Cours CM Histoire Littéraire et Culturelle du XIXe - 2e Partie (Khadija)

Summary

This document is a lecture or class material on 19th-century French literature, focusing primarily on the work of Honoré de Balzac, and the literary movement which is encompassed by literature panoramique. It examines various aspects of Balzac's style and themes, providing insights into his approach to depicting society and human behaviour, and exploring the broader context of French literary history during the 19th century. It highlights the use of realistic and symbolic techniques in literature during that era.

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CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Séance 6 [CC n°1, 1h] L’une des craintes de Saint Beuve et que la littérature c'est-à-dire la qualité de la littérature s’altère, se dégrade par le fait que ces textes soient diffus...

CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Séance 6 [CC n°1, 1h] L’une des craintes de Saint Beuve et que la littérature c'est-à-dire la qualité de la littérature s’altère, se dégrade par le fait que ces textes soient diffusés par des canaux inhabituels, dont la presse : en tête une vision canonique de la littérature et de l’auteur littéraire. Pourtant au XIXe le statut de l’écrivain change, va dans le sens d’une démocratisation de la littérature. Il serait caricaturale d’imaginer que la littérature perdrait qualité car publiée dans la presse, au contraire, une grande partie de la littérature du XIXe est publiée dans la presse. Les années 1830-1840 sont marquées par l'émergence de nouvelles formes littéraires et par des préoccupations caractéristiques de cette époque. Parmi elles, on trouve les physiologies : ce sont des textes qui se penchent sur la société en proposant une description et une analyse des comportements et des individus qui la composent. Ces œuvres s’intéressent particulièrement aux mœurs sociales. Les physiologies font partie de ce qu’on appelle également la « littérature panoramique », un genre qui offre une vision d’ensemble de la société. Un exemple marquant de ce courant est Les Français peints par eux- mêmes (1840-1842), une œuvre collective qui remporte un grand succès. Rédigé par plusieurs écrivains, cet ouvrage inclut notamment des contributions de Balzac. Dans ces ouvrages on décrit la société française à partir de ses types sociaux qui la caractérisent. Ici est représentée « la grisette » dans Les Français peint par eux-mêmes : jeune femme qui fait des travaux manuels (ouvrière) et arrondis ces fins de mois en pratiquant la galanterie tarifée. Cette littérature panoramique peut prendre une valeur plus morale ou allégorique. Le principe ici est de parler de la société française mais à travers des animaux qui représentent aux aussi des types. Extraits de Les Français peint par eux-mêmes, de L. Curmer Extraits de Scènes de la vie privée et publique des animaux. : études des mœurs contemporaines II – Les romans de la première moitié du XIXe et Romantisme 1. Balzac Il s'inscrit dans la mouvance de cette littérature panoramique. Son projet d'offrir une fresque de la société contemporaine entre en résonance avec ces œuvres aux ambitions globales. Honoré de Balzac (1799-1850), né à Tours dans une famille de la bourgeoisie provinciale, monte à Paris pour suivre des études de droit. Cependant, il abandonne rapidement cette voie pour se consacrer à sa véritable passion : la littérature. Auteur d'une œuvre importante, il nourrit l'ambition de rencontrer un large succès. Il se fait connaître dans le domaine romanesque, notamment grâce à Mme de Berny, qui joue un rôle déterminant en l'introduisant dans les cercles littéraires. Page 1 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Balzac se lance à plusieurs reprises dans des entreprises littéraires ou commerciales qui le conduisent à la ruine, comme l'imprimerie, laissant derrière lui des dettes considérables. Ces échecs renforcent son image d'homme dépensier, constamment traqué par ses créanciers. Néanmoins, il mène une intense activité littéraire, travaillant jour et nuit, souvent stimulé par d'importantes quantités de café, vêtu de sa célèbre robe de chambre en bure. Portrait de Balzac, par Balzac, daguerréotype de Statue de Balzac, par Louis Boulanger Bisson Auguste Rodin Un jeune homme robuste Balzac écrivain romantique car préoccupé de l’idéal Représentation après mort en robe de bure. des romantiques de ce qui se voit dans la société mais de Balzac représentation par aussi ce qui ne se voit pas. Rodin un Balzac enveloppé dans son vêtement, yeux Certaines de ses œuvres sont plus mystiques et ont creusés, animé par son une résonnance plus philosophique. Les théories de génie : ce qu’il l’intéresse Balzac sont à mi-chemin entre la science et fantasme. c'est l’incarnation du génie Par exemple, il pense que boire trop de café bullerait romanesque. l’intérieur du corps ; boire trop de thé rendrai invisible. Et la photographie, selon lui, prélève une pellicule de la personne. L’activité littéraire de Balzac a été intense : en 20 ans il écrit environ 90 romans et nouvelles, une trentaine de contes et sa pièce de théâtre. Au début, il commence a publié des textes de façon indépendante : l’un des premier à succès est Les Chouans (1829). Gobseck, (1830) : La peau de chagrin (1831). Ce sont des romans indépendants les uns des autres. Puis lui vient l’idée de faire revenir ses personnages d’un roman à un autre, composant ainsi une fresque de la société française. ce retour des personnage permet de densifier les romans et de les constituer en analogue de la société elle-même. Félix Davin, Introduction aux Études de mœurs, au XIXe siècle, de Balzac, 1835 « Un grand pas a été fait dernièrement. En voyant reparaître dans Le Père Goriot quelques-uns des personnages déjà créés, le public a compris une des plus hardies intentions de l'auteur, celle de donner la vie et le mouvement à tout un monde fictif dont les personnages subsisteront peut-être encore, alors que la plus grande partie des modèles seront morts ou oubliés. » Page 2 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Séance 7 & 8 Les principes romanesques qui structurent l'univers balzacien sont centrés autour de l'idée de retour des personnages. Balzac imagine un univers où les personnages principaux d'un roman réapparaissent comme personnages secondaires dans d'autres récits, créant un réseau de relations entre ses œuvres. Ces personnages correspondent à ce que l’on appelle des « types balzaciens », des figures qui se définissent par une caractérisation physique précise et par des idées générales. Ces « types » incarnent des tendances psychologiques, des comportements, des vertus et des défauts. Par exemple, le personnage du père Goriot dans le roman éponyme incarne le dévouement absolu à ses deux filles, son sacrifice devient sa principale caractéristique psychologique et morale. Balzac peut être considéré comme écrivain réaliste, mais c'est à nuancer : Du côté de l’histoire littéraire, Balzac n’est pas Cependant, si on revient à des réflexions qui sont celles des un écrivain réaliste car courant esthétique théoriciens de la littérature sur le réalisme comme « Réalisme » est un courant qui se développe à prédisposition des arts (et de la littérature) à prendre en partir de 1850 en France c'est-à-dire à la mort de charge la représentation de la réalité (mimesis) alors Balzac Balzac est bien un écrivain réaliste. Il s’agit pour Balzac de placer ses idées, sa compréhension de la société et du réel. Il mobilise les moyens du réalisme (exemple : les personnes qu’il décrit en détail, l’examen des lieux). Pour lui l’expression de la réalité est aussi le moyen d’exprimer des idées, des valeurs : cette réalité est donc symbolique. Tous les détails de Balzac sont convergents, cf. description de la pension Vauquer. On voit se développer ici l’idée de placer des personnages dans des milieux qui vont éclairer voire influencer leur comportement. Balzac était un romancier qui mettait en œuvre des méthodes de sociologie car propose examen précis de la société française de son époque. Les romans de Balzac sont divisés en 3 catégories : § Etudes de mœurs § Etudes analytiques § Etudes philosophiques Cette division nous montre que le propos de Balzac n’est pas que de raconter des histoires mais de proposer un tableau et une réflexion sur la société française (littérature panoramique). Il entendait être le secrétaire de la société français (qu’il désigne comme « historien ») ; il rassemble et en peint les caractères. La dimension politique de l'œuvre de Balzac reflète une orientation globalement conservatrice : il déclare dans son avant-propos de la Comédie Humaine qu’il a écrit ce cycle « à la lueur de deux vérités éternelles : la religion et la monarchie ». Il s’appuie sur des piliers de la société Ancien Régime. Ce n’est pas une vision libérale ou progressiste bien qu’il soit un fin observateur de la société et qu’il analyse ce qui change dans cette société des années 1820-30. Il voit la transformation de la société française qui passe des valeurs de la noblesse à celles de la bourgeoisie et il décrit ce monde qui est obnubilé par l’argent. Les valeurs morales se corrompent au contact des exigences financières Il y a chez lui une énergie considérable, il lit aussi dans la société mais aussi un pessimise car voit que le propre des êtres humains (donc société) c'est de se consumer, c'est-à-dire que pour vivre c'est dégager une énergie mais en la dégageant on cause sa perte. Par exemple La Peau de Chagrin, roman placé dans les études philosophiques car a des connotations fantastiques. Dans ce roman classé parmi les études philosophiques en raison de ses éléments fantastiques, l'histoire débute avec Raphaël de Valentin, un homme ruiné qui a tout perdu et envisage de se suicider. Attendant la nuit pour passer à l'acte, il erre sur les quais de la Seine à Paris. Par hasard, il entre dans la boutique d'un antiquaire, où il est accueilli par un brocanteur au regard perçant. Ce dernier lui présente un talisman : une peau de chagrin, un cuir extrêmement fin et précieux. Cette peau, gravée d'une mystérieuse inscription, a le pouvoir d'exaucer tous les souhaits de son propriétaire. Cependant, le brocanteur (qui semble incarner le diable) avertit Raphaël que chaque vœu exaucé fera rétrécir la peau, symbolisant ainsi la diminution de la vie de Raphaël, jusqu'à Page 3 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES sa mort. Il y a donc un rapport entre désirer quelque chose et accomplir les choses dans le monde et finalement écourte sa vie : tout désir est une consommation mais aussi une consumation. 