Les Troubles Dépressifs - Université de Sousse - PDF
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Ce document est un résumé des troubles dépressifs, destiné aux étudiants de quatrième année médecine à l'Université de Sousse. Il couvre les différents aspects des troubles dépressifs, y compris les symptômes, le diagnostic et les facteurs à prendre en compte.
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Université de Sousse Faculté de Médecine Ibn El Jazzar Certificat de Psychiatrie quatrième année Médecine Les troubles dépressifs 1 1. INTRODUCTION ET DÉFINITION L’état dépressif est un syndrome caractérisé par une triade clinique associant humeur dépressive,...
Université de Sousse Faculté de Médecine Ibn El Jazzar Certificat de Psychiatrie quatrième année Médecine Les troubles dépressifs 1 1. INTRODUCTION ET DÉFINITION L’état dépressif est un syndrome caractérisé par une triade clinique associant humeur dépressive, ralentissement psychomoteur et troubles instinctuels. Il fait partie du chapitre des troubles de l’humeur car l'humeur dépressive est l’aspect le plus saillant du syndrome. L'humeur est définie par: "une disposition affective de base qui donne à chacun de nos états d'âme une tonalité agréable ou désagréable oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur". (J. Delay) L’état dépressif est un trouble fréquent (prévalence sur la vie estimée entre 15 et 25%). Il est deux fois plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. La sémiologie dépressive doit tenir compte des symptômes présents, de leur gravité, qui réside principalement dans le risque suicidaire, de leur devenir évolutif et des hypothèses étiologiques envisagées. Tous ces aspects sont importants pour mieux évaluer et mieux prendre en charge les patients déprimés. 2. LE DIAGNOSTIC D’UN ÉPISODE DÉPRESSIF 2.1. Le Syndrome Dépressif Il associe une triade clinique, à début souvent insidieux. 2.1.1. Humeur dépressive Une humeur triste Il existe un sentiment de tristesse, qui peut varier de l’exagération d’un sentiment de tristesse normale à une douleur morale. La tristesse est apparente, persistante et parfois inconsolable. Elle peut être remplacée par une dysphorie, qui est une sensation d’ennui associée à une humeur irritable. Une perte d’intérêt et de plaisir La tristesse peut être remplacée ou coexister avec un sentiment de lassitude et de désintérêt généralisé entraînant souvent un vécu d’impuissance et de culpabilité. Il existe également une incapacité à ressentir du plaisir dans les activités habituellement agréables : c'est l'anhédonie dépressive qui peut atteindre, dans les formes sévères, les sentiments affectueux : c’est l’anesthésie affective. 2 Une vision négative de Soi, du monde et de l’avenir La vision de soi est négative : sentiments d'infériorité, d'incapacité et d’inutilité, avec parfois idées d’impuissance et de culpabilité. La vision du monde et les relations avec l’entourage sont aussi négatives. La vision de l'avenir se réduit aux seules potentialités pessimistes. Le pessimisme, l’anhédonie, le désintérêt et le découragement peuvent entraîner un dégoût de la vie, parfois à l’origine des idées suicidaires. 2.1.2. Ralentissement psychomoteur Ralentissement moteur Il réalise une bradykinésie qui se traduit par une hypomimie et une réduction de la ponctuation gestuelle du discours. Tout dans l'attitude du sujet paraît lent : marche lente, tête basse, dos voûté…Le ralentissement moteur peut varier selon les formes cliniques d’une simple asthénie à la stupeur totale. Ralentissement psychique Il constitue une bradypsychie, avec à l’examen, une diminution du flux verbal (bradyphémie). Les réponses sont hésitantes et courtes et la pensée paraît lente et laborieuse dans son développement et pauvre dans son contenu. Les souvenirs sont difficiles à évoquer et tout effort de concentration ne peut être soutenu, entraînant une fatigue intellectuelle (troubles cognitifs). 