Conflits de Normes - Droit Français PDF
Document Details
Uploaded by SpellboundBandura1188
Université de Haute-Alsace
Tags
Summary
Ce document traite des conflits de normes en droit français. Il distingue les conflits entre normes de même valeur et les conflits entre normes hiérarchisées. Il aborde spécifiquement les conflits de normes dans le temps, en examinant la non-rétroactivité des lois et les exceptions possibles, tels que les lois pénales plus douces ou les lois expressément rétroactives.
Full Transcript
Partie 3 : Conflits de normes Avec la masse des textes existants, il est très courant que plusieurs règle différentes s'appliquent à la même question juridique.\ En cas de concurrence entre 2 normes, la question est de savoir laquelle appliquer. **[2 cas de figure principaux se posent :]** - Le...
Partie 3 : Conflits de normes Avec la masse des textes existants, il est très courant que plusieurs règle différentes s'appliquent à la même question juridique.\ En cas de concurrence entre 2 normes, la question est de savoir laquelle appliquer. **[2 cas de figure principaux se posent :]** - Le conflit entre normes de même valeur (**CHAP** **1**) - Conflits entre normes hiérarchisées (**CHAP** **2**) CHAP 1 : Conflits entre normes de même valeur ============================================== Si 2 lois sont applicables aux même cas et ne disposent pas de la même chose, il y a conflit entre 2 normes de même valeur. Quelle norme doit-on appliquer au litige ? Ces conflits apparaissent surtout lorsque plusieurs textes se succèdent dans le temps (A) mais aussi entre textes généraux et spécifiques (B) Les conflits de normes dans le temps ------------------------------------- Le législateur adopte en permanence de nouvelles règles, la loi nouvelle remplace alors la loi ancienne. Le problème, c'est **lorsque les faits se déroulent entre ces changements**, relèvent-ils de la loi ancienne ou de la loi nouvelle ? **Voici les enjeux du problème** : La loi ancienne connue des intéressés/justiciables au moment des faits respecte au mieux leurs prévisions légitimes, il y a donc tout lieu de maintenir son application au moment d'une transition.\ **MAIS**, la loi nouvelle présumée améliorer une règle devenue indésirable, cette loi nouvelle constitue un progrès du droit, il y a donc intérêt à faire profiter le plus grand nombre de ses bienfaits. Ce qu'il faut **absolument** **comprendre**, c'est que toutes les règles qui régissent les conflits de normes dans le temps, **reposent toujours sur cet** **équilibre entre respect des prévisions légitimes et bénéfice de la règle la plus moderne.** Les principes permettant de résoudre les conflits de normes dans le temps dépendent **du moment où ont eu lieu les faits**. **[Voici les 3 cas de figure :]** - **Les situations qui naîtront après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle** ne soulèvent aucun conflit de norme et donc aucune difficulté, **seule la loi nouvelle s'applique à ces cas**.\ Cependant, il faut se demander si une loi nouvelle peut s'appliquer à des situations passées ou en cours ### Les situations passées Le principe est que la loi nouvelle n'est pas rétroactive. Elle ne produira pas d'effets sur les situations passées. Par exception, il existe des lois rétroactives : **Le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle :\ ** - Il s'agit d'une **règle fondamentale du droit, ce qui est fait est fait**, on ne peut pas opposer une règle à quelqu\'un après-coup alors que cette règle n'existait pas au moment des faits - **En droit pénal**, le principe de **non-rétroactivité de la loi** a **valeur constitutionnelle**, ce principe est inscrit à l'art. 8 de la DDHC de 1789. - Ce principe est fondamental en droit pénal car les libertés des individus sont menacées, notamment par des peines de prison. - Puisque ce principe a valeur constitutionnelle, le Parlement ne pourra jamais adopter une loi pénale rétroactive, c\'est-à-dire une loi qui créerait un nouveau crime et qui s'appliquerait à des méfaits ayant déjà été commis. - **En droit civil** en revanche, le principe de non-rétroactivité n'a pas valeur constitutionnelle. Il est posé par l'art. 2 du Code civ. : *« La loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif »\ * - **Néanmoins,** puisque le principe de non-rétroactivité en droit civil n'a pas valeur constitutionnelle, **le législateur pourra y déroger en adoptant une loi rétroactive.** **Les lois rétroactives\ ** **ATTENTION**, appliquer une loi nouvelle aux situations passées peut être **extrêmement dangereux**, cela peut **générer des injustices et des instabilités.