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This is a part of a CRFPA 2023 document covering French criminal law.It delves into the principle of legality in criminal law, discussing the concept of criminal law in France.

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CRFPA 2023 LES ESSENTIELS DU DROIT DROIT PÉNAL PARTIE 1 – LA LOI PENALE Le droit pénal est un droit formaliste : la loi, au sens large, y joue le rôle de source fondamentale à travers le principe de légalité criminelle (Thème 1). Sa mise en œuvre dépend en outre de son rayonnement dans le temps...

CRFPA 2023 LES ESSENTIELS DU DROIT DROIT PÉNAL PARTIE 1 – LA LOI PENALE Le droit pénal est un droit formaliste : la loi, au sens large, y joue le rôle de source fondamentale à travers le principe de légalité criminelle (Thème 1). Sa mise en œuvre dépend en outre de son rayonnement dans le temps (Thème 2) et dans l’espace (Thème 3). THEME 1 : LE PRINCIP E DE LEGALI TE CRI MI NELLE Ce principe a été posé en réaction à l’Ancien Régime, il est donc marqué par les enjeux révolutionnaires et notamment la volonté de lutter contre l’arbitraire, aussi bien des délits et des peines que des privations de libertés : => article 7 DDHC : « nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi et selon les formes qu elle a prescrite ». => article 8 DDHC : « la Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu en vertu d une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». En premier lieu, ce principe signifie qu’il est impossible à un juge pénal de condamner quelqu’un si les faits commis ne sont pas expressément incriminés par un texte. Autrement dit, même lorsqu’un comportement paraît moralement répréhensible, il n’est pas possible de le sanctionner si un texte ne l’a pas prévu. C’est la règle « pas d’infraction sans texte ». Selon la même logique, si le juge déclare la personne poursuivie coupable, il ne peut prononcer que les peines expressément prévues par un texte à titre de sanction de ces faits : c’est la règle « pas de peine sans texte ». Ces principes ont pour corollaire une règle encadrant l’office du juge pénal : c’est le principe d’interprétation stricte de la loi pénale. En second lieu, le principe de légalité renvoie à l’exercice légitime du droit de punir par l’Etat, et donc au respect des libertés individuelles lors de la mise en œuvre de la répression. Or, comme les libertés individuelles sont aujourd’hui centralisées dans des textes particuliers (bloc de constitutionnalité, traités), cela veut dire que les textes pénaux adoptés en France doivent être conformes à des textes à valeur supérieure dans la hiérarchie des normes, sinon ils ne seront pas appliqués par le juge pénal. C’est la question du contrôle du respect de la légalité criminelle. I. • LA SOUMISSION DU JUGE PENAL A LA LOI PENALE Pas d’infraction sans texte : En France, il y a 3 catégories d’infractions : les crimes, les délits et les contraventions (art. 111-1 CP). Le pouvoir de créer ces infractions est réparti entre le pouvoir Législatif et le pouvoir Exécutif, en fonction de la catégorie à laquelle se rattache l’infraction que l’on veut créer (art. 111-2 CP et art. 34 Constitution) : le pouvoir législatif crée les crimes et les délits, le pouvoir exécutif crée les contraventions. Objectif Barreau – Les essentiels 2 Tous droits réservés – Reproduction interdite La distinction entre ces infractions s’opère par la peine principale dont elles sont assorties : la « réclusion criminelle » est ainsi la peine caractéristique des crimes (elle est dénommée « détention criminelle » lorsque le crime est politique) ; la prévision d’une peine d’emprisonnement ou d’une amende d’un montant supérieur à 3750 euros fait de l’infraction un délit ; aucune peine privative de liberté d’aller et venir ne peut sanctionner la commission d’une contravention, dont la peine de référence est une amende répartie en 5 classes allant de 38 à 1500 euros (ou 3000 euros en cas de récidive). Quelle que soit l’infraction, le principe de légalité criminelle interdit au juge de la considérer constituée si les faits commis par la personne poursuivie ne correspondent pas en tous points à ceux interdits. Et si les faits commis n’entrent dans le champ d’application d’aucun texte pénal existant, c’est qu’il y a un vide répressif : les faits ne sont pas punissables et le juge ne peut alors que conclure à la relaxe. Toute autre décision violerait le principe d’interprétation stricte de la loi pénale, qui interdit au juge pénal tout raisonnement par analogie ou extension, raisonnement qui le conduirait à sanctionner pénalement ce que la loi n’a pas expressément interdit. Ainsi, le fait de commander au restaurant puis de partir sans payer, ne correspondant ni à un vol, ni à une escroquerie, ni à un abus de confiance, n’a pu faire l’objet d’aucune répression jusqu’à ce que le législateur crée le délit de filouterie d’aliments (art. 313-5 CP). Si le principe est donc l’application littérale des textes par le juge pénal, ce dernier peut toutefois s’écarter de la lettre d’une disposition obscure ou absurde pour en appliquer l’esprit (qu’il dégagera par exemple des travaux préparatoires) : l’interprétation téléologique est permise. Ainsi, le texte qui interdit « de descendre ailleurs que dans les gares et lorsque le train est complètement arrêté » est évidemment absurde puisque, pris à la lettre, il obligerait à sauter du train en marche, de sorte que le juge pénal peut, sans violer la légalité criminelle, en restituer le sens. Cette méthode permet également au juge pénal d’adapter l’application d’un texte à l’émergence de nouvelles technologies : des infractions initialement incriminées lorsqu’elles étaient commises par voie de presse écrite ont ainsi pu être réprimées alors qu’elles avaient été commises sur autre support de diffusion de masse (disques par exemple). • Pas de peine sans texte : L’encadrement des pouvoirs du juge pénal est ici beaucoup moins rigide que pour les infractions, en raison d’un choix ouvert par les textes eux-mêmes, au nom de la personnalisation de la répression (principe imposant d’adapter la répression a la personnalité de l’auteur des faits et qui a valeur constitutionnelle). Ainsi, le juge ne peut pas dépasser la durée maximale de la peine privative de liberté d’aller et venir ou le montant maximal de l’amende prévus par un texte. De même, il ne peut pas prononcer une peine, quelle qu’elle soit, qui ne serait pas attachée à l’infraction par le texte qui la réprime. Enfin, il existe en matière criminelle des peines dites « planchers », en-dessous desquelles le juge pénal ne peut pas descendre (art. 132-18 CP). Sous ces réserves, le juge est libre de prononcer la peine qui lui paraît la mieux adaptée à la personnalité de l’auteur des faits et à ses ressources. Il peut parfois prononcer des peines complémentaires en plus de la condamnation à la peine principale encourue ; il peut aussi substituer à la peine principale encourue une peine alternative, ou assortir la peine prononcée d’un sursis. Objectif Barreau – Les essentiels 3 Tous droits réservés – Reproduction interdite II. LE CONTROLE DE LA LOI PENALE PAR LE JUGE Le droit pénal contemporain ne se limite plus à l’incrimination et la punition : les règles pénales existent non seulement pour préciser les comportements constitutifs d’infractions et les peines qui y sont associées, mais aussi pour encadrer l’action de l’Etat dans la mise en œuvre du droit pénal. Autrement dit, le droit de punir les auteurs d’infractions n’est pas absolu, l’Etat lui-même doit respecter certaines règles. Cela implique qu’un justiciable peut tenter d’échapper à une condamnation en invoquant plusieurs arguments tendant tous à contester le texte qui fonde les poursuites dont il fait l’objet. Le juge pénal peut ainsi, au nom d’un meilleur respect de la légalité criminelle, refuser d’appliquer un texte au motif que celui-ci est inconstitutionnel, inconventionnel ou illégal. On ne reviendra pas sur le contrôle de constitutionnalité des textes pénaux (par le biais d’une QPC adressée au Conseil constitutionnel) ni sur leur contrôle de conventionnalité (le traité le plus souvent invoqué en matière pénale étant la CEDH). On indiquera seulement les spécificités du contrôle de légalité prévu par le code pénal. L’article 111-5 CP dispose que « les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ». Il résulte de ce texte que, nonobstant la séparation des ordres administratifs et judiciaires, le juge pénal peut, à l’occasion d’un procès pénal, constater l’illégalité d’un acte administratif (hors contrat administratif) dont les dispositions régissent le litige dont il est saisi et, en conséquence, refuser d’appliquer cet acte à l’espèce (sans pouvoir toutefois l’annuler). Objectif Barreau – Les essentiels 4 Tous droits réservés – Reproduction interdite THEME 2 : L’APP LICATI ON DE LA LOI P ENALE DANS LE TEMP S La summa divisio est ici la distinction entre les lois dites de « forme » (pour simplifier, les lois relatives à la procédure) et les lois dites « de fond » (pour simplifier, celles qui touchent à la composition de l’infraction, à sa sanction ou aux conditions de la responsabilité pénale). I. L’APPLICATION DANS LE TEMPS DES LOIS PENALES DE FORME Les règles sont prévues par les articles 112-2 et 112-3 CP et reposent globalement sur l’idée d’application immédiate de la loi de forme nouvelle à la répression des faits commis avant son entrée en vigueur, mais en comportant quelques variations tributaires de l’objet de la loi de forme considérée. Le régime des lois de forme est donc casuistique. Les lois modifiant la compétence et l’organisation judiciaire => elles s’appliquent immédiatement aux procédures en cours, sous réserve qu’aucune décision au fond n’ait encore été rendue. Les lois modifiant les modalités de poursuite et les formes de la procédure => elles s’appliquent immédiatement aux procédures en cours. Les lois modifiant le régime d’exécution et d’application des peines => elles s’appliquent immédiatement aux procédures en cours, sauf si cela aurait pour effet de rendre plus sévère la peine prononcée, auquel cas elles ne s’appliquent que pour l’avenir (seulement aux condamnations prononcées pour des faits postérieurs à leur entrée en vigueur). Les lois modifiant les règles de prescription de l’action publique et des peines => elles s’appliquent immédiatement aux procédures en cours, sous réserve qu’au moment de leur entrée en vigueur le délai de prescription ne soit pas déjà expiré au regard des règles antérieures. Les lois modifiant les règles applicables aux recours => elles ne s’appliquent qu’aux décisions rendues après leur entrée en vigueur, sauf celles modifiant les formes des recours, qui s’appliquent immédiatement. II. L’APPLICATION DANS LE TEMPS DES LOIS PENALES DE FOND La règle ici applicable est double, et constitue un corollaire du principe de légalité criminelle. La loi de fond plus sévère ne s’applique qu’aux faits commis après son entrée en vigueur, car la loi pénale doit prévenir avant de frapper (objectif de prévisibilité de la répression, afin de lutter contre l’arbitraire). C’est le principe dit de « non-rétroactivité in pejus ». La loi de fond plus douce s’applique aux faits commis avant son entrée en vigueur (solution favorable à la personne poursuivie qui lui permet de bénéficier immédiatement d’un assouplissement de la répression). C’est le principe dit de « rétroactivité in mitius ». Attention toutefois : une loi nouvelle plus douce ne peut pas remettre en cause une décision du juge pénal passée en force de chose jugée (séparation des pouvoirs), sauf si elle abroge l’infraction qui a fondé la condamnation. Objectif Barreau – Les essentiels 5 Tous droits réservés – Reproduction interdite THEME 3 : L’APP LICATI ON DE LA LOI P ENALE DANS L’ ESP ACE Les questions relatives à la compétence législative (quelle loi appliquer) et à la compétence judicaire (quel juge saisir) sont liées en matière pénale : la compétence de la loi française entraîne la compétence du juge pénal français, lequel ne peut en principe appliquer que la loi française (principe dit de « l’unité » ou de la « solidarité » des compétences). Il existe un conflit de lois pénales dans l’espace lorsque l’on est en présence d’un élément d’extranéité : soit un étranger commet une infraction en France, soit un Français commet ou subi une infraction à l’étranger. 4 systèmes différents sont concevables pour régler un tel conflit : a) Le système de territorialité : la loi d’un Etat s’applique à toutes les infractions commises sur son territoire, même aux étrangers ; la loi nationale ne s’applique pas hors du territoire, même pour les nationaux ; b) Le système de personnalité : la loi s’applique à tous les nationaux, même hors du territoire, mais uniquement aux nationaux, même à l’intérieur du territoire ; c) Le système de réalité : la loi applicable est déterminée en fonction de la nature de l’infraction ou, plus précisément, des intérêts auxquels l’infraction porte par nature atteinte. Exemple : la fabrication de fausse monnaie, ou de faux timbres, n’intéresse que l’État qui émet cette monnaie ou ces timbres ; d) Le système d’universalité (comprendre « universalité du droit de punir ») : le juge pénal peut punir quel que soit le lieu de l’infraction et quelle que soit la nationalité du coupable ou de la victime (ce système est surtout mis en place pour les infractions les plus graves, telles que le terrorisme, la torture, etc.). Le code pénal français recourt à un panachage de tous ces systèmes, par opportunisme (de façon générale, le droit pénal protégeant l’intérêt général, les États rechignent à se déclarer incompétents pour connaître d’une infraction, et ont tendance à vouloir étendre leur souveraineté en dehors de leurs frontières dès qu’ils estiment avoir un intérêt à juger l’infraction). Toutefois, le principe est celui de la compétence fondée sur la territorialité, les autres systèmes n’ayant qu’une vocation subsidiaire : ils jouent lorsque la loi française ne peut être compétente sur le fondement de la territorialité. I. LA