FONDATIONS DE LA PHONOLOGIE - LNG 1400A - NC7.PDF

Summary

This document provides insights into the foundation of phonology. It details the differences between phonetics and phonology. It also explores the usage of anecdotes and structural evidence in understanding phonological concepts, suitable for undergraduate-level students or those studying linguistics.

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LNG 1400A FONDATIONS DE LA PHONOLOGIE Annonces Lire les pages 64-72, 79-83 de l’extrait de Brousseau & Nikiema. Le livre entier de Brousseau & Nikiema est sous réserve à la bibliothèque des arts et des sciences (près du pavillon Jean-Brillant)....

LNG 1400A FONDATIONS DE LA PHONOLOGIE Annonces Lire les pages 64-72, 79-83 de l’extrait de Brousseau & Nikiema. Le livre entier de Brousseau & Nikiema est sous réserve à la bibliothèque des arts et des sciences (près du pavillon Jean-Brillant). 2 Fondations de la phonologie 3 Retour aux définitions Si le but de la phonétique est de décrire les propriétés physiques de sons, celui de la phonologie est de décrire les propriétés abstraites, la fonction et le comportement de sons. Alors que de nombreux sujets de phonétique se construisent les uns sur les autres, les notions de phonologie sont sans doute plus cohérentes et cumulatives (raison pour laquelle il est d’autant plus important de maîtriser les aspects fondamentaux de ces premières semaines). La phonétique traite de représentations et d’objets qui sont manifestement concrets et généralement mesurables, même si parfois ce n’est qu’indirectement. Les représentations phonologiques, elles, doivent être déduites par la logique et l’application de certains principes. Enfin, les motivations des phénomènes phonétiques sont toujours réduites à une sorte d’observation naturelle, comme le fait que deux sons veuillent partager la même position pour un articulateur. Ce n’est pas toujours le cas en phonologie. 4 Arrière-plan Avant de parler de ce qu’est la phonologie et de ses principes, il est bon de parler du pourquoi de la phonologie. Après tout, dans son abstraction, elle peut nécessiter une bonne dose de foi pour être acceptée. Tout d’abord, même à partir d’une poignée d’éléments mesurables, chaque prononciation dans la vraie vie sera unique. Le fait que deux prononciations d’un même mot diffèrent entre deux individus, ou dans le discours d’un même individu (entre, disons, [ku] et [ku̟]), n’entrave pas vraiment la compréhension. Jusqu'à un certain niveau, nous acceptons instinctivement que les mots puissent avoir une prononciation cible idéalisée. Cette cible idéale ne correspond pas toujours à la façon dont le mot est prononcé. Prenons, par exemple, le [ɪ] de petite en français québécois, ou le [ɫ] latéral vélarisé (ou « sombre ») en anglais américain, comme dans ball. Nous pouvons facilement les considérer comme des variantes de [i] et [l], respectivement, et nous pouvons examiner chaque langue pour établir des régularités en ce qui concerne l’emplacement de ces variantes. En d’autres termes, même à un niveau de transcription large, chaque langue aura... 1. Plusieurs variantes sonores au niveau de la prononciation, qui peuvent être ramenées à un plus petit nombre de sons de base, 2. Des principes réguliers, pouvant être découverts, indiquant quels sons se trouvent à quel endroit, et 3. Des formes apparentées dont les sons peuvent changer (comme entre absorber et absorption) en fonction du contexte et qui peuvent nous informer sur les deux premiers points. Considérons quelques évidences avant de passer à une démonstration… 5 Témoignages anecdotiques Nous pouvons d’abord trouver des preuves anecdotiques de l’existence de cibles abstraites et de la connaissance de sa propre langue dans ce que l’on appelle les illusions phonétiques (ces exemples proviennent de l’anglais, mais essayez d’en trouver en français). Premièrement, deux choses qui sont phonétiquement distinctes sont parfois considérées comme étant la même chose, par exemple entre [ɹaɪt] write et [ɹaɪɾɚ] writer. On