Expertise Comptable et Secret Professionnel 2021 PDF
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This document, "Expertise Comptable et Secret Professionnel 2021", outlines the legal framework and professional principles related to accounting expertise and professional secrecy. It covers the scope of information covered, the individuals subject to the obligation, and the conditions under which this secrecy can be lifted. The document also delves into various practical applications, such as interactions with public authorities and legal procedures.
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EXPERTISE COMPTABLE ET SECRET PROFESSIONNEL Edition 2021 ISBN : 978-2-35267-804-5 ISSN : 2264-816X « Le secret professionnel est l’apanage d’une profession libérale organisée et responsable. Il favorise le climat de confiance indispensable à l’accomplissement de la miss...
EXPERTISE COMPTABLE ET SECRET PROFESSIONNEL Edition 2021 ISBN : 978-2-35267-804-5 ISSN : 2264-816X « Le secret professionnel est l’apanage d’une profession libérale organisée et responsable. Il favorise le climat de confiance indispensable à l’accomplissement de la mission du professionnel et garantit aux individus l’inviolabilité d’une certaine sphère d’activité » 1 1 Motion du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables du 7 mai 1980 3 SOMMAIRE PREMIERE PARTIE.............................................................. 7 CHAPITRE 1 Textes et principes........................................... 9 1. Informations couvertes par le secret professionnel............. 10 2. Personnes soumises au secret professionnel...................... 12 3. Devoir de discrétion.................................................. 14 4. Notion de client....................................................... 15 4.1. Propriétaire d’actions ou de parts sociales de la société cliente......................................................... 16 4.2. Conjoint du représentant légal de la société cliente............ 16 4.3. Ancien représentant légal de la société cliente.................. 17 CHAPITRE 2 Levée du secret professionnel........................... 19 1. Levée du secret professionnel par la loi.......................... 19 2. Apports de la jurisprudence......................................... 20 DEUXIEME PARTIE............................................................. 21 CHAPITRE 1 Application dans le cadre de la mise en cause du professionnel................................................. 23 1. Mise en cause du professionnel..................................... 23 1.1. Par les pouvoirs publics.............................................. 23 1.2. En matière disciplinaire.............................................. 24 1.3. En matière civile...................................................... 24 2. Contrôle de qualité de l’Ordre..................................... 25 CHAPITRE 2 Application dans le cadre des relations entre professionnels................................................ 27 1. Échanges d’informations entre experts-comptables d’une même société d’expertise comptable dans le cadre d’une mission pour un même client....................................................... 27 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 4 Expertise comptable et secret professionnel 2. Echanges d’informations entre différents professionnels réglementés appartenant à différentes structures.............. 28 3. Echanges d’informations entre experts-comptables ou entre experts-comptables et un professionnel réglementé au sein d’une société pluri-professionnelle d’exercice.................. 30 CHAPITRE 3 Application dans le cadre des relations avec les pouvoirs publics.............................................. 33 1. Administration fiscale................................................ 33 1.1. Droit de communication.............................................. 33 1.2. Visite domiciliaire..................................................... 37 1.3. Déclaration de dispositifs transfrontières à caractère potentiellement agressifs........................................... 39 2. Organismes de sécurité sociale : droit de communication..... 41 3. Administration de la concurrence et de la consommation..... 43 3.1. Recueil de renseignements et de documents...................... 43 3.2. Accès aux locaux...................................................... 44 3.3. Visite et saisie......................................................... 44 4. Autorité de la concurrence.......................................... 45 4.1. Droit d’accès et droit de communication (enquête simple).................................................................. 46 4.2. Visite domiciliaire et saisie de documents (enquête lourde).................................................................. 48 5. Administration des douanes......................................... 50 5.1. Droit de communication.............................................. 51 5.2. Visite domiciliaire..................................................... 51 6. Autorité des Marchés Financiers.................................... 52 6.1. Droit d’accès et de communication................................. 52 6.2. Visite domiciliaire..................................................... 53 7. Collectivités territoriales............................................ 54 8. Cour des comptes..................................................... 55 9. Agence française anticorruption................................... 56 10. Commission nationale informatique et libertés.................. 57 11. Autorité de contrôle prudentiel et de résolution................ 58 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 5 CHAPITRE 4 Application dans le cadre des procédures collectives..................................................... 60 1. Le juge-commissaire................................................. 60 2. L’administrateur judiciaire.......................................... 61 3. Le mandataire judiciaire............................................ 62 4. Le liquidateur judiciaire............................................. 62 CHAPITRE 5 Application dans les relations avec les services de police et l’autorité judiciaire.............................. 64 1. Enquête et instruction pénale...................................... 65 1.1. Réquisitions............................................................ 65 1.2. Perquisitions et saisies............................................... 69 Dans le cadre de l’enquête de flagrance.......................... 70 Dans le cadre de l’enquête préliminaire.......................... 71 Dans le cadre de l’instruction....................................... 72 1.3. Audition pénale........................................................ 73 2. Dénonciation en matière pénale................................... 76 2.1. Principe : interdiction de dénonciation de crimes et délits.................................................................... 76 2.2. Exception : la déclaration de soupçon............................. 77 CHAPITRE 6 Application dans le cadre de la procédure civile..... 85 1. Mesure d’instruction fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile...................................................... 85 2. Droit de communication de l’expert judiciaire.................. 86 CHAPITRE 7 Implications de la législation sur les données personnelles en cas de transmission de données...... 87 TABLEAU RECAPITULATIF................................................. 89 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 PREMIERE PARTIE DEFINITION DU SECRET PROFESSIONNEL Première partie : Définition du secret professionnel 9 CHAPITRE 1 TEXTES ET PRINCIPES Les professionnels de l’expertise comptable soumis au secret professionnel sont listés à l’article 21 de l’ordonnance n°45-2138 du 19 septembre 1945. L’alinéa 1 de cet article précise que « Sous réserve de toute disposition législative contraire, les experts-comptables, les salariés mentionnés à l’article 83 ter et à l’article 83 quater, les experts-comptables stagiaires et les professionnels ayant été autorisés à exercer partiellement l’activité d’expertise comptable sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines fixées par l’article 226-13 du Code pénal ». L’alinéa 3 dispose que « […] les personnes mentionnées au cinquième alinéa du I de l’article 7 ter [dirigeants et administrateurs d’AGC], sont tenus au secret professionnel dans les mêmes conditions ». L’article 226-13 du Code pénal précise que « la révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende ». Il faut ajouter à ces sanctions pénales la possibilité pour le professionnel de voir sa responsabilité engagée au plan civil et/ou disciplinaire. L’article 226-14 du code précité prévoit quant à lui que « L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret ». Il ressort de ces textes que l’expert-comptable commet le délit d’atteinte au secret professionnel, réprimé à l’article 226-13 du Code pénal, lorsqu’il révèle une information dont il est dépositaire, si aucun texte légal ne prévoit la levée de ce secret. Cette infraction est constituée lorsque les éléments suivants sont réunis : L’élément matériel : un acte de révélation portant sur des informations recueillies dans l’exercice de la profession (une appréciation subjective du professionnel ne peut être considérée comme une information). Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 10 Expertise comptable et secret professionnel L’élément moral : l’intention du professionnel de révéler le secret dont il a connaissance, quel que soit son mobile (à distinguer d’une négligence ou d’une erreur de droit) 1. L’un des arrêts de référence en la matière est l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 février 2005 2, qui at conclu un débat sur la distinction, pour l’application du secret, entre les missions principales et les missions accessoires de l’expert-comptable, en énonçant le principe selon lequel « quel que soit l’objet de la mission dont il est chargé par contrat, l’expert-comptable est tenu à un secret professionnel absolu à raison des faits qu’il n’a pu connaître qu’en raison de la profession qu’il exerce ». Un arrêt rendu le 10 septembre 2015 par la première Chambre civile de la Cour de cassation 3 a semblé remettre en cause le caractère absolu du secret en ne le qualifiant pas expressément comme tel. Or, l’examen de la jurisprudence récente (peu abondante) en matière de secret professionnel permet de considérer l’arrêt de 2015 comme un arrêt d’espèce. Il n’est donc pas possible, à la lecture de ce seul arrêt, de considérer que le secret professionnel ne serait plus absolu. Quels sont le champ et les personnes concernées par cette obligation au secret professionnel ? 