2.1.3. Troubles instinctuels Troubles du sommeil L'insomnie de fin de nuit est la plus évocatrice (réveil précoce). Il peut s’agir aussi d’insomnie d'endormissement, du milieu de la nuit, ou mixte. L'hypersomnie est possible, mais plus rare Troubles de l’appétit L’anorexie, plus fréquente, peut s'accompagner d'une perte de poids. L’augmentation de l'appétit est plus rare. Troubles sexuels Désintérêt sexuel avec baisse du désir chez les deux sexes. Troubles de l’érection chez l’homme et de l’orgasme chez la femme. 3 2.1.4. Les symptômes associés Anxiété L’anxiété est souvent présente dans la dépression et lui imprime une marque spécifique: humeur dysphorique, instabilité motrice, insomnie d’endormissement. Symptômes somatiques En plus de l’asthénie, des algies diverses, et notamment des céphalées, peuvent être rapportées, ainsi que des symptômes digestifs et génito-urinaires. Troubles du caractère Parfois, le tableau dépressif associe soit régression et passivité soit hostilité et intolérance à l’entourage (bruit, sollicitations…). 4 2.2. Les Critères Diagnostiques D’un épisode dépressif caractérisé selon le DSM-5 (A) Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant une même période d'une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur; au moins un des symptômes est soit une humeur dépressive (1), soit (2) une perte d'intérêt ou de plaisir, sans inclure des symptômes qui sont attribuables à une autre condition médicale. 1. Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet ou observée par les autres. 2. Diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours. 3. Perte ou gain de poids significatif en l'absence de régime, ou augmentation ou diminution de l'appétit presque tous les jours. 4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours 5. Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constatés par les autres, et non limités à un sentiment subjectif) 6. Fatigue ou perte d'énergie presque tous les jours 7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours 8. Diminution de l'aptitude à penser à ou se concentrer ou indécision presque tous les jours (soit rapportée par le sujet ou observée par les autres). 9. Pensées de mort récurrentes, idées suicidaires récurrentes sans plan précis ou tentative de suicide ou plan précis pour se suicider. (B) Les symptômes entraînent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, ou dans d'autres domaines importants. 5 (C) Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques d'une substance ou d’une affection médicale générale. La réponse à une perte significative (deuil, ruine, catastrophe naturelle, maladie grave ou handicap…) n’élimine pas le diagnostic d'un épisode dépressif majeur. D’un trouble dépressif caractérisé selon le DSM-5 En plus des critères A, B et C d’un épisode dépressif majeur, le diagnostic de trouble dépressif majeur repose sur la présence de deux autres critères : (D) L’épisode dépressif majeur n’est pas mieux expliqué par un trouble schizo-affectif, une schizophrénie, un trouble schizophréniforme, un trouble délirant ou un autre trouble psychotique. (E) Il n'ya jamais eu d’épisode maniaque ou hypomaniaque (sauf si ils ont tous été induits par une substance ou s’ils sont imputables aux effets physiologiques d'une affection médicale générale) 2.3. Les Spécifications Diagnostiques Sévérité Léger : 2 symptômes ; l'intensité est importante mais gérable, l’altération du fonctionnement social ou professionnel est mineure Moyen : 3 symptômes Sévère : 4 ou 5 symptômes ; l'intensité est importante et impossible à gérer, les symptômes interfèrent avec le fonctionnement Avec caractéristiques psychotiques : congruentes ou non congruentes à l'humeur Avec anxiété : caractérisée par la présence d'au moins 2 des symptômes suivants: 1. sensation d'être survolté ou tendu. 2. sensation inhabituelle d’instabilité. 3. difficulté à se concentrer à cause de l'inquiétude. 4. peur que quelque chose de terrible va arriver. 