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lit. litera(s) LIE Loi fédérale concernant les installations électriques à faible et à fort courant (Loi sur les installations électriques) du 24 juin 1902, RS 734.0 LITC Loi fédérale sur les installations de transport par conduites de combustibles ou carburants liquides...
lit. litera(s) LIE Loi fédérale concernant les installations électriques à faible et à fort courant (Loi sur les installations électriques) du 24 juin 1902, RS 734.0 LITC Loi fédérale sur les installations de transport par conduites de combustibles ou carburants liquides ou gazeux (Loi sur les installations de transport par conduites) du 4 octobre 1963, RS 746.1 LP Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889, RS 281.1 LPart Loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004, RS 211.231 LPers Loi sur le personnel de la Confédération du 24 mars 2000, RS 172.220.1 LPubl Loi fédérale sur les recueils du droit fédéral et la Feuille fédérale du 18 juin 2004, RS 170.512 LRFP Loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits du 18 juin 1993, RS 221.112.944 ORC Ordonnance sur le registre du commerce du 17 octobre 2007, RS 221.411 RC Registre du commerce, accessible et consultable depuis www.zefix.ch RS Recueil systématique fédéral RS-VD Base législative vaudoise SA Société anonyme régie par les art. 620 ss CO Sàrl Société à responsabilité limitée régie par les art. 772 ss CO SNC Société en nom collectif régie par les art. 552 ss CO ss et suivant(e)s * * * 13 TITRE I NOTION ET FONCTIONS DU DROIT 6 SECTION 1 LES FONDEMENTS DU DROIT Chapitre 1 Définition et fonctions du droit 7 En simplifiant à l'extrême, il est possible de dire que le droit est le système normatif englobant toutes les règles de droit obligatoires, soit l'ensemble des règles de conduite imposées aux personnes physiques et morales par un pouvoir que personnifie l'État. Le droit a deux fonctions : 8 - une fonction pacificatrice : freiner les appétits égoïstes et assurer la coexistence pacifique entre les individus, et - une fonction organisatrice : établir un ordre social fondé sur l'équilibre des divers intérêts. Pour pouvoir exercer ses fonctions, à savoir assurer un équilibre entre des 9 intérêts opposés et organiser la vie en communauté, le droit doit remplir trois sortes de conditions, qui seront analysées dans les chapitres suivants : - il doit être sûr ; - il doit émaner d'un pouvoir social ; - il doit correspondre à une idée de la justice. 10 Chapitre 2 La sécurité du droit Les personnes soumises à l'ensemble des règles obligatoires que constitue le droit doivent toujours avoir la possibilité de le connaître pour pouvoir se conformer à ses normes. Il s'agit de la sécurité du droit. En règle générale, le droit écrit correspond le mieux à cette idée de clarté et de prévisibilité propre à la sécurité du droit. Deux autres exigences de la sécurité du droit sont le principe de la non- rétroactivité des lois et l'existence de règles transitoires. On peut encore ajouter à ces deux principes illustrant la sécurité du droit l'institution de la prescription, c’est-à-dire l'extinction d'un droit, d'une obligation ou d'une action par l'effet de l'écoulement du temps. 14 En conclusion, la clarté et la prévisibilité propres à la sécurité du droit ont pour effet concret important de garantir l'équilibre entre les intérêts opposés. C'est l'effet préventif. Ainsi, celui qui endommage une chose appartenant à autrui (dommage à la propriété) peut aisément savoir qu’il risque une peine privative de liberté de trois ans au plus (art. 144 al. 1 CP), tandis que le meurtre est puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au moins (art. 111 CP). Au niveau de la prescription, le dommage à la propriété ne sera plus puni au-delà de 10 ans après les faits, alors que le meurtre ne se prescrit qu’après 15 ans (art. 97 al. 1 lit. b CP). Chapitre 3 L’émanation d'un pouvoir social 11 La deuxième condition que doit remplir le droit est qu'il émane d'un pouvoir social. L'ordre social implique en effet une organisation qui assure la cohésion de la société. Il suppose donc l'existence d'une autorité habilitée et apte à imposer les normes établies, à les faire exécuter et à infliger des sanctions. Dans une société correspondant à un État de droit, c'est l'État qui, à lui seul, assure le fonctionnement de la justice. Chapitre 4 La conformité à l'idée de la justice 12 La troisième et dernière condition que doit remplir le droit est qu'il corresponde à une idée de justice. On distingue entre justice commutative et justice distributive. La justice commutative se rapporte aux droits fondamentaux qui appartiennent à chaque être humain de façon égale sans que l'on tienne compte de l'origine, de la race ou de la religion. Par exemple, la liberté de conscience et de croyance (art. 15 Cst.) est garantie pour tous. On oppose à la justice commutative la justice distributive. Cette dernière implique que l'on tienne compte de certaines différences qui existent entre les individus dans leur rapport avec la société. Ainsi, le montant des impôts dus par le contribuable dépend de ses revenus et de sa fortune, étant précisé que les critères pour déterminer le montant dû sont les mêmes pour tous. Il convient de préciser encore deux points : - Le droit ou l'ordre juridique est le fruit de la pensée humaine correspondant à un certain type de société. Il n'existe donc pas un seul ordre juridique, mais plusieurs. 