COMPETENCE FONDEE SUR LE PRINCIPE DE TERRITORIALITE (ART. 113-1 A 113-5 CP) Régime : le juge ne tient pas du tout compte du contenu de la loi étrangère, il se contente de chercher si la loi française est applicable en vertu des règles de la territorialité, et si c’est le cas il applique la loi française. Ceci peut évidemment poser des problèmes de double jugement d’un même prévenu pour des mêmes faits, puisqu’on ignore délibérément la situation du droit étranger. Sur ce dernier point, il faut bien comprendre que le principe non bis in idem n’a qu’une portée territoriale : sauf traité particulier (par exemple celui qui unit les Etats membres de l’Union européenne) il ne vaut en France que pour une affaire jugée par un juge français. Autrement dit, l’étranger ayant commis une infraction Objectif Barreau – Les essentiels 6 Tous droits réservés – Reproduction interdite en France peut être jugé en France même s’il a été jugé à l’étranger pour la même infraction, voire même condamné à l’étranger (mais il sera le cas échéant tenu compte de la peine déjà exécutée à l’étranger). La notion de territoire renvoie à tout l’espace terrestre, aérien, et maritime. En outre, les aéronefs immatriculés en France et les navires battant pavillon français sont considérés comme des morceaux de territoire français (mobiles, en quelque sorte). Les critères de localisation de l’infraction sur le territoire Français : a) Évidemment, l’infraction est considérée commise sur le territoire français lorsqu’elle y est consommée en tous ses éléments constitutifs ; b) La loi prévoit également une extension de cette compétence territoriale : l’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu’un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire (on dit réputée commise puisque par hypothèse, elle n’y est pas intégralement commise). Par ailleurs, pour mieux lutter contre les infractions commises sur internet, un article 113-2-1 CP prévoit que « tout crime ou tout délit réalisé au moyen d'un réseau de communication électronique, lorsqu'il est tenté ou commis au préjudice d'une personne physique résidant sur le territoire de la République ou d'une personne morale dont le siège se situe sur le territoire de la République, est réputé commis sur le territoire de la République » ; c) La loi prévoit une seconde extension de compétence, pour tenir des modalités de responsabilité pénale : les deux premiers alinéas de 113-2 visent celui qui commet une infraction, l’article 113-5 envisage le cas de celui qui, sur le territoire français, se rend complice d’un crime ou d’un délit commis à l’étranger (a contrario, pas d’une contravention). Il y a toutefois deux conditions pour que les juridictions françaises soient alors compétentes : le fait principal doit aussi constituer un crime ou un délit selon la loi étrangère et il faut qu’un jugement définitif d’une juridiction étrangère ait reconnu l’existence du crime ou du délit. Il est néanmoins dérogé à ces deux conditions en cas de complicité par incitation, en France, à la commission à l’étranger d’un crime contre les personnes. Il est également dérogé à ces deux conditions lorsqu’un Français s’est rendu complice en France, au préjudice des intérêts financiers de l’UE, des délits commis à l’étranger énumérés par l’article 113-14 CP (par ex. : escroquerie, abus de confiance, blanchiment, corruption) ; d) Enfin, la Cour de cassation ajoute au texte une autre hypothèse d’extension de la compétence territoriale : la connexité ou l’indivisibilité entre les faits constatés en France et une infraction commise à l’étranger entraîne également compétence de la loi française. Par exemple, une association de malfaiteurs en France en vue de commettre un délit à l’étranger ; si les auteurs reviennent en France et sont arrêtés, le juge français est compétent pour les deux infractions. Même chose pour un recel. Ce principe permet aussi de compenser une lacune de 113-5 et de juger le complice à l’étranger d’une infraction commise en France. Objectif Barreau – Les essentiels 7 Tous droits réservés – Reproduction interdite II. LA COMPETENCE FONDEE SUR LE PRINCIPE DE PERSONNALITE DITE « ACTIVE » (ART. 113-6, 113-8 ET 113-9 CP) Ce critère de compétence s’applique dès lors qu’un crime ou un délit (donc pas une contravention) a été commis à l’étranger par un Français (y inclus une personne ayant acquis la nationalité française après la commission des faits mais avant leur jugement en France). Pour tous les crimes et les délits, la compétence personnelle ne s’applique que dans le respect du principe de subsidiarité : les juridictions françaises ne pourront pas juger l’auteur des faits s’il a déjà été définitivement jugé à l’étranger pour les mêmes faits (et la condamnation exécutée). C’est une application du principe non bis in idem. Pour les délits seulement, il y a une condition supplémentaire de réciprocité, dite également de double incrimination : l’acte commis à l’étranger doit être punissable tant par la loi française que par la loi étrangère. Toutefois, pour certains délits (notamment les délits sexuels sur mineurs, mais aussi le clonage ou l’activité de mercenaire), des dispositions propres à ces délits suppriment la condition de réciprocité lorsque l’auteur des faits est Français, ou même simplement, réside habituellement en France (afin de lutter plus efficacement contre ces infractions, jugées graves en France mais qui pourraient être tolérées par les États d’accueil). En outre, cette condition supplémentaire n’est pas exigée si le délit a été commis par un Français à bord d’un aéronef non immatriculé en France (art. 113-11 CP). Pour les délits seulement (donc il y a en tout 3 conditions cumulatives pour les délits), il y a une condition supplémentaire tenant aux poursuites : la poursuite de l’auteur de l’infraction est subordonnée à la dénonciation officielle de l’État étranger ou à la plainte de la victime (attention, seul le ministère public français peut poursuivre, y compris en cas de plainte de la victime). Toutefois, cette condition supplémentaire disparaît pour les mêmes délits que ceux évoqués à la condition précédente (par ex. tourisme sexuel), et pour les mêmes raisons. En outre, là encore cette condition supplémentaire n’est pas exigée si le délit a été commis par un Français à bord d’un aéronef non immatriculé en France (art. 113-11 CP). On notera que la loi pénale française s'applique aux crimes et délits qualifiés d'actes de terrorisme commis à l'étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, sans aucune des conditions précédentes (art. 113-13 CP), y compris non bis in idem. On notera également que l’article 113-14 CP permet de déroger à la condition de réciprocité d’incrimination ainsi qu’à la condition de plainte ou dénonciation préalable (la condition réservant le droit de poursuivre au PR est maintenue ; le texte ne dit rien sur non bis in idem…) lorsqu’un Français ou une personne résidant habituellement en France ou exerçant tout ou partie de son activité économique sur le territoire français, s’est rendue