6 5. sentiment qu’on peut perdre le contrôle de soi-même. Avec caractéristiques mixtes : A. Au moins trois des symptômes maniaques / hypomaniaques suivants sont présents presque tous les jours : 1. Humeur élevée, expansive. 2. Augmentation de l'estime de soi ou idées de grandeur 3. Plus grande communicabilité ou désir de parler constamment 4. Fuite des idées ou sensation subjective que les idées défilent. 5. Augmentation de l'énergie ou de l'activité orientée vers un but. 6. Engagement excessif dans des activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables (achats inconsidérés, conduites sexuelles inconséquentes, investissements commerciaux déraisonnables…). 7. Diminution du besoin de sommeil B. Ces symptômes ont été observés par les autres et représentent un changement par rapport au fonctionnement habituel du sujet. C. Si tous les critères de manie ou d'hypomanie sont réunis, le diagnostic retenu doit être trouble bipolaire type I ou II. D. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets d'une substance. Avec caractéristiques mélancoliques : A. Un des symptômes suivants est présent pendant la période la plus sévère de l'épisode actuel : 1. Perte de plaisir pour toutes ou presque toutes les activités. 2. Manque de réactivité aux stimuli habituellement agréables. B. Trois (ou plus) des symptômes suivants ; 1. Une qualité particulière de l'humeur dépressive caractérisée par un profond découragement, un désespoir et/ou une morosité 2. dépression régulièrement plus marquée le matin 3. réveil matinal précoce (au moins 2 heures avant l'heure habituelle du réveil) 4. agitation ou ralentissement psychomoteur marqué 5. anorexie ou perte de poids significative 6. culpabilité excessive ou inappropriée. 7 Avec caractéristiques atypiques : Les symptômes suivants sont présents la plupart du temps : A. humeur réactive ; B. Deux (ou plus) des symptômes suivants : 1. prise de poids ou augmentation de l'appétit significative 2. hypersomnie ; 3. sensation de membres en plomb 4. la sensibilité au rejet dans les relations est un trait durable qui se traduit par une altération significative du fonctionnement social ou professionnel. C. ne répond pas aux critères "avec caractéristiques mélancoliques» ou «avec catatonie" au cours du même épisode. Avec catatonie Le tableau clinique est dominé par trois (ou plus) des symptômes suivants : 1. Stupeur (absence d’activité motrice, pas de relation avec l’environnement) 2. Catalepsie (maintien contre la gravité de postures imposées) 3. Flexibilité cireuse (résistance légère à la mobilisation par l’examinateur). 4. Mutisme (absence ou quasi-absence de réponse verbale) 5. Négativisme (opposition, absence de réponses aux instructions ou stimuli) 6. Prise de posture (maintien, contre la gravité, de postures adoptées spontanément) 7. Maniérisme (caricatures bizarres ou solennelles d'actions ordinaires) 8. Stéréotypies (mouvements non dirigés vers un but, répétitifs et anormalement fréquents) 9. Agitation non influencée par des stimuli extérieurs. 10. Expression faciale grimaçante 11. Echolalie (répétition des paroles de l’autre) 12. Echopraxie (reproduction des mouvements de l’autre). Avec apparition en péripartum : si les symptômes sont survenus pendant la grossesse ou dans les 4 semaines suivant l'accouchement Avec caractère saisonnier (en cas de TDM récurrent) A. Il existe une relation temporelle régulière entre la survenue d’EDM et une période particulière de l'année (par exemple, à l'automne ou l'hiver), en dehors des cas où il ya une relation évidente entre la saison et un stress psychosocial 8 B. les rémissions complètes (ou la transformation d’une dépression en une manie ou hypomanie) se produisent également au cours d’une période particulière de l'année (par exemple, la dépression disparaît au printemps). C. au cours des deux dernières années, présence d’au moins deux épisodes dépressifs majeurs confirmant la présence d’une relation temporelle saisonnière et aucun épisode dépressif majeur non saisonnier n’a eu lieu. D. au cours de la vie du sujet, les épisodes dépressifs majeurs saisonniers (comme décrit ci-dessus) sont plus nombreux que les épisodes dépressifs non saisonniers. 