Psychologie du développement de l'enfant PDF

Document Details

DarlingDrama

Uploaded by DarlingDrama

Université Privée de Fès

Gabriela Martorell,Diane E. Papalia,Annick Bève

Tags

child development cognitive development Piaget's stages psychology

Summary

This textbook covers chapter 7 of child development, focusing on the cognitive development of children between the ages of 6 and 11. The chapter discusses Piaget's stages of cognitive development, particularly the concrete operational stage. It explains concepts like conservation, decentration, and the development of logical reasoning in children during this period. The text also explores related topics such as classification and inductive reasoning.

Full Transcript

244 CHAPITRE 7 7.2 Le développement cognitif Au l des années scolaires, le développement cognitif de l’enfant se poursuit au rythme de sa capacité grandissante de conceptuali...

244 CHAPITRE 7 7.2 Le développement cognitif Au l des années scolaires, le développement cognitif de l’enfant se poursuit au rythme de sa capacité grandissante de conceptualiser, de se concentrer, de résoudre des pro- blèmes et de mémoriser. Il aurait été impensable de demander à des enfants de mater- nelle de créer une bande dessinée, mais pour des élèves de huit ou neuf ans, comme Mise en situation, p. 236 ceux de Julie en troisième année, ce projet vient mettre à contribution plusieurs de leurs capacités cognitives. 7.2.1 Le stade des opérations concrètes de Piaget Selon Piaget, l’enfant atteint, entre cinq et sept ans, le stade des opérations concrètes, Stade des opérations concrètes ainsi nommé parce que l’enfant est désormais capable d’utiliser des opérations men- Selon Piaget, troisième stade du dé- veloppement cognitif au cours duquel tales pour résoudre des problèmes réels et concrets. Il peut en effet exécuter de l’enfant accède à une pensée logique nombreuses tâches cognitives d’un niveau largement supérieur à celui qu’il pouvait lui permettant de faire mentalement atteindre au stade préopératoire. L’enfant parvenu au stade des opérations concrètes des opérations pour résoudre des est maintenant capable de décentration, c’est-à-dire qu’il peut tenir compte de plu- problèmes concrets. sieurs aspects d’une situation plutôt que de xer son attention sur un seul aspect, comme c’était le cas au stade précédent où sa pensée était limitée par l’égocentrisme. Décentration L’enfant comprend également le caractère réversible de la plupart des opérations Capacité de considérer plusieurs aspects d’une situation. physiques. Enn, la pensée de l’enfant est beaucoup plus logique. Celui-ci comprend mieux les notions d’espace et de temps, de causalité, de catégorisation, de raisonnement inductif et déductif, et de conservation. Le tableau 7.4 donne une vue d’ensemble des concepts qui servent de points de comparaison entre les deux stades piagétiens. TABLEAU 7.4 La comparaison entre le stade préopératoire et le stade des opérations concrètes Stade préopératoire Stade des opérations concrètes* Égocentrisme Possibilité de considérer plusieurs points de vue en même temps Centration Décentration Non-conservation Conservation Irréversibilité Réversibilité Principe d’identité Raisonnement transductif Raisonnement inductif Compréhension du fait que l’identité d’un objet (sa substance, son * Le tableau 7.5 (voir la page 247) présente plus d’éléments sur les compétences associées au stade des poids, etc.) ne change pas si aucune opérations concrètes. opération (retrait ou ajout) n’est effectuée sur cet objet. La conservation Principe de réversibilité Comme nous l’avons vu dans le chapitre 5, la conservation est la capacité de com- Compréhension du fait qu’une trans- prendre que deux quantités égales restent égales, même si leur apparence est trans- formation peut se faire aussi en sens formée. Au stade des opérations concrètes, l’enfant devient capable de résoudre inverse. mentalement certains types de problèmes de conservation, et ce, sans avoir à mesu- rer ou à peser les objets. Par exemple, si l’on donne à un enfant deux boules de pâte Principe de compensation à modeler de même grosseur et que l’on façonne l’une des deux boules en forme de Compréhension du fait qu’un ajout serpent, l’enfant qui a atteint le stade des opérations concrètes, contrairement à celui dans une dimension peut être com- qui se trouve encore au stade préopératoire (voir le tableau 5.5, page 177), est mainte- pensé par un retrait dans une autre dimension. nant capable de dire que la boule et le serpent contiennent la même quantité de pâte à modeler. L’enfant comprend donc à la fois le principe d’identité (il sait que si rien n’a été ajouté ou enlevé, c’est la même boule de pâte à modeler), le principe de réver- La conservation du liquide sibilité (il sait qu’il pourrait redonner au serpent sa forme de boule) et le principe de Activité interactive compensation (le serpent est plus long, mais moins épais que la boule). Le développement physique et cognitif de l’enfant de six à onze ou douze ans 245 En général, l’enfant est capable de résoudre des problèmes de conservation de la substance semblables à celui de l’exemple précédent vers 6 ou 7 ans, mais ce n’est que vers 9 ou 10 ans qu’il peut maîtriser pleinement la conservation du poids (à savoir si, par exemple, la boule et le serpent ont le même poids). Quant à la conservation du volume (la boule et le serpent déplacent-ils la même quantité de liquide lorsqu’on les place dans un verre d’eau ?), il est rare qu’un enfant la maîtrise correctement avant l’âge de 11 ou 12 ans. Piaget nomme décalage horizontal cette inconséquence dans le développement des Décalage horizontal différents types de conservation. Avant 11 ou 12 ans, le raisonnement de l’enfant est Selon Piaget, incapacité de l’enfant tellement concret et étroitement lié à une situation particulière que celui-ci ne peut d’appliquer sa compréhension d’un appliquer immédiatement à un autre type ce qu’il a appris à propos d’un type de type de conser vation (en substance, conservation, même si les principes sous-jacents à chacun d’eux restent identiques. Si en poids ou en volume) à un autre l’on reprend l’exemple précédent, un enfant pourrait donc répondre correctement à la type. On le dit « horizontal » parce question : « Est-ce que la boule et le serpent ont la même quantité de pâte à modeler ? », qu’il se produit à la même étape de développement et que l’action mentale mais pas à la question : « Si on les plaçait dans un verre d’eau, est-ce que la boule et le n’est donc pas encore indépendante serpent déplaceraient autant d’eau ? » du contenu. Ainsi, avant de maîtriser parfaitement les différentes notions de conservation, l’enfant passe par un stade de transition durant lequel il distingue plus d’une dimension (la hau- teur, la largeur, la longueur et l’épaisseur), mais sans voir le lien qui existe entre elles. C’est lorsque l’enfant comprend bien ces notions de conservation qu’il peut alors justier logi- quement ses réponses en faisant appel à l’identité, à la réversibilité ou à la compensation. La classication La capacité de constituer des catégories aide l’enfant à penser de façon logique. La classication inclut des compétences aussi sophistiquées que la sériation, l’inférence Sériation transitive et l’inclusion des classes. L’enfant comprend le principe de sériation lors- Capacité d’ordonner des éléments qu’il est capable de classer une série d’objets suivant une ou plusieurs dimensions selon une ou plusieurs dimensions. telles que le poids (du plus léger au plus lourd) ou la couleur (du plus clair au plus foncé), ce qu’il commençait à pouvoir faire vers la n du stade préopératoire. L’infé- Inférence transitive Compréhension de la relation qui rence transitive renvoie, quant à elle, à la capacité de reconnaître une relation entre existe entre deux objets, basée sur la deux objets si l’on connaît la relation existante entre chacun d’eux et un troisième connaissance de la relation qu’entre- objet. Par exemple, si l’on montre d’abord à Catherine un bâtonnet rouge qui est tient chaque objet avec un objet tiers. plus long qu’un bâtonnet vert, puis que ce bâtonnet vert est plus long qu’un bâton- net bleu, celle-ci sera capable d’en déduire, sans même comparer physiquement les Inclusion des classes bâtonnets rouge et bleu, que le bâtonnet rouge est plus long que le bleu. L’inclusion Compréhension de la relation qui des classes renvoie enn à la capacité de saisir la relation qui existe entre un tout et existe entre un tout et ses différentes parties. ses différentes parties. Selon Piaget (1964), si l’on montre un bouquet de 10 eurs – 7 roses et 3 œillets – à un enfant du stade préopératoire et qu’on lui demande si le bouquet compte plus de roses ou plus de eurs, il risque fort de répondre qu’il compte plus de roses, car il compare alors les roses et les œillets et non les roses et l’ensemble des eurs du bouquet. Ce n’est qu’au stade des opérations