on a montré que la sévérité du bégaiement peut varier en fonction du contexte de communication (Ingham, 1984). Cependant il est peu probable qu’il y ait une relation linéaire directe entre l’état de stimulation physiologique et la sévérité du bégaiement au niveau individuel. Par exemple, si une personne utilise une technique stimulant la fluidité verbale, tel que la production prolongée, une augmentation de l’état de stimulation physiologique peut avoir pour conséquence qu’elle va y faire plus attention, et donc augmenter son contrôle sur le bégaiement. C’est une autre question empirique soulevée par le modèle. On a aussi montré que la disponibilité des ressources cognitives durant la communication a un effet sur le bégaiement (cf. Metten et al., 2011). Metten et collègues. (2011) ont trouvé que le bégaiement augmente quand une tâche linguistique concurrente détourne du verbal les ressources cognitives. Il est intéressant de noter que la double tâche a affecté également la production orale des participants normalement fluides du groupe contrôle, qui ont eu beaucoup plus de disfluences dans cette condition. Selon notre modèle, donc, des tâches doubles ou multiples impliquant de partager les ressources avec le langage verbal peuvent abaisser le seuil à partir duquel le bégaiement est engendré. Les facteurs modulants seront susceptibles d’être influencés, entre autres, par des expériences individuelles comme les moqueries durant l’enfance, l’anxiété, la peur d’une évaluation négative et la sévérité du bégaiement, toutes choses susceptibles en retour d’être influencées en retour par des différences individuelles de réactivité émotionnelle (Walden, Frankel, Buhr, Johnson, Conture, & Karrass, 2012) et de résilience (Craig, Blumgart, & Tran, 2011). Les stresseurs environnementaux sont considérés comme importants dans notre modèle, tout comme elles le sont dans le modèle des Exigences et capacités. Mais dans le modèle de Packman et Attanasio, ce sont les perceptions des stresseurs environnementaux potentiels par l’individu, et ses réactions à ces stresseurs qui sont importants en déterminant le seuil auquel le bégaiement est engendré. Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus Facteurs modulants 213 La cause du bégaiement de l’enfant DÉCLENCHEURS Caractères du langage oral augmentant les exigences de la tâche motrice Au-dessus du seuil MOMENT DE BÉGAIEMENT Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus SYSTÈME MOTEUR DU LANGAGE ORAL INSTABLE Figure 1. Conditions nécessaires et suffisantes pour la survenue d’un épisode de bégaiement (Facteurs 1 and 2), quand le générateur dépasse le seuil de tolérance de l’individu (Facteur 3) DISCUSSION Le modèle de Packman et Attanasio présente la causalité du bégaiement de façon quelque peu linéaire ce qui bien entendu sursimplifie quelque peu la question. Voir le bégaiement à travers les jumelles de la complexité (dynamique non-linéaire) procure une vue plus holistique du trouble (cf. Packman & Kuhn, 2009). Cette perspective n’est pas un modèle causal mais plutôt un cadre permettant de comprendre la complexité du bégaiement. L’analyse complexe non-linéaire place le bégaiement dans le cadre le plus large possible. La condition initiale, un déficit de traitement neural, peut conduire à une auto-réorganisation des autres systèmes dynamiques qui lui sont liés, qui en influencent d’autres à leur tour. Plus spécifiquement, cela peut conduire à des changements dans l’esprit et dans le corps qui à leur tour affectent et sont affectés par le contexte dans nfance n◦ 3/2013 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus Ainsi les facteurs modulants peuvent être considérés comme une contribution majeure à la variabilité du bégaiement chez un individu selon les contextes de communication. Pour résumer le modèle de Packman et Attanasio, les personnes qui bégaient ont un système verbal instable et un épisode de bégaiement est engendré quand les caractéristiques du langage verbal augmentent les exigences motrices sur ce système au-delà du seuil de tolérance. de l’individu. Ces éléments forment ensemble les conditions nécessaires et suffisantes pour que survienne un épisode de bégaiement. Cette explication est présentée dans la Figure 1. Les différences interindividuelles dans la sévérité du bégaiement peuvent être attribuées à des différences dans l’importance du déficit de traitement neural, tandis que la variabilité intraindividuelle du bégaiement selon les contextes de communication peut être attribuée à l’empan et au pouvoir des facteurs modulants chez les individus. 214 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 109.128.43.92 - 23/02/2019 17h28. © NecPlus lequel la communication survient, incluant la situation, l’objectif de l’interaction, le partenaire de la communication, et ainsi de suite. Les attitudes de la société vis-à-vis du bégaiement sont importantes aussi. Le modèle de Packman et Attanasio tente d’expliquer de façon compréhensive pourquoi les épisodes de bégaiement apparaissent et peut expliquer le bégaiement non seulement chez les jeunes enfants mais aussi tout au long de la vie. Ce modèle est multifactorial et peut être considéré comme décrivant les exigences et les capacités sous-tendant le bégaiement comme le fait précisément le modèle des Exigences et Capacités. La différence est que, tout en concevant le déficit de traitement neural comme une condition nécessaire, notre modèle ne la considère pas comme une condition suffisante pour bégayer. Ce déficit, associé à certains générateurs peut causer un épisode de bégaiement, à condition de prendre en compte les facteurs modulants. Ces modulateurs, qui pourraient être différents d’un individu à l’autre, sont mesurables et donc appréhendables pour la recherche. Pourvu d’un considérable pouvoir explicatif, le modèle de Packman et Attanasio offre aussi un cadre pour explorer jusqu’à quel point les traitements variés du bégaiement prennent en compte sa cause (cf. Packman, 2012). Le modèle de Packman et Attanasio est à ce jour le seul modèle multifactoriel à offrir une explication compréhensive de la cause du bégaiement et dans lequel les facteurs sont opérationalisés. Mais un modèle est simplement une proposition stimulant la manière dont les choses marchent. Au fur et à mesure qu’il sera alimenté par des recherches extensives, il sera modifié ou même rejeté à la lumière de résultats qui le contrediraient. De tels résultats pourraient être par exemple que les déficits du traitement neural ne sont pas présents avant le début du bégaiement. Un rôle important de la construction de modèles théoriques dans l’étude du bégaiement est d’ouvrir la discussion et de susciter de nouvelles lignes de recherche (Packman & Attanasio, 2004). Nous espérons que ce sera le cas du modèle de Packman et Attanasio. RÉFÉRENCES Bloodstein, O., & Bernstein Ratner, N. (2008). A handbook of stuttering (6th Ed.). Clifton Park, NY: Delmar. Chang, S.-E., Erickson, K. I., Ambrose, N. 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