Fiche De Morpholexicologie N°3 PDF

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This document provides an overview of the different ways new words are formed in French, including zero derivation, regressive derivation, affixation, and composition. It offers several types of word formation, focusing on morphological processes.

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Année universitaire 2024-2025 / Grammaire et histoire de la langue H. Biu (Sorbonne Université) – Fiche de morpholexicologie n°3 : Les mots construits en synchronie / Typologie des modes de formation MORPHOLEXICOLOGIE – FICHE N°3...

Année universitaire 2024-2025 / Grammaire et histoire de la langue H. Biu (Sorbonne Université) – Fiche de morpholexicologie n°3 : Les mots construits en synchronie / Typologie des modes de formation MORPHOLEXICOLOGIE – FICHE N°3 LES MOTS CONSTRUITS EN SYNCHRONIE Typologie des modes de formation Toutes les langues ont la possibilité de créer des mots nouveaux. Cette fiche récapitule les principaux moyens dont dispose le français pour former de nouvelles unités lexicales. 1/ LA DÉRIVATION ZÉRO (OU CONVERSION OU TRANSLATION) Un mot change de catégorie grammaticale sans que sa forme soit modifiée : blond (adjectif) > une blonde (nom) ; bien (adverbe) > le bien (nom) ; mendiant (part. prés. de mendier) > un mendiant (nom). Il s'agit donc d'un procédé de décatégorisation/recatégorisation. 2/ LA DÉRIVATION RÉGRESSIVE OU DÉRIVATION INVERSE (OU RÉTROFORMATION) Ce procédé consiste à former un mot plus court à partir d'un mot plus long auquel on retranche un morphème. Le plus souvent, le mot originel est un verbe dont on tire un nom. Le nom ainsi formé s'appelle un « déverbal ». Exemples : accorder > un accord ; refuser > un refus ; marcher > une marche. On trouve aussi des exemples d'adjectifs de couleur tirés de noms : châtaigne > châtain ; violette > violet. La difficulté, c'est que ce mode de formation se situe sur le plan historique. Il est donc parfois difficile de savoir si c'est le verbe ou le nom qui existait en premier. C'est la définition qui permet souvent de lever l'ambiguïté : par exemple, un refus, c'est le « fait de refuser », et refuser signifie « ne pas accepter ». Donc, le verbe est premier par rapport au nom. Même analyse pour châtain « qui a la couleur de la châtaigne ». 3/ L'AFFIXATION (OU DÉRIVATION PROPREMENT DITE) Je ne développe pas ici, je consacrerai une fiche particulière à ce procédé de formation. Je m'en tiens à quelques remarques. ♣ Dérivation simple On parle de dérivation simple quand à une base lexicale s'ajoute un seul affixe (par exemple un préfixe ou un suffixe). Ainsi, le substantif masculin cerisier est construit par dérivation simple : à la base lexicale nominale cerise (nom féminin) a été adjoint le suffixe -ier [je] qui sert à engendrer des noms masculins, ici en l'occurrence un nom masculin désignant l'arbre qui porte le fruit désigné par la base lexicale. De même, défaire est un dérivé préfixal de faire par adjonction du préfixe dé- [de] qui exprime le contraire. ♣ Dérivation complexe On parle de dérivation complexe quand plusieurs affixes sont adjoints à une base lexicale. Ainsi, le substantif féminin désorientation est un mot construit par dérivation complexe successive. Deux analyses sont possibles. 1 Année universitaire 2024-2025 / Grammaire et histoire de la langue H. Biu (Sorbonne Université) – Fiche de morpholexicologie n°3 : Les mots construits en synchronie / Typologie des modes de formation Þ Option a : à la base verbale orienter s'adjoint dans un premier temps le préfixe négatif dés- (allomorphe de dé- devant voyelle) > désorienter qui est donc obtenu par dérivation préfixale ; à cette nouvelle base ainsi obtenue vient ensuite s'adjoindre le suffixe - ation, qui sert à former des noms féminins exprimant une action ou le résultat d'une action. Þ Option b : à la base verbale orienter s'adjoint dans un premier temps le suffixe -ation (dérivation suffixale, donc) > orientation ; à cette nouvelle base s'adjoint ensuite le préfixe dés- (dérivation préfixale). ♣ Dérivation parasynthétique Il s'agit d'une dérivation complexe, puisqu'il y a formation d'une nouvelle unité lexicale par adjonction d'un préfixe et d'un suffixe, mais ATTENTION, leur adjonction s'est faite simultanément : la dérivation n'est pas successive, elle est simultanée. Deux exemples : ⇒ dévitaliser : à la base lexicale de nature adjectivale vital ont été adjoints simultanément le préfixe dé- (qui inverse ou annule le sens de la base lexicale) et le suffixe -iser (qui associé à une base adjectivale signifie « qui rend + sens de l'adjectif »). En effet, l'adjectif *dévital n'existe pas, pas plus que le verbe *vitaliser. ⇒ aguerrir : ici, à la base lexicale de nature nominale guerre ont été adjoint le préfixe a- et le suffixe -ir pour former une verbe signifiant « habituer à la guerre ». Il n'existe pas de substantif *aguerre, ni de verbe *guerrir. 