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RapturousButtercup

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Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Jonathan Layn

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public finance government finance economics political science

Summary

This document is a detailed course on Public Finance, specifically from a course at the Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. It covers the evolution of definitions, the role of public institutions, types of public organizations, and legal framework. The text examines the intricacies of public finance through various lenses, covering aspects like budgeting, operations, control mechanisms, and the differences between public and private finance.

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lOMoARcPSD|36365031 Cours détaillé de Finance Publique Finances publiques (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) Scanne pour ouvrir sur Studocu Studocu n'est pas sponsorisé ou supporté par une université ou un lycée Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES...

lOMoARcPSD|36365031 Cours détaillé de Finance Publique Finances publiques (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) Scanne pour ouvrir sur Studocu Studocu n'est pas sponsorisé ou supporté par une université ou un lycée Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES PREMIERE PARTIE : LES FINANCES DE L'ETAT 1. Introduction générale La notion de finances publiques a longtemps désigné les opérations financières de l'Etat, mais c'est aujourd'hui inadapté car depuis un siècle on a assisté en France à un démembrement de l'Etat en des organismes privés plus ou moins dépendants de la puissance publique, et à un mouvement de décentralisation technique et fonctionnelle sans précédent. Dans ce contexte définir les finances publiques est devenu particulièrement délicat. On peut être tenté de s'en tenir à la définition traditionnelle au prix de quelques aménagements et proposer que les finances publiques désignent les opérations financières des personnes publiques. Une telle approche a le mérite de reposer sur un critère simple, le caractère public des organismes, mais elle apparaît en contradiction avec le droit positif car selon le Conseil constitutionnel les finances des organismes de sécurité sociale appartiennent elles aussi aux finances publiques, or nombre de ces organismes de sécurité sociale sont des organismes privés. Plus précisément le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision du 20/01/1961 que la notion de charges publiques employée par la Constitution devait être entendu comme englobant, outre les charges de l'Etat, celles des divers régimes d'assistance et de sécurité sociale. De surcroît limiter les finances publiques aux finances des seuls organismes publics apparaît trop restrictif, une telle définition laisse par exemple de côté les organismes privés qui bénéficient de concours financiers de personnes publiques et qui sont soumis de ce fait à des obligations et à des contrôles particuliers. On peut alors chercher à dépasser cette première approche trop étroite en considérant que les finances publiques désignent plus largement les finances des administrations publiques. La notion d'administration publique a été développée dans divers systèmes de comptabilité économique, elle est bien utile car elle recouvre l'ensemble des institutions dont la principale activité économique est de réaliser des opération de redistribution ou bien d'offrir des services non marchands. Elle permet donc d'appréhender une bonne part des réalités contemporaines mais cette notion laisse cependant de côté les organismes publics lorsque leurs activités principales consistent à offrir des services marchands. Elle semble donc relativement restrictive. Compte tenu de ces différents écueils une solution plus adaptée consiste à considérer que les finances publiques sont celles des organismes qui appartiennent au secteur public. En effet, la notion de secteur public est commode dans ce qu'elle renvoie à un vaste ensemble d'organismes et, dans son sens le plus large, elle peut se définir comme l'ensemble des institutions rattachées d'une manière ou d'une autre aux collectivités publiques et cela sans distinction de statut ou de fonction. Les finances publiques seraient alors celles d'un ensemble comprenant aussi bien les collectivités publiques que certains organismes privés, qu'ils exercent des activités administratives ou industrielles et commerciales. Mais à nouveau cette définition du périmètre des finances publiques ne repose pas sur un critère très satisfaisant, car la notion de secteur public est assez floue. Que désigne en effet exactement ce rattachement d'une manière ou d'une autre aux collectivités publiques, élément qui est censé être commun à tous les organismes qui composent le secteur public ? C'est une question à laquelle on ne trouve pas véritablement de réponse, et c'est donc finalement vers une autre définition des finances publiques qu'il faut se tourner, définition qui ne présente pas le défaut d'être trop restrictive et qui ne repose pas pour autant non plus sur un critère imprécis. Selon cette approche, les finances publiques désignent les opérations financières des organismes soumis au contrôle des juridictions financières. Si l'on considère que la qualité de juridictions financières doit être réservée à celles que la loi qualifie comme telle, on peut dire que les finances publiques sont les finances des organismes qui relèvent d'une chambre régionale des comptes ou de la Cour des comptes ainsi que des organismes qui relèvent de la Cour de discipline financière et budgétaire. Le domaine des finances publiques s'étend ainsi aux organismes publics comme aux organismes privés bénéficiant de concours financiers publics mais ce domaine s'étend également à ces organismes qui sont chargés de gérer un régime de sécurité sociale, ou aux entreprises publiques et à leurs filiales, ou encore aux organismes qui font appel à la générosité publique. L'étude des finances publiques relève par nature de plusieurs disciplines, il faut dire que les opérations financières publiques au sens large du terme intéressent aussi bien le politologue que l'économiste, l'historien ou le juriste. Pour ce dernier, l'étude des finances publiques est principalement l'étude du droit public financier, c'est-à-dire l'étude du régime juridique des opérations financières des organismes qu'on a défini. Il convient de préciser davantage ce qu'il faut entendre par droit public financier. Au-delà des organismes auxquels il s'applique, le droit public financier se définit d'abord par les opérations qu'il régit. Il regroupe ainsi d'une part les règles qui régissent l'élaboration, le contenu et la présentation du budget des organismes en question, c'est-à-dire un ensemble de règles de droit budgétaire, et d'autre part le droit public financier correspond aux règles qui régissent l'exécution des opérations financières. Ce sont des règles qui définissent la procédure d'exécution de ces opérations et qui déterminent les autorités et agents compétents pour les accomplir. Ce sont également les règles qui définissent les contrôles pesant 1 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES sur ces opérations et les régimes de responsabilité auxquels s'exposent les agents qui les accomplissent. Le droit public financier, au-delà des opérations qu'il a pour objet, se définit aussi par les sources formelles des règles qui le composent. A cet égard, il ne présente guère d’originalité. Ces règles de droit public financier peuvent résulter aussi bien de la Constitution que des traités internationaux, de la loi, du règlement ou de la jurisprudence. Comme dans les autres domaines du droit, le principe de la hiérarchie des normes prévaut, toutes ces normes s’enchaînent, les plus élevées, à commencer par la Constitution, s’imposant aux normes de rang inférieur. En définitive, le droit public financier peut être défini comme l’ensemble des règles exorbitantes du droit commun issues des sources de droit les plus diverses qui régissent l’élaboration, la présentation et le contenu du budget et l’exécution des opérations de recettes et de dépenses des organismes soumis au contrôle des juridictions financières. Le droit public financier ainsi défini ne constitue pas à lui seul une branche du droit. Il s’agit au contraire d’un carrefour, d’un point de rencontre entre différentes branches du droit, bref d’un droit composite. Il recouvre en particulier une partie du droit constitutionnel et une partie du droit administratif. Ce droit public financier présente des spécificités qui concernent aussi bien le contenu que la portée des budgets, l’organisation des services financiers ou les procédures d’exécution des opérations de recette et de dépense ou encore les mécanismes de responsabilité et de contrôle institué. Ces différences entre le régime juridique des finances publiques et celui des finances privées se justifient fondamentalement par le fait que les opérations sur les finances publiques ont d’abord pour finalité l’intérêt général et non la satisfaction d’intérêts particuliers. Le profit ou la valorisation du capital ou du patrimoine sont le plus souvent extérieurs au but poursuivi. Naturellement, il arrive parfois que l’on recherche le profit et la rentabilité, comme c’est le cas pour les entreprises publiques, mais alors il s’agit de poursuivre des intérêts multiples. A la logique du profit s’ajoute celle du service public ou de l’intérêt public et pour ces raisons, la césure entre le régime juridique des finances publiques et celui des finances privées est réelle. On observera néanmoins que cette césure n’est pas aussi nette qu'il semblerait a priori. En effet, certaines opérations des organismes appartenant au domaine des finances publiques échappent parfois à ces règles particulières et, à l’inverse, l’activité des organismes étrangers aux finances publiques obéit parfois à des règles qui sont en substance identiques à celles du droit public financier. L’étude des finances publiques exige parfois que l’on sollicite les autres disciplines qui s’intéressent aux opérations financières considérées. Comme nous le verrons, lorsque l’on veut saisir les enjeux des finances publiques, des détours du côté de l’économie mais aussi de l’histoire et de la sociologie peuvent se révéler très utiles. Néanmoins, le cœur de cette matière en tant que discipline juridique est l’étude du droit public financier. Cette étude réserve la plus large place aux règles applicables à l’État. Cette prépondérance des développements consacrés aux finances de l’État se justifie par son rôle éminent dans le système politico-administratif français et aussi par l’importance consécutive des opérations financières de celui-ci. Pour ne citer que quelques chiffres, il faut savoir que les prélèvements obligatoires au profit de l’État dépassent aujourd’hui les 270 milliards d’euros soit plus de 16 % du PIB français. Les dépenses de l’État atteignent aujourd’hui plus de 375 milliards d’euros. Ces données rendent bien compte du rôle déterminant qui est désormais reconnu à l’État. Il ne s’agit plus pour lui d’assurer des fonctions régaliennes réduites à la sécurité intérieure, extérieure et à la diplomatie. Depuis plus d’un demi-siècle, il lui appartient également de prendre en charge d’autres besoins dans l’intérêt général comme la santé ou l’éducation. Par ailleurs, il n’est plus regardé comme un agent économiquement neutre ou tenu à une telle neutralité mais consacre aussi ses interventions à la conduite de politiques économiques destinées à stimuler ou à soutenir la croissance économique et la création d’emploi. En particulier le soutien de l’initiative privée en matière économique représente aujourd’hui une part importante de ces politiques. Ces différents éléments justifient pleinement que l’étude des finances publiques réserve une place importante aux finances de l’État. Le contexte actuel apporte une raison supplémentaire de se consacrer largement à celles-ci. En effet, le régime juridique des finances de l'État vient de faire l'objet d'une grande réforme. L’ordonnance du 2/01/1959 portant loi organique relative aux lois de finances qui fut la principale source du droit budgétaire de l’État pendant presque 50 ans a été remplacée par un nouveau texte. Il s’agit de la loi organique relative aux lois de finances du 1/08/2001 qui est généralement désigné comme la LOLF. Ce texte est devenu intégralement applicable pour la première fois en 2005. En effet, l’entrée en vigueur de la nouvelle loi organique a été étalée sur une période qui a débuté en 01/2002 et qui s’est achevée avec l’entrée en vigueur de toutes les dispositions le 1/01/2005. Nombre des règles qu’édicte la LOLF n’ont trouvé à s’appliquer effectivement qu’à partir de l’élaboration de la loi de finance pour 2006, c’est-à-dire fin 2005. D’autres dispositions ne trouvent à s’appliquer qu’à partir du 1/01/2006, ce sont les dispositions relatives à l’exécution de la loi de finance. Le nouveau texte apporte de réelles modifications au régime des finances de l’Etat et il pourrait avoir à terme des répercussions sur l’ensemble du droit public financier. Pour mesurer l’ampleur des réformes opérées par ce texte, on s’efforcera, dans le cadre de ce cours, de rapprocher les anciennes exigences issues de l’ordonnance organique de 1959 et les nouvelles prévues par la loi organique de 2001. 