concrètes que l’enfant peut réaliser que les roses représentent une sous-classe de eurs et que, pour cette raison, il ne peut y avoir plus de roses que de eurs dans le bouquet (Flavell, Miller et Miller, 2002). Cette compréhension de l’inclusion des classes est étroitement liée aux L’inclusion des classes raisonnements inductif et déductif. Le raisonnement inductif et le raisonnement déductif Nous avons vu dans le chapitre 5 qu’au stade préopératoire, l’enfant utilisait un rai- sonnement transductif, c’est-à-dire un raisonnement qui n’était ni inductif ni déduc- Raisonnement inductif tif. Selon Piaget, au stade des opérations concrètes, l’enfant utilise désormais un Type de raisonnement logique qui par t raisonnement inductif grâce auquel il peut, à partir d’observations particulières sur d’obser vations particulières sur un ou certains membres d’une classe d’individus, d’animaux ou d’objets, tirer des conclu- des membres d’une classe pour en sions générales sur l’ensemble de la classe. Par exemple, Caroline constate que son arriver à une conclusion générale au sujet de cette classe. chien aboie et que le chien de son voisin aboie aussi. Elle en conclut que tous les 246 CHAPITRE 7 chiens aboient. Les conclusions inductives ne sont pas dénitives, car il est toujours possible de recevoir une nouvelle information qui va à l’encontre de celles-ci (un chien qui n’aboie pas). Par ailleurs, le raisonnement déductif ne se développerait, selon Piaget, qu’à l’adoles- Raisonnement déductif cence. Ce raisonnement se construit à partir d’une afrmation générale sur une classe Type de raisonnement logique qui part d’une prémisse générale au sujet (ou prémisse) appliquée ensuite à tous les membres de cette classe. Si la prémisse est d’une classe pour tirer une conclusion vraie pour l’ensemble de la classe et que le raisonnement est sensé, alors la conclusion sur un membre ou des membres parti- est vraie elle aussi. Par exemple, si l’afrmation générale « Tous les chiens aboient » est culiers de cette classe. vraie et qu’on reconnaît que Frimousse est un chien, on peut donc conclure que Frimousse aboie. Des chercheurs ont donné à résoudre des problèmes inductifs et déductifs à des enfants de la maternelle à la sixième année. Ces problèmes étaient conçus de manière à ne pas faire référence à des connaissances du monde réel. Les enfants de deuxième année, mais pas ceux de la maternelle, ont été capables de résoudre correctement les deux types de problèmes et de justier leurs réponses (Pillow, 2002). Ainsi, avec des tests appropriés à l’âge des enfants, on constate que le développement du raisonne- ment inductif et du raisonnement déductif se produit plus tôt que Piaget ne le croyait. Les relations spatiales Pourquoi un enfant de six ou sept ans peut-il reconnaître le trajet qu’il doit faire pour aller et revenir de l’école, alors qu’un enfant plus jeune en est incapable ? L’une des rai- sons est que les enfants sont plus aptes à comprendre les relations spatiales lorsqu’ils atteignent le stade des opérations concrètes. L’enfant a alors une idée plus claire de la distance qui sépare un endroit d’un autre (sa maison et celle d’un ami, par exemple) et du temps nécessaire pour parcourir cette distance. Il peut aussi se souvenir plus facilement du parcours et des points de repère qui le jalonnent. L’expérience joue éga- lement un rôle dans ce développement des relations spatiales. En effet, un enfant qui se rend à l’école à pied se familiarise plus facilement avec l’environnement qui entoure sa maison. La capacité d’utiliser des cartes et des plans et celle de communiquer des informa- tions spatiales augmentent par ailleurs avec l’âge. Ainsi, un enfant de six ans aura plus de difculté à donner à quelqu’un des indications précises pour trouver un objet caché parce qu’il ne dispose pas encore de tout le vocabulaire approprié ou qu’il ne perçoit pas toute l’information dont son interlocuteur a besoin. Les nombres et les mathématiques Vers six ou sept ans, la plupart des enfants sont capables de compter dans leur tête. Ils peuvent aussi compter « à partir de… ». Par exemple, pour additionner les nombres 5 et 3, ils peuvent commencer à compter à partir de 5 et additionner 3 en continuant de compter jusqu’à 8 (5, 6, 7 et 8). Deux ou trois ans de plus sont parfois nécessaires pour qu’ils parviennent ensuite à faire la même chose avec les soustractions, mais vers neuf ans, la plupart des enfants en sont capables. Ils peuvent aussi devenir des champions dans la résolution de problèmes simples pré- sentés sous forme d’histoire, du type : « Félix est allé au magasin du coin avec un billet de 5 $ et il a dépensé 2 $ en bonbons. Combien d’argent lui reste-t-il ? » Par contre, lorsque le même problème est présenté un peu différemment (« Félix est allé au maga- sin du coin et a dépensé 2 $. Il lui reste 3 $. Combien d’argent avait-il en arrivant ? »), la résolution devient plus difcile pour eux parce que l’opération qu’il leur faut faire (l’addition) n’est pas, cette fois, clairement indiquée. Peu d’enfants peuvent résoudre La résolution de problèmes ce genre de problèmes avant l’âge de huit ou neuf ans (Resnick, 1989). Des enfants peuvent résoudre certains problèmes mathématiques dans la vie de Des recherches portant sur des personnes peu scolarisées démontrent par ailleurs que tous les jours, même s’ils ont de la dif- la capacité de faire des opérations mentales se développe de manière quasi universelle, culté à le faire dans un contexte scolaire. et souvent intuitivement, par l’entremise d’expériences concrètes liées au contexte Le développement physique et cognitif de l’enfant de six à onze ou douze ans 247 culturel (Guberman, 1996). Ces procédures intuitives sont alors différentes de celles enseignées à l’école. Par exemple, si l’on demande à des enfants brésiliens de 9 à 15 ans qui vendent des melons dans la rue à 40 cruzeiros la pièce : « J’achète 2 melons et je paie avec un billet de 500 cruzeiros. Combien me revient-il ? », les enfants sont capables de compter à partir de 80 (40 + 40), de monter de 10 en 10 (80-90-100, etc.) et de rendre 420 cruzeiros. Toutefois, quand on présente à ces mêmes enfants des problèmes similaires en classe (« Combien font 500 moins 80 ? »), ils peuvent alors, en utilisant incorrectement une série d’étapes apprises à l’école, donner une mauvaise réponse. Ces résultats démontrent qu’il est plus efcace d’enseigner les mathéma- tiques au moyen d’applications concrètes qu’à partir de règles abstraites. Un résumé des compétences cognitives dont nous venons de parler est présenté dans le tableau 7.5. TABLEAU 7.5 Les compétences cognitives au stade des opérations concrètes (selon Piaget) Compétence Dénition Exemple Décentration Capacité de considérer plusieurs aspects d’une situation. Ramzi sait que si ses bonbons sont rassemblés au creux de sa main, il en a autant que sa sœur qui les a répandus sur la table. Conservation Capacité de comprendre que deux quantités égales restent égales, À sept ans, Philippe sait qu’une boule de pâte à modeler contient malgré leur transformation apparente. toujours la même quantité de pâte à modeler une fois roulée en serpent (conservation de la substance). À neuf ans, il sait que la boule et le serpent ont le même poids (conservation du poids). Toutefois, ce n’est que vers 11 ans qu’il comprendra que la boule et le serpent déplacent le même volume de liquide s’ils sont plongés dans l’eau (conservation du volume). Principe d’identité Compréhension du fait que l’identité d’un objet (sa substance, son Olivia comprend qu’un verre de lait qu’on transvase dans un autre poids, etc.) ne change pas si aucune opération (retrait ou ajout) contenant contient toujours la même quantité de lait, puisqu’on n’a n’est effectuée sur cet objet. rien enlevé ou ajouté. Principe de Compréhension du fait qu’une transformation peut aussi se faire en Olivia comprend qu’un verre de lait qu’on transvase dans un réversibilité sens inverse. autre contenant contient toujours la même quantité de lait. Elle le démontre en le reversant dans le premier contenant. Principe de Compréhension du fait qu’un ajout dans une dimension peut être Olivia comprend qu’un verre de lait qu’on transvase dans un autre compensation compensé par un retrait dans une autre dimension. contenant contient toujours la même quantité de lait parce que si le second contenant est plus haut, il est plus étroit. Sériation Capacité d’ordonner des éléments selon une ou plusieurs Noémie est capable de trier des objets par catégorie de forme, dimensions. de couleur ou les deux. Inclusion des classes Compréhension de la relation qui existe entre un tout et ses Siena sait qu’une sous-catégorie (les roses) compte moins différentes parties. d’éléments que la classe d’objets dont elle fait partie (les eurs). Inférence transitive Compréhension de la relation qui existe entre deux objets, basée sur Catherine sait que si un bâtonnet est plus