Physiologie de la croissance microbienne PDF
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Université Abou Bekr Belkaïd, Tlemcen
Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed
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This document is a microbiology textbook covering microbial growth. It explains the process of microbial growth, including factors influencing it, different types of growth, and methods for measuring microbial growth.
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Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Université Aboubekr Belkaïd – Tlemcen Faculté des SNV/STU - Département de Biologie. Master 1. Microbiologie fondamentale Responsable de la matière : Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Matière : Physi...
Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Université Aboubekr Belkaïd – Tlemcen Faculté des SNV/STU - Département de Biologie. Master 1. Microbiologie fondamentale Responsable de la matière : Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Matière : Physiologie de la croissance microbienne __________________________________________ Quelques rappels : La croissance : augmentation coordonnée de la masse des parties constituantes de la cellule. La croissance conduit à la division de la cellule, généralement par fission binaire continuellement tant qu’elles peuvent disposer de nutriments. Chez certaines especes la separation peut ne pas se produire immediatement, d’où des associations (diplo, strepto, staphylo; tetra, etc.). Dépend de facteurs intrinsèques et extrinsèques ; biotiques et abiotiques Le bourgeonnement : forme de division dans laquelle une cellule fille se developpe à partir de la cellule mère sous forme d’une excroissance localisée (bourgeon). Cas de levures (Candida). Certaines actinomycetes et les champignons se multiplient par envahissement ou par sporulation. Les virus se multiplient par reproduction parasitaire au sein d’une cellule hôte. Chez les bacteries, croissance et multiplication sont étroitement liées. Le terme «croissance» est généralement employé pour designer les deux processus. 1 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Chapitre 1. Dynamique de la croissance La connaissance de la croissance microbienne est d'une importance capitale tant pour la recherche fondamentale (connaissance des lois de la génétique moléculaire) que pour la recherche appliquée (biotechnologie : production des médicaments, des produits alimentaires etc.). La croissance microbienne : La croissance microbienne est l’accroissement ordonné de tous les composants cellulaires qui peut aboutir à : Accroissement du nombre de cellules (Quand les micro-organismes se multiplient par scissiparité ou par bourgeonnement), Accroissement de la taille de la cellule : (Les micro-organismes coenocytiques (multinucléés) peuvent subir des divisions nucléaires sans divisions cellulaires concomitantes). Les microbiologistes étudient habituellement des variations numériques (croissance) sur la totalité de la population plutôt que chez des micro-organismes pris individuellement. Au cours de la croissance, il se produit, d’une part, un appauvrissement du milieu de culture en nutriments et, d’autre part, un enrichissement en sous-produits du métabolisme, éventuellement toxiques. La croissance peut être étudiée en milieu liquide ou solide. La division par scissiparité : Au cours de la scissiparité (fission binaire), la cellule microbienne grandit puis se divise en deux cellules filles séparées par un septum de division formé par la paroi cellulaire. Durant la division, l’ADN se duplique ainsi que les autres constituants. Divers systèmes enzymatiques de synthèse et de dégradation participent à la division cellulaire (fig. 1). 2 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Fig. 1 : la scissiparité 1. Croissance en culture discontinue (en bach) : Lorsque des micro-organismes sont cultivés en milieu liquide, ils se développent habituellement dans un système fermé, dit culture en « batch » ou discontinue. Ils sont incubés dans un flacon fermé contentent un seul lot de milieu non renouvelé. Il n’y a pas d’apport de milieu frais au cours de l’incubation, la quantité de d’éléments nutritifs diminue et la concentration de déchets augmente. a. La courbe de croissance (Aspects expérimentaux de la croissance) : Cette culture est généralement représentée graphiquement comme le logarithme du nombre de cellules en fonction du temps d’incubation : la courbe de croissance (Fig. 2). Fig. 2 : Courbe de croissance microbienne (dans un système non renouvelé) 3 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Phase de latence : - le taux de croissance nul (μ = 0). - La durée de cette phase dépend de l’âge des bactéries et de la composition du milieu. - C’est le temps nécessaire à la bactérie pour synthétiser les enzymes adaptées au nouveau substrat (pas de phase de latence si repiquage sur milieu identique au précédent). Phase d’accélération : il se produit une augmentation de la vitesse de croissance. Phase exponentielle (logarithmique) : - La vitesse de croissance constante, et le taux de croissance atteint un maximum (μ=max). - Le temps de doublement des bactéries est le plus court. - La population est presque uniforme en termes de propriétés chimiques et physiologiques. - La masse cellulaire est représentée par des cellules viables (mortalité nulle). - Durant la phase exponentielle, les cellules sont en croissance à l’équilibre, et tous les constituants cellulaires sont synthétisés à des vitesses constantes par rapport aux autres. - Un changement des concentrations en nutriment ou des conditions de culture provoque une croissance en équilibre instable. Phase de ralentissement : - la vitesse de croissance régresse. - Il y a un épuisement du milieu de culture et une accumulation des déchets. Il existe un début d’autolyse des bactéries. Phase stationnaire : Cette phase est caractérisée par : - le taux de croissance devient nul (μ = 0) Le nombre total de micro-organismes viables demeure constant. - Les bactéries qui se multiplient compensent celles qui meurent. Il se produit une modification de l’expression des gènes. - Les bactéries en état de déprivation synthétisent des protéines de manque qui rendent la cellule plus résistante aux dommages : augmentation du pontage du peptidoglycane, fixation des protéines à l’ADN des cellules de manque, chaperonnes qui empêchent la dégradation protéique et renaturent les protéines endommagées. La phase stationnaire peut résulter d’une : Limitation en éléments nutritifs. Disponibilité limitée en oxygène. Accumulation de déchets toxiques. La population atteint une densité critique. 