15 - Pour remplir son rôle, le droit ne doit pas être immuable, mais doit s'adapter continuellement aux conditions changeantes de la vie, dues à l'évolution des mœurs, de la science ou de l'économie. 13 SECTION 2 LES DIFFÉRENTS SENS DU MOT DROIT Le terme de « droit » recouvre deux notions : le droit au sens objectif et le droit au sens subjectif. Chapitre 1 Le droit au sens objectif Tout d’abord, le droit est un ensemble de règles obligatoires (ou de normes), générales et abstraites, indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l’organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l’État. Il s'agit du droit au sens objectif. Dans le cadre de cette notion, d'un point de vue philosophique, on distingue le droit naturel, c'est-à-dire les règles universelles et immuables conformes à la nature humaine, et le droit positif, c'est-à-dire les règles en vigueur dans un État, à un moment donné. Chapitre 2 Le droit au sens subjectif Le droit est également une faculté, une prérogative attachée à une certaine personne et protégée par l'ordre juridique existant. C’est la faculté appartenant à un sujet de droit, c’est-à-dire une personne physique ou une personne morale (par exemple : une société) de faire ou d’exiger quelque chose (sujet actif) ou d’être obligée à quelque chose (sujet passif) en vertu d’une règle de droit objectif. Si ce droit peut être exercé à l'égard de toute tierce personne, on parle de droits réels ou absolus (par exemple : le droit de propriété). Si le droit subjectif ne peut être exercé qu'à l'encontre de certaines personnes bien déterminées, on parle alors de droits relatifs ou personnels. L’exemple-type de droit personnel est l’obligation (ou droit de créance) découlant d’un contrat. Un droit subjectif, relatif ou absolu, ne peut exister que dans la mesure où le droit objectif le consacre et permet d'en obtenir le respect et l'exécution. 16 TITRE II LES SUJETS DE DROIT 14 SECTION 1 DÉFINITION ET NOTION 15 Un sujet de droit est soit le titulaire de droits subjectifs qui peut faire valoir les prérogatives qui en découlent (le créancier), soit la personne qui est obligée du fait de ces droits subjectifs (le débiteur). L'ordre juridique détermine qui peut être sujet de droit, c'est-à-dire avoir des droits et assumer des obligations. Les choses ne peuvent être en soi que l'objet d'un droit subjectif, elles sont un moyen et non un but en soi. SECTION 2 LA JOUISSANCE ET L’EXERCICE DES DROITS CIVILS 16 La capacité d'être sujet de droit est appelée la capacité juridique ou, selon les termes du CC, la jouissance des droits civils. Selon l'art. 11 CC, tout le monde jouit des droits civils et a une capacité égale à devenir sujet de droits et d'obligations. Cette faculté, qui est indépendante de l'âge ou des facultés mentales, commence à la naissance et finit par la mort. On oppose à la jouissance des droits civils l'exercice des droits civils, c'est- à-dire la capacité de s’engager juridiquement, d'acquérir des droits et pouvoir s'obliger par ses propres actes. Ne possède l'exercice des droits civils que la personne majeure et capable de discernement (art. 13 CC). Le discernement se définit comme étant la capacité intellectuelle présumée chez toute personne physique qui n’est pas atteinte de déficience mentale, de troubles psychiques, d’ivresse ou d’autres causes semblables, temporaires ou définitives, l’empêchant d’agir raisonnablement. À titre d’exemple, l'enfant mineur est un sujet de droit (jouissance des droits civils), mais il ne peut pas, par sa seule volonté, créer des droits ou s'engager, car il n’a pas l’exercice des droits civils, étant mineur. Ces deux notions ne doivent pas être confondues avec l’exercice des droits civiques (ou droits politiques) qui est la faculté de pouvoir jouir des droits attachés à la qualité de citoyen d’un État (droit de vote, d’éligibilité, etc.). SECTION 3 LA PERSONNE MORALE ET L’ENTREPRISE 17 L'Homme cherche souvent à atteindre des buts d'ordre idéal ou économique qui dépassent les forces d'une personne individuelle. Il forme alors avec d'autres un groupe de personnes sous forme d'association, de société commerciale ou de 17 société coopérative. Ces personnes, que l'on oppose aux personnes physiques et que l'on appelle personnes juridiques ou morales peuvent elles aussi devenir, à certaines conditions, sujets de droits et d'obligations. Comme nous le verrons par la suite, une personne morale valablement constituée dispose ainsi, à tout le moins dans une certaine mesure, de la jouissance des droits civils et de l’exercice des droits civils (cf. Titre VII, Section 2, chapitre 5, §2). La notion de personne morale doit être distinguée de celle d’entreprise. L’entreprise peut être définie comme étant « une activité économique indépendante exercée en vue d'un revenu régulier » (art. 2 lit. a ORC). En pratique, la notion d’entreprise peut donc désigner l’activité commerciale exploitée par une personne morale (par exemple : une société anonyme) ou par une ou plusieurs personnes physiques (par exemple : sous la forme d’une entreprise individuelle ou d’une société en nom collectif). Cas pratique : Charlie et son perroquet 18 19 Résolution 18 TITRE III LA RÈGLE DE DROIT 20 SECTION 1 DÉFINITION ET NOTION La règle de droit est une « norme générale et abstraite qui énonce de manière contraignante ce qui doit être et qui bénéficie de la sanction étatique dans l’hypothèse où elle n’est pas respectée ». 