1. Informations couvertes par le secret professionnel Les textes applicables aux experts-comptables ne donnent pas de définition précise des informations relevant du secret professionnel. De manière générale, il est possible de déduire de la jurisprudence et de la doctrine qu’une information est couverte par le secret professionnel dès lors qu’elle a été recueillie par un professionnel es qualité. C’est parce que certaines informations ont été recueillies par une personne tenue au secret professionnel dans l’exercice de sa profession qu’elles sont couvertes par le secret professionnel. Le secret professionnel de l’expert-comptable étant absolu, il va au-delà de la protection des intérêts du client, ce qui explique que personne ne peut l’en délier. Les exemptions possibles doivent être prévues par des dispositions législatives spécifiques. Par conséquent, la levée du secret par 1 Jurisprudence constante : Cass. crim., 7 mars 1989, n°87-90.500. 2 Cass. com., 8 février 2005, n°02-11.044 3 Cass., civ. 1, 10 septembre 2015, n°14-22.699 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Première partie : Définition du secret professionnel 11 le client n’est pas suffisante pour exonérer l’expert-comptable de son obligation. Cependant, dans les cas où la divulgation de certaines informations participe nécessairement à l’exercice de la mission, le juge peut être conduit à y voir une situation de dérogation licite au secret professionnel. En effet, le but de l’obligation au secret n’a jamais été d’empêcher le professionnel d’exercer sa mission (exemple : télétransmission par l’expert-comptable de la liasse fiscale du client à l’administration...). Sans dénier un caractère absolu au secret professionnel, l’analyse de la jurisprudence démontre que les juges peuvent faire preuve d’une certaine souplesse dans l’appréciation de l’obligation au secret, en fonction notamment des circonstances de fait. Celles-ci peuvent justifier certaines dérogations à l’obligation au secret. Ainsi, dans certaines circonstances, les divulgations d’informations, a priori couvertes par le secret, peuvent être admises parce qu’elles sont fondées sur des situations de nécessité, que le juge s’efforce de caractériser de manière objective et manifeste, insistant sur leur caractère légitime. Il est recommandé de mentionner, notamment dans les lettres de mission ou tous documents contractuels signés avec le client, les informations (listées ou mentionnées en fonction de leur nature ou de leur type) dont la transmission par l’expert-comptable à certains acteurs (organismes agréés, administration fiscale, organismes sociaux, Banque de France par exemple) est inhérente à la mission même confiée à l’expert-comptable, ainsi que les circonstances objectives, justifiant cette transmission. L’existence de ce « mandat » constituera un indice supplémentaire pour le juge. Dans la même lignée, il semble difficile de considérer une information publique (ex : publication des comptes de certaines sociétés) comme relevant du secret professionnel. Cela ne signifie pas pour autant que l’expert-comptable peut disposer à sa guise des informations « publiques » obtenues dans le cadre de sa mission. Il est à noter que l'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 dispose que sont couvertes par le secret professionnel des avocats les consultations et correspondances échangées entre le client et son avocat ou entre l'avocat et ses confrères, sauf celles portant la mention officielle. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 12 Expertise comptable et secret professionnel Ce secret professionnel ne couvre en revanche pas les correspondances ou consultations échangées entre un avocat et l'expert-comptable de son client 4, ni entre un expert-comptable et son client. Ainsi, par exemple, pourra être produite une lettre adressée par un avocat relatant la teneur de ses entretiens avec un client au cours d’une réunion à laquelle l’expert-comptable a participé, les informations échangées à cette occasion ne pouvant avoir un caractère secret à l’égard de ce professionnel (idem pour les lettres faisant état de faits notoires). En revanche, un expert-comptable ne pourra produire en justice la lettre d’un avocat à un client dans un litige l’opposant à ce même client, peu important que la lettre lui ait été communiquée par l’avocat pour information 5. 2. Personnes soumises au secret professionnel L’article 21 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 prévoit que sont soumis au secret professionnel les experts-comptables, les salariés autorisés mentionnés à l’article 83 ter et à l’article 83 quater, les professionnels ayant été autorisés à exercer partiellement l’activité d’expertise comptable, les dirigeants et administrateurs d’AGC ainsi que les experts- comptables stagiaires. Il s’agit uniquement de personnes physiques. Les experts-comptables en entreprise inscrits au tableau de l’Ordre ne sont pas soumis à l’article 21 de l’ordonnance de 1945. Sont également soumis à cette obligation en vertu du même article les membres des juridictions et organismes rattachés à l’Ordre pour les affaires dont ils ont à connaître à l’occasion de leur fonction (commission d’inscription des AGC, commission nationale de discipline des AGC, chambres de discipline ordinales…). Le professionnel mandaté par le Président du conseil régional en qualité d’arbitre 6 ou de conciliateur dans un litige entre un professionnel et son client, ou entre professionnels, est astreint au secret professionnel vis-à- vis des tiers 7. 4 Cass. com., 4 novembre 2014, n° 13-20.322 5 Cass., civ. 1ère, 14 janv. 2010, n° 08-21.854 6 Décret du 30 mars 2012, article 160 7 Ordonnance de 1945, article 21 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Première partie : Définition du secret professionnel 13 Le contrôleur qualité est tenu au secret en ce qui concerne toutes les informations dont il a connaissance à l’occasion du contrôle. Il ne peut faire état de ses observations et conclusions que dans les rapports de contrôle 8. Le contrôleur LBC-FT (Lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le Financement du Terrorisme) est tenu au secret professionnel pour les informations dont il a eu connaissance à l’occasion d’un contrôle LBC-FT, sauf à l’égard des membres du comité LBC-FT et des contrôleurs salariés du conseil supérieur. Il ne peut faire état de ses observations et conclusions que dans le rapport de contrôle LBC-FT 9. Concernant les salariés non experts-comptables employés par les experts- comptables, ceux-ci ne sont pas visés à l’article 21 de l’ordonnance du 19 septembre 1945. Aucun texte ne les soumet au secret professionnel, à la différence des collaborateurs des commissaires aux comptes (article L 822- 15 du code de commerce : « Sous réserve des dispositions de l'article L 823-12 et des dispositions législatives particulières, les commissaires aux comptes, ainsi que leurs collaborateurs et experts, sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leurs fonctions… »). Par conséquent, c’est le droit du travail qui leur est applicable. La convention collective nationale des cabinets d’experts-comptables et de commissaires aux comptes prévoit en son article 8.5.2 que : « Les collaborateurs sont tenus, indépendamment d'une obligation de réserve générale, à une discrétion absolue sur tous les faits qu'ils peuvent apprendre en raison de leurs fonctions ou de leurs missions ainsi que de leur appartenance au cabinet. Cette obligation de réserve concerne exclusivement la gestion et le fonctionnement du cabinet et des entreprises clientes, leur situation financière et les projets les concernant. Ces dispositions ne font pas obstacle à l'application de l'article L 2323-18 du Code du travail. Les documents ou rapports qu'ils établiront ou dont communication leur sera donnée sont la propriété du cabinet ou du client du cabinet. Ils ne pourront ni en conserver de copies ou de photocopies, ni en donner communication à des tiers sans l'accord écrit du membre de l'ordre ou de la compagnie. 8 Règlement intérieur de l’Ordre, article 417 9 Règlement intérieur de l’Ordre, article 484 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 14 Expertise comptable et secret professionnel Toute inobservation à cette stricte obligation constitue une faute lourde, et justifie non seulement un congédiement immédiat, mais en outre, la réparation du préjudice causé ». Ainsi, les salariés non experts-comptables d’une structure d’exercice professionnel d’expertise comptable sont soumis par la convention collective à un devoir de discrétion. Cette obligation implique qu’il est interdit aux salariés de divulguer à des tiers les informations auxquelles leurs responsabilités leur donnent accès. A noter que les salariés des organismes de gestion agréés (OGA) sont tenus au respect du secret professionnel en vertu de l’article 371 QA de l'annexe II du CGI qui dispose que « Les statuts doivent comporter des clauses selon lesquelles les associations s'engagent : 1° si elles ont recours à la publicité, à ne pas porter atteinte à l'indépendance, à la dignité et à l'honneur de l'institution, pas plus qu'aux règles du secret professionnel, à la loyauté envers les adhérents et les autres associations se livrant à la même activité, quel que soit le support utilisé, et à n'avoir recours au démarchage que sous réserve de procurer au public visé une information utile, exempte de tout élément comparatif, ne contenant aucune inexactitude ni induisant le public en erreur, mise en œuvre avec discrétion et adoptant une expression décente et empreinte de retenue ; […] 5°à exiger de toute personne collaborant à leurs travaux le respect du secret professionnel ». 3. Devoir de discrétion L’article 147 du code de déontologie dispose que « Sans préjudice de l’obligation au secret professionnel, les personnes mentionnées à l’article 141 sont soumises à un devoir de discrétion dans l’utilisation de toutes les informations dont elles ont connaissance dans le cadre de leur activité » 10. Le client qui contracte avec un expert-comptable doit avoir l’assurance que les informations fournies à celui-ci ne seront ni divulguées sans son accord, ni utilisées à des fins étrangères à la mission, notamment dans l’intérêt du professionnel ou d’un tiers. 10 Décret n°2012-432 du 30 mars 2012 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Première partie : Définition du secret professionnel 15 La discrétion vise toutes les informations, recueillies au cours de la mission, que l’expert-comptable ne doit pas divulguer. Le périmètre de cette obligation est donc identique à celui de l’obligation au secret professionnel. Pour preuve, la jurisprudence n’a jamais consacré une quelconque distinction entre le secret professionnel et le devoir de discrétion, dès lors qu’elle considère que toutes les informations que l’expert-comptable vient à connaître en raison de la profession qu’il exerce sont couvertes par une obligation absolue de secret professionnel, quel que soit l’objet de la mission dont il est chargé. Un expert-comptable ne peut donc transmettre aucune information recueillie dans le cadre de sa mission à des tiers, sous peine de voir une action pénale, civile et/ou disciplinaire engagée à son encontre, sous réserve des situations de nécessité telles qu’évoquées au point 1.. En outre, une obligation contractuelle de confidentialité portant sur certains éléments peut être prévue dans la lettre de mission. Elle pourrait être levée en cas d’autorisation du client (ex : mention du nom du client sur un support de communication de l’expert-comptable). Sa violation est susceptible d’engager la responsabilité contractuelle de l’expert- comptable, sur le fondement de l’article 1231 du Code civil. 