Neurophysiologie - Synthèse Goubert PDF
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This document provides a synthesis of neurophysiology, focusing on the neurobiology of behavior and different theories related to it. It details the concept of the brain as a network of interacting neurons rather than a unified system. It encompasses topics like the doctrine of Cajal and the contrasting phrenological and unified field theories, ultimately highlighting the interconnectedness in the brain's functions.
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PARTIE I NEUROBIOLOGIE ET COMPORTEMENT CHAPITRE 1 – NEUROBIOLOGIE DU COMPORTEMENT L’objet des neurosciences est de comprendre les processus mentaux par lesquels nous percevons notre environnement, nous agissons sur l’environnement, nous apprenons et mémorisations La surface du corps est bombardé...
PARTIE I NEUROBIOLOGIE ET COMPORTEMENT CHAPITRE 1 – NEUROBIOLOGIE DU COMPORTEMENT L’objet des neurosciences est de comprendre les processus mentaux par lesquels nous percevons notre environnement, nous agissons sur l’environnement, nous apprenons et mémorisations La surface du corps est bombardée en permanence par un ensemble de stimuli qui vont être capturés par des organes sensoriels, qui vont envoyer l’information au cerveau, pour la traiter afin d’aboutir à l’émergence d’une perception (ex : couleur orange, odeur d’une mandarine…) et pouvoir ensuite répondre en réalisant des séquences motrices Il existe un bon nombre de processus mentaux : perception, attention, mémorisation, raisonnement, apprentissage, parole, création artistiques… pensée… Ces différents processus mentaux sont-ils contrôlés par des régions spécifiques du cerveau ou « l’esprit » est-il une propriété collective et émergente du cerveau ? Cette question a été débattue longuement 1. La doctrine de Cajal Jusqu’au XVIIIe siècle, nous pensions que le cerveau était une glande qui produisait des fluides distribués en périphérie via les nerfs. 1 A la fin du XIXe siècle : descriptions détaillées des cellules nerveuses réalisées par Camillo Golgi et Santiago Ramòn y Cajal. Ils découvrent que le système nerveux est constitué de cellules individuelles, que l’on nomme neurones, organisées en circuit le tissu nerveux n’est donc pas continu. Santiago Ramòn y Cajal (prix Nobel 1906) établit une doctrine : « les neurones sont les éléments de signalisation élémentaire du SN ». Cette doctrine a été établie à partir de 5 disciplines expérimentales qui sont tout autant d’arguments en faveur de cette doctrine : - Anatomique et Histologique : Golgi développa fin du 19e une méthode pour colorer les neurones à l’aide de sels d’argent (=imprégnation argentique) qui permet de révéler toute la structure de la cellule au microscope, avec son corps cellulaire, et deux types de projections : des dendrites arborescentes d’un côté, et un prolongement unique ressemblant à un câble, l’axone, de l’autre côté. - Embryologique : Ross Harrison, dans les années 1920, montra que les dendrites et l’axone se développent à partir du corps cellulaire et que l’extrémité de l’axone se termine par le cône de croissance qui guide l’axone vers sa cible au cours du développement embryonnaire. Il a pris des neurones embryonnaires (cellule ronde), qu’il a mis en culture Les neurones ont commencer à produire des neurites (prolongement de membranes). Certains de ces neurites vont se différencier en dendrite et l’un en un axone. L’axone se termine par un cône de croissance, composé de lamellipodes et de filopodes, permettant d’explorer l’environnement et d’ainsi guider la croissance de l’axone pour relier les neurones les uns aux autres. - Physiologique : à la fin du 18è siècle, le médecin et physicien Luigi Galvani découvre que les cellules excitables comme les cellules nerveuses et musculaires produisent de l’électricité. - Pharmacologique : A la fin du 19è siècle, des physiologistes comme Claude Bernard montrèrent que les drogues n’interagissent pas avec les cellules nerveuses de manière arbitraire mais sur des récepteurs situés dans leur membrane. Cette découverte est à la base de la compréhension de la communication chimique entre les neurones via les neurotransmetteurs qui se fixent sur des récepteurs membranaires. 2 2. Deux visions opposées ont été proposées pour décrire les relations entre cerveau et comportement 2 grandes visions s’opposent : certains ont proposés que le cerveau fonctionne comme un tout ; et d’autres proposèrent qu’il fonctionne comme une mosaïque. A. La phrénologie Les premières tentatives de synthèse des concepts biologiques et psychologiques dans l’étude du comportement se firent à la fin du XVIIIe siècle : le médecin et neuroanatomiste allemand Franz Joseph Gall proposa une théorie appelée phrénologie, basée sur trois idées radicalement nouvelles. (1) Tous les comportements (activité de percevoir, sentir, bouger, mémoriser, éprouver des émotions…) émanent du cerveau (2) Des régions particulières du cortex contrôlent des fonctions spécifiques, le cerveau étant divisé en 35 régions corticales correspondant chacune à une faculté mentale particulière. Même les comportements les plus abstraits comme la générosité, la religiosité, l’espoir avaient une région assignée sur la carte du cerveau proposée par Gall. On retrouve aussi la vénération, la capacité d’imiter, le sens du temps, la combativité… (3) Chaque région corticale spécifique d’une fonction mentale croît avec l’usage, comme un muscle qu’on exerce. Une conséquence de cette croissance est la formation de renflements et de sillons observables sur le crâne, capables d’indiquer quelle région est plus développée que telle autre. Plutôt que de regarder dans le cerveau, Gall pensait pouvoir établir des bases anatomiques explicatives des traits de caractère en corrélant la personnalité des individus à la distribution des bosses du crâne, une science appelée « phrénologie » B. La théorie du champ unifié A la fin des années 1820, le physiologiste français Pierre Flourens testa expérimentalement la théorie de Gall. Il excisa systématiquement du cerveau d’animaux d’expérience les centres fonctionnels proposés par Gall pour identifier les contributions au comportement de chaque « organe cérébral ». Des lésions dans des zones spécifiques affectaient de manière aspécifique, égale, toutes les fonctions supérieures. Plus il enlève de cortex, plus les dégats sont importants CCL : ces centres de Gall n’existe pas, toutes les régions du cerveau participaient à toutes les opérations mentales. Flourens a écrit : « toutes les perceptions, toutes les volitions occupent le même siège dans ces organes cérébraux, les facultés de percevoir, de concevoir ou de vouloir constituent donc essentiellement la même indivisible faculté ». Cette théorie du champ unifié du cerveau était en partie fondée sur les travaux expérimentaux de Flourens, mais représentait aussi une réaction culturelle anti-phrénologique, contre la vision que l’esprit humain peut avoir une base biologique, que « l’âme n’existe pas », que tous les processus mentaux puissent être réduits à l’activité de différentes parties du cerveau. 3 C. La théorie du connexionnisme cellulaire La théorie du champ unifié du cerveau fut sérieusement ébranlée dès 1850 par le neurologiste anglais J. Jackson. Ses travaux portèrent sur l’épilepsie focale simple. Dans cette maladie, les convulsions commencent toujours dans une partie donnée du corps (ex : commencent toujours dans la partie inférieure du membre droit). Il montra que cette partie du corps est fonction de la localisation cérébrale du foyer où démarre la crise Jackson montra que différentes fonctions motrices et sensorielles peuvent être attribuées à L’endroit du commencement de la crise est liée à une partie spéciale différentes parties du cerveau. du cerveau qui serait touchée Ces travaux ainsi que d’autres aboutirent à la vision de la fonction cérébrale dite du connexionnisme cellulaire. Selon ce modèle, les neurones individuels sont les unités de traitement du signal et ils sont généralement agencés en groupes fonctionnels connectés les uns aux autres de façon précise. 3. Théorie unificatrice de Wernicke – Illustration par le langage Jusqu’à quel point les fonctions mentales sont localisées dans des régions spécifiques du cerveau? Les différences entre le modèle champ unifié et le modèle du connexionnisme cellulaire peuvent êtres illustrés par la façon dont le cerveau produit le langage. Le langage est une fonction cognitive. Il s’agit de la capacité d’exprimer une pensée et de la communiquer au moyen de signes (paroles, gestes…) Les fonctions cognitives sont des fonctions complexes par lesquelles un organisme acquiert des informations sur l'environnement (=stimuli) et les élabore pour régler son comportement : perception, formation de concepts, raisonnement, langage, décision, pensée, mémorisation, rappel, apprentissage, résolution de problèmes ….. Les fonctions cognitives sont localisées dans le cortex cérébral La plupart de nos connaissances sur la localisation des aires impliquées dans le langage viennent de l’étude de patients atteints d’aphasie, un trouble du langage souvent provoqué par une lésion corticale suite à un accident cérébro-vasculaire (ACV) qui lèse de manière définitive une zone corticale par manque de vascularisation dans cette zone. A. Aire de Broca Le neurologiste français Paul Brocca était très influencé par les idées de Gall, mais soutenait que la phrénologie doit se baser sur l’étude de lésions cliniques des circonvolutions du cortex plutôt que sur l’observation des bosses du crâne. Sur cette base, Brocca fonda la neuropsychologie, une nouvelle science, distincte de la phrénologie de Gall. En 1861, Brocca décrivit un patient nommé Leborgne qui comprenait le langage mais était incapable de parler ou d’écrire. Ce patient n’avait pas de déficits moteurs (de la langue, de la bouche ou des cordes vocales) pouvant expliquer son état. Il pouvait écrire, prononcer des mots isolés et même chanter une mélodie sans difficulté, mais il était incapable de former des phrases ou même d’exprimer ses idées, ses pensées par écrit. L’examen post mortem montra une lésion dans la région postérieure du lobe frontal de l’hémisphère gauche, là où jouxte le lobe pariétal et temporal. On appelle aujourd’hui cette région l’aire de Broca. Broca étudia d’autres patients dans tous les cas, la lésion était située dans l’hémisphère gauche, ce qui lui fit dire que nous parlons avec notre hémisphère gauche. 