2 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES 2. Présentation de la loi de finances Avec la Vème République, la loi de finances est devenue l’acte juridique central des finances de l’État et la notion juridique prédominante du droit des finances de l’État au détriment de celle de budget. La notion de budget désigne traditionnellement un acte de prévision et d’autorisation des recettes et des dépenses. Il s’agit d’abord d’un document financier et comptable qui évalue à l’avance la nature et le montant des dépenses à effectuer ainsi que l’importance des recettes qui pourront être recouvrées. Il est établi pour l’exercice à venir et doit donc déterminer de façon très précise la nature et le montant des dépenses à effectuer et l’importance des recettes qui permettront de les financer. En cela, il ne se distingue pas fondamentalement des comptes prévisionnels des organismes privés. Le budget est aussi un acte d’autorisation, plus précisément il s’agit de l’acte par lequel est donnée l’autorisation d’effectuer les dépenses et de percevoir les recettes destinées à leur financement. Dans le régime français, cette autorisation est donnée par le Parlement au gouvernement. Elle découle du caractère démocratique du régime et du principe de consentement à l’impôt affirmé par la DDHC de 1789. Cette définition du budget ressortait du décret du 31/05/1862 portant règlement général sur la comptabilité publique. En effet, ce texte définissait le budget comme l’acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de l’État et des autres services que les lois assujettissent aux même règles. Plus récemment, le décret du 29/12/1962 qui a succédé au précédent reprend cette définition. Selon son article 4 : « Le budget est l’acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses des organismes publics ». Si cette signification du mot budget est encore courante, c’est aujourd’hui souvent par facilité de langage. Il est vrai que cette définition du budget prévaut toujours pour ce qui concerne le droit des finances des collectivités locales ou des autres organismes publics secondaires, en revanche, s’agissant des finances de l’État, le terme revêt désormais une acception bien plus limitée. En effet, la Constitution de 1958 et l’ordonnance du 2/01/1959 ont opéré une rupture que la LOLF ne remet pas en cause. On observe ainsi un réel déclassement de la notion de budget. D’une part, le mot lui-même a disparu du texte de la Constitution dont les dispositions consacrées aux finances se réfèrent désormais à une autre notion, celle de loi de finances (l'article 34 prévoit ainsi que les lois de finance déterminent les ressources et les charges de l’État dans des conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, et selon l’article 47 le Parlement vote les projets de loi de finance dans des conditions prévues par une loi organique). D’autre part, ainsi que ses dispositions de 1958 l’y conduisaient, l’ordonnance du 2/01/1959 portant loi organique relative aux lois de finance privilégiait la notion de loi de finances à celle de budget. Elle s’y référait dès son titre 1er et son article 1er, tandis que la notion de budget était reléguée à l’article 16. Dans la LOLF, ce déclassement de la notion de budget est à peine moindre, la notion de budget n’apparaît en effet qu’à l’article 6 c'est-à-dire bien après celle de loi de finances. Elle est ensuite présente dans quelques articles seulement notamment les articles 28, 34, 37, 39 ou 46 et, dans le texte de 1959 comme dans la loi organique de 2001, la place de la notion de budget est donc bien accessoire par rapport à celle de loi de finances qui est quant à elle omniprésente. Ce recul formel de la notion de budget depuis près de 50 ans accompagne un autre mouvement qui lui est parallèle, il s'agit cette fois du recul du budget en tant qu’acte juridique. L’ordonnance de 1959 ainsi que la LOLF retiennent une définition du budget qui apparaît particulièrement restrictive au regard de celle qui prévalait jusque là. Elle se limite en effet à son acception comptable et à sa fonction descriptive. Ainsi, selon l’ordonnance de 1959, le budget était constitué par l’ensemble des comptes décrivant pour une année civile toutes les ressources et toutes les charges permanentes de l’État. Le budget désignait donc simplement un ensemble de comptes prévisionnels qui présentait de façon détaillée les ressources et les charges de l’État. Quant à l’autorisation, elle relevait exclusivement des lois de finances. De son côté, la LOLF ne remet pas en question la conception du budget retenue depuis 1959. D’après l’article 6, le budget retrace les ressources et les charges budgétaires de l’Etat et il décrit pour une année l’ensemble des dépenses et des recettes budgétaires de l’Etat. Le budget reste donc conçu comme un document comptable cantonné dans une fonction descriptive. Il n’y a pas ici de fonction d’autorisation. Parallèlement, la loi de finances demeure l’acte qui prévoit et autorise les dépenses et recettes de l’Etat. Pour illustrer le recul du budget en tant qu'acte juridique, on peut encore ajouter que le contenu du budget et celui de la loi de finances coïncide très largement. En effet, ce que l'ordonnance de 1959 désignait comme le budget correspondait essentiellement à la partie comptable de la loi de finances et figurait dans ce que l'on nommait l'article d'équilibre de la loi de finances ainsi que dans les états législatifs annexés qui décrivaient de façon plus détaillée les ressources et les charges de l'État. La LOLF ne remet pas en question ces observations, elle les reprend à son compte. En d'autres termes, on peut toujours constater aujourd'hui que le contenu du budget et celui de la loi de finances coïncide très largement. C'est ce qui permet de dire, comme le disait le professeur Loïc Philippe sous le régime de la loi organique de 1959, que le budget désignait simplement la partie descriptive et comptable des lois de finances. Dans le même sens le professeur Joël Molinier considère que loi de finances et budget ne sont que les 2 expressions 3 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES l’une active (loi de finances) et l’autre passive (budget) d’une même réalité. La notion de budget apparaît désormais sans grande portée pratique. L’intérêt d’une définition du budget de l’État s’apprécie surtout en considération des opérations qui, sans être ignorées par la loi de finances, se situent en dehors du budget. En définitive, il apparaît que depuis 1959, la loi de finances est devenue l’acte juridique central des finances de l’État et la notion dominante dans ce domaine. Les modifications apportées par la LOLF confirment d’ailleurs cette orientation. a. Les différentes catégories de lois de finances La LOLF à la suite de l'ordonnance de 1959 distingue trois catégories principales de loi de finances. Ordinairement, le cycle budgétaire débute ainsi par la loi de finances de l’année. Il se poursuit avec les lois de finances rectificatives et s’achève par une loi de règlement. A ces différentes sortes de lois de finances s’ajoute une catégorie particulière, il s’agit de certaines lois spéciales qui permettent d’assurer la continuité de la vie nationale en cas de circonstances exceptionnelles. 1) La loi de finances de l'année C’est la loi de finances la plus connue de l’opinion publique. La discussion du projet de loi de finances de l'année au Parlement revient chaque année à l’automne. En application de l’article 47 de la Constitution, la loi doit être adoptée avant le début de l’année suivante. La loi de finances de l’année ou loi de finances initiale est aussi et surtout la loi de finances la plus importante. En effet, selon l’article 2 de l’ordonnance de 1959 puis les articles 1er et 34 de la LOLF cette loi de finances prévoit et autorise pour chaque année civile l’ensemble des ressources et des charges de l’État. C’est dans cette loi de finance que l’on trouve les principales modifications apportées chaque année à la législation fiscale et les autorisations de dépenses accordées pour l’année à venir. 2) Les lois de finances rectificatives La loi de finances de l’année doit pouvoir être ajustée et corrigée en cours d’année. Tel est l’objet des lois de finances rectificatives qui sont définies par l'article 35 de la LOLF. Ce texte n'exige pas le vote d'au moins une loi de finances rectificatives chaque année, cependant la pratique démontre que sauf exception, comme par exemple en 1967, il y en a au moins une par an, généralement adoptée en fin d'exercice. Certaines années on a même dénombré jusqu’à 4 lois de finances rectificatives. Ce fut le cas en 1969, en 1975 et en 1981. On peut distinguer trois sortes de raisons qui peuvent justifier le recours à ce type de loi de finances :  Des raisons d’ordre juridique : il s’agit de régulariser la situation dans laquelle l’exécutif face à un cas d’urgence a décidé d'ouvrir des crédits en cours d'année par le moyen de décrets d'avances. Dans cette situation, des dépenses ont été autorisées qui n’avaient pas été consenties par le Parlement lors du vote de la loi de finances initiales et la loi de finances rectificative intervient donc logiquement afin de ratifier ces ouvertures de crédit.  Des raisons d’ordre économique : en cas de réels changements de conjoncture économique, les prévisions initiales doivent être modifiées et on doit en tirer les conclusions par l'intermédiaire de loi de finances rectificatives. Par exemple, une croissance moins élevée que celle qui était prévue et qui avait servi de base aux prévisions de recette va nécessiter que l’on révise à la baisse ces prévisions. Le changement de conjoncture peut déterminer plus largement une adaptation de la politique suivie et donc une modification de l’équilibre d’ensemble de la loi de finances. C’est ainsi que les trois premières lois de finances rectificatives de 1975 ont procédé à des ajustements qui visaient à lutter contre les effets de la crise pétrolière en assurant une relance de l’économie.  