long que le deuxième et la connaissance de la relation qu’entretient chaque objet avec un que le deuxième bâtonnet est plus long que le troisième, alors le troisième objet. premier bâtonnet est forcément plus long que le troisième. Raisonnement Type de raisonnement logique qui part d’observations particulières Gabrielle constate que son chat refuse d’aller dans la piscine et que inductif sur des membres d’une classe pour les généraliser en une celui de Nathan contourne les aques d’eau. Elle en conclut que les conclusion au sujet de cette classe. chats n’aiment pas l’eau. Raisonnement Type de raisonnement logique qui part d’une prémisse générale au On a dit à Darius que tous les médecins sont allés à l’université. Le déductif sujet d’une classe pour tirer une conclusion sur un membre ou des papa de son ami est médecin. Il en conclut que ce dernier est allé membres particuliers de cette classe. à l’université. Pensée spatiale Capacité de comprendre les relations spatiales, de situer les objets Danielle peut utiliser une carte ou un plan pour trouver un objet les uns par rapport aux autres, d’évaluer les distances, de penser caché et elle peut aussi donner les indications nécessaires pour aux étapes d’un parcours. le trouver. Opérations Capacité de résoudre des problèmes mathématiques. Kevin peut compter dans sa tête ; il peut additionner en comptant mathématiques à partir du chiffre le plus petit et résoudre des problèmes simples formulés sous la forme d’histoires. 248 CHAPITRE 7 7.2.2 La transition vers le stade des opérations formelles Les adolescents atteignent ce que Piaget appelle « le niveau le plus élevé de dévelop- Stade des opérations formelles ou stade formel pement cognitif », soit le stade des opérations formelles ou stade formel, lorsqu’ils Selon Piaget, quatrième et dernier possèdent la capacité de penser de façon abstraite. Ce développement, qui se produit stade du développement cognitif généralement vers l’âge de 12 ans, leur permet de traiter de l’information plus complexe (12 ans et plus) au cours duquel l’in- avec davantage de souplesse. L’adolescent est dorénavant capable de se détacher des dividu acquier t la capacité de penser situations qu’il a déjà expérimentées dans la réalité pour envisager de multiples pos- abstraitement. sibilités. Il peut utiliser des symboles pour en représenter d’autres. Il peut mainte- nant, par exemple, apprendre l’algèbre parce qu’il est capable d’utiliser la lettre x pour Raisonnement hypothético- représenter un chiffre inconnu. Il est aussi plus en mesure d’apprécier les métaphores déductif Selon Piaget, capacité d’élaborer, et les allégories, et donc de trouver des signications plus riches dans la littérature. d’envisager et de tester des Enn, l’adolescent est désormais capable de raisonnement hypothético-déductif : il hypothèses qui peuvent porter sur peut concevoir une hypothèse et planier une expérience pour la vérier systémati- des objets ou sur des situations issus quement. Le raisonnement hypothético-déductif est donc un outil qui permet à l’ado- du monde réel ou non. Ce type de lescent de résoudre différents problèmes, qu’il s’agisse de réparer sa bicyclette ou raisonnement est caractéristique d’élaborer une théorie politique. de la pensée au stade formel. Les inuences du développement neurologique et de la culture Piaget considérait que le passage de la pensée rigide et illogique des jeunes enfants à la pensée exible et logique des enfants plus âgés dépendait à la fois de la maturation neurologique et de l’adaptation à l’environnement. Cette existence d’une inuence neu- rologique a été démontrée par des mesures de l’activité du cerveau prises durant une tâche de conservation : les enfants qui avaient acquis la conservation du volume mon- traient des rythmes cérébraux différents de ceux qui ne l’avaient pas encore acquise, ce qui laisse penser qu’ils utilisaient différentes régions du cerveau pour accomplir la même tâche (Stauder, Molenaar et Van der Molen, 1993). Des habiletés telles que la conservation peuvent également dépendre en partie de la familiarité que les enfants ont avec les matériaux manipulés. En effet, les enfants peuvent raisonner plus logiquement lorsqu’ils le font à partir d’objets qu’ils connaissent déjà. Ainsi, des enfants mexicains qui s’adonnent à la poterie depuis leur jeune âge com- prennent qu’un rouleau d’argile façonné à partir d’une boule contient toujours la même quantité d’argile qu’au départ. Ces enfants montrent qu’ils maîtrisent la conservation de la substance plus tôt que les autres formes de conservation (Broude, 1995). Cette compréhension de la conservation ne viendrait donc pas uniquement de nouveaux modèles d’organisation mentale, mais elle pourrait aussi dépendre de l’expérience avec le monde physique. 7.2.3 Le raisonnement moral Le raisonnement moral selon Piaget Pour saisir le raisonnement moral des enfants, Piaget (1932) leur racontait l’his- toire suivante : « Il était une fois deux petits garçons. Un jour, Antoine remarque que l’encrier de son père est vide et décide de le remplir pour lui rendre service (à cette époque, un encrier était un objet courant). En ouvrant la bouteille, il la renverse et fait une grande tache d’encre sur la nappe. Julien, lui, joue avec l’encrier de son père, même en sachant que c’est interdit, et fait une petite tache sur la nappe. » Piaget demandait alors aux enfants : « Qui, des deux garçons, est le plus désobéissant et pourquoi ? » Jusqu’à l’âge de sept ans environ, l’enfant est porté à considérer qu’Antoine est le Le raisonnement moral plus coupable des deux garçons, puisqu’il a fait la plus grande tache. Cependant, l’en- La façon dont un enfant évaluera la fant plus âgé reconnaît l’intention louable derrière le geste d’Antoine et considère faute dépend en grande partie de son que la petite tache faite par Julien découle d’une action qu’il n’aurait pas dû faire. développement cognitif. Pour Piaget, les jugements moraux immatures sont centrés sur un seul aspect, soit sur Le développement physique et cognitif de l’enfant de six à onze ou douze ans 249 l’importance de la faute, et ils font donc preuve d’égocentrisme. Par contre, les juge- ments plus matures tiennent compte de l’intention de celui qui pose l’action. Selon Piaget, le raisonnement moral se développe en trois stades (voir le tableau 7.6 ) et suit le développement cognitif (Piaget, 1932 ; Piaget et Inhelder, 1969), une idée qui sera reprise par Kohlberg, comme nous le verrons dans la section suivante. TABLEAU 7.6 L’évolution du raisonnement moral chez les enfants (selon Piaget) Âge et stade Aspect principal Description Exemple piagétien De 2 à 7 ans (stade Basé sur L’enfant croit que les règles sont Maman a dit à Éva, cinq ans, qu’il ne faut pas écla- préopératoire) l’obéissance à dictées par une autorité adulte et que bousser partout lorsqu’elle prend son bain. Son petit Stade 1 l’autorité toute offense mérite une punition. frère s’amuse dans le bain avec un contenant et, par accident, il le renverse sur le plancher. Éva croit qu’il mérite une punition. De 7 ou 8 ans à 10 ou Basé sur le respect L’enfant développe un code moral Tom a sept ans. En voulant l’aider à grimper dans 11 ans (stade des et la coopération basé sur la justice et un traitement un arbre, son ami échappe sa main, et Tom tombe Stade 2 opérations concrètes) égal pour tous. Il prend en considéra- rudement par terre. Tom n’en veut pas à son ami parce tion l’intentionnalité de l’acte. qu’il sait que ce dernier essayait de l’aider. Débute vers 11 ou Basé sur l’équité L’enfant remplace la notion d’égalité Mégane prend les crayons pastel de sa grande sœur 12 ans avec le rai- par la notion d’équité. Il prend en Luce, sans permission, et elle convainc ensuite son Stade 3 sonnement formel considération les circonstances petit frère de les utiliser avec elle. Luce, la grande sœur, particulières. considère que Mégane est la plus fautive, puisqu’elle est la plus âgée et l’instigatrice du méfait. Le premier stade, qui s’étend environ de deux à sept ans (ce qui correspond au stade préopératoire), est basé sur l’obéissance stricte à l’autorité. Pour l’enfant, un compor- tement ne peut être que bon ou mauvais. Comme il est égocentrique, il ne peut conce- voir qu’il y ait plus d’une façon de considérer une question morale. Il croit que les règles dictées par une autorité adulte ne peuvent être modiées et que toute offense, quelle que soit l’intention de départ, mérite une punition. Le deuxième stade, qui dure de l’âge de 7 ou 8 ans à 10 ou 11 ans environ (ce qui corres- pond à peu près au stade des opérations concrètes), se caractérise par une souplesse croissante dans le raisonnement moral. À mesure que l’enfant multiplie ses interac- tions avec ses pairs et les adultes de son entourage, il découvre un éventail de plus en plus large de points de vue et commence alors à penser de façon moins égocentrique. L’enfant en vient ainsi à rejeter peu à peu l’idée