coupable, à l’étranger et au préjudice des intérêts financiers de l’UE, de délits visés par ce texte (déjà cités précédemment). Objectif Barreau – Les essentiels 8 Tous droits réservés – Reproduction interdite III. LA COMPETENCE FONDEE SUR LE PRINCIPE DE PERSONNALITE DITE « PASSIVE » (ART. 113-7 ET 113-9 CP) Ce critère de compétence s’applique dès lors qu’un crime ou un délit puni d’emprisonnement (donc pas une contravention) a été commis à l’étranger à l’encontre d’une personne de nationalité française au moment de la commission de l’infraction. La nationalité de l’auteur de l’infraction est en revanche indifférente : le critère de personnalité passive joue donc par préférence à celui de la personnalité active, ce qui permet de mieux protéger les ressortissants français, puisque la compétence est plus facilement admise de ce chef. En effet, le principe de réciprocité d’incrimination ne s’applique pas : la loi française s’applique même si le droit étranger ne punit pas les faits commis. En revanche, le principe non bis in idem s’applique. Enfin, pour les délits seulement, on retrouve les mêmes conditions de poursuite qu’avec le système de personnalité active (monopole du ministère public, plainte ou dénonciation préalable). Il est toutefois fait exception à cette règle lorsque le délit a été commis contre un Français à bord d’un aéronef non immatriculé en France (art. 113-11 CP). IV. LA COMPETENCE FONDEE SUR LE DROIT INTERNATIONAL (COMPETENCE DITE « UNIVERSELLE ») L’hypothèse est ici que les faits ont été commis à l’étranger, mais peu importe qu’ils l’aient été par un français ou un étranger, ou même contre un français, ce qui compte c’est que l’auteur a été arrêté sur le territoire français. Le législateur retient alors la compétence des juridictions françaises, soit en vertu d’une convention internationale, soit en vertu d’un principe général du droit de l’extradition. • Compétence des tribunaux français en vertu d’une convention internationale (articles 689 s. CPP) Diverses conventions internationales ont créé des juridictions internationales spécialisées ayant vocation à connaître de certains crimes spécifiques (crimes de guerre, crimes contre l’humanité, terrorisme, etc.). Le principe est alors que, si un État membre de la Convention ayant créé cette juridiction arrête, sur son territoire, l’auteur d’une des infractions visées par la Convention, il doit demander à la juridiction si elle souhaite le juger. Si elle décline sa compétence, alors l’État du lieu d’arrestation (pour ce qui nous concerne, la France), peut juger l’intéressé en application du droit de la Convention. La condition de subsidiarité s’applique (art. 692 CPP) : la France ne peut juger l’intéressé que dans le respect du principe non bis in idem. Le reste des conditions varie en fonction de la Convention envisagée. • Compétence des tribunaux français en vertu d’un refus d’extradition (art. 113-8-1 CP, principe « aut dedere, aut judicare ») La loi française s’applique à tout crime ou à tout délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement, commis à l’étranger par un étranger détenu en France, mais dont la France a refusé l’extradition ou la remise à l’Etat qui la sollicitait pour un des motifs suivants : a) La peine encourue dans l’Etat destinataire est contraire à l’ordre public français (par ex. peine de mort) ; Objectif Barreau – Les essentiels 9 Tous droits réservés – Reproduction interdite b) La personne a été jugée sans les garanties fondamentales nécessaires ; c) L’infraction est politique ; d) L’extradition ou la remise auraient des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour l’intéressé en raison, notamment, de son âge ou de son état de santé. La poursuite de ces infractions ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public. V. LA COMPETENCE FONDEE SUR L’ATTEINTE A L’ORDRE PUBLIC FRANÇAIS (COMPETENCE DITE « REELLE », ART. 113-10 CP) Ce chef de compétence s’applique dès lors qu’a été commis à l’étranger un crime ou délit qualifié de falsification ou contrefaçon de sceaux de l’État, de pièces de monnaie, de billets de banque, d’effets publics ; ou encore un crime ou délit d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation (trahison, espionnage…) ; ou enfin un crime ou délit commis à l’encontre des agents ou des locaux diplomatiques ou consulaires français. Les juridictions françaises peuvent alors juger les auteurs comme les complices, quelle que soit leur nationalité. Au regard de l’enjeu de protection des intérêts nationaux, le principe de subsidiarité (non bis in idem) ne joue pas, non plus que le principe de double incrimination. Objectif Barreau – Les essentiels 10 Tous droits réservés – Reproduction interdite PARTIE 2 – L’INFRACTION Si l’on écarte ce que certains auteurs appellent « l’élément légal » de l’infraction, et qui n’est autre que l’exigence que les faits reprochés à la personne poursuivie soient expressément et préalablement réprimés par un texte d’incrimination, sous peine de ne pouvoir donner lieu à une condamnation (v. supra, Le principe de légalité criminelle), toute infraction est constituée de deux composantes cumulatives, que l’on nomme « élément matériel » (Thème 1) et « élément moral » (Thème 2). Si la réunion de l’élément matériel et moral d’une infraction permet sa sanction, des règles particulières organisent la répression de la commission successive de plusieurs infractions (Thème 3). THEME 1 : L’ELEMENT MATERIEL DE L’I NFRACTI ON L’élément matériel correspond aux faits visés par un texte d’incrimination. En application du principe de légalité criminelle, le juge pénal ne peut prononcer de condamnation que si les faits imputés à la personne poursuivie correspondent exactement aux faits incriminés par un texte pénal : ils doivent être de même type. La doctrine s’est attachée à classer les infractions en 4 catégories, en fonction du type de leur élément matériel. I. LA DISTINCTION DES INFRACTIONS DE COMMISSION (OU D’ACTION) ET D’OMISSION Cette classification repose sur la nature de l’élément matériel. Avec l’infraction de commission, ce qui est reproché à l’auteur du comportement fautif c’est un acte positif contraire à une obligation de ne pas agir (exemple : le vol consiste en la soustraction de la chose d’autrui, et « soustraire » implique un acte positif). Pour être jugé coupable d’une telle infraction il doit donc avoir commis l’acte répréhensible : les juges doivent conclure à la relaxe s’ils ne relèvent à son encontre que des abstentions, fussent-elles blâmables (on dit en doctrine qu’il ne peut y avoir délit de commission par omission). À l’inverse, l’infraction d’omission sanctionne le fait de s’être abstenu là où la loi obligeait au contraire à agir (exemples : refus de témoigner ; non-assistance à personne en péril). Il existe des infractions qui peuvent être aussi bien d’omission que de commission, le vocabulaire employé par le législateur permettant de considérer qu’est incriminé aussi bien un acte positif qu’une abstention. Il en va ainsi de l’infraction d’abus de