a tendance à croire que les deux sons correspondant à la lettre sont les mêmes, tandis qu’ils diffèrent dans le mode et le voisement. Ensuite, deux choses phonétiquement identiques sont parfois jugées différentes, comme entre [sɔː] soar et [sɔː] saw dans des dialectes anglais ‘non-rhotiques’, où la lettre n’est généralement pas prononcée dans certaines positions post-vocaliques. Les locuteurs d’un tel dialecte auront tendance à croire qu’il y a une distinction entre les deux qui n’est tout simplement pas présente – mais comparez les formes apparentées [sɔɹɪŋ] soaring & [sɔwɪŋ] sawing. Enfin, une différence phonétique peut être perçue comme quelque chose qu’elle n’est pas en réalité. Par exemple, on croit souvent que la différence entre [ɹaɪɾɚ] writer et [ɹaɪːɾɚ] rider est au niveau du voisement, tandis qu’en réalité c’est la longueur vocalique. Les anecdotes sont intéressantes mais ne constituent pas la meilleure preuve, alors regardons plus loin... 6 Évidences structurelles Les preuves structurelles peuvent être trouvées à l’intérieur d’une langue ou en comparant les langues (typologie). Tout d’abord, chaque personne au développement typique possède fonctionnellement le même ensemble d’articulateurs. (Il faut éviter les affirmations sensationnelles telles que « langue x a plus de voyelles nasales parce que ses locuteurs avaient un plus gros nez »). ◦ Pourtant, chaque langue possède nécessairement un sous-ensemble de sons possibles et, ◦ Des modèles distincts et des relations implicites peuvent être découverts entre des langues non apparentées. En outre, dans une langue donnée, tous les sons ne se retrouvent pas dans tous les contextes, même si nous nous limitons aux « sons de base » les plus plausibles. Par exemple, les mots peuvent commencer par [tʁ] en français mais pas par [tl] (mais ils le peuvent en grec), et les voyelles nasales ne peuvent pas précéder les consonnes nasales. Enfin, un même son peut avoir une fonction différente d'une langue à l’autre. Par exemple, le français et l’espagnol ont tous deux [s] et [z], mais c’est seulement dans le premier que cette paire peut être le seul élément permettant de différencier des mots distincts (par exemple, sel vs. zèle). Dans d’autres termes, les langues s’imposent des règlements particuliers qui ne sont pas nécessairement explicables par la phonétique. Dans cette optique, une petite démonstration… 7 Démonstration Dans cette démonstration, nous allons adopter une approche informatique de la simplicité du système. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une analogie technique littérale, elle illustre de manière très concrète un grand nombre des notions qui sous-tendent nos hypothèses. L’une de ces hypothèses est que différentes manières de générer la même structure de surface sont possibles, mais que la plus efficace est la plus plausible. Ici, cette efficacité sera modélisée en termes de temps. Supposons que nous voulions générer une langue dont la structure est similaire à celle du français québécois, en nous limitant à des mots d’une longueur d’environ 4 à 5 sons. Je vais le faire dans un script utilisant le langage informatique R. 8 Approche concrète Considérons tout d’abord une approche très concrète et littérale. Nous la comparerons plus tard à une approche plus abstraite avec une base réduite. Notre inventaire sonore constitue un point de départ important. Nous connaissons les sons, nous les prenons donc, mais nous incluons également... ◦ L’affriquée [t͡s] comme dans tisane [t͡sizan], ◦ La variante sourde de la rhotique [ʁ], soit [χ], comme dans train [tχẽ]. Il est important de noter que: ◦ Ces sons ne se trouvent qu’après des plosives sourdes et avant [i, y], respectivement. ◦ De plus, les sons similaires [ʁ] et [t] ne se trouvent pas dans ces mêmes contextes (et l’orthographe nous donne des indices supplémentaires sur l’hypothèse selon laquelle les variantes proviennent de tel ou tel son de base). Au total, cela nous donne 35 sons. Bien sûr, nous pourrions encore compliquer les choses avec des diphtongues, des variantes vocaliques, etc., mais ces deux sons supplémentaires suffisent à illustrer la différence entre nos deux approches. 