21 Les caractéristiques de la règle de droit sont au nombre de trois (qui feront l’objet des sections suivantes) : - elle a un caractère général et abstrait ; - elle présente une structure double ; - elle est obligatoire. SECTION 2 LE CARACTÈRE GÉNÉRAL ET ABSTRAIT Par essence, la règle de droit est générale et abstraite. Elle est générale, en ce sens qu’elle vise un nombre indéterminé de personnes, et abstraite dans la mesure où elle s’applique à un nombre indéterminé de situations concrètes. La règle de droit doit donc être formulée de telle manière qu'elle puisse viser le plus de situations possibles, sans pour autant être trop générale et, par conséquent, trop vague, ce qui nuirait à la sécurité du droit. SECTION 3 LA STRUCTURE DOUBLE Sur le plan de sa structure, la règle de droit comprend deux éléments, elle est bipartite : - D’une part, elle comprend un point de départ. Ce sont les conditions, l'hypothèse, les faits ou éléments dont la réalisation entraîne l'application de la règle. - D’autre part, elle emporte un effet juridique, soit la conséquence que la règle de droit attache à la réalisation des faits ou conditions d’application. Cette double structure ne se rencontre pas seulement dans la règle de droit abstraite et générale telle quelle, mais aussi dans l'application de la règle de droit au cas particulier et concret telle qu'on la rencontre dans tout jugement, qu'il soit civil, administratif ou pénal. Ainsi, il y a une partie « fait » et une partie « droit » dans tout jugement. 19 SECTION 4 LE CARACTÈRE OBLIGATOIRE La troisième caractéristique, qui est de loin la plus importante, est le caractère obligatoire de la règle de droit, accompagné de la menace de sanction ou de la sanction elle-même. La sanction, qui est la conséquence attachée par le droit à la violation d'une règle juridique, poursuit deux buts essentiels : - Un but de prévention et de punition : inciter les justiciables à suivre les règles de droit. - Un but de réparation : réparer les effets d'une conduite contraire au droit. SECTION 5 LES SANCTIONS Les règles de droit et les obligations qu'elles comportent sont plus ou moins 22 impératives et, par conséquent, les sanctions plus ou moins contraignantes. Il existe des règles qui invitent certains justiciables à se comporter d'une certaine façon dans une circonstance donnée. Dans ces cas-là, la sanction consistera à rétablir, dans la mesure du possible, la situation antérieure à la violation éventuelle de l'obligation. D’autres règles sont absolument générales et s'imposent à tous en toutes circonstances. Les obligations qu'elles instituent ont pour objet de garantir l'ordre social et la sécurité publique. Dans ces cas-là, une réparation civile n'est pas suffisante, parce que le trouble social qu'implique la violation de l'obligation appelle une sanction punitive (peine privative de liberté, amende, etc.). Les règles de droit ne sont pas toutes de même nature. Il existe des règles 23 - 24 impératives et des règles dispositives. Les règles impératives sont celles auxquelles il n'est pas permis de déroger, même par convention, ou qu'il n'est pas licite d'éluder. Elles doivent donc être respectées par tous. Les règles dispositives sont édictées dans les mêmes conditions qu’une règle impérative (par exemple : dans une loi), mais ne s’appliquent que si les particuliers n’en ont pas décidé autrement. Elles peuvent aussi suppléer à la volonté des parties qui n’ont pas prévu de régime particulier. 20 SECTION 6 QUELQUES EXEMPLES DE RÈGLES DE DROIT 25 L’infraction de lésions corporelles par négligence : « Quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire. » (art. 125 al. 1 CP). L’infraction de vol : « Quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. » (art. 139 al. 1 CP). Ces infractions constituent des règles de droit pénal, par essence impératives. L’obligation de réparer le dommage causé par un acte illicite : « Celui qui cause, d’une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer. » (art. 41 al. 1 CO). Il s’agit d’une règle impérative de droit privé. L’obligation de payer des impôts dans le canton de Vaud, pour les 26 personnes physiques : « L'État perçoit conformément aux dispositions de la présente loi, un impôt sur le revenu et un impôt sur la fortune des personnes physiques » (art. 1 al. 1 lit. a de la Loi vaudoise sur les impôts directs cantonaux, RS-VD 642.11). Il s’agit d’une règle impérative de droit public (administratif). L’exigibilité du prix dans le cadre d’un contrat de vente : « Sauf convention contraire, le prix est exigible aussitôt que la chose est en possession de l'acheteur. » (art. 213 al. 1 CO). Il s’agit d’une règle dispositive de droit privé : les parties peuvent prévoir un paiement anticipé du prix, ou un paiement postérieur à la réception de la chose vendue. 21 27 TITRE IV LES SOURCES DU DROIT SECTION 1 DÉFINITION ET NOTION 28 Il existe différentes sources du droit. Tout d'abord les sources historiques. Aujourd'hui, ces sources sont surtout utiles pour expliquer l'évolution de nos institutions juridiques. Il existe également des sources matérielles, c'est-à-dire les phénomènes sociaux qui contribuent à former la matière du droit. Ces sources du droit relèvent de l'étude de l'origine du droit, qui consiste à savoir comment le droit est né et s'est développé. Il existe enfin les sources formelles, c'est-à-dire les faits qui donnent à une règle le caractère de droit applicable (ou « positif »). Le présent cours s’intéresse aux sources formelles du droit, qui seront détaillées dans les sections suivantes. SECTION 2 LA COUTUME 29 La coutume peut être définie comme étant le droit non édicté et en principe non écrit qui résulte d’un usage implanté durablement dans une collectivité et tenu par elle comme juridiquement