confiance, caractérisé par le « détournement » d’une chose remise à titre précaire par la victime à l’auteur des faits : ce détournement peut prendre indifféremment la forme d’un acte positif (usage à une fin autre que celle convenue) ou d’une abstention (omission de restituer la chose à la date convenue). II. LA DISTINCTION DES INFRACTIONS INSTANTANEES ET DES INFRACTIONS CONTINUES Le critère de classification est ici celui de la durée théorique de réalisation de l’élément matériel. Objectif Barreau – Les essentiels 11 Tous droits réservés – Reproduction interdite La consommation de l’infraction instantanée est acquise dès la survenance d’un acte qui se réalise en un trait de temps. Le début et la fin de l’infraction se confondent. L’exemple du vol peut être à nouveau repris : la soustraction consiste à s’emparer du bien d’autrui sans son consentement ; dès lors que le voleur appréhende le bien à l’insu de son propriétaire, il l’en dépossède et commet un vol : la soustraction est donc un acte qui se commet en un instant. Inversement, la consommation de l’infraction continue implique la réalisation d’une action qui a vocation à durer. L’infraction commence et s’achève à deux moments nettement distincts (ce qui rend plus facile sa répression dans le temps et dans l’espace). Ainsi du « fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l'état de dépendance sont apparents ou connus de l'auteur, à des conditions de travail ou d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine », infraction réprimée par l’article 222-14 CP. L’élément matériel de ce délit est la soumission d’autrui à des conditions de travail ou d’hébergement indignes, comportement dont la réalisation implique nécessairement une certaine durée. III. LA DISTINCTION DES INFRACTIONS SIMPLES, COMPLEXES OU D’HABITUDE Cette classification repose sur la quantité de faits constitutifs de la matérialité de l’infraction. L’infraction simple est celle dont l’élément matériel consiste en un fait unique. Le vol en fournit un nouvel exemple : la soustraction est nécessaire mais suffisante pour consommer l’infraction. L’infraction complexe est celle dont l’élément matériel suppose l’addition de plusieurs faits différents. Réaliser un seul de ces faits n’est donc pas punissable (sauf à envisager la qualification de tentative). L’exemple type, voire unique (mais l’on pourrait s’interroger aujourd’hui sur les nouvelles formes de harcèlement sexuel réprimées par l’article 222-33 CP), est l’escroquerie, qui n’est consommée que par la réunion d’actes de tromperie émanant de l’escroc et de la remise d’un bien à celui-ci par la victime : en l’absence de remise, il ne pourrait au mieux y avoir que tentative d’escroquerie. Attention, car le législateur décrit souvent plusieurs modalités différentes de commission d’une même infraction : les faits sont alors alternatifs, de sorte que chacun d’eux pris isolément suffit à consommer l’infraction, qui est donc simple. Ainsi, le recel peut être indifféremment commis par détention OU transmission OU dissimulation le produit d’une infraction. L’infraction d’habitude est celle dont l’élément matériel suppose la répétition de plusieurs faits de même nature. Réaliser l’un de ces faits une seule fois n’est donc pas punissable : il faut le réaliser « à titre habituel ». Les infractions d’exercice illégal d’une profession relèvent le plus souvent de cette catégorie (par ex., exerce illégal de la profession de banquier, art. L. 511-5 code monétaire et financier). Quant au seuil de répétition rendant le fait punissable, il dépend de la volonté du législateur ou dans le silence de la loi (cas le plus fréquent), est fixé par la jurisprudence à 1 répétition (donc commettre 2 fois le fait interdit consomme l’infraction d’habitude). Objectif Barreau – Les essentiels 12 Tous droits réservés – Reproduction interdite IV. LA DISTINCTION DES INFRACTIONS MATERIELLES, FORMELLES OU OBSTACLES Cette classification a pour critère le fait que l’élément matériel de l’infraction inclue ou non le résultat redouté du comportement de l’auteur des faits. L’infraction est matérielle si son élément matériel suppose non seulement la réalisation d’un certain comportement, mais encore que ce comportement ait effectivement causé le résultat que le législateur voulait éviter. Ainsi, le législateur voulant protéger la vie, incrimine le fait d’y porter atteinte, c’est-à-dire de causer la mort. Si la mort d’autrui est causée volontairement, c’est un meurtre, mais inversement, il n’y a meurtre que si l’auteur des faits a réussi à tuer sa victime (sinon il y aura au mieux tentative de meurtre) : quel que soit le comportement de l’auteur des faits, il doit avoir causé le résultat redouté (la mort) pour être constitutif de l’infraction de meurtre. L’infraction est formelle si, au contraire, le comportement visé au texte est puni alors même qu’il n’a pas abouti au résultat redouté, pour la seule raison qu’il est susceptible de le causer. Ainsi, l’empoisonnement réprime le fait d’administrer un poison mortel à sa victime : même si celle-ci survit, l’infraction d’empoisonnement est pleinement consommée. L’infraction obstacle est une variation de l’infraction formelle : elle aussi réprime un comportement indépendamment de son résultat. Mais ce comportement est un maillon de la chaîne causale si avancé qu’il pourrait causer plusieurs résultats, alors que le comportement constitutif de l’infraction formelle n’est susceptible d’en causer qu’un seul (l’administration d’un poison mortel est de nature à causer la mort). Ainsi, l’abandon d’une arme dans un lieu public est réprimé (art. R. 641-1 CP) parce que cette arme est « susceptible d’être utilisée pour commettre un crime ou un délit » quelconque. THEME 2 : L’ELEMENT MORAL DE L’I NFRACTION L’élément moral correspond à l’état d’esprit de l’auteur des faits au moment où il a agi. Cet « agent » n’est pénalement responsable que si on peut lui imputer une faute dans la commission des faits constitutifs de l’élément matériel de l’infraction. Conformément au principe de légalité criminelle, le type de faute doit impérativement correspondre à celui visé par le texte d’incrimination, étant entendu qu’il y a deux types de fautes en droit pénal : la faute intentionnelle et la faute non-intentionnelle. On notera qu’il résulte des termes de l’article 121-3 CP, qui régit l’élément moral de l’infraction, que les crimes sont toujours intentionnels, que les délits sont par principe intentionnels mais peuvent être non-intentionnels sur prévision expresse de la loi, et que les contraventions sont en principe constituées indépendamment de leur élément moral (toute réalisation de leur élément matériel est fautive, sans que la nature de la faute commise soit prise en compte) mais que le législateur crée parfois des contraventions uniquement intentionnelles ou uniquement non-intentionnelles. I. LA FAUTE INTENTIONNELLE On l’appelle également « dol général ». Elle n’est pas définie par le code, mais on considère habituellement qu’elle repose sur la réunion de deux conditions cumulatives : la connaissance et la volonté. L’intention doit en outre être distinguée des mobiles. Objectif Barreau – Les essentiels 13 Tous droits réservés – Reproduction interdite • Première composante : la connaissance Il ne peut pas y avoir intention si l’auteur des faits n’avait pas pleinement connaissance du contexte dans lequel il a agi : a) Le contexte factuel : il faut savoir que l’on est en train de réaliser l’élément matériel d’une infraction. A contrario, l’erreur sur le fait peut exclure l’intention (l’étudiant qui pense emporter son téléphone en quittant une salle mais qui emporte celui, identique, de son voisin de table, soustrait la chose d’autrui mais n’a pas l’intention de commettre un vol). b) Le contexte juridique : il faut savoir que les faits que l’on commet en conscience sont constitutifs d’une infraction. Cette connaissance est présumée, sauf en cas, rarement admis, d’erreur sur le droit (abordée par le code avec les causes d’irresponsabilité pénale). • Seconde composante : la volonté Il ne peut pas non plus y avoir intention si l’agent n’a pas eu la volonté de réaliser les faits prohibés : a) Si l’infraction reprochée est intentionnelle et que les faits commis par le prévenu l’ont été involontairement, c’est-à-dire par maladresse ou inattention, on ne pourra pas le condamner pour cette infraction. Mais très souvent il existe une infraction nonintentionnelle voisine qui condamne le même comportement accompli involontairement (comparer le crime de meurtre et le délit d’homicide par imprudence). b) Attention, pour les infractions de violences, il suffit que le comportement soit volontaire, même si les conséquences dommageables de ce comportement n’ont pas été voulues (la volonté de blesser suffit pour que l’agent doivent assumer les blessures qu’il a causées, quelles que soient leur gravité). • Distinction entre l’intention et les mobiles On pourrait dire que l’intention est la volonté objective, abstraite, de porter atteinte à la valeur sociale protégée par l’infraction, tandis que le mobile est la raison subjective, personnelle, qui pousse l’auteur des faits à réaliser cette atteinte, à enfreindre intentionnellement la loi pénale. De ce point de vue, le mobile peut servir à prouver l’intention, mais le prévenu sera en principe condamné quel que soit son mobile (on dit traditionnellement que le mobile est « indifférent » à la culpabilité, parce que quel que soit son mobile, l’auteur des faits sera condamné). C’est ce qui explique que, si l’erreur de fait exclut l’intention, cela ne fonctionne pas lorsque cette erreur porte sur l’identité de la victime : l’aberratio ictus (erreur sur l’objet de l’action : tuer X alors qu’on voulait tuer Y ; voler une copie au lieu de l’original) n’empêche pas qu’on avait bien la volonté de commettre les faits incriminés (ôter la vie ; s’emparer d’un bien qui appartient à autrui), et c’est cette volonté que le législateur réprime. Par exception, il arrive que la loi prenne en compte un mobile particulier, et ne réprime l’auteur des faits que s’il a agi dans un but bien précis. Ainsi, dans l’infraction d’abus de biens sociaux, le dirigeant qui détourne les biens de la société qu’il dirige n’est puni que si ce détournement est effectué « à des fins personnelles » On parle alors de « dol spécial » et plus de dol général. Objectif Barreau – Les essentiels 14 Tous droits réservés – Reproduction interdite II. LA FAUTE NON-INTENTIONNELLE Il existe 3 fautes non-intentionnelles, leur répression variant, lorsqu’elles sont commises par des personnes physiques, en fonction de leur rôle causal dans la survenance du dommage. En revanche, les personnes morales engagent leur responsabilité pénale quels que soient leur faute et leur rôle causal. • La faute simple Elle consiste en une « imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement » qui a entraîné un dommage parce que son auteur « n'a pas accompli les diligences normales » que l’on attendait de lui « compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». Cela veut dire qu’on ne punit pas n’importe quelle imprudence dommageable : si une autre personne placée dans la même situation avait, elle aussi, commis la même erreur de vigilance, c’est que la survenance du dommage était inévitable et que son auteur n’est pas fautif (il pourrait toutefois engager sa responsabilité civile). Cette faute n’est punissable que si son auteur est la cause directe du dommage. L’auteur indirect d’une faute d’imprudence simple n’est pas pénalement responsable de celle-ci. • La faute caractérisée Elle consiste elle aussi en une imprudence, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, mais elle est plus grave parce qu’on n’attendait pas de son auteur une vigilance normale, mais des diligences renforcées pour ne pas commettre de dommage involontairement. En effet, en raison de ses fonctions, missions, etc., l’auteur des faits « exposait autrui à un risque d'une particulière gravité [qu’il] ne pouvait ignorer », donc manquer de vigilance constituait de sa part une faute caractérisée au regard des conséquences prévisibles de cette négligence. Cette faute est punissable quel que soit le rôle causal de son auteur. • La faute délibérée Elle consiste en l’adoption d’un comportement volontairement à risque pour autrui, mais en espérant que ce risque ne se réalisera pas : son auteur a « violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». C’est en quelque sorte une demi-intention. Cette faute est punissable quel que soit le rôle causal de son auteur. Très souvent, elle constitue aussi une cause d’aggravation de la peine encourue. • Les liens de causalité a) Est auteur direct d’un dommage celui qui a été le « paramètre déterminant » ou la « cause essentielle » dans sa survenance ; b) Est auteur indirect, soit la personne qui « a créé ou contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage », soit la personne qui « n’a pas pris les mesures permettant d’éviter la survenance du dommage ». Objectif Barreau – Les essentiels 15 Tous droits réservés – Reproduction interdite THEME 3 : LA REPRESSI ON DE LA COMMISSI ON SU CCESSI VE DE PLU SI EU RS I NFRACTI ONS Deux hypothèses doivent ici être envisagées : lorsque les infractions sont commises successivement sans que leur auteur n’ait fait l’objet d’une condamnation définitive, il y a concours ; lorsqu’au contraire la commission des infractions est séparée par une décision de condamnation, on raisonne en termes de récidive. I. LES INFRACTIONS COMMISES EN CONCOURS Il y a concours réel chaque fois qu’un individu commet des faits distincts constitutifs d’infractions matériellement distinctes. Lorsque la loi ne fait pas alors de l’une des infractions une circonstance aggravante d’une autre, elles se trouvent en concours, et peuvent donner lieu à autant de déclaration de culpabilité qu’il y a d’infractions. En revanche, leur sanction obéit à des règles particulières. a) En ce qui concerne les peines criminelles et délictuelles de nature différente : elles se cumulent toujours, et chacune peut donc être prononcée