4. Notion de client L’expert-comptable est tenu par le secret professionnel vis-à-vis de son client. Par conséquent, il doit s’assurer que la personne à laquelle il transmet des informations est bien la personne avec laquelle il a contracté. En pratique, ce principe peut parfois se révéler complexe à appliquer. Lorsque le professionnel signe une lettre de mission avec une personne morale, c’est cette dernière qui a la qualité de « client ». Il doit donc transmettre des informations tout au long de sa mission uniquement à (aux) la personne (s) physique (s) habilitée (s) par la loi et les statuts à représenter cette personne morale. Forme juridique Représentants légaux Société civile Gérant(s) SARL Gérant(s) EURL Gérant SA à Conseil d’administration Président du Conseil d’administration ou Directeur Général SA à directoire Président du directoire ou Directeur Général unique Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 16 Expertise comptable et secret professionnel SAS Président et Directeur(s) Général (aux) et Directeur(s) Général (aux) Délégué(s) (selon les statuts) SASU Président Société en commandite par Gérant(s) actions Société en commandite simple Gérant(s) Société en nom collectif Gérant Les co-gérants ont chacun la qualité de représentants légaux de la société ; l’expert-comptable ne peut donc refuser de communiquer avec l’un des co-gérants, même si celui-ci n’a pas signé la lettre de mission conclue avec la société. Quel comportement doit adopter l’expert-comptable en cas de demande d’information effectuée par d’autres personnes ? 4.1. Propriétaire d’actions ou de parts sociales de la société cliente L’expert-comptable peut engager sa responsabilité s’il transmet des informations à une personne qui est « uniquement » propriétaire d’actions ou de parts sociales et non représentante légale de l’entreprise. Ceci étant, en pratique, les qualités de propriétaire d’actions ou de parts sociales et de représentant légal de la personne morale sont souvent réunies en une seule et même personne. Il faut par ailleurs souligner le fait que le propriétaire d’actions ou de parts sociales dispose d’un droit d’information sur les activités et la santé de la société. Si aucun texte n’affirme clairement ce principe pour chaque type de société, le dirigeant a un devoir de loyauté envers les « propriétaires » de l’entreprise. Il se doit d’informer les associés ou actionnaires dans les conditions prévues par la loi. L’expert-comptable ne peut donc transmettre de sa propre initiative ou sur leur demande la moindre information aux « propriétaires », mais il pourra rappeler à son client que celui-ci est tenu à une obligation de loyauté vis-à-vis de ces derniers. La décision de communiquer ou non les documents aux associés/actionnaires appartiendra ensuite au client. 4.2. Conjoint du représentant légal de la société cliente Un expert-comptable peut-il communiquer des documents comptables au mari du représentant légal, en instance de divorce, de la personne morale cliente, dont il est associé ? Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Première partie : Définition du secret professionnel 17 En l’espèce, la femme, gérante de la société et signataire de la lettre de mission, est le représentant légal du client de l’expert-comptable. En conséquence, ce dernier n'a de comptes à rendre qu'à celle-ci, et de manière générale uniquement au signataire de la lettre de mission, si bien que le mari de la gérante n'a aucun titre pour avoir communication d'un document comptable de l'entreprise (et ce quel que soit le régime matrimonial adopté). Si l’expert-comptable doit refuser de communiquer des documents comptables à un associé/actionnaire de la société, en revanche, il peut utilement rappeler à la femme qu’en sa qualité de gérant, elle doit respecter son devoir de loyauté envers ses associés/actionnaires qui consiste notamment à les informer sur les activités et la santé de la société. 4.3. Ancien représentant légal de la société cliente L’exemple du dirigeant révoqué ou démissionnaire permet de rappeler que l’expert-comptable viole son obligation au secret professionnel s’il transmet des informations à toute personne n’étant pas le représentant légal de la société cliente. L’ancien dirigeant n’a plus mandat pour représenter la société ; il en est devenu un tiers (partiellement s’il en détient encore des parts ou actions). La situation du dirigeant doit être appréciée au jour de la demande de transmission de documents ou informations (et non de la date du document ou de l’information demandée ; en effet, ceux-ci pourraient avoir été modifiés postérieurement à leur établissement, à une date où le demandeur n’était plus dirigeant). Par conséquent, le professionnel est tenu d’opposer le secret professionnel à toute demande d’un ancien dirigeant. A l’issue de sa mission, l’expert-comptable peut-il restituer les documents comptables à un tiers à la demande du client ? Il est conseillé de remettre tous les documents au client, avec signature d’une décharge, à charge pour lui de les communiquer à un tiers. Le consentement du client à la transmission d’informations couvertes par le secret professionnel n’exonère en effet pas totalement le professionnel de sa responsabilité. Dans ce contexte, un expert-comptable qui succéderait à un confrère doit demander au client, et non à son Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 18 Expertise comptable et secret professionnel prédécesseur, la transmission des éléments nécessaires à la mission (cf. guide « Procédure en cas de reprise de dossiers »). Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Première partie : Définition du secret professionnel 19 CHAPITRE 2 LEVEE DU SECRET PROFESSIONNEL L’article 226-14 du Code pénal prévoit que le professionnel est exonéré de son obligation dans « les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret ». Cette disposition contribue au caractère absolu du secret, dont seule la loi peut délier l’expert-comptable. 1. Levée du secret professionnel par la loi Les cas où le secret professionnel ne peut être opposé sont limitativement énumérés par la loi (code pénal, code général des impôts, ordonnance de 1945…). En effet, le secret professionnel protège un intérêt général, et non un intérêt particulier 1. La loi pénale étant d’interprétation stricte, seuls doivent être retenus les cas cités par la loi. Si la levée du secret professionnel est expressément prévue par certaines dispositions légales 2, il arrive parfois que le législateur se soit contenté de prévoir un droit de communication au profit d’une administration ou d’une autorité sans mentionner une levée du secret professionnel 3. La question se pose alors de savoir si le professionnel est tenu de délivrer ou non à l’organe qui lui en fait la demande des informations couvertes par le secret professionnel. La difficulté de cette question réside dans le fait que c’est parfois la jurisprudence qui a considéré que dans certaines hypothèses, le secret professionnel n’était pas opposable. 1 Cass. crim, 27 octobre 2004, n°04-81.513, sur le secret de l’instruction 2 Exemple : l’article 77-1-1 du Code de procédure pénale relatif à la réquisition (droit de communication) dans le cadre de l’enquête et de l’instruction pénale précise que le secret professionnel ne peut pas être opposé ; Cf. infra. 3 Exemple : les articles 92 à 99-5 du Code de procédure pénale prévoient la possibilité d’effectuer des perquisitions et des saisies au domicile de certaines personnes. L’article 275, alinéa 1, du Code de procédure civile dispose que « les parties doivent remettre sans délai à l’expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l’accomplissement de sa mission », sans prévoir expressément la levée du secret professionnel. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 20 Expertise comptable et secret professionnel 2. Apports de la jurisprudence Ainsi, par exemple, même si aucune disposition ne prévoit expressément la levée du secret professionnel dans le cadre du contrôle de qualité organisé par l’Ordre, le Conseil d’Etat a considéré qu’il ne pouvait pas être opposé par le contrôlé au contrôleur qualité 4. En matière de perquisitions et saisies pénales, la jurisprudence a dégagé le même principe 5. Dès lors, même si le principe d’interprétation stricte de la loi pénale commanderait de ne pas étendre la levée du secret professionnel au-delà des cas expressément prévus par la loi, il semble que la jurisprudence se soit parfois octroyée ce droit. Même si la jurisprudence n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer dans certaines hypothèses, il n’est pas exclu qu’elle puisse considérer que le professionnel a l’obligation de transmettre les informations demandées, malgré l’absence de levée expresse du secret professionnel par la loi. 4 Conseil d’Etat, Section, 31 mars 2003, n° 229.839 5 Cf. infra. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 DEUXIEME PARTIE APPLICATIONS CONCRETES Deuxième partie : Applications concrètes 23 CHAPITRE 1 APPLICATION DANS LE CADRE DE LA MISE EN CAUSE DU PROFESSIONNEL 1. Mise en cause du professionnel L’article 21, alinéa 4, de l’ordonnance du 19 septembre 1945 dispose que les personnes visées aux alinéas précédents « sont toutefois déliées du secret professionnel dans les cas d’information ouverte contre elles ou de poursuites engagées à leur encontre par les pouvoirs publics ou dans les actions intentées devant les chambres de discipline de l’ordre ». Il convient de distinguer selon que l’instance engagée à l’encontre de l’expert-comptable l’est par les pouvoirs publics, ou est de nature disciplinaire ou civile. 1.1. Par les pouvoirs publics L’article 21 précité vise les informations ouvertes contre les experts- comptables ainsi que les poursuites engagées contre eux par les pouvoirs publics. Les notions d’ « informations » et de « poursuites » engagées par les pouvoirs publics renvoient à des phases de la procédure pénale. La notion de « pouvoirs publics » peut être définie comme le gouvernement et l’administration d’un pays, c’est-à-dire l’ensemble des autorités qui gouvernent et administrent le pays. La Cour de cassation a eu l’occasion de juger que les membres des professions libérales, dont les experts-comptables, ont le droit de s’affranchir du secret professionnel en cas de poursuites engagées à leur encontre, lorsque ceci est nécessaire à l’exercice du droit de libre défense 1. La levée du secret professionnel s’effectue donc dans les limites des besoins de la défense, en minimisant le plus possible la publicité de ces éléments, et à la condition que les poursuites pénales émanent d’autorités judiciaires et non de parties privées. 