4 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Phase de déclin (de mortalité) : - Le taux de croissance est négatif (μ < 0). - Toutes les ressources nutritives sont épuisées. Il y a accumulation de métabolites toxiques. - Il se produit une diminution d’organismes viables et une lyse cellulaire sous l’action des enzymes protéolytiques endogènes. - Cependant, il persiste une croissance par libération de substances libérées lors de la lyse (croissance cryptique). La mort cellulaire est caractérisée par l’absence de réplication irréversible. 2. Croissance en culture continue : Dans ce type de culture, les microorganismes sont cultivés dans un système ouvert dans lequel les conditions de culture sont gardées constantes par l’apport continu de nutriments et l’élimination régulière des déchets. Ainsi, la population microbienne peut être maintenue en phase exponentielle de croissance à une vitesse connue et à une concentration constante de la biomasse pendant de longues périodes (La valeur μ est maximale et constante). Les systèmes de culture continue sont employés en microbiologie alimentaire et industrielle. Il y a deux types principaux de systèmes en culture continue : les chémostats et les turbidostats. Le chémostat : - appareil de culture continue (fig. 6). - Le milieu frais est introduit à la même vitesse que le milieu contenant les microorganismes est éliminé. - Le milieu de culture contient une quantité limitée d’un nutriment essentiel (ex. vitamine, glucose, etc). - La vitesse de croissance est déterminée par la vitesse à laquelle le milieu frais est ajouté dans la culture et la densité cellulaire finale dépend de la concentration en nutriment limitant. Le turbidostat : - Appareil de culture continue. - Il est équipé d’une cellule photoélectrique qui mesure la turbidité de la culture (quantité de lumière difractée). - La vitesse d’écoulement du milieu dans la cuve (débit d’écoulement) est réglée automatiquement pour maintenir une turbidité prédétrminée. 5 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed 3. Méthodes de Mesure de la croissance microbienne : Ce sont des techniques de mesure de la croissance qui peuvent être directes, basées sur l’évaluation du nombre de microbes ou de leur masse par unité de volume ou de poids du milieu ; ou indirectes, fondées sur la mesure d’un paramètre lié à l’activité métabolique. Les plus couramment utilisées sont : méthodes microscopiques par utilisation des lames de numération (hématimètre, cellules de Thoma et de Malassez, technique de Breed, épifluorescence, …). dénombrement des cellules viables cultivables sur boites de Pétri. un volume connu de suspension ou des dilutions est incorporé dans la masse d’un milieu gélosé. Après incubation, les colonies sont comptées et les résultats sont exprimés en UFC/ml l’échantillon. techniques de turbidimétrie ou de néphélométrie permettent de suivre l’évolution de la biomasse par mesure de l’absorbance ou de la turbidité. L’augmentation de la biomasse va augmenter l’opacité du milieu de culture étudié. cytométrie en flux permet une mesure qualitative et quantitative des caractéristiques physiques et chimiques des cellules (la taille, la réfringence et tout composant ou fonction). impédancemétrie est une technique indirecte où la mesure des variations d’impédance (ou de conductance) d’un milieu de culture ensemencé permet de déduire la concentration en bactérie de l'échantillon. mesure de paramètres liés à l’activité microbienne : c’est une évaluation de la croissance de façon indirecte par mesure de consommation d’un substrat et dosage des constituants cellulaires (ATP, azote total cellulaire), et mesure de l’apparition de certains métabolites et les modifications physicochimiques (pH, potentiel rédox, …). mesure du poids sec reste la méthode de base pour l’estimation de la biomasse : les bactéries du culot de centrifugation sont lavées, séchées et pesées. Le résultat est exprimé en grammes de matière sèche par litre l’échantillon. 6 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed 4. Croissance in vitro et in vivo : Les bactéries peuvent être cultivées, in vitro, en milieux liquide, solide et semi-liquide. Les milieux liquides sont utilisés pour la culture de bactéries pures. Les milieux solides ou semi- solides, à base d’agar, sont utilisés pour l’isolement de bactéries. Dans ces milieux, ont été ajoutés des nutriments favorisants la croissance des bactéries étudiées. In vivo, la croissance bactérienne n’est pas similaire à celle observée in vitro. Elle est beaucoup plus ralentie. La phase de latence est beaucoup plus longue. Les bactéries n’ont pas toujours tous les nutriments à leur disposition pour leur croissance. In vivo, les bactéries peuvent être phagocytées par les macrophages et les polynucléaires et être inhibées par les produits antibactériens comme le lysozyme ou le complément. 5. Croissance en culture synchrone : Dans une population bactérienne, les cellules ne se divisent pas toutes au même moment. Le décalage correspond à des potentialités différentes de chacune des cellules, qui se traduisent par des latences différentes avant leur croissance que l’on qualifie d’asynchrone. Si toutes les cellules se divisaient au même instant, la courbe de croissance montrerait des paliers successifs de doublement de la population. La culture est synchrone. La synchronisation est obtenue expérimentalement par filtration sélective sur support cellulosique ou par choc thermique. L’intérêt des cultures synchrones est multiple. Il est possible d’étudier les différents aspects morphologiques et physiologiques de la cellule au cours des divisions. Ce type de culture permet d’étudier la division cellulaire indépendamment de la croissance. 