** **\ [Pourtant certains intérêts peuvent justifier ce jeu dangereux :\ ]** **En 1^er^ lieu, les lois pénales plus douces, il existe une exception, si la loi pénale est moins sévère, elle pourra s'appliquer** Au jour du jugement, les juges devront appliquer la loi pénale la moins sévère qui sera donc rétroactive. On considère que si la loi a changé, c'est que la société a décidé d'être moins attentatoire aux libertés. Par conséquent, on refuse d'appliquer des lois anciennes même pour des faits passés. Parfois, c'est juste le montant d'une amende qui monte ou qui baisse. Si l'amende augmente, on appliquera la loi ancienne en vigueur au moment des faits, mais si l'amende baisse entre-temps, on appliquera alors la loi nouvelle moins sévère qui sera donc rétroactive. **En 2^nd^ lieu, les lois expressément rétroactives :** La loi peut être rétroactive du fait de la volonté du législateur, cet effet rétroactif est alors précisé dans le texte de loi. Le parlement peut faire cela pour arranger une situation qu'il considère comme gravement problématique. **ATTENTION** : le Parlement ne peut pas adopter de loi pénale rétroactive qui serait plus sévère, car cela est interdit par l'art. 8 de la DDHC de 1789, intégré dans le bloc de constitutionnalité Enfin, les lois rétroactives ne peuvent jamais remettre en cause des décisions de justice définitives. ### Les situations en cours Les situations en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sont des situations qui, par hypothèse s'étalent dans le temps. *[Par ex] : un mariage, un contrat de crédit, un contrat de location* Ces situations sont nées sous l'empire de la loi ancienne, mais elles sont toujours existantes lorsqu'entre en vigueur la loi nouvelle. **Quelle loi va dès lors régir ces situations ?** **Situations non-contractuelles : effet immédiat de la loi nouvelle (principe)\ ** Pour les situations en cours qui n'ont pas été créées par un contrat, la nouvelle loi s'applique immédiatement et pour le futur. **Cet effet immédiat ne modifie pas le passé**, mais il permet d'**encadrer le présent et l'avenir avec la loi nouvelle**. Cela permet d'appliquer à tous, au même instant, la même règle. **[2 exemples : ]** - Les nouvelles normes environnementales s'appliquent à tous les industriels, même ceux qui ont été autorisés à exploiter avant ces nouvelles règles. - Les lois sur le divorce sont applicables aux époux mariés sous l'empire de la loi ancienne. **Les situations contractuelles : la survie de la loi ancienne** L'hypothèse est celle d'un contrat conclu avant la loi nouvelle mais dont les effets se prolongent au moment de son entrée en vigueur. Le problème ici, c'est que lorsque 2 parties concluent un contrat, elles se mettent d'accord entre elles en fonction du droit applicable au moment de la conclusion du contrat. Quand on signe un contrat de travail, par exemple un CDI, c'est parce qu'on est intéressé par le droit applicable à ce genre de contrat (il offre une protection importante au salarié). **Si le droit change, c'est tout le contrat qui est remis en cause.** Si on applique une loi nouvelle à un contrat passé, on bouleverse les prévisions légitimes des parties, cela provoque de **l'insécurité juridique**. C'est pourquoi **le principe applicable à cette situation est celui de** **la survie de la loi ancienne**. On applique à ce contrat la loi en vigueur au moment de sa formation, même si les effets de ce contrat continuent de se réaliser après la loi nouvelle. **ATTENTION ! il existe une exception :** - Si une loi vise un impératif d'ordre public, alors elle s'appliquera **immédiatement à tous les contrats en cours** ! - Le législateur peut en effet préciser dans la loi qu'elle s'appliquera au contrat en cours pour des **motifs d'ordre public**, c\'est-à-dire **en raison d'un intérêt général supérieur**. **[Exemple :]** - Si une loi interdit un produit chimique dangereux pour la santé, elle pourra disposer que cette interdiction s'applique au contrat de vente **en cours** - Une augmentation du SMIC répond à un **intérêt social supérieur**, et pourra donc être **appliqué à tous les contrats de travail en cours** **ATTENTION !** - Si le législateur ne précise pas expressément qu'une loi est d'ordre public (fréquent), son caractère d'ordre public peut être déterminé par la jurisprudence. - C'est le juge qui décidera donc si le principe de survie de la loi ancienne sera appliqué. Comme on le voit, tous les principes et exceptions que nous venons de voir dans tout le grand A. recherchent toujours le même **équilibre, entre respect des prévisions légitimes et bénéfices de la règle la plus moderne**. Les conflits de normes entre textes généraux et spécifiques ----------------------------------------------------------- Toutes les lois n'ont pas le même degré de généralité. Il existe des lois générales, qui constituent le droit commun comme par exemple les règles générales sur le bail. Ces lois vont s'appliquer à toutes les catégories de bail, autrement dit à tous les baux. D'autres lois peuvent régir une catégorie de bail spécifique, comme le bail commercial. Le bail commercial étant aussi un bail au sens général, il est donc visé par les 2 lois. Or, il arrive que ces 2 lois de même valeur se contredisent ou donnent lieu à des interprétations contradictoires. Le principe pour régler un tel conflit de normes est le suivant : «* specialia generalibus derogant* » : **les lois spéciales dérogent au lois générales**. Puisqu'on a adopté un régime spécifique, c'est qu'il est plus adapté et il doit donc primer sur la loi générale en cas de contradiction **Ce principe ne s'applique pas que pour les lois, mais pour tous les conflits entre normes de même valeur, si on a une norme générale et spéciale.