selon son régime propre ; b) En ce qui concerne les peines criminelles et délictuelles de même nature, un principe de non-cumul s’applique : soit les infractions en concours font l’objet de poursuites uniques et alors le juge qui en est saisi ne prononcera qu’une seule peine pour l’ensemble d’entre elles, dans la limite du maximum légal le plus élevé (il ne prononcera par exemple qu’une seule peine d’emprisonnement pour l’ensemble des infractions en concours, dans la limite du maximum de la durée encourue la plus longue ; de la même façon, une seule amende pourra être prononcée, dans la limite du maximum du montant le plus élevé encouru) ; soit les infractions en concours font l’objet de poursuites distinctes et alors chaque juge peut prononcer les peines encourues pour les infractions dont il est saisi, mais le principe de non-cumul sera mis en œuvre au stade de l’exécution de ces peines (sauf à ce que la juridiction qui statue en second tienne compte des condamnations prononcées par la juridiction ayant statué plus rapidement pour ordonner elle-même la « confusion » des peines) ; c) En ce qui concerne les amendes contraventionnelles : elles se cumulent toujours entre elles, ou avec des amendes criminelles et délictuelles, sans limite de montant. Il y a concours idéal lorsqu’un même fait est susceptible de plusieurs qualifications pénales. Ces qualifications seront cumulées lorsque les valeurs sociales qu’elles protègent sont distinctes, et l’on raisonnera alors comme s’il y avait concours réel (par exemple, jeter une grenade dans un bar constitue à la fois une atteinte à la propriété et une atteinte à la vie, de sorte que l’on poursuivra l’auteur du jet à la fois pour meurtre et destruction de bien). En revanche, lorsque les qualifications multiples susceptibles d’être retenues protègent la même valeur sociale, elles seront réduites à l’unité, soit que l’une l’emporte sur l’autre (par exemple, l’empoisonnement l’emporte sur l’assassinat par application de l’adage lex specialis…), soit que la plus grave absorbe la plus légère, laquelle devient alors une composante de sa matérialité ou est érigée en circonstance aggravante. Objectif Barreau – Les essentiels 16 Tous droits réservés – Reproduction interdite II. LES INFRACTIONS COMMISES EN RECIDIVE Pour qu’il y ait récidive, il faut non seulement que la commission des infractions par un même agent soit séparée par une décision de condamnation définitive, mais il faut encore que la commission de l’infraction postérieure à la décision de condamnation s’inscrive dans des conditions légales bien précises. A défaut, il n’y aurait que réitération d’infraction, ce qui n’entraîne pas de conséquence particulière, alors que la récidive entraîne l’aggravation de la peine encourue au titre de la seconde infraction. Les conditions de la récidive, prévues par les articles 132-8 s. CP, dépendent à la fois de la nature des infractions commises et du délai séparant la condamnation prononcée au titre de la première de la commission de la seconde. A titre d’exemple, une personne physique déjà condamnée définitivement pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement par la loi, (premier terme de la récidive) qui commet, dans le délai de cinq ans à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an et inférieure à dix ans (second terme de la récidive) encourt, au titre de cette seconde infraction, des peines d'emprisonnement et d'amende dont le maximum est doublé. Objectif Barreau – Les essentiels 17 Tous droits réservés – Reproduction interdite PARTIE 3 – LA RESPONSABILITE PENALE Celui qui réunit en sa personne l’élément matériel et l’élément moral d’une infraction en est l’auteur. Les difficultés surgissent lorsqu’une personne ne parvient pas à réaliser pleinement l’élément matériel de l’infraction : à certaines conditions, elle pourra quand même être punie en tant qu’auteur, mais d’une infraction seulement tentée et non pleinement consommée (Thème 1). Par ailleurs, les personnes qui ne réalisent pas elle-même l’élément matériel d’une infraction, mais qui, commettant des faits distincts, favorisent la commission de l’infraction, peuvent être déclarés coupable en qualité de complices (Thème 2). Les personnes morales peuvent engager leur responsabilité pénale sous n’importe laquelle des qualifications précédentes, mais à des conditions particulières tenant compte de leur absence d’existence corporelle (Thème 3). Enfin, le droit pénal tient parfois de circonstances particulières pour les ériger en causes d’irresponsabilité pénale (Thème 4). THEME 1 : LA RESPONSABILI TE EN QU ALI TE D’AU TEUR D’UNE TENTATIVE D’I NFRACTION L’article 121-4 CP considère comme « auteur de l’infraction » celui qui la consomme intégralement ou celui qui tente de la commettre. L’incrimination de la tentative correspond donc à une anticipation répressive : l’infraction n’est pas pleinement réalisée en tous ses éléments constitutifs et pourtant l’auteur de l’infraction tentée encourt la même peine que celui de l’infraction consommée. Au regard de la légalité criminelle, il faut faire attention au domaine de répression de la tentative : la tentative de crime est toujours punissable, la tentative de délit ne l’est que si un texte le prévoit (principe de spécialité) et la tentative de la contravention n’est jamais punissable. La tentative est définie par le code comme la réunion de deux composantes : il faut que les faits commis puissent, à défaut de constituer l’élément matériel de l’infraction, être qualifiés de commencement d’exécution de celle-ci ; il faut encore que l’auteur en soit resté au stade de ce commencement d’exécution pour des raisons indépendantes de sa volonté. I. PREMIERE COMPOSANTE DE LA TENTATIVE : LE COMMENCEMENT D’EXECUTION Selon la jurisprudence, « le commencement d’exécution n’est caractérisé que par des actes devant avoir pour conséquence directe et immédiate la réalisation de l’infraction projetée » ; ou encore, « caractérisent le commencement d’exécution les actes qui tendent directement au crime ou au délit avec intention de le commettre. La jurisprudence adopte donc à la fois une conception objective (place des faits commis dans la chaîne causal menant à la réalisation de l’élément matériel de l’infraction) et une conception subjective (résultat que l’auteur des faits voulait atteindre) du commencement d’exécution, ce qui en facilite la preuve. Objectif Barreau – Les essentiels 18 Tous droits réservés – Reproduction interdite La qualification des faits commis par l’agent est importante, car des faits trop éloignés dans la chaîne causale du résultat d’une infraction consommée en seraient seulement les actes préparatoires, que le droit français ne considère pas punissables. II. SECONDE COMPOSANTE DE LA TENTATIVE : LE DESISTEMENT INVOLONTAIRE Le commencement d’exécution d’une infraction n’est punissable sous la qualification de tentative que si l’auteur en est resté à ce stade, sans parvenir à consommer l’infraction, en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. A contrario, s’il a