7 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed 6. Croissance microbienne en biofilm : - Le biofilm est une communauté multicellulaire plus ou moins complexe, souvent symbiotique, de microorganismes (bactéries, champignons, algues ou protozoaires). - Il se fixe sur n’importe quelle surface. Les microorganismes sont fixés entre eux et à la surface en formant une matrice adhésive et protectrice extracellulaire faite de polysaccharides, de protéines, de glycoprotéines, de glycolipides et d’ADN. Cette matrice les protège des UV, des antibiotiques et autres agents antimicrobiens. - Il présente une hétérogénéité métabolique importante où les microorganismes interagissent de diverses manières entre eux. - Le biofilm constitue un problème important (corrosion des coques de navires, présence sur les tuyaux de distribution d’eau, présence sur des dispositifs médicaux (cathéters, prothèses, sondes urinaires) et responsables de graves maladies), surtout lorsque les cellules du biofilm présentent une résistance aux agents antimicrobiens comme les antibiotiques. Fig. 3 : Croissance en biofilm - Les 5 étapes du développement d'un biofilm sur une surface dure sont : Étape 1 : attachement initial Étape 2 : attachement irréversible Étape 3 : apparition du biofilm Étape 4 : maturation du biofilm Étape 5 : érosion et dispersion / Détachement autogène 8 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Chapitre 2. Conditions de croissance des microorganismes Les conditions essentielles pour la croissance microbienne sont : - une source d'energie; - composition en nutriments adequate; - de l'eau ; - une temperature appropriée; - un pH approprié; - une teneur appropriée en oxygène (parfois l'absence d'oxygene), - une pression osmotique adequate. La nutrition des microorganismes doit être satisfaite par : - des substrats énergétiques ou une source d’énergie (lumière), conduisant à la production d’énergie sous forme d’ATP nécessaire aux biosynthèses cellulaires. - des substances élémentaires (eau , C,N,S,P, éléments minéraux) pour les biosynthèses. Les nutriments sont : - assimilés directement s’ils sont sous forme simple: oses, acides aminés, ions - dégradés par des enzymes extracellulaires s’ils sont sous forme complexe (polyosides, protéines, lipides). La majorité des composés pénètrent grâce à des porines ou des protéines de transport membranaires (perméases). 1. Sources d’énergie : Les bactéries doivent trouver dans leur environnement les substances nécessaires à leur énergie et à leurs synthèses cellulaires. - Les bactéries phototrophes utilisent l’énergie lumineuse pour la photosynthèse (synthèse d’ATP à partir d’ADP et de phosphate inorganique). *donneur d’électrons : composé minéraux : bactérie photolithotrophe composé organique : bactérie photoorganotrophe Les bactéries chimiotrophes puisent leur énergie à partir de composés minéraux ou organiques. *donneur d’électrons : composé minéraux : bactérie chimiolithotrophe composé organique : bactérie chimioorganotrophe La grande majorité des bactéries d’intérêt médical sont chimioorganotrophes. 2. Sources de carbone (besoins organiques) : Le carbone est l’un des éléments les plus abondants de la bactérie. Le plus simple des composés est l’anhydride carbonique ou CO2. - bactéries autotrophes : CO2 atmosphérique est la seule source de carbone - bactéries hétérotrophes : dégradent une grande variété de substrats carbonées (alcool, acide acétique, acide lactique, polysaccharides, sucres divers). 9 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed 3. Sources d’azote, de phosphore et de soufre : Les bactéries ont besoin de substances azotées (10 à 14% du poids sec) pour synthétiser leurs protéines, purines et pyrimidines, etc. La provenance de cet azote peut se faire par fixation directe de l’azote atmosphérique (Rhyzobium en symbiose avec légumineuses), ou par incorporation de composés azotés organiques (RNH2) ou inorganiques : NO 3-, NO2-, NH4+,(réactions de désamination, de transamination). Le phosphore est présent dans les acides nucléiques, les phospholipides, les nucléotides (l’ATP), certaines protéines, etc, et est utilisé dans de nombreuses réactions enzymatiques. Il est incorporé sous forme de phosphate inorganique. Le soufre est incorporé par les bactéries sous forme de sulfate ou de composés soufrés organiques. Le soufre est présent dans les acides aminés soufrés (cystéine, méthionine), quelques glucides, la biotine et la thiamine. 4. Besoins inorganiques : D’autres éléments jouent un rôle dans le métabolisme bactérien (sodium, potassium, magnésium, chlore) et dans les réactions enzymatiques (calcium, fer, magnésium, manganèse, nickel, sélénium, cuivre, cobalt). Ces éléments sont absorbés grâce à des systèmes de perméation spécifiques. 5. Facteurs de croissance : Ce sont des composés organiques essentiels qui ne peuvent être synthétisés par le microorganisme. Il doit donc les obtenir de son environnement. Il y a trois classes principales de facteurs de croissance : - les acides aminés : indispensables à la synthèse des protéines - les purines et pyrimidines : font partie des ac nucléiques - les vitamines : sont des coenzymes ou précurseurs de coenzymes Les facteurs de croissance sont caractérisées par leur action à faible concentration et leur spécificité étroite. On distingue deux catégories de microorganismes en fonction de leur besoin en facteurs de croissance : - Les prototrophes : n’ont pas besoin de facteur de croissance (ex: E.coli). - Les auxotrophes : exigent des facteurs de croissance (ex: le nicotinamide ou vit PP ou vit B3 pour P. vulgaris. Certains lactobacilles peuvent exiger 18 ac. aminés ou vitamines). 