2. Stendhal Stendhal de son vrai nom Henri Beyle (1783-1842), comme pour Balzac est un homme du début XIXe s mais qui a un pied dans le XVIIIe. Il est né à Grenoble, perd tôt sa mère et se retrouve en conflit ouvert avec une partie de sa famille, notamment son père et sa tante qu’il n’aime pas. Pour lui ce sont des esprits étroits qui martyrisent son propre idéalisme, sa joie de vivre et ses ambitions. Ce sentiment s’étend aussi sur Grenoble. En revanche, a été extrêmement lié à son grand-père, Galion, qui a été le passeur des valeurs auxquelles il a été attaché : valeurs progressistes du siècles des Lumières et des idées libérales (dans le sens attachées au liberté). Stendhal est quelqu'un qui va faire des études scientifiques (de mathématiques) avec comme objectif premier de présenter l’école polytechnique (école pour devenir cadre militaire). C'est cet horizon scientifique et militaire qu’on retrouve un peu dans ses romans. Il ne passe pas les concours et s’engage dans l’armée napoléonienne et va participer en particulier à la campagne d’Italie. Ces personnages vouent un vrai culte à Napoléon (cf. Julien Sorel cache un portrait de Napoléon). Il démissionne et abandonne la carrière militaire. Rendu à la vie civile il s’installe à Milan qui est la passion de sa vie. Il avait demandé sur sa tombe que puisse être écrit en italien « Henri Beyle Milanais », revendique une patrie d’adoption pour lui Milan est une ville brillante, c'est aussi la ville de la musique, de l’opéra entres autres. De plus, il est aussi un de ceux qui a fondé la critique d’art en France, il a par exemple publié une histoire de l’art italien (Histoire de la peinture en Italie) Il a le goût de la vie de salon, de cette sociabilité plein de légèreté et d’esprit. Stendhal avait beaucoup d’esprit, fin observateur des codes de sociabilités, mais aussi des personnes et c'est quelque chose qui nourrit ses romans. Sa carrière va aussi être diplomatique : il est consul en Italie et Trieste, et obtient poste diplomatique dans les États pontificaux. Ce que Stendhal nomme « l’égotisme » c'est une prédisposition d’esprit qui consiste à s’observer soi- même, à être son propre analyste, être très attentif à sa propre personne du point de vue des mouvements de sa pensée, sensibilité, de son physique ; mais pas de complaisance dans cette auto-analyse. La vie de Henry Brulard est un texte autobiographique sous un autre pseudonyme ; autre texte aussi autobiographie Souvenirs d’égotisme. Stendhal, Vie de Henry Brulard de Stendhal, publiée de manière posthume en 1890. « Cette découverte imprévue ne m’irrita point, je venais de songer à Annibal et aux Romains. De plus grands que moi sont bien morts !… Après tout, me dis-je, je n’ai pas mal occupé ma vie, occupé ! Ah ! c’est-à-dire que le hasard ne m’a pas donné trop de malheurs, car en vérité ai-je dirigé le moins du monde ma vie ? Aller devenir amoureux de Mlle de Griesheim ! Que pouvais-je espérer d’une demoiselle noble, fille d’un général en faveur deux mois auparavant, avant la bataille de Iéna ! Brichaud avait bien raison quand il me disait, avec sa méchanceté habituelle : « Quand on aime une femme, on se dit : Qu’en veux-je faire ? » Je me suis assis sur les marches de San Pietro et là j’ai rêvé une heure ou deux à cette idée : je vais avoir cinquante ans, il serait bien temps de me connaître. Qu’ai-je été, que suis-je, en vérité je serais bien embarrassé de le dire » Page 4 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Cette manière de se poser sur les marches et cette façon de se questionner est l’égotisme. Esprit brillant de Stendhal le fait passer d’une idée à l’autre, un flux de conscience transparait aussi. Cet égotisme a une incidence dans son écriture romanesque, chez lui la priorité c'est l’analyse psychologique, l’étude des inflexions de la psychologiques beaucoup plus que la description réaliste qui entoure univers des personnages. Il y a dans son univers des valeurs prédispositions morales et psy portés par les personnages de Stendhal et qu’il met en scène dans ses romans. Pour Stendhal les romans sont des manières de célébrer l’individu, individus qui se caractérise par son énergie par « la chasse au bonheur » c'est-à-dire ce sont des personnage qui de façon instinctive cherchent l’amour, le bonheur, le plaisir. Ils sont animés de la vertu (en italien la « virtù ») dans le sens de l’énergie, de l’enthousiasme, de l’appétit de vivre. Ces personnage comme Fabrice del Dongo (héros du roman La Chartreuse de Parme de Stendhal), sont animés de ce goût du bonheur et du plaisir. En même temps ils sont animés d’une distinction naturelle, de valeurs aristocrates qu’ils soient ou non nobles, telle que la tante de Fabrice, Gina Sanseverina qui est l’incarnation par excellence de humour ironie, mondanité, sensibilité et passion amoureuse. Il y a dans ses romans une sorte de tension qui se ressent : du XVIIIe Stendhal a le gout synthétique pour les idées, une cérébralité, un maniement de l’ironie (quelque chose du moraliste) y compris quand il juge ses personnages ; et du XIXe il a le goût du « romanticisme » avec un penchant pour la sensibilité, la passion. Tension entre les 2 typique de son écriture. Stendhal introduit dans ses romans cette sensibilité mais aussi la distante que l’auteur construit avec ses personnages. C'est quelqu'un qui ironise sur ses personnages, il écrase de son mépris les personnages qu’il n’aime pas comme le père de Fabrice. Il construit son œuvre avec un sens du romanesque tout en gardant une certaine distance vis-à-vis de ses personnages et en jouant avec les lecteur. Il cherche à écrire avec une écriture sèche et dépouillée (« Je fais tous les efforts pour être sec. Je veux imposer silence à mon cœur qui croit avoir beaucoup à dire. Je tremble de n'avoir écrit qu'un soupir, quand je crois avoir noté une vérité »). Il disait aussi vouloir écrire dans le style du code civil c'est-à-dire sans effusion lyrique. On peut noter aussi que c'est une œuvre qui a la fois cherche à raconter des histoires intemporelles et en même temps qui se nourrit dans une logique de l’actualité contemporaine. Dans le Rouge et le Noir c'est une combinaison romanesque de 2 faits divers qui ont défrayé la chronique judicaire dans les années 1820 : 1. Le premier fait se déroule à Branges, où en 1826, un homme tire en pleine messe sur une mère de famille qu'il aimait en secret. Cet événement est transposé dans le roman. 2. L’autre fait est associé au château de Brégnier-Cordon où le précepteur des enfants a eu une liaison avec la fille de la maison. On voit qu’il y a chez Stendhal la volonté de créer des histoires romantiques aussi nourris de actualité contemporaine. Le premier sous-titre du Rouge et le Noir, « Chroniques de 1830 », en témoigne, soulignant l'ancrage du roman dans les événements et les préoccupations de l'époque. Dans la Chartreuse de Parme roman centré sur l’Italie et sur les évènements historiques qui se déroulent là-bas à cette époque (conquêtes napoléoniens, occupation de l’Italie par Autrichiens) Stendhal n’est pas quelqu'un qui a connu un grand succès de son vivant par rapport à Balzac ou Hugo, il avait en quelque sorte conscience que son œuvre s’adressait « au petit nombre » susceptible de le comprendre. La dédicace de La Chartreuse de Parme « to the happy few », en témoigne. Dans La vie de Henry Brulard, Stendhal exprime encore plus clairement cette idée : « Je mets un billet de loterie, et le gros lot se réduit à ceci : être lu en 1935. » Page 5 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Il a un discours de moraliste, d’observateur de la psychologie des êtres humains et de son univers romanesque. Par exemple, dans son essai De l’Amour, il a une réflexion de moraliste sur les différentes formes d’amour. Il crée une typologie et distingue les « amours passions », des « amours raisonnables » des « amours propres » (on aime à travers l’autre sa propre estimation de soi) Passion amoureuse : Stendhal introduit la passion amoureuse dans ses romans par le concept de « cristallisation », un mécanisme psychologique qui décrit le processus par lequel l’être aimé se transforme, dans l’imagination de celui qui éprouve de l'amour, en une figure idéalisée, dotée de toutes les qualités, splendeurs et vertus, indépendamment de la réalité de la personne. Il s'agit d'une sorte de vision idéalisée construite par l’esprit, qui embellit l'objet de l'amour au-delà de sa véritable nature. Stendhal raconte qu’un jour, lors d’une promenade en Autriche dans des mines de sel, il aperçut un bâton abandonné. En revenant plus tard, il remarqua que ce bâton s’était progressivement recouvert de cristaux de sel, le rendant aussi brillant que des diamants. C'est en observant ce phénomène qu’il a fait le lien entre la cristallisation physique des cristaux et le mécanisme psychologique de l'idéalisation amoureuse. Stendhal s’auto-appelle « Dominque » dans ses manuscrits. Il y a beaucoup d’œuvres inachevés chez Stendhal, comme Lucien Leuwen ou Arance. Ce caractère inachevé est un trait typique de Stendhal, qui, plutôt que de suivre un plan strict, se laisse guider par l'inspiration du moment. Il écrit souvent sans plan préétabli, comme il le dit lui-même « Le plan fait d'avance me glace ». Il va ou sa plume le mène et dans certains cas il en termine pas les romans. La Chatreuse de Parme a été dicté à son secrétaire en 6 semaines 1. V. Hugo V. Hugo (1802-85), est quelqu'un qui traverse tout le XIXe. Le parcours littéraire de V. Hugo mais aussi sa trajectoire politique et sa vie sont liés au siècle dans lequel il vit. Il est l’un des chefs de file du romantisme français