Des raisons d’ordre politique :  En cas d’alternance politique en cours d’année, la nouvelle majorité adopte généralement une loi de finances rectificative qui modifie les dispositions adoptées par l’ancienne majorité et qui étaient l'expression de sa politique. L’objet principal d’une telle loi de finances est de modifier plus ou moins profondément la politique suivie. C’est ainsi qu’en 1986, la loi de finances rectificative avait été présentée comme un élément essentiel de la politique économique du nouveau gouvernement. En raison du calendrier électoral, ces lois de finances rectificatives adoptées pour des motifs d’alternance politique sont généralement appelées collectif de printemps (les lois de finances rectificatives sont fréquemment qualifiées de collectif budgétaire, expression qui est ancienne, et donc on a retenu traditionnellement cette appellation en considérant que la loi de finances rectificative collectait les mesures d'adaptation nécessaire au cours de l'exercice). 4 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES  Il peut arriver que les lois de finances rectificatives soient employées comme un moyen d’augmenter assez discrètement en cours d’exercice le montant des crédits initiaux. Dans un premier temps, au moment de l’élaboration de la loi de finances de l’année, certains crédits vont être délibérément sousévalués afin de minorer l’ampleur apparente du déficit budgétaire. Puis en cours d’année, une loi de finances rectificative interviendra dont l’examen sera à la fois plus rapide et moins visible que celui de la loi de finances initiale et qui permettra d’augmenter, en cours d’année, les dépenses autorisées. 3) La loi de règlement La loi de règlement se distingue nettement des précédentes lois de finances. En effet, la loi de règlement n’est pas une loi de prévision mais une loi de constatation, d’ajustement et de contrôle qui intervient après la clôture de l’exercice. Elle est théoriquement importante dans la mesure où elle permet d’apprécier la réalité de l’exécution des lois d’autorisations et de mesurer l’écart entre ce qui avait été prévu et autorisé et ce qui a été réellement effectué. L’article 2 de l’ordonnance du 2/01/1959 prévoyait ainsi que la loi de règlement constate les résultats financiers de chaque année civile et approuve les différences entre les résultats et les prévisions de la loi de finances de l’année complétée, le cas échéant, par ses lois rectificatives. L'article 37 de la LOLF définit de façon précise l'objet de la loi de règlement et, en particulier d'après cette disposition la loi de règlement :  Arrête le montant définitif des dépenses et des recettes du budget auquel elle se rapporte ainsi que le résultat budgétaire qui en découle  Arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie qui ont concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'année  Approuve le compte de résultats de l'exercice et affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice sachant qu’elle est également chargée d'approuver le bilan  Ratifie les modifications apportées par décret d'avances aux crédits c'est-à-dire aux autorisations de dépenses ouvertes par la dernière loi de finances afférentes à cette année La loi de règlement comporte donc deux séries de dispositions :  Celles qui constatent le résultat des opérations qui sont intervenues pour l’exécution du budget car la loi de règlement vise à constater le résultat de chaque année civile  Des autorisations données a posteriori car la loi de règlement intervient aussi pour approuver les différences entre les résultats d’exécution tels qu’ils apparaissent en réalité et les prévisions telles qu’elles étaient contenues dans la loi de finances de l’année et modifiées par les lois de finances rectificatives Ce type de loi de finances offre donc au Parlement l’occasion de comparer les opérations définitivement exécutées avec les prévisions et autorisations antérieurement votées. Elle permet de constater les résultats mais aussi de ratifier ou de refuser la ratification des opérations effectivement réalisées. En dépit de cet objet qui devrait faire de la loi de règlement un outil essentiel du contrôle du Parlement sur l'exécution budgétaire, ce type de loi est longtemps resté privé de véritables réalités pratiques. Toutefois, la LOLF s'est fixée notamment pour ambition de renforcer le rôle de ce type de loi de finances. 4) Les lois spéciales L'article 1er de la LOLF qualifie de loi de finances les lois prévues à l'article 45. Cet article 45 définit trois sortes de loi de finances dont la particularité est qu'elles doivent permettre d'assurer la continuité de la vie nationale en cas de circonstances exceptionnelles :  La loi partielle comportant la première partie de la loi de finances et qui est adoptée avant le 11 décembre de l'année qui précède l'exécution du budget. Cette loi peut intervenir lorsque le projet de loi de finances n'a pas été déposé en temps utile pour que la loi de finances puisse être promulguée avant le début de l'exercice.  La loi spéciale adoptée avant le 19 décembre de l'année qui précède celle de l'exécution du budget et qui autorise le gouvernement à continuer à percevoir des impôts existants et cela jusqu'au vote de la loi de finances de l'année. Cette deuxième loi de finances spéciales peut intervenir lorsque le projet de loi de finances n'a pas été déposé en temps utile pour pouvoir être promulgué avant le début de l'exercice. Elle est donc fort utile.  La loi adoptée avant le début de l'exercice et qui autorise le gouvernement à continuer de percevoir les impôts existants jusqu'au vote de la loi de finances de l'année. Cette troisième loi peut intervenir lorsque le projet de loi de finances n'a pas été adopté, lorsque la loi n'a pas été adoptée définitivement avant la fin de l'exercice en cours. 5 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES L'ordonnance de 1959 ne connaissait pas toutes ces lois et ne les qualifiait pas de loi de finances. Sous le régime du texte de 1959, il a fallu attendre la crise budgétaire de décembre 1979 pour que l'existence de telles lois de finances soit reconnue. Le projet de loi de finances pour 1980 avait bien été examiné et adopté par le Parlement dans les délais prévus par la Constitution. Cependant, le Conseil constitutionnel avait déclaré la loi de finances inconstitutionnelle par une décision du 24/12/1979 et la loi n’avait donc pas pu être promulguée et elle ne pouvait pas être mise en application. Or il n’était pas possible de revoter la loi de finance pour 1980 en l’espace d’une semaine seulement. Il fallait pourtant assurer le fonctionnement des services publics et la continuité de la vie nationale. Dans cette situation exceptionnelle, le gouvernement a décidé de convoquer le Parlement en session extraordinaire et lui a demandé, en l’absence de tout texte le prévoyant, de voter une loi spéciale qui l’autoriserait à percevoir en 1980 les impôts et taxes existants en attendant le vote de la loi de finances de l’année. Cette loi fut votée par le Parlement et déferrée devant le Conseil constitutionnel qui dû se prononcer sur le type de cette loi et, surtout, sur sa constitutionnalité. Dans sa décision du 30/12/1979, le Conseil constitutionnel a d’abord admis la régularité de la procédure suivie mais il a aussi et surtout affirmé que même si elle n’était pas mentionnée à l’article 2 de l’ordonnance du 2/01/1959, cette loi, tout comme les lois expressément prévues par l'ordonnance, devait être considéré comme une loi de finances au sens de l’article 47 de la Constitution. C'est une solution qui a démontré que, pour le Conseil constitutionnel, la définition des lois de finances ne se limitait pas à celles qui était expressément énoncées et détaillées par la Constitution. En outre, c'est une décision qui a montré que pour qualifier une loi de loi de finances le Conseil constitutionnel se référait au contenu de la loi. A partir de là le Conseil constitutionnel a identifié en plus des catégories principales (la loi de finances de l’année, la loi de finances rectificative et la loi de règlement), trois sortes de lois qui avaient le caractère de loi de finances. Ce sont ces trois sortes de loi que la LOLF a pris soin de définir expressément comme lois de finances dans son article 45. Sur ce terrain, la LOLF a tiré toutes les conclusions de la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant les catégories de loi de finances. b. Le domaine de la loi de finances : définition matérielle de la loi de finances Les lois de finances, élément central des finances de l’État, constituent une catégorie de lois particulière. Leur spécificité tient en grande partie à leur définition matérielle, c’est-à-dire à leur contenu. Le périmètre des lois de finances fait ainsi l’objet d’une délimitation qui d’une part les protège contre les incursions d’autres sortes de textes dans le domaine qui leur est réservé et d’autre part évite que les lois de finances s’égarent dans des domaines qui leur sont étrangers. 1) Le domaine exclusif des lois de finances Les dispositions qui ne peuvent figurer que dans les lois de finances recouvrent deux catégories :  Les dispositions qui ne peuvent figurer que dans une loi de finance et que ce type de loi doit nécessairement comprendre (domaine exclusif obligatoire) définies par l'article 34 §3 de la LOLF :  L’autorisation pour l'année de la perception des ressources de l'État et des impositions de toutes natures affectées à des personnes morales autres que l'État  L'évaluation de chacune des recettes budgétaires  La fixation des plafonds de dépenses du budget général et de chaque budget annexe  La fixation du plafond des charges de chaque catégorie de comptes spéciaux, ainsi que du plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État  Les dispositions qui arrêtent les données générales de l'équilibre budgétaire présentées dans un tableau d’équilibre  Les autorisations relatives aux emprunts et à la trésorerie de l'État  L'évaluation des ressources et des charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l'équilibre financier présentées dans un tableau de financement  Les dispositions qui ne peuvent figurer que dans les lois de finances mais que les lois de finances ne sont pas tenues de comprendre (domaine exclusif facultatif) définies par l'article 34 §1 et §2 de la LOLF (sauf l'alinéa 7) :  Des dispositions relatives aux ressources de l'État qui affectent l'équilibre budgétaire  Des dispositions relatives aux affectations de recettes au sein du budget de l'État  Des dispositions qui procèdent à l'évaluation des prélèvements sur recettes de l'État  De la fixation du plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État d'une durée supérieure à un an 6 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES  De la fixation du montant du plafond de certains reports prévus par l'article 15 de la LOLF  De l'autorisation de l'octroi de garanties de l'État et de la fixation de ses régimes  De l'autorisation de l'État à prendre en charge les dettes de tiers, à constituer tout autre engagement correspondant à la reconnaissance unilatérale de dettes et à la fixation du régime des dépenses de cet engagement L’article 36 de la LOLF vient encore étendre ce domaine exclusif et facultatif de loi de finances. Il précise en effet que l’affectation totale ou partielle à une autre personne morale d’une ressource établie au profit de l’État ne peut résulter que d’une disposition de loi de finances. 2) Le domaine partagé entre les lois de finances et les lois ordinaires D’autres dispositions ne relèvent pas du domaine exclusif d’une loi de finances mais peuvent tout aussi bien figurer dans une loi de finances que dans une loi ordinaire. C'est le domaine partagé des lois de finances. Ce domaine partagé est défini par l'article 34 §2 alinéa 7 de la LOLF :  Les dispositions fiscales relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures qui n'affectent pas l'équilibre budgétaire. L'ordonnance de 1959 prévoyait déjà que les lois de finances pouvaient contenir toutes dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. Le Conseil constitutionnel en avait conclu en 1984 que les dispositions fiscales ne sont pas au nombre de celles qui sont réservées à la compétence exclusive des lois de finances et qu’elles peuvent figurer soit dans une loi ordinaire, soit dans une loi de finances (décision du 4 juin 1984).  