1 Cass. crim., 29 mai 1989, n° 87-82.073 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 24 Expertise comptable et secret professionnel A noter que la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu une décision dans laquelle elle a retenu que celui qui est poursuivi pour une infraction ne peut, en principe, invoquer le secret professionnel afin d’éviter de s’expliquer sur les actes délictueux qu’il aurait lui-même commis 2. Dans l’hypothèse où l’expert-comptable ferait lui-même l’objet d’un contrôle fiscal, il peut être considéré, dans les mêmes conditions qu’énoncées ci-dessus, délié du secret professionnel pour les besoins de sa défense. 1.2. En matière disciplinaire L’article 21 de l’ordonnance de 1945 prévoit également une levée du secret professionnel en cas d’actions diligentées à l’encontre de l’expert- comptable devant les chambres de discipline de l’ordre (chambre régionale ou nationale de discipline, commission nationale de discipline). Dans une telle hypothèse, le professionnel est relevé du secret professionnel et pourra donc produire les éléments nécessaires à sa défense. Pour mémoire, les membres composant les instances disciplinaires sont eux-mêmes tenus au secret professionnel par l’article 21 précité. 1.3. En matière civile Si l’on s’en tient strictement au texte de l’article 21 de l’ordonnance de 1945, l’expert-comptable ne semble pas délié du secret professionnel en cas de poursuite par son client ou un tiers devant une juridiction civile. Il convient donc d’adopter la plus grande prudence quant à la nature des pièces produites. En matière prud’homale, la loi ne prévoit pas non plus de levée du secret professionnel. Ainsi, en cas de poursuite d’un expert-comptable par un ancien collaborateur devant le conseil des Prud’hommes, le professionnel ne semble pas devoir être délié de son secret professionnel. Dans le cas d’une action en recouvrement d’honoraires qui serait intentée par l’expert-comptable à l’encontre de son client, la production de certaines pièces comptables et administratives (bilans, bulletins de 2 Cass. crim., 6 janvier 1989, n° 88-85.490 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 25 salaire…) peut être demandée par le juge ou être souhaitée par le professionnel pour prouver la réalité des diligences qu’il a accomplies. Aucune disposition législative ne relève l’expert-comptable de son secret professionnel dans ce cadre. Ainsi, l’expert-comptable qui engagerait une action en recouvrement d’honoraires ne peut se considérer comme délié de son secret professionnel, en l’absence de disposition législative en ce sens. De plus, si le client argue du fait que la mission n’a pas été correctement effectuée, c’est à lui qu’il appartiendra d’en apporter la preuve. En synthèse, dans ce cadre, l’expert-comptable doit rester vigilant et ne produire que des éléments strictement utiles à la justification des honoraires dus : feuilles de temps, récépissés de dépôt de TVA… 2. Contrôle de qualité de l’Ordre L’article 171 du décret du 30 mars 2012 prévoit que la personne contrôlée met à la disposition du contrôleur, lui-même tenu au secret 3, les documents nécessaires à sa mission et lui fournit toutes explications utiles. Une décision du Conseil d’Etat en date du 31 mars 2003 4 a rejeté un recours en annulation contre l’arrêté du 24 novembre 2000 (portant le Règlement intérieur de l’Ordre, abrogé depuis), organisant l’accès des contrôleurs à l’ensemble des pièces des dossiers retenus pour le contrôle. Après avoir rappelé que les experts-comptables en charge du contrôle interne sont eux-mêmes astreints au secret professionnel, le Conseil d’Etat a affirmé qu’ils pouvaient et devaient recevoir communication de toutes pièces et documents de travail, notamment des dossiers de la clientèle, et que la restriction apportée au secret professionnel qui en découlait était la conséquence nécessaire des dispositions législatives conférant à l’Ordre, dans l’intérêt de la clientèle et dans l’intérêt général, une mission générale de surveillance de la profession. Il s’agit de l’un des cas de levée du secret professionnel non prévu par la loi, mais par la jurisprudence. 3 Règlement Intérieur de l’Ordre, article 417 4 Conseil d’Etat, 31 mars 2003, n° 229.839 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 27 CHAPITRE 2 APPLICATION DANS LE CADRE DES RELATIONS ENTRE PROFESSIONNELS 1. Échanges d’informations entre experts-comptables d’une même société d’expertise comptable dans le cadre d’une mission pour un même client Par principe, le secret professionnel vaut à l’égard de toute personne, expert-comptable ou non : le professionnel n’est donc pas plus autorisé à transmettre des informations à l’un de ses confrères qu’à n’importe qui d’autre. L’acte de révélation peut être constitué même si l’information n’a été communiquée qu’à une seule personne, et même si cette personne est également tenue au secret professionnel 1. L’article 21 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 prévoit que le secret professionnel s’impose aux experts-comptables, aux salariés mentionnés à l’article 83 ter et à l’article 83 quater, aux experts-comptables stagiaires, aux professionnels ayant été autorisés à exercer partiellement l’activité d’expertise comptable et aux dirigeants et administrateurs d’AGC, c’est-à- dire uniquement à des professionnels personnes physiques. Dès lors, il interdit toute communication d'informations relatives à un client entre les professionnels exerçant dans la même société d'expertise comptable. L’ancienne norme professionnelle 114 relative au secret professionnel et au devoir de discrétion, applicable de 1990 à 2006, prévoyait que l’expert-comptable était tenu au secret professionnel, sauf lorsque deux ou plusieurs professionnels comptables d’un même cabinet intervenaient, conjointement, à l'occasion d'une mission unique. Cette disposition n’a pas été expressément reprise dans les normes professionnelles successives. Cependant, il semble que le principe continue à s’appliquer. Ainsi, lorsque deux experts-comptables d’un même cabinet sont amenés à accomplir une mission conjointement pour un même client, il est évident 1 Cass. crim., 16 mai 2000, n°99-85.304 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 28 Expertise comptable et secret professionnel qu’un partage d’informations, même couvertes par le secret professionnel, est nécessaire. Le partage ne devra néanmoins ne concerner que les informations strictement nécessaires à l’accomplissement de la mission. Cette transmission d’information n’est possible que dans ce cas précis. Il en va de même en cas de contrat de prestation de services entre experts-comptables de cabinets différents, exerçant des missions pour un même client. Un partage d’informations peut être rendu nécessaire au bon accomplissement de leurs missions. Le client doit en tout état de cause être informé au préalable de l’intervention d’un autre professionnel. 2. Echanges d’informations entre différents professionnels réglementés appartenant à différentes structures Plusieurs hypothèses peuvent entraîner le partage d’informations nécessitant la levée du secret entre différents professionnels réglementés travaillant pour un même client. A titre d’exemple, les commissaires aux comptes sont tenus par la loi à un secret professionnel, sous réserve de leur obligation de révélation de faits délictueux et d’autres dispositions législatives particulières (article L 822- 15 du Code de commerce). La norme d’exercice professionnel applicable aux commissaires aux comptes (NEP 630) relative à l’« utilisation des travaux d'un expert- comptable intervenant dans l'entité », homologuée par arrêté du 10 avril 2007, définit les principes relatifs à l’utilisation par le commissaire aux comptes des travaux d’un expert-comptable réalisés à la demande de l’entité. Ainsi, lorsqu’il décide d’utiliser les travaux de l’expert- comptable, le commissaire aux comptes apprécie s’ils constituent des éléments suffisants et appropriés pour contribuer à la formation de son opinion sur les comptes. L’expression de l’opinion émise par le commissaire aux comptes ne fait pas référence aux travaux de l’expert- comptable. Le commissaire aux comptes documente dans son dossier les travaux réalisés par l’expert-comptable qu’il utilise dans le cadre de sa mission. L’article L 823-14 du Code de commerce prévoit en effet que « les commissaires aux comptes peuvent également recueillir toutes informations utiles à l'exercice de leur mission auprès des tiers qui ont accompli des opérations pour le compte de la personne ou de l'entité. Toutefois, ce droit d'information ne peut s'étendre à la communication des pièces, contrats et documents quelconques détenus par des tiers, à moins Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 29 qu'ils n'y soient autorisés par une décision de justice. Le secret professionnel ne peut être opposé aux commissaires aux comptes dans le cadre de leur mission, sauf par les auxiliaires de justice ». Il n’existe cependant pas dans les textes le cas inverse : la levée générale du secret du commissaire aux comptes vis-à-vis de l’expert-comptable. Le seul cas dans lequel un commissaire aux comptes peut communiquer certaines informations à un expert-comptable est relatif à la lutte contre le blanchiment. L’article L 561-15 du Code monétaire et financier impose notamment aux experts-comptables et aux commissaires aux comptes de déclarer à TRACFIN « les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme ». L’article L 561-18 du code précité pose quant à lui le principe de la confidentialité de la déclaration de soupçon (accessible uniquement au comité LBC-FT du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, et à l’autorité judiciaire, mais seulement sur réquisition auprès de TRACFIN et dans certains cas strictement délimités). La loi n°2012-387 du 22 mars 2012, l’ordonnance du 1er décembre 2016, la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 et l’ordonnance n°2020-115 du 12 février 2020 ont modifié la rédaction de l’article L 561-21 du Code monétaire et financier. Le nombre de cas dans lesquels une information mutuelle à propos de la déclaration de soupçon est permise a été sensiblement accru. Bien que la déclaration à TRACFIN soit confidentielle, une information sur son existence et son contenu est possible : sauf opposition de TRACFIN, entre experts-comptables, commissaires aux comptes et membres d’une profession juridique ou judiciaire visés au 13°de l’article L 561-2 du Code monétaire et financier, lorsqu’ils appartiennent au même réseau ou à une même structure d’exercice professionnel ; entre des experts-comptables, commissaires aux comptes, membres d’une profession juridique ou judiciaire visés au 13°de l’article L 561-2 du Code monétaire et financier et greffiers de tribunaux de commerce lorsqu’ils interviennent pour un même client et dans une même opération, ou ont connaissance pour un même client d’une même opération. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 30 Expertise comptable et secret professionnel Ces échanges doivent être nécessaires à l’exercice de la vigilance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et sont exclusivement utilisés à cette fin 2.Les situations dans lesquelles les professionnels concernés ont simplement connaissance d’une même opération dans le cadre de leurs missions respectives, sans intervenir directement dans celle-ci, sont ainsi prises en considération. Pour en savoir plus, consultez le site internet du Conseil supérieur, Partie ReflexLAB En revanche, en dehors de ce cadre, aucune disposition ne lève le secret professionnel de l’expert-comptable à l’égard de l’avocat ou du commissaire aux comptes qui travaillerait sur le même dossier dans des structures distinctes. A défaut de texte l’autorisant et de jurisprudence sur la question, il faut en conclure qu’aucun partage n’est possible. Si l’avocat a besoin d’informations, il devra les demander directement à son client, l’expert-comptable n’étant pas autorisé à les lui fournir, même avec l’accord du client 3. 3. Echanges d’informations entre experts-comptables ou entre experts-comptables et un professionnel réglementé au sein d’une société pluri-professionnelle d’exercice Les sociétés pluri-professionnelles d’exercice (SPE) ont été créées par la loi n°2016-394 du 31 mars 2016, modifiant la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 ; ses modalités d’application ont été fixées par un décret transversal 4, ainsi que par un décret spécifique à chaque profession visée 5. L’article 25 du décret transversal concerne les dispositions relatives à l’activité des professionnels au sein de la société. Il dispose que : « I. - Le contrat conclu entre la société et son client, en application du I de l'article 31-9 de la loi du 31 décembre 1990 susvisée, est constaté par écrit. Il comporte, avant toute stipulation, la mention selon laquelle le client a été informé par la société de la nature des prestations 2 Arrêté du 7 décembre 2020 portant agrément des normes professionnelles relatives aux obligations de la profession d’expertise comptable en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, paragraphe 51b 3 Exception en cas d’exercice des professionnels concernés au sein de la même SPE 4 Décret n°2017-794 du 5 mai 2017 5 Décret n°2017-799 du 5 mai 2017 pour les EC. A noter qu’un décret spécifique est attendu pour la profession de commissaire aux comptes. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 31 susceptibles de lui être fournies et de la liberté qui était la sienne de s'adresser à une ou à plusieurs des professions exercées par cette société. Le contrat détermine l'identité du ou des professionnels auxquels le client entend confier ses intérêts. Il fait état de la nécessité d'un accord préalable du client dans le cas où le professionnel envisagerait, au cours de l'exécution du contrat, d'user de la faculté de communication prévue au deuxième alinéa de l'article 31-10 de la loi du 31 décembre 1990 susvisée. II. - L'accord relatif à la communication d'informations prévu au deuxième alinéa de l'article 31-10 de la loi du 31 décembre 1990 susvisée est recueilli par écrit. Il précise la nature exacte des informations communiquées et détermine la qualité ou l'identité du ou des professionnels auxquels le client entend limiter la communication de ces informations. Le client peut dénoncer sans préavis et sans pénalité l'accord prévu à l'alinéa précédent par tout moyen permettant d'établir la date de réception de cette dénonciation. Dans les mêmes conditions, le client peut modifier à tout moment la nature des informations communiquées ou la qualité ou l'identité du ou des professionnels auxquels le client entend limiter la communication de ces informations. Cet accord reproduit les dispositions des deux précédents alinéas ». L’article 31-10 de la loi de 1990 précitée dispose : « Le professionnel exerçant au sein de la société une des professions qui en constituent l'objet social est tenu aux obligations de loyauté, de confidentialité ou de secret professionnel conformément aux dispositions encadrant l'exercice de sa profession. Toutefois, les obligations de confidentialité ou de secret professionnel ne font pas obstacle à ce qu'il communique à d'autres professionnels toute information nécessaire à l'accomplissement des actes professionnels et à l'organisation du travail au sein de la société dans l'intérêt du client et à condition que ce dernier ait été préalablement informé de cette faculté de communication et y ait donné son accord. Cet accord mentionne, le cas échéant, la ou les professions constituant l'objet social de la société auxquelles le client s'adresse et entend limiter la communication des informations le concernant. Lorsque le professionnel est un administrateur judiciaire ou un mandataire judiciaire, il peut communiquer à d'autres professionnels toute information nécessaire à l'accomplissement des actes professionnels et à l'organisation du travail au sein de la société dans les limites de ce que lui permet le mandat de justice pour lequel il a été désigné ». Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 32 Expertise comptable et secret professionnel Ainsi, au sein d’une même structure et dans l’intérêt du client, à condition que ce dernier ait donné son accord exprès, dans les conditions indiquées à l’article 25 du décret transversal, des échanges d’informations peuvent avoir lieu entre professionnels pour l’accomplissement de la mission confiée. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 33 CHAPITRE 3 APPLICATION DANS LE CADRE DES RELATIONS AVEC LES POUVOIRS PUBLICS En préambule, il convient de distinguer les notions générales exposées ci- après : Le droit de communication : il s’agit d’un droit reconnu à certaines administrations de prendre connaissance, et au besoin copie, de documents détenus par des tiers. Il se distingue de droits d’enquête ou de droits de contrôle spécifique. La visite domiciliaire : il s’agit d’une mesure d’instruction effectuée au domicile de l’inculpé ou d’un tiers en vue d’y rechercher et recueillir les preuves d’une infraction. Elle diffère de la perquisition en ce qu’elle ne comporte pas nécessairement des investigations mais est entourée des mêmes garanties que celle-ci. Notion à distinguer du droit d’accès qui ne permet pas la perquisition, la fouille et la visite des lieux. La perquisition : il s’agit d’une mesure d’investigation effectuée en tous lieux et destinée à rechercher, en vue de les saisir, tous papiers, effets ou objets paraissant utiles à la manifestation de la vérité (articles 56 et 94 du code de procédure pénale). 1. Administration fiscale 1.1. Droit de communication Le droit de communication est réglementé par différents articles du Code Général des Impôts (CGI) et du Livre des Procédures Fiscales (LPF). Le droit de communication peut être exercé par les agents des finances publiques et par les agents chargés du recouvrement des impôts, droits et taxes prévus par le CGI. Ces agents ont le droit d'obtenir communication de documents détenus par certaines personnes ou organismes, afin d'effectuer le contrôle des déclarations souscrites par les contribuables. Le droit de communication est réglementé par les articles L 81 et suivants du LPF. L’article L 81 du LPF prévoit que le droit de communication permet à l'administration, pour l'établissement de l'assiette, le contrôle et le Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 34 Expertise comptable et secret professionnel recouvrement de l'impôt, de demander à un tiers ou éventuellement au contribuable lui-même, de manière ponctuelle, des renseignements et de prendre connaissance de certains documents qui se rapportent à l'activité professionnelle de la personne auprès de laquelle ce droit est exercé. Depuis le 1er janvier 2015 1, ce droit de communication peut porter sur des « personnes non nommément désignées » (conditions fixées notamment par le décret n° 2015-531 du 12 mai 2015 et le décret n°2015-1091 du 28 août 2015 à l’article R 81-3 du LPF 2). Les catégories de personnes ou organismes assujettis au droit de communication sont en revanche limitativement énumérés par la loi. Il s'agit notamment des membres de certaines professions non commerciales dont l'exercice autorise la prestation de services à caractère juridique, financier ou comptable (LPF, art. L 86). Le régime fiscal dont relèvent les membres des professions non commerciales est sans influence sur la possibilité d'exercer le droit de communication (paragraphe 30 du BOI-CF- COM-10-40). Le droit de communication s’exerce sur place ou par correspondance, y compris électronique, et quel que soit le support utilisé pour la conservation des documents. Il permet de prendre connaissance et, au besoin, copie de certains documents détenus par le professionnel. a. Informations et documents pouvant être transmis par l’expert-comptable dans le cadre du droit de communication concernant un client Les informations et documents auxquels a accès l’administration fiscale, dans le cadre du droit de communication, sont énumérés limitativement par les textes. Le professionnel doit donc se limiter à la transmission de ces informations et documents. L’article L 86 du LPF précise que le droit de communication « ne porte que sur l'identité du client, le montant, la date et la forme du versement ainsi que les pièces annexes de ce versement ». La doctrine fiscale a eu l’occasion de préciser cette disposition 3. 1 Loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 2 https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000031113463 3 Bulletin officiel des finances publiques-Impôts du 12/09/2012 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 35 par client, il faut entendre les personnes physiques ou morales qui requièrent les services des experts-comptables, moyennant rémunération ; Ainsi, l’administration ne peut demander la communication de l’adresse de l’un des actionnaires de la société cliente, qui n’en est pas le représentant légal. par identité du client, il faut entendre l'ensemble des informations qui permettent à l'administration d'identifier le client, c'est-à-dire de s'assurer que telle personne déterminée ne pourra être confondue avec telle autre. Ainsi, les éléments d'information utiles pour différencier les personnes portent sur le nom, le prénom usuel et l'adresse de celles-ci ; par versement, il faut entendre toutes les sommes encaissées ou reçues dans le cadre de l’exercice de la profession. Elles comprennent notamment : - les recettes proprement dites (honoraires, intérêts, etc.) ; - les sommes reçues de la clientèle au titre de remboursement de frais ; - les provisions reçues de la clientèle et qui présentent le caractère d'avances sur honoraires ; - tous les biens ou sommes reçus en dépôt, soit directement, soit indirectement. par pièces annexes au versement, il faut entendre les documents comptables établis à l'occasion du versement des sommes visées ci- dessus et les documents de toute nature pouvant justifier le montant des travaux effectués ou des dépenses totales exposées par un contribuable tels que devis, mémoires ou factures. Le droit de communication des agents de l’administration fiscale doit donc uniquement porter sur l’identité du client, les sommes versées par le client et les documents en lien avec ces versements (devis, facture, etc.), à l’occasion de l’exercice de sa mission par l’expert-comptable. Aucun autre document, notamment les comptes du client, ne peut être demandé à l’expert-comptable dans le cadre de ce droit de communication. Les agents des finances publiques ne peuvent ainsi demander aux membres des professions libérales la désignation de l'acte ou la nature de la prestation effectuée (articles L 13-0 A et L 86 A du LPF). Le droit de communication s'exerce au lieu où sont tenus ou détenus les documents c'est-à-dire, en général, au cabinet d’expertise comptable. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 36 Expertise comptable et secret professionnel b. Informations et documents pouvant être demandés à l’expert-comptable dans le cadre du droit de communication le concernant personnellement Le droit de communication s’exerce très souvent auprès des experts- comptables afin de contrôler les déclarations souscrites par les contribuables clients. Lorsque c’est l’expert-comptable lui-même qui est contrôlé en qualité de contribuable, les mêmes dispositions s’appliquent. La doctrine fiscale a précisé concernant l’article L 86 du LPF que les renseignements recueillis dans le cadre du droit de communication peuvent être utilisés pour l'assiette et le contrôle de tous impôts et taxes dus, soit par la personne physique ou morale auprès de laquelle il s'exerce, soit par des tiers à cette personne. Ainsi, l’article L 86 du LPF s’applique également dans l’hypothèse où le droit de communication serait exercé afin de contrôler les déclarations de l’expert-comptable. Conformément à l’alinéa 2 de l’article L 86 du LPF, le droit de communication ne peut concerner que certaines pièces : les sommes encaissées par l’expert-comptable et les documents en lien avec ces versements (devis, facture...). Aucun autre document, notamment les comptes de l’expert-comptable, les déclarations fiscales du client ou les échanges de courriers/e-mails qui ne portent pas sur les éléments pouvant être requis, ne doit être communiqué. Par ailleurs, la vie privée des clients de l’expert-comptable doit être garantie dans ce cadre. L'administration admet que le livre-journal visé à l’article 99 du CGI, devant pouvoir être consulté par l’administration en cas de contrôle, puisse comporter, en lieu et place de l'identité des clients : soit une référence à un document annexe permettant de retrouver l'identité du client, à la condition que l'administration ait accès à ce document ; Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 37 soit le nom du client, dans la mesure où son identité complète (nom, prénom usuel et adresse) figure dans un fichier couvert par le secret professionnel 4. Dans ce cas, le caractère régulier et sincère de la comptabilité ne sera pas remis en cause du seul fait que le document comportant l'identité complète des clients ne sera pas présenté au vérificateur, à la condition expresse que ces informations lui soient fournies sur simple demande. 1.2. Visite domiciliaire L'article L 16 B du LPF permet à l’administration fiscale, ayant été autorisée par le juge, d’exercer un droit de visite et de saisie pour la recherche des infractions en matière d'impôts directs et de taxe sur la valeur ajoutée. Ce droit ne s'applique pas à la recherche des infractions en matière de droits d'enregistrement et de timbre, d'impôt de solidarité sur la fortune, d'impôts directs locaux et de taxe sur le chiffre d'affaires autres que la TVA. Les visites peuvent se dérouler en tous lieux, même privés, où les pièces et documents se rapportant aux agissements frauduleux sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. Elles ne peuvent être commencées avant 6 heures ni après 21 heures, et sont effectuées en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant; en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'administration des impôts. La visite peut être effectuée au sein du cabinet d’expertise comptable si l’expert-comptable est personnellement soupçonné en tant que contribuable, ou en tant que professionnel pouvant détenir des preuves d’agissements frauduleux de la part du contribuable soupçonné. Les opérations sont placées, aux différents stades de leur déroulement, sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouvent les lieux à visiter. Lui seul peut délivrer l’ordonnance autorisant la visite. 4 http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4809-PGP.html Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 38 Expertise comptable et secret professionnel L’ordonnance est notifiée verbalement sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal relatant les modalités et le déroulement des opérations (en l'absence de l'occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance est notifiée après la visite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception). Les agents des impôts habilités, l'occupant des lieux ou son représentant et l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces et documents avant leur saisie. Au cours de la visite, les agents peuvent recueillir auprès de l’occupant des lieux, après l’avoir informé que son consentement est nécessaire, des renseignements et justifications en lien avec la fraude présumée décrite dans l’ordonnance du juge. L’officier de police judiciaire est chargé de veiller au respect du secret professionnel et des droits de la défense, conformément aux dispositions du 3ème alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale. L’article 56, alinéa 3, du code précité, dispose que « Toutefois, sans préjudice de l’application des articles 56-1 à 56-5, il [l’OPJ] a l’obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ». A l’issue de la visite, un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l’opération, ainsi qu’un inventaire des documents saisis le cas échéant sont dressés et transmis au juge. L’occupant doit les signer en principe, mais peut refuser de le faire. Il reçoit une copie des originaux, tout comme le contribuable soupçonné. Si l’inventaire sur place présente des difficultés, les documents sont placés sous scellés. Les principales difficultés en pratique portent sur la saisie des messageries électroniques. A noter que l’article L 10-0 AA du LPF autorise cependant expressément l'administration fiscale à utiliser des preuves d'origine illicite (documents, pièces ou informations), à la seule condition qu'elles aient été régulièrement portées à sa connaissance en vertu des textes organisant le droit de communication, sauf dans le cadre de la procédure prévue à l’article L 16 B. Les voies de recours contre la procédure de visite et de saisie peuvent prendre la forme d'un recours contre l'ordonnance du juge ou contre les mesures d'exécution de la procédure de visite et de saisie (devant le premier président de la cour d’appel compétente dans les 15 jours de la réception ou notification de l’ordonnance ou du PV et de l’inventaire). Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 39 La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans une décision du 22 février 2001, a clairement énoncé que « le secret professionnel des experts-comptables ne met pas obstacle à ce que soient autorisées la visite de leurs locaux et la saisie de documents détenus par eux, dès lors que le juge trouve les présomptions suffisantes dans les informations fournies par l’administration requérante ; que les atteintes éventuelles au secret professionnel relèvent du contrôle de la régularité des opérations et non de celui de la légalité de l'autorisation » 5. La jurisprudence a plusieurs fois eu l’occasion d’affirmer que l'article L 16 B du livre des procédures fiscales ne limite pas l'autorisation de visite et saisies au domicile des documents de la personne soupçonnée de fraude mais permet d'appréhender des documents comptables auprès de personnes, même soumises au secret professionnel comme les experts- comptables, pouvant être en relation d'affaires avec elle, y compris des pièces pour partie utiles à la preuve des agissements présumés. L’expert-comptable ne peut donc opposer le secret professionnel dans ce cadre. 1.3. Déclaration de dispositifs transfrontières à caractère potentiellement agressifs L’ordonnance n°2019-1068 du 21 octobre 2019, relative à l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration, transpose la directive 2018/822 du 25 mai 2018 dite «DAC 6». Elle impose, aux intermédiaires concernés et aux contribuables, la déclaration aux autorités fiscales de certains montages fiscaux transfrontières présentant un caractère potentiellement agressif dans un délai de trente jours (à compter de plusieurs dates). L’intermédiaire est défini à l’article 1649 AE I. du CGI comme « toute personne qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou en gère la mise en œuvre ». Il est notamment concerné dès lors qu’il est inscrit auprès d’un ordre professionnel en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil. 5 Cass. crim., 22 février 2001, n° 99-30.041 et 99-30.042 ; dans le même sens, Cass. com., 4 mars 2020, n°18-19.632 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 40 Expertise comptable et secret professionnel Les experts-comptables peuvent être visés dans certains cas par cette définition. Les intermédiaires soumis au secret professionnel souscrivent la déclaration avec l’accord du contribuable concerné ; à défaut, ils notifient à tout autre intermédiaire cette obligation. En pratique, l’expert-comptable ne pourra effectuer la déclaration qu’avec l’accord préalable du contribuable. S’il ne l’obtient pas, il ne peut pas faire la déclaration et doit notifier cette obligation à un autre intermédiaire qui aurait pu intervenir dans l’opération (ce qui constitue un cas de levée du secret professionnel), et à défaut, au contribuable client qui devra déclarer lui-même. Le secret professionnel de l’expert-comptable peut donc dans ce cas de figure être levé avec l’accord du client, ce qui est également une exception à la règle applicable en matière. A noter : l’ordonnance a fait l’objet d’un projet de loi de ratification en date du 15 janvier 2020. L’ordonnance conserve pendant ce temps une valeur réglementaire inférieure à la loi (donc inférieur à l’article 226-13 du Code pénal). Les notions de transfrontière, de marqueurs à prendre en compte pour évaluer le dispositif et de contribuable concerné sont également définies. Les manquements à cette obligation sont punis d’une amende ne pouvant excéder 10 000 euros. L’ordonnance est entrée en vigueur le 1er juillet 2020. En raison de la pandémie de Covid-19, la loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a modifié les dispositions relatives aux délais de déclarations de l’ordonnance du 21 octobre 2019. Ainsi, les dispositifs dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 (date d’entrée en vigueur de la directive) et le 1er juillet 2020 devaient être déclarés au plus tard le 28 février 2021 (et non plus le 31 août 2020). Lorsqu’un dispositif est mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre, ou est prêt à être mis en œuvre, ou lorsque la première étape de sa mise en œuvre a été accomplie entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2020, ou lorsque les intermédiaires fournissent, directement ou par l'intermédiaire d'autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils pendant cette même période, le délai de trente jours pour déclarer court à compter du 1er janvier 2021. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 41 Les informations contenues dans la déclaration sont précisées par le décret n°2020-270 du 17 mars 2020 (création de l’article 344 G octies A du CGI). 2. Organismes de sécurité sociale : droit de communication L’article L 114-19 du Code de la sécurité sociale créé un droit de communication pour certains agents d’organismes de sécurité sociale (URSSAF, CGSS…), auquel le secret professionnel ne peut être opposé. Ce droit de communication a pour objectif de contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations servies par ces organismes, de recouvrer les prestations versées indûment à des tiers ou des prestations recouvrables sur la succession, et de lutter contre le travail dissimulé (articles L 8271-7 à -12 du Code du travail). L’article L 114-20 définit le cadre de ce droit et précise qu’il est « exercé dans les conditions prévues et auprès des personnes mentionnées à la section 1 du chapitre II du titre II du livre des procédures fiscales », à savoir l’article L 86 du LPF (voir ci-dessus). Les agents des organismes de sécurité sociale ont donc les mêmes prérogatives que les agents de l’administration fiscale. Pour mémoire, l’article L 86 du LPF précise que le droit de communication « ne porte que sur l'identité du client, le montant, la date et la forme du versement ainsi que les pièces annexes de ce versement ». Le droit peut également porter sur des informations relatives à des personnes non nommément désignées, dans des conditions fixées par décret 6. Le silence gardé ou le refus de déférer à la demande des agents est sanctionné par une pénalité financière. En principe, les agents des organismes de sécurité sociale ne peuvent exercer leur droit de communication qu’après avoir sollicité préalablement la personne concernée. Néanmoins, en cas de suspicion de fraude, ils s’autorisent à ne pas consulter les bénéficiaires de prestations sociales, et à solliciter directement un tiers (par exemple l’expert-comptable) en lui 6 Décret n°2017-859 du 9 mai 2017 relatif aux conditions d’exercice du droit de communication mentionné au cinquième alinéa de l’article L. 114-19 du Code de la sécurité sociale Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 42 Expertise comptable et secret professionnel demandant de ne pas prévenir son client. Ce procédé est décrit dans la circulaire 2011-323 du 21 juillet 2011 7. En toute hypothèse, il convient de rappeler que, dans la mesure où il s’agit de lever le secret professionnel, le droit de communication consacré au profit des organismes de sécurité sociale doit être limité à ce qui est strictement nécessaire. Notamment, il doit s’interpréter à la lumière de ses objectifs. Ainsi, la circulaire 2011-323 précise que « les informations pouvant être vérifiées au titre du 1° de l’article L 114-19 du Code de la sécurité sociale sont strictement définies par rapport au contenu des déclarations souscrites par l’assuré ou l’allocataire soit dans le cadre du formulaire qu’il a rempli à l’occasion d’une demande de prestation ou de son renouvellement, soit dans le cadre des échanges de courriers avec l’organisme de sécurité sociale, à la demande de ce dernier ou spontanément pour notifier un changement de situation ». Ces informations sont notamment celles qui ont fait l’objet d’une déclaration par l’assuré (sur ses ressources, sa résidence, son état civil, etc.). De même, le principe de « sélectivité des demandes » doit s’appliquer à toutes les opérations réalisées dans le cadre de l’exercice du droit de communication : sauf motifs particuliers, les demandes de pièces annexes de faible montant ou de communication de pièces sur plusieurs années doivent demeurer exceptionnelles. A noter que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 8 a institué un dispositif de lutte contre la fraude sociale sur internet. Un 7 Circulaire DSS n° 2011-323 du 21 juillet 2011 relative aux conditions d’application par les organismes de sécurité sociale du droit de communication institué aux articles L 114-19 et suivants du Code de la sécurité sociale : « Par dérogation au principe de la consultation préalable, l'organisme de sécurité sociale peut se dispenser de solliciter au préalable l'intéressé si l'exigence d'une demande préalable est de nature à compromettre les investigations engagées en vue de détecter une fraude. Dans le cas l’intéressé n'a pas été préalablement consulté ou n'a pas donné suite à la demande de l'organisme, il convient de veiller à informer l'organisme tiers que la demande s'inscrit dans le cadre d'investigations menées en vue de détecter une fraude et qu'en conséquence il lui appartient de ne pas informer selon les cas son client, son contractant ou l'usager du service public, de l'exercice du droit de communication afin de ne pas nuire aux investigations ». 8 Loi n°2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 43 décret applicatif 9 a étendu le droit de communication entre l’Urssaf et les organismes de sécurité sociale. L’Urssaf pourra exercer son droit de communication portant sur des informations relatives à des personnes non nommément désignées dans le cadre d’entreprises mettant en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service (opérateurs de plateformes en ligne). 3. Administration de la concurrence et de la consommation L’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 a créé un livre V dans le Code de la consommation : « Pouvoirs d'enquête et suites données aux contrôles ». Les moyens d’intervention des administrations de contrôle de ce secteur ont été harmonisés et simplifiés. Le législateur confère ainsi à certains agents habilités de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, mentionnés aux articles L 511-3 et L 511-4 du Code de la consommation, une mission de protection du consommateur (recherche des infractions aux dispositions de la section 1 : informations précontractuelles, conformité des produits, pratiques commerciales…). L’article L 512-3 du Code de la consommation dispose que le secret professionnel ne peut être opposé aux agents agissant dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés. 3.1. Recueil de renseignements et de documents Les agents habilités peuvent exiger la communication et obtenir ou prendre copie par tout moyen et sur tout support ou procéder à la saisie des documents de toute nature, entre quelques mains qu'ils se trouvent, propres à faciliter l'accomplissement de leur mission et la mise à leur disposition des moyens indispensables pour effectuer leurs vérifications (article L 512-8). 9 Décret n°2017-859 du 9 mai 2017 relatif aux conditions d’exercice du droit de communication mentionné au cinquième alinéa de l’article L 114-19 du Code de la sécurité sociale, entré en vigueur le 1er juillet 2017. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 44 Expertise comptable et secret professionnel 3.2. Accès aux locaux Les agents peuvent opérer sur la voie publique, et pénétrer dans les lieux à usage professionnel ou dans les lieux d’exécution d’une prestation de services entre 8 heures et 20 heures. Pour le contrôle des opérations faisant appel à l'informatique, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées ainsi qu'à la restitution en clair des informations propres à faciliter l'accomplissement de leurs missions. Ils peuvent en demander la transcription par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle. 3.3. Visite et saisie Pour la recherche et la constatation de certaines infractions (listées aux articles L 511-5 et L 511-7), les agents peuvent, sur autorisation par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter, procéder à des opérations de visite et de saisie (« OVS ») en tous lieux (articles L 512-51 et suivants du code précité). La visite et les saisies s'effectuent sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Elles ne peuvent être commencées ni avant 6 heures, ni après 21 heures (sauf autorisation expresse du juge, sous réserve que les lieux ne soient pas aussi à usage d’habitation). La visite est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant. L’ordonnance du juge est notifiée verbalement sur place au moment de la visite à l’occupant des lieux ou à son représentant qui en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal relatant les modalités et le déroulement des opérations (en l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’ordonnance sera notifiée par RAR à l’occupant après la visite). En cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation. Au cours de la visite, les agents habilités peuvent procéder à la saisie de tous objets, documents et supports d'information utiles aux besoins de l'enquête. Les agents habilités, l'occupant des lieux ou son représentant ainsi que l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des documents et des données contenues dans tout support d'information avant leur saisie. Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 45 Les agents ne peuvent pas saisir des documents qui relèvent du secret professionnel des avocats (consultations en tous domaines, correspondances avocat/client sauf celles portant la mention officielle) 10. Si ces documents sont saisis, l’expert-comptable doit demander à ce qu’ils soient placés sous scellés fermés provisoires, et que cette saisie particulière soit actée au procès-verbal. Les agents habilités peuvent procéder au cours de la visite à des auditions de l'occupant des lieux, de son représentant ou de toute autre personne, en vue d'obtenir les informations ou explications utiles aux besoins de l'enquête. Une copie du procès-verbal signé (possibilité de refuser de signer) et de l’inventaire est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant, ou notifiée par RAR. Le fait de faire obstacle à l’exercice des fonctions des agents est un délit puni de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 euros (peine complémentaire possible pour une personne physique d’interdiction d’exercer l’activité professionnelle en cause). Le déroulement des opérations de visite et de saisie peut faire l'objet d'un recours devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé ces dernières, suivant les règles prévues par le code de procédure pénale (délai de dix jours à compter de la remise ou de la réception du procès-verbal et de l'inventaire). 