10 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed 6. Conditions psycho-chimiques de la croissance : a. La température : Les bactéries peuvent être classées selon leur température optimale de croissance : - Les psychrophiles (Ex. : Pseudomonas) : Températures optimales de croissance aux environ de 10°C, mais peuvent se développer à 0°C. - Les psychrotrophes (Ex. : Pseudomonas) : Plus proches des bactéries mésophiles, ayant un optimum de 25°C, mais peuvent s’adapter à 0°C. - Les mésophiles (Ex. : Escherichia coli) : préfèrent une température entre 20 et 40 °C (optimum 30-37°C). - Les thermotrophes se développent aux environ de 50°C, mais plus nettement aux Températures de 30°C. - Les thermophiles (Ex. : Thermus aquaticus) : températures de croissance comprises entre 45°C et 70°C. - Les hyperthermophiles (Ex. : Archaea) : températures de croissance supérieures à 80°C (optimum vers 70°C). Des variations importantes de température provoquent un stress cellulaire microbien qui se traduit par : - Des perturbations de la croissance bactérienne - Des lésions de la membrane et de la paroi et des altérations des macromolécules. - La synthèse des protéines de choc thermique. - La réparation des cellules non détruites. - L’acquisition de la thermorésistance (spore bactérienne). L’adaptation des microorganismes aux températures est à rechercher à la fois chez les enzymes dont les températures optimales de réactions sont variables, et dans les structures cellulaires comme la membrane cytoplasmique (Ac. Gras et phospholipides) et les flagelles. b. Le pH : Son action se situe à plusieurs niveaux : le milieu, la perméabilité membranaire et l’activité métabolique, ainsi que certains nutriments (ions métalliques) peuvent être complexés si le pH varie considérablement. On distingue : - Les bactéries basophiles ou alcalophiles préfèrent les pH alcalins: cas de Pseudomonas et Vibrio, levures et moisissures. - Les bactéries neutrophiles se développent pour des pH sont compris entre 5,5 et 8,5 avec un optimum voisin de 7 (6,5-7,5). - Les bactéries acidophiles se multiplient mieux dans des milieux acides : cas des Lactobacillus. 11 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Pour garder un pH interne neutre, le mécanisme de résistance des bactéries est : - Membrane cytoplasmique devient imperméable aux protons, - Bactéries neutrophiles : échange de potassium contre des protons, - Bactéries alcalophiles : échange d’ions sodium contre des protons, - Production de déchets métaboliques acides ou alcalins. - production de protéines de choc acide. c. L’oxygène : Il existe plusieurs classes de bactéries en fonction de leurs rapports avec l’oxygène. - Les bactéries aérobies strictes ne se développent qu’en présence d’oxygène. Leur source principale d’énergie est la respiration. L’oxygène moléculaire, accepteur final d’électron, est réduit en eau (Pseudomonas, Acinetobacter, Neisseria,…). - Les bactéries aéro-anaérobies facultatives se développent avec ou sans oxygène libre. C’est le cas de la majorité des bactéries rencontrées en pathologie médicale : les entérobactéries (Escherichia, Salmonella), les streptocoques, les staphylocoques. L’énergie provient de l’oxydation des substrats par l’oxygène et des voies fermentaires. - Les bactéries anaérobies strictes ne se développent qu’en absence totale, ou presque, d’oxygène qui est le plus souvent toxique. La totalité de l’énergie est produite par fermentation. C’est le cas des bactéries intestinales (Bacteroides, Fusobacterium, Clostridium) et de nombreuses bactéries présentes dans les flores normales de l’organisme. - Les bactéries microaérophiles ne se développent qu’en présence d’une faible tension d’oxygène (Campylobacter, Mycobacteriaceae). Fig. 4 : Type respiratoire des bactéries. 12 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed d. Activité de l’eau (Aw) : L’activité de l’eau (Aw) représente l’eau disponible (l’eau libre) pour la réalisation des réactions métaboliques (enzymatiques). Sa valeur varie entre 0 et 1. Elle est affectée par la présence plus ou moins importante de sels ou de sucres dissous dans l’eau. Les microorganismes exigent un certain seuil d’humidité. Une diminution de l’Aw entraine une plasmolyse cellulaire et donc une baisse de l’activité enzymatique et un ralentissent voire un arrêt de la croissance. La plupart des microorganismes ne se développent bien qu’à des valeurs d’Aw proches ou supérieures à 0,98. Présence de sels : - Les microorganismes halophiles nécessitent du sel (NaCl) pour leur croissance. Cette concentration peut varier de 1-6% pour les faiblement halophiles, jusqu’à 15 à 30% pour les bactéries halophiles extrêmes (Halobacterium halobium). - Les microorganismes halotolérants acceptent des concentrations modérées de sels mais non obligatoires pour leur croissance (Ex. : Staphylococcus aureus). Présence de sucres : - Les microorganismes osmophiles supportent des concentrations en sucres élevées pour leur croissance. - Les microorganismes osmotolérants acceptent des concentrations modérées de sucres mais non obligatoires pour leur croissance. - Les microorganismes xérophiles peuvent se multiplier en l’absence d’eau dans leur environnement. 7. Effets de carence et de stress – Réponses au stress : En situation de carence ou de stress, la bactérie peut adopter deux types de stratégie pour sa survie : a. la bactérie se différencie vers une forme de résistance métaboliquement inactive. C’est le cas des Bacillus qui produisent une spore. b. la bactérie développe des systèmes de régulation et d’adaptation de son métabolisme pour faire un maximum d’économie, par : - la dégradation de l’ARN cellulaire total, libérant des nucléotides utilisables pour la synthèse de nouveaux ARN ou comme source d’énergie. - la dégradation des protéines : libération d’acides aminés réutilisés ou dégradés pour la production d’énergie - la mise en œuvre de systèmes de transport et d’assimilation d’éléments manquants qui sont essentiellement les composés azotés, phosphorés, carbonés et le fer. - la synthèse de protéines de stress qui protègent la bactérie de la privation de nutriments et d’autres stress (existence de gènes impliqués dans les phénomènes de carence ou de stress). 