dans les années 1820 : il l’est par la puissance de sa production littéraire mais aussi car il est le porte-parole, le théoricien (cf. préface de Cromwell). Son œuvre se poursuit jusqu'à la fin de sa vie : on a affaire à quelqu'un qui va conserver toute sa vie cette identité, ses convictions romantiques mais qui progressivement va se déplacer dans un univers littéraire qui l’est de moins en moins et qui est de plus en plus marqué par le réalisme. V. Hugo il y a une manière de concevoir l’écriture qui est différente de Stendhal : tous les contemporains ont noté que Hugo était une machine à écrire, il a une puissance de production d’écriture considérable. Dans le domaine poétique on disait qu’il était capable de composer mentalement 300 vers d’affilé sans les écrire. Dans sa manière d’écrire il y a une construction générale de l’ensemble, il a une manière de travailler particulière : il écrit sur une page pliée en deux dans le sens de la longueur, avec une marge aussi large que la colonne de texte, cette marge servant à ajouter des notes ou des commentaires. C’est quelqu'un qui produit des manuscrits en expansion, ayant tendance à ajouter constamment de nouveaux éléments. V.Hugo, manuscrit de L’Homme qui rit, BnF Page 6 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES L’univers romanesque Hugolien a 3 traits puisqu’il a un rapport à l’histoire, la question sociale, la méditation métaphysique Rapport à l’histoire Les romans de V. Hugo se caractérisent par une tendance contradictoire. D’une part ce sont des romans ancrés dans des temps historiques mais ce sont aussi des romans conçus comme des univers quasi légendaires dans lesquels il y a une part importante fantasmatique. Par exemple dans Notre Dame de Paris, c'est un roman qui est sous-titré de la date « 1492 » – affichant la volonté de parler de la sortie du Moyen-Âge et en même temps Quasimodo, le bossu de Notre-Dame, est issu du fantasme de, de l’imagination de Hugo. Publié en 1831, Notre-Dame de Paris voit le jour en pleine Révolution de 1830, une période marquée par la chute de la Restauration et l'instauration de la monarchie de Juillet. Victor Hugo écrit son roman alors que, dehors, la révolution prend forme. À cette époque, Hugo a signé un contrat avec un éditeur qui lui a versé de l'argent en échange d'une œuvre. Cependant, ayant déjà dépensé cette somme, il ressent l'urgence de livrer son roman. Il se retire alors chez lui pour écrire, tandis que les événements de juillet 1830 se déroulent dans les rues. Dans Notre-Dame de Paris, on trouve une description de l'ancien Paris, où la cathédrale elle-même devient un personnage central. Le roman est rempli d'images médiévales et V. Hugo s’est penché sur documentation spécifique de l'époque. À un moment donné, les « gueux » se lancent à l'assaut de la cathédrale pour délivrer Esmeralda, un événement qui, bien qu'ancré dans le Paris de 1494, résonne avec les bouleversements révolutionnaires de l'époque Burg Jargale est le premier roman de Hugo parle de la révolte des esclaves dans les Antilles à la fin du XVIIIe plus précisément de la révolution à Saint-Domingue. Bien que l’histoire soit romanesque, elle trouve son point de départ dans des événements historiques. Dans L'Homme qui rit, l’intrigue se déroule au XVIIe siècle en Angleterre, tandis que Quatre-Vingt-Treize se situe en pleine Terreur, durant la Révolution française. Les romans de Hugo mettent en scène des personnages qui sont des produits puissants de l’imagination romanesque. Ces héros hugoliens partagent des caractéristiques communes : ce sont des marginaux, des monstres stigmatisés par la société en raison de leur condition sociale ou de leur apparence physique. L’effet de saisissement chez Hugo réside dans sa fascination pour ce qui est hors norme. Il interroge ce qui dévie de la norme, tout en questionnant les violences infligées à ceux qui en sont les victimes. Cela se manifeste tant sur le plan physique (comme avec Quasimodo) que social et politique. La question sociale Les romans de Hugo sont rapidement marqués par la question sociale, c'est-à-dire par les préoccupations liées à la misère, aux conditions de vie du peuple et aux enjeux politiques et humanitaires. Cette question apparaît très tôt, de manière explicite, dès 1839 avec Le Dernier Jour d’un condamné. Ce texte prend la forme d’un journal intime rédigé à la première personne par un condamné à mort. Hugo, opposé à la peine de mort, l'utilise comme plaidoyer contre cette pratique. Il choisit de ne pas jouer sur la corde sensible en ne détaillant pas le crime de son personnage, ce qui l’empêche d’être vu comme particulièrement sympathique. Ce choix narratif de raconter l’histoire du condamné à la première personne permet de transmettre de manière très physique la terreur qu'il ressent avant son exécution. C’est une manière d’aborder la question de la peine de mort de manière directe et brutale. Pourtant, à la fin des années 1820, Hugo reste encore conservateur, commençant comme royaliste avant d’évoluer vers la gauche et de participer dans les années 1860 à l’Internationale socialiste, marquant son engagement politique progressiste au fil du temps. Hugo se préoccupe également des conditions de vie en prison et de la manière dont la société réagit face au crime, en se demandant si la réponse appropriée à ceux qui perturbent l'ordre social est la prison ou la peine de mort. Dans Claude Gueux, il remet en question cette réponse judiciaire, la qualifiant de Page 7 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES défaillante. Le roman s'inspire d'un fait divers réel : un voleur emprisonné, à travers une relation violente et soumise avec le directeur de la prison, finit par se révolter et l’assassine. Claude Gueux est ainsi une réflexion sur les dynamiques de vengeance entre la société et les criminels, et sur l'échec des méthodes répressives en place. Les Misérables (1862) est un roman que Hugo commence en 1846, dont il écrit les trois quarts entre 1846 et 1848. Cependant, en 1848, une révolution éclate, et Hugo, qui se trouve au cœur de cet événement, voit son propre texte interpellé par la situation politique à laquelle il assiste et participe. Ce moment historique entraîne un coup d'arrêt temporaire à l'écriture du roman, car les bouleversements sociaux et politiques renforcent les positions qu'il défend dans le livre. Il reprend l'écriture plus tard, en 1860, et termine le roman avant de le publier en 1862. Ainsi, Les Misérables est un roman marqué par la situation politique personnelle de Hugo : en 1848, il est au sommet de sa gloire, reconnu par le régime, académicien et considéré comme un « Père de la France ». Cependant, en 1860, lorsqu'il reprend l'écriture du roman, il est en exil sur l'île de Guernesey, opposant de Napoléon III. Sa sensibilité politique a donc évolué, et son engagement contre l'injustice sociale s'affirme avec encore plus de force. V. Hugo, Les Misérables, préface (1862) « Tant qu’il existera, par le fait des lois et des mœurs, une damnation sociale créant artificiellement, en pleine civilisation, des enfers, et compliquant d’une fatalité humaine la destinée qui est divine ; tant que les trois problèmes du siècle, la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit, ne seront pas résolus ; tant que, dans de certaines régions, l’asphyxie sociale sera possible ; en d’autres termes, et à un point de vue plus étendu encore, tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles » La litote (phrase soulignée) vise afficher l’ambition d’une dénonciation d’un certain état social. Page 8 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Séance 9 V. Hugo est aussi un homme politique, et dans ses années 1846-48, au moment où il rédige Les Misérables il siège à l’Assemblée et y prononce des discours : des discours qui dans certains cas se caractérise par leur hauteur de vue, et pas un certain idéalisme. Dans un discours prononcé en 1848 intitulé « La misère », il s’adresse à l’assemblée en disant que si l’action politique a une volonté en la matière, la matière peut être détruite. Hugo se préoccupe de la cause de certains phénomènes, notamment la cause de la pauvreté économique mais aussi morale (dans son esprit). Dans sa préface (voir séance précédente) l’auteur évoque 3 grandes injustices sociales « la dégradation de l’homme par le prolétariat, la déchéance de la femme par la faim, l’atrophie de l’enfant par la nuit » : § La dégradation de l’homme par le prolétariat : renvoie à l’aliénation des travailleurs, une condition où le travail, au lieu d’être un moyen d’épanouissement, devient une source d’exploitation. Au XIXe siècle, de nombreux ouvriers travaillaient dans des conditions précaires, avec des salaires insuffisants pour vivre dignement. § La déchéance de la femme par la faim, Les femmes, encore plus marginalisées que les hommes dans le monde du travail du XIXe siècle, n’avaient souvent pas d’autre moyen de subsistance que de recourir à la prostitution. Leur précarité économique illustre une forme extrême de vulnérabilité et d’abandon par la société § l’atrophie de l’enfant par la nuit : ici, la « nuit » symbolise l’ignorance. Les enfants issus de milieux pauvres, forcés de travailler ou de voler pour survivre, n’avaient pas accès à l’éducation. Leur esprit, privé de « lumière intellectuelle », était condamné à l’atrophie, à l’ignorance. Hugo, républicain convaincu, fait de l’instruction des enfants une priorité essentielle pour briser le cycle de l’oppression et former des citoyens éclairés. Cette idée est portée au XIXe par tous les Républicains : pour sortir de l’oppression il faut former les citoyens. Ces éléments sont traités dans Les Misérables, et derrière chacune de ses idées se retrouve un des personnages du roman : Jean Valjean (dégradation de l’homme par le prolétariat) ; Fantine (déchéance de la femme par la faim) ; Cosette (l’atrophie de l’enfant par la nuit). Il y a une corrélation entre les convictions politiques de Hugo et leur traitement romanesque. Pour rappel, l’un des principes du roman balzacien est de faire réapparaître des personnages d’un roman à l’autre, créant ainsi un univers cohérent