4 B. La stimulation d’une zone spécifique du cerveau donne une réponse spécifique Les travaux de Broca stimulèrent des recherches pour identifier d’autre sites corticaux responsables de comportements spécifiques. En 1870, Gustav Fritsch et Eduard Hitzig galvanisaient la communauté scientifique en montrant que des mouvements discrets des membres (discret signifiant ne concernant qu’une seule articulation) pouvaient être déclenchés chez le chien en stimulant électriquement une région du gyrus précentral. Si on stimulait une autre zone, un autre mouvement discret était activé. Argument en faveur de la localisation de zones spécifiques dans le cerveau. Ces régions discrètes étaient invariablement localisées dans le cortex controlatéral. Donc, chez l’homme, la main droite, la plus souvent utilisée pour écrire et effectuer des mouvements habiles, est contrôlée par l’hémisphère gauche, le même qui contrôle la parole. Chez la plupart des individus, l’hémisphère gauche est donc considéré comme étant dominant. C. Aire de Wernicke L’étape suivante fut réalisée en 1876 par Karl Wernicke qui décrivit un autre type d’aphasie que celle décrite par Brocca. Cette fois, la compréhension du langage était perdue plutôt que son expression (un trouble récepteur = trouble de compréhension, plutôt qu’expressif). Le site de la lésion était différent de celui observé chez les patients de Broca : ici c’est la partie postérieure du lobe temporal gauche (encore une fois) qui est concernée, là où il jouxte les lobes pariétal et occipital. On appelle aujourd’hui cette partie l’aire de Wernicke. D. Théorie unificatrice de Wernicke Wernicke proposa une théorie unificatrice réconciliant les tenants du cerveau-mosaïque et ceux du champ unifié en proposant que les fonctions mentales de base (actes percepteurs ou moteurs simples) soient localisées dans des aires distinctes du cerveau et que les fonctions complexes, cognitives, résultent de l’interconnexion entre différents sites. Cette vision du processing distribué constitue toujours la clé de voûte de la neurobiologie moderne. Cela concerne tous les processus cognitifs, même si nous illustrons ici que par le langage. Wernicke postula que le langage implique des programmes séparés, moteurs et sensoriels, chacun étant contrôlé par une région corticale séparée. Le programme moteur qui gouverne le mouvement de la bouche est localisé dans l’aire de Broca, située à proximité des aires motrices qui contrôlent la bouche, la langue, le palais et les cordes vocales Le programme sensoriel qui gouverne la perception des mots se situerait dans l’aire située dans le lobe temporal, l’aire de Wernicke. E. Modèle d’organisation distribuée du langage : - Les étapes initiales du traitement sensoriel des mots écrits ou parlés se font dans des aires différentes spécialisées dans le traitement de l’information auditive ou visuelle : Lorsque quelqu’un prononce un mot ou qu’on lit un mot, l’information auditive arrive au niveau du cortex auditif primaire (lobe temporal) ; et l’information visuelle au niveau du cortex visuel (lobe occipital). - Ces 2 cortex envoient des axones vers une aire corticale, le gyrus angulaire, qui est une aire d’association. On y retrouve des neurones qui traitent les 2 types d’informations (visuelles et auditives). Là, selon Wernicke, les mots entendus ou lus sont transformés en une « représentation nerveuse » commune, partagée par le langage parlé et écrit. On crée ainsi une représentation unique des mots et si on lit ou entend le même mot, les mêmes neurones du gyrus angulaire seront activés. 5 - Du gyrus angulaire, cette représentation est envoyée vers l’aire de Wernicke où elle est reconnue comme étant un mot, associé à une signification. Par exemple si l’on entend le mot chaise, l’on va mettre une signification sur ce mot. Sans cette association, la => expression capacité de compréhension est perdue. Dans notre exemple on ne pourra plus associer le mot chaise à la signification même d’une chaise en cas d’aphasie => signification de Wernicke. - L’information est ensuite relayée vers l’aire de Broca où, d’une représentation sensorielle et sémantique, elle est convertie en une représentation motrice qui peut potentiellement mener au langage parlé ou écrit. Quand cette dernière transformation ne peut s’opérer, la capacité d’exprimer le langage est perdue. C’est ce qui se passe dans l’aphasie de Broca. Ce modèle prédit qu’un troisième type d’aphasie devrait exister, si les fibres qui interconnectent les zones réceptrice et motrice sont interrompues. Cette aphasie, dite de conduction, est caractérisée par l’usage incorrect des mots (paraphasie). Les patients qui en sont affectés comprennent les mots qu’ils entendent ou qu’ils lisent mais ne peuvent pas parler de manière cohérente. Ils omettent des morceaux de mots ou les substituent par des sons incorrects. Ils sont cruellement conscients de leurs erreurs mais incapables de les corriger. F. Visualisation des aires actives Les techniques modernes d’imagerie : tomographie par émission de positrons (PET), résonance magnétique fonctionnelle (MRI fonctionnelle) permettent de visualiser les régions corticales qui sont en activités lorsqu’on produit tel ou tel comportement, en visualisant plus précisément les changements locaux de flux sanguin dans le cerveau qui accompagnent les activités mentales quand une zone corticale est active, elle a besoin d’oxygène et de glucose, ce qui provoque des changements de débit sanguin. L’IRM se base sur les changements du rapport entre oxyhémoglobine et la désoxyhémoglobine. La PET se base sur l’émission des positrons après avoir injecter de l’O 15, un isotope très instable (voir les détails à la page suivante) Ces techniques ont permis de visualiser les aires cérébrales activées au cours du langage. Ainsi, on peut observer que des aires différentes sont activées si on lit ou qu’on entend un mot et qu’en plus le fait de penser à la signification d’un mot active encore d’autres aires dans le cortex frontal gauche. Le traitement nerveux du langage est plus complexe que ne l’avait imaginé initialement Wernicke, Voici des exemples d’IRM En A l’individu observe des mots son cortex visuel situé dans la région occipitale est actif En B l’individu écoute des mots son cortex auditif primaire et les aires corticales associées son actifs En C l’individu prononce des mots son aire de Broca est active 6 Dans la tomographie par émissions de positons (PET), on va injecter au sujet d’expérience un isotope très instable : de l’oxygène15. Celui-ci va se désintégrer rapidement (son temps de demi-vie est d’environ 200s). Lors de cette désintégration, un positron (= positon) est émis. C’est une particule élémentaire de très petite masse et qui a une charge positive. Il va rencontrer un électron : les 2particules vont alors s’annihiler et 2photons gammas vont être émis selon une trajectoire unique mais chacun allant dans un sens opposés. Pendant tout ce temps, le sujet d’expérience a en fait sa tête au centre d’un dispositif constitué d’une multitude de détecteur. Quand 2 détecteurs détectent en même temps un photon gamma, la machine interprète ça comme un événement de désintégration. Comme l’isotope se concentre au niveau des zones active du cerveau (car la microcirculation y est activée), on pourra voir ces zones actives. G. Patients sourds et muets aphasiques L’aphasie n’est pas spécifique au langage parlé. En effet des patients sourds et muets ont perdu la capacité de dialogué avec le langage des signes, et ce systématiquement après des lésions de l’hémisphère gauche du cerveau, surement à proximité de l’aire de Wernicke. Ces observations indiquent 3 choses : (1) Les processus du langage sont réalisés par l’hémisphère gauche, indépendamment des voies sensorielles ou motrices utilisées par le langage. (2) Parler et entendre ne sont pas nécessaire à l’émergence de capacités de langage dans cet hémisphère. (3) Le langage n’est qu’un membre d’une famille de capacités cognitives réalisées dans cet hémisphère. H. Certaines fonctions linguistiques résident dans l’hémisphère droit Un hémisphère droit intact est en effet nécessaire pour percevoir certaines subtilités du langage telles que l’ironie ou les métaphores. Il intervient donc aussi dans le langage. L’organisation anatomique des centres qui traitent ces éléments affectifs est, de manière frappante, parallèle à celle des structures qui analysent le contenu logique du langage Ainsi un patient présentant une lésion dans la région de l’hémisphère droit correspondant à l’aire de Wernicke serait incapable de comprendre le contenu émotionnel du langage et ne pourrait donc comprendre : l’ironie de cette phrase : « Félicitations, une fois de plus vous avez raté votre examen de génétique ». Le ton triste de la voix … Au contraire, des dommages dans l’aire frontale correspondant à l’aire de Broca entraînent des difficultés dans l’expression des émotions, ce qui peut par exemple entrainer une voix monotone. 7 4. Les caractéristiques affectives et les traits de la personnalité sont aussi localisés anatomiquement Nous venons de voir l’exemple de patients aphasiques manifestant des troubles des aspects émotionnels du langage tel que l’ironie, l’intonation, l’expression langagière des émotions… Ces troubles étant localisés anatomiquement dans des zones spécifiques de l’hémisphère droit. Mais pendant longtemps on a pensé que les fonctions affectives (émotionnelles) n’étaient pas localisées mais constituaient une expression de l’activité du cerveau comme un tout. Ce n’est pas le cas : bien que les aspects émotionnels du comportement n’aient pas été cartographiés aussi précisément que les fonctions sensorielles, motrices ou cognitives ;des émotions distinctes peuvent être déclenchées en stimulant de manière électrique différentes parties du cerveau humain ou animal. Par exemple en stimulant l’amygdale, cela va entrainer de la peur chez le sujet, ce qui ne sera pas le cas en stimulant d’autres zones cérébrales. Des lésions limitées à certaines régions du cerveau perturbent spécifiquement l’expression ou la reconnaissance des émotions. Ainsi des lésions bilatérales de l’amygdale entrainent l’incapacité d’exprimer de la peur et de reconnaitre la peur sur le visage d’autrui. 