Morpholexicologie – Fiche 2 PDF
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Sorbonne Université
Hélène Biu
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This document details grammatical concepts and the definition of morphemes. It distinguishes between different types of morphemes, such as lexical morphemes, grammatical morphemes, free morphemes, and bound morphemes.
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Année universitaire 2024-20245/ Grammaire et histoire de la langue Hélène Biu (Sorbonne Université) MORPHOLEXICOLOGIE – FICHE 2 NOTIONS FONDAMENTALES 1 – QU'EST-CE QU'UN MORPHÈME ? 1.1 - Définition génér...
Année universitaire 2024-20245/ Grammaire et histoire de la langue Hélène Biu (Sorbonne Université) MORPHOLEXICOLOGIE – FICHE 2 NOTIONS FONDAMENTALES 1 – QU'EST-CE QU'UN MORPHÈME ? 1.1 - Définition générale Un morphème est la plus petite unité de signification de la langue, la plus petite unité porteuse de sens ou, pour le dire autrement, l'association minimale d'une forme et d'un sens. 1.- - Il existe divers types de morphèmes : On distingue : → d'une part, les morphèmes lexicaux ou lexèmes VS les morphèmes grammaticaux ou grammèmes ; → d'autre part, les morphèmes libres VS les morphèmes liés Si l'on combine ces distinctions, cela donne le schéma suivant : MORPHÈMES LIÉS LIBRES Affixes Bases Lexèmes Grammèmes (lexèmes) Dérivationnels Flexionnels (libérables ou non) (lexèmes) (grammèmes) Préfixes Suffixes sur-évaluer ceris-ier voul-ons fleur-iste fleur que dé-faire aim-able aim-er port-ier porte par dés-amorcer rigol-ade aim-ez trans-hum-ance après et le (pr. /art.) 1.3 – Explications sur cette terminologie 1.3.1– Morphèmes libres = autonomes ⇔ Morphèmes liés = non autonomes Lorsqu'on dit qu'un morphème est libre ou autonome, cela signifie qu'il n'a pas à s'accoler à une base. Au contraire, un morphème est dit lié ou non autonome lorsqu'il ne peut s'employer seul et doit être obligatoirement accolé à une base. 1 Année universitaire 2024-20245/ Grammaire et histoire de la langue Hélène Biu (Sorbonne Université) ♣ Sont des morphèmes libres : – les articles et déterminants, pronoms, conjonctions, prépositions ; – les noms , adjectifs qualificatifs, verbes, adverbes, interjections ♣ Sont des morphèmes liés : – les morphèmes flexionnels (c'est-à dire-ceux qui portent l'information de pluriel, de genre, de personne, de temps, de mode, etc.) sont nécessairement liés à une base : grand-s (pluriel) – grand-e-s (genre + pluriel) – chantais (imparfait -ai- + personne -s), etc. ; – les morphèmes dérivationnels, c'est à dire les affixes ( =préfixes comme dé-, in- + suffixes comme -able, -ible, -ade) : ils ne peuvent pas s'utiliser seuls, mais doivent s'adjoindre à une base (dé-faire, in-humain ; calcul-able, compréhens-ible, rigol- ade ; in-calcul-able, etc.) ; ♣ Remarque sur la base des mots construits : Dans le schéma de la page précédente, la base des mots construits apparaît comme « lexème libérable ou non ». J'explique ci-dessous : – dans la plupart des mots construits, la base est dite libérable parce qu'elle a la même forme qu'un morphème libre ou parce qu'elle est un allomorphe d'un morphème libre. Par exemple, dans fleur-iste, la base lexicale fleur a la même forme que le nom fleur ; dans embarcation, embarcadère, la base lexicale transcrite n'est qu'une autre forme, contrainte par son entourage immédiat (= allomorphe), de barque ; – toutefois, dans certains mots construits, la base, bien qu'elle soit porteuse de sens au même titre qu'un mot n'est pas un morphème libre : elle est toujours combinée avec un autre élément. Elle n'est donc pas libérable. Par exemple dans psychique, psych- n'existe pas de façon autonome, pas plus que /hum/ dans trans-hum-ance. De même dans des mots construits par confixation savante (latin + latin, grec + grec, latin + grec, etc.), type carnivore, frugivore, hélicoptère, etc. (sur la confixation, voir fiche de Morpholexicologie 3 et voir le cours magistral de Gilles Siouffi). 1.3.2 – Morphèmes lexicaux = lexèmes ⇔ Morphèmes grammaticaux = grammèmes ♣ Morphèmes lexicaux ou lexèmes Un morphème lexical, appelé aussi lexème, est une unité lexicale minimale, considérée abstraitement comme l'est un phonème par rapport à un phone, « c'est à dire abstraction faite de ses diverses réalisations éventuelles » (Nicole Tournier et Jean Tournier, Dictionnaire de lexicologie française, Paris, 2017 (ellipses poche), p. 209, s.v. Lexème). Entrent dans cette catégorie : 2 Année universitaire 2024-20245/ Grammaire et histoire de la langue Hélène Biu (Sorbonne Université) les noms , adjectifs qualificatifs, verbes, adverbes ; ils constituent une liste ouverte en perpétuelle évolution, puisqu'encore