9 Approche concrète Très naïvement, nous pourrions demander à notre script de nous fournir un lexique de toutes les permutations des 35 sons 5 fois. Des mots comme parler s’y trouveront, mais aussi des « mots » comme [zlʁʃp] et [ɛsʃee]. De plus, le lexique comptera plus de 52 millions de mots, et il faut en moyenne 1,38 minutes sur ma machine (pas terrible) pour générer le lexique. (Pour mémoire, les estimations du nombre de mots de toute longueur dans la langue française tournent autour de 60 000, ou 300 000 si l’on inclut les noms propres). C’était un début de mauvaise foi, alors prenons un chemin un peu plus plausible. Définissons les sons par consonne et voyelle et donnons-nous une structure maximale de (C)VC(C)V. La taille du lexique reste impressionnante, avec près de 2 millions d’entrées, mais elle est un peu plus gérable, et il ne faut que 1,23 secondes en moyenne pour le générer. Voici quelques entrées :[t͡seɡɲi], [mɛlpe], [vɔɡpœ], [ʁift͡sœ], [vednɔ], [wɔbtẽ], [mẽχsu], [fẽntu], [nusdø], [ɡakja] 10 Approche concrète Ce n’est pas encore très bien, mais c’est une amélioration. Prenons un peu de notre connaissance du français québécois pour le nettoyer. (Nous pourrions soit tout générer + filtrer de manière post hoc, soit intégrer certaines catégories à l’avance pour éviter de les générer complètement. Les deux solutions sont compliquées, mais optons pour la première). Revenons à [χ] et [t͡s], en nous souvenant de leur distribution. Nous pouvons ainsi supprimer toutes les occurrences de [χ], [t͡s], [ʁ] et [t] qui ne sont pas conformes à ces modèles. Nous allons procéder à ces suppressions une par une. La première élimine près de 238 000 mauvaises formes, et la seconde plus de 205 000. Ensuite, l’élimination des [ʁ] et [t] dans leurs contextes non attestés permet de supprimer environ 33 000 autres formes. C'est encore loin d’être parfait – voici un autre échantillon : [sẽjnɔ], [jãsʁy], [wiknɛ], [zolmœ], [fɔsɲo], [eʁjõ] – mais nous allons en rester là pour l’instant. (Mais, de votre côté, prenez le temps de réfléchir à ce que vous pourriez faire pour améliorer le système). 11 Approche abstraite Tout ceci était un exemple d’un système, celui où l’on part de tous les sons superficiels et où l’on les réduit pour se débarrasser de certains motifs non attestés. Essayons maintenant une approche différente, qui consiste à partir d’un nombre plus limité de sons de base et à effectuer des transformations actives après coup. En commençant par 33 sons au lieu de 35, nous générons notre lexique avec la même structure consonne-voyelle que précédemment. Nous obtenons ainsi environ 1,5 million de mots, en seulement 0,87 secondes. Un autre échantillon : [ʒɔtzy], [zaʁfɛ], [fydkø], [bœɥʒõ], [nokʃɛ], [ʃinwõ]. Bien que cela semble marginalement acceptable, nous avons une lacune dans la mesure où des mots comme [t͡sizan] et [tχẽ] manqueront, et seront à la place [tizan] et [tʁẽ]. Nous pouvons rectifier cela en remplaçant simplement tout [t] devant [i] ou [y] par [t͡s], et [ʁ] après une plosive sans voix par [χ]. 12 Comparaison Au final, nous obtenons le même nombre de mots, mais nous pouvons comparer les deux approches pour constater que l’approche concrète prend en moyenne 33 secondes et la seconde 27 secondes. En d’autres termes, la seconde approche est 20% plus rapide, et ce avec une différence de 2 sons de base en moins. (Imaginez si nous avions inclus toutes les variantes du français québécois, comme les voyelles relâchées et les diphtongues !) D’où vient cette différence ? ◦ L’une des principales sources est un fait mathématique, lié au fonctionnement des permutations (par exemple, avec une source de départ {a,b,c}, nous avons 6 façons uniques de les arranger en groupes de 3 : abc, acb, bac, bca, cab, cba). ◦ La croissance du nombre de permutations est exponentielle avec l’ajout de chaque membre à la source. Par exemple, l’ajout d’un seul membre se traduira par 600 formes supplémentaires entre une source de 5 sons et une source de 6 sons, mais 1800 formes de 6 à 7 sons, et ainsi de suite. En outre, dans l’approche plus concrète, nous avons dû procéder à une réduction deux fois pour chaque paire de sons régie par le contexte – par exemple, une fois pour [χ] et une fois pour [ʁ]. Avec l’approche plus abstraite, nous n’avons eu qu’à remplacer [χ] par [ʁ] le cas échéant. L’approche concrète nécessite donc également deux fois plus de nombre d’opérations. 