** (entre 2 règlements, décrets, arrêtés par exemple) CHAP 2 : Les conflits entre normes de valeurs différentes ========================================================= Les normes étaient hiérarchisées sous la forme d'une pyramide dont le sommet représente la Constitution Le principe qui découle de cette hiérarchie est le suivant : **Une norme n'est valide que si elle est conforme aux normes qui lui sont supérieures.** La résolution des conflits entre normes de valeurs différentes repose donc sur ce principe. Le conflit entre lois et règlements ----------------------------------- Si une loi et un règlement sont applicables au même problème de droit et qu'ils se contredisent, la solution est simple, la loi s'impose. Le règlement est soumis au **principe de légalité**, s'il n'est pas conforme à la loi, il doit être **écarté**, **voire** **annulé**. **[Par exemple :\ ]** - Une loi interdit toute atteinte à une espèce sauvage en voie de disparition, par la suite, un décret sur la chasse permet que dans certaines conditions et zones, la chasse de cette espèce est permise. Le décret ne peut pas être appliqué car il ne respecte pas le principe posé par la loi. - Un règlement, cela peut aussi être un arrêté municipal qui autoriserait la construction d'une maison au bord de la mer, alors que la loi interdit toute construction sur une bande de 100m à partir du rivage. Cet arrêté municipal, contraire à la loi, serait annulé par le juge et la construction ne pourrait pas être autorisée. Le conflit entre loi et Constitution ------------------------------------ Si la loi contredit la Constitution, la loi doit être écartée, c'est la Constitution qui s'impose. **ATTENTION !** Bien souvent, la loi ne contredit pas ouvertement la Constitution, mais elle ne respecte pas suffisamment ses exigences fondamentales/\ C'est le Conseil Constit. qui règle ce type de conflits, selon 2 procédures différentes : le **contrôle a priori** et le **contrôle a posteriori (avec la QPC)** Le conflit entre règlements et Constitution ------------------------------------------- Si un règlement contredit la Constitution ou ne respecte pas suffisamment ses exigences, ce règlement ne pourra pas être appliqué par le juge constitutionnel. **ATTENTION** **!** **C'est le juge ordinaire** (le plus souvent le JA) **qui contrôle la conformité du règlement avec la Constitution**, le Conseil Constit. quant à lui, ne contrôle que la loi. Par contre, si un règlement est conforme à la loi qui lui sert de fondement mais que cette loi est contraire à la Constitution, le juge ordinaire ne peut pas déclarer ce règlement contraire à la Constitution. La loi fait écran, c'est la **théorie de l'écran législatif. (2^ème^ année)** Les conflits entre lois et sources internationales -------------------------------------------------- L'ordre juridique international ne pourrait pas exister si : - chaque Etat pouvait continuer à utiliser des règles de droit interne qui seraient contraires aux **normes supranationales.** - chaque Etat adoptait de nouvelles règles contraires aux conventions internationales passées, la supériorité de la règle internationale et européenne sur la loi étatique est donc un élément constitutif pour ses ordres juridiques supranationaux. C'est pourquoi tous les juges supranationaux adoptent sans exception la même solution, en cas de conflit entre une règle internationale et une règle interne, la 1^ère^ s'impose et écarte la 2^nde^. **[Cela vaut pour :]** - la **CIJ** (Cour internationale de justice), - le **juge de la CJUE** (Cour de justice de l'UE), - les **juges de la CEDH** (Cour euro des DH) En droit FR, ce principe est inscrit à l'art. 55 de la Constitution : « *les traités ou accords ont une autorité supérieure à celle des lois.* »\ **Cela signifie que la norme internationale prime donc sur la norme de droit interne.** Néanmoins, si une norme internationale est contraire à la Constitution, cette règle ne prime pas sur la Constitution, c'est bien la Constitution qui s'impose car elle est supérieure au traité international, et si la FR souhaite tout de même signer ce traité, elle doit préalablement réviser la Constitution.