13 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed 8. Régulation de la transition aérobiose/anaérobiose : Pour les microorganismes aéro-anaérobies facultatifs, un changement de l’environnement, allant de conditions aérobies à des conditions anaérobies, donne le signal d’une commutation (remplacement) dans le mode de transduction de l’énergie. Les cellules doivent passer d’un mode dépendant de l’oxygène moléculaire comme accepteur d’électrons, à un mode de la fermentation et de la respiration anaérobie. Cette transition est liée à la régulation d’un nombre de gènes qui permettent aux bactéries une protection contre les dommages de l’oxydation, et fournissent la capacité d’utiliser des accepteurs inorganiques d’électrons comme le nitrate ou le nitrite. 9. Facteurs influençant le développement microbien dans les aliments : a. Caractères propres à l’aliment : - Structure de l’aliment : la présence d’enveloppes, coques, peaux etc. confère à certains aliments une excellente protection contre la prolifération microbienne (testas des graines, enveloppes des fruits, coquilles des noix, des oeufs, peau des animaux, etc.) - L’altération de ces protections naturelles se traduit souvent par une contamination et une prolifération microbienne. - L’état physico-chimique (glace, gels, émulsions) influence sur le développement microbien. b. Agents antimicrobiens naturellement présents : Ce sont des molécules qui ont un pouvoir bactériostatique et/ou bactéricide. Ils sont soit des produits endogènes (lysozyme dans les œufs et le lait, les huiles essentielles dans les épices ou gossypol antioxydant présent dans les graines de coton), soit des produits de fermentation (acides lactique, acétique), ou ajoutés comme additifs conservateurs des aliments. En général, les bactéries à Gram (+) sont plus sensibles à ces molécules que celles à Gram (−). c. Composition chimique de l’aliment : Les microorganismes dangereux sont pour la plupart hétérotrophes chimio-organotrophes et doivent donc trouver tous leurs besoins nutritifs dans les composants de l’aliment (eau, source d’azote, minéraux, vitamines et facteurs de croissance). Plus la diversité de composition d’un aliment est grande (produits animaux : viandes, lait, œufs, …), plus sa susceptibilité à servir de milieu de culture est grande. 10. Perception du quorum (quorum sensing ou auto-induction) : Le Quorum Sensing (QS) est un mode de signalisation bactérien qui implique la communication des bactéries avec leurs congénères via des signaux moléculaires. Il repose sur la production de petites molécules médiatrices appelées « auto-inducteurs » qui induisent l’expression de gènes particuliers au sein d'une population bactérienne et en fonction de leur concentration qui reflète la densité de cette population. 14 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Lorsqu’un seuil de concentration est atteint, ces auto-inducteurs se fixent et activent des récepteurs protéiques intracellulaires qui reconnaissent certaines séquences d'ADN (régulateurs transcriptionnels) spécifiques des gènes régulés par le quorum sensing et activent ou répriment leur expression. Ce système renseigne chaque bactérie sur la densité de la population de sa propre espèce ou d'autres espèces. La population peut alors réagir comme une colonie cohérente permettant des comportements symbiotiques. Les auto-inducteurs fonctionnent comme des hormones ; ils sont perçus par les bactéries à des concentrations très faibles (de 1 pmol à 1 µmol). Parmi les signaux connus, on peut citer les N-acyl homosérine lactones (N-AHL), les butyrolactones, etc. Exemples de fonctions régulées par quorum sensing Les fonctions régulées par quorum sensing sont très diverses chez les bactéries : la virulence, le pouvoir pathogène (ex : chez P. aeruginosa, Pectobacterium carotovorum) ; la formation et maturation du biofilm chez Pseudomonas aeruginosa ; le transfert conjugatif de plasmides (ex : chez Agrobacterium ou chez rhizobiums) ; la production d'antibiotiques ou d'antifongiques (ex : chez Chromobacterium violaceum ; Pseudomonas aureofaciens et P. fluorescens) ; l'apparition de la compétence, c'est-à-dire la capacité d'une cellule à absorber une molécule d'ADN libre dans son environnement (ex : chez Bacillus) ; la stimulation de la sporulation chez Bacillus la mise en place de flagelles (ex : chez Burkholderia). 15 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Chapitre 3. Mécanisme d’inactivation thermique des microorganismes L’hygiène revêt une importance capitale dans les industries alimentaires. En effet, les aliments doivent être dépourvus de microorganismes pathogènes, dangereux pour le consommateur, et de microorganismes d’altération rendant les aliments impropres à la consommation. Les contaminations microbiennes proviennent de l’environnement, des équipements et du produit préparé lui-même. 1. Définition des principaux traitements thermiques : Même si l’élimination des microorganismes des aliments peut se faire actuellement par divers procédés, la chaleur reste utilisée de façon quasi-universelle. Un traitement thermique est un traitement à une température supérieure à la température ambiante. Il répond à plusieurs objectifs : - Il vise à détruire partiellement ou totalement les flores d’altération (Micrococcus, Bacillus, flore psychrotrophe, etc.) et les flores pathogènes ou toxinogènes (Salmonella, Staphylococcus, Clostridium perfringens ou botulinum) pour améliorer la qualité hygiénique des produits. - Il permet d’inactiver certaines enzymes, endogènes de l’aliment (plasmine, lipoxygénase, polyphénoloxydase) ou provenant des microorganismes présents (lipases microbiennes), pour améliorer la stabilité des produits au cours de leur stockage. Deux types de traitements sont utilisés pour la conservation des aliments : la pasteurisation et la stérilisation. La pasteurisation : La pasteurisation est l'opération qui vise à la destruction totale ou partielle des microorganismes présents dans un aliment. Elle peut être réalisée selon plusieurs « couples » température - durée d'exposition à cette température. Exemple Pasteurisation du lait : à 63 °C pd 30 min, à 72 °C pd 15 s ou à 90 °C pd 0,5 s. Ce traitement entraîne la destruction de la plupart des microorganismes pathogènes non sporulés. Outre le lait et certains produits