13 Une simplification complexe Le but de cette démonstration était de vous montrer que les hypothèses de cette école de phonologie sont enracinées dans des faits naturels. En résumé, plus nous pouvons simplifier le système de départ, mieux c’est. Cela nécessitera une bonne dose d’abstraction et de « travail à rebours », puisque le point de départ de toute analyse est un corpus de formes phonétiques (transcriptions). ◦ Par exemple, dans notre exemple du français québécois, il faudrait examiner un grand nombre de formes, sans tenir compte de l’orthographe (toutes les langues n’en ont pas, ou n’ont pas le même type, mais elles ont aussi des phonologies !), pour établir les contextes et affinités de [χ] et [ʁ], d’une part, et de [t] et [t͡s], d’autre part. ◦ Ce n’est qu’à cette condition que nous pourrons éliminer quelques sons « de base » de notre point de départ. Une autre façon de simplifier les systèmes réside dans la structure des mots, comme nous l’avons vu entre les lexiques de plus de 52 millions de mots et les lexiques de 2 millions de mots. Nous pourrions encore améliorer les choses en disant, par exemple, pas de séquences voyelle nasale + consonne nasale, etc. Encore une fois, bien que tout cela puisse sembler une complication inutile, nous distillons en fait les systèmes sonores de ces langues jusqu’à leur essence. Dans cet esprit, poursuivons... 14 Illustration: [t] ~ [ɾ] En reprenant l’exemple de write/writer, explorons ces deux approches jusqu’àu bout de leur logique, en termes linguistiques plus réels. La raison de baser cette discussion sur un exemple anglais est double. ◦ Premièrement, cela nous permet d’éviter les préjugés ou les illusions phonétiques que nous pouvons avoir à propos de notre première langue. ◦ Deuxièmement, cela nous permet d’examiner une paire de sons impliquant un son absent du français. Il n’est pas nécessaire de pouvoir entendre ou produire la différence entre [t] et [ɾ]. Il suffit de savoir qu’ils ne sont pas identiques et de connaître les éléments articulatoires qui les distinguent (et ceux qu’ils partagent). La plus grande partie du travail dans ce cours se fera dans des langues que vous n’êtes pas censé.e.s parler du tout. L’approche est purement symbolique, c’est-à-dire qu’elle traite les symboles de l’API comme des paquets universels d’informations, et peut donc être effectuée sur n’importe quel ensemble de données de transcriptions avec peu ou pas de connaissance de la langue. 15 Notez que dans cette discussion, les bulles de pensée représentent des formes mentales et les Deux hypothèses bulles de parole des formes phonétiques. Les « boîtes noires » représentent des processus qui peuvent s’appliquer entre les niveaux mental et phonétique. 1. Chaque mot est stocké ‘comme tel’ = fidèle à sa prononciation RAPPEL [ɾ] = battue alvéolaire voisée (comme [d] mais sans pression) [ɚ] = schwa avec « coloration » ɹaɪt ɹaɪt ɹaɪɾɚ ɹaɪɾɚ rhotique, comme un [ɹ] syllabique 2. Chaque unité de sens (morphème) a une forme abstraite qui peut se faire transformer ??? + Ø (write) + -er (writer) ɹaɪt ɹaɪɾɚ 16 Deux hypothèses Encore une fois, l’approche abstraite s’avère être moins « couteuse » le plus près qu’on regarde la langue : ◦ D’autres contextes morphologiques vont manifester l’un des deux sons, comme dans [ɹaɪts] writes ~ [ɹaɪɾɪŋ] writing. ◦ D’autres verbes auront le même comportement: [ijt] eat ~ [ijɾɚ] eater, [ijɾɪŋ] eating, et ◦ Cette tendance s’observe même dans l’absence de cette structure morphologique. Par