Sécheresse oculaire et santé environnementale PDF
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Ce document traite des pathologies de la surface oculaire et de leur lien avec l'environnement. Il aborde l'impact du réchauffement climatique, de la pollution de l'air et d'autres facteurs environnementaux sur la santé oculaire. Le texte met en lumière le rôle croissant des facteurs environnementaux dans le développement et l'aggravation des maladies oculaires.
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Santé environnementale et pathologies de la surface oculaire : Impact de l’environnement sur les pathologies et la vie des patients Les pathologies de la surface oculaire, et en particulier la sécheresse oculaire, touchent de plus en plus de personnes en France. Pourtant, ces problèmes de santé pub...
Santé environnementale et pathologies de la surface oculaire : Impact de l’environnement sur les pathologies et la vie des patients Les pathologies de la surface oculaire, et en particulier la sécheresse oculaire, touchent de plus en plus de personnes en France. Pourtant, ces problèmes de santé publique restent largement sous-estimés. Dans un contexte de réchauffement climatique, de dégradation de la qualité de l’air, tant extérieur qu’intérieur, et d’évolution des modes de vie, il est urgent que les pouvoirs publics se saisissent de cette problématique. En effet, la surface oculaire, directement exposée à l'environnement, subit les conséquences de la dégradation de la qualité de l’air. Celle-ci, qu’elle soit extérieure ou intérieure, joue un rôle croissant dans la physiopathologie des maladies de la surface oculaire, telles que la rosacée oculaire, en raison de l’instabilité lacrymale que cela peut induire (Touboul, 2020). L’impact du changement climatique sur la sécheresse oculaire : une réalité préoccupante Les effets du changement climatique sur les personnes atteintes de sécheresse oculaire sont importants. Les vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, couplées à des périodes de sécheresse prolongées, entraînent une aggravation de l'évaporation du film lacrymal, accentuant ainsi la sécheresse oculaire. Cette maladie, déjà très invalidante pour les personnes touchées, devient encore plus insupportable sous l'effet de la chaleur, qui favorise une réponse pro-inflammatoire de la surface oculaire. En effet, si la sécheresse favorise davantage d’évaporation, la chaleur induit également un état pro-inflammatoire de l'œil. Ces deux impacts créent un cercle vicieux défavorable pour tous ceux qui souffrent de sécheresse oculaire, qu’elle soit liée à un défaut quantitatif ou qualitatif des larmes : l’inflammation augmente la sécheresse et inversement. Par ailleurs, les changements climatiques prolongent et perturbent la saison des pollens et des graminées, aggravant les allergies oculaires. Autrefois limitée à la période de mars à septembre, la saison pollinique s’étend désormais de janvier à octobre, exacerbant ainsi les symptômes de sécheresse et d'inflammation chez un nombre croissant de patients. La prolifération de plantes allergisantes comme l’ambroisie contribue également à cette aggravation. L’allergie chronique constitue l’une des causes fréquentes ou facteur aggravant de la sécheresse oculaire, pathologie multifactorielle. De plus, certains facteurs climatiques, tels que l’hygrométrie, la température ou encore le vent, peuvent aggraver la sécheresse oculaire. L’hygrométrie, qui désigne le taux d’humidité de l’air ambiant, doit être contrôlée afin de limiter les symptômes. Selon la norme CSA Z412-17 sur l'ergonomie des espaces de travail, il est conseillé de maintenir un taux d’humidité autour de 50%, ce qui est rarement atteint en raison de l’utilisation excessive de la climatisation ou du chauffage selon la saison. De plus, une température trop élevée favorise l’évaporation lacrymale, d'où la recommandation de ne pas abuser du chauffage et de maintenir une température intérieure autour de 22°C en hiver et de 24,5°C en été (Optimeo, 2021). Enfin, le vent, tout comme la climatisation, exacerbent l'évaporation des larmes. Pollution de l’air intérieur comme extérieur : un ennemi silencieux pour les yeux La pollution de l'air, qu'elle