obligatoire. La coutume est formée de la conjonction de deux éléments, l'un objectif, l'autre subjectif. L'élément objectif de la coutume est l'observation uniforme d'une règle par l'ensemble des intéressés et l'application de celle-ci pendant de nombreuses années (caractère immémorial). Le second élément de la coutume est subjectif. Il s'agit d'un aspect psychologique. Un usage, même bien établi, ne peut devenir une coutume que si les intéressés qui le respectent ont la conviction que la coutume est obligatoire et qu'ils sont obligés d'agir comme ils le font, qu'ils sont liés par la pratique communément admise. Les exemples de coutume sont relativement rares. On peut mentionner le 30 secret bancaire, avant qu’il ne soit reconnu dans la loi. La coutume étant une règle de droit non écrite, il n'est pas aisé d'en établir l'existence. Il incombe à celui qui allègue une coutume de la prouver. 22 Les difficultés liées à la démonstration de l’existence ou de l’inexistence d’une coutume (lorsqu’elle était par exemple tombée en désuétude) font que les coutumes ont progressivement été remplacées par des lois. Ces inconvénients de la coutume font également qu’elle est totalement exclue en droit pénal suisse. En effet, l’art. 1 CP prévoit qu’une peine ou une mesure ne peuvent être prononcées qu'en raison d'un acte « expressément réprimé par la loi ». SECTION 3 LA LOI 31 Chapitre 1 Les traités internationaux 32 Un traité international consiste, comme un contrat, en deux ou plusieurs manifestations concordantes de volonté, qui émanent de deux ou plusieurs sujets de droit international public (par exemple : des États), et qui créent des règles de droit en vertu de l’ordre juridique international. Par sujets de droit international, on entend les États et les organisations internationales. À titre d’exemples de traités internationaux, on peut citer la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (« CEDH ») ou les nombreuses Conventions en vue d’éviter les doubles impositions conclues par la Suisse avec d’autres États. Chapitre 2 La Constitution fédérale §1 La notion de Constitution 1. Définition et fonctions de la Constitution 33 La Constitution est la loi fondamentale d'une nation. Elle est la base de son système juridique. En Suisse, il s’agit de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (« Cst. »), totalement révisée en 1999. La Constitution est un texte qui véhicule un projet politique, un symbole. Elle énonce les règles cardinales d’un État quant à son fonctionnement et aux droits fondamentaux des citoyens. En ce sens, la Constitution a donc notamment une fonction idéologique. Elle est le reflet de la conception que les citoyens qui l’ont adoptée se font du rôle de l’État. 23 2. Les diverses conceptions de l’État (aperçu historique) i) La conception patrimoniale On a rencontré, surtout au Moyen-Âge, la conception patrimoniale ou patriarcale de l'État qui veut que l'État, la population et le territoire appartiennent au prince comme un élément de son patrimoine. Ces conceptions n'ont guère eu d'influence sur la Constitution suisse. ii) La conception du pacte social Les conceptions absolutistes ont été attaquées dès le XVIIIe siècle par Montesquieu (L'esprit des lois, 1748) et surtout par Rousseau dans le « contrat social » (1762). Cette conception implique l’aliénation de toute ou partie des droits des citoyens en faveur de la Communauté en échange d’une liberté plus restreinte, mais garantie. iii) La conception libérale Selon la conception libérale de l'État, qui s'implante en Suisse vers 1830, la liberté est le plus grand bien des Hommes. Cependant, la liberté ne saurait être absolue. Elle est en effet limitée par la liberté des autres, mais uniquement dans cette mesure, ce qui suppose un certain ordre étatique. Le libéralisme s'oppose aussi au pacte social, car il ne suppose pas l'aliénation de libertés ou de pouvoirs aux organes de l'État, mais simplement la délégation de ces pouvoirs. iv) La conception étatiste Pour contrecarrer le libéralisme très strict qu’a connu le XIXe siècle, des conceptions beaucoup plus étatistes se sont développées. L'indépendance de l'individu doit céder le pas aux besoins de l'État, qui devient le protecteur du faible en particulier, et du peuple en général. On parle alors de l'État providence. Ce n'est plus l'individu qui est placé au sommet, mais l'État. 3. La révision totale de la Constitution fédérale en 1999 La Constitution suisse a fait l'objet d'une révision totale en 1999. La Constitution de 1848 avait impliqué le passage d'une Confédération d'États à un État fédéral dont le pouvoir central disposait déjà d'attributions étendues. La Constitution de 1874 a encore considérablement étendu les pouvoirs de la Confédération. Notre Constitution était et reste nettement marquée du sceau libéral, tout en reconnaissant les droits sociaux (État providence). 