3. LES DIFFERENTES FORMES CLINIQUES 3.1. Les formes selon l’âge Dépression de l’enfant Elle se manifeste par des attitudes de régression, de passivité avec des perturbations du sommeil, de l’alimentation et un désinvestissement scolaire. Dépression de l’adolescent Elle est fréquente et peut s’exprimer de façon typique ou sous forme de troubles du comportement et des conduites (absentéisme, fugues...), de troubles du caractère et/ou de baisse du rendement scolaire. Le diagnostic est parfois difficile du fait d’une symptomatologie peu spécifique. Le retentissement est souvent important du fait d’un impact majeur sur la scolarité et la qualité des relations. Le risque suicidaire est particulièrement élevé et l’évolution vers la bipolarité est envisagée. Dépression du sujet âgé Elle est fréquente et souvent méconnue. Le diagnostic est difficile car les formes typiques sont rares et l’humeur dépressive est souvent remplacée par une indifférence affective, elle même masquée par une autre symptomatologie. Les plaintes somatiques sont fréquentes, ce qui fait parfois retarder le diagnostic. Les troubles cognitifs sont marqués (problème diagnostique avec les états démentiels). Leur début est brutal avec aggravation rapide. Ils sont liés à des troubles de l’attention et de la concentration. Les troubles mnésiques portent aussi bien sur les faits récents que sur les faits anciens. Il n’existe ni aphasie, ni apraxie, ni agnosie, ni véritable désorientation temporo-spatiale. 9 Les manifestations délirantes : délire de préjudice (héritage convoité), délire de négation d’organe, avec des hallucinations auditives malveillantes et obscènes. Les troubles du comportement sont fréquents et prennent différentes formes: passivité, troubles caractériels (hostilité et agressivité) ou comportement régressif global (syndrome de glissement) qui met en jeu le pronostic vital. 3.2. Les formes selon le terrain Les dépressions secondaires à une affection organique Les maladies du SNC : affections vasculaires (AVC), maladie de Parkinson, SEP, épilepsie, tumeurs (surtout frontales), traumatismes crâniens... Les maladies endocriniennes : thyroïdiennes, surrénaliennes, diabète… Autres maladies: tuberculose, cancers, cardiopathies, maladies de système... Les toxiques: alcool, barbituriques, amphétamines, anorexigènes… Les médicaments: Aldomet, INH, L-dopa, neuroleptiques… Les dépressions sur personnalité pathologique Certaines dépressions surviennent sur un terrain de personnalité fragile et immature (hystérique, phobique, obsessionnelle…). L’entourage peut exercer une action bénéfique sur l’humeur qui est dite alors réactive aux sollicitations extérieures. La tristesse, proche de la normale, correspond à des préoccupations centrées sur certains événements d’importance variable qui peuvent déclencher la dépression. Le ralentissement se limite à une asthénie et des difficultés de concentration. L’anxiété peut être intense avec une richesse des symptômes somatiques. Les troubles du sommeil sont à type d’insomnie d’endormissement et parfois d’hypersomnie. Le risque suicidaire est présent et doit être pris au sérieux, même s’il s’exprime à travers des menaces ou des « chantages au suicide ». Les dépressions de la puerpéralité Pendant la grossesse Les dépressions durant la grossesse surviennent surtout au premier trimestre et sont, en règle générale, d'intensité modérée, non psychotiques et souvent anxieuses. Elles peuvent rester méconnues car la symptomatologie n’est souvent que l’exacerbation des symptômes habituels de la grossesse : dysphorie permanente avec crises de 10 larmes itératives, plaintes somatiques et fatigue importante, sentiment de découragement et parfois d’incapacité et de dépréciation, dépendance affective avec revendication de soins et d’attention, préoccupations anxieuses concernant la grossesse, l’accouchement