L'approbation des conventions financières  Les dispositions relatives à l'information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques  Les dispositions relatives à la comptabilité de l'État et au régime de la responsabilité pécuniaire des agents du service public Cette délimitation du domaine exclusif et du domaine partagé concerne expressément la loi de finances de l'année. En ce qui concerne la loi de finances rectificative, une délimitation comparable est prévue par l'article 35 de la LOLF suivant les mêmes critères que ceux utilisés par l'article 34 pour la loi de finances de l'année. 3) Les autres dispositions Les dispositions qui ne relèvent ni du domaine exclusif ni du domaine partagé des lois de finances ne peuvent absolument pas figurer dans une loi de finances. Lorsque ces dispositions étrangères à l'objet de loi de finances sont introduites dans de telles lois, on parle de cavalier budgétaire. Ces dispositions sont souvent introduites pour être adoptées plus rapidement, on tente de leur faire bénéficier des stricts délais d’adoption des lois de finances et celles-ci apparaissent alors effectivement comme la monture et la mesure à faire passer comme son cavalier. La présence de telles dispositions dans une loi de finances est jugée non conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel qui n’hésite d’ailleurs pas à soulever d’office ce moyen d’inconstitutionnalité, c'est-à-dire qu'il n’est pas nécessaire que l'auteur de la saisine ait soulevé ce moyen pour que le juge recherche la présence de cavaliers budgétaires et en tire les conclusions, le cas échéant. c. La structure de la loi de finances 1) Une loi bipartite L'exigence d'une structuration de la loi de finances en deux parties résulte de l'article 34 de la LOLF. La règle trouve son origine dans la pratique de la IVème République qui aboutissaient au vote de deux lois, ces pratiques furent ensuite reprises par l'ordonnance de 1959 mais de façon moins tranchée puisque ce texte se contentait d'exiger la structuration de la loi de finances en deux parties. La LOLF se situe dans le prolongement de ce texte. L'exigence de structuration en deux parties ne concerne pas seulement la loi de finances de l'année, en effet l'article 35 de la LOLF prévoit que les lois de finances rectificatives sont présentées en partie ou en totalité dans les mêmes formes que la loi de finances de l'année. Cette disposition signifie que les lois de finances rectificatives peuvent ne présenter que certains éléments de la loi de finances de l'année dans la mesure où elles respectent la structure de cette loi de finances. En revanche, compte tenu de leur spécificité, les lois de règlement n’ont pas à être structurées en deux parties. 7 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES a) Des parties au contenu différent L’exigence de bipartition de la loi de finances s’accompagne d’une définition du contenu de chaque partie qui les distingue l’une de l’autre. Le contenu de chacune des deux parties est détaillé par l'article 34 de la LOLF. 1° La première partie de la loi de finances La première partie de la loi de finances comprend les éléments les plus importants :  Les autorisations nécessaires à la poursuite de la vie financière, c'est-à-dire l’autorisation de percevoir les impôts existants et les ressources non fiscales de l'État, ainsi que l’autorisation donnée au ministre de l’économie et des finances de recourir à l’emprunt au nom de l’État  Les mesures fiscales nouvelles, tels que le nouveau barème de l’impôt sur le revenu ou des modifications apportées à la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP)  L'équilibre général du budget (article d’équilibre) : la politique budgétaire du gouvernement est résumée sous la forme d’un tableau synthétique qui retrace les chiffres les plus importants du budget. Ce tableau d'équilibre présente une structure en trois ensembles : le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux. Il ne distingue donc plus, comme c'était le cas autrefois, les opérations à caractère définitif et les opérations à caractère temporaire. C'est un tableau qui :  Evalue le montant des recettes, les ressources et les charges de trésorerie  Fixe un plafond global aux dépenses du budget général, de chaque budget annexe et de chaque catégorie de comptes spéciaux  Détermine en conséquence, c'est-à-dire compte tenu de ses recettes et de ses dépenses, quel est le solde budgétaire, solde qui est généralement déficitaire, et comment il est financé Il ressort de ce tableau de financement les prévisions annuelles d'emprunt destinées à financer le déficit budgétaire et la charge que représente le remboursement desdits emprunts. L'article 31 de l'ordonnance de 1959 exigeait déjà que la loi de finances évalue le montant des ressources d'emprunt et de trésorerie, pourtant les lois de finances n'ont jamais satisfait cette exigence. L'information n'apparaissait pas dans la loi de finances et c'est une carence qui n'a jamais été sanctionnée par le Conseil constitutionnel. Néanmoins, il y a lieu de penser que l'exigence qui est issue de l'article 34 de la LOLF ne devrait pas subir le même sort et sera sans doute surveillée de façon très stricte par le Conseil constitutionnel. 2° La deuxième partie de la loi de finances C'est une partie qui comporte plusieurs titres que l'on peut regrouper en deux catégories :  Les titres comprenant des mesures applicables à l'année à venir :  Les autorisations de dépenses (crédits) délivrées dans la limite des plafonds fixés dans la première partie. Ces autorisations de dépenses concernent respectivement le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux du trésor et elles comprennent notamment des autorisations de dépenses un peu particulières que sont les autorisations de découvert qui concernent deux catégories de comptes spéciaux du trésor, les comptes de commerce et les comptes d’opérations monétaires. Ces différentes autorisations de dépenses sont détaillées dans des documents annexés à la loi de finances, les états législatifs annexés.  Les autorisations d'emploi (crédits de personnel) qui plafonnent le nombre d'emplois par ministère, plafonnement qui se présente sous la forme d'un tableau. L'autorisation de dépenses du personnel se trouve ainsi complétée par une limitation du nombre d'emplois que ces crédits sont autorisés à financer.  Un titre concernant les dispositions permanentes : il s'agit là d'un ensemble hétéroclite qui peut concerner aussi bien l'organisation des services fiscaux que les règles d'utilisation d'une autorisation de dépenses en particulier, la simplification de certains impôts, ou encore la réforme de tel ou tel service public. On trouve ainsi par exemple dans la loi de finances pour 2006 les dispositions relatives au bouclier fiscal qui s'appliquent dans le futur et non pas à l'exercice auquel se rapporte immédiatement la loi de finances. On y trouve également le futur barème de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire non pas celui qui s'applique en 2006 aux revenus de 2005, mais celui qui sera applicable à partir de l’imposition des revenus de 2006 autrement dit à partir de 2007. On trouve encore des dispositions qui concernent, par exemple, la réforme du financement du service public de l'équarrissage et l’on trouve aussi la répartition des recettes prévisionnelles des redevances audiovisuelles entre les organismes du service public de la communication audiovisuelle. 8 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES b) L'intérêt d'une structure bipartite de la loi de finances L’exigence d’une organisation bipartite de la loi de finances ne s’apparente pas à une complication formelle. Elle poursuit un objectif qui fait tout son intérêt. Pour mesurer son intérêt, il est nécessaire d’apporter une précision concernant l’adoption de la loi de finances. Il faut savoir que la discussion de la deuxième partie de la loi de finances ne peut avoir lieu avant l’adoption de la première partie. Cette règle qui résulte de l'article 42 de la LOLF concerne aussi bien la loi de finances de l’année que les lois de finances rectificatives. Elle signifie que c'est seulement après qu'un équilibre aura été défini dans la première partie que les autorisations de dépenses pourront être développées par la seconde partie. Dans sa décision du 29/12/1982, le Conseil constitutionnel a en effet jugé qu'à l'occasion du vote de la seconde partie, les grandes lignes de l'équilibre préalablement définies et arrêtées par le vote de la première partie doivent être préservées. L’intérêt d’une bipartition de la loi de finances réside donc dans le fait qu’elle permet d’organiser la discussion budgétaire autour d’un équilibre qui en fixant en fin de première partie l’évaluation des recettes et le montant du solde budgétaire définit un plafond de dépense que la deuxième partie doit respecter. 2) Un texte de loi accompagné d'états législatifs annexés La seconde particularité de la loi de finances du point de vue de sa structure réside dans le fait qu’un certain nombre de documents font partie intégrante de la loi de finances. Ce sont les états législatifs annexés. Ils présentent la même valeur juridique que le texte lui-même et sont publiés en même temps que lui au JO. Ces documents ont pour objet de détailler sous forme de tableaux les autorisations budgétaires données par la loi de finances. Ainsi différents articles de la loi de finance renvoient à tel ou tel état annexé qui vient préciser l’autorisation donnée. Sous le régime de l'ordonnance de 1959, on dénombrait huit états législatifs annexés répertoriés de A à H. Avec la LOLF, certains de ces états annexés ont disparus ou sont voués à disparaître et d'autres ont survécu au prix parfois de certaines transformations. Il s'agit en particulier de l'état A, qui est un état intitulé « tableau des voies et moyens applicables au budget » et qui détaille pour le budget général, pour les budgets annexes et pour les comptes spéciaux les ressources budgétaires, c'est-à-dire les ressources qui sont fixées moins précisément dans le tableau d'équilibre de la première partie de la loi de finances. Les états B et C ont été fusionnés en un unique état législatif B qui détaille les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. L'état B indiquait autrefois la répartition par titre et par ministère des crédits, dans la mesure où ces crédits concernaient des dépenses ordinaires des services civils au titre des mesures nouvelles et l’état C indiquait la répartition par titre et ministère des autorisations de programme et des crédits de paiement applicables aux dépenses en capital des services civils au titre des mesures nouvelles. Il existe toujours un état législatif annexé C qui détaille les autorisations de découverts accordées aux ministres. 