24 §2 La séparation des pouvoirs 34 En ce qui concerne la structure de l'État, il convient de relever que notre Constitution consacre, bien qu'implicitement, le principe de la séparation des pouvoirs. On distingue aujourd'hui de façon générale : - Le pouvoir législatif (le Parlement), qui a pour activité première d'élaborer les lois. Au niveau de la Confédération, le pouvoir législatif est exercé par l’Assemblée fédérale, qui est formée de deux chambres : le Conseil national (200 membres), formé des représentants du peuple, le nombre de sièges par canton étant proportionnel à sa population (art. 149 Cst.), et le Conseil des États (46 membres) formé des représentants des cantons, chaque canton possédant deux sièges, à l’exception des cantons d’Obwald, Nidwald, Bâle- Ville, Bâle-Campagne, Appenzell Rhodes-Extérieures et Appenzell Rhodes-Intérieures qui ont chacun un siège (art. 150 Cst.). - Le pouvoir exécutif (le gouvernement et l'administration), chargé de l'exécution des lois et de la gestion de l'État. Au niveau de la Confédération, le pouvoir exécutif est exercé par le Conseil fédéral, formé de sept membres (Conseillers fédéraux), et de l’administration fédérale qui lui est subordonnée (art. 174 et 175 Cst.). - Le pouvoir judiciaire (les tribunaux), qui a pour tâche d’appliquer la loi, qu'il s'agisse de tribunaux civils, pénaux, administratifs ou militaires. En Suisse, la plus haute instance du pouvoir judiciaire est le Tribunal fédéral (art. 188 al. 1 Cst.). Le principe de la séparation des pouvoirs, appliqué de façon absolue, veut, d'une part, que tous les organes restent dans leur sphère de compétence (séparation des compétences) et, d'autre part, que chacun de ces organes se compose de personnes différentes (séparation des personnes). §3 L’État de droit 35 Notre Constitution consacre le principe de l'État de droit et de la volonté du peuple ou, si l'on veut, de la démocratie. L'État de droit suppose en effet, sur un plan formel, que les pouvoirs des gouvernants ne soient pas en contradiction avec les normes du droit positif et, sur un plan matériel, que l'activité de l'État s'inspire de l'idéal de la justice, de la liberté et de la dignité humaine. Le citoyen suisse 25 participe ainsi activement à la formation de la volonté de l’État (initiatives populaires et référendum notamment, auxquels il faut ajouter les élections), tandis que les libertés individuelles sont garanties. §4 L’État fédéral 36 La Constitution consacre également l'État fédéral qu'est la Suisse. De manière très générale, le fédéralisme implique une structure étatique à deux niveaux, chacun disposant d’une autonomie et d’un ordre juridique propres. En Suisse, la Confédération est formée du peuple et des 26 cantons (art. 1 Cst.). Elle acquiert une personnalité propre. Ainsi, l’État fédéral est un État différent des États membres (soit les cantons), avec des compétences différentes. La Confédération peut ainsi légiférer dans les domaines prévus par la Constitution, notamment le droit civil et le droit pénal, étant précisé que le droit fédéral prime le droit cantonal (art. 49 al. 1 Cst.). à Schéma récapitulatif des grands principes de la Constitution fédérale : cf. slides 37 du cours. §5 La procédure de modification de la Constitution fédérale 38 L’art. 192 al. 1 Cst. dispose que la Constitution peut être révisée en tout temps, totalement ou partiellement. De manière générale, une révision de la Constitution peut être proposée par le peuple ou décrétée par l’Assemblée fédérale (art. 193 al. 1 et 194 al. 1 Cst.). Lorsque c’est le peuple qui propose une révision, à savoir au moins 100'000 citoyens ayant le droit de vote (art. 138 al. 1 et 139 al. 1 Cst.), on est en présence d’une initiative populaire. Les révisions de la Constitution sont soumises au référendum obligatoire, c’est-à-dire au vote du peuple et des cantons (art. 140 al. 1 lit. a Cst.). Au niveau fédéral, l’initiative populaire s’applique exclusivement au niveau constitutionnel, ce qui veut dire qu’elle ne peut porter que sur une modification de la Constitution (et non d’une loi fédérale ou d’une ordonnance). Elle peut être proposée par 100’000 citoyens ayant le droit de vote. En droit cantonal, l’initiative populaire peut aussi porter sur une loi (initiative législative). À titre d’exemple en droit de l’entreprise, on peut citer l’initiative populaire 39 « Minder », lancée suite à plusieurs scandales financiers, dont en particulier celui de la compagnie aérienne Swissair. L’opinion publique avait alors été choquée par les rémunérations et les indemnités de départ, jugées abusives, versées aux 26 dirigeants lorsqu’ils quittaient des entreprises qui enregistraient pourtant des pertes financières. En substance, l’initiative prévoit l’interdiction des indemnités de départ (parachutes dorés) ainsi qu’un contrôle renforcé des dirigeants de l’entreprise (conseil d’administration et direction) par l’assemblée générale, quant à leur élection et leur rémunération (art. 95 al. 3 Cst.). Chapitre 3 La loi fédérale §1 La notion de loi fédérale 40 Les lois fédérales sont la forme par excellence de l’acte normatif par lequel la Confédération exerce les compétences que la Constitution lui attribue. Le législateur fédéral intervient normalement dans les domaines qui sont de la compétence de la Confédération en adoptant une loi fédérale. On appelle législateur l’organe compétent pour adopter, modifier ou abroger les lois formelles. En Suisse, le législateur est formé par l’Assemblée fédérale et le peuple, car les lois fédérales émanent de l’Assemblée fédérale, mais doivent être soumises au vote du peuple (référendum facultatif) lorsque 50’000 citoyens ou huit cantons le demandent (art. 141 al. 1 lit. a Cst.). La Constitution fédérale détermine la forme et le contenu de la loi fédérale. Celle-ci se caractérise en premier lieu par le fait qu’elle est soumise au référendum facultatif (art. 141 al. 1 lit. a Cst.) et qu’elle contient des règles de droit importantes (art. 163 al. 1 et 164 al. 1 Cst.). §2 La procédure législative fédérale L’élaboration d’une loi commence par une initiative législative. Elle émane généralement du Conseil fédéral (art. 181 Cst.), mais aussi de l’Assemblée fédérale ou des cantons (art. 160 al. 1 Cst.). Une fois