soit extérieure ou intérieure, constitue un facteur aggravant important pour la santé oculaire. Les particules fines (PM 2.5 et PM 10), ainsi que des polluants tels que l'ozone et le dioxyde d'azote, exacerbent les symptômes de la sécheresse oculaire en irritant directement la cornée. Ces polluants fragilisent la surface oculaire et augmentent les risques de kératites et ulcères cornéens pour les patients touchés. Si la pollution de l'air est bien connue pour ses effets néfastes sur les systèmes respiratoire et cardiovasculaire, ses impacts sur la surface oculaire sont moins souvent évoqués, bien qu’elle soit directement exposée à l’air ambiant. Les polluants extérieurs, comme l’ozone (O3), le dioxyde d’azote (NO2), le dioxyde de soufre (SO2), le monoxyde de carbone (CO) et les particules fines, sont en effet impliqués dans la dégradation de la santé oculaire. Une méta- analyse a démontré que le NO2, principalement issu du secteur routier, et le SO2, provenant du secteur industriel, sont étroitement liés à l'aggravation des maladies de la surface oculaire, dont la sécheresse oculaire, notamment par l'exacerbation de l'inflammation conjonctivale (Ehret et al., 2022 ; Pereira et Doan, 2012). L’air intérieur, souvent plus pollué que l’air extérieur, est également une menace importante pour les yeux. Les polluants intérieurs, tels que les composés organiques volatils (COV) provenant des peintures, vernis, cires, ou produits d’entretien, sont particulièrement irritants pour la surface oculaire. Une mauvaise aération des espaces intérieurs et une qualité insuffisante de l’air dans les bâtiments contribuent à l’amplification des irritations oculaires, aggravant les symptômes des personnes souffrant de pathologies oculaires. Les polluants de l’air, qu’ils soient d’origine extérieure ou intérieure, conduisent à l’activation des récepteurs de la surface oculaire impliqués notamment dans les voies de signalisation des réponses inflammatoires tel que TRPV1 par exemple, entraînant l’expression accrue de cytokines pro- inflammatoires et chimio-attractives. Ce mécanisme provoque une instabilité du film lacrymal et favorise l’infiltration de cellules inflammatoires, s’ajoutant à la pathologie préexistante de la rosacée oculaire et pouvant ainsi conduire à une exacerbation des symptômes (Alves et al., 2014). Climatisation et systèmes de ventilation : une réflexion nécessaire pour éviter des conséquences néfastes sur la santé des patients La généralisation des systèmes de climatisation dans l’espace public, les transports et les espaces professionnels est une source croissante de préoccupation. Si ces systèmes sont dans certains cas indispensables pour le confort thermique et la qualité de l'air intérieur, ils contribuent également à assécher l’air ambiant, aggravant ainsi la sécheresse oculaire. Il est notamment conseillé d’éviter son utilisation pour limiter l'impact sur la surface oculaire (Pereira et Doan, 2012). Avec le développement des purificateurs d’air et si cela est fait sans concertation et réflexion autour des enjeux liés à la sécheresse oculaire, les conditions dans lesquelles nous évoluons pourraient encore aggraver les pathologies et les quotidiens des patients. Envisager une meilleure adaptation des systèmes de climatisation, notamment dans les espaces de travail ou de transport, afin de prendre en compte les besoins des patients souffrant de pathologies oculaires. Des évolutions de l’environnement de travail aggravants les pathologies : la nécessité de la prévention sur l’utilisation intensive des écrans Le travail sur écran est très présent dans la plupart des environnements de travail aujourd'hui. Or, les écrans sont un facteur non négligeable dans les sécheresses oculaires bien que trop peu documentés encore à l'heure actuelle. Le travail sur écran est donc pourvoyeur de sécheresse oculaire, qui peut être aggravée en cas d’environnement sec et climatisé (Uchino M, Uchino Y, Dogru M, et al, 2014). En effet, le nombre de clignements diminue drastiquement lors de l’utilisation d’écrans, ce qui par conséquent, entraîne une diminution de la production et du bon étalement du film lacrymal. En outre, “l’utilisation prolongée d’écrans est caractérisée par un soutien