et interconnecté. Chez Hugo, en revanche, chaque roman est totalement indépendant. Cependant, on y retrouve des personnages qui incarnent des archétypes récurrents et on retrouve d’un roman à l’autre le même archétype Il arrive qu’Hugo fasse disparaitre ses personnages dans le roman, ce qui rompt en quelqu'un sorte le pacte romanesque : dans le régime du roman qui se construit au XIXe, quand on raconte une histoire, les personnages sont construits et décrits et on suit leur progression. Cependant dans Les Misérables, des personnages n’ont ni identité, ni nom car ce sont des « êtres de la misère » et qui du jour au lendemain disparaissent du récit (analogie forte entre le récit et le monde sociale). Par exemple, Jean Matthieu manque d’être condamné par la justice pour un délit qu’il n’a pas commis et tente de se défendre avec ses mots par la justice. Dans cet extrait, on lui demande de décliner son identité : Victor Hugo, Les Misérables , I,VII, 10, 1862 « J’ai travaillé chez monsieur Baloup, boulevard de l’Hôpital. Je m’appelle Champmathieu. Vous êtes bien malins de me dire où je suis né. Moi, je l’ignore. Tout le monde n’a pas des maisons pour y venir au monde. Ce serait trop commode. Je crois que mon père et ma mère étaient des gens qui allaient sur les routes. Je ne sais pas d’ailleurs. Quand j’étais enfant, on m’appelait Petit, maintenant, on m’appelle Vieux. Voilà mes noms de baptême. Prenez ça comme vous voudrez. » Page 9 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Si ce sont des misérables c'est aussi parce qu’il ne s’inscrivent pas clairement dans la société : il n’ont ni âge, ni nom, ni origine etc. ; et nombre de personnage dans Les Misérables correspondent à cela, par exemple. Fantine, Gavroche. C'est un choix politique de la part d’Hugo d’avoir recours à cela. Ces romans sont à caractère sociale par ce qu’ils racontent mais aussi par la manière dont ils le racontent. Au XIXe siècle, une question majeure pour les romanciers est de savoir comment faire parler des personnages issus des classes sociales défavorisées. Une fois ces personnages intégrés dans le récit, il s'agit de refléter leur réalité sociale à travers leur langage. Dans Les Misérables, Victor Hugo choisit de donner à ses personnages une voix qui reflète leur milieu, notamment en utilisant l'argot. Face aux interrogations sur son usage de l'argot, Hugo répond : « Qu’est-ce que l’argot proprement dit ? L’argot est la langue de la misère. » Cette citation illustre sa volonté de rester fidèle à la condition de ses personnages et d’inscrire leur langage dans la vérité de leur existence. La mort de Jean Valjean dans Les Misérables est aussi très symbolique. Les derniers mots de V. Hugo concernent sa tombe avec l’effacement de sa tombe : Victor Hugo termine le roman en décrivant la tombe de Jean Valjean, marquée uniquement par quelques mots écrits sur une pierre, effacés ensuite par le temps. Cet effacement est lourd de signification. Il symbolise la marginalisation des êtres comme Valjean restent ignorés ou oubliés par la société. La méditation métaphysique Chez Victor Hugo, les questions sociales s’entrelacent avec des interrogations philosophiques. On lui reproche souvent la représentation clivée de ses personnages, où certains incarnent le bien absolu et d’autres le mal. Cette dichotomie reflète toutefois un questionnement plus large sur la nature du bien et du mal, ainsi que sur leur forme dans le monde. Ces réflexions s’inscrivent à la fois dans une dimension morale, politique et religieuse. Dans ses romans, ces interrogations ne se traduisent pas nécessairement par des réponses. Hugo préfère poser des questions, parfois de manière angoissante. Analyse du tableau : Ce dessin revêt une dimension symbolique et allégorique forte. Si l’on observe attentivement, on remarque une vague imposante et, au sommet, une masse sombre représentant un bateau. Ce bateau, identifié par l’inscription « ma destinée », symbolise l’existence de l’homme, affrontant les forces déchaînées de la nature. Cette scène suscite des réflexions philosophiques profondes : où va l’homme ? Quelle est sa destinée ? Quelles sont ces forces violentes et inéluctables qu’il doit affronter ? Dans cette perspective, la mer apparaît comme un cadre particulièrement adapté à ces interrogations. Elle est le lieu des tempêtes, surgissant avec violence et pouvant causer la mort, suscite terreur et questionnement. La tempête invite à s’interroger sur son origine et son sens, V.Hugo, Ma destinée, 1867 elle surgit de manière violente, elle peut causer la mort, favorise la terreur, susciter l’interrogation Page 10 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Un autre exemple pertinent est celui des dessins représentant Gwynplaine, surnommé « l’homme qui rit ». Ce personnage, typique de l’univers de Victor Hugo, incarne dans sa chair même les questionnements métaphysiques de l’auteur. Gwynplaine est un paria, un marginal, à l’image de Quasimodo dans Notre-Dame de Paris ou Jean Valjean dans Les Misérables. Sa marginalité trouve son origine dans une mutilation infligée dès l’enfance : des saltimbanques, pour exploiter sa difformité et gagner de l’argent, ont déformé son visage en lui imposant un sourire grotesque et permanent. Chez Hugo, il y a une volonté explicite de modeler ses personnages dans leur chair pour refléter leur condition de marginalité. Cette déformation physique devient une métaphore puissante de la violence infligée par les hommes à leurs semblables, qu’elle soit physique ou psychologique. À travers Gwynplaine, Hugo explore non seulement la souffrance individuelle, mais aussi les injustices structurelles et la cruauté inhérente aux dynamiques sociales, tout en soulevant des interrogations universelles sur la condition humaine et les limites de la compassion. Hugo écrit à l’issue d’une nuit d’insomnie : « Croire des choses qui ont des contours, c'est très doux. Je crois des choses qui n'ont pas de contours. Cela me fatigue » c'est pour lui l’expression d’un cauchemar, d’une chose qui n’a pas de fond, qui n’a pas de mort. Il tente de trouver une forme aux choses, un contour. Ces personnages-monstres répondent à cette problématique sociale. III – Les romans de la seconde moitié du XIXe et Réalisme 1. Les conditions historiques Il faut garder à l’esprit que les derniers romans de Hugo sont contemporains des premiers romans de Zola. Le Réalisme émerge dans un contexte historique spécifique, marqué notamment par la révolution de 1848. Cet événement a suscité des espoirs collectifs tout en révélant la présence et le pouvoir croissants des masses populaires au sein de la société française. Parallèlement, cette période voit le règne affirmé de la bourgeoisie comme classe dominante, ce qui influence directement la production et la réception artistique. Ces changements sociaux ont une conséquence majeure : l’art se pratique avec les artistes mais aussi parce que cet art rencontre un public (lecteurs, spectateurs) et des acheteurs (dans le cas des peintures). Se pose aussi la question du goût du public. Avec la montée en puissance de la bourgeoisie, un nouveau goût artistique se forme, reflétant les préoccupations de cette classe. La bourgeoisie n’adhère ni aux idéaux ni à l’idéalisme de la noblesse. Elle s’intéresse aux réalités matérielles, à la gestion du capital, à l’organisation sociale et à des représentations concrètes du quotidien. Ce courant privilégie une attention aux conditions sociales, en s’efforçant de refléter, de comprendre et d’expliquer la réalité contemporaine. En parallèle, les classes populaires accèdent de plus en plus à la lecture, apportant ainsi leurs propres goûts et attentes dans le paysage artistique. 2. Climat intellectuel De plus, il y a une transformation du climat culturel, des grands philosophes et penseurs formulent leurs idées de ce milieu du XIXe. Parmi eux, Auguste Comte, et le représentant du courant de pensée le « positivisme ». Il professe dans les années romantiques ce qu’il appelle sa philosophie « positive ». Ces idées vont se développer et innerver la société, alimenter la réflexion dans le cadre social mais aussi littéraires. Le positivisme est une réflexion qui au départ a une ambition historique : le XIXe est marqué par ambition de créer des systèmes et de penser l’histoire. Des philosophes pensent qu’il y a bien un sens à l’histoire et le Comte sa vision commence par les âges de l’humanité et le Comte distingue 3 temps qui correspondent Page 11 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES à des manières de structurer la société, de comprendre l’histoire et valeurs de l’humanité. Pour lui il y a une âge théologie, un âge métaphysique et un âge positif (durant sa période). Le positivisme, au départ, repose sur une réflexion à visée historique. Le XIXe siècle est marqué par une ambition de créer des systèmes et de donner un sens à l’histoire. Les philosophes de l’époque, notamment Auguste Comte, s’efforcent de comprendre les dynamiques historiques et de proposer une vision globale de l’évolution de l’humanité. Dans sa philosophie, Comte identifie trois grands âges de l’humanité, correspondant chacun à une manière spécifique de structurer la société, d’interpréter l’histoire et de définir les valeurs humaines : l’âge théologie, l’âge métaphysique et un âge positif (durant sa période). L’âge positif, tel que le conçoit Auguste Comte, marque un tournant dans l’histoire de l’humanité, car, pour la première fois, l’homme est en mesure de maîtriser son propre destin. Selon lui, la connaissance, le savoir et la science offrent à l’humanité les outils nécessaires pour comprendre et exploiter le monde qui l’entoure. Cette vision se trouve en parfaite adéquation avec l’essor de l’industrie et de l’exploitation du monde réel et sensible, un monde qui devient, grâce à la science, plus prévisible et contrôlable. Et ce n’est pas un hasard si durant cette période on voit se développer des disciplines comme la géographique puisqu’il s’agit d’apprendre à posséder et mesurer le monde pour mieux l’explorer et l’exploiter. Le positivisme repose sur la confiance en l’esprit humain, sa capacité à produire du savoir et à maîtriser son environnement, et ainsi son destin, grâce à la connaissance. Contrairement au romantisme, qui valorise la verticalité, la transcendance et l’idéal, le positivisme se concentre sur le monde réel, sur la manière de le comprendre et d'en tirer un rendement pratique. 