aujourd'hui certains mots sont créés quand d'autres disparaissent + les bases lexicales et leurs allomorphes ; les morphèmes dérivationnels ou affixes (= préfixe et suffixes) ♣ Morphèmes grammaticaux ou grammèmes Sont des morphèmes grammaticaux les mot outils et les morphèmes flexionnels, qui constituent une liste close : mots outils : déterminants et articles, pronoms, conjonctions prépositions ; morphèmes flexionnels : – les morphèmes de mode, de temps, de personne pour les verbes : dans nous chanterons, on distingue la base lexicale chant- + le morphème e (démarcateur de groupe, puisqu'il s'agit d'un verbe du 1er groupe) + le morphème R qui porte l'information de futur + le morphème de P4 -ons. Dans le conditionnel nous chanterions, l'analyse est la même sauf pour -ions, car ici, la désinence se décompose en i morphème d'imparfait et -ons morphème de P4 ; – les morphèmes de genre, de nombre pour les noms ou les adjectifs. Par exemple, -s est un morphème de pluriel dans petits ; dans petite, -e est un morphème de féminin ; 2 – MOTS SIMPLES ET MOTS CONSTRUITS -.1 - Les mots simples Les mots simples sont ceux dont la structure interne n'est constituée que d'une seule unité lexicale : bijou, vapeur, monde, chêne, vingt. Ils ne sont pas segmentables en unités lexicales plus petites. Il existe des cas où un mot est aujourd'hui, en synchronie, perçu comme simple, alors qu'en diachronie on l'analyserait comme un mot construit. Par exemple, on ne perçoit plus aujourd'hui que le mot bureau, à l'origine, est construit par dérivation suffixale : à la base de nature nominale, bure (« étoffe grossière de laine brune, lourde, rêche et robuste » (Trésor de la langue française, s.v. bure) a été adjoint le suffixe -el d'où burel (« étoffe grossière » d'où « table (recouverte d'une toile grossière) sur laquelle on fait ses comptes », dont l'allomorphe aux cas sujet singulier et cas régime pluriel est en ancien français bureaus ; quand on abandonne la flexion à deux cas de l'ancien français, -s étant devenu un morphème de pluriel, on a créé, par suppression du -s, le singulier bureau. Donc, en diachronie (c'est-à-dire si je me place du point de vue de l'histoire de la langue), bureau est un mot construit par dérivation suffixale ; mais en synchronie (c'est-à-dire aujourd'hui), c'est un mot simple, car plus personne ou presque ne reconnaît dans bureau un meuble recouvert d'une étoffe de bure... De même, on ne perçoit plus aujourd'hui que le secrétaire désigne à l'origine une personne dépositaire des secrets d'une autre (= confident, sens avec lequel apparaît le mot au XIVe siècle). 3 Année universitaire 2024-20245/ Grammaire et histoire de la langue Hélène Biu (Sorbonne Université) -.- - Les mots construits Les mots construits sont ceux dont la structure interne comprend plusieurs éléments lexicaux encore perçus comme tels en synchronie. Ils sont susceptibles d'être mis en relation avec un ou plusieurs autres mots de la langue. Par exemple, cerisier peut être mis en relation avec cerise ; vaporiser peut être mis en relation avec vapeur. De même, casse-noix peut être mis en relation avec le verbe casser et le nom noix. À ce titre, les mots construits ont une structure interne qui correspond à un schéma régulier de dérivation (cerisier, vaporiser) ou de composition (casse-noix) et leur sens correspond à leur structure. Contrairement aux mots simples, ils sont donc motivés ou relativement motivés. Il existe cependant des mots construits démotivés en synchronie. Ainsi, saupoudrer signifie à l'origine « poudrer de sel » (sau- étant un allomorphe de sal/sel), mais n'est plus perçu comme tel en synchronie, puisqu'on peut saupoudrer du sucre ou de la farine. ♣ Point sur la terminologie : qu'est-ce qu'un allomorphe ? On appelle allomorphes (du grec allo 'autre' et morphe 'forme') les différentes réalisations (= les différentes formes) d'un même morphème : – par exemple, dans la conjugaison de aller au présent de l'indicatif vais, vas, va, allons, allez, vont, /v/ et /al/ sont des allomorphes du morphème lexical {aller} ; – de même, /i-ʁ/, base de aller au futur, est un allomorphe du morphème lexical {aller} ; dans préhistoriques, /histor/ est un allomorphe du morphème lexical {histoire} ; – dans paisible, adjectif signifiant « qui peut être en paix, qui est en paix », la base lexicale pais- [pεz-] de nature nominale est un allomorphe de {paix} [pε] ; – dans embarcation, embarquement, la base lexicale est dans le premier cas -barc- [-baʁk-], -barqu- [ -baʁk-] dans le second, toutes deux allomorphes de {barque} [ baʁk] ; – si l'on compare dégager et désarmer, le préfixe dé- utilisé devant consonne qui se réalise en [de-] devient dés- [dez-] devant voyelle. 4