d’un code moral unique et absolu, et il commence à développer son propre sens de la justice, un sens fondé sur l’impartialité, c’est-à-dire sur un traitement égal pour tous. Parce qu’il peut maintenant considérer plus d’un aspect dans une même situation, il peut poser des jugements moraux plus subtils et prendre en considération l’intentionnalité de l’acte. Le troisième stade commence lorsque l’enfant devient capable de raisonnement for- mel, c’est-à-dire vers l’âge de 11 ou 12 ans. À ce stade, la notion d’égalité prend une signication différente pour l’enfant : la croyance que tous doivent être traités de façon égale est graduellement remplacée par la notion d’équité, et donc par la prise en compte de circonstances particulières. Ainsi, pour l’enfant plus âgé, un tout-petit de 2 ans qui renverse de l’encre ne devrait pas être traité de la même façon qu’un enfant de 10 ans qui agit ainsi. Les études de Piaget semblent soutenir l’idée que le raisonnement moral des enfants progresse généralement de cette manière. Toutefois, des recherches récentes sug- gèrent que le raisonnement moral des jeunes enfants est plus nuancé. Par exemple, on a demandé à des enfants de trois à huit ans d’évaluer une action accidentelle en faisant varier l’intention, la négligence et le résultat. La négligence – le fait que les 250 CHAPITRE 7 gens prévoient ou non les conséquences de leurs actes – a aussi une inuence sur le blâme qu’un enfant va donner. Quand la négligence est prise en considération, les jeunes enfants ne s’attardent pas seulement aux résultats de l’action, mais ils sont plus susceptibles de considérer les intentions, et leur jugement à propos de la punition res- semble davantage à celui des adultes (Nobes, Panagiotaki et Pawson, 2009). Le raisonnement moral selon Kohlberg Inuencé par les travaux de Piaget, Kohlberg avance que le développement cogni- tif constitue la base du développement moral et permet d’expliquer les différentes formes de raisonnement moral qui commencent à se former dès l’enfance. Pour éva- luer ces raisonnements moraux, Kohlberg a conçu des dilemmes moraux qui met- taient en scène le concept de justice. Il soumettait d’abord ces dilemmes à des enfants de 10 ans, qu’il interrogeait à nouveau pendant une période de 30 ans. Dans la théorie de Kohlberg, c’est le raisonnement qui sous-tend la réponse d’une personne à un dilemme moral qui détermine son niveau de développement moral, et non la réponse en soi. Ses études l’ont amené à dénir les différents niveaux et stades du raisonnement moral qui sont présentés dans le tableau 7.7. 7.2.4 La théorie du traitement de l’information : le développement de la mémoire À mesure que les enfants avancent dans leur scolarité, ils réalisent des progrès constants quant à leur capacité de soutenir leur attention, de traiter et de retenir l’in- formation, ainsi que de planier et de maîtriser leur comportement. Tous ces pro- grès sont interreliés : ils font partie des fonctions exécutives, un système conscient de contrôle des pensées, des émotions et des actions permettant d’atteindre un but ou de résoudre des problèmes, comme nous l’avons déjà vu dans le chapitre 5. Au fur et à mesure que leurs connaissances augmentent, les enfants d’âge scolaire deviennent donc plus conscients du type d’information auquel il faut porter attention et qu’il faut retenir. De plus, ils comprennent mieux comment fonctionne la mémoire, ce qui les rend aptes à utiliser des stratégies pouvant les aider à se rappeler une information. Le développement des fonctions exécutives De l’enfance à l’adolescence, le développement graduel des fonctions exécutives accompagne celui du cerveau, en particulier du cortex préfrontal, la région qui per- met la planication, le jugement et la prise de décision (Lamm, Zelazo et Lewis, 2006). À mesure que les synapses non utilisées se trouvent éliminées et que les connexions sont myélinisées, la vitesse de traitement de l’information – habituellement mesurée par le temps de réaction – s’améliore de façon importante (Camarata et Woodcock, 2006). Ce traitement plus rapide et plus efcace augmente la quantité d’informations que les enfants peuvent conserver dans leur mémoire de travail, et il permet une pen- sée plus complexe et mieux orientée vers un objectif. La capacité de la mémoire de travail d’un enfant, nécessaire pour emmagasiner l’in- formation, inue directement sur sa réussite scolaire. Les enfants qui possèdent une faible mémoire de travail ont de la difculté à suivre des activités d’apprentissage structurées et à comprendre de longues instructions. Une équipe de recherche bri- tannique a développé un outil servant à mesurer la capacité de mémoire en classe ; les chercheurs ont trouvé qu’au moins 10 % des enfants d’âge scolaire présentent une faible mémoire de travail (Alloway et al., 2009). Les enfants d’âge scolaire acquièrent également des habiletés de planication en L’attention sélective prenant des décisions dans leurs activités quotidiennes, les pratiques parentales Cet enfant peut rester concentré malgré inuençant le rythme auquel ils peuvent le faire. Une étude a ainsi montré que, entre le brouhaha de la rue. la deuxième et la quatrième année scolaire, les parents laissaient graduellement à Le développement physique et cognitif de l’enfant de six à onze ou douze ans 251 TABLEAU 7.7 Les six stades du raisonnement moral (selon Kohlberg) Niveau Stade de raisonnement Exemple Niveau I : morale pré­ Stade 1 : orientation vers la punition et l’obéissance Andrew, un adolescent qui vient d’acheter sa conventionnelle L’individu se conforme aux règles pour éviter d’être puni. Il ignore les mobiles première voiture, respecte les limites de vitesse (de 4 à 10 ans) d’un acte et ne considère que sa forme physique (comme l’importance d’un pour ne pas perdre son permis probatoire. mensonge) ou ses conséquences (l’ampleur des dégâts). Que va-t-il m’arriver ? Stade 2 : orientation vers l’objectif et l’échange La première fois que son père lui a prêté sa voiture, L’individu se conforme aux règles par intérêt personnel et en fonction de ce Andrew est revenu à l’heure convenue même s’il que les autres peuvent faire pour lui. Il juge une action d’après les besoins avait envie de rester avec ses amis parce qu’il humains auxquels elle répond et distingue cette valeur de la forme physique voulait pouvoir la lui emprunter de nouveau. et des conséquences de l’action. Que vais-je avoir en retour ? Niveau II : morale Stade 3 : maintien des bonnes relations et obtention de l’approbation des autres Andrew, un adolescent qui vient d’acheter sa conventionnelle L’individu cherche à plaire aux autres, à les aider ; il peut juger des intentions première voiture, conduit vite pour impressionner (de 10 à 13 ans et plus) des autres et se faire sa propre idée de ce qu’est une bonne personne. ses amis. Il évalue un acte selon le motif ou la personne qui l’accomplit et il peut tenir compte des circonstances. Suis-je une bonne personne ? Stade 4 : préoccupation et conscience sociales Andrew, un adolescent qui vient d’acheter sa L’individu veut remplir son devoir, respecter l’autorité et préserver l’ordre social. première voiture, ne conduit jamais lorsque son Pour lui, tout acte qui viole un règlement ou qui nuit aux autres est mauvais, taux d’alcoolémie dépasse la limite permise même peu importe le motif et les circonstances. lorsqu’il se sent en état de conduire, parce qu’il Et si tout le monde en faisait autant ? comprend que les routes ne seraient pas sécuri­ taires si chacun se ait à son jugement personnel. Niveau III : morale post­ Stade 5 : moralité du contrat, des droits individuels et de la loi acceptée Andrew, un adolescent qui vient d’acheter sa conventionnelle démocratiquement première voiture, aime s’inscrire à des courses sur (début de l’adolescence, L’individu pense selon des critères rationnels, en attribuant de la valeur à des circuits fermés pour satisfaire son désir de début de l’âge adulte ou ce que veut la majorité et au bien-être de la société. Il considère générale- rouler vite parce qu’il comprend que même s’il est jamais) ment que le respect des lois est nécessaire pour protéger ces valeurs. Même un bon conducteur, il ne peut adopter une telle s’il reconnaît qu’il peut arriver que des conits existent entre les besoins de conduite sur la route sans prendre le risque de se l’individu et la loi, il estime qu’à long terme, il est dans l’intérêt de la société rendre responsable d’un accident. de se conformer aux lois. La loi, c’est la loi, et pour le bien commun, elle doit être respectée. Stade 6 : moralité des principes éthiques universels Andrew, un adolescent qui vient d’acheter sa L’individu fait ce qu’il considère personnellement être bien, sans tenir compte première voiture, roule toujours bien en dessous des contraintes légales ni de l’opinion des autres. Il agit conformément à des de la limite de vitesse lorsqu’il tourne dans sa principes