8 CHAPITRE 2 – COMPORTEMENT ET CELLULES NERVEUSES Considérées individuellement, les cellules nerveuses qui sont les unités de base du cerveau ont une morphologie relativement simple. Quoique le cerveau humain contienne un nombre extraordinaire de ces cellules (de l’ordre de 1011 neurones), qui peuvent être classées en au moins un millier de types différents, toutes ces cellules partagent la même architecture de base. La complexité du comportement humain dépend moins de la spécialisation des cellules nerveuses que du fait que ces cellules sont organisées pour former des circuits anatomiques précis. Des cellules semblables sont donc capables de produire des effets différents grâce aux différents agencements des connexions qu’elles établissent entre elles et avec les récepteurs sensoriels et les muscles. Cellules gliales: homéostasie des ions, concentrations d’ions, barrière hematoencephalique, gaine de myéline, guidage des axones en croissance au cours du développement embryonnaire, isolation des groupes de neurones, participent aux synapses 1. Le neurone : unité fonctionnelle de base du SN Un neurone typique possède 4 régions morphologiquement définies ayant chacune une fonction distincte dans la production et le transfert du signal : - le corps cellulaire (soma) : le centre métabolique de la cellule. Il contient le noyau. Du corps cellulaire, s’étendent généralement deux types de prolongements : plusieurs courtes dendrites et un long axone tubulaire. - des dendrites : ils se ramifient comme des branchages et constituent l’appareil de réception du signal en provenance des autres cellules nerveuses. - l’axone : il s’éloigne du soma et est l’unité qui conduit le signal vers les autres neurones. Un axone peut conduire le signal sur une distance aussi courte que 0,1 mm ou aussi longue que plusieurs mètres. Ces signaux électriques sont appelés potentiels d’action (PA), ils sont produits au niveau d’une région spécialisée, le segment initial de l’axone, qu’on appelle zone gâchette. - des terminaisons présynaptiques : Près de son extrémité, l’axone se divise en fines branches qui communiquent avec d’autres neurones. Les cellules pré- et postsynaptiques ne se touchent pas mais sont séparées par un espace, la fente synaptique. La plupart des terminaisons présynaptiques se terminent sur les dendrites du neurone postsynaptique mais les synapses peuvent aussi se faire au niveau du corps cellulaire (soma) ou, plus rarement, au niveau de l’axone de la cellule postsynaptique. Les PA sont des variations rapides, transitoires et stéréotypées du potentiel de membrane 1 d’une amplitude d’environ 100 mV et d’une durée d’environ 1 ms. Les PA sont produit au niveau de la zone gâchette puis sont conduits sans distorsion ni affaiblissement à une vitesse de allant de 1 à 100m/s (la vitesse varie d’un neurone à l’autre suivant le diamètre de la fibre, de la présence de myéline…). 1Le potentiel de membrane peut-être mesuré grâce à 2 électrodes : une électrode qu’on a piquée à travers la membrane de la cellule, et l’autre électrode trainant dans l’espace extracellulaire. Par convention on définit le potentiel extracellulaire comme étant nulle. Au repos, le potentiel de membrane est négatif. Lors d’un PA, la membrane se dépolarise, elle devient moins négative puis même positive. 9 Les PA constituent le support de l’information reçue, analysée et envoyée par le cerveau. Ces signaux sont hautement stéréotypés (identiques) à travers tout le SN, malgré qu’ils soient engendrés par une très grande variété de stimuli qui atteignent notre corps (odeurs, ondes de pression acoustique, lumière, contact mécanique…). L’information conduite par un PA n’est donc pas déterminée par la forme du signal mais plutôt par les voies que le signal emprunte dans le cerveau. Notons que beaucoup de neurone ne produisent pas de P.A : le P.A est seulement nécessaire pour cheminer l’information nerveuse à longue distance. Si l’information doit être véhiculée sur une petite distance, une simple dépolarisation membranaire de proche en proche suffit pour diffuser cette information.. Sur la photo de la page précédente, le neurone ressemble fort à un motoneurone spinale, avec des dendrites développés mais pas trop et un long axone ramifié. A. Classification morphologiques des neurones La caractéristique qui distingue le plus un neurone d’un autre est sa forme, et en particulier, le nombre et la forme des procès qui émergent du corps cellulaire. Sur base de leur forme, on peut classer les neurones en 3 grandes catégories : unipolaires, bipolaires et multipolaires. Les neurones unipolaires n’ont qu’un procès, qui se ramifie généralement en plusieurs branches. Une branche sert d’axone, les autres de dendrites. Ces neurones sont majoritaires dans le SN des invertébrés. Chez les vertébrés, on les retrouve dans le système autonome. Les neurones bipolaires ont un soma ovoïde d’où émergent deux procès : un dendrite qui ramène l’information de la périphérie vers le soma, et un axone qui envoie l’information vers le SNC. De nombreuses cellules sensorielles sont des cellules bipolaires, y compris celles de la rétine, et celles de l’épithélium olfactif. Les mécanorécepteurs qui véhiculent l’information sur le toucher, la pression, la douleur vers la moelle épinière sont une variante de cellules bipolaires appelées cellules pseudo-unipolaires. Ces cellules se développent initialement comme des cellules bipolaires, puis les deux procès fusionnent pour former un axone qui se divise en une branche périphérique (vers les récepteurs cutanés, musculaires, articulaires…) et une branche qui remonte vers la moelle épinière. Ces neurones ne reçoivent pas d’information de neurones présynaptiques : les dendrites détectent directement les simuli. Le corps cellulaire des neurones pseudo-unipolaires se trouvent dans les ganglions spinaux. 10 Les neurones multipolaires prédominent dans le SN des vertébrés. Ils ont typiquement un axone unique et de nombreuses dendrites qui émergent de divers points du soma. Ces cellules peuvent prendre une grande variété de formes, en particulier, la longueur de l’axone peut varier énormément ainsi que le nombre et la complexité des arborisations dendritiques. En général, le nombre et l’étendue des dendrites est fonction du nombre de contacts synaptiques établis avec d’autres neurones. Les motoneurones ont relativement peu de dendrites et reçoit environ 10.000 contacts : 2000 au niveau du soma et 8000 sur les dendrites. Les cellules pyramidales corticales dont le corps cellulaire à une forme de pyramide. Les cellules de Purkinje du cervelet : elles sont beaucoup plus développé et reçoit de l’ordre de 150.000 contacts synaptiques !! à tout moment de l’information arrive sur ce neurone, cette information va être intégrée et à chaque moment me neurone doit décider de déclencher ou non un P.A. B. Classification fonctionnelle des neurones On classe aussi les neurones en 3 groupes fonctionnels majeurs : sensoriels, moteurs et interneurones. Les neurones sensoriels apportent l’information de la périphérie vers le SNC (on parle aussi de neurones afférents). Ils captent le stimulus et le transforme en un signal nerveux. Cette information sera utilisée à la fois pour élaborer des perceptions et pour coordonner la motricité (pour pouvoir faire un mouvement harmonieux, il faut un retour sur l’emploi de nos muscles). Les neurones moteurs portent les commandes motrices du cerveau ou de la moelle épinière (ME) vers les muscles ou les glandes. Les interneurones constituent de loin la catégorie majoritaire qui comprend tous les neurones qui ne sont ni spécifiquement sensoriels ni spécifiquement moteurs. Les interneurones sont subdivisés en 2 classes : Les interneurones de relais ou de projection, qui ont de longs axones et qui véhiculent l’information d’une région à une autre du cerveau les interneurones de circuits locaux qui ont de courts axones et qui traitent l’information localement. 2. Les neurones sont organisés en circuits responsables de comportements spécifiques Toutes les fonctions comportementales du cerveau sont exécutées par des ensembles spécifiques de neurones interconnectés. Jamais un neurone ne travaille seule pour effectuer un comportement particulier, sauf peut-être cher certains animaux très simples. Pour rappel, un comportement peut être : le traitement de l’information sensorielle, la programmation des réponses motrices et émotionnelles, la mémorisation des informations… etc Pour illustrer ce propos, prenons l’exemple simple du réflexe rotulien d’étirement (myotatique), un circuit de neurone monosynaptique - On frappe avec le marteau sur le tendon rotulien, qui attache le muscle quadriceps fémoral au tibia. - Le tendon (qui n’est pas élastique) va tirer sur le muscle - Le muscle (qui lui est élastique) va être étiré. 11 A. Les stimuli (imputs) produisent des signaux locaux et graduels Dans les muscles se trouvent des fibres nerveuses associés au fuseau neuromusculaire. Ces fibres nerveuses, dont le corps cellulaire se trouve dans un ganglion spinal, s’enroulent autour de la fibre musculaire. Le neurone sensoriel situé dans le quadriceps contient des récepteurs sensibles à l’étirement. - Ces récepteurs forment des canaux ioniques à travers lesquels les ions Na+ et K+, de manière aspécifique, peuvent passer. - Ces canaux, attachés au cytosquelette, s’ouvrent mécaniquement quand la cellule est étirée, permettant un influx rapide d’ions dans la cellule sensorielle : les Na+ vont avoir tendance à rentrer en suivant son gradient de concentration et son gradient électrique; le K+ ne va pas beaucoup voyager car son gradient électrique et de concentration sont à contre-sens, son potentiel d’équilibre est proche de celui du potentiel de repos du neurone. - Ce courant ionique entrant perturbe le potentiel de repos de la cellule et l’amène à un nouveau niveau, appelé potentiel de récepteur (moins négatif que le potentiel de repos vu que l’entrée de Na+ provoque une dépolarisation). - L’amplitude et la durée du potentiel de récepteur dépend de l’intensité de l’étirement du muscle. Plus l’intensité de l’étirement est importante (car plus de canaux seront ouverts), plus grand sera le potentiel de récepteur. Plus l’étirement dure longtemps, plus le potentiel de récepteur sera long. Dépolarisation Le potentiel de récepteur est la première représentation de l’étirement codée par le SN. - C’est cependant un signal purement local : Le potentiel de récepteur, donc l’activité électrique du neurone sensoriel initiée par le stimulus, se propage de manière purement passive le long de la membrane du neurone. Il diminue donc rapidement en amplitude et ne peut se propager au-delà de 1 ou 2 mm. A une distance d’1 mm, l’amplitude du signal n’est plus qu’un tiers de ce qu’elle était au site où il a été généré. - Pour pouvoir être transporté avec succès dans le reste du SN, le signal local doit être amplifié, il doit générer un potentiel d’action. Dans le réflexe rotulien, le potentiel de récepteur se propage jusqu’au premier nœud de Ranvier de l’axone, au niveau de la zone gâchette, juste avant la première cellule de Schwann, où, s’il est suffisamment important, il génère un PA qui se propage sans faille jusqu’à l’extrémité de l’axone dans la ME. 12 - Là, à la synapse entre le neurone sensoriel et le neurone moteur qui active les muscles de la jambe, le PA déclenche une chaîne d’événements qui résulte en un signal d’input dans le neurone moteur. Dans notre exemple du réflexe d’étirement, le PA provoque