2. Les mutations du climat artistique Dans les années 1840, le public commence à se lasser du Romantisme. Il y a un désir de renouveau, d’une nouvelle sensibilité. À l’imagination débordante du romantisme se substitue une volonté de se concentrer sur le réel, de le représenter tel qu’il apparaît, ou du moins tel qu’on pense qu’il apparaît. La photographie Cette attention à la réalité va de pair avec l’émergence, le développement de la photographie. Elle se développe de façon tâtonnante durant période Romantique. La reconnaissance du procédé de photographie date de 1839 et est dû au collaborateurs de Niepce, Daguerre qui invente le « daguerréotype ». A partir de ce brevet dépose en 1839, la photographie se développe énormément et se popularise, c'est une technique qui va progressivement apparaitre comme assez accessible. Elle l’est car les voyageurs (même amateurs) pourront se transporter avec un appareil photographique. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la photographie propose une représentation qui est une véritable trace du réel. Elle capture une empreinte laissée par la lumière sur une plaque, sans intervention directe du geste humain. Autrement dit, la photographie se veut un reflet fidèle de la réalité sensible, sans manipulation artistique. N. Niépce Vue de la fenêtre du domaine du Gras, 1826 (considérée comme la première photo) Page 12 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES L’artiste peintre, durant le Romantisme, transforme la réalité selon ses propres visions et ambitions, ce qui rend l’œuvre subjective. En revanche, la photographie est perçue comme un instrument permettant d’enregistrer la réalité, sans que la subjectivité humaine n’intervienne directement. Ainsi, la photographie modifie le rapport à la réalité, offrant une représentation plus objective et fidèle du monde. Cependant, il est important de nuancer cette idée. Lorsque la photographie émerge dans les années 1830-40, elle est d’abord vue comme un moyen de reproduire fidèlement la réalité. Mais au fil du temps, les artistes s’emparent de la photographie et en font un outil artistique, y intégrant leur propre subjectivité. Ainsi, même à travers un medium considéré comme objectif, finalement les artistes réinvestissent la photographie pour produire des œuvres d'art, y projetant leurs visions personnelles. Maxime du Camp Louksor (1850) (photo prise 11 ans après que le brevet a été déposé) La peinture Les aspirations des peintres commencent à évoluer dans les années 1840-50. Dans l’histoire littéraire et artistique, c’est principalement dans le domaine des arts, notamment la peinture, que se forge la conception du réalisme, avant de se déployer également dans la littérature. Cette conception de la peinture atteint son apogée avec des artistes comme Gustave Courbet, originaire de l’est de la France. Courbet devient l'un des plus grands représentants du réalisme en peinture : Gustave Courbet, Une après-midi à Ornans, 1849 Gustave Courbet, Un enterrement à Ornans, 1849-50 Ces 2 tableaux ont quelque chose de singulier pour l’époque. Les tableaux de Courbet, comme L'Enterrement à Ornans, provoquent une véritable réaction de scandale auprès de ses contemporains. Ce tableau, de grande taille, représente une scène quotidienne, celle d'un enterrement dans une ville de province, une scène banale et loin des thèmes traditionnels de la peinture. Ce qui choque, c’est le choix de traiter un sujet aussi ordinaire dans un format qui, à l’époque, était réservé aux œuvres de peinture religieuse ou historique, qui occupaient le sommet de la hiérarchie des genres en peinture. En représentant des personnalités locales et des scènes de la vie quotidienne, Courbet bouleverse les conventions en accordant à ces personnages et événements provinciaux la même dignité visuelle que des sujets historiques. Les chercheurs se sont rendu compte que les figures sont habillées de manière réaliste, comme des gens de leur époque Ainsi, ces œuvres visent à donner une légitimité nouvelle à la représentation du quotidien, en la traitant avec la même gravité et la même importance que les grandes scènes d’histoire. (Idem pour l’autre tableau) Une des questions qui se pose à la peinture est de définir son sujet et de choisir des thèmes nobles pour éviter de tomber dans la peinture de genre, considérée comme inférieure. Cela implique de travailler à partir de la banalité du quotidien, en lui attribuant une légitimité et en valorisant le quotidien dans l’art. Toutefois, cette revalorisation ne prive pas des œuvres, comme L'Enterrement à Ornans, de leur puissance symbolique, qui peut offrir une lecture politique. En effet, étant républicain, Courbet pourrait suggérer que ce qui est enterré dans le tableau représente la République, peint avant le coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851. Page 13 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES La littérature Le courant Réaliste stricto sensu n’a pas forcément donné des œuvres d’une renommée qui perdure jusqu'à aujourd’hui. Champfleury et Duranty sont des figures de proue du Réalisme à l’époque (leurs œuvres sont publiées dans les années 1840-50) § Champfleury, pseudonyme de Jules Husson, est un écrivain et théoricien du Réalisme littéraire. Il nourrit de multiples passions, notamment pour la collection d'objets du quotidien, accordant une attention particulière à la matérialité des choses comme les assiettes peintes, les imageries, l'iconographie, et les livres illustrés. En 1847, il publie Le Réalisme, une œuvre considérée comme un manifeste du mouvement réaliste, où il défend l'idée de représenter la réalité telle qu’elle est, sans idéalisation ni embellissement. § Duranty et Champfleury, à travers des titres comme Les Aventures de Mlle Mariette (1853) ou Le Malheur d’Henriette (1853), mettent en avant des personnages d'extraction modeste. Ce choix reflète une caractéristique majeure du Réalisme : porter attention à des figures qui étaient peu représentées dans la littérature de la première moitié du XIXe siècle, tels que les servantes, ouvrières, bourgeois, rentiers, commerçants, etc. Le Réalisme s'efforce ainsi de donner une voix à des individus issus des classes populaires, souvent négligés dans les récits précédents. Ces romans portent l'idée et le programme du réalisme, mais sans encore adopter la formule esthétique visant à allier la représentation de leur époque à une exigence esthétique marquée. § Flaubert (1821-1880), originaire de Rouen en Normandie, naît dans une famille de médecins- chirurgiens. C'est cet univers médical et scientifique qui nourrit chez lui un goût prononcé pour l'observation et la précision clinique, des traits qu'il revendique dans son esthétique littéraire, notamment dans des scènes comme l'agonie de Mme Bovary. À l'âge de 16 ans, il tombe amoureux d'une femme plus âgée, Élisa Schlesinger, qu'il idéalise et qui inspirera plusieurs de ses personnages féminins, tels que Mme Arnoux dans L'Éducation sentimentale. Ce goût pour l'idéalisation des femmes se mêle à une autre facette de sa personnalité : sa santé mentale fragile. Il souffre de crises nerveuses qui le poussent à quitter Paris pour se retirer en Normandie, dans sa propriété de Croisset, où il cherche à concilier les deux tendances contradictoires de sa personnalité. Il dira en 1852 : « Il y a en moi, littérairement parlant, deux bonshommes distincts : un qui est épris de gueulades, de lyrisme, de grands vols d’aigle, de toutes les sonorités de la phrase et des sommets de l’idée ; un autre qui creuse et qui fouille le vrai tant qu’il peut, qui aime à accuser le petit fait aussi puissamment que le grand, qui voudrait vous faire sentir presque matériellement les choses qu’il reproduit. » Son esthétique repose sur ces deux tendances contradictoires. D'une part, il a de l’héritage du romantisme, la dimension lyrique et exaltée (violet), et d'autre part, il chercher s'ancrer dans le réalisme, cherchant à reproduire le réel avec une précision minutieuse et une obsession pour un style qui permet au lecteur de s’imaginer matériellement ce qui est décrit (bleu) Page 14 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Comme pour Hugo, les œuvres de Flaubert sont très variées, tant par leurs choix thématiques que par les périodes historiques et les genres qu'elles abordent : La Tentation de Saint Antoine Madame Bovary (1857) ; Bouvard et Pécuchet (inachevé) ; Trois Salammbô (1862) L'Éducation contes 1877 (Un Cœur simple, La sentimentale (1869), Légende de saint Julien l'Hospitalier, Hérodias). La Tentation de Saint Antoine est Madame Bovary et L'Éducation Bouvard et Pécuchet est un roman une œuvre qui accompagne sentimentale sont ancrés dans inachevé qui fonctionne comme une Flaubert tout au long de sa vie, la société contemporaine de fable philosophique. Il raconte les devenant symptomatique de son Flaubert, abordant ses aventures de deux personnages insatisfaction constante et du préoccupations sociales et contemporains, dont les noms banals niveau d'exigence de son écriture. individuelles. – Bouvard et Pécuchet – reflètent leur statut d'employés de bureau qui Ce livre fait référence à une période En revanche, Salammbô se décident de prendre leur retraite et de religieuse, où un saint se retire dans distingue en tant que roman vivre de leurs rentes en Normandie. Le le désert et y subit les tentations du historique, où Flaubert met en roman suit leurs tentatives successives diable, mettant à l'épreuve sa foi scène des personnages aux d'explorer différents domaines de la chrétienne. Flaubert imagine un profils mythiques et connaissance humaine : l'histoire, récit avec des dialogues, explorant légendaires. L'histoire se l'archéologie, l'agriculture, et d'autres, la manière dont ce personnage déroule dans l'Antiquité et mais à chaque fois, leurs projets résiste aux apparitions qui lui