exemple, [mijɾɚ] meter contient la battue dans un contexte phonétiquement identique mais morphologiquement différent (il ne s’agit pas du suffixe agentif –er), pareillement pour la plosive devant le [s] de [hɚts] Hertz. ◦ Enfin, ces modèles s’appliquent aux nouvelles formes (p. ex. [twijt] tweet ~ [twijɾɪŋ] tweeting) En adoptant la deuxième hypothèse, nous pouvons à la fois réduire le nombre de formes à stocker, expliquer des observations statiques (comme dans meter) et faire des prédictions. C’est cette dernière capacité qui rend la deuxième hypothèse optimale en termes scientifiques. NB: ~ signale une alternance, soit un changement de son entre deux formes apparentées 17 Modèle standard Dans notre modèle, la phonologie et la phonétique sont deux modules distincts de la langue, dans cet ordre. À partir de nos observations, nous essayons de modéliser une dérivation de l’abstrait vers le concret (‘superficiel’), soit de formes mentales (phonologiques) vers des formes prononcées (phonétiques). Toute analyse doit être cohérente, et une application fondée sur des principes et impartiale (c’est-à-dire régulière) doit produire les formulaires attestés et ne doit pas produire de formulaires non attestés. 18 Principes & éléments : FSJ & processus Toute cette discussion sert à mettre en évidence deux principes fondamentaux, soit les formes sous-jacentes (FSJ) et les processus. Les FSJ sont les formes abstraites et mentales qui composent le lexique d’une langue. Comme nous l’avons vu, si un morphème est une unité de sens (par exemple, accept-able > acceptable), il ne peut y avoir qu’une seule FSJ par morphème. (Notez que les frontières entre morphèmes sont souvent représentées par des tirets). Les processus, cependant, sont des opérations qui servent à transformer certains sons ou certaines séquences bien définis. (Nous en verrons d’autres propriétés plus tard). Si les conditions d’un processus ne sont pas remplies, aucune transformation n’a lieu et la FSJ se prononce fidèlement. 19 Analyse phonologique Comme nous l’avons déjà dit, un ensemble de problèmes habituels doit être analysé à l’envers. À partir des transcriptions phonétiques, nous devons faire des généralisations qui nous aideront à déduire les formes mentales et la présence ou l’absence d’un processus de transformation. Dans de nombreux cas, il s’agit de prendre une décision entre deux possibilités d’analyse, auquel cas la théorie et les principes de la logique nous aideront à opter pour l’une plutôt que pour l’autre. Dans n’importe quel exercice, toutes les informations nécessaires pour arriver à la solution attendue vous seront fournies. Mais faites attention aux lacunes accidentelles, en particulier dans les petits ensembles de données. En général, il est important de trouver le bon niveau de détail pour résumer les faits (par exemple, est-ce après les consonnes ? ou seulement les plosives ? ou seulement [t] ?) Dans l’esprit de faire plus de prédictions, il est souvent préférable d’être plus général que spécifique. 20 Analyse phonologique Reprenons nos observations sur l’anglais : ◦ Dans les données: [t] en fin de mot, devant [s]; [ɾ] devant une voyelle (?) ◦ Ailleurs en anglais: [tɛst, tɛstɚ] test, tester; [ɾ] jamais en début ou fin de mot ◦ [ɾ] entre 2 voyelles ! En nous basant sur le principe que chaque morphème aura une seule base mentale, et que la présence d’un processus doit produire les variantes observées, nous avons 2 possibilités plausibles pour la base write : 1. /ɹaɪɾ-/ Conséquence : /ɾ/ devient [t] dans quels contextes ? En fin de mot, devant une consonne. 