3. Les principes directeurs des finances de l'Etat Les principes directeurs des finances de l’Etat ont été dégagés au cours de la 1ère moitié du XIXème en même temps que se développait le régime parlementaire, type de régime de séparation des pouvoirs dans lequel le gouvernement est responsable devant le Parlement. Ces principes budgétaires modernes se sont développés dès la Restauration et la monarchie de Juillet, c'est-à-dire à un moment où les chambres affirmaient leur prérogative en matière financière. Ces principes visaient à atteindre un double objectif : donner les moyens au Parlement de contrôler efficacement le gouvernement et permettre une gestion claire et raisonnable des services administratifs indispensable à la vie de la nation. Etant parfaitement adaptés à cette mission, ces principes, c'est-à-dire l’unité, l’annualité, l’universalité et la spécialité budgétaire ont longtemps été respectés à la lettre. Ils ont permis le renforcement du contrôle du Parlement lors de la préparation et de l’adoption du budget (aujourd’hui la loi de finances), en imposant à ce texte un mode de présentation spécial. En outre, ils ont effectivement garanti une bonne gestion de l’action de l'Etat qui se cantonnait alors au rôle d’Etat gendarme. Cependant le contexte dans lequel ces principes se sont affirmés a connu par la suite des évolutions considérables. D’une part, si le principe du régime parlementaire n’a pas été abandonné, la prépondérance du Parlement a été contestée dans la mesure où elle ne garantissait pas une stabilité gouvernementale suffisante. Ainsi la Constitution de 1958 est venue rationaliser le régime parlementaire en opérant un rééquilibrage des pouvoirs au profit de l’exécutif. D’autre part, le rôle de l'Etat a très nettement évolué depuis le début du XIXème, des circonstances historiques l’ont conduit à intervenir davantage dans le domaine économique et social et la doctrine économique a systématisé les vertus de cette plus grande intervention. L’Etat est ainsi apparu rapidement comme un agent dont 9 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES l’action ne pouvait plus être neutre mais engageait au contraire l’équilibre économique et social de la nation. Le cadre financier qui avait été conçu à l’époque des monarchies parlementaires du XIXème, dans l’intérêt quasi exclusif du Parlement et pour un Etat limitant son action aux seules missions régaliennes, s’accorde peu avec ce nouvel équilibre institutionnel mais aussi avec les progrès de l'Etat providence. C’est pourquoi les grands principes des finances de l'Etat on été considérablement transformés même si le droit positif actuel peut sembler les réaffirmer. Les grands principes classiques sont principalement définis actuellement par la LOLF. a. Les règles classiques 1) Le principe d'unité budgétaire a) Définition et justification Suivant le principe d’unité budgétaire, toutes les dépenses et recettes de l'Etat doivent figurer dans un document unique soumis à l’approbation du Parlement. Il faut donc :  Que l'ensemble des recettes et des dépenses de l'Etat soit rassemblé dans un projet de loi de finances unique sur lequel le Parlement devra se prononcer  Que la loi de finances rende compte de l’ensemble des recettes et des dépenses de l'Etat sans exclusion concernant cette seconde exigence (certains auteurs parlent du principe de totalité) La justification du principe d’unité budgétaire a été clairement énoncée par Léon Say, économiste du XIXème, qui fut aussi ministre des Finances : « il est nécessaire d’enfermer le budget dans un monument dont on puisse apprécier aisément l’ordonnance et saisir d’un coup d’œil les grandes lignes ». Dans le même sens, Gaston Jèze, grand juriste de la 1ère moitié du XXème, ajoutait que le budget devait être dressé de telle façon qu'il suffisait de faire deux additions pour avoir le total des dépenses et celui des recettes et une soustraction des deux sommes pour savoir si le budget était en équilibre, en excédent ou en déficit. Le principe d’unité oblige le gouvernement à faire la synthèse des finances publiques afin que le Parlement puisse faire son travail correctement. Il pourra ainsi émettre un jugement politique sur les dépenses que souhaite le gouvernement et opérer des arbitrages entre différentes solutions, ce qui serait très délicat voire impossible si on lui soumettait plusieurs séries de plans financiers regroupant seulement certaines recettes et certaines dépenses. De même, avec la mise en œuvre du principe d’unité, le Parlement possède une vue d’ensemble sur la situation financière de l'Etat, il pourra donc facilement observer si le budget est équilibré ou non, ce que ne permettrait ni une dispersion des chiffres ni l’absence de certaines données. En France, l’unité du budget de l'Etat, qui demeure un idéal comme l’observe Edgar Alix (autre grand juriste du début du XXème) a été véritablement approchée le plus souvent au cours de périodes de prospérité et de calme, notamment au XIXème. La règle a eu plus de mal à s’imposer en période de crise et de difficultés financières. Dans ces situations on a même plutôt observé une tendance consistant à ouvrir à coté d’un budget ordinaire, rigoureux et équilibré, des budgets extraordinaires qui comprenaient de sérieux déficits. Ce fut notamment le cas sous le Second Empire afin de financer certaines grandes opérations de travaux publics, mais aussi sous la IIIème République pour financer des dépenses d’après guerre et encore sous le régime de Vichy, où un budget spécial fut destiné à la couverture des dépenses d’occupation. Ces pratiques n'ont plus cours aujourd'hui et l'article 6 de la LOLF affirme clairement le principe d'unité budgétaire et le Conseil constitutionnel en contrôle le respect. b) Les altérations de l'unité budgétaire 1° Des altérations apparentes Comme l’a écrit le professeur Michel Paul, les auteurs ont toujours parlé d’unité budgétaire et non d’unicité budgétaire. Par là, pense t-il, ils admettent une certaine souplesse du principe dès l’origine. L’unicité aurait exigé un document unique, seul en son genre tandis que l’exigence d’unité budgétaire dans le temps et dans l’espace est par définition plus tolérante. On peut donc considérer que certains procédés ne sont pas tels qu’ils violeraient cette règle. § a Des procédés respectueux de l'unité budgétaire dans le temps L’unité budgétaire pourrait d’abord sembler mise en cause par l’existence de plusieurs lois de finances se succédant au cours de l’année. Toutefois, le principe d’unité ne signifie pas qu’il ne doit y avoir au cours de l’année une seule loi de finances. En réalité, ce principe peut être satisfait alors même que plusieurs documents se succèdent. 10 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES Simplement, il faut que, chaque fois, dans l’instant, il n'y ait qu'un seul document. Il faut également que chacun de ces nouveaux actes budgétaires relève de la même catégorie juridique que les autres. L’adoption successive de plusieurs lois de finances au cours d’une année n’est pas incompatible avec l’unité budgétaire puisque ces différentes lois se présentent sous la forme d’un seul document et qu'elles appartiennent toute à la même catégorie juridique, celle des lois de finances. § b Des procédés respectueux de l'unité budgétaire dans l'espace Si elle présente un réel intérêt au regard des objectifs poursuivis par ses auteurs, la règle de l’unité budgétaire s’expose aussi à certaines objections dont la prise en compte donne lieu à certains aménagements. C’est ainsi que dans chaque loi de finances, toutes les recettes et dépenses ne sont pas retracées dans un compte unique mais elles sont réparties en trois compte :  Le budget général  Les budgets annexes  Les comptes spéciaux du Trésor Cette situation s’explique par les limites qui résulteraient d’une trop stricte application du principe de la règle de l’unité budgétaire. Les budgets annexes La création des budgets annexes s’explique par le fait qu’il existe au sein de l'Etat des SPIC de plus en plus nombreux. Ils se caractérisent notamment par le fait que leurs modalités de fonctionnement sont comparables à celle qu’on rencontre généralement dans des entreprises privées. Or, pour apprécier leur rendement, pour mener une politique d’autofinancement ou pour mettre en œuvre certaines règles de comptabilité commerciale, ces SPIC ont besoin de voir leur compte isolé dans un budget spécial. On voit mal comment maintenir le particularisme de la gestion des SPIC si leurs recettes et leurs dépenses sont englobées et pour ainsi dire noyées dans un document unique, commun à tout les services de l'Etat. Comme le prévoit l'article 18 de la LOLF peuvent faire l’objet de budget annexe les services de l'Etat non dotés de la personnalité morale pour certaines opérations, c'est-à-dire pour celles qui résultent de leur activité de production de biens ou de prestations de services donnant lieu au paiement de prix et ce lorsque ces opérations sont effectuées à titre principal par lesdits services. Les budgets annexes sont contrôlés par le Parlement qui les vote en même temps que le reste de la loi de finances de l'année. De plus, s'ils sont distincts du budget général, les budgets annexes sont créés par la loi de finances et ils figurent avec le budget général dans cette loi, c'est-à-dire dans un seul et même document. Les comptes spéciaux du Trésor L’unité budgétaire rencontre aussi une critique de bonne logique. En effet, il va de soi qu’une addition n’a de valeur que si elle regroupe des données de même nature. Il paraît ainsi peu pertinent d’additionner des dépenses définitives et temporaires, tels que les prêts et avances que consent l'Etat. De même, il parait peu souhaitable d’additionner des recettes définitives et temporaires, comme le sont les remboursements par leurs bénéficiaires de prêts et avances consentis par l'Etat. Une application à la lettre de la règle du principe d’unité budgétaire exigerait pourtant de réunir sans distinction toutes ces opérations dans un même document afin d’opérer de telles additions. Le risque serait alors de rendre obscur le document budgétaire. Il peut donc sembler préférable de mettre à l’écart et de comptabiliser séparément certaines opérations. C’est dans cette perspective que se sont développés les comptes spéciaux du Trésor qui étaient à l’origine destinés à retracer la dépense à caractère temporaire, génératrice de créances recouvrables, et les recettes correspondant à leur recouvrement. Finalement, cette technique a été exploitée au-delà de ce cadre par l’ordonnance du 2/01/1959 qui est venue en réglementer l’usage avec une grande précision sans toujours limiter ces comptes aux opérations temporaires. La LOLF a maintenu l'existence de ces comptes spéciaux du Trésor. Cependant, elle a réduit et simplifié la liste des comptes spéciaux qu'il est possible de créer. L'article 19 de la LOLF prévoit que seule une loi de finances peut créer un compte spécial qui doit relever de l'une des catégories qu'elle définit. Ce texte a réduit le nombre de catégories de 6 à 4 :  Les comptes réalisant une affectation de certaines recettes à certaines dépenses :  Les comptes de concours financiers : ils retracent les prêts et les avances consentis par l'État  Les comptes d'affectation spéciale : ils réservent certaines recettes au financement de certaines dépenses, contrairement au principe d'universalité  Les comptes réalisant une affectation de certaines recettes à certaines dépenses avec une compensation, l'autorisation parlementaire consiste à autoriser un découvert maximum à ne pas dépasser en cours d'année : 11 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES  Les comptes de commerce : ils retracent les opérations à caractère industriel et commercial effectuées à titre accessoire par les services de l'État non dotés de budgets annexes  Les comptes d'opérations monétaires : ils retracent les opérations avec le FMI et les émissions de monnaies métalliques Tout comme celle des budgets annexes, l'existence des comptes spéciaux ne constitue pas une réelle atteinte à l'unité budgétaire. En effet, s’ils se distinguent du budget général, ces documents sont regroupés dans la loi de finances et restent soumis au pouvoir financier du Parlement. 