sont raconte la vie et les intrigues échouent. Ce texte constitue une envoyées. À travers ce texte, politiques de la ville de critique du positivisme, mettant en Flaubert, en proie à des crises Carthage. scène des héros « positifs » qui, malgré nerveuses et hallucinatoires, leur enthousiasme, échouent dans tous cherche à travailler ses propres leurs projets, soulignant ainsi obsessions. l'absurdité et les limites de l'approche positiviste. Le dernier texte de Flaubert, Trois Contes, est un recueil publié tardivement en 1877. Il regroupe trois histoires courtes, chacune ayant une portée morale et philosophique. Page 15 sur 15 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Séance 10 Les œuvres de Flaubert révèlent une grande diversité d'aspirations. Bien qu’elles soient multiples, elles poursuivent toujours des obsessions communes. L'obsession principale de Flaubert demeure celle de l’écriture, de la forme et du style. Il y a chez lui une exigence constante vis-à-vis de la perfection de la forme littéraire. Si sa volonté d'imiter le réel est manifeste, il y a aussi une recherche stylistique poussée. Ainsi, son ambition réaliste est largement débordée par une quête esthétique et stylistique. Le style de Flaubert est très distinctif, marqué par une réécriture constante. Il mène un travail acharné sur ses textes, les retravaillant jusqu'à atteindre une certaine satisfaction. Parfois, pour une seule page, il peut y avoir jusqu’à dix brouillons. Il a un attachement particulier au style de la phrase, qui relève presque de la musique. Les Frères Goncourt, dans leur journal sur la vie littéraire, écrivent à propos de Flaubert : La causerie va sur Flaubert, ses étranges procédés de conscience, de patience, de sept ans de travail : « Figurez- vous que l'autre jour, il m'a dit : « C'est fini ; je n'ai plus qu'une dizaine de phrases à écrire, mais j'ai toutes mes chutes de phrases ! » Ainsi, il a déjà la musique des fins de phrases qu'il n'a pas encore faites, il a ses chutes... Que c'est drôle, hein ?... » C'est une écriture attentive au rythme, à sa musicalité particulière. Flaubert relisait ses textes jusqu’à l’obsession, mais il les lisait à haute voix pour vérifier si les phrases tenaient à l’oralisation, dans ce qu'il appelait le « gueuloir ». Il gueulait son texte pour tester sa résistance. Guy de Maupassant dit à propos de Flaubert : « Il travaille avec une obstination féroce, écrit, rature, recommence, surcharge les lignes, emplit les marges, trace des mots en travers, et sous la fatigue de son cerveau il geint comme un scieur de long. (...) Mille préoccupations l'obsèdent. Il condense quatre pages en dix lignes ; et la joue enflée, le front rouge, tendant ses muscles comme un athlète qui lutte, il se bat désespérément contre l'idée, la saisit, l'étreint, la subjugue, et peu à peu, avec des efforts surhumains, il l'encage, comme une bête captive, dans une forme solide et précise » Ce qui est intéressant, c'est l’effet de condensation que cette idée produit sur l’exigence de l’écrivain. Au-delà de Flaubert, il s’agit de choix, mais aussi de refus. En effet, une écriture, c’est aussi lutter contre ce qu’on ne veut pas écrire, et pas seulement produire ce que l’on veut. C’est une écriture traversée par des injonctions contradictoires (cf. cours précédent). Flaubert a une volonté de reproduire les choses avec la plus grande précision possible. Il y a une exigence constante de documentation pour écrire ce qu’il écrit : il lit des centaines de livres, allant de la littérature, à la littérature médiévale, en passant par la philosophie, l'histoire, et les sciences naturelles, etc. Un Cœur simple se déroule dans la société contemporaine, en Normandie, et met en scène Félicité, une bonne à tout faire, employée par la famille Aubain, qui la méprise. Flaubert en fait une héroïne, sans lui attribuer de qualités physiques ou intellectuelles, mais en la dotant d'une imagination et d'une sensibilité. Il restitue ainsi à ce personnage sa dignité. Flaubert, cependant, reste féroce envers ses personnages, les exposant sans complaisance. Dans ce texte, il est également question des différentes formes d’affection et d’attachement que Félicité, un personnage simple, tente de nouer dans sa vie « ratée » (sans ambition, sans place sociale, jamais mariée). Flaubert montre comment toute son affection se dirige vers son neveu et, de manière plus surprenante, vers un perroquet. Ce perroquet, d'abord propriété de Mme Aubain avant qu’elle ne s'en débarrasse en le confiant à sa servante, développe avec Félicité une relation unilatérale : elle nourrit une passion pour lui. Lorsque l'animal meurt, elle fera tout pour l’empailler et le garder auprès d'elle, dans un ultime geste de dévouement. Page 1 sur 6 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Pour décrire ce perroquet, Flaubert s’est documenté. Il écrit à des personnes de son entourage, demande des références de livres spécifiques pour mieux comprendre les mœurs d’un perroquet, et il va même jusqu'à acquérir un perroquet empaillé afin d’en faire une description d'une grande précision. Dans son œuvre, Flaubert aborde aussi la question de la présence de l’auteur. Il est souvent perçu comme un écrivain difficile à analyser ou à interpréter en raison de son ironie omniprésente. Le lecteur se retrouve constamment à se demander où se situe l’auteur par rapport à ses personnages et quel discours il tient dans ses écrits. Flaubert veut rester invisible dans son œuvre. Dans une lettre adressée à Mademoiselle Leroyer de Chantepie le 18 mars 1857, il écrit : « L’artiste doit être dans son œuvre comme Dieu dans la création, invisible et tout-puissant ; qu’on le sente partout mais qu’on ne le voie pas ». L’artiste doit ainsi être « invisible et tout-puissant », ce qui signifie que, bien que toutes les décisions de l’écrivain soient à l’origine du texte, il est impossible de repérer de manière claire où il se situe dans celui-ci. Par exemple, les personnages de Flaubert sont souvent confrontés à l’ironie de l’auteur, mais l’ironie a pour particularité de faire comprendre le contraire de ce qu’elle dit. L’ironie, dans ce cas, n’est pas explicitement déclarée ; elle repose sur l’interprétation que le lecteur en fait. Grâce à l’ironie, Flaubert, comme Dieu, reste invisible dans sa création : c’est au lecteur de décrypter des formules qui, parfois, peuvent être passablement ironie. Chez Flaubert, on trouve le principe de l’impassibilité : une personne impassible ne manifeste pas ses émotions, et Flaubert a toujours cherché à minorer les siennes. Ce principe rend l’auteur inaccessible tant vis-à-vis de ses personnages que de ses lecteurs. Une illustration de cette attitude réaliste se trouve dans sa lettre à Louise Colet du 6 avril 1853 : « La littérature prendra de plus en plus les allures de la science, elle sera surtout exposante, ce qui ne veut pas dire didactique. Il faut faire des tableaux, montrer la nature telle qu’elle est, mais des tableaux complets, peindre le dessus et le dessous. » Cette vision de la littérature chez Flaubert est marquée par une valeur scientifique qu’il associe à une représentation dominée par des figures de savants, scientifiques et médecins. Toutefois, il se montre souvent critique envers ces figures, comme le montre le pharmacien dans Madame Bovary, qu’il dépeint comme abruti. Sa volonté, néanmoins, reste celle de l'observation minutieuse. Pour lui, la littérature « sera surtout exposante », ce qui signifie qu’elle doit montrer sans expliquer. L’écrivain cherche à donner à voir le monde avec des détails précis, à observer la nature humaine, mais il refuse de livrer un discours qui imposerait au lecteur une interprétation toute faite. Il préfère exposer les choses et laisser le soin au lecteur d’en tirer ses propres conclusions, sans chercher à être didactique. Description du perroquet de Félicité, Loulou, dans Un Cœur simple : Il s’appelait Loulou. Son corps était vert, le bout de ses ailes roses, son front bleu, et sa gorge dorée. Mais il avait la fatigante manie de mordre son bâton, s’arrachait les plumes, éparpillait ses ordures, répandait l’eau de sa baignoire ; Madame Aubain, qu’il ennuyait, le donna pour toujours à Félicité. Elle entreprit de l’instruire ; bientôt, il répéta : « Charmant garçon ! Serviteur Monsieur ! Je vous salue, Marie ! » Il était placé auprès de la porte et plusieurs s’étonnaient qu’il ne répondît pas au nom de Jacquot, puisque tous les perroquets s’appellent Jacquot. On le comparait à une dinde, à une bûche : autant de coups de poignard pour Félicité ! En quelques phrases, Flaubert décrit le comportement transgressif de Loulou, le perroquet, qui semble constamment enfreindre les normes sociales attendues dans la « bonne société ». Par son geste (« Madame Aubain, qu’il ennuyait, le donna pour toujours à Félicité »), l’animal devient un objet de rejet, donné à la personne qu’Aubain méprise le plus : Félicité. Ce geste prend une valeur symbolique profonde, car il lie désormais le destin de la servante à celui du perroquet. À travers cette situation, on observe un discours direct du perroquet, dont les paroles s’appliquent paradoxalement à Félicité. La voix du perroquet reste difficile à interpréter, d'autant plus que Flaubert ne prend jamais une position explicite. Dans les mots du perroquet (vert), on voit l'ironie de Flaubert : le mélange des paroles profanes et religieuses (comme dans « Je vous salue, Marie ! ») crée un dissonance délibérée, brouillant les codes de la parole, ce qui souligne l’incohérence du discours et l’ironie qui traverse l’œuvre de Flaubert. Page 2 sur 6 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Dans la décennie 1870, un courant littéraire émerge : le Naturalisme, qui peut être vu à la fois comme un prolongement du Réalisme et comme un approfondissement de certaines de ses implications. Il se distingue par une volonté de théoriser le rapport de la littérature au réel, en insistant sur l'étude scientifique et objective de la condition humaine. Le Naturalisme se caractérise par une proposition politique et esthétique forte, visant à décrire la réalité avec une précision quasi