2. /ɹaɪt-/ Conséquence : /t/ devient [ɾ] dans quels contextes ? Entre deux voyelles. La (2) est plus facile de décrire & tient compte d’une généralisation statique pour toute la langue ([ɾ] uniquement entre deux voyelles) ɹaɪt ɹaɪts ɹaɪɾɚ ɹaɪɾɪŋ 21 Processus analytique Voici une illustration d’un processus analytique typique, /ɹaɪt-/ du moins pour un certain type de problème. Sur la base de ces formes, nous pouvons séparer les morphèmes et remarquer quelles variantes du morphème nous voyons dans quel contexte. (Par contexte, nous entendons surtout le contexte sonore.) Nous pouvons ensuite généraliser en disant que [ɾ] est limité à la position intervocalique, ce qui peut nous amener à supposer qu’il y a un processus de changement de /t/ en [ɾ] dans ce contexte, et donc que la forme de Généralisation ! = [ɾ] entre deux voyelles base est /ɹaɪt-/. + rien + /-s/ + /-ɚ/ + /-ɪŋ/ ɹaɪt ɹaɪts ɹaɪɾɚ ɹaɪɾɪŋ 22 Dérivation Si l’on considère la manière dont une analyse est rédigée, /ɹaɪt-/ ou la manière dont elle est supposée fonctionner dans le monde réel, nous disons qu’à partir de notre base /ɹaɪt-/, nous pouvons ajouter différents morphèmes, et que chaque fois qu’un /t/ se trouve entre des voyelles, il doit devenir un [ɾ]. + rien + /-s/ + /-ɚ/ + /-ɪŋ/ = /t/ devient [ɾ] entre deux Processus voyelles ɹaɪt ɹaɪts ɹaɪɾɚ ɹaɪɾɪŋ 23 Principes analytiques Basé sur Alan Bale & Charles Reiss, Phonology 24 Morphologie La plupart des analyses commenceront par faire de la morphologie (structure interne des mots) pour trouver les morphèmes (plus petite unité de sens). Il s’agit d’une méthode comparative et soustractive. Une méthode comparative consiste à examiner des séquences similaires pour voir ce qu’elles ont en commun. Par exemple, en examinant les deux premières et la dernière phrases, nous pouvons voir que « teacher » est partagé et doit correspondre à ◇+. (Avant d’examiner la dernière phrase, il n’est pas possible de savoir si le symbole ▽ lui appartient, car de nombreuses langues ont une copule nulle, c’est-à-dire que le verbe être n’a peut-être pas besoin d’être exprimé). Une méthode soustractive s’intéresse Comparative Soustractive à ce qui reste une fois que tout le reste a été déterminé. Puisque nous ◇+ = Teacher ∞- = rude savons ce que sont « teacher » et « is » dans la première phrase, nous ▽ = is ♡# = likes pouvons conclure sans risque que △★ = stupid « rude » doit être ∞-. ☐ = Earvin 25 Morphologie Imaginons une langue hypothétique avec les formes suivantes: ◦ [nale] ‘un chapeau’ nale chapeau pik egreneville ◦ [onal] ‘le chapeau’ et un ◦ [pike] ‘un grenouille’ oth Quels sont les morphèmes pour ‘chapeau’, ‘grenouille’, ‘un’ et ‘le’ ? Par quel moyen et quelles comparaisons peut-on les découvrir ? ◦ a. & c. : [e] = ‘un’ (un suffixe) ◦ a. & b. : [nal] = ‘chapeau’ ◦ Soustraire [nal] de [nalo] : [o] = ‘le’ (un préfixe) ◦ Soustraire [pik] de [pike] : [pik] = ‘grenouille’ 26 Exemple du turc Prenons maintenant un exemple de la vraie vie, en adoptant un va-et-vient entre proposition & essai d’hypothèses. ◦ [eller] = ‘mains (pluriel)’ → Où tracer la ligne ? Impossible jusqu’ici. ◦ [evler] = ‘maisons (pluriel)’ → Pluriel [e…ler] ? [ler] ? ◦ [ipler] = ‘cordes (pluriel)’ → Pluriel [ler]. On pourrait confirmer davantage avec plus de données. 27 Exercice : Michoacán Nahuatl* Quels sont les trois marqueurs possessifs (‘my’, ‘your’, ‘his’) dans les données ? Comment cette langue distingue-t-elle le singulier du pluriel ? Kali house · = · pelo : dog um mus - · no = my · Kwahmili = cornfield um um - mo-your · um w i = his um Un um r um an much w nu wi mess # ‘my’ = [no], ‘your’ = [mo], ‘his’ = [i] Singulier = Ø (null), pluriel = [mes] *Une langue autochtone du Mexique (une variété de Nahuatl) parlée sur la côte Pacifique 28 L’importance d’être constant Comme nous avons vu, un morphème peut avoir plusieurs réalisations (le terme pour ceci est allomorphes), et on propose des processus pour tenir compte de toute transformation entre une FSJ et sa forme phonétique. Un processus doit s’appliquer lorsque les conditions que vous stipulez sont remplies, de façon systématique et constante, sinon elle est falsifiée. Imaginons les formes suivantes : [goli] ‘un chien’, [gola] ‘le chien’ ; [posi] ‘un pied’, [pota] ‘le pied’. On peut avancer que [gol] = ‘chien’, [i] = ‘un’, [a] = ‘le’ ‘Pied’ a comme allomorphes [pos] et [pot]. Sa forme lexicale est probablement l’une des deux, mais laquelle ? ◦ H1 : /pot/, avec une règle : t → s devant i ◦ H2 : /pos/, avec