2° Les véritables altérations de l'unité budgétaire § a La pratique des débudgétisations : le budget actuel ne contient que les recettes et les dépenses budgétaires de l'Etat Cette pratique consiste à retirer certaines opérations du budget et notamment des dépenses. Les débudgétisations sont généralement la traduction au niveau financier du fait que l'État transfère certaines des activités qu'il assumait jusque-là à des EP ou à des CT, à des entreprises publiques ou même à des personnes privées, donc des organismes distincts dotés d'une autonomie financière. Il arrive également que sans se défaire de certaines activités, l'État décide de transférer le financement et la prise en charge financière de ces activités à d'autres organismes. Cette technique est d'abord l'expression financière d'une évolution de l'organisation de l'État ou des modes de gestion des activités qu'il exerce. Elles représente également un moyen commode d'influencer avantageusement le solde budgétaire en mettant certaines dépenses à la charge d'autres organismes publics ou privés, ce qui revient tout simplement à les extraire du budget. Cette pratique rencontre cependant certaines limites que le Conseil constitutionnel a énoncées dans sa décision du 29/12/1994 qui concernait la loi de finances pour 1995. L'article 34 de cette loi transférait au fonds de solidarité vieillesse le financement des majorations de pension c'est-à-dire des prestations légales dues par l'État à ses agents retraités. Saisi de ce texte, le Conseil constitutionnel a d'abord rappelé « que les règles du respect d'unité et d'universalité budgétaire s'imposent au législateur » et il a ensuite jugé « que ces règles fondamentales font obstacle à ce que des dépenses qui présentent pour l'État par nature un caractère permanent ne soient pas prises en charge par le budget ou soient financées par des ressources que celui-ci ne détermine pas ». Cette décision qui sonne comme un rappel à l'ordre a notamment eu pour effet d'inciter le gouvernement à opérer certaines rebudgétisations. Les débudgétisations sont cependant loin d'être abandonnées et les compétences transférées récemment aux CT en application de la loi de 2004 relatives aux libertés et responsabilités locales en sont une assez récente manifestation. D'autres débudgétisations peuvent également résulter de la suppression pure et simple de certaines dépenses jusque-là assumées par l'État. § b Une altération ancienne et désormais atténuée : le budget ne contient pas les opérations de trésorerie Aujourd'hui, comme sous l'ordonnance de janvier 1959, certaines des ressources et des charges de l'État n'apparaissent pas dans son budget, c'est-à-dire dans la partie descriptive et comptable de la loi de finances. Il s'agit des ressources et charges de trésorerie. En effet dans le budget de l'État ne figurent ni le produit des emprunts (recettes) ni la charge que représente le remboursement du capital des emprunts antérieurement émis et échus (dépenses). Ces ressources et charges particulières ne sont plus absentes de la loi de finances depuis la LOLF mais elles sont bien toujours à l'extérieur du budget de l'État. L'absence de ces données dans le budget ne représente pas nécessairement une atteinte à l'unité budgétaire. D'une part les sommes empruntées ne sont pas de véritables recettes, elles permettent à l'État de faire face à un besoin de financement passager lié au fait que les dates de rentrée de ses recettes ne coïncident pas toujours avec les échéances des paiements qu'il doit effectuer et de plus elles devront être remboursées ultérieurement. D'autre part, le remboursement du capital de l'emprunt n'est pas véritablement une dépense puisqu'il a simplement pour objet d’effacer le prêt reçu. Finalement, seuls les intérêts représentent une véritable dépense pour l'État, or ils figurent bien dans le budget de l'État. Mais, en dépit de ces deux remarques, il faut observer que le recours à l'emprunt a considérablement évolué depuis une trentaine d'années. L'emprunt est, en pratique, de moins en moins une ressource de trésorerie et de plus en plus une ressource ordinaires du budget de l'État. Dans ces conditions, le fait qu'il soit inscrit hors budget représente aujourd'hui en pratique une véritable atteinte à l'unité budgétaire. § c La multiplication des documents accompagnant la loi de finances 12 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES Actuellement on ne peut véritablement porter un jugement sur l’ensemble des autorisations budgétaires sans se reporter, concernant l’Etat, à tout un ensemble de fascicules ou de documents annexes qui accompagne chaque projet de loi de finances. Cette multiplication des documents budgétaires sans doute inévitable compte tenu de la diversité des activités de l'État et de l’ampleur des sommes concernées, semble cependant peu en accord avec l’unité budgétaire, principe qui implique qu'on puisse saisir d’un coup d’œil les grande lignes du budget. 2) Le principe d'universalité budgétaire a) Le principe de non-contraction ou non-compensation entre les recettes et les dépenses, dit aussi « règle du produit brut » Cette règle est actuellement prévue par l'article 6 de la LOLF. D'après cette disposition toutes les recettes et toutes les dépenses de l'État sont inscrites dans le budget sans contraction entre les unes et les autres. Par exemple, il n'est pas question d'indiquer simplement la somme des recettes provenant de l'impôt moins les frais de perception. Il faut au contraire faire apparaître dans leur intégralité d'un côté le montant des recettes et d'un autre côté le montant des frais de perception. La règle du produit brut vise à permettre un contrôle parlementaire véritablement efficace. Elle empêche en effet que certaines dépenses soient dissimulées et permet au Parlement de statuer en pleine connaissance de cause. Cette première exigence de l’universalité budgétaire est peu contrariée, la contraction entre recette et dépense n’est autorisé qu’à titre exceptionnel :  Les comptes de commerce et les comptes d'opérations monétaires (comptes spéciaux du Trésor) ne font apparaître qu’un solde dans le tableau d’équilibre de la loi de finances  Les marchés de transformations ou de conversions pour le ministère de la défense b) Le principe de non-affectation des recettes 1° Définition et justification Le principe de non-affectation des recettes est affirmé par l'article 6 de la LOLF qui dispose que l'ensemble des recettes assure l'exécution de l'ensemble des dépenses. Les dépenses et les recettes forment deux masses autonomes et il n'est pas établi à l'avance de liens entre certaines recettes et certaines dépenses. N'importe quelle recette doit pouvoir servir à financer n'importe quelle dépense. Cette règle bénéficie de sérieuses justifications. En effet d'un point de vue politique, toutes les dépenses sont réputées également nécessaires à l'intérêt public. Par conséquent, lorsqu'un citoyen verse de l'argent à l'État, il ne doit pas pouvoir connaître la dépense que la somme est destinée à financer. Ce motif se double d'une considération plus technique. Si certaines recettes étaient affectées par avance à certaines dépenses, un niveau de recettes finalement moins élevé que prévu aurait pour conséquence d'empêcher la réalisation des dépenses , faute de recours à d'autres recettes. On considère néanmoins aujourd'hui que le principe de non-affectation est contreproductif dans la mesure où il serait plus aisé de recouvrer certaines recettes lorsque les dépenses auxquelles elles sont destinées sont connues des contribuables. 2° L'altération de la règle de non-affectation Cette règle de non-affectation rencontre des altérations importantes et nombreuses :  Les comptes d'affectation spéciale (comptes spéciaux du Trésor) et les budgets annexes : les recettes sont affectées aux dépenses, mais la règle de non-affectation resurgit à l'intérieur de chacune de ces entités  Les fonds de concours : ils sont constitués par des fonds à caractère non fiscal versés par des personnes morales ou physiques à l'État afin de concourir à des dépenses d'intérêt public, et par les produits de legs et donations attribués à l'État. Or, ces fonds doivent être employés conformément à l'intention de la partie versante, donc affectés à des dépenses déterminées.  Le rétablissement de crédit : il restitue à un service donné des crédits consommés de façon erronée (article 17 de la LOLF), par exemple lorsqu’à la suite d'un changement d'affectation un fonctionnaire a perçu deux fois son traitement dans son service d'origine et dans son nouveau service, dans ce cas le remboursement du trop-perçu se fait par réaffectation, autrement dit, la somme remboursée par le fonctionnaire, donc une recette déterminée, peut ne pas être indistinctement reversée dans la masse des recettes. Au contraire, elle 13 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES pourra être directement affectée au paiement des rémunérations des agents du service de l'intéressé. Les services qui auraient versé indûment une somme sont ainsi incités à récupérer ce trop-perçu grâce à cette dérogation à la règle.  Le prélèvement sur recettes : il s'agit d'inscrire dans la colonne des recettes une somme qui constitue en réalité une dépense, et qui correspond à des fonds prélevés dans la masse des recettes pour être versés par l'État à l'UE ou aux CT. Cette pratique qui n'était pas prévue par l'ordonnance de 1959 à été admise par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29/12/1982 qui n'y voit pas un manquement à l'exigence de non affectation, « le mécanisme de ces prélèvements ne comporte pas, comme l'impliquerait un système d'affectation, l'établissement d'une corrélation entre une recette de l'État et une dépense lui incombant. Il s’analyse en une rétrocession directe d'un montant déterminé de recettes de l'État au profit des CT ou des Communautés Européennes en vue de couvrir des charges qui incombent à ces bénéficiaires et non à l'État ». L'article 6 de la LOLF entérine cette pratique et dispose qu'un montant déterminé de recettes de l'État peut être rétrocédé directement au profit des CT ou des communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôt établis au profit des CT. Le maintien des prélèvements sur recettes ne fait cependant pas l'unanimité et c'est ainsi que la Cour des comptes voit dans cette technique un abus peu compatible avec la règle de non-affectation. La réserve est d'autant plus vive que les sommes en cause sont importantes. Il faut savoir que dans la loi de finances pour 2006, le prélèvement sur recettes opéré au profit des CT s'est élevé à plus de 47 milliards d'euros et le prélèvement au profit du budget européen à près de 18 milliards d'euros. 3) Le principe d'annualité budgétaire a) Définition et justification Cet autre principe vise également, comme les précédents, à permettre au Parlement d’exercer pleinement son pouvoir financier. C'est le premier des principes directeurs des finances de l'État à avoir été posé, et il recouvre trois règles distinctes :  L'antériorité de l'autorisation : la loi de finances étant un acte de prévision et d'autorisation, elle doit être adopté avant le début de l'exercice auquel elle se rattache  Les autorisations délivrées par le Parlement ne valent que pour une année. Cette exigence qui trouve son origine dans la Révolution française offre au Parlement l'occasion de contrôler périodiquement la politique générale du gouvernement. Il faut cependant reconnaître que dans le régime de parlementarisme rationalisé de la Vème République, cette dimension de la règle est moins perceptible. Elle est plutôt tenue pour une règle technique. Quoi qu'il en soit, elle implique en principe que la loi de finances ne peut contenir d'autorisation portant sur plusieurs années et que chaque année les prévisions de recettes et de dépenses repartent de zéro, aucune recette ni aucune dépense n’étant acquise pour l'avenir.  L'exécution :  Toute opération financière doit être préalablement autorisée par l'autorité budgétaire  Les crédits ouverts par la loi de finances ne peuvent être utilisés qu'au cours de l'année pour laquelle ils ont été votés b) L'infléchissement du principe d'annualité budgétaire Le principe d’annualité dans sa dimension d’antériorité, c'est-à-dire l’exigence d’une adoption du budget avant le début de l’exercice auquel il se rapporte est bien garanti par l' article 47 de la Constitution qui fixe les délais dans lesquels le projet de loi de finances doit être adopté et qui assortit ces délais de sanctions. Ainsi, en cas de manquement à ces échéances, il est notamment prévu que le projet de loi de finances pourra être mis en vigueur par le gouvernement par voie d’ordonnance. Il n'en va pas forcément de même pour les autres composantes du principe d'annualité. 