intériorisés, sachant qu’il se condamnerait lui-même s’il ne le rue parce qu’il sait que des enfants s’y trouvent faisait pas. souvent pour jouer. Ce que je fais favorise-t-il le bien-être collectif ? Sources : Adapté de Kohlberg (1969) ; Lickona (1976). l’enfant la responsabilité de planier ses activités informelles. À la suite de ce chan- gement, les enfants manifestaient leur capacité d’une meilleure planication de leur travail scolaire (Gauvain et Perez, 2005). L’attention sélective À l’âge scolaire, l’enfant peut se concentrer plus longtemps qu’auparavant, en plus de pouvoir se centrer sur l’information dont il a besoin, en ltrant celle qui est non pertinente pour lui, comme Rose et Alicia, qui se concentrent sur leurs dessins mal- gré le brouhaha de la classe. C’est aussi grâce à l’attention sélective qu’un enfant Mise en situation, p. 236 peut inférer la signication approximative d’un mot qu’il lit et supprimer les autres 252 CHAPITRE 7 signications qui ne sont pas appropriées au contexte. Ces progrès dans l’attention Attention sélective sélective, qui désigne l’habileté d’une personne à diriger consciemment son atten- Habileté à diriger consciemment son attention. tion, pourraient, encore ici, dépendre du développement des fonctions exécutives (Luna et al., 2004). Cette augmentation de l’attention sélective, qui est liée à la matu- ration neurologique, permet d’expliquer pourquoi la mémoire s’améliore durant la scolarité. En effet, les enfants plus vieux font moins d’erreurs de rappel que les plus jeunes ; ils sont désormais capables de sélectionner ce qu’ils veulent retenir et ce qu’ils peuvent oublier. La métamémoire et les stratégies mnémoniques De cinq à sept ans, les lobes frontaux subissent une réorganisation majeure. Ces modi- Métamémoire cations rendent possible l’amélioration de la métamémoire , qui permet à l’enfant Connaissance du fonctionnement de la mémoire. plus âgé d’utiliser des stratégies mnémoniques (Janowsky et Carper, 1996). Les élèves de maternelle, comme ceux de première année, savent qu’on se souvient Stratégie mnémonique mieux d’une matière si on l’étudie plus longtemps. Ils savent aussi que les gens Truc pratique utilisé pour faciliter oublient des choses avec le temps, qu’il est plus facile de se rappeler un événement la mémorisation. inattendu qu’un événement routinier et que certains petits trucs peuvent faciliter le rappel. C’est pourquoi il n’est pas surprenant que, dans la mise en situation de ce Mise en situation, p. 236 chapitre, la petite Mélodie, qui est en troisième année, puisse utiliser des stratégies pour ne rien oublier. La stratégie mnémonique la plus connue des enfants et des adultes s’appuie sur l’uti- Répétition lisation d’aide-mémoire externes. Noter un numéro de téléphone, faire une liste ou Stratégie mnémonique qui consiste à redire sans cesse une information pour employer une minuterie sont des exemples d’aide-mémoire externes : le rappel vient ne pas l’oublier. ici d’une source autre que la personne elle-même. Les autres stratégies mnémoniques les plus utilisées sont la répétition, l’organisation et l’élaboration. Organisation La répétition consiste, par exemple, à réciter sans cesse un numéro de téléphone Stratégie mnémonique qui consiste à placer mentalement une information pour ne pas l’oublier, alors que l’organisation renvoie au classement mental de l’in- dans une catégorie. formation dans une catégorie précise (les animaux, les vêtements, les fruits, etc.) an de la retrouver plus rapidement. Enn, l’élaboration revient à associer une Élaboration information à d’autres éléments, par exemple en inventant une histoire. Pour se sou- Stratégie mnémonique qui consiste à venir d’apporter sa brosse à dents, ses patins, son casque et son livre, un enfant associer à quelque chose les éléments pourrait s’imaginer en train de patiner avec un livre et une brosse à dents en équi- à mémoriser. libre sur son casque. Le tableau 7.8 présente ces quelques stratégies mnémoniques couramment utilisées par les enfants de 6 à 12 ans. Le traitement de l’information et les tâches de conservation de Piaget Les améliorations dans le traitement de l’information peuvent expliquer les pro- grès réalisés par l’enfant au stade opératoire concret, tels que décrits par Piaget. En effet, comme nous l’avons vu, un enfant de neuf ans est, par exemple, plus en mesure de connaître son chemin pour aller à l’école et en revenir parce qu’il peut embrasser toute une scène du regard, en relever les éléments importants et se sou- venir dans l’ordre de certains détails pour s’en faire des points de repère (Allen et Ondracek, 1995). Les progrès de la mémoire peuvent par ailleurs contribuer à la maîtrise des tâches de conservation. La mémoire de travail du jeune enfant est tellement limitée que, même s’il maîtrisait le concept de conservation, il pourrait être incapable de se souvenir de toute l’information pertinente. Il pourrait, par exemple, oublier que deux formes différentes en pâte à modeler étaient identiques au départ. Or, selon Case (1992), dès l’instant où l’enfant parvient à appliquer un concept ou un schème de façon plus automatique, de l’espace serait libéré dans sa mémoire de travail, ce qui permettrait alors le traitement d’une nouvelle information. Ce processus expliquerait pourquoi les enfants ne maîtrisent pas tous les types de conservation en même temps : il faudrait Le développement physique et cognitif de l’enfant de six à onze ou douze ans 253 TABLEAU 7.8 Quelques stratégies de mémorisation utilisées de 6 à 12 ans Stratégie Dénition Place dans le développement Exemple Aide-mémoire Utiliser une aide extérieure. L’enfant de cinq ou six ans peut recourir à Jade note dans son agenda scolaire qu’elle doit apporter un jeu externe cette stratégie si on le guide, mais celui de de cartes pour son cours de mathématiques du lendemain. huit ans peut penser à le faire par lui-même. Répétition Répéter de manière L’enfant de six ans peut apprendre à An de mémoriser ses tables de multiplication, Zacharie les récite consciente. l’utiliser et il le fera spontanément vers l’âge l’une après l’autre plusieurs fois. de sept ans. Organisation Regrouper par catégories. La plupart des enfants ne l’utilisent pas En préparant ses bagages pour la semaine qu’elle passera chez avant l’âge de 10 ans, mais on peut tout son père, Alice pense aux activités qu’elle voudra sans doute de même leur enseigner à le faire quand ils faire : elle aura besoin de son matériel de peinture, de ses vête- sont un peu plus jeunes. ments pour le soccer et de tout ce qu’il faut pour la réalisation de son projet en sciences. Élaboration Associer à autre chose les Les enfants plus âgés sont les plus sus- Au cours d’une sortie au Jardin botanique, Johanna essaie de éléments à retenir. ceptibles de recourir spontanément à cette retenir le nom des eurs qu’elle découvre en les associant aux stratégie et ils se rappellent d’ailleurs mieux noms de ses amies. lorsqu’ils font leur propre élaboration. Les Pour se rappeler les exceptions du pluriel des noms en « ou », plus jeunes, eux, se souviennent davantage Karim mémorise la phrase suivante : « Viens mon chou, mon bijou, lorsque quelqu’un le fait pour eux. mon joujou, sur mes genoux, et jette des cailloux à ce hibou plein de poux. » d’abord que l’enfant soit sufsamment à l’aise avec un premier type de conservation (par exemple, la conservation de la substance) et capable de l’utiliser de façon auto- matique pour qu’il puisse ensuite étendre et adapter ce schème à d’autres types de conservation. Ce sont tous ces progrès cognitifs qui vont aider l’enfant dans ses apprentissages scolaires et favoriser sa réussite. Plusieurs chercheurs se sont donc demandé si l’on pouvait réussir à prédire la réussite scolaire des enfants. Cette interrogation a alors donné lieu à l’apparition des tests d’intelligence destinés à mesurer le quotient intellectuel (QI). 7.2.5 L’approche psychométrique : l’évaluation de l’intelligence L’intelligence des enfants peut être mesurée à l’aide de nombreux tests qui sont vali- dés par des mesures de connaissances semblables à celles utilisées pour les examens scolaires. Le WISC (Wechsler Intelligence Scale for Children) est le test individuel pour les enfants le plus utilisé dans le monde. Il a été conçu pour les enfants de 6 à 16 ans et permet de mesurer des habiletés verbales et non verbales. Il existe un WISC-V qui a été adapté pour les francophones du Canada en 2015. La distribution des scores de QI ou quotient intellectuel dans la population suit la QI ou quotient intellectuel courbe normale. Par convention, la moyenne des tests d’intelligence est un QI de 100, Mesure qui résulte d’un test avec une déviation standard de 15. Cela signie donc qu’environ 33 % d’une population d’intelligence. Par convention, la afche un QI se situant entre 85 et 115, et 95 %, entre 70 et 130. Ainsi, 5 % des individus moyenne dans la population est de 100, se trouvent aux extrémités de la courbe : ceux qui ont une décience intellectuelle avec une déviation standard de 15. (2,5 %) et ceux qui sont très doués (2,5 %). Nous reparlerons de la douance plus loin dans ce chapitre. Courbe normale Courbe de distribution de données, en forme de cloche, selon la loi normale, La controverse au sujet des tests d’intelligence ce qui veut dire que les données sont Les résultats obtenus à des tests d’intelligence ou de QI à l’âge scolaire sont de bons réparties symétriquement autour de indicateurs de la réussite scolaire, surtout chez les enfants qui possèdent des apti- la moyenne. tudes verbales très développées. On a en outre découvert que le score obtenu à un test d’intelligence effectué à 11 ans permettait de prévoir l’indépendance fonctionnelle durant la vieillesse et la présence ou l’absence de démence (Whalley et Deary, 2001). 