cette impulsion donnée, un avant-projet de loi est élaboré par un expert mandaté par l’administration ou par une commission d’experts externes dans laquelle peuvent être représentés différents groupes d’intérêts (scientifiques, représentants des groupes économiques et professionnels, etc.). Le projet est ensuite soumis au Conseil fédéral qui, s’il l’accepte, ouvre la procédure de consultation des cantons, des partis politiques et des milieux intéressés (art. 147 Cst.). Cette phase de la procédure s’achève par un projet de loi accompagné d’un message que le Conseil fédéral adresse aux chambres fédérales. Dans la phase suivante, une commission parlementaire examine le projet de loi du Conseil fédéral. Une fois le travail des commissions parlementaires terminé, 27 le projet fait l'objet de délibérations au sein des deux Conseils puis d'un vote d'ensemble et enfin d'un vote final. Si le projet est rejeté par un Conseil ou par les deux Conseils, il est réputé n'avoir pas abouti. À la suite du vote final des deux chambres, le texte est publié dans la feuille fédérale (soit l’organe de publication officiel de la Chancellerie fédérale) avec indication de la date jusqu’à laquelle le délai référendaire de 100 jours court (art. 13 al. 1 lit. e LPubl). En effet, comme nous l’avons mentionné, la loi peut faire l'objet d'un référendum facultatif si, dans les 100 jours qui suivent sa publication, 50'000 citoyens ou huit cantons au moins le demandent (art. 141 al. 1 lit. a Cst.). S'il n'y a pas eu de référendum, ou qu'il n'a pas abouti, le Conseil fédéral fixe la date d'entrée en vigueur de la loi et ordonne sa publication dans le recueil officiel du droit fédéral ainsi que dans le recueil systématique du droit fédéral. Chapitre 4 Les ordonnances du Conseil fédéral 41 Le Conseil fédéral jouit aussi d’un pouvoir réglementaire et peut adopter des règles de droit sous la forme d’ordonnances, à condition que la Constitution fédérale ou une loi fédérale l’y autorise (art. 182 al. 1 Cst.). Ces ordonnances contiennent des règles de droit, mais ne sont jamais soumises au référendum, contrairement aux lois fédérales (art. 141 al. 1 lit. a Cst. a contrario). Elles peuvent par exemple contenir des dispositions d’exécution qui viennent concrétiser et préciser les dispositions d’une loi fédérale. Les ordonnances du Conseil fédéral peuvent être classées en diverses catégories : Une distinction entre les ordonnances législatives et les ordonnances administratives ; Une distinction entre les ordonnances d’exécution et les ordonnances de substitution ; Une distinction entre les ordonnances indépendantes et les ordonnances dépendantes. À titre d’exemple d’ordonnance et d’illustration de la hiérarchie des normes décrite dans les chapitres précédents, citons les règles concernant le bail à loyer. La Constitution prévoit que le droit privé, dont le droit du bail fait partie, est du ressort de la Confédération (art. 122 al. 1 Cst.). Sur cette base, le législateur fédéral a pu adopter le Code des obligations (soit une loi fédérale), qui règle la matière du bail à loyer aux art. 253 ss CO. Dans ce cadre, la loi prévoit expressément que le Conseil fédéral édictera des dispositions d’exécution, notamment pour les locaux d’habitation (art. 253a al. 3 CO). Sur cette base à 28 nouveau, le Conseil fédéral a adopté une ordonnance, l’ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitation et de locaux commerciaux, qui a pour objet de préciser les dispositions légales du CO en matière de bail à loyer. Chapitre 5 L’application de la loi 43 La loi est souvent précise et claire. Il en va ainsi, par exemple, de l'art. 14 CC selon lequel « la majorité est fixée à 18 ans révolus ». Il existe cependant de nombreux cas où la loi est plus imprécise. Souvent, la loi fait référence à des « concepts juridiques indéterminés », qui lui permettent de garder le caractère général et abstrait qui caractérise la règle de droit. Par exemple, l'art. 337 CO prévoit que l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat de travail pour de « justes motifs ». Dans un tel cas, la loi fait référence au pouvoir d’appréciation du juge (art. 4 CC). Cette notion doit donc être appréciée en tenant compte de l’ensemble des circonstances et laisse au juge un véritable pouvoir d’appréciation. Lorsque le pouvoir d’appréciation du juge est réservé, celui-ci doit appliquer les règles du droit et de l’équité (pouvoir d’appréciation de l’art. 4 CC, qui doit être distingué de l’interprétation de la loi selon l’art. 1 CC). Il s’agit dans ces cas de préciser le contenu normatif dans un cas concret, sur invitation du législateur. Il peut arriver que le texte de la loi ne soit pas clair, auquel cas se pose la question de son interprétation. Le juge interprète la loi en se fondant sur différentes méthodes d’interprétation : - La méthode littérale consiste à étudier le texte même de la loi, la manière dont les alinéas sont disposés, les virgules placées, si les mots sont reliés par un « ou » ou par un « et ». La loi s’interprète en premier lieu selon la méthode littérale. Ce n’est donc que si le texte n’est pas absolument clair ou si plusieurs interprétations sont possibles que le juge utilisera les autres méthodes, décrites ci-dessous, en choisissant celle qui paraît la plus adéquate dans le cas particulier, sans ordre de priorité entre ces méthodes (ATF 83 I 178 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_701/2014 du 13 avril 2015, consid. 