et le bébé (sa santé, son sort), ainsi que des troubles du sommeil et de l’appétit. Les dépressions mélancoliques sont rares et surviennent lors du 3 ème trimestre. Elles ont tendance à se poursuivre dans le post-partum et sont volontiers anxieuses et délirantes. Dans le post-partum La mélancolie puerpérale constitue une forme sévère à début précoce (1 er mois). Elle se caractérise par un sentiment d’incapacité et de culpabilité envers l’enfant qui atteint souvent une tonalité délirante. La patiente se sent nuisible pour lui ou peut affirmer l’avoir tué avec des voix accusatrices et parfois, des visions funèbres. Le risque de suicide, de suicide à deux ou d’infanticide est extrême. L’évolution à court terme est en général favorable sous traitement, mais le pronostic à long terme est marqué par la fréquence des récidives et l’évolution bipolaire. Les dépressions postnatales sont des formes modérées et fréquentes (10 à 20 % des femmes), avec 2 pics : entre la 6ème et la 12ème semaine et au cours du second semestre. Le début est insidieux à partir d’un « post-partum blues » qui se prolonge : absence de plaisir à s’occuper du bébé, avec le sentiment d’être dépassée et incapable physiquement de faire face à ses besoins. Les soins sont donc donnés sans élan, sans chaleur et sans intuition empathique, d'une manière terne et amorphe. Il existe souvent une irritabilité envers le mari, les autres enfants et l’entourage. Parfois, la peur de faire du mal à l'enfant, pousse la mère à mettre l'enfant à distance ou à se décharger de ses soins. Le ralentissement psychomoteur aggrave la gêne pour le maternage, avec la lenteur et l’asthénie qu’il occasionne. Ces dépressions sont de diagnostic difficile, ce qui peut avoir des conséquences pour le développement de l’enfant. L’évolution se fait dans la moitié des cas vers une résolution 11 spontanée entre 3 et 6 mois. D’autres dépressions persisteront plus ou récidiveront en dehors d’un contexte puerpéral. 4. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL 4.1. Le deuil Bien qu’il puisse se compliquer d’un état dépressif, le deuil s’en distingue par : Les ruminations dépressives restent centrées sur l’être perdu avec de douloureux sentiments d’injustice, de révolte ou de colère L’absence du ralentissement psychomoteur et d’idées suicidaires La sensibilité à la réassurance et atténuation des symptômes avec le temps 4.2. Les troubles anxieux Les symptômes dépressifs et anxieux sont souvent intriqués, les uns compliquant les autres. En faveur d’un trouble anxieux : L’évolution par accès de l’anxiété, alors que dans la dépression, elle est plus ou moins permanente et typiquement à prédominance matinale La présence d’autres symptômes de la série phobique ou obsessionnelle Les conduites d’évitement ou de réassurance et les rituels 4.3. Les troubles psychotiques La bouffée délirante aiguë (BDA) pose un problème de diagnostic différentiel avec la dépression délirante. En faveur de BDA: le début brutal d’un délire riche et polymorphe, vécu intensément dans une atmosphère d’étrangeté et d’angoisse. La Schizophrénie Forme de début par dépression atypique Etats dépressifs survenant au cours de la maladie 12 Certaines formes de la schizophrénie: la schizophrénie catatonique (état de stupeur) et l’hébéphrénie (signes déficitaires ou négatifs). Le trouble délirant 4.4. La démence Les perturbations intellectuelles qui accompagnent certains états dépressifs, surtout chez le sujet âgé, posent souvent un diagnostic différentiel avec un processus démentiel. Les antécédents dépressifs et la présence des troubles instinctuels sont en faveur de la dépression. L’épreuve thérapeutique permet souvent de faire la part entre ces deux diagnostics (mettre sous antidépresseurs) 5. MODALITES EVOLUTIVES ET COMPLICATIONS 5.1. Les modalités évolutives Evolution à court terme : Non traitée, la dépression évolue vers la guérison dans 4 à 12 mois. Sous traitement, il y’a disparition plus rapide des symptômes. IL y a