laitiers, les cornichons et d'autres « semi- conserves » sont pasteurisés. La stérilisation : La stérilisation est l'opération qui vise à la destruction des formes végétatives et des spores de microorganismes. Elle se réalise à des températures supérieures à celles de la pasteurisation, assurant également l'inactivation des enzymes responsables d'altérations ainsi que celle des toxines. (Exemple Stérilisation du lait à 120 °C pendant 15 min.) 16 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed La notion de stérilité d'un produit n'exclut pas la possibilité d'avoir des microorganismes en quantité infime dans le produit, mais ceux-ci ne peuvent s'y développer en raison des conditions de pH, de température, de conservation, etc. (Exemple Stérilisation du lait, des conserves, des jus de fruits.) La stérilisation à Ultra Haute Température (UHT) : La température de traitement est de 140 à 150 °C, appliquée pendant quelques secondes. Elle est suffisante pour obtenir la qualité stérile commerciale et permettre une conservation longue à température ambiante. Ce traitement est appliqué au lait et à certains produits laitiers comme les crèmes. 2. Mesure de la destruction thermique des microorganismes : a. Courbe de survie d'une population bactérienne à une température donnée : À une température haute et constante, la survie d'une population microbienne est évaluée en fonction du temps d'exposition à cette température. Les microorganismes qui restent revivifiables sont quantifiés après un traitement d'une durée déterminée. Il existe, en fonction du temps d'exposition, une décroissance exponentielle de la population (Fig. 5). Fig. 5 : Courbe de survie d'une population bactérienne à une température supérieure à sa température maximale de croissance À partir de cette courbe, il est possible de déterminer la vitesse d’inactivation qui suit une cinétique d’ordre 1 : dN - la vitesse d'inactivation : V = ------- = ─ kT (N) dt Cette vitesse dépend de la charge microbienne initiale présente dans l'aliment. Le temps de traitement à une température donnée sera d'autant plus long que l'aliment est plus contaminé. 17 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed À partir de la courbe de survie, plusieurs paramètres caractérisant le traitement thermique peuvent être définis. Temps de réduction décimale (DT) : Il est défini comme le temps de chauffage nécessaire pour inactiver 90 % des microorganismes présents au début du traitement à une température T. Il s'exprime en minutes et est calculé pour une température donnée, qui est en général notée en indice (DT) ; il diminue lorsque la température augmente. DT est déterminé graphiquement par le temps de traitement la température étudiée permettant une réduction de la population d'une valeur égale à 1 en utilisant une échelle log décimal : log10(N) = f(t) (Fig. 6). Fig. 6 : Facteur d'inactivation thermique (Z) : effet de la température Il représente l'élévation de température qui diminue d'un facteur 10 le temps de traitement (DT), ou qui diminue d'une valeur égale à 1 en utilisant une échelle log décimal du DT à la température étudiée. Le DT décroît avec la température selon une fonction exponentielle. Z est déterminé graphiquement comme étant l'inverse de la pente de la courbe : log DT = f(T) (Fig. 7). Les spores de Bacillus stearothermophilus, ayant un Z voisin de 10 °C, sont souvent utilisées comme microorganismes tests pour déterminer un barème de stérilisation. En effet, Z étant élevé, ces spores seront parmi les plus résistantes à un traitement thermique. 18 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Fig. 7 : Valeur stérilisatrice FZT ou Fo : C'est le temps, exprimé en (min), d’un traitement thermique effectué à la température de référence (121,l °C), nécessaire pour détruire une population de microorganismes. Fo exprime le temps (en minutes) nécessaire à la réduction d'une population No à une population N telle que : Fo = D121,1°C log No/N Soit : n = coefficient de réduction de population : n = log No/N alors : Fo = n D121,1°C Un traitement à une température T, d'une durée égale à (1.DT) minutes, réduit de 101 fois la contamination. Un traitement de durée égale à (n.DT) minutes réduit de 10n fois la contamination. b. Intérêt de ces grandeurs : DT renseigne sur la résistance relative des microorganismes à un traitement thermique à une température donnée. Exemple : Valeurs de DT, - pour E. coli, 1,5.107 dans le lait : DT à 60 °C = 6 - 7 min ; - pour E. coli, 5.107en tampon à pH 7 : DT à 60 °C = 0 - 3 min ; - pour S. aureus : DT à 73 °C variant de 0,20 à 2,20 min selon les milieux de traitement. Z est intéressant pour comparer l'efficacité de différents traitements. Il reflète le degré de résistance du microorganisme aux traitements thermiques. Exemple : Dans des conditions déterminées et sur une population bactérienne donnée dont le facteur d'inactivation thermique Z = 4 °C (une élévation de 4 °C permet de multiplier par 10 la vitesse d'inactivation ou de diviser par 10 la durée du traitement thermique), un traitement à 19 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed 68 °C pendant 3,5 min est satisfaisant, de même que le seront un traitement à 64 °C pendant 35 min ou un traitement à 72 °C pendant 0,35 min. FZT est utilisée pour établir les barèmes de stérilisation. c. Facteurs influençant la destruction thermique des microorganismes : Selon l'aliment considéré, ou expérimentalement selon les conditions du traitement, les valeurs de DT (en particulier) varient. Les principaux facteurs de variation sont liés à la fois à la nature du milieu traité et aux caractéristiques de la population contaminante. Degré d'humidité : La résistance des microorganismes à la chaleur augmente lorsque le degré d'humidité du milieu diminue. Cet effet est lié à la dénaturation thermique des protéines, facilitée en présence d'eau du fait de la création de groupes – SH (provenant des liaisons S-S) ; la présence de liaisons protéine - eau entraîne une facilitation des ruptures de liaisons peptidiques (thermodynamiquement plus favorables). Composition : La présence de protéines, de lipides (en particulier d'acides gras à longue chaîne) ou de glucides, en grande concentration entraîne une augmentation de la résistance à la destruction thermique (effet protecteur probablement lié à la diminution de l'humidité). Les inhibiteurs de croissance bactérienne (antibiotiques thermorésistants, ou d’autres substances conservatrices telles que SO2) additionnent leurs effets à celui de la température, et permettent de réduire la température de traitement. PH : La résistance à la chaleur des microorganismes augmente lorsque le traitement est réalisé à leur pH optimal de culture. Exemple : Variation de DTà 60 OC pour une population d'Enterococcus faecalis, - à pH 7, D60°C varie de 10 à 13 min; - à pH 6, D60°C varie de 2,5 à 4 min. La stérilisation de milieux très acides nécessite une température moins élevée que celle de ces mêmes milieux à un pH voisin de la neutralité. Importance de la population : La résistance d'une population contaminante est augmentée lorsque cette population est plus élevée. Exemple : Variation de TDT à 100 °C de spores de Clostridium botulinum : - TDT = 40 min pour 328 spores ; - TDT = 125 min pour 1 640.106 spores. 20 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Âge de la population : La résistance d'une population est augmentée lorsque cette population est en phase stationnaire. Exemple : Variation de DT à 55 °C de Salmonella cultivée à 37 °C : - en phase exponentielle : D55°C = 4 min ; - en phase stationnaire : D55°C= 14,6 min. Cette augmentation de résistance est liée à la synthèse et à l'expression de protéines de stress. Température de croissance de la population : La résistance de la population microbienne est augmentée lorsque la température de développement est plus élevée. Ces modifications constatées sont dues à la synthèse de protéines de choc thermique après un passage relativement court à une température supérieure à la température optimale de croissance, les protéines de choc thermique entraînant une meilleure résistance à la chaleur. Exemple : Variation de DT à 55 °C de Salmonella en phase exponentielle : - cultivée à 37 °C : D55°C = 4 min ; - cultivée à 44 °C : D55°C = 12 min. La durée d’exposition : Pour réussir une stérilisation il faut utiliser une durée d’exposition suffisante pour réduire la population des microorganismes présents. 21 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed Chapitre 4. Modélisation de la croissance bactérienne en microbiologie prévisionnelle Le secteur alimentaire doit apporter la preuve de la qualité et de la sécurité de ses produits. Ces caractéristiques doivent être assurées à la sortie de l’usine jusqu’au moment de la consommation, ce qui implique d’être en mesure de prévoir le comportement de l’aliment après sa sortie de l’usine et l’évolution qualitative et quantitative de la microflore. Ainsi, les fabricants doivent disposer d’outils leur permettant d’évaluer les risques de développement microbiens et les durées de vie de leurs produits. La microbiologie prévisionnelle (ou prédictive) s’appuie, pour atteindre ces objectifs, sur l’emploi de modèles mathématiques. 1. La microbiologie prévisionnelle : - Hypothèse de base : L’hypothèse de base de la microbiologie prévisionnelle est que : puisque les réponses de populations de micro-organismes à des conditions environnementales identiques sont reproductibles ; il est possible, à partir d’observations passées (sur la croissance, la survie ou l’inactivation des bactéries), de prédire les réponses des mêmes micro-organismes sous d’autres conditions, en suivant les facteurs de l’environnement sans réaliser des analyses microbiologiques lourdes et couteuses. - Objectifs de la microbiologie prévisionnelle : La microbiologie prévisionnelle (ou prédictive) est un outil d’aide à la gestion de la sécurité alimentaire, qui a pour objectif d’évaluer le comportement d’un microorganisme dans les aliments, en combinant des éléments microbiologiques, mathématiques et statistiques permettant de développer des modèles pour décrire le devenir des microorganismes (croissance, destruction, survie) sous l’effet de différentes conditions environnementales. 2. La modélisation en microbiologie prévisionnelle : La modélisation consiste en la construction d’un modèle. « En microbiologie, Un modèle est une représentation simplifiée de la réalité, exprimée en langage mathématique et facilitant la prédiction ou l’estimation. Il décrit l’évolution d’une population bactérienne pour réaliser des prédictions de ce développement dans de nouvelles conditions environnementales ». Appliquée à la croissance microbienne dans les produits alimentaires, la modélisation vise à apporter des informations, plus précoces et plus utiles que le dénombrement des microflores significatives, sur le plan de la conservation, de la sécurité et de la qualité sensorielle. 22 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed a. Classification des modèles de la croissance bactérienne : Si les conditions sont favorables à la croissance, l’évolution de la population microbienne suit toujours le même profil, représenté par la courbe de croissance et ses différentes phases : latence, accélération, exponentielle, décélération, stationnaire et déclin. Pour modéliser le comportement des micro-organismes, des modèles primaires, secondaires et tertiaires sont utilisés : Les modèles primaires : Ils décrivent l’évolution au cours du temps de la population microbienne dans un environnement spécifique. Ils sont caractérisés par un ou plusieurs paramètres comme le temps de latence, le taux de croissance, la densité maximale, etc. Ces paramètres sont spécifiques à des conditions d’environnement constantes au cours du temps. Exemples : le modèle exponentiel (modèle de Zamora et Zaritsky (1985) : prend en compte la phase de latence), le modèle Délai de rupture (fonction de Gompertz, appelé fonction logique), le modèle de Baranyi et Roberts (1994) qui repose sur une fonction d’accélération. Les modèles secondaires : Ils décrivent l’effet des conditions d’environnement (ex : pH, température, acides) sur les paramètres des modèles primaires. Exemple : le modèle d’Arrhénius (le plus répandu), le modèle square root (racine carrée), le modèle CTMI et les modèles polynomiaux. Les modèles tertiaires : Les modèles tertiaires utilisent des systèmes experts (logiciels) et des bases de données pour faire le lien entre les modèles primaires et secondaires. Un système expert est un logiciel capable de répondre à des questions, en effectuant une relation à partir de faits (base de données) et de règles connues (modèles primaires et secondaires), permettant de sélectionner la matrice alimentaire et les micro-organismes d’intérêt. Il permet de prédire l’évolution d’un micro-organisme dans des conditions environnementales différentes dans la plage d’interpolation pour laquelle les données sont disponibles dans la base de données. 