une règle : s → t devant a Si l’on cherche d’autres formes dans la langue et on observe les formes [tusi] ‘un livre’ et [tusa] ‘le livre’, la H2 est invalidée, car elle prédit que tout /s/ devrait devenir [t] devant [a], soit *[tuta]. Dans d’autres termes « s → t devant a » ne tolère aucune séquence [sa] au niveau phonétique. Avocat du diable : si s → t devant a lorsqu’il s’agit d’une partie du corps? ◦ Cela ne va probablement pas tenir debout avec plus de données, mais ◦ Plus important encore, on présuppose la modularité : le module phonologique n’a accès qu’a des informations phonologiques ! (Des notions lexicales comme « partie de corps » n’en font pas partie.) 29 H1 vs. H2 [posi] ‘un pied’, [pota] ‘le pied’, [tusi] ‘un livre’, [tusa] ‘le livre’ H1 H2 /pot/ ‘pied’, /tus/ ‘livre’ /pos/ ‘pied’, /tus/ ‘livre’ t → s devant i s → t devant a /poti/ → [posi] /posa/ → [pota] Aucun autre changement (conditions Mais /tusa/ doit devenir *[tuta] selon non remplies) la règle. Invalidé ! 30 Principes illustrés Pour donner corps à ces principes, on peut leur donner des noms, qu’ils soient spécifiques à la phonologie ou qu’ils se retrouvent plus généralement dans la logique formelle. Notons que ces termes ne sont pas universels à la phonologie, et que l’approche consistant à faire appel à ces noms n’en est qu’une parmi d’autres. Les noms sont donnés plutôt comme un moyen mnémotechnique. 1. Postulat de non-alternance (PNA) 2. Postulat de forme lexicale de surface (PFLS) 3. Modus Tollendo Ponens (MTP) 4. Reductio Ad Absurdum (RAA) 31 PNA postulat de non-alternance [goli] ‘un chien’ [gola] ‘le chien’ [posi] ‘un pied’ [pota] ‘le pied’ [tusi] ‘un livre’ [tusa] ‘le livre’ Pour un morphème donné, lorsqu’il n’y a qu’une seule forme de surface dans tous les environnements, on suppose que la forme lexicale (FSJ) y est identique (dans la mesure que la FSJ ne contienne pas de sons non-contrastifs – ceci sera expliqué la semaine prochaine). → C’est comment nous sommes arrivés à la conclusion que /i/ = ‘le’, /a/ = ‘le’, /gol/ = ‘chien’, /tus/ = ‘livre’ 32 PFLS postulat de forme lexical de surface [goli] ‘un chien’ [gola] ‘le chien’ [posi] ‘un pied’ [pota] ‘le pied’ [tusi] ‘un livre’ [tusa] ‘le livre’ Pour un morphème donné, s’il y a plusieurs formes de surface dans tous les environnements, on suppose que la forme lexicale (FSJ) est identique à l’une d’elles. → C’est comment nous sommes arrivés à la conclusion que la FSJ de ‘pied’ doit être soit /pos/, soit /pot/ 33 MTP modes tellendo parens [goli] ‘un chien’ [gola] ‘le chien’ [posi] ‘un pied’ [pota] ‘le pied’ [tusi] ‘un livre’ [tusa] ‘le livre’ Entre deux propositions p et q, si (p ou q) est vrai [= s’il est nécessairement le cas que l’une des deux est vraie] et p est faux, on peut conclure que q est vrai. Par exemple, si l’on sait que John est soit à l’école, soit chez lui, et on découvre qu’il n’est pas à l’école, on conclut qu’il est chez lui. 34 RAA reductio and apsordum [goli] ‘un chien’ [gola] ‘le chien’ [posi] ‘un pied’ [pota] ‘le pied’ [tusi] ‘un livre’ [tusa] ‘le livre’ Pour une proposition p, si supposer que p est vrai mène à une contradiction, on peut conclure que p est faux. Par exemple, si l’on suppose que John est sévèrement allergique aux arachides, mais on observe qu’il en mange sans difficulté de respiration, notre supposition initiale est fausse. 35 RAA → MTP [goli] ‘un chien’ [gola] ‘le chien’ [posi] ‘un pied’ [pota] ‘le pied’ [tusi] ‘un livre’ [tusa] ‘le livre’ Si l’on suppose que la FSJ de ‘livre’ est /pos/, il nous faut une règle s → t devant a. Mais nous avons déjà établi que la FSJ de ‘livre’ est /tus/. Si cette règle est active dans cette langue, elle produirait /tusa/ → *[tuta], ce qui mène à une contradiction. Conclusion de la RAA : La proposition que la FSJ de ‘pied’ est /pos/ est faux. Conclusion du MTP : La FSJ de ‘pied’ doit être /pot/. Enfin, pour générer [posi] ‘un pied’ il nous faut une règle t → s devant i. Ceci ne mène pas à de contradictions. 36

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