un risque de rechute qui est constituée par la réapparition des symptômes avant la guérison, c’est-à-dire avant 6 mois. Evolution à long terme : Plusieurs possibilités évolutives Disparition définitive de la dépression Récidives soit exclusives d’épisodes dépressifs (dépression récurrente) Récidives en alternance avec des épisodes maniaques (trouble bipolaire). Evolution vers la chronicité (15 à 20% des cas): la dépression persiste au delà de 2 ans (résistance au traitement, pathologie somatique, trouble de la personnalité, environnement inadéquat, présence de troubles associés …) 5.2. Complications et signes de gravité d’un état dépressif Le suicide constitue la complication la plus redoutable d’un état dépressif. Les facteurs de risque en sont : antécédents suicidaires personnels ou familiaux, 13 sexe masculin, âges extrêmes (adolescents, sujets âgés), présence d’une mélancolie (surtout anxieuse ou délirante), isolement affectif (veuvage, divorce), maladie organique à l’origine de désespoir et résistance au traitement (échec de deux traitements antidépresseurs). Alcoolisme et toxicomanie Retentissement sur le fonctionnement et altération de la qualité de vie 6. LES FACTEURS PREDICTIFS DE BIPOLARITE La prédiction d’une évolution bipolaire est évoquée devant la présence de : Facteurs inhérents à la symptomatologie dépressive actuelle Hypersomnie et ou somnolence diurne Hyperphagie et ou prise de poids Ralentissement psychomoteur marqué Anxiété psychique marquée Caractéristiques psychotiques et ou culpabilité pathologiques Humeur labile et ou symptômes maniaques (caractéristiques mixtes) Facteurs inhérents à l’évolution de la maladie Début précoce de la maladie dépressive ( 4 épisodes) Nombre élevé de tentatives de suicide Facteurs inhérents à l’histoire familiale : Antécédents familiaux de troubles bipolaires Dépression du post partum et virage sous antidépresseurs 7. LES FACTEURS DE RISQUE SUICIDAIRE 7.1. Les Facteurs liés à l’épisode dépressif Au cours d’un épisode dépressif majeur, les facteurs qui augmentent le risque suicidaire sont liés à la nature et à la sévérité de l’épisode 14 Intensité sévère avec présence de désespoir qui est constitué d’attentes négatives de soi-même, des autres et du futur. Pour un désespéré, le suicide est perçu comme un dernier recours Caractéristiques mélancoliques avec notamment la présence de douleur morale avec idées d’indignité et de culpabilité Composante anxieuse qui réduit et parfois fait disparaître le ralentissement psychomoteur, ce qui fait suspecter un passage à l’acte impulsif Présence de caractéristiques psychotiques (dépression délirante) 7.2. Les Facteurs liés au patient déprimé Sexe masculin (le sexe féminin est associé à plus de tentatives de suicide) Age : les adolescents et les sujets âgés ont un risque plus élevé de suicide Certaines maladies physiques associées, résultant en des atteintes fonctionnelles, préjudice esthétique ou douleurs chroniques La prise de substances entraîne à la fois désinhibition, déficits cognitifs, symptômes anxieux et/ou psychotiques Histoire familiale de suicide et antécédents personnels de Tentatives de suicide surtout chez les adolescents où 40% des décès par suicide ont été précédés d’antécédents. Plus l’antécédent est grave, plus le risque est élevé Impulsivité ou comorbidité avec des troubles de la personnalité 7.3. Les Facteurs liés à l’environnement Facteurs de stress surtout chez les jeunes adolescents (moins de 14 ans) Absence de soutien de la famille ou des amis avec rejet par une personne importante, ruptures, environnement hostile ou relations sociales pauvres Médiatisation du suicide, avec description détaillée et présentation des suicidés comme des héros (impact majeur chez les adolescents) Accessibilité du moyen suicidaire et obstacles aux soins 15 Facteurs liés à l’acte : - La préméditation de l’acte : testament, lettre écrite, plan d’action déjà prêt - La létalité de l’acte envisagé ou déjà exécuté (pendaison ou arme à feu sont plus graves qu’une intoxication médicamenteuse ou autre moyen). - L’intention affirmée de vouloir se donner la mort et non pas seulement de vouloir dormir ou oublier. 