4. Autorité de la concurrence Les agents des services d'instruction de l'Autorité de la concurrence (ADLC), habilités à cet effet, ainsi que certains fonctionnaires habilités par le ministre chargé de l’Economie ou de la Justice, disposent de pouvoirs d’enquête sur le fondement des articles L 450-3 (enquêtes simples de concurrence) et L 450-4 (enquêtes lourdes de concurrence) du Code de commerce. Ces enquêtes ont pour objectif la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles et la concentration économique. 10 Article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ; à noter l’arrêt rendu le 25 novembre 2020 par la Cour de cassation (n°19-84.304) dans le cadre de saisie de correspondances par l’ADLC (cf. 4.2). Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 46 Expertise comptable et secret professionnel A la différence des enquêtes simples, les enquêtes lourdes doivent être autorisées judiciairement, impliquant des moyens tels que les perquisitions et saisies de documents. Pour ces deux types d’enquêtes, les agents habilités sont tenus d’informer les personnes interrogées de l’étendue et de l’objet de leur enquête. 4.1. Droit d’accès et droit de communication (enquête simple) L’article L 450-3 du Code du commerce 11 dispose que les agents peuvent notamment pénétrer entre 8 heures et 20 heures dans tous lieux utilisés à des fins professionnelles et dans les lieux d'exécution d'une prestation de services (même en dehors de ces heures si les lieux sont ouverts au public). Lorsque ces lieux sont également à usage d'habitation, les contrôles ne peuvent être effectués qu'entre 8 heures et 20 heures, et avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés ces lieux, si l'occupant s'y oppose. Les agents peuvent exiger la communication (mais non saisir, les documents doivent être remis volontairement) et « obtenir ou prendre copie, par tout moyen et sur tout support, des livres, factures et autres documents professionnels de toute nature, et, le cas échéant, de leurs moyens de déchiffrement, susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles, entre quelques mains qu'ils se trouvent, propres à faciliter l'accomplissement de leur mission. Ils peuvent exiger la mise à leur disposition des moyens indispensables pour effectuer leurs vérifications. Ils peuvent également recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou toute justification nécessaire au contrôle » 12. La demande de communication doit être formulée de façon précise et porter sur des documents dont les enquêteurs connaissent l’existence et qu’ils sont en mesure d’identifier. 11 Modifié par l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur 12 Article L 450-3 du Code de commerce Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 47 Les agents n’ont pas à justifier des raisons pour lesquelles ils interviennent. Pour le contrôle des opérations faisant appel à l'informatique, ils ont accès aux logiciels et aux données stockées ainsi qu'à la restitution en clair des informations propres à faciliter l'accomplissement de leurs missions. A noter que la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 a créé l’article L 450-3-3 dans le code de commerce, qui détaille les modalités d’accès aux données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunication. Le décret n°2019-1247 du 28 novembre 2019 précise la procédure de communication des données de connexion. Il fixe notamment les éléments qui doivent être fournis à l’appui d’une demande de connexion, et les modalités de conservation et de destruction des données en cause. Lorsqu'ils recherchent ou constatent une infraction ou un manquement, les agents sont habilités à relever l'identité de la personne qu'ils contrôlent. Ils peuvent également recourir à toute personne qualifiée, désignée par l'autorité administrative dont ils dépendent, pour les accompagner. Lorsque l'établissement de la preuve de l'infraction ou du manquement en dépend et qu'elle ne peut être établie autrement, les agents peuvent différer le moment où ils déclinent leur qualité au plus tard jusqu'à la notification à la personne contrôlée de la constatation de l'infraction ou du manquement. Les enquêtes donnent lieu à l’établissement de procès-verbaux (obligatoires), dont copie est adressée à l’intéressé, et, le cas échéant, de rapports. Aucun recours spécifique n’est prévu contre les actes d’enquête simple. Le droit de communication ne s’étend pas aux documents couverts par le secret professionnel. Le Conseil constitutionnel a ainsi énoncé, dans une décision déclarant les dispositions de l’article L 450-3 conformes à la Constitution 13, que les mesures d’enquêtes fondées sur l’article précité « … ne permettent pas d'exiger la communication de documents protégés par le droit au respect de la vie privée ou par le secret professionnel ». Le secret professionnel de l’expert-comptable peut donc être opposé aux agents habilités dans ce cadre. 13 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-552 QPC du 8 juillet 2016 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 48 Expertise comptable et secret professionnel 4.2. Visite domiciliaire et saisie de documents (enquête lourde) L’article L 450-4 du Code du commerce 14 précise les conditions dans lesquelles les agents habilités peuvent procéder aux visites en tous lieux ainsi qu'à la saisie de documents et de tout support d'information, et, le cas échéant, de leurs moyens de déchiffrement, uniquement dans le cadre d'enquêtes demandées par la Commission européenne, le ministre chargé de l'économie ou le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence sur proposition du rapporteur, ou sur autorisation judiciaire donnée par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. L’ordonnance doit être notifiée verbalement à l’occupant dès l’entrée dans les lieux ; l'occupant des lieux ou son représentant en reçoit copie intégrale contre récépissé ou émargement au procès-verbal. La visite, qui ne peut commencer avant 6 heures ou après 21 heures, est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant. L’occupant ou le représentant peut faire appel au conseil de son choix pour l’assister. Cette procédure est analogue à une procédure pénale de droit commun. Un lien entre les documents requis ou saisis et l’objet de l’enquête doit exister. Les inventaires et mises sous scellés sont réalisés conformément à l'article 56 du code de procédure pénale. L’article 56, alinéa 3, rappelle que « Toutefois, sans préjudice de l'application des articles 56-1 à 56-5, il [l’OPJ] a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense ». Aucun texte ne délie l’expert-comptable de son secret professionnel dans ce cadre. 14 Modifié par l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 Deuxième partie : Applications concrètes 49 Les correspondances avec un avocat, dans le domaine du conseil ou du contentieux, sont en principe insaisissables 15 ; elles doivent faire l’objet d’une restitution ou d’une destruction dans le cas où elles auraient été saisies. Cinq arrêts rendu par la Cour de cassation le 24 avril 2013 16 ont énoncé que le pouvoir de saisie de l’ADLC trouvait sa limite « dans le principe de libre défense qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat ou un client et liées à l’exercice des droits de la défense ». Il appartient au premier président de la cour d’appel, instance de recours, d’annuler la saisie de ces correspondances le cas échéant (la saisie d’autres documents restant recevable 17). La violation du secret intervient dès que le document est saisi par les enquêteurs. En effet, un arrêt rendu par la Cour de cassation en 2012 indique que « les dispositions contestées de l'article L 450-4 du code de commerce assurent un contrôle effectif, par le juge, de la nécessité de chaque visite et lui donnent les pouvoirs d'en suivre effectivement le cours, de régler les éventuels incidents portant notamment sur la saisie, par l'administration, de documents de nature personnelle, confidentielle ou couverts par le secret professionnel et, le cas échéant, de mettre fin à la visite à tout moment 18». Cependant, un arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 25 novembre 2020 19 semble réduire le périmètre de la protection des correspondances entre un avocat et son client aux seuls échanges en lien avec l’exercice des droits de la défense (quel qu’en soit le sujet). La Cour de cassation énonce que les correspondances échangées entre le client et son avocat « peuvent notamment être saisies dans le cadre des opérations de visite prévues par le second [L. 450-4 du code de commerce] dès lors qu'elles ne concernent pas l'exercice des droits de la défense ». Il ne suffit pas pour le requérant d’identifier les courriers concernés (en l’espèce un tableau avec l’ordinateur concerné, la référence des dossiers Outlook où étaient rangées les correspondances, l’identité de l’avocat, le 15 Principe de confidentialité des correspondances posé à l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 16 Dont Cass. crim., 24 avril 2013, n°12.80-331 17 Cass. crim., 27 novembre 2013, n°12.85.830 18 Cass. crim., 27 juin 2012, n°12-90.028 19 Cass. crim., 25 novembre 2020, n°19-84.304 Expertise comptable et secret professionnel © CSO Edition 2021 50 Expertise comptable et secret professionnel destinataire et la date du message) ; il doit également apporter des éléments « de nature à établir que ces courriers étaient en lien avec l’exercice des droits de la défense », et qui seront appréciés par la juridiction en charge de l’examen du recours. Cette solution rejoint la jurisprudence de la CJUE en la matière 20. Les originaux du procès-verbal et de l'inventaire sont transmis au juge qui a ordonné la visite. Une copie du procès-verbal et de l'inventaire est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant. L'ordonnance et le déroulement des opérations de visite et saisie peuvent faire l'objet d'un appel devant le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le juge qui les a autorisés, suivant les règles prévues par le code de procédure pénale. L’appel, formé dans un délai de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance ou de la remise ou réception ou notification du procès-verbal et de l’inventaire, n’est pas suspensif. Les pièces saisies sont conservées jusqu’à ce qu’une décision soit devenue définitive. 5. Administration des douanes Les douanes disposent de pouvoirs de contrôle spécifiques pour la recherche et la constatation des infractions douanières. Les agents habilités pour ce faire disposent de pouvoirs d’enquêtes et de contrôle (dont droit de communication et visite domiciliaire). Dans un arrêt du 3 mai 2001, la Cour de cassation a précisé que le secret professionnel prévu par l'article 57 de la loi du 24 janvier 1984 (secret professionnel des dirigeants d’établissements de crédit dans les