renoncé (s’est « désisté ») spontanément à aller au bout de la commission de l’infraction, la loi le récompense en considérant qu’il n’y a pas de tentative punissable. De façon générale, le désistement est spontané si l’agent renonce à son projet pour des raisons qui lui sont propres, il est involontaire si l’agent a été empêché de consommer l’infraction en raison de circonstances qui lui sont extérieures. Prenons l’exemple d’une tentative de meurtre par arme à feu : il y aura désistement involontaire si l’agent tire en direction de la victime mais la rate, si celle-ci survit au coup de feu, si la police appréhende le tireur avant qu’il n’ait pu tuer la victime, si l’arme s’enraye et que le coup ne part pas, et même s’il s’avère que l’arme n’était pas chargée ou que la victime était déjà morte au moment du tir (la tentative d’une infraction impossible à consommer est punissable) ; en revanche, il y aura désistement volontaire si l’agent braque son arme en direction de la victime, mais renonce à faire feu par pitié ou même par manque de courage. Enfin, le désistement volontaire doit être distingué du repentir actif, remords de l’agent éprouvé une fois les faits commis et qui l’incite à essayer d’en réparer les conséquences. Là où le désistement volontaire intervient avant la consommation de l’infraction et empêche de déclarer l’agent coupable de tentative, le repentir actif intervient après la commission de l’infraction et n’empêche pas la déclaration de culpabilité (mais il pourra inciter les juges à la clémence lors du prononcé de la peine). Objectif Barreau – Les essentiels 19 Tous droits réservés – Reproduction interdite THEME 2 : LA RESPONSABILI TE EN QU ALI TE DE COMP LI CE Le complice doit être distingué du co-auteur : alors que le co-auteur réalise tout ou partie de la matérialité de l’infraction, participe à titre principal à la commission des faits, le complice réalise des actes matériels totalement distincts de la matérialité de l’infraction, il s’associe de façon accessoire à la commission de celle-ci. La complicité comporte deux composantes et fait l’objet d’une répression particulière. I. LES CONDITIONS DE LA COMPLICITE A l’image des éléments constitutifs de l’infraction, la complicité n’est punissable que si le complice a réalisé certains actes précisément décrits par la loi et a eu l’intention de s’associer à la commission d’une infraction. • Elément matériel de la complicité Il y a deux façons alternatives de se rendre complice. En principe, chacune d’elles suppose l’accomplissement d’un acte positif, mais la jurisprudence admet la complicité passive lorsque quelqu’un s’abstient d’intervenir alors qu’il en a l’obligation. a) La complicité par facilitation consiste à apporter son aide ou son assistance à l’auteur de l’infraction (le complice fait le guet, ou fournit l’arme utilisée par l’auteur de l’infraction) ; b) La complicité par instigation consiste à inciter un tiers à commettre une infraction, soit en lui donnant des instructions détaillées (le complice est la tête pensante, et l’auteur l’homme de main), soit en lui faisant des dons ou des promesses en échange de la commission d’une infraction, ou encore en usant de menaces, en donnant un ordre, ou en abusant du pouvoir ou de l’autorité que l’on détient sur ce tiers. • Elément moral de la complicité La complicité suppose que le complice ait agi en connaissance de cause, sciemment. Mais la jurisprudence considère souvent que le complice ne pouvait ignorer qu’il s’associait à la commission d’une infraction. Et elle retient par fois la complicité d’une infraction non-intentionnelle, alors qu’on ne devrait pas pouvoir être complice d’un évènement accidentel. L’intention requise du complice doit être exprimée avant ou au moment de la commission de l’infraction à laquelle il s’associe. Dès lors que le « pacte criminel » est conclu avant la commission de l’infraction, les actes du complice peuvent être réalisés après (par ex. aider l’auteur des faits à fuir en l’attendant à bord d’un véhicule). II. LA REPRESSION DE LA COMPLICITE Pour que les actes du complice soient punissables, ils doivent être l’accessoire d’une infraction punissable : on dit que le complice « emprunte la criminalité » de l’auteur de l’infraction à laquelle il s’associe. On peut dès lors être complice d’une infraction consommée, d’une infraction tentée, ou de la complicité punissable d’une infraction. Et si l’infraction est abrogée, ou amnistiée, le complice n’est plus punissable. Objectif Barreau – Les essentiels 20 Tous droits réservés – Reproduction interdite La jurisprudence n’exige toutefois pas que le complice se soit associé à une infraction punissable : il suffit qu’il se soit associé à un « fait principal » punissable. Cela permet de punir le complice d’une infraction dont l’élément matériel a été réalisé, mais dont l’auteur ne peut être condamné faute d’élément moral (par ex., un complice par instigation qui fait transporter de la drogue par un tiers à l’insu de ce dernier). Toutes les modalités de complicité ne sont pas également punissables : la complicité par instigation l’est toujours, mais la complicité par facilitation n’est incriminée que si le complice a prêté son aide ou son assistance à la commission d’un crime ou d’un délit (donc la complicité de contravention par facilitation n’est pas punissable). Si les actes de complicité sont punissables, le complice sera jugé comme s’il était lui-même auteur de l’infraction principale. Cela signifie qu’il encourt toutes les circonstances aggravantes réelles dont il avait connaissance (effraction, usage d’une arme), mais n’encourt que les circonstances aggravantes personnelles qui lui sont propres (récidive, lien de parenté avec la victime…). De la même façon, les causes objectives d’irresponsabilité pénale, ôtant aux faits leur caractère délictueux (v. infra), bénéficient aussi bien à l’auteur qu’au complice, alors que les causes subjectives d’irresponsabilité pénale (minorité, trouble psychique…) leurs sont propres. Objectif Barreau – Les essentiels 21 Tous droits réservés – Reproduction interdite THEME 3 : LA RESPONSABILITE EN QUALITE DE PERSONNE MORALE La responsabilité pénale des personnes morales est apparue avec le nouveau code pénal (1994) et repose aujourd’hui sur 3 conditions cumulatives. Toutes les personnes morales ne sont pas concernées, et il a fallu créer une pénalité spécifique aux personnes morales pénalement responsables. I. LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITE PENALE DES PERSONNES MORALES Il faut tout d’abord un fait punissable : une infraction commise ou tentée, un acte de complicité. Il faut ensuite que ce fait ait été commis par un organe ou un représentant de la personne morale : ceci implique d’identifier la personne physique auteur des faits que l’on veut imputer à la personne morale, et de vérifier que cette personne exerçait bien, au moment de leur commission, un pouvoir de direction. Il faut enfin que ce fait ait été commis pour le compte de

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