la sécrétion d’un médiateur chimique, (un neurotransmetteur, NT) dans la fente synaptique. - Le NT se lie à des récepteurs sur la membrane du neurone moteur et cette liaison est convertie en signal électrique qui altère le potentiel de membrane du motoneurone, un changement appelé potentiel postsynaptique. Comme le potentiel de récepteur, le potentiel postsynaptique est graduel. Son amplitude dépend de la quantité de NT qui a été relâché et sa durée dépend de la durée de la présence du NT dans la fente synaptique. Le potentiel postsynaptique peut être dépolarisant ou hyperpolarisant, selon le type de récepteur qui est activé au niveau postsynaptique. Les potentiels postsynaptiques, comme les potentiels de récepteurs, sont des changements de potentiel membranaires locaux qui se propagent passivement. Le signal ne se propagera que s’il donne lieu au déclenchement d’un potentiel d’action. La zone d’intégration décide de déclencher ou non un PA. Les PA sont générés par un influx soudain d’ions Na+ qui s’engouffrent dans la cellule par les canaux Na+ dépendants du voltage. Quand un signal (potentiel de récepteur ou potentiel postsynaptique) dépolarise la membrane cellulaire, le changement de potentiel de membrane ouvre les canaux Na+, permettant aux ions Na+ de couler dans la cellule en suivant leur gradient de concentration. L’ouverte de ces canaux dépolarise donc encore plus la cellule, ce qui ouvre d’autres canaux sodiques voltages dépendants… La dépolarisation va être fulgurante jusqu’à atteindre +20mV. Ces canaux Na+ voltage-dépendant sont concentrés dans le segment initial de l’axone, une portion axonique non-isolée. Comme cette région contient la plus grande densité de canaux Na+ sensibles au voltage, elle est la partie où le seuil de déclenchement des PA est le plus bas. Donc, un signal d’input se propageant passivement le long de la membrane est le plus susceptible d’initier un PA au niveau du segment initial de l’axone qu’à n’importe quel autre endroit de la cellule. Cette partie de l’axone est donc appelée zone gâchette, d’intégration ou de déclenchement (trigger zone). C’est à cet endroit que l’activité des potentiels de récepteur (ou postsynaptiques) sont additionnés pour déclencher le PA, si toutefois le seuil est atteint. Remarque : Pourquoi le potentiel membranaire n’atteint pas le potentiel d’équilibre de l’ion sodique mais que après un temps c'est pour cela que le potentiel de repos est proche de celui d'équilibre du potassium. Dans les neurones au repos, on peut mesurer les ratios suivants : P k :PNa:PCl = 1.0 :0.04 :0.45 Au pic du potentiel d’action, on peut mesurer que : Pk :PNa:PCl = 1.0 :20:0.45 Au repos c’est donc le potassium qui est prépondérant, 25x plus perméable que le sodium. Par contre, au pic de PA la perméabilité au sodium est 20x supérieure à celle du potassium (suite à l'ouverture des canaux sodiques). Dans cette situation donc, le potentiel membranaire se rapprochera du potentiel d'équilibre de l'ion Na+ (+55mV) Fonctionnellement, on peut représenter le neurone comme un circuit électrique où chaque canal ionique est l’équivalent d’une résistance et d’une pile : 17 4. Conclusion - les neurones diffèrent surtout au niveau moléculaire Le modèle de signalisation neuronale que nous venons de décrire est une simplification qui s’applique à la plupart des neurones. Le fonctionnement de certains neurones peut cependant s’en éloigner par certaines variations. - Par exemple, certains neurones ne génèrent pas de PA. C’est typiquement le cas d’interneurones de circuits locaux qui sont dépourvus d’élément conductible : ils n’ont pas d’axone, ou un axone si court qu’il ne nécessite pas de PA pour propager le signal. Dans ces neurones, les signaux sont sommés et se propagent passivement jusqu’à la terminaison, où le transmetteur est relâché. - Il y a aussi des neurones qui n’ont pas de potentiel de repos et sont actifs spontanément. - Même des cellules organisées de manière semblable diffèrent souvent au niveau moléculaire, exprimant par exemple différentes combinaisons de canaux ioniques, ce qui se traduira par des propriétés physiologiques différentes : seuil, patterns de décharge, propriétés électriques membranaires … - Les neurones diffèrent aussi par les transmetteurs qu’ils utilisent et par les récepteurs qu’ils expriment pour recevoir l’information d’autres neurones (l'effet d'un même neurotransmetteur peut dépendre, du type de récepteur sur lequel il se fixe. Ainsi la dopamine peut être excitatrice ou inhibitrice en fonctions des récepteurs). A cet égard, de nombreuses drogues qui agissent sur le cerveau le font en modifiant l’action de récepteurs de NT spécifiques ou même de différents sous-types de récepteurs pour un NT donné. Ces différences sont non seulement importantes pour le fonctionnement physiologique normal du SN mais elles sont aussi relevantes pour comprendre que les maladies peuvent affecter certaines classes de neurones et pas d’autres. - Par exemple, la sclérose latérale amyotrophique et la poliomyélite attaquent spécifiquement les motoneurones - Alors que le tabe dorsalis (stade tardif de la syphilis) affecte principalement les neurones sensoriels. - Dans la maladie de Parkinson, c’est une petite population d’interneurones qui utilisent la dopamine comme NT qui dégénèrent. Le fait que le SN comporte une telle variété de types cellulaires et de variations au niveau moléculaire explique pourquoi il est susceptible d’être atteint par d’avantage de maladies (psychiatriques et neurologiques) que n’importe quel autre organe de l’organisme. 18 PARTIE II BIOLOGIE CELLULAIRE ET MOLÉCULAIRE DES NEURONES Nous avons déjà vu des éléments de biologie cellulaire et moléculaire des neurones dans la première partie lorsque nous avons parlé en détail du potentiel membranaire. Nous parlerons ici des canaux ioniques et des propriétés électriques passives des neurones (signaux locaux). CHAPITRE 1 - LES CANAUX IONIQUES 1. Introduction et notion de sélectivité Les variations rapides du potentiel membranaire lors du PA sont la conséquence de flux d’ions à travers des canaux ioniques. Sur ce graphe nous voyons en effet que la conductance ionique (=capacité des membranes à laisser passer des ions) est parallèle au potentiel membranaire Quelques généralités en ce qui concerne les canaux ioniques : 1- Ils conduisent les ions de manière très efficace : jusqu’à 100 millions (108) ions passent au travers d’un seul canal par seconde. Ce qui fait qu'au cours d'un PA, la variation du potentiel membranaire (Vm) va jusqu'à 500V/s 2- Ils sont spécifiques de certains ions : par exemple, les canaux K+ responsables du potentiel de repos sont 100 fois plus perméables au K+ qu’au Na+. Les canaux sodiques sont eux 10-20x plus perméable au Na+ qu'au K+ très sélectifs, savent distinguer 2 molécules très proches. 3- Ils s’ouvrent ou se ferment en réponse à des signaux électriques, chimiques ou mécaniques ils sont contrôlables 4- Des dysfonctionnements des canaux ioniques (suite à des mutations génétiques) dans les cellules nerveuses ou musculaires sont à l’origine de nombreuses maladies neurologiques mais aussi de maladies qui touchent d’autres tissus que le SN, comme la mucoviscidose ou des arythmies cardiaques. 19 Les canaux ioniques sont pourvus d'un tamis moléculaire qui sélectionne l'ion Les membranes plasmiques sont hydrophobes et imperméables aux molécules d’eau. Au contraire, les ions sont hydrophiles et attirent les molécules d’eau qui sont bipolaires. Les cations attirent l’atome d’oxygène de l’eau (et les anions les atomes d’hydrogène). Les ions sont donc entourés d’une « coque » de molécules d’eau et ne peuvent pas traverser les bicouches lipidiques. Les canaux ioniques constituent des pores aqueux à travers lesquels les ions peuvent traverser la membrane. On peut se demander alors comment des canaux remplis d’eau peuvent être sélectifs pour tel ou tel type d’ion. Par exemple, comment un canal potassique peut-il laisser passer les ions K+ et exclure les ions Na+ ? La sélectivité ne peut pas être basée simplement sur le diamètre de l’ion puisque le K+ avec un rayon cristallin de 0,133 nm est plus grand que le Na+ (diamètre cristallin de 0,095 nm). Comme les ions en solution sont entourés d’une coque d’eau d’hydratation, la mobilité de l’ion dépendra de sa taille avec sa coquille d’eau. Plus un ion est petit, plus le champ électrique qui l’entoure est intense. Le Na+ a un champ électrique plus intense que le K+ et est donc entouré d’une plus grosse coquille d’eau que le K+. Donc, le Na+ en solution est moins mobile que le K+ vu la coquille qu'il traine. Le tamis moléculaire du canal, qui permet de sélectionner le bon ion (ou groupe d'ions), s'appelle le "filtre de sélectivité". Il opère en formant des interactions électrostatiques avec l’ion, ce qui lui permet de perdre une partie de ses molécules d’eau d’hydratation. Ces interactions se font entre l’ion et des résidus polaires d’AAs qui forment la paroi du pore. Pour que ces interactions puissent se faire, il faut que l’ion ait le diamètre et le champ électrique approprié, ce qui explique la spécificité du tamis. 20 Voici ci-dessous la structure cristallographique d’un canal K+ bactérien déterminée par diffraction des rayons X. Ce canal est formé de 4 sous-unités identiques arrangées symétriquement autour d’un pore central. Chaque sous-unité fournit 2 hélices alpha transmembranaires connectées par une boucle, la région P qui forme le filtre de sélectivité du pore du canal. 2. Caractéristiques générales des canaux ioniques A. Le flux d'ions à travers le canal est passif La force qui s’exerce sur les ions et qui permet leur passage à travers les canaux est déterminée par deux facteurs : la différence de potentiel à travers la membrane (gradient électrique) et le gradient de concentration transmembranaire de l’ion perméant. Il y a 2 grandes catégories de canaux : Dans certains canaux, les canaux ohmiques, le courant d’ion varie linéairement avec la force électrochimique. Ces canaux se comportent donc comme de simples résistances, obéissant à la loi d'Ohm I = V/R = V x C. La pente de la droite correspond à la conductance Lorsque la différence de potentiel membranaire = le potentiel d'équilibre de l'ion, il n'y a pas de courant. 