23 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed On distingue également plusieurs types d’approches en modélisation : - Les modèles empiriques sont développés à partir d’observations de faits expérimentaux. - Les modèles mécanistes sont construits à partir de théories sur le comportement des microorganismes, et sont basés sur la compréhension des phénomènes biologiques. - Les modèles probabilistes (ou probabilistiques) permettent de prévoir la probabilité d’une réponse microbienne dans des conditions données. b. Validation des modèles : La validation des modèles dans des produits consiste à vérifier que les écarts entre les valeurs théoriques prévues par le modèle construit à partir des données obtenues en conditions expérimentales et les valeurs réelles obtenues sur des produits industriels contaminés naturellement ne sont pas excessifs. c. Logiciels de microbiologie prévisionnelle : Il s’agit de logiciels de simulation intégrant les paramètres maitrisables en industrie ou en atelier. Voici quelques exemples de logiciels parmi d’autres : - Sym’previus (France) : il permet de simuler la croissance microbienne en fonction des paramètres des produits, qui associe une base de donnée du comportement des microorganismes dans les aliments et un logiciel de simulation. - ComBase Predictor (USA) : le principe est le même, les bases de données sont enrichies des valeurs sous tableur Excel des différents clients. - SeaFood Spoilage and Safety Predictor (SSSP) (Danemark) : pour les industriels du secteur de la pêche. C’est un système de simulation en ligne. d. Limites de la modélisation : Malgré tous les efforts réalisés, la microbiologie prévisionnelle est encore incapable de prendre en compte les populations mixtes ainsi que les facteurs caractéristiques des milieux alimentaires (texture, biofilms, hétérogénéité de répartition microbienne). 3. Applications : L’utilisation de la microbiologie prévisionnelle peut concerner : - L’Appréciation Quantitative de Risque (AQR) par l’estimation de l’évolution du nombre de micro-organismes dans une chaine de production, évaluation de l’exposition à une bactérie pathogène et les conséquences de cette exposition. - La détermination de la durée de vie d’un aliment (estimer les DLC ou DLUO), la prédiction de la croissance de micro-organismes pathogènes ou d’altérations sur un aliment déterminé. - La détermination des plans HACCP qui comprennent différentes étapes : analyse préliminaire des dangers, identification et établissement des points critiques, surveillance, actions correctives, vérification. 24 Physiologie de la croissance microbienne Mr SENOUCI BEREKSI Mohamed - Le développement de nouveaux produits microbiologiquement stables, en variant les paramètres pour leur conservation. - Elle permet d’extrapoler les résultats obtenus en laboratoire à des scénarios réels de conservation de l’aliment. - Etant reconnue par les autorités de contrôle, elle peut utiliser les résultats de simulations pour apporter des arguments aux clients, aux distributeurs et aux inspecteurs que le produit est sûr. Exemple : détermination de la « date limite » d’un produit (DLC ou DLUO) : Elle correspond à la date jusqu’à laquelle la denrée conserve ses propriétés spécifiques dans des conditions appropriées. Dans le cas de denrées microbiologiquement très périssables présentant un danger pour la santé humaine, cette date est une date limite de consommation. Dans les autres cas, cette date est une date limite d’utilisation optimale. Cette démarche peut se faire par : - Le test de vieillissement : Il est utilisé pour les denrées périssables (produits laitiers frais, viande crue hachée ou en pièces unitaires, crèmes dessert, pâtisseries, etc.), et consiste à étudier l’évolution des populations de microorganismes habituellement présents de façon détectable ou non dans les conditions préconisées de conservation de l’aliment. - Test de croissance (Challenge test) : Il consiste à mesurer la cinétique de croissance ou de survie d’une population d’un microorganisme pathogène dans un aliment donné inoculé artificiellement avec une culture connue de ce microorganisme, et analysé dans les conditions prévisibles de son utilisation (utilisation ou conservation). Remarque : - La date limite de consommation (DLC) est la date après laquelle la consommation du produit concerné devient dangereuse pour la santé. Elle indique une limite impérative et est indiquée sur les produits alimentaires périssables et emballés : yaourts, viandes fraîches déjà découpées, plats cuisinés réfrigérés, etc. Une DLC est indiquée par la mention : « À consommer jusqu'au... » suivie de l'indication du jour, du mois et éventuellement de l'année. - La date limite d’utilisation optimale (DLUO) appelée aussi date de durabilité minimale (DDM) est une date indicative. Une fois la date dépassée, le produit perd de ses qualités gustatives ou nutritives (baisse de la teneur en vitamines par exemple), mais n'est pas dangereux pour la santé. C'est le cas par exemple des produits secs, stérilisés, ou déshydratés (par exemple le café, le lait, les jus de fruits, les gâteaux secs, ou encore les boîtes de conserve). La DLUO des produits est précédée de la mention : « À consommer de préférence avant le... » quand la date comporte l'indication du jour, ou « À consommer avant fin... » dans les autres cas. 25