254 CHAPITRE 7 Toutefois, l’utilisation de ces tests demeure très controversée. MYTHE OU RÉALITÉ Plusieurs de leurs détracteurs prétendent qu’ils sous-estiment notamment le degré d’intelligence des enfants qui sont en mau- Les résultats obtenus aux tests d’intelligence proposés vaise santé ou qui travaillent lentement, car la vitesse d’exécu - sur Internet et dans les revues populaires sont ables. tion est un élément important de la réussite du test (Sternberg, Faux. Ces tests ne sont pas normalisés sur un échantillon 2004). On reproche surtout à ces tests de ne pas mesurer directe- représentatif de la population, et leur validité peut être remise ment l’habileté innée, mais de juger plutôt l’intelligence par rap- en question. Ils ne peuvent pas vous donner une bonne éva­ port aux connaissances de l’enfant, c’est-à-dire principalement à luation de votre niveau intellectuel. partir de ce qu’il a appris à l’école ou dans son milieu culturel, sans tenir compte des autres caractéristiques importantes du comportement intelligent. En effet, d’autres habiletés comme le bon sens, l’intuition créatrice, les habiletés sociales ou la connaissance de soi ne sont pas mesurées par les tests d’intelligence, même si elles sont tout aussi impor - tantes dans la vie et qu’elles peuvent même être considérées comme des formes différentes d’intelligence. Par ailleurs, l’appartenance ethnique peut inuencer le développement de l’intelligence. Ainsi, aux États-Unis, avant 1990, les résultats obtenus par les enfants noirs aux tests de QI étaient en moyenne de 15 points inférieurs à ceux des enfants blancs, mais cet écart s’est depuis résorbé, puisqu’il n’est plus que de 4 à 7 points (Dickens et Flynn, 2006). Qu’est-ce qui pourrait expliquer ces différences de résultats ? Certains chercheurs ont avancé qu’un facteur génétique important pouvait être en cause (Jensen, 1969 ; Rushton et Jensen, 2005). Or, même s’il est devenu évident qu’une inuence géné- tique peut expliquer les différences individuelles en matière d’intelligence, aucune preuve directe ne peut démontrer que l’hérédité joue un rôle dans les différences de QI relevées entre les groupes ethniques ou culturels (Gray et Thompson, 2004). Plusieurs recherches attribuent au contraire ces différences à des facteurs environ- nementaux tels que le revenu familial, l’alimentation, les conditions de vie, la santé, les pratiques parentales, les stimulations cognitives ou le niveau de scolarisation. D’autres facteurs sont aussi évoqués, comme les effets de la discrimination et de l’oppression, qui peuvent avoir une incidence sur l’estime de soi, la motivation et les performances scolaires. La diminution de l’écart observé chez les enfants noirs américains ces dernières années va d’ailleurs de pair avec une amélioration de leurs La mesure de l’intelligence conditions de vie et d’éducation (Nisbett, 2005). Par ailleurs, les Américains d’origine L’utilisation des tests mesurant le QI est asiatique, dont la réussite scolaire dépasse généralement celle des autres ethnies, très controversée, même si les résultats ne présentent aucune différence signicative dans leur QI. Encore là, leur succès obtenus à ces tests à l’âge scolaire sont de bons indices de la réussite scolaire future. scolaire proviendrait donc vraisemblablement d’autres facteurs culturels tels que le respect et l’obéissance aux aînés, la valorisation de l’éducation comme moyen d’ascension sociale, ainsi que l’application qu’ils mettent dans leurs devoirs et leurs leçons (Stevenson, 1995). Le psychologue américain Robert Sternberg (2004) soutient que l’intelligence et la Biais culturel culture sont inextricablement liées. En effet, un comportement jugé intelligent dans Tendance à inclure dans un test d’intelligence des questions utilisant une culture peut être considéré comme insensé dans une autre. De plus, la scolarisa- un vocabulaire faisant appel à des tion offerte dans une culture peut préparer un enfant à bien réussir certaines tâches, situations ou à des habiletés plus mais pas d’autres. Par conséquent, les différences ethniques observées dans les QI signicatives pour un groupe culturel seraient selon lui attribuables au biais culturel, c’est-à-dire la tendance à inclure dans que pour un autre. les tests des questions qui utilisent un vocabulaire particulier ou qui font appel à des situations ou à des habiletés plus signicatives pour un groupe culturel donné que pour un autre (Sternberg, 2004, 2005). Une recherche comparant quatre cultures différentes a constaté que les avancées technologiques (par exemple, l’électricité et la télévision) ont mené à des change- Mise en situation, p. 236 ments dans les performances cognitives des enfants. La modernisation a entraîné, Quelles sont les différentes formes par exemple, des gains dans la mémoire et la complexité des jeux. Il est important d’intelligence exprimées par de noter que les chercheurs n’afrment pas que la modernisation rend les enfants les enfants du groupe de Julie ? plus intelligents, mais plutôt qu’elle est associée à des expériences qui ont inué sur Le développement physique et cognitif de l’enfant de six à onze ou douze ans 255 les types d’habiletés évaluées dans des communautés plus « modernes » (Gauvain et Munroe, 2009). La théorie des intelligences multiples de Gardner Un enfant qui démontre de l’habileté pour analyser des textes et faire des analogies est-il plus intelligent qu’un autre apte à jouer un morceau de musique difcile au vio- lon, qu’un enfant capable d’organiser un projet de groupe ou que celui qui réussit à marquer un but au soccer ? Selon la théorie des intelligences multiples de Gardner, la réponse est non (Gardner, 1993, 1999). Howard Gardner, neuropsychologue et chercheur en éducation de l’Université Harvard, a d’abord déni sept formes d’intelligence. Selon lui, les tests d’intelligence classiques n’en couvrent que trois : l’intelligence linguistique, l’intelligence logicomathématique L’intelligence musicale et, jusqu’à un certain point, l’intelligence spatiale. Les quatre autres formes d’intel- Cet enfant doit maîtriser plusieurs ligence que Gardner a caractérisées et qui ne sont pas mesurées par les tests sont aspects de son art. Cette capacité vient, l’intelligence musicale, kinesthésique, interpersonnelle et intrapersonnelle. Gardner a selon Gardner, de l’intelligence musi- ensuite ajouté une huitième forme d’intelligence, soit l’intelligence naturaliste, en plus cale, une des neuf formes d’intelligence. d’en évoquer une neuvième : l’intelligence existentialiste (Gardner, 1999). Le tableau 7.9 présente chacune de ces formes d’intelligence dénies par Gardner, ainsi que des Théorie des intelligences multiples exemples de leurs champs d’application. Selon Gardner, théorie selon laquelle chaque personne possède différentes Être très intelligent dans un domaine ne signie pas nécessairement qu’on l’est égale- formes d’intelligence. ment dans un autre. Une personne peut donc avoir un QI peu élevé et être en même temps très douée en art (spatiale), en précision de mouvement (kinesthésique), en relations sociales (interpersonnelle) ou en compréhension de soi (intrapersonnelle). Ainsi, dans la mise en situation, les enfants du groupe de Julie présentent différentes formes d’intelligence. BOÎTE À OUTILS Le développement intellectuel ne se limite pas au savoir théorique. ment de musique, la participation à un atelier d’art dramatique sont Les activités du service de garde sont d’une importance primordiale autant d’activités qui permettent aux enfants d’explorer leurs forces afin de stimuler les multiples formes d’intelligence. L’exploration de et d’utiliser les multiples formes que peut prendre leur intelligence. la nature dans les parcs, la photographie, la construction d’un instru- TABLEAU 7.9 Les neuf formes d’intelligence (selon Gardner) Forme d’intelligence Dénition Champs d’application Linguistique Capacité d’utiliser et de comprendre les mots et les nuances de sens Écriture, édition, traduction Logicomathématique Capacité de manipuler les nombres et de résoudre des problèmes logiques Science, affaires, médecine Spatiale Capacité de trouver son chemin dans un environnement donné et d’établir Architecture, menuiserie, urbanisme des relations entre les objets dans l’espace Musicale Capacité de percevoir et de créer des modèles de mélodies et de rythmes Composition et direction musicale Kinesthésique Capacité de se mouvoir de façon précise Danse, sport, chirurgie Interpersonnelle Capacité de comprendre les autres et de communiquer avec eux Enseignement, théâtre, politique Intrapersonnelle Capacité de se comprendre soi-même Psychiatrie, psychologie, psychothérapie Naturaliste Capacité de distinguer les espèces Chasse, pêche, agriculture, jardinage, cuisine Existentialiste Capacité de se questionner sur le sens des choses Philosophie, direction spirituelle Sources : Adapté de Gardner (1993, 1999). 