6.1). Les textes de loi rédigés dans les trois langues officielles sont équivalents dans leur version respective (cf. art. 70 al. 1 Cst.). Il n'y a donc pas de prédominance d'une langue sur l'autre. 29 - La méthode historique consiste à rechercher la volonté du législateur en examinant les travaux préparatoires de la loi (Message du Conseil fédéral, procès-verbaux des délibérations, exposé des motifs, etc., élaborés dans le cadre de l’adoption de la loi). - La méthode téléologique consiste à interpréter la loi dans le sens qui paraît à l'heure actuelle donner satisfaction à la justice, en tenant compte de l’évolution des circonstances. En d’autres termes, l’interprétation téléologique recherche le but que poursuit une norme pour en déterminer le sens. - La méthode systématique part de l'idée que l'ordre juridique forme un tout et l'on cherche à mettre la disposition concernée en harmonie avec les autres lois faisant partie du même système législatif. Seules les situations dans lesquelles le législateur a omis d’envisager une éventualité ou n’a pas songé à régler un point essentiel permettent au juge de créer une règle de droit (il s’agit des lacunes « proprement dites »). À l’inverse, lorsque la loi ne s’exprime pas sur une question parce que le législateur a intentionnellement souhaité résoudre négativement cette question, il s’agit d’un silence qualifié de la loi (lacunes « improprement dites »), que le juge ne peut pas combler. Enfin, pour terminer cet examen de la loi en tant que source formelle du 48 droit, il est nécessaire de mentionner les trois règles suivantes : 1. Les lois spéciales priment les lois générales (lex specialis derogat generali). 2. La nouvelle loi l'emporte sur la loi ancienne (lex posterior derogat priori). 3. Une loi ne prévoit de dispositions que pour l'avenir, elle n'a pas d'effet rétroactif. 30 SECTION 4 LA JURISPRUDENCE Chapitre 1 Le rôle de la jurisprudence 49 La jurisprudence est l'ensemble des décisions rendues pas les tribunaux (soit par les juges). Le rôle de la jurisprudence, ou si l'on préfère des juges, est considérable dans le développement et l'évolution du droit. Il se manifeste notamment sous l’angle de : - l'application de la loi, notamment en présence d’un concept juridique indéterminé ; - l'interprétation de la loi en vue, le cas échéant, du comblement d’une lacune proprement dite. Chapitre 2 Les effets de la jurisprudence 50 En pratique, un jugement rendu par un tribunal a toujours une double portée : - Une portée concrète : le jugement met fin à un litige ou sanctionne la violation d'une règle de droit. Cet effet ne concerne que les parties au procès. - Une portée générale : en prenant sa décision, le juge fait un raisonnement qui l'amène à appliquer la règle générale et abstraite au cas particulier. En raison du principe de la sécurité du droit et afin d’éviter de se livrer à l’arbitraire, les tribunaux respectent les décisions antérieures, raison pour laquelle tout jugement a également un effet sur les litiges ultérieurs. Ainsi, la jurisprudence joue un rôle capital dans l'élaboration du droit. Les règles qui se dégagent de la jurisprudence n'ont évidemment pas la même force que celles qui résultent de la loi. Mais si, de façon régulière, la jurisprudence interprète et applique la loi dans le même sens, les principes ainsi établis vont acquérir une force normative. C'est dans ce sens que l'on peut dire que la jurisprudence est une source du droit. Les jugements des tribunaux n'ont pas tous la même importance. On distingue deux sortes de décisions : 31 - Les décisions d'espèce : ce sont des décisions dans lesquelles le juge se borne à appliquer la loi au cas concret, sans pour autant régler un problème nouveau. - Les décisions de principe : ce sont les décisions qui se distinguent d'une décision d'espèce par le fait que, pour trancher une affaire qui se présente sous un aspect particulier, le juge fait un pas de plus en posant une règle, un principe qui, à ses yeux, a un caractère général, valable pour d'autres cas futurs et qu'il énonce au terme d'une discussion dans laquelle il tente d'élever le débat au-dessus du cas particulier. Chapitre 3 Le revirement de jurisprudence 53 Nous l’avons vu, les décisions de justice comportent une portée générale, en ce sens que les tribunaux auront en principe tendance à faire preuve de continuité et à appliquer la loi de manière identique au fil du temps. Cela n’empêche toutefois pas le juge d’opérer un changement de jurisprudence. Le revirement de jurisprudence peut être défini comme un changement de pratique judiciaire provoqué par une nouvelle décision allant à l’encontre des décisions rendues jusqu’alors. Les revirements de jurisprudence sont relativement rares en droit suisse, car ils peuvent nuire à la sécurité du droit et créer une inégalité de traitement. Ils peuvent se justifier en présence de motifs sérieux, lorsque les conceptions juridiques ou les circonstances (état de la science, mœurs) ont évolué. SECTION 5 LA DOCTRINE 54 La doctrine est l’ensemble des textes rédigés par des auteurs sur des sujets juridiques. Les juges doivent s'en inspirer (art. 1 al. 3 CC). Il est cependant évident que les avis émis par la doctrine n'ont pas la même force obligatoire que la loi. Cas pratique : Charlie et son entreprise « EasyFlight » 57 Résolution 58 32 SECTION 6 LES USAGES COMMERCIAUX ET 59 L’AUTORÉGLEMENTATION Dans la pratique commerciale, les usages commerciaux et le phénomène de l’autoréglementation tendent à prendre de plus en plus d’importance. Les usages commerciaux (ou pratique des affaires) sont des pratiques reconnues dans un milieu d’affaires donné. Ces usages peuvent