scientifique, en prenant en compte les déterminismes sociaux, économiques et biologiques. Ce mouvement se structure autour de figures emblématiques, avec un chef de file incontesté : Émile Zola, dont les œuvres marquent le début d'un véritable courant littéraire, véritablement « école ». § Les Frères Goncourt, Jules et Edmond, sont deux écrivains qui ont marqué la littérature du XIXe siècle par leurs romans, écrits ensemble jusqu'à la mort de Jules en 1870. Ils sont également à l'origine du Prix Goncourt, créé au début du XXe siècle selon les souhaits d'Edmond, après sa mort. Outre leur contribution littéraire, ils sont célèbres pour leur journal de la vie littéraire, qui offre une perspective unique sur la scène artistique de l'époque. Les Goncourt jouent un rôle essentiel dans la réflexion esthétique de la période des années 1860-1870. Ils sont des promoteurs du Réalisme, tout en établissant une jonction avec le naturalisme, en particulier à travers leur attention aux détails sociaux et à la condition humaine. Mais ils se distinguent aussi par un style particulièrement recherché et travaillé. Leurs romans s'intéressent à toutes les classes sociales, et, à l'instar d'autres auteurs comme Champfleury, Duranty ou Zola plus tard, ils mettent en scène les classes populaires. Par exemple, dans leur roman Germinie Lacerteux, ils dépeignent le parcours d’une servante, dont la trajectoire de vie permet de traverser diverses classes sociales et maisons, donnant ainsi l'occasion de déchiffrer et critiquer les réalités sociales de l'époque. Dans Sœur Philomène, les Frères Goncourt offrent une peinture précise des hôpitaux, un cadre qui reflète leur attention particulière aux milieux sociaux, un concept qui sera également central dans l'œuvre de Zola. Ces milieux, qu'ils soient médicaux, ouvriers ou bourgeois, sont représentés avec un souci de réalisme, cherchant à rendre compte des réalités au sein de ces espaces spécifiques. Dans Manette Salomon, les Goncourt se concentrent sur le milieu des artistes écrivains, qui discutent de la vie artistique et des évolutions du réalisme et des impressionnistes. Ce roman explore l'émergence de ces mouvements à travers le prisme des relations sociales et des échanges intellectuels entre les créateurs. Enfin, dans Les Frères Zemganno, les Goncourt décrivent l'univers du cirque. Les Frères Goncourt adoptent une écriture recherchée, qualifiée d'« écriture artiste », utilisant des mots rares et un style parfois précieux. Cette approche, partagée avec Huysmans, semble paradoxale par rapport à leur volonté de décrire la société contemporaine avec réalisme. Contrairement à l'idée d'un style transparent associé au réalisme et au naturalisme, ils privilégient une écriture soignée, alliant réalisme et esthétique. Ils sont sensibles à l'art de leur époque, tout en redécouvrant également l'art du XVIIIe siècle, notamment dans ses aspects les plus légers, rococos et extravagants. Cette influence est particulièrement vraie dans la poésie des années 1860, comme en témoigne Les Fêtes galantes de Verlaine, qui s'inspire directement de cette époque. § Zola (1840-1902), auteur de J'accuse, dans lequel il défend Alfred Dreyfus, a été condamné en justice à la suite de cette prise de position. Cette affaire marque l’émergence d'une nouvelle stature pour l'écrivain intellectuel, préfigurant les engagements littéraires du XXe siècle. Zola s'impose ainsi dans l’histoire littéraire comme un promoteur esthétique, à l'instar de Victor Hugo, promoteur du Romantisme. Il est fils d'un Italien nationalisé et originaire du Midi, fait ses études à Aix-en-Provence, une ville qui deviendra Plassans dans son cycle romanesque. Ce Sud de la France est également le cadre de ses amitiés artistiques, notamment avec Paul Cézanne. Ce dernier, au caractère assez ombrageux, est soutenu par Zola, qui défend sa peinture impressionniste. Cependant, une tension existe entre les deux hommes, car Zola, dans son roman L’Œuvre, dépeint un peintre de la nouvelle génération qui échoue à réaliser ses ambitions artistiques, ce Cézanne a cru se reconnaitre dans ce personnage. Page 3 sur 6 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Estampe japonaise Paravent japonais Portrait d'Émile Zola, par Manet1, 1868 On observe dans ce portait des éléments caractéristiques des années 60 : estampe japonaise et paravent japonais, symboles de l'engouement de la société occidentale pour les arts d’Extrême- Orient, phénomène connu sous le nom de Japonisme, qui séduit les peintres. Zola conçoit d'abord une œuvre fragmentée, où ses premiers textes ne s'inscrivent pas encore dans le « cycle des Rougon-Macquart », comme Thérèse Raquin (1867). Les Rougon-Macquart désignent l'ensemble de son cycle romanesque, composé de 20 romans. Ce projet vise à représenter la société, et qui reprend pour la seconde moitié du siècle à ce que Balzac a entrepris pour la première moitié. Ce projet des Rougon-Macquart commence à voir le jour à partir de 1868 et se déploie par la publication des volumes à partir de 1871, avec un rythme d’un roman par an environ. Zola connaît le succès à partir du 7e volume, L’Assommoir, avec un parfum de scandale. Ce cycle est achevé en 1893. C'est un cycle romanesque qui prend place dans une période précise de la société française, celle du Second Empire, période durant laquelle Napoléon III est au pouvoir. C'est explicite chez Zola, car les Rougon-Macquart sont sous-titrés « L’Histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire ». Le premier volume est publié en 1871, tandis que le Second Empire chute avec la guerre avec la Prusse en 1870. Zola commence à publier après la chute du Second Empire, et cela se comprend à la lecture des romans, car il est critique envers la société de ce régime, un monde gouverné par l’argent, les malversations et les tractations financières. Zola fixe un projet avec ce titre qui a des bornes chronologiques, permettant ainsi de dresser le portrait d'une époque déterminée. De plus, il y a aussi une unité : celle d'une famille (ce qui constitue une grande différence avec Balzac à ce sujet). C'est cette famille qui donne son nom au projet romanesque. Émile Zola, généalogie des Rougon- Macquart Les petites cases correspondent à un arbre généalogique : le principe qui structure le projet de Zola est justement cet arbre généalogique. À chaque personnage de la famille correspond un roman spécifique, centré sur un membre particulier. La famille donne la mesure au projet, mais 1. Manet, précurseur de l’impressionnisme, que Zola a défendu bec et ongle alors qu’il était très controversé dans les années 1850. Page 4 sur 6 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES c'est aussi une histoire naturelle et sociale : des termes qui signalent le programme esthétique du naturalisme. Le naturalisme repose sur un modèle qui se veut scientifique. Pour Zola, s'inspire particulièrement d'un champ spécifique de la science : la médecine. Il s'inspire de la médecine expérimentale, en particulier des travaux du médecin Claude Bernard, qui a mis en place un protocole expérimental pour faire progresser la médecine. Claude Bernard est célèbre pour ses expériences sur le foie, il a su mettre en évidence son fonctionnement et sa finalité dans le corps humain. L'idée centrale de la science expérimentale est de tester et d’en tirer des conséquences, voire des lois (des règles générales). Le principe fondamental de cette approche est qu'à partir d'un phénomène observé, une loi vérifiable peut être formulée, et à chaque fois, l'expérience conduite dans les mêmes conditions donnera le même résultat. Zola lit les travaux de Bernard et va essayer d’appliquer ces principes scientifiques au monde littéraire. Ces principes scientifiques sur lesquels le naturalisme tend à s’appuyer c'est le déterminisme et le principe d’hérédité : - Hérédité : Ce terme, utilisé à l'époque et aujourd'hui, désigne l'héritage transmis par la famille et les ancêtres. Une maladie héréditaire se transmet de génération en génération, mais aujourd'hui, on parlerait plutôt de maladie génétique. Zola pose comme principe que la famille des Rougon-Macquart a une ancêtre commune, marquée par une maladie mentale, et il s'intéresse à la manière dont chaque personnage, héritier de cette ancêtre, porte en lui cette part d’héritage pathologique. Il y a une « fêlure » initiale, et Zola montre comment cette fissure affecte ses personnages. Cela fait partie de son pessimisme vis-à-vis de la société, car pour lui, cette « fêlure » pèse sur les individus, créant une sorte de fatalité génétique qui résonne avec le déterminisme. À l'époque de Zola, des travaux médicaux tentaient de démontrer que les criminels pouvaient avoir une prédisposition génétique à la criminalité - Déterminisme : principe selon lequel individu est déterminé dans ses comportements, attitudes, par le milieu dans lequel il vit, évolue. Les personnages de Zola sont donc déterminés à la fois par des contraintes internes (hérédité) et externes (déterminisme). L’écrivain imagine leurs traits de caractère et leurs ambitions, qu’il s’agisse de leur vocation artistique, de leurs penchants sexuels, de leur attirance pour l’alcool ou de leurs pulsions meurtrières, entre autres. Parallèlement, Zola place ses personnages dans des milieux sociaux variés. La méthode naturaliste cherche à se calquer sur une approche scientifique, postulant qu'il existe des lois applicables à la société et à l'individu. Le programme littéraire découle directement de cette vision. Zola théorise cette méthode dans Le Roman expérimental, où il expose les principes de sa création littéraire. Il existe des limites à l'analogie avec le monde scientifique et expérimental. Bien que des principes expérimentaux puissent être appliqués, dans le cadre du roman, c'est l'auteur qui décide du destin des personnages et des principes qui les gouvernent. La limite réside dans le fait que, dans l'univers romanesque, nous sommes dans la fiction, ce qui implique l'arbitraire du romancier qui fait ses choix. De plus, l'objectif de Zola est d'observer et de produire un discours sur la société de son temps, avec une volonté