8. TRAITEMENT DES TROUBLES DEPRESSIFS Le choix des moyens et des modalités thérapeutiques se fait en fonction d’une évaluation globale qui tient compte de l’âge du patient, de ses antécédents, de la nature et l’intensité du tableau clinique et du degré de l’urgence. 8.1. Les moyens thérapeutiques a-Hospitalisation Différentes modalités sont possibles : libre, à la demande d’un tierce ou d’office L’hospitalisation est indiquée : En 1ere intention : - Mélancolie, forme délirante - Risque suicidaire - Forme comorbide (alcool, toxicomanie) - Soins somatiques nécessaires - Pas de soutien solide et permanent En 2eme intension : en cas de résistance b-Moyens thérapeutiques Les Antidépresseurs Ce sont des psychotropes capables de redresser l’humeur dépressive et parfois de l’inverser en humeur euphorique. Ils constituent le traitement de première intention des états dépressifs quelle qu’en soit la forme étiologique. Règles de prescription 16 La majorité des antidépresseurs sont administrés par voie orale et à doses progressives. Certains existent sous forme injectable et sont administrés en perfusion, ce qui constitue un effet bénéfique lors de la première semaine de traitement (Clomipramine, Amitryptiline). La co-prescription de deux ou plusieurs antidépresseurs est exceptionnelle car peu d’intérêt prouvé et surtout risque d’effets secondaires surajoutés. Différents types Les tricycliques restent la référence en terme d’efficacité. Les ISRS et les IRSNA sont plus tolérés et ont une efficacité de plus en plus comparable. Les IMAO sont peu utilisés à cause de leurs effets indésirables et de leurs interactions avec plusieurs médicaments. Antidépresseurs tricycliques : Clomipramine (Anafranil*) ; Amitriptyline (Elavil* et Laroxyl*) ; Imipramine (Tofranil*) Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) : Fluoxétine; Paroxétine; Sertraline; Fluvoxamine; Citalopram et Escitalopram Inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA) : Venlafaxine (Effexor*) et Milnacipran (Ixel*). Inhibiteurs de la mono-amine-oxydase (IMAO) : Toloxatone (Humoryl*) Autres antidépresseurs : Maprotiline (Ludiomil*) ; Tianeptine (Stablon*) Les autres médicaments En fonction du tableau clinique, les antidépresseurs peuvent être associés aux : Anxiolytiques : au début du traitement (anxiété, insomnie, levée de l’inhibition) Neuroleptiques sédatifs: Chlorpromazine (Largactil*), Levomepromazine (Nozinan*), dans certaines formes de mélancolie (anxieuses et délirantes). Thymorégulateurs : dépressions bipolaires et dépressions résistantes Les autres moyens thérapeutiques Electoconvulsivothérapie (ECT) : Prescrite soit en deuxième intention, après échec du traitement antidépresseur, soit en première intention en cas de : Mélancolie délirante ou avec une composante motrice marquée : ralentissement important ou agitation (haut risque suicidaire). 17 Dépression du sujet âgé (résistance aux Antidépresseurs) Dépressions de la femme enceinte devant le risque tératogène des médicaments Photothérapie : Elle consiste en une cure d’exposition à une source de lumière blanche, présentée à courte distance et durant des heures fixes de la journée. Elle est indiquée dans les dépressions saisonnières. Psychothérapies De soutien (non structurée) : dédramatiser la situation, faire comprendre au patient son trouble et améliorer son adhésion à la prise en charge. Psychothérapie interpersonnelle : consiste à amener le patient à trouver des moyens de résoudre ses difficultés relationnelles, et à mieux comprendre son environnement et à le maitriser. Psychanalytique : dépression survenant sur une personnalité pathologique de type hystérique, phobique ou obsessionnelle. Cognitive : prendre conscience des distorsions cognitives et les corriger. Comportementale : faciliter la reprise d’une activité motrice et intellectuelle normale quand elle est introduite au bon moment. 