servir à compléter un contrat, lorsque les parties s’y réfèrent expressément, ou à l’interpréter. L'autoréglementation est le processus qui permet aux administrés, sous la surveillance de l'État, d'une part d'édicter les règles qu'ils doivent respecter dans l'exercice de leur activité et, d'autre part, de surveiller l'application de ces mêmes règles. En droit suisse, l’autoréglementation est fréquemment utilisée en droit bancaire et financier, ce qui s’explique notamment par le caractère technique des questions traitées et l'évolution rapide du secteur. * * * Cas pratique : exemple de question d’examen 60 La jurisprudence permet de (d’) : A. Interpréter la loi. B. Combler un silence qualifié de la loi. C. Abroger une loi clairement injuste et inéquitable. D. Assurer une certaine continuité dans l’application de la loi. 61 Résolution 33 TITRE V LES DOMAINES DU DROIT 62 SECTION 1 LES GRANDES DIVISIONS DU DROIT 63 Chapitre 1 En général Il est possible de diviser notre système juridique en tenant compte de la nature des relations régies par la règle de droit et donc de distinguer entre droit public et droit privé. Il s'agit ici de la distinction la plus courante et la plus importante. On peut aussi diviser le droit en tenant compte du champ d'application de la règle et distinguer entre droit interne et droit international. On peut enfin diviser le droit en tenant compte du contenu des règles et distinguer entre droit matériel et droit formel (procédure et organisation judiciaire). Chapitre 2 Le droit public et le droit privé 64 - 65 On entend par droit public les règles relatives à l'organisation de l'État, au fonctionnement de ses services et aux relations de l'État avec les individus. On entend par droit privé les règles relatives aux relations des particuliers entre eux, placés sur un pied d'égalité sur le plan juridique. Il existe différentes théories qui permettent de distinguer le droit public du 66 droit privé. En pratique, il n'est pas toujours facile de distinguer ces deux domaines du droit. Chaque théorie fournit des critères à prendre en considération, mais le Tribunal fédéral ne privilégie aucune théorie par rapport aux autres. De manière générale, les critères de distinction sont les suivants : - Selon le critère des intérêts, les règles de droit privé servent les intérêts des particuliers, tandis que les règles de droit public sauvegardent l'intérêt public ou général. - La théorie des sujets se fonde sur la nature des parties au rapport juridique. Le droit privé règle les rapports entre particuliers (personnes physiques ou morales) et le droit public régit les rapports entre une corporation publique (Confédération, canton, commune) et un particulier ou entre deux corporations publiques. 34 - Selon le critère de la subordination, le droit privé traite les sujets de droit sur un plan d'égalité, de coordination, tandis que le droit public les traite sur un plan de subordination. En d'autres termes, le droit public règle les rapports dans lesquels l’une des parties, l’État, est supérieure aux autres. - La théorie dite « formelle », proche de celle de la subordination, prend comme critère la forme des actes juridiques. Le droit privé suppose la forme contractuelle régie par le principe de l'autonomie de la volonté : les sujets de droit peuvent régler, dans les limites d'un certain cadre fixé par l'ordre juridique (cf. art. 20 CO), leurs relations juridiques comme ils l'entendent. Le droit public, quant à lui, suppose la forme de l'injonction donnée par l’État, sous forme de décision. Ainsi, le contenu du droit public, notamment les obligations qu’il implique pour les justiciables, est déterminé par la loi et s’impose aux justiciables par la voie unilatérale. - Le critère de la sanction (la théorie dite modale), également proche du critère de la subordination, attribue une norme à l'un ou l'autre droit selon que sa violation entraîne une sanction relevant du droit privé (par exemple : la nullité d'un acte juridique) ou une sanction relevant du droit public (par exemple : la révocation d'une autorisation). Cas pratiques 67 - 72 Chapitre 3 Le droit matériel et le droit formel 73 - 74 Le droit matériel est l'ensemble des règles qui ont pour objet de prescrire ou d'interdire un certain comportement, de faire naître ou de restreindre des droits et des obligations. Le droit formel fixe les voies par lesquelles on peut obtenir la reconnaissance et l'exécution d’une prétention. Il contient donc les règles d'organisation et de procédure qui ont pour but d'assurer l'exécution des droits et des obligations. Les règles de procédure ont un double but : - Assurer un certain ordre dans les relations qui s'établissent entre les autorités et les particuliers ou entre les particuliers. - Assurer certaines garanties aux justiciables. 35 Chaque domaine du droit (droit administratif, droit pénal, droit privé) comprend des règles de procédure qui lui sont propres (procédure administrative, procédure pénale et procédure civile). Ces règles seront analysées dans le cadre du domaine du droit qu’elles concernent. En vertu des art. 122 al. 1 et 123 al. 1 Cst., les procédures civiles et pénales relèvent de la compétence de la Confédération, alors que l’organisation judiciaire et l’administration de la justice restent de la compétence des cantons, sous réserve des exceptions prévues par la loi (art. 122 al. 2 et 123 al. 2 Cst.). La procédure administrative fédérale est réglée au niveau fédéral, tandis que les règles de procédure administrative cantonale sont réglées par chaque canton. 36