21 Dans d’autres canaux, le courant est une fonction non linéaire de la force motrice. Ces canaux appelés « rectificateurs » conduisent mieux les ions dans une direction que dans l’autre. La conductance d’un canal rectificateur est donc variable en fonction du sens du courant, un peu comme les diodes en électricité. Ces canaux ont une forme d'entonnoir. Sortant Pente plus forte Pente plus faible Entrant Courant négatif VS positif: le courant passe dans un sens ou dans l’autre sens (int- ext / ext-int) Courant entrant = charges positives entrent dans la cellule = courant négatif Courant sortant = charges positives qui sortent de la cellule = courant positif B. L’ouverture et la fermeture des canaux implique des changements conformationnels Tous les canaux ioniques peuvent se trouver dans deux ou plusieurs états conformationnels relativement stables, chacun de ces états structurels représentant un état fonctionnel différent. Par exemple, un état « ouvert » et un ou plusieurs états « fermés ». On connaît peux de choses sur les mécanismes d’ouverture/fermeture des canaux. Trois modèles physiques théoriques sont représentés ci-contre. Le modèle de la particule bloquante peut impliquer une particule faisant partie du canal (y étant attachée, comme sur le schéma) ou une particule extrinsèque (libre) présente dans la cellule ou à l’extérieure de celle-ci, tels que l’ion Mg++ par exemple. 22 Prenons l'exemple du récepteur NMDA au glutamate (rem : c'est le NT libéré notamment par le neurone sensoriel dans le réflexe myotatique ; le NMDA est agoniste de ces récepteurs). 2 conditions sont nécessaires à l'ouverture de ce canal (perméable au sodium et au calcium) : - Que le glutamate soit fixé - Que la cellules sont dépolarisées pour empêcher l'ion magnésium d'obstruer le canal. Explication : l'ion magnésium étant chargé positivement, il est attiré vers l’intérieur du neurone au repos, le potentiel y étant négatif la polarisation membranaire tire le Mg vers l'intérieur mais il reste bloqué dans le canal à cause d'un bourrelet. La dépolarisation de la cellule fait en sorte que le Mg++ n’est plus attiré vers l’intérieur il va ressortir et libère ainsi le passage pour le sodium et le calcium. C. Mécanismes permettant de contrôler l'ouverture des canaux - Certains canaux sont contrôlés par des ligands chimiques. Ces ligands peuvent être extracellulaires (p. ex. les neurotransmetteurs comme le glutamate vu ici au-dessus) ou intracellulaires (p.ex. des nucléotides comme le GMPc [voir ci-dessous]). - Certains canaux peuvent être contrôlés par phosphorylation. - D’autres sont contrôlés par le potentiel de membrane, ils sont voltage-dépendant. - D’autre encore par l’étirement mécanique de la membrane (ex : neurone tactique) Exemple d'ouverture/fermeture régulé par un ligand intracellulaire: modulation des canaux Na+ des phosphorécepteurs de la rétine par le GMPcyclique les canaux vont s'ouvrir ou se fermer suivant le concentration du GMPc. 23 D. Les canaux ligand- et voltage-dépendant peuvent se trouver dans un état réfractaire Un canal dans un état réfractaire est un canal fermé et non-activable. Les canaux contrôlés par un ligand peuvent entrer dans un état réfractaire suite à une exposition prolongée au ligand, un processus appelé désensibilisation. La plupart des canaux sensibles au voltage peuvent entrer dans un état réfractaire après leur activation, ce processus est appelé inactivation malgré que la dépolarisation persiste, le canal se ferme. 3 mécanismes expliquent cette inactivation : - Le canal peut être dans 3 états : au repos (fermé), ouvert ou inactivé (fermé). Au repos, une certaine zone du pore (appelons la zone1) est fermée. Sous l'effet de la dépolarisation, cette zone1 va s'ouvrir Le canal est donc ouvert. Mais un peu plus tard, toujours sous l'effet de la dépolarisation, une autre zone du pore (zone2) va se fermer le canal est donc finalement fermé, après une ouverture transitoire. Il faudra attendre la repolarisation pour que la zone 2 se rouvre et la zone 1 se referme - Pour les canaux calciques (?), la dépolarisation va ouvrir le canal et laisser le calcium entrer, mais le calcium va alors se lier sur une zone intra- cytpoplasmique du canal induisant sont inactivation. - Toujours pour les canaux calciques (?), le calcium rentre dans la cellule après sa dépolarisation, et va inactiver le canal en arrachant un phosphate au canal, ce qui induit sa fermeture, son inactivation. Cette inactivation/désensibilisation explique en partie les phénomènes d'habituations suite à un stimulus constante (ex : on s'habitue au froid, à l'odeur de notre café…) E. Des facteurs exogènes (médicaments, toxines) peuvent modifier l'ouverture des canaux La plupart de ces agents entraînent la fermeture des canaux, quelques uns l’ouverture. - Certaines molécules lient le même site que celui du ligand endogène, empêchant la liaison de celui-ci. Cette liaison peut être faible et réversible, comme c’est le cas des récepteurs nicotiniques à l’ACh des muscles squelettiques par le curare. La liaison peut aussi être forte et irréversible, comme dans le cas du blocage des mêmes récepteurs nicotiniques par l’alpha-bungarotoxine (venin de serpent). - D’autres substances agissent de manière non compétitive en se liant à des sites différents de celui du ligand. Par exemple, le valium se lie à un site régulateur des canaux Cl- activés par le GABA. 24 3. Structure générale des canaux ioniques et familles de gènes Tous les canaux ioniques sont de grandes protéines intégrales de la membrane plasmique à la surface desquelles sont attachés des sucres. Un pore central aqueux traverse toute l’épaisseur de la bicouche lipidique. La région formant le pore est composée de sous-unités () qui peuvent être identiques ou différentes, ou bien même être une seule chaine peptidique se repliant pour former le canal. Certains canaux ont en plus des sous-unités auxiliaires (et ), cytoplasmiques ou membranaires, qui vont contrôler l'ouverture du canal mais qui ne participent pas à la sélectivité ionique. La plupart des canaux ioniques sont codés par des familles de gènes. Les membres de chaque famille ont des séquences en AAs et des topologies membranaires semblables. Chaque famille a évolué à partir d’un gène ancestral commun par des phénomènes de duplication génique et de divergence. (Voir genet) Une première famille de gènes encode les canaux activés par l’Acétylcholine, l’acide γ- + sérotonine amminobutyrique (GABA) et la glycine. Ces canaux sont formés par l'assemblage de 5 sous-unités protéiques formant le pore (2, 1, 1 et 1 ! la dénomination n'est pas très bien choisie vu que juste au-dessus on a dit que g et b était des sous-unités auxiliaires et ici elles font partie du canal confusion, il faut se dire que c'est une dénomination arbitraire Chaque sous-unité formant le canal comporte 4 hélices alpha transmembranaires (M1-M4). Ces canaux peuvent différer les uns des autres par leur sélectivité ionique et par leur spécificité pour différents ligands. Canaux nicotiniques laissent passer du Na+ et du K+ Les gènes qui codent les canaux activés par le glutamate forment une famille séparée des autres canaux activés par des ligands. La boucle P (M2 entre M1 et M3) est inversée, elle relies 2 hélices du coté intracellulaire. (Boucle P = filtre de sélectivité ionique) 25 Les gènes qui codent les canaux ioniques voltages-dépendant et responsables du potentiel d’action sont encodés par une autre famille. Ces canaux sont activés par la dépolarisation et sont sélectifs pour le Ca++, le Na+, ou le K+. Tous les canaux activés par le voltage ont une architecture semblable. Ils contiennent 4 répétitions d’un motif de base qui contient 6 segments transmembranaires (S1-S6). Les segments S5 et S6 sont reliés par une boucle du côté extracellulaire de la membrane, la région P qui forme le filtre de sélectivité ionique du canal. Les canaux Na+ et Ca++ sont formés d’un seule chaîne polypeptidique contenant les 4 répétitions. Les canaux K+ sont formés de l’assemblage de 4 sous-unités séparées contenant chacune une répétition. Il existe une autre sous-famille de gènes codant pour des canaux K+ contrôlés par le voltage ayant des propriétés particulières. Cette famille code les canaux K+ rectificateurs entrants, qui sont activés par hyperpolarisation*(lors d'une hyperpolarisation, le K+ entre dans la cellule). Chaque sous-unité formant le canal ne comporte que deux domaines transmembranaires connectés par la région P formant le pore. * facilite un retour au potentiel de repos Il existe au total une grande variété (une dizaine 75 gènes codant pour des canaux à K+: peuvent produire des protéines différentes par épissage alternatif voire une centaine) de gènes différents codant pour des canaux potassiques. Ces différents canaux ont des propriétés électro-physiologiques différentes, permettant de spécialiser les neurones dans lesquels ils sont exprimés. Dans lé schéma ci-contre, on peut voir (grâce à des sondes s'hybridant sur les ARN) l'expression différentielle de différents canaux K+ (splicing alternatif de KShIII) dans différentes régions du cerveau de rat. Notons donc que des variants d’un type donné de canal peuvent être exprimés de manière différentielle à différents stades du développement, dans différents types de neurones, et même dans différentes régions de la cellule. Maladies dues à des altérations dues aux canaux ioniques (calaopathies) Touchant les muscles très squelettiques: - myopathie (raideur due à une excitabilité excessive) 26 RAJOUTER SLIDES - paralysie (excitabilité musculaire insuffisante) Cerveau: -… Ces différences subtiles de structure et de fonction permettent aux canaux d’exercer des fonctions extrêmement spécifiques. Cette grande variété permet le développement de médicaments qui activent ou bloquent spécifiquement certains canaux dans des régions particulières du SN ; ce qui permet – en principe – des effets thérapeutiques maximum avec le moins d’effets secondaires possibles. Comment étudier les différences de propriétés physiologiques entre les différents canaux ioniques d'une même molécules. grâce à la méthode de Patch-Clamp : - On prend des oocytes (œufs non-fécondés) de Xénope (une sorte de crapaud). - On y injecte l'ARNm du canal qu'on souhaite étudier. Celui-ci va être traduit en un canal qui va se retrouver dans la membrane. - On place une électrode autour du canal. Elle permet de mesurer le courant d'ions qui passent dans le canal d'étude après avoir placé de part et d'autre de la membrane un voltage choisi. (rem : on peut si on le souhaite emporter un fragment de membrane dans lequel se trouve le canal). 