4/ LA COMPOSITION Le procédé consiste à réunir deux mots autonomes déjà existants en langue pour créer une nouvelle unité lexicale dont le sens ne se réduit pas à la somme de ses deux constituants. Autrement dit, l'unité lexicale ainsi créée repose sur un procédé de composition (on parle alors de mots composés), mais son sens n'est pas compositionnel. De nombreuses combinaisons sont possibles. ♣ Sur le plan formel, trois manifestations possibles : → les éléments sont soudés : bonheur, lieutenant, gendarme, bonhomme, faitout. → les éléments sont réunis par un trait d'union : chou-fleur, tire-bouchon → les éléments sont séparés par un blanc graphique : pomme de terre, cordon bleu ♣ nombre de parties du discours peuvent être ainsi associées : nom + nom : chou-fleur, homme-grenouille nom + adj. : cordon bleu, bonhomme, chaise longue nom + participe : lieutenant (« qui tient lieu ») nom + complément prépositionnel : arc-en-ciel, pomme de terre, adj.+ nom : petite-fille, petit-déjeuner, grand-rue, grand-mère, bonheur, bonhomme, prud'homme, un bel esprit verbe + substantif : tire-bouchon, réveille-matin, portemanteau 2 Année universitaire 2024-2025 / Grammaire et histoire de la langue H. Biu (Sorbonne Université) – Fiche de morpholexicologie n°3 : Les mots construits en synchronie / Typologie des modes de formation ♣ La composition satisfait plus ou moins des critères de figement. Si je prends l'exemple de pomme de terre et de cordon bleu le sens du mot composé n'est pas compositionnel, son sens n'est pas prévisible au regard du sens des mots qui ont été réunis pour le former : une pomme de terre n'est pas une pomme qui pousse dans la terre ; ma mère, bonne cuisinière, n'est pas un cordon qui serait bleu. On ne peut donc réduire le mot composé sans perdre son sens. Une pomme de terre n'est pas une pomme ; on ne peut pas coordonner un élément à l'un des deux éléments associés : * un cordon bleu et jaune ; * une ficelle et un cordon bleus ; on ne peut pas insérer un autre élément entre les deux mots associés : * une pomme nouvelle de terre mais une pomme de terre nouvelle ; on ne peut pas commuter l'un des mots avec l'un de ses synonymes ou équivalent : * un poireau de terre, * une pomme de sol ; de même, l'ordres des deux unités réunies fait sens : un bel esprit n'est pas un esprit beau. 5/ LA COMPOSITION SAVANTE OU « CONFIXATION » Ce procédé consiste à créer des mots nouveaux en réunissant deux éléments lexicaux d'origine gréco-latine qui sont inutilisables isolément. Ils n'existent pas en tant que tels, tout en étant porteurs d'un sens lexical « plein » dans leur langue d'origine. À ce titre, ils se différencient des affixes, dont le sens est plus abstrait : mortifère, cacophonie, cacochyme, homicide, parricide, anthropologie, anthropophage, philanthrope, misanthrope, herbivore, carnivore, philologie, xylophone. 6/ LA DÉLOCUTIVITÉ Cela consiste à extraire une locution du discours et à en faire une unité lexical figée. Par exemple : un m'as-tu-vu pour désigner une « personne vaniteuse » ; un je-ne-sais-quoi « chose qu'on ne peut définir ou exprmer, bien qu'on en sente nettement l'existence ou les effets » (Nouveau Petit Robert, 2007) ; le je-m'en-fichisme. 7/ LA TRONCATION La troncation consiste en un abrègement formel sans indidence pour le sens. La troncation peut résulter : – d'une apocope (on supprime la fin du mot), comme dans : vélocypède > vélo ; métropolitain >métro ; prof > professeur ; faculté > fac ; examen > exam ; réactionnaire > réac ; – d'une aphérèse (suppression du début du mot), mais le cas est plus rare : par exemple, santiag > tiag ; américain > ricain ; autobus > bus. 3 Année universitaire 2024-2025 / Grammaire et histoire de la langue H. Biu (Sorbonne Université) – Fiche de morpholexicologie n°3 : Les mots construits en synchronie / Typologie des modes de formation Le fait est que le radical étant souvent situé en début de mot, le retirer rend souvent le résultat peu compréhensible. L'apocope l'a donc emporté sur l'aphérèse. Mais cela obéit à une tendance générale : « Nous privilégions les mots qui se terminent par une consonne que l'on entend », comme l'explique Bernard Cerguiglini dans son dernier ouvrage Parlez- vous tronqué ? Portrait du français d'aujourd'hui, Paris, Larousse, 2019. C'est pour cela par exemple que saxophone, réduit par apocope à saxo, s'est ensuite réduit à sax. 8/ LES MOTS-VALISES Ces composés récents combinent des mots aphérésés et des mots apocopés qui forment, une fois combinés, de nouveaux mots.. Exemple : rurbain vient de rur(al) réduit par apocope et de (ur)bain réduit par aphérèse. De même, héliport < héli(coptère) + (aéro)port. Même chose en anglais avec le mot smog (smoke + fog). 9/ AUTRES TENDANCES Siglaison : un sigle se prononce en épelant chaque lettre, tel B.C.B.G [besebeȝe] ; SNCF ; EDF, GDF. Acronymes : un acronyme se prononce comme s'il s'agissait d'un mot, non d'une suite de lettres alors mêmes qu'il est formé des initiales ou des éléments initaux de plusieurs mots : CAPES ; OVNI ; MEDEF ; OTAN ; BENELUX ; Formations populaires : redoublements comme glouglouter, riquiqui, guéguerre ; suffixe -toche comme dans valoche, fastoche, cinoche, pistoche ; verlan Utilisation des mots de marques ou de personnes pour former de nouveaux mots : poubelle, guillotine, sopalin, aspirine Nouveaux affixes, souvent en rapport avec l'évolution des sciences et des techniques (- métrie, télé-) 4

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