critique, parfois acerbe. Il critique non seulement le régime politique, mais aussi la société dans son ensemble. Par exemple, dans Germinal, qui se déroule dans les mines du nord de la France, Zola met en scène des personnages de mineurs vivant dans des conditions de travail et de vie extrêmement difficiles, marquées par une fatalité sociale. Les familles, pour survivre, envoient leurs enfants travailler dès leur plus jeune âge dans les mines. Germinal illustre également l'émergence du mouvement ouvrier, qui lutte pour améliorer leurs conditions de vie par de grèves. Ce roman analyse à la fois l'essor du capitalisme industriel et la lutte des classes qui se développe dans ce contexte. Page 5 sur 6 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Au Bonheur des Dames (1883) décrit les effets de la concurrence entre les petits commerces locaux et l'essor des grands magasins. Zola s'inspire de la réussite économique de Boucicaut, fondateur du Bon Marché. Les romans de Zola ne sont pas seulement objectifs grâce à l'utilisation de modèles scientifiques. Dans une lettre, il fait une analogie en comparant le travail du romancier à celui d'une personne qui porte des lunettes : chaque romancier choisit ses verres. Selon Zola, lorsqu'on est romancier romantique, on porte des verres déformants et colorés, qui donnaient une vision contrastée, fantasmée et extravagante. Le romancier réaliste, en revanche, choisit des verres blancs, visant à représenter la réalité de manière aussi objective que possible. Cependant, l'œuvre de Zola, bien que nourrie par des principes scientifiques et expérimentaux, reste marquée par des métaphores et des images, ce qui montre que, même dans son souci d'objectivité, Zola est habité par des fantasmes et des représentations qui peuvent s'apparenter à des archétypes ou à des mythes. Il y a dans les romans de Zola, une fatalité omniprésente, où l'humanité est souvent représentée sous des formes dégradées. Le naturalisme a souvent été critiqué pour cette vision sombre de l'humanité, mettant en lumière ses vices, ses pulsions bestiales et sa violence. Zola dépeint des personnages pris dans des tourments tels que l'alcoolisme, la violence, ou des désirs sexuels, tout en étant guidés par des forces invisibles, souvent liées à des représentations mythiques ou à des pulsions primaires. Dans Nana (1880), par exemple, Zola nous présente une prostituée, ou plutôt une femme qui utilise son corps pour se faire une place dans la société, en tant que comédienne, danseuse, et actrice de cabaret. Elle est observée sous le regard libidineux des hommes, mais Zola montre aussi comment elle, à travers son corps, cherche à atteindre un statut social, à survivre, et à obtenir les moyens de subsistance. Ce qui est frappant, c'est que Zola décrit cette trajectoire comme étant nécessairement marquée par une chute, une fatalité qui semble peser sur elle dès le départ. Cette chute passe par une maladie vénérienne. L’image de Nana (son statut de « femme fatale ») se superpose ainsi à celle des grandes tentatrices mythologiques, tout en étant aussi une description médicale et réaliste de son corps malade. Nana morte, Georges Bellenger, 1882 Zola a été le chef de file du mouvement naturaliste en raison de ses écrits théoriques et de sa capacité à rassembler autour de lui un groupe d'écrivains qui se sont associés à son œuvre, du moins au début. Ces écrivains se retrouvaient régulièrement dans la maison de Zola à Médan, où ils ont publié un recueil collectif intitulé Les Soirées de Médan. Chaque auteur y a contribué un texte, comme par exemple, Maupassant avec Boule de Suif. Parmi eux, certains sont moins connus aujourd’hui, comme Paul Marguerite, tandis que d'autres, comme Huysmans et Maupassant, sont devenus célèbres Page 6 sur 6 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES Séance 11 [suite Zola] L’univers littéraire de Zola oscille entre des aspirations parfois contradictoires. D’un côté, il manifeste une passion pour l’observation et la documentation minutieuse : avant d’écrire, il consigne ses observations dans des carnets d’enquête. Ainsi, pour Germinal, il se rend dans les mines du Nord de la France, prend des notes détaillées sur ce qu’il observe, et descend lui-même dans les galeries pour s’imprégner de la réalité des mineurs. De même, pour Au Bonheur des Dames, il mène une enquête approfondie sur les aspects commerciaux et financiers ayant favorisé le développement des grands magasins. Cependant, cette approche rigoureuse entre en tension avec son écriture, qui, bien que documentée, n’est pas purement objective. Son style est imprégné de mythes et de fantasmes, comme en témoigne le personnage de Nana. Zola accorde une attention particulière aux femmes, à leur corps, mais ses récits restent marqués par les préjugés Dossier préparatoire de de son époque. Germinal En effet, à la fin du XIXe siècle, on découvre progressivement la force de l’inconscient, que les médecins tentent de mettre au jour de façon encore tâtonnante. Dans ce contexte, un médecin joue un rôle central : Jean-Martin Charcot, célèbre pour son travail à l’hôpital de la Salpêtrière, où il soigne des femmes atteintes d’hystérie. L’hystérie, une affection psychique, connaît alors une reconnaissance particulière. Son étymologie (du grec hustera, signifiant utérus) reflète la croyance de l’époque : cette maladie était perçue comme spécifiquement féminine et liée à un dérèglement de l’utérus ou de la matrice. Dans les expériences menées par Charcot, l’hypnose et la suggestion sont utilisées pour tenter de soigner l’hystérie, et ses séances assite Sigmund Freud, jeune médecin et auditeur de Charcot Le docteur Charcot à l’hôpital de la à la Salpêtrière. Salpêtrière, André Brouillet À cette époque, l’hystérie est définie comme une maladie psychique, mais elle s’exprime aussi par des manifestations physiques: des crises marquées, des gestes désordonnés, et un comportement semblable à une forme de possession. Le corps féminin y est représenté comme un corps désordonné, voire possédé, et cette conception est étroitement liée à la sexualité (et donc, dans l’imaginaire médical, à l’utérus). Toutes ces questions influencent l’univers de Zola. Plusieurs de ses personnages féminins semblent frappés de crises d’hystérie, et Zola traite ce sujet selon les conceptions de son époque. Il adopte une double approche : - Scientifique : en observant et décrivant objectivement ces comportements dans ses romans. - Fantasmatique : en projetant sur ces comportements une charge symbolique et mythique liée au féminin, souvent associé à l’incontrôlable et à la sexualité. Zola a également inspiré d’autres écrivains à s’engager dans le mouvement du naturalisme, renforçant ainsi son influence littéraire et scientifique. Page 1 sur 8 CM histoire littéraire & culturelle du XIXe – semestre 5 D.GLEIZES § Huysmans : Il commence sa carrière comme naturaliste, mais au fil du temps, il opère un tournant esthétique et spirituel. Ce tournant esthétique se manifeste notamment dans son roman À Rebours (1884). Dans ce texte, le personnage principal, Des Esseintes, devient l’archétype du dandy et de la décadence. Ce personnage, issu d’un milieu aisé, choisit de mener une vie entièrement dédiée à l’art et au plaisir esthétique. Il s’isole volontairement dans une maison remplie de raffinement, coupant tout lien avec la réalité pour se plonger dans un univers de rêve, d’imagination et de purs plaisirs esthétiques. À Rebours déploie un univers qui contraste avec le Naturalisme : il valorise le rêve, la subjectivité, et l’art pour l’art, tout en dépeignant un cadre confiné et étouffant, typique de l’esthétique de la décadence. Plus tard, avec La Cathédrale, Huysmans témoigne de sa conversion au catholicisme, marquant un tournant dans sa carrière littéraire avec des aspirations spirituelles fortes. Ce retour à la spiritualité est représentatif de la fin de siècle (les dernières années du XIXe siècle), où un renouveau religieux et spirituel marque plusieurs artistes et écrivains. § Jules Vallès connu pour sa trilogie – L’Enfant, Le Bachelier, L’Insurgé –, est surtout reconnu pour L’Enfant, qui raconte le parcours d’un jeune homme dans son époque. Vallès est profondément engagé politiquement, par exemple pendant la Commune de Paris en 1871, où il fait partie des communards. Son œuvre reflète cette implication, notamment en dépeignant les luttes sociales et politiques de son temps. § Maupassant, (1850-1893) a eu une vie court mais marquée, en fin de parcours, par des problèmes de santé majeurs, notamment psychiques. Atteint de la syphilis, une maladie qui affecte profondément le fonctionnement psychique, il sera interné pour des troubles liés à cette pathologie. Au début de sa carrière, Maupassant suit la lignée du naturalisme zolien, et est considéré comme le fils spirituel de Flaubert, notamment en ce qui concerne les enjeux du réalisme. Cependant, il devient aussi obsédé par la folie et les hallucinations. Il est l’auteur du Horla, une histoire fantastique où l’on ne sait pas si le personnage est harcelé par un être surnaturel ou si ce n’est qu’un pur fantasme. Maupassant est donc à la fois un auteur naturaliste et un écrivain qui a réfléchi aux implications du réalisme et de ses limites, notamment en explorant des thèmes de folie et d’illusion. Guy de Maupassant, Préface de Pierre et Jean, 1888 « Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même. Raconter tout serait impossible, car il faudrait alors un volume au moins par journée, pour énumérer les multitudes d'incidents insignifiants qui emplissent notre existence. Un choix s'impose donc. [...] La vie, en outre, est composée des choses les plus différentes, les plus imprévues, les plus contraires, les plus disparates. [...] Voilà pourquoi l'artiste, ayant choisi son thème, ne prendra dans cette vie encombrée de hasards et de futilités que les détails caractéristiques utiles à son sujet, et il rejettera tout l'à-côté. [...] Faire vrai consiste donc à donner l'illusion complète du vrai, suivant la logique ordinaire des faits, et non à les transcrire servil

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