27 On fait 2 expériences avec 4 canaux potassiques : dans la première, on choisit de dépolariser la membrane jusque +50mV ; et dans la 2e on choisit d'hyperpolariser la membrane jusque -120mV. On mesure dans chaque situation le courant qui passe dans les différents canaux. - Canal A : Lors de la dépolarisation le canal s’ouvre et se referme lors de la repolarisation ; quand on hyperpolarise, le canal reste fermé canal sensible à la dépolarisation - Canal B : quand on dépolarise, le courant augmente, puis rechute pour revenir à une valeur de départ. Quand on hyperpolarise, la courbe reste plate canal s’ouvre par dépolarisation et va s’inactiver - Canal C, herg : quand on hyperpolarise, il ne se passe rien ; quand on dépolarise, le canal s'active par dépolarisation mais s'inactive aussi-vite aucun courant, mais lors de la repolarisation l'inactivation cesse plus vite que l'activation le canal s'ouvre pendant un cours labs de temps. - Canal D = canaux rectificateur, qui ne laisse passer les ions potassium que lors d'une hyperpolarisation, et vers l'intérieur de la cellule. Toxines: - Tetrodotoxines - Saxitoxines (dinoflagellate, marées rouges) - Toxines peptidiques des scorpions - Alcaloïdes végétaux (boutons d’or, lys, rhododendrons) - Dendrotoxines (protéines, guêpes), apamine (abeilles) : bloquent les canaux K+ 28 CHAPITRE 2 – LES SIGNAUX LOCAUX : PROPRIÉTÉS ÉLECTRIQUES PASSIVES DES NEURONES L’équation de Goldman s’applique uniquement à l’équilibre, lorsque le voltage transmembranaire ne varie pas. Lorsque les neurones transmettent des signaux, génèrent des potentiels d’action, des potentiels postsynaptiques ou des potentiels de récepteur en réponse à un stimulus, le potentiel membranaire change constamment. Examinons comment les propriétés électriques passives et la forme des neurones (qui sont relativement constantes) affectent la signalisation électrique. Les neurones ont 3 propriétés électriques importantes : - la résistance membranaire au repos - la capacité de la membrane ( fonctionne comme un condensateur) - la résistance axiale intracellulaire 1. La résistance d'entrée détermine l'amplitude des variations de potentiel membranaire Si on injecte du courant (des charges négatives) dans le corps cellulaire d’un neurone, le neurone va s’hyperpolariser. Dans la plupart des neurones, il y a une relation linéaire entre le courant injecté et l’hyperpolarisation. Cette relation permet de calculer la résistance d’entrée du neurone. De la même manière, l’injection de charges positives va dépolariser le neurone qui se comporte comme une simple résistance jusqu’à un certain point, le seuil auquel le neurone déclenchera un potentiel d’action. La résistance d’entrée d’un neurone détermine donc sa sensibilité au courant. L’amplitude de la dépolarisation est donnée par la loi d’Ohm : Donc, si deux neurones reçoivent un courant synaptique identique, celui qui a la résistance d’entrée la plus élevée verra son potentiel membranaire varier le plus. Pour un neurone idéalisé sphérique, la résistance d’entrée dépend à la fois de la densité de canaux ioniques de repos (nombre de canaux /cm2) et de la taille de la cellule. Plus le neurone est grand, plus importante est sa surface cellulaire et plus faible est sa résistance d’entrée puisqu’il y aura un grand nombre de canaux pour conduire le courant. Pour un neurone modèle sphérique, la résistance d’entrée est: Où Rm est la résistance spécifique de la membrane (fonction du nombre de canaux par cm²) et a le rayon du neurone. La résistance est inversement proportionnelle à la surface de la sphère (4a²) et donc inversement proportionnel au carré du rayon. Ainsi pour obtenir une même différence de potentiel, il faudra injecter une plus grande quantité de courant dans une grande cellule par rapport à une petite cellule (où la R in est plus grande). 29 2. La capacité membranaire prolonge le signal Si la membrane se comportait comme une simple résistance, l’injection de courant dans un neurone se traduirait instantanément par un changement de potentiel. Or ce n’est pas le cas : la variation de potentiel se fait plus lentement. Ce retard est dû à la capacité de la membrane qui se comporte donc à la fois comme une résistance et comme un condensateur. Un condensateur est formé de 2 plaques conductrices séparé par un diélectrique isolant. Dans un condensateur, la grandeur de changement de potentiel dépendra de la durée du courant, car il faut du temps pour déposer ou retirer des charges sur les plaques du condensateur pour un même courant, la différence de potentiel augmentera linéairement en fonction du temps (V = IC T / C) dans un condensateur La capacité d’un condensateur : - est directement proportionnelle à la surface de ses plaques (S) - Dépend du milieu isolant qui sépare les plaques (, permittivité) - Dépend de la distance qui les sépare (l). Pour les membranes biologiques, la capacité spécifique (Cm) est d’environ 1 μF/cm2. La capacité totale d’une cellule sphérique est donc : Comme la capacité augmente avec la taille de la cellule, il faut plus de charges et donc plus de courant pour produire le même changement de potentiel dans une grande cellule que dans une petite (V = IC T / C). Si la membrane n'était qu'un condensateur, le voltage devrait augmenter aussi longtemps qu'on applique un courant come déjà dit plus haut. Mais ce n'est pas le cas car en fait la membrane se comporte comme une résistance disposée en parallèle avec le condensateur. 30 Le courant qu'on applique est appelé courant membranaire total (Im). Il se compose du courant membranaire ionique (Ii) qui est le courant de résistance porté par les ions qui traversent les canaux ioniques ; et du courant membranaire capacitif (Ic) qui change les charges stockées sur les surfaces membranaires. Si on suppose qu’à t=0, le potentiel de membrane vaut 0 et qu’à ce moment on applique un courant dépolarisant d’amplitude Im. Au départ, le voltage aux bornes de la résistance et du condensateur vaut donc 0. Comme le courant ionique à travers la résistance est donné par la loi d’Ohm Ii=V/Rin, initialement ce courant résistif vaut 0 et tout le courant coule dans la capacité (Im=Ic). Au fur et à mesure que ce courant charge la capacité, le voltage aux bornes du condensateur (donc le voltage au borne de la résistance augmente) augmente. Comme Vm augmente, du courant passe à travers la résistance (vu que Ii = V/Rin). Au fur et à mesure que le condensateur se charge, il y a de plus en plus de courant qui passe dans la résistance et de moins en moins dans le condensateur. Donc, le potentiel de membrane augmente plus lentement. A l’équilibre, tout le courant passe par la résistance (Ii=Im). La pente initiale de la relation Vm = f(t) est celle d’un condensateur « pur », et l’amplitude de la variation de potentiel (au plateau) correspond à une résistance « pure ». La capacité de la membrane a donc pour effet de réduire la vitesse à laquelle la membrane change de potentiel en réponse à une impulsion de courant. Si la membrane n’était qu’une résistance, le potentiel changerait instantanément. Si elle n’était qu’un condensateur, le potentiel varierait linéairement en fonction du temps au cours de la même impulsion de courant. Comme la membrane se comporte comme une résistance et un condensateur en parallèle, sa réponse combinera les caractéristiques de ces 2 éléments. La phase ascendante de la variation de potentiel est décrite par l’équation : τ est la constante de temps de la membrane, le produit de la résistance d’entrée et de la capacité de la membrane (Rin. Cin). La constante de temps peut être mesurée expérimentalement, c’est le temps que mettra le potentiel de membrane pour atteindre une valeur de (1-1/e), donc environ 63% de sa valeur à l’équilibre. Notons que quand t est grand, nous retrouvons la loi d'ohm vu e-t/ =0 si t est grand. - est compris pour un neurone entre 20 et 50ms. - La constante de temps détermine la façon dont les inputs synaptiques pourront s’additionner dans le temps. Les neurones qui ont une grande constante de temps ont une plus grande capacité à la sommation temporelle que les neurones avec une petite constante de temps. En effet, si la constante de temps est grande, la potentiel monte et redescend plus lentement si >> il y a une plus grande probabilité que la différence de potentiel ne soit pas encore revenue à zéro lors du 2e imput addition des 2 imputs, ce qui peut mener à l'atteinte du seuil et au déclenchement d'un PA. 31 3. La résistance membranaire et la résistance axoplasmique influencent l'efficacité de la conduction du signal Jusqu’à présent nous avons considéré les propriétés passives du corps cellulaire (considéré comme sphérique) des neurones. Des potentiels synaptiques sont généralement propagés des dendrites vers le corps cellulaire et la zone d’intégration, et ces potentiels diminuent au fur et à mesure qu’ils s’éloignent du site d’initiation. La section cytoplasmique des dendrites constitue une résistance significative au flux longitudinal du courant parce que la section des dendrites est souvent petite et que les ions qui « coulent » dans la dendrite entrent en collision avec d’autres molécules. On peut modéliser la dendrite sous forme d’une de petits cylindres mis bout à bout. Chaque cylindre est représenté par un circuit électrique avec sa résistance et sa capacité membranaire et une résistance axiale, cytoplasmique. La résistance du fluide extracellulaire peut être négligée. Si on injecte du courant en un point, comment le potentiel membranaire va-t-il changer avec la distance ? Si le courant a été injecté pendant une durée t >>> τ, tout le courant membranaire est résistif (les charges ne s'accumulent plus dans le condensateur depuis longtemps, on peut les retirer du circuit). La variation de potentiel avec la distance dépend seulement des valeurs relatives de la résistance membranaire, rm et de la résistance axiale, ra par unité de longueur de la dendrite. Le courant injecté va s’écouler par différents chemins à travers les circuits successifs du procès. Chaque chemin est constitué de 2 résistances en série : (1) la résistance axiale totale (r x) et (2) la résistance membranaire rm, du circuit unitaire cylindrique. Pour chaque chemin, Comme les résistances en série s’additionnent, rx = ra. x ; où x est la distance du site d’injection. La résistance membranaire, rm a la même valeur quelle que soit la distance le long de la dendrite. Comme le courant va suivre les chemins de moindre résistance, plus de courant s’écoulera à travers la membrane près du site d’injection puisque la résistance augmente avec la distance. Comme Vm = Im rm, les changements de potentiel membranaire produits par le courant à la position x ( ΔVm) (x) diminueront aussi avec la distance. Cette diminution est exponentielle et est exprimée par : où λ est la constante de longueur, x la distance du site d’injection et ΔV0 la variation de potentiel produite au site d’injection du courant (x=0). La constante de longueur est définie comme étant la distance à laquelle ΔVm a diminué jusqu’à V0 1/e (soit 37% de sa valeur initiale), et est calculée comme suit : 32 Mieux la membrane est isolée, étanche (donc plus grand est rm, et donc moins il y a de fuite) et plus le cytoplasme est conducteur (plus petit est r a), plus la constante de longueur sera grande et plus loin le courant pourra se propager le long de la