1° Les altérations de fait  Continuité de fait entre les budgets successifs : les variations de recettes de l'État sont limitées, c'est-à-dire qu'il existe une très grande stabilité dans la nature de ses recettes et dans la proportion entre ses différentes recettes, ce qui est la traduction d'un équilibre politique et économique globalement peu changeant 14 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES  Les services votés : l'article 33 de l'ordonnance de 1959 permettait de renouveler la plupart des dépenses et notamment celles qui étaient nécessaires à la marche des services publics et au paiement des agents publics, c'est-à-dire le minimum de dotation que le gouvernement jugeait indispensable pour poursuivre l'exécution du service public dans les conditions qui approuvées l'année précédente par le Parlement. Ces services votés représentaient environ 90 % du montant du budget de l'État. Dans ces conditions, il était difficile d'admettre que les autorisations de dépenses aient été véritablement annuelles. La LOLF a supprimé la référence aux services votés en instaurant un système qui repose sur le principe du budget de base zéro, c'est-à-dire que désormais toute référence aux crédits de l'année précédente est en principe effacée, et il s'agit chaque année de justifier l'ensemble des crédits. La concrétisation d'un tel système n'est cependant pas assurée car il faut traduire dans le budget les choix antérieurs (emprunts contractés par l'État, investissements réalisés ou engagés, promesses prises). 2° Les altérations prévues par la LOLF Les altérations prévues par la LOLF répondent à différentes préoccupations techniques et politiques. Tout d'abord, les investissements de l'État et la durée nécessaire à l'accomplissement de certaines opérations exigent une continuité qui se laisse difficilement enfermer dans le cadre annuel. Ensuite, les interventions de l'État qui visent à réduire le hasard inhérent à l'activité économique, qui cherchent à stimuler l'activité économique en France, s'inscrivent dans des cycles longs et cela à nouveau s'accorde mal avec la durée d'une année. Plusieurs infléchissements ont donc été prévus qui permettent de parler de véritable dépassement de l'annualité :  Les autorisations de dépenses pluriannuelles : elles concernent les cas où l'Etat s'engage par exemple pour une opération se réalisant en plusieurs années (bâtiment,...). L’article 8 de la LOLF permet à la loi de finances de comporter des autorisations d'engagement en vertu desquelles l'ordonnateur peut engager financièrement l'État sur plusieurs années. Cette autorisation d'engagement permettra, par exemple, à l'ordonnateur de signer un contrat. Il résultera de cette signature une charge pour l'État, une dette, et en contrepartie une prestation qui lui sera fournie. Cependant, si l'autorisation d'engagement permet d'engager la dépense, donc de créer une dette, elle ne permet pas de payer la somme en cause. Chaque année, des crédits de paiement seront ouverts qui permettront de payer les prestations qui ont été effectivement réalisées au cours de l'année. L'autorisation d'engagement ne devient pas caduque avec l'intervention de la fin de l'année budgétaire, ce qui porte atteinte au principe d'annualité, mais un élément d'annualité est préservé puisque chaque année le gouvernement devra obtenir les crédits de paiement. Sous le régime de l'ordonnance de 1959 les autorisations de programme étaient limitées aux dépenses d'investissement et à certaines dépenses matérielles. L'article 8 de la LOLF a étendu la portée du dispositif qui concerne l'ensemble des dépenses de l'État y compris les dépenses de fonctionnement sous réserve des dépenses de personnel. Cette extension présente le risque d'une rigidité excessive de la dépense publique, en particulier en période de faible croissance économique, car les engagements juridiquement pris devront être honorés ce qui peut limiter nettement la marge de manœuvre qui reste à l'État. Les auteurs de la LOLF se sont efforcés de tenir compte du fait que si l'État s'engage à plusieurs titres, sur plusieurs années, la marge de manœuvre pour réaffecter tel ou tel crédit à tel ou tel type de dépenses sera réduite, et c'est ainsi que ce texte ne permet pas que les autorisations d'engagement soient valables sans limitation de durée. Elles doivent en principe être utilisées pendant l'année donnée et il n'y a pas de possibilité de report à l'année suivante d'une autorisation d'engagement qui n'aura pas été utilisé, les crédits seront au terme de l'année réaffectés à d'autres dépenses.  L’inscription du budget dans une programmation pluriannuelle : traditionnellement cela se concrétise dans les lois de programme. Ce type de loi qui est apparu dès après la 1ère guerre mondiale en France est inscrit dans l'article 34 de la Constitution (« des lois de programme déterminent les objectifs d'action économique et sociale de l'État »). Les lois de programme permettent de regrouper dans des textes cohérents des autorisations d'engagement qui correspondent à une politique d'investissement dans un domaine particulier. Elles présentent cependant un caractère simplement indicatif et les autorisations d'engagement de dépenses qui y figurent sont inopérantes, on ne peut engager de dépenses sur leur fondement. Pour que ces autorisations de programme puissent valablement servir de fondement à des engagements de dépenses, elles doivent être reprises dans des lois de finances. L'inscription du budget dans un cadre pluriannuel ne se limite pas aux lois de programme. Plusieurs documents d'accompagnement de la loi de finances doivent désormais comporter une présentation pluriannuelle des informations sur les finances publiques et leur contexte, notamment le rapport économique, social et financier (article 50 de la LOLF) qui présente et explicite les perspectives d'évolution des recettes, des dépenses et du solde de l'ensemble des 15 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES administrations publiques pour au moins les quatre années qui suivent celle du dépôt du projet de loi de finances, présente les engagements européens de la France ainsi que, le cas échéant, les recommandations qui lui sont adressées sur le fondement du traité instituant la Communauté européenne. 4) Le principe de spécialité des crédits a) La spécialité des crédits Comme les précédents principes, la spécialité des crédits trouve son origine dans la volonté de donner au Parlement les moyens de contrôler effectivement et efficacement les dépenses du gouvernement. Selon ce principe, l'autorisation de dépenses délivrée par le Parlement doit porter sur des unités de dépenses spéciales, c'est-à-dire sur des unités de dépenses suffisamment réduites et précises. En effet, s'il veut exercer une véritable contrainte sur le gouvernement, le Parlement ne doit pas autoriser les dépenses par grande masse mais il doit les autoriser de façon détaillée. Si le Parlement accordait en bloc une seule autorisation de dépenses, le gouvernement n'y trouverait pas véritablement une contrainte, il ne serait pas véritablement sous le contrôle du Parlement car il n'aurait pour seule limite à respecter que le montant global des crédits. Plus la précision, plus la spécialité de l'autorisation de dépenser s’accroît, plus la contrainte exercée par le Parlement est importante et moins grande est la liberté du gouvernement. Sous le régime de l'ordonnance du 2/01/1959, l'unité de spécialité était le chapitre et le gouvernement était toujours tenu de respecter la ventilation des crédits par chapitre que fixait le Parlement. Avec la LOLF, le principe de la spécialité des crédits a connu un certain recul, en raison d'une diminution du degré de précision de l'autorisation de dépenses. Selon l'article 7 de la LOLF, les crédits sont spécialisés aujourd'hui par programme, parfois par dotation, qui forment des unités bien plus vastes que les chapitres. En effet, là où on dénombrait 800 à 900 chapitres, on compte désormais 130 programmes environ, et tandis que les chapitres correspondaient à des enveloppes de 150 000 à 600 millions d'euros environ, les programmes peuvent regrouper plusieurs milliards d'euros. A l'intérieur de ces unités, les gestionnaires chargés de l'exécution des dépenses sont libres de redéployer les crédits, comme ils l’étaient d'ailleurs au sein du chapitre. Cet affaiblissement du principe de spécialité trouve cependant une contrepartie dans l'obligation faite au gouvernement d'associer à chaque programme des objectifs précis et les résultats attendus qui doivent faire l'objet d'une évaluation. La justification de ce recul se trouve donc dans le passage à une autre logique, une logique de résultats. L'article 7 de la LOLF prévoit que « chaque programme regroupe les crédits destinés à mettre en œuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auxquels sont associés des objectifs précis, définis en fonction de finalité d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation. Les programmes doivent d'ailleurs être accompagnés de projets annuels de performance et leur exécution donne lieu à la remise de rapports annuels de performances ». b) La spécialisation du vote sur les autorisations de dépenses À côté de la spécialité des crédits, on observe une spécialisation du vote sur les autorisations de dépenses qui a pour but d'éviter que le vote du Parlement ne porte sur de trop petites unités car non seulement l'examen de ces unités ne permettrait pas au Parlement de distinguer les perspectives d'ensemble de la future loi de finances, mais de plus l'adoption de la loi de finances pourrait se trouver retardée par la multiplication des votes imputables à un trop grand nombre d'unités. Dans cette perspective, l'unité de vote a longtemps été le chapitre, chacun correspondant à une subdivision des crédits d'un ministère, mais cela n'avait pas été très satisfaisant. En effet, en 1871, il y avait dans le budget de l'État 338 chapitres, et on en dénombrait au début des années 1950 plus de 4000. Les auteurs de l'ordonnance de 1959 avaient souhaité éviter que le Parlement se perde en une multitude de votes sur les crédits, et avaient donc prévu que le vote des parlementaires pour les mesures nouvelles ne se ferait plus par chapitre mais par subdivision plus importante, le titre, et à l'intérieur d'un même titre par ministère (article 41). L'article 43 de la LOLF reprend cette logique et accentue encore davantage le degré de généralité du vote du Parlement sur les crédits. Les crédits du budget général sont en principe votés par mission (unités bien plus larges que les titres), et ceux des budgets annexes et comptes spéciaux sont votés respectivement par budget annexe et par compte spécial. Selon l'article 7 de la LOLF, une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. Dans la loi de finances pour 2006, on dénombre 34 missions. Les missions peuvent aussi par exception comprendre des dotations, des unités qui se distinguent des programmes dans la mesure où elles ne sont pas soumises à des contraintes de performance. 