de l’attention visuelle et une fixité du regard qui peuvent entraîner une asthénopie, des difficultés d’accommodation et une diminution de la fréquence des clignements” (R. Tahiri Joutei Hassani, C. Baudouin, A. Denoyer, 2015). Le rétro-éclairage de la grande majorité des écrans actuels constitue aussi un problème aggravant en cas de sensibilité à la lumière ou photophobie, fréquemment associées à la sécheresse oculaire sévère Des pistes de prévention peuvent pourtant être facilement explorées et mises en place pour limiter les risques du travail sur écran sur la sécheresse oculaire (F. Cail, INRS) : contrôle de l’hygrométrie de la pièce, bonne position des écrans et du siège, instaurations de pauses plus régulières, outre les palliatifs habituels de la sécheresse oculaire. En outre, la lumière bleue ou lumière Haute Énergie Visible (HEV) est également responsable d’un effet toxique “sur les cellules épithéliales de la cornée et de la conjonctive et sur les cellules neuronales et gliales du ganglion trijumeau. In vivo, l'aversion à la lumière bleue chez la souris était accompagnée par des processus inflammatoires spécifiques au niveau de la surface oculaire et le long des voies trigéminées. En outre, le rôle inédit des photorécepteurs non-visuels dans les voies nociceptives a été évoqué, plus spécifiquement via l’implication de la mélanopsine et de la neuropsine.” (Veronika Marek, 2018). A l’heure où nous passons une partie très importante de notre temps sur les écrans, il est plus que nécessaire de prendre des mesures adéquates pour limiter les effets des écrans sur la sécheresse oculaire. Une campagne d'information à destination de la population générale et des employeurs serait un premier pas important afin de sensibiliser à ce sujet et d'apporter des recommandations. Un appel à nos politiques pour agir en faveur d'une amélioration des conditions de vie favorisant une bonne santé oculaire Des mesures concrètes pour protéger la santé des patients dans ce contexte environnemental changeant sont nécessaires. Une meilleure gestion de la qualité de l’air, tant extérieur qu’intérieur, ainsi qu’une prise en compte des impacts du changement climatique et de évolutions des usages notamment de la place majeures des écrans dans la société actuelle sur la sécheresse oculaire et les pathologies associées, sont indispensables. Par ailleurs, une réflexion sur l’utilisation et la régulation des systèmes de climatisation et de ventilation doit être engagée pour améliorer le quotidien des patients atteints de sécheresse oculaire. Nous rappelons que la sécheresse oculaire n’est pas seulement un inconfort passager, c’est une véritable pathologie qui affecte la qualité de vie et peut entraîner des complications graves si elle n’est pas traitée. L’environnement, et en particulier la qualité de l’air, est un facteur central dans cette problématique. Nous exhortons les politiques à prendre des mesures concrètes pour atténuer ces impacts et protéger la santé des patients concernés, de plus en plus nombreux. Sources : Touboul D, Couturier A. Dossier : Impact de l’environnement. Les Cahiers d’Ophtalmologie. 2020. Optimeo [En ligne]. Ergonomie au bureau : comment l’optimiser ? 2021 [consulté le 20 août 2023]. Disponible: https://optimeo.com/actualites/ergonomie-au-bureau-comment-loptimiser/ Pereira D, Doan S. Environnement et sécheresse oculaire. Réflexions Ophtalmologiques. 2012;17:18-20. Ehret M, Sauer A, Speeg-Schatz C, Bourcier T. Surface oculaire et pollution environnementale extérieure : revue systématisée de la littérature. J Fr Ophtalmol. 2022;45:784-802. Alves M, Novaes P, Morraye M de A, Reinach PS, Rocha EM. Is dry eye an environmental disease? Arq Bras Oftalmol. 2014;77:193-200. Uchino M, Uchino Y, Dogru M, et al. Dry eye disease and work productivity loss in visual display users : the Osaka study. Am J Ophthalmol 2014 ; 2 : 294-300 Moon JH, Lee MY, Moon NJ. Association between video display terminal use and dry eye disease in school children. J Pediatr Ophthalmol Strabismus 2014 ; 51 : 87-92 R. Tahiri Joutei Hassani, C. Baudouin, A. Denoyer. Surface Oculaire, Chapitre 3, l’Oeil Sec, 2015. V. Marek, Impact de la lumière bleue sur la surface oculaire et la nociception, 2018.