dendrite avant de se perdre à travers la membrane. Pour examiner l’effet de la géométrie du neurone sur ses capacités conductrices, il peut être utile d’examiner la façon dont le diamètre affecte rm et ra. Ces deux paramètres (ra et rm) sont des mesures de résistance qui s’appliquent à un segment de procès (dendrite ou axone) de 1cm d’un neurone individuel ayant un rayon a. La résistance axiale dépendra de la résistance intrinsèque du cytoplasme (ρ) et de la section du process (πa²) : Le diamètre du procès affecte aussi rm puisque le nombre de canaux par unité de longueur est directement proportionnel à la résistance spécifique de la membrane, Rm (qui reflète la densité de canaux), et à la surface membranaire : comme la constante de longueur, on peut calculer qu’elle vaut : Donc, la constante de longueur est proportionnelle à la racine carrée du rayon (ou du diamètre) des procès. Les plus gros axones et dendrites auront donc des constantes de longueur plus grandes et transmettront donc des signaux électroniques sur de plus grandes distances. Typiquement, les constantes de longueur varient entre 0.1 et 1 mm. L’efficacité de la conduction électrotonique (passive) a deux conséquences importantes pour la fonction neuronale. : - Premièrement, elle influence la sommation spatiale, le processus par lequel des potentiels synaptiques générés en différents endroits du neurone peuvent s’additionner pour éventuellement déclencher un PA au niveau de la zone d’intégration. Si la constante de longueur est petite, le signal (la ddp) sera devenu faible quand il arrivera au niveau de la zone gâchette, ce qui fait qu'il n'influencera pas beaucoup dans la sommation totale pour savoir si oui ou non le neurone va déclencher un potentiel d'action 33 - Deuxièmement, l'efficacité de la propagation du courant dans l'axone est un facteur déterminant dans la vitesse de propagation des PA. En effet, au cours du PA, la dépolarisation se propage le long de l’axone par du courant de « circuit local » résultant de la différence de potentiel entre régions actives et inactives. Dans les cellules avec des constantes de longueur plus grandes, ces courants peuvent se propager plus loin et le PA se propage en conséquence plus vite. (voir le point suivant) 4. Les PA se propagent plus vite dans les axones de grand diamètre myélinisés Considérons un circuit composé de deux segments membranaires adjacents (1 et 2) connectés par un segment d’axoplasme. Comme on l’a dit plus haut, un PA généré dans le segment 1 (à gauche) fournit le courant dépolarisant à la membrane adjacente. En effet, les canaux sodiques voltage dépendant, ouvert en cas de PA, sont comme des générateurs qui font rentrer du sodium dans la cellule. Ces sodiums vont se diriger vers la membrane adjacente 2, vu la différence de potentiel. Cela entraîne la dépolarisation de 2 au-delà du potentiel seuil. En effet, le courant positif qui arrive depuis 1 va venir décharger le condensateur du segment 2, neutraliser les charges négatives, et rendre ainsi moins négatif le potentiel membranaire du segment 2, ce qui va déclencher le potentiel d'action en ouvrant les canaux sodiques voltages dépendants… Et le signal se transmet comme ça vers la terminaison axonique. 34 Mais comme on l'a déjà dit, ce déplacement de charge prend du temps : la propagation passive de la dépolarisation au cours du PA n'est pas instantanée, il faut un certain temps avant de modifier la différence de potentiel de part et d'autres de la membrane jusqu'au seuil. Souvenons nous de la formule V = IC T / C. le temps pour modifier les charges de la membrane adjacente jusqu'à l'obtention du potentiel seuil (c'est-à-dire décharger le condensateur jusqu'à ce que la modification du potentiel jusqu'au seuil), sera d'autant plus faible que le courant est important et que la capacité est faible. Or selon la loi d’Ohm nous savons que, plus la résistance axoplasmique est grande, plus petit sera le courant. Le temps nécessaire à la propagation, et donc la vitesse de propagation, sera donc inversement proportionnelle à la résistance axiale, ra, et à la capacité unitaire de l’axone cm. V/T est fonction de 1/(ra. cm) Deux stratégies adaptatives ont été utilisées par les animaux pour augmenter la vitesse de propagation du PA : - La première est d’augmenter le diamètre de l’axone. Comme ra diminue avec le carré du diamètre de l’axone et que cm augmente linéairement avec ce même diamètre, l’effet net de l’augmentation du diamètre sera une augmentation de la vitesse de propagation. Cette adaptation a été utilisée à l’extrême par les axones géants des calamars, d'un diamètre = 1mm. - L’autre manière d’augmenter la vitesse de conduction est la myélinisation de l’axone. Comme la capacité d’un condensateur est inversement proportionnelle à la distance (d’isolant, ici la membrane et le manchon de myéline) qui sépare les plaques (donc ici, l’axoplasme et le fluide extracellulaire) et que cette distance est augmentée d’environ un facteur 100 par la myélinisation; cm diminue du même facteur. Dans un neurone myélinisé, le PA est déclenché au niveau de la zone d’intégration (cône axonique). Le courant entrant qui rentre dans cette partie de la membrane va alors décharger la capacité de la membrane myélinisée alentour. Ce courant n’est cependant pas suffisant pour décharger l’axone sur toute sa longueur. Pour éviter au PA de s’épuiser, le manchon de myéline est interrompu de façon régulière tous les 1-2 mm par des segments de membrane nue, les nœuds de Ranvier. Bien que la surface de la membrane nue soit limitée à chacun de ces noeuds, elle est riche en canaux Na+ dépendant du voltage qui peuvent laisser passer un intense courant sodique entrant en réponse à l’arrivée de la dépolarisation passive. Les noeuds de Ranvier permettent donc de régénérer périodiquement l’amplitude du PA et d’empêcher qu’il ne s’éteigne. Le PA se propage donc rapidement entre les noeuds, là où la myéline diminue la capacité de la membrane, et ralentit au niveau des noeuds où la capacité est élevée. Il saute donc littéralement d’un noeud à l’autre c’est pourquoi on parle de conduction saltatoire. Dans les régions non- myélinisées, il y a une diminution de la conduction. Comme le courant ionique transmembranaire est limité aux noeuds, la conduction saltatoire est aussi favorable énergétiquement puisque relativement peu d’énergie doit être dépensée pour restaurer le gradient de concentration Na+/K+ qui tend à se dissiper au cours du PA. 35 5. La myéline La myéline est composé dans 70% de lipides (beaucoup de phospholipides et du cholestérol). Les 30% restant sont des protéines, dont la nature varie si la myéline est d'origine centrale ou périphériques. Les maladies démyélinisantes (centrale ou périphérique) induisent un épuisement rapide dela propagation de la dépolarisation à force de décharger le condensateur la progression du PA va très vite être ralentie. Ces maladies peuvent toucher tant les neurones sensoriels que moteurs. A. La myéline centrale Dans le SNC, la myélinisation des axones est formée par les oligodendrocytes. Un oligodendrocyte peut former un segment de myéline pour plusieurs axones Quels sont les différentes protéines qu'on retrouve dans cette myéline centrale : - Le PLP (>50% des protéine de la myéline centrale). C'est un protéolipide. Contrairement aux lipoprotéines, les protéolipides sont insolubles dans l’eau et solubles dans les solvants organiques. Le PLP possède 5 domaines transmembranaire - Le MBP = myéline basic protéine. C'est la 2e protéine majeure de la myéline centrale. Elle intervient dans la compaction de la myéline : le cytoplasme va être expulsé pour tasser les uns sur les autres les feuillets de membrane et ainsi former la myéline. - Le MAG = myelin-associated glycoprotéine. Elle est exprimée par les oligodendrocytes à l’endroit où ils sont en contact avec l’axone. C’est une protéine de la superfamille des immunoglobulines. Physiopathologie : - La sclérose en plaque : Maladie auto-immune : le système immunitaire va attaquer les propres cellules de l'organisme. Prévalence : entre 20 et 100 malades pour 100.000 habitants Des modèles animaux permettent d’étudier la maladie : on immunise des animaux de laboratoire en leur injectant de la MBP cela va déclencher une encéphalomyélite allergique expérimentale Les souris mutante shiverer ont une dépletion dans le gène de la MBP. Ces souris tremblent, souffrent de fréquentes convulsions. La myélinisation centrale de ces souris est largement déficiente. Ainsi, si on regarde leur nerf optiquie, il n'a presque pas de 36 myéline, alors que normalement il présente un épaisse couche de myéline. Si on crée une souris shiverer transgénique, dans lequel on a restauré le gène MBP, alors on peut voir la réapparition de la myéline chez cette souris. On l'a en quelque sorte sauvé (mais on fait ça au stade embryon) - Maladie de Pelizaeus-Merzbacher: Due à une mutation du gène du PLP (d'autres mutations de ce gène produisent d'autres maladies) C'est une leucodystrophie transmise selon un mode récessif lié à l’X touche plus les hommes que les femmes. Cette mutation entraîne une hypomyélinisation et une dégénérescence des oligodendrocytes. Une autre mutation de ce gène PLP, chez la souris, est la mutation jumpy souris jumpy 37 B. La myéline périphérique La myéline y est produit par les cellules de Schwann. Chaque cellule de Schwann va s’enrouler autour d’un seul axone. Quels sont les différentes protéines qu'on retrouve dans cette myéline périphérique : - La MPZ (myélin protéine zéro = P0) : c'est la protéine majeure de la myéline périphérique. Elle fait aussi partie, comme la MAG, de la superfamilles des immunoglobulines. Elle est exprimé à la surface membranaire des cellules de Schwann et permet à la surface de s’accrocher à elle-même Elle assure l’adhérence homophile durant l’enroulement en spirale de cellules de Schwann. - La P1 : équivalent des MBP - La P2 : on peut l'utilisée pour induire chez des animaux de laboratoire une réaction auto- immunitaire appelée « névrite allergique expérimentale », modèle expérimental de neuropathie. = inflammation des nerf périphériques Remarques : quelques membres de la superfamilles des immunoglobulines. Une superfamille de protéine est un ensemble de protéine qui ont une origine commune et qui se ressemblent d’un point de vue structurelle et du point de vue de la séquence en AA. Les immunoglobulines sont des glycoprotéines à majorité membranaires mais aussi solubles, impliquées dans les phénomènes de reconnaissance, de liaison et d'adhérence des cellules. 