16 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES En définitive, comme sous le régime de l'ordonnance de 1959, le Parlement fixe une ventilation des crédits entre les programmes, qui sont inférieurs à l'unité de vote, la mission. On a un décalage entre le niveau de la spécialité des crédits et le niveau auquel s'opère le vote du Parlement. Les annexes explicatives sont des documents qui développent les dispositions prévues par le projet de loi de finances et doivent être déposés devant le Parlement en même temps que le projet de loi. Elles présentent une ventilation des crédits par programme, ventilation qui peut être modifiée par les parlementaires au cours de la discussion budgétaire. Ces annexes explicatives sont particulièrement importantes car la répartition des crédits par programme qui apparaît dans les annexes explicatives devra être respectée par le gouvernement par des décrets de répartition pris après promulgation de la loi de finances. Le vote de la loi de finances s'effectue donc au niveau des missions mais les crédits sont bien autorisés par le Parlement selon une répartition par programme. b. Un principe plus récent : la sincérité budgétaire Ce principe vise pour l'essentiel à assurer la transparence de la gestion publique, il permet de garantir le respect d'une exigence démocratique selon laquelle le gouvernement ne doit pas chercher à tromper la nation et ses représentants. L'affirmation d'un principe de sincérité budgétaire est remarquable car cette exigence de sincérité n'est pas de tradition en matière budgétaire, notamment pour ce qui concerne le budget de l'État, même si on la rencontre dans d'autres domaines (la comptabilité générale que tiennent les sociétés, la comptabilité publique, la gestion des comptables dont les comptes doivent être affirmés sincères et véritables). La règle de sincérité budgétaire n'a été progressivement dégagée par la jurisprudence constitutionnelle qu'à partir des années 1990, et il a fallu attendre la LOLF pour qu’un texte prévoie expressément ce principe. Dès les années 1970 et 1980, les auteurs des saisines du Conseil constitutionnel ont commencé à faire valoir des manquements qui constituaient des insincérités budgétaires. Toutefois il a fallu attendre 1993 pour que le Conseil constitutionnel (décision du 21/06/1993 et décision du 29/12/1993) commence à répondre nettement aux moyens tirés de l'absence de sincérité de la loi de finances. Pour autant, sous le régime de l'ordonnance de 1959, le Conseil constitutionnel n'a jamais expressément affirmé l'existence d'un principe de sincérité budgétaire et il s'est toujours abstenu de censurer une loi de finances sur ce fondement alors même que le moyen était jugé recevable. La jurisprudence identifie les atteintes à la sincérité budgétaire quand :  Les évaluations chiffrées qui figurent dans le texte sont entachées d'une erreur manifeste, c'est-à-dire incomplètes, irréaliste ou en désaccord avec la politique du gouvernement  Toutes les ressources et les charges ne sont pas inscrites dans la loi de finances  L'information destinée au Parlement n'est pas suffisamment claire et précise, par exemple lorsque la loi n'indique qu'un solde au lieu de préciser un montant de recettes et un montant de dépenses Les articles 32 et 33 de la LOLF (entrés en vigueur dès le 01/01/2002) ont érigé en principe la sincérité budgétaire et l'article 32 apporte une précision non négligeable par rapport à la jurisprudence constitutionnelle. En effet, selon cet article la sincérité des lois de finances s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. Saisi du texte, le Conseil constitutionnel (décision du 25/07/2001) a considéré que le principe de sincérité n'avait donc pas la même portée s'agissant de la loi de règlement et des autres lois de finances. Pour la loi de finances de l'année, les lois de finances rectificatives et les lois particulières prises sur le fondement de l'article 45, la sincérité se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre déterminé par la loi de finances. Pour la loi de règlement, la sincérité impose l’exactitude des comptes. 4. L'élaboration de la loi de finances de l'année À partir des dernières années de la IVe République, un effort de rationalisation du parlementarisme a porté sur le processus d'élaboration des loi de finances, effort qui a réellement abouti avec la Constitution de 1958 et l'adoption de l’ordonnance organique du 2/01/1959. Il en est résulté un système dans lequel le Parlement se présente, essentiellement, comme une chambre d'enregistrement chargée de ratifier le projet préparé par le gouvernement, et ce système se retrouve aujourd'hui essentiellement maintenu par la LOLF. Seuls quelques éléments viennent tempérer ponctuellement le déséquilibre entre l'exécutif et le Parlement. a. La préparation du projet de loi de finances 1) Une préparation monopolisée par le gouvernement 17 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES L'initiative en matière financière appartient traditionnellement à l'exécutif que ce soit en France ou ailleurs (dans d'autres pays ou dans les CT même si ça s'organise différemment). Selon l'article 38 de la LOLF, sous l'autorité du Premier ministre, le ministre chargé des finances prépare les projets de loi de finances qui sont délibérés en conseil des ministres. Cette prépondérance du gouvernement s’explique par plusieurs raisons. Tout d'abord, seul le gouvernement est suffisamment informé pour préparer la future loi de finances. Ensuite, lui seul est suffisamment équipé et dispose d’assez de techniciens pour réaliser le travail de prévisions que nécessite l'élaboration de ce texte. Enfin, l'exécutif étant chargé de l'exécution de la loi de finance, il peut sembler normal qu’il ait la charge d'en assurer la préparation, cet argument étant le plus sujet à discussion. Les grands textes se rapportant aux finances publiques et aux finances de l'Etat en particulier (ordonnance de 1959 et LOLF) ne fixent pas le calendrier de la préparation du projet de loi de finances par le gouvernement. Le processus actuel de préparation du budget correspond pour l'essentiel à celui que prévoit la circulaire adoptée par le Premier ministre le 21/01/2005 en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2006. Ce texte était venu modifier assez nettement la procédure qui existait jusque là et même si on ne retrouve pas de circulaire équivalente par la suite, la pratique postérieure s'inscrit dans la même optique. Ce texte de 2005 réalise un changement qui s'explique à deux titres. Tout d'abord, il fallait adapter la procédure de préparation du projet de loi de finances aux innovations de la LOLF. En effet, ce texte a augmenté sensiblement en quantité et en qualité les informations à fournir au Parlement lors du dépôt du projet de loi de finances, et la mise au point de ces éléments d'information est particulièrement exigeante et suppose un nouveau travail de la part du gouvernement. Si l'on avait conservé la procédure existante en y ajoutant les obligations nouvelles liées à la réalisation de ces nouveaux documents, la procédure aurait été très alourdie et sans doute peu propice à une bonne mise en œuvre de la LOLF. L'autre motif du changement opéré par la circulaire du 21/01/2005, c'est la volonté de remédier aux principaux défauts de la procédure d'élaboration du projet de loi de finances qui existait jusque-là. Ces défauts se situaient principalement au niveau de la négociation entre les services du ministre du budget et les différents ministères s'agissant des dépenses. On assistait à une multiplication des cas de désaccords qui devaient finalement remonter au Premier ministre pour être réglés et la procédure était très consommatrice de temps pour un résultat assez peu satisfaisant. A présent le calendrier de préparation du projet de loi de finances se structure de la façon suivante :  Janvier : séminaire gouvernemental qui fixe la stratégie d'ensemble du gouvernement en matière de finances publiques  Entre février et mars : lettres de cadrages adressées par le Premier ministre à chacun des ministres dépensiers (c'est-à-dire les ministères autres que celui de l'économie et des finances, même s'il la reçoit aussi).  Rappel des données générales de la politique budgétaire choisie par le gouvernement dans une perspective pluriannuelle  Indication du montant global des efforts demandés. On indique à chaque ministre qu'il va devoir envisager un certain nombre de projet de réforme, des économies, et chacun peut commencer à se faire une idée du niveau de contribution qui est attendu de sa part  Entre mars et avril : conférences de performance, réunions entre la direction des services du budget et les services des autres ministères.  Analyse des objectifs de l'année précédente  Préparation des projets annuels de performance annexés au budget en cours de préparation. C'est l'idée d'un chaînage vertueux, on tire les conséquences de l'année n-1 au moment où on pense à la conception du budget de n+1. Ces conférences permettent de débattre ,pour chacun des programmes budgétaires, des grandes lignes du projet de performance et de passer en revue les objectifs et les indicateurs qui leurs sont associés.  Mai : conférences budgétaires, réunions entre les services de la direction du budget et les services des ministères dépensiers. On ne parle pas d'objectifs mais de moyens financiers et humains. On confronte les demandes de crédits et les demandes d'emplois des différents ministères et les propositions qui émanent de la direction du budget. Ces discussions portent sur le montant global des plafonds de crédits des différentes missions de l'Etat, et sur le montant des plafonds ministériels concernant les emplois, donc les autorisations d'emploi. A l'issue de ces conférences budgétaires, des dossiers d'arbitrage sont établis qui vont retracer les points de convergence et de divergence entre les ministères et la direction du budget. Ces dossiers sont transmis au cabinet du ministre du budget.  Juin : réunions d'arbitrage au niveau du ministre du budget et si nécessaire au niveau du Premier ministre. C'est un cadre dans lequel les ministres vont demander au ministre du budget, et le cas échéant au Premier ministre, un arbitrage personnel sur le budget de leur ministère, et donc sur la base de ce que font 18 Téléchargé par Jonathan Layn ([email protected]) lOMoARcPSD|36365031 L2S3 FINANCES PUBLIQUES apparaître les dossiers d'arbitrage établis au cours de la phase précédente. Les arbitrages interviennent éventuellement sur tel ou tel point, en fonction des demandes des uns et des autres.  Entre juin et juillet : lettres de plafonds adressées par le Premier ministre aux différents ministres  Fixation du plafond de crédit pour chaque mission  Fixation du plafond d'autorisation d'emploi Ce sont les moyens alloués à chacun, donc on connaît les grandes orientations et les ministères prioritaires. Ces lettres de plafond comportent souvent des indications précises sur les réformes à mener pour chaque ministère pour tenir compte des économies éventuelles que le ministre doit réaliser. Ces lettres ont une visibilité médiatique assez élevée.  Juillet : conférences de répartition et arbitrages éventuels entre les services du ministère du budget et les services des ministères dépensiers. C'est une phase de répartition plus précise des enveloppes de crédit et d'autorisation d'emploi car il s'agit de la ventilation des crédits entre les programmes et, au sein des programmes, entre les actions. En cas de désaccord on demande l'arbitrage du ministre du budget, si nécessaire du Premier ministre, mais on ne revient pas sur les questions structurelles et les grands arbitrages qui ont été faits.  Entre août et septembre : mise au point définitive du projet de loi de finances. Chaque ministre met au point le projet de budget de son département sous la forme de documents à couverture bleue (on parle des « bleus des ministères » traditionnellement) et un dernier conseil des ministres vient arrêter de manière définitive les prévisions de recettes, les prévisions économiques et l'équilibre général du projet de loi de finances. A partir de ces éléments la direction du budget confectionne le projet de loi de finances qui sera déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d'octobre, en général un peu avant. 2) La relative association du Parlement à la préparation du budget : le débat d'orientation budgétaire L'article 48 de la LOLF qui est entré en vigueur dès le 1/01/2003 prévoit « qu’en vue de l'examen et du vote du projet de loi de finances de l'année suivante par le Parlement, le gouvernement présente au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, un rapport sur l'évolution de l'économie nationale et sur les orientations des f

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