256 CHAPITRE 7 La théorie triarchique de l’intelligence de Sternberg La théorie triarchique de l’intelligence établie par Sternberg discerne trois éléments Théorie triarchique de l’intelligence dans l’intelligence : le compositionnel, l’expérientiel et le contextuel. Tout individu Selon Sternberg, théorie du développe- ment de l’intelligence qui discerne trois posséderait chacun de ces éléments, mais à différents degrés. L’élément composition- éléments dans l’intelligence : le compo- nel désigne l’aspect analytique de l’intelligence ; il détermine l’efcacité du traitement sitionnel, l’expérientiel et le contextuel. de l’information. Il permet de résoudre des problèmes, de trouver des solutions et d’évaluer les résultats. L’élément expérientiel correspond à l’aspect créatif ; il déter- Élément compositionnel mine la façon de réagir à la nouveauté. Il permet aux individus de comparer une nou- Aspect analytique de l’intelligence qui velle information avec ce qu’ils connaissent déjà et de trouver de nouvelles manières détermine l’efcacité du traitement de d’envisager les choses. En d’autres termes, il permet d’avoir une pensée originale. l’information. Enn, l’élément contextuel désigne l’aspect pratique ; il détermine l’adaptation d’un Élément expérientiel individu à son environnement. Il permet d’évaluer une situation et d’y réagir, que ce Aspect créatif de l’intelligence qui déter- soit en s’adaptant, en changeant la situation ou en l’évitant. mine la façon de réagir à la nouveauté. Ainsi, dans la mise en situation, l’élément compositionnel prédomine chez Dylan qui a une facilité en mathématiques. L’élément expérientiel se manifeste dans la créati- Élément contextuel vité de Rose dans son projet de bande dessinée alors que l’élément contextuel est à Aspect pratique de l’intelligence qui détermine l’adaptation à son l’œuvre chez Mélodie qui développe des stratégies pour ne rien oublier. environnement. Les tests d’intelligence traditionnels mesurent surtout l’élément compositionnel. Étant donné que cet élément correspond aux habiletés exigées dans les tâches scolaires, il n’est donc pas étonnant que ces tests soient de bons prédicteurs de la réussite sco- Mise en situation, p. 236 laire. Cependant, le fait que ceux-ci ne tiennent pas compte de l’élément expérien- tiel (créatif) et de l’élément contextuel (pratique) pourrait expliquer, selon Sternberg, pourquoi ils sont moins utiles pour prédire le succès dans la vie de tous les jours. Savoir tacite Selon des études menées au Kenya et en Alaska, le savoir tacite des enfants de cer- Connaissances qui ne sont pas en- taines communautés dans des domaines aussi pratiques que la chasse, la pêche et seignées formellement, mais qui sont l’utilisation d’herbes médicinales – un savoir glané de façon informelle et non enseigné néanmoins nécessaires pour avancer de manière explicite – ne présente d’ailleurs aucune corrélation avec les mesures tra- dans la vie. ditionnelles de l’intelligence (Sternberg, 2004). Les autres mesures de l’intelligence Nous avons jusqu’à présent surtout parlé des tests de QI, mais il existe d’autres tests individuels qui ont été conçus pour évaluer les habiletés cognitives des enfants ayant des besoins spéciaux (par exemple, ceux souffrant d’autisme ou pré- sentant un trouble auditif ou langagier) et celles des enfants qui proviennent de milieux culturels et linguistiques différents. Le plus connu est le K-ABC-II (Kaufman Assessment Battery for Children), qui s’adresse aux enfants de 3 à 18 ans. Ce test rassemble plusieurs sous-tests destinés à minimiser les instructions et les réponses verbales, ainsi que des éléments présentant un contenu culturel restreint (Kaufman et Kaufman, 1983, 2003). Par ailleurs, l’évaluation dynamique, basée sur les théories de Vygotsky, met l’ac- Évaluation dynamique cent sur le potentiel de l’enfant plutôt que sur ses acquis, comme le font les tests Procédure qui consiste à aider l’enfant lors de l’évaluation, de façon à déter- traditionnels. Cette forme d’évaluation cherche à saisir la nature dynamique de miner ses capacités à tirer prot d’un l’intelligence en proposant des éléments qui dépassent le niveau de compétence entraînement. courant de l’enfant et en mesurant directement le processus d’apprentissage sans passer par ce que l’enfant a déjà appris (Sternberg, 2004). Lorsque cela s’avère nécessaire, l’évaluateur aide l’enfant à accomplir la tâche par des questions diri- gées, des exemples ou des démonstrations, et ce, en lui offrant une rétroaction. Le test devient alors lui-même une situation d’apprentissage, et la différence entre les éléments auxquels l’enfant est capable de répondre seul et ceux pour lesquels il doit être aidé constitue la zone proximale de développement. En déterminant ce que l’enfant est prêt à apprendre et l’importance de l’aide dont il a besoin, le test dyna- mique peut donc procurer plus de renseignements utiles aux enseignants que les tests psychométriques et les guider dans leurs interventions pour aider les enfants à atteindre leur plein potentiel. Le développement physique et cognitif de l’enfant de six à onze ou douze ans 257 FAITES LE POINT 5. Décrivez les trois stades du raisonnement moral dénis par Piaget. 6. Précisez comment les améliorations dans le traitement de l’information peuvent aider l’enfant dans les tâches de conservation décrites par Piaget. 7. Expliquez la controverse soulevée au sujet des tests de QI. 8. Tommy a quatre ans, et sa grande sœur Karina en a huit. Selon Piaget, Karina se trouve au stade des opérations concrètes. Sur le plan cognitif, qu’est-ce qui distingue Karina de son frère ? 9. Nesrine a été éducatrice en milieu préscolaire pendant plusieurs années avant d’arriver en mi- lieu scolaire. Elle réalise que les possibilités d’activités sont plus nombreuses parce qu’elle peut donner des consignes plus élaborées et que les enfants continuent de l’écouter. Quel aspect du développement cognitif explique cette amélioration ? 7.3 L’évolution du langage : la communication Le langage évolue considérablement au cours de cette période de l’enfance qui s’étend de 6 à 12 ans. En effet, l’enfant comprend et interprète mieux les messages, et il réussit davantage à se faire comprendre, ce qui améliore considérablement ses habiletés de communication. 7.3.1 Le vocabulaire, la grammaire et la syntaxe À mesure que leur vocabulaire s’accroît, les enfants d’âge scolaire utilisent des termes de plus en plus précis. Ils apprennent, par exemple, qu’un verbe comme « poser » peut avoir plusieurs signications (poser une question, poser pour une afche, poser son colis, se poser sur la piste, etc.), en plus d’être capables, d’après le contexte, de savoir laquelle de ces signications s’applique. Les gures de style comme les comparaisons ou les métaphores sont de plus en plus utilisées. Néanmoins, même si l’enfant de six ans peut déjà manier une grammaire assez complexe, il utilise encore rarement des phrases à la forme passive (« J’ai été conduit à l’école par grand-papa ») et des tour- nures conditionnelles (« Si j’étais plus grand, je pourrais entrer »). La compréhension des règles de syntaxe (l’organisation des mots dans la phrase) se rafne avec l’âge. Ainsi, la plupart des enfants de six ans croient par exemple que les phrases « Jean a promis à Gilles d’aller au garage » et « Jean a dit à Gilles d’aller au garage » veulent toutes les deux dire que Gilles ira au garage. Ils n’ont donc pas encore maîtrisé les constructions grammaticales utilisant un verbe comme « promettre » tel qu’employé dans la première phrase, même s’ils savent ce qu’est une promesse, qu’ils sont capables d’utiliser ce mot et de le comprendre correctement dans d’autres phrases. En revanche, à huit ans, la plupart des enfants interprètent correctement les deux phrases. Ils parviennent maintenant à considérer la sémantique d’une phrase Sémantique (le sens des mots) comme un tout, au lieu de se concentrer sur les mots les uns après Compréhension de la signication des les autres. Les enfants plus âgés utilisent aussi davantage de propositions subordon- mots et des phrases. nées (« Le garçon qui livre les journaux a frappé à la porte »). Toutefois, ce n’est qu’au début de l’adolescence, au moment où les progrès cognitifs permettront de faire des raisonnements plus complexes, qu’ils utiliseront régulièrement des constructions de phrase commençant par « cependant », « quoique » ou « toutefois » (Owens, 1996). 