38 Physiopathologie - La maladie de Guillain-Barré : attaque immunitaire de la myéline périphérique, souvent consécutive à une infection virale Le système immunitaire fait une réaction croisée et attaque les cellules de Schwann en plus du virus !!. Les patients récupèrent généralement complètement, mais pas toujours Maurine Lamblot ?? - La maladie de Charcot-Marie : Dû à la duplication du gène PMP22, gène de la myéline périphérique, suite à une recombinaison homologue illégitime (le gène est entouré de 2 sites semblables, cfr génétique). C'est la neuropathie périphérique familiale la plus fréquente. C'est une maladie à transmission autosomique dominante. Les personnes atteintes ont donc 3 copies du gène au lieu de 2 (deux surle chromosome atteint, et une sur le chromosome sain) La maladie est due à une surproduction de la protéine MP22 due à la duplication Elle est caractérisée par une faiblesse musculaire progressive, des déficits de conduction dans les nerfs périphérique, et des cycles de démyélinisation/remyélinisation. Notons qu'une mutation de ce gène PMP22 (pas une duplication ici) chez les souris, provoque ce qu'on appelle des souris trembler. régions répétées gène PMP22 39 6. Parenthèse : Des mutations dans les gènes des canaux contrôlés par le voltage sont la cause de maladies neurologiques Les patients atteints de paralysie périodique hyper kalémiante ont des épisodes de raideur musculaire (myotonie) et de faiblesse musculaire (paralysie) suite à un élévation de leur concentration sérique en K+ après des efforts physiques soutenus. Cette maladie est due à une mutation ponctuelle dans la sous-unité α du gène du canal Na+ activé par le voltage des muscles squelettiques. Toutes les mutations identifiées jusqu’à présent produisent un ralentissement de l’inactivation des courants sodiques (Figure P.1). Comment un ralentissement de l’inactivation des canaux Na+ peut-il entraîner tantôt une myotonie et tantôt une paralysie ? Le retard d’inactivation a pour effet d’amener la cellule musculaire à émettre des PA répétitifs entraînant la raideur. Cet effet est augmenté par une élévation de la concentration externe en K+ (le courant potassique repolarisant est alors faible). Comme la proportion des canaux improprement inactivés augmente, le potentiel de repos s’établit à un nouveau niveau stable, dépolarisé (autour de –40 mV), A ce niveau, la plupart des canaux Na+ sont inactivés si bien que la cellule ne génère plus de PA (paralysie). D’autres formes de myotonie sont causées par des mutations dans des canaux Cl-. Les patients qui en sont atteints présentent une raideur musculaire car leurs cellules musculaires émettent spontanément des PA. La réduction de la perméabilité au Cl- rend ces cellules plus facilement excitables par les courants sodiques ce qui produit l’excitabilité myotonique. Les patients soufrant d’ataxie épisodique ont une fonction neurologique normale sauf lorsqu’elles subissent des stress émotionnels ou physiques qui peuvent provoquer une ataxie généralisée due à des mouvements musculaires involontaires. Cette maladie résulte de mutations dans des canaux K+ rectificateurs-retardés. Ces mutations augmentent la vitesse d’inactivation de ces canaux qui laissent donc passer moins de courant repolarisant ce qui augmente la tendance des cellules nerveuses et musculaires à décharger de manière répétée. 40 PARTIE III - INTERACTIONS ÉLÉMENTAIRES ENTRE NEURONES : LA TRANSMISSION SYNAPTIQUE CHAPITRE 1 – VUE GÉNÉRALE DE LA TRANSMISSION SYNAPTIQUE Jusqu’à présent nous nous sommes intéressés à la façon dont le signal électrique était généré et propagé dans une cellule nerveuse individuelle. Voyons maintenant comment ce signal est transmis d’une cellule à l’autre. Un neurone moyen forme 1000 connexions synaptiques et en reçoit plus encore, peut être 10.000. Certaines cellules comme les cellules de Purkinje reçoivent jusqu’à 150.000 connexions. La transmission synaptique peut prendre deux formes de base : électrique ou chimique (NT modifiant la perméabilité aux canaux post-synaptique). 41 1. Les synapses électriques A. Des jonctions communicantes font communiquer les cellules aux synapses électriques Les synapses électriques se font au niveau de régions spécialisées qui mettent en contact les neurones pré- et postsynaptiques, les jonctions communicantes (gap junctions). Au niveau de ces jonctions, la séparation entre les deux neurones est bien moindre que la normale. A ce niveau, des canaux mettent en communication directe les cytoplasmes des deux cellules. Ces canaux sont formés par des structures protéiques et permettent le passage du courant ionique d’une cellule à l’autre. Ces canaux sont formés de deux hémi-canaux, un dans la cellule présynaptique, l’autre dans la cellule postsynaptique. Le pore du canal a un diamètre voisin de 1.5 nm, ce qui permet le passage des ions et de petites molécules intracellulaires. Il n'y a absolument pas de sélectivité ioniques dans ces canaux. B. Les synapses électriques permettent un passage instantané du signal Aux synapses électriques, le courant qui dépolarise la cellule postsynaptique est généré par les canaux ioniques dépendants du voltage de la cellule présynaptique (>< synapses chimiques). Ces canaux doivent donc générer suffisamment de courant ionique non seulement pour dépolariser la cellule présynaptique jusqu'au seuil, mais aussi pour faire varier le potentiel membranaire de la cellule post synaptique. Pour générer beaucoup de courant, la cellule présynaptique doit être suffisamment grande pour que sa membrane puisse contenir suffisamment de canaux ioniques. La cellule postsynaptique doit quant à elle être relativement petite, ceci parce qu’une petite cellule a une plus grande résistance d’entrée (Rin) qu’une grande cellule et que, selon la loi d’Ohm, (ΔV=ΔI. Rin), elle subira un plus grand changement de potentiel (ΔV) en réponse à un courant présynaptique donné (ΔI). Une autre caractéristique des synapses électriques est que la latence, le délai synaptique (le temps que met le signal pour passer d’une cellule à l’autre) est extrêmement petite comparée aux synapses chimiques. Au contraire, dans une synapse chimique, le courant présynaptique doit atteindre le seuil de déclenchement du PA pour que la cellule relâche du transmetteur. Contrairement aussi à ce qu’on observe aux synapses chimiques, aux synapses électriques n’importe quelle quantité de courant modifier le potentiel membranaire de la cellule postsynaptique. Même si l’on injecte une quantité de courant infraliminaire dans la cellule présynaptique, le courant passe dans la cellule postsynaptique et la dépolarise ( pas de seuil, pas de PA). 42 La plupart des synapses électriques transmettent aussi bien du courant dépolarisant que du courant hyperpolarisant, mais très majoritairement c'est du courant dépolarisant. Quel est l’intérêt des synapses électriques ? Pour certains comportements de fuite, la vitesse de réaction est cruciale (rappel : le délai synaptique est pratiquement nulle si synapse électrique). Par exemple, si vous touchez la queue d’un poisson rouge, il va s’échapper d’un violent mouvement de queue. Ce réflexe implique un axone géant (la cellule de Mauthner) qui se trouve dans le tronc cérébral. Ce neurone reçoit des influx sensoriels via des synapses électriques. Ces synapses dépolarisent instantanément la cellule de Mauthner qui à son tour active les motoneurones de la queue, ce qui permet au poisson de s’échapper rapidement. C. La transmission électrique permet de synchroniser les décharges des cellules interconnectées. Les synapses électriques sont aussi utilisées pour interconnecter des grands groupes de neurones. Comme le courant passe à travers les membranes de toutes les cellules interconnectées au même moment, plusieurs petites cellules peuvent se comporter de manière coordonnée comme si elles ne formaient qu’une grande cellule. Le groupe de cellules interconnectées aura une résistance plus faible que les cellules individuelles et nécessitera donc un courant plus important pour être dépolarisé. Il faudra donc beaucoup de courant pour parvenir à atteindre le seuil, mais une fois celui- ci atteint, toutes les cellules déchargeront ensemble puisque le courant de Na+ généré dans une cellule sera rapidement transmis aux autres. Ce comportement explosif est, par exemple, utilisé par l’Aplysia (un escargot de mer) pour produire son écran d’encre protecteur. 43 Ce comportement est assuré par 3 motoneurones (A, B et C) couplés électriquement qui innervent la glande à encre. Une fois que le seuil est atteint, ces cellules déchargent de manière synchrone dans une contraction explosive. Globalement, ces synapses électriques se retrouvent très peu dans la nature. Notons que chez nous on retrouve aussi ce type de synapse au niveau de l'hypothalamus, pour stimuler les cellules neuroendocrines. Cela permet de libérer d'un seul coup un grand nombre d'hormone dans la circulation sanguine, de manière coordonnée. Toutes les autres synapses sont des synapses chimiques. 2. Les synapses chimiques A. Introduction à la synapse chimique Aux synapses chimiques, il n’y a pas de continuité entre les cellules pré- et postsynaptiques. L’espace qui sépare les deux cellules à ce niveau, la fente synaptique est même généralement un peu plus grand que l’espace intercellulaire non synaptique. La transmission dépend de la libération de neurotransmetteur par le neurone présynaptique. Un neurotransmetteur est une substance qui se lie au niveau de récepteurs spécifiques dans la membrane de la cellule postsynaptique. Les terminaisons présynaptiques contiennent des vésicules synaptiques remplies de neurotransmetteur. 44 Lorsqu’un PA arrive au niveau de l’extrémité présynaptique, du Ca++ entre dans la cellule par des canaux Ca++ dépendants du voltage. L’augmentation en Ca++ intracellulaire provoque la fusion des vésicules avec la membrane plasmique et l’exocytose du transmetteur qui diffuse à travers la fente synaptique et se lie aux récepteurs situés dans la membrane postsynaptique. Cette liaison active les récepteurs, ce qui provoque l’ouverture ou la fermeture des canaux ioniques. Le flux ionique à travers la membrane postsynaptique est donc modifié ce qui altère le potentiel de la cellule. Toutes ces étapes expliquent que le délais synaptique des synapses chimiques soit beaucoup plus important que celui des synapses électriques, il varie entre 0,3 ms et plusieurs millisecondes ou plus encore. Si les synapses chimiques sont plus lentes que les synapses électriques, elles sont par contre capables d’amplifier le signal. La décharge d’une seule vésicule synaptique libère plusieurs milliers de molécules de transmetteur. B. Deux grandes catégories de récepteurs post-synaptiques au NT Tout d'abord on retrouve les récepteurs inotrope, canaux ioniques activés par le neurotransmetteur. Ce sont des protéines intégrales de la membrane dont la partie extracellulaire forme le récepteur et le dom