7.3.2 La pragmatique : la capacité de communiquer Pragmatique Le domaine dans lequel les enfants progressent le plus à l’âge scolaire est la pragmatique, Ensemble des règles linguistiques qui c’est-à-dire l’utilisation du langage pour communiquer, qui inclut aussi les habiletés de régissent l’utilisation du langage pour la communication. conversation et de narration. 258 CHAPITRE 7 Un bon communicateur décèle facilement un problème de communication et fait de son mieux pour y remédier. Sur ce plan, il existe de grandes différences individuelles, puisque certains enfants de sept ans ont une meilleure conversation que certains adultes (Anderson, Clark et Mullin, 1994). On note aussi des différences selon le genre. Ainsi, dans une étude où des garçons et des lles devaient travailler ensemble pour résoudre des problèmes mathématiques, les garçons avaient tendance à utiliser plus d’afrmations autoritaires et à provoquer davantage d’interruptions négatives, alors que les lles formulaient leurs remarques de manière plus conciliante. En outre, la communication entre les enfants avait tendance à être plus marquée par la collabo- ration lorsqu’ils travaillaient avec un partenaire du même sexe (Leman, Ahmed et Ozarow, 2005). Lorsque les enfants de six ou sept ans racontent des histoires, ils rapportent souvent Mise en situation, p. 236 une expérience personnelle. La plupart d’entre eux peuvent répéter l’intrigue d’une courte histoire ou d’un lm et faire des liens entre les motifs d’une action, l’action et ses conséquences, comme devront le faire les enfants du groupe de Julie dans leur bande dessinée. Vers sept ou huit ans, l’enfant conte des histoires plus longues et plus complexes, mais ses récits ont encore souvent un début et une n classiques (du type « Il était une fois… » et « Ils vécurent heureux… » ou tout simplement « Fin »). Le vocabu- laire utilisé est plus varié qu’auparavant, mais les personnages ne grandissent pas et ne changent pas vraiment, et les intrigues ne sont pas encore complètement développées. L’enfant plus âgé, lui, situe généralement la scène en décrivant le décor et en présentant les personnages, et il indique clairement les changements de temps et de lieux pendant l’histoire. Il construit aussi des épisodes plus complexes que l’enfant plus jeune, mais contenant moins de détails superus. Il se concentre enn davantage sur les motifs et sur les pensées des personnages, et il rééchit à la manière de résoudre les problèmes dans l’intrigue. La pragmatique Comme nous le verrons dans le chapitre suivant, les habiletés de communication de Cette llette est capable d’adapter son l’enfant d’âge scolaire sont mises à prot dans ses relations avec les autres et ont une langage en fonction de son interlocuteur. incidence réelle sur sa popularité auprès de ses pairs. 7.3.3 La littératie Le fait d’apprendre à lire et à écrire, qui demeure l’un des principaux objectifs du pro- gramme scolaire, libère les enfants des contraintes de la communication en face à face en leur donnant accès aux idées et à l’imagination de personnes vivant dans des pays éloignés ou venant d’une autre époque. L’identication des mots L’enfant peut identier un mot écrit de deux façons différentes. La première est appe- lée le « décodage » : l’enfant « prononce » le mot en traduisant oralement ce qu’il voit. Pour ce faire, il doit maîtriser le code phonétique, qui détermine quel son correspond aux lettres écrites. La seconde est la reconnaissance visuelle : l’enfant regarde simple- ment le mot et se le remémore. Approche phonétique Ces deux méthodes ont inspiré des approches différentes dans l’apprentissage Méthode d’enseignement de la lecture de la lecture. L’approche qui met l’accent sur le décodage est appelée approche qui met l’accent sur le décodage de phonétique , tandis que celle qui porte sur la reconnaissance visuelle et l’utilisation mots inconnus en prononçant le son de chaque syllabe (aussi appelée « mé- d’indices contextuels est appelée approche globale. Cette dernière est basée sur thode syllabique »). la croyance selon laquelle les enfants peuvent apprendre à lire et à écrire naturel- lement, de la même manière qu’ils apprennent à utiliser le langage. Les partisans Approche globale de cette approche afrment que l’enfant apprend à lire avec une meilleure compré- Méthode d’enseignement de la lecture hension et avec plus de satisfaction lorsqu’il perçoit la langue écrite comme une qui met l’accent sur la reconnaissance façon d’obtenir de l’information et d’exprimer des idées et des sentiments, au lieu visuelle et sur l’utilisation d’indices de la voir comme un système de sons et de syllabes isolés qui doivent être appris contextuels. par cœur. Le développement physique et cognitif de l’enfant de six à onze ou douze ans 259 Malgré la popularité de l’approche globale, les recherches appuient toutefois peu ces afrmations. On reproche en effet à la méthode globale d’encourager l’enfant à lire le texte en diagonale, à deviner les mots et leur signication, et à négliger la correction de ses erreurs de lecture ou d’orthographe. Selon les détracteurs de cette méthode, la lecture est une compétence qui doit être enseignée, le cerveau n’étant pas programmé pour l’acquérir sans apprentissage. La conscience phonologique, conscience des diffé- rentes unités sonores de la langue orale, les phonèmes, est une habileté essentielle au bon apprentissage de la lecture. Elle comprend, par exemple, la capacité de découper un mot en syllabes (che-val), de segmenter les sons dans un mot (ch-e-v-a-l), de recon- naître les mots qui riment, de trouver des mots qui riment et de combiner des sons pour produire des mots. La langue française est composée d’environ 36 phonèmes (Lauzon, 2014). De nombreux experts recommandent à l’heure actuelle de combiner les points forts des deux approches an de permettre à l’enfant d’apprendre à la fois les compé- tences phonétiques et les stratégies qui lui permettront de comprendre ce qu’il lit. Étant donné que les habiletés de lecture résultent de plusieurs fonctions situées dans différentes régions du cerveau, un enseignement basé uniquement sur une sous-compétence particulière (phonétique ou compréhension) présente sans doute moins de chances de réussite. Les enfants qui peuvent recourir, selon le cas, à la méthode visuelle et à celle basée sur la phonétique (et utiliser alors à la fois la remémoration visuelle pour les mots familiers et le décodage phonétique pour les mots nouveaux) deviennent d’ailleurs des lecteurs plus chevronnés et plus poly- valents (Siegler, 1998). La compréhension de textes Les processus sous-jacents à la compréhension de textes écrits sont identiques à ceux qui régissent la mémoire. Ainsi, plus l’identification des mots devient auto- matique, plus la capacité de la mémoire de travail augmente, et plus l’enfant est capable de se concentrer sur le sens de ce qu’il lit ; sa fluidité en lecture s’amé - liore. De nouvelles stratégies, plus sophistiquées, permettent également à l’enfant d’ajuster sa vitesse de lecture et son attention en fonction de l’importance et du degré de difficulté de ce qu’il lit. Ainsi, la métacognition, soit la conscience de la Métacognition façon dont son esprit fonctionne, permet à l’enfant de gérer la compréhension de Compréhension du fonctionnement ce qu’il lit et de développer des stratégies adaptées, telles que relire les passages de ses propres processus mentaux. difficiles, lire plus lentement, essayer de visualiser ce qui est décrit ou retenir des exemples. Toutefois, certains enfants apprennent à lire plus facilement que d’autres, et ce, quelle que soit la méthode utilisée. Ces différences individuelles proviennent de facteurs géné- tiques ; elles ont tendance à demeurer stables tout au long des études primaires, même si l’environnement continue d’exercer son inuence (Harlaar, Dale et Plomin, 2007). Néan - moins, les enfants qui éprouvent des difcultés de lecture dès le départ ne sont pas nécessairement condamnés à l’analphabétisme. En effet, une étude longitudinale qui a suivi des enfants de première année ayant de faibles résultats en lecture a montré qu’en- viron 30 % d’entre eux avaient progressé vers des résultats situés dans la moyenne entre la deuxième et la quatrième année. Les enfants qui s’étaient le plus améliorés étaient ceux qui, dès la maternelle, avaient un meilleur comportement en classe, ce qui leur per- mettait d’être plus attentifs et de proter davantage de l’enseignement (Spira, Bracken et Fischel, 2005). Dans tous les pays, les garçons lisent moins que les lles, et leurs préférences

Use Quizgecko on...
Browser
Browser