8.2. Les modalités thérapeutiques a- Traitement curatif de l’épisode dépressif majeur Le traitement médicamenteux repose sur les antidépresseurs Les antidépresseurs de deuxième génération (ISRS et IRSNa) sont préférés en première intention du fait de leur absence d’effets secondaires et de leur plus faible toxicité en cas d’ingestion massive. Ils se prescrivent à raison d’un à deux comprimés par jour. Les Tricycliques peuvent être prescrits aussi à doses progressivement croissantes jusqu’à 75 à 150 mg par jour. Ils sont particulièrement utiles, ainsi que les IRSNa, dans les dépressions mélancoliques. Un anxiolytique ou un neuroleptique sédatif est souvent associé en début de traitement pour réduire l’angoisse (dans les formes anxieuses), corriger l’insomnie et prévenir le risque de passage à l’acte suicidaire par levée de l’inhibition (qui survient vers le 10ème jour du traitement). 18 Les psychothérapies constituent le traitement de choix, dans les dépressions sans caractéristiques mélancoliques, en association avec les antidépresseurs. Il s’agit de psychothérapie de soutien associée ou non à des techniques plus structurées. Durée du traitement : 06 à 09 mois après la rémission b- Le traitement préventif du Trouble dépressif majeur récurrent Dans les dépressions récurrentes, il faut instaurer un traitement prophylactique qui vise la disparition des accès, sinon leur espacement et/ou leur atténuation. Les antidépresseurs : Habituellement, c’est l’antidépresseur efficace sur les épisodes dépressifs qui est maintenu à la même dose. Les autres modalités thérapeutiques Le lithium est moins efficace que les antidépresseurs dans la prévention des récidives dépressives. Il est donc indiqué en deuxième intention. Les ECT de maintenance constituent une alternative devant des dépressions fréquentes et invalidantes malgré un traitement bien conduit. Certaines psychothérapies (surtout les thérapies cognitives, comportementales ou interpersonnelles) ont montré leur efficacité c- Etape de la prise en charge 3 phases du traitement sont décrites : Phase aigue : traitement d’attaque 19 Dont le but est d’obtenir la rémission la plus complète possible, la prescription de l’antidépresseur doit durer 4-6 semaines Phase de consolidation : traitement de consolidation Son but est d’éviter les rechutes, il s’agit de prescrire le même antidépresseur de la phase d’attaque en cas d’efficacité et avec les mêmes doses, sa durée est de 6 mois Le traitement d’attaque et le traitement de consolidation sont indiqués dans le traitement de tout épisode dépressif majeur Phase prophylactique ou de maintenance Le but est ici de prévenir les récurrences. Il s’agit de maintenir le même antidépresseur que la phase précédant (phase de consolidation) et avec les mêmes doses sur une durée minimale de 1 à 2 années Le traitement de maintenance n’est pas indiqué dans le traitement de tout épisode dépressif majeur contrairement aux 2 phases précédentes, il n’est indiqué que dans le traitement du trouble dépressif récurrent (définit à partir de la survenue d’un 2eme épisode dépressif majeur). Un traitement de maintenance est donc indiqué an cas de : -2eme épisode dépressif majeur rapprochés sévère -ATCDF thymique -Comorbidité anxieuse S’il s’agit du 3eme épisode dépressif majeur, la durée du traitement est de 5 ans, minimum 9. LES ELEMENTS DE SURVEILLANCE 9. 1. Surveillance des Antidépresseurs L’effet antidépresseur ne s’observe qu’au bout de 10 à 15 jours du traitement. Un antidépresseur est considéré comme inefficace si, à dose adéquate, il n’y a aucune amélioration après 6 semaines, ou si l’amélioration reste partielle après 8 à 12 semaines de traitement. Les antidépresseurs doivent être maintenus au moins 6 mois après la rémission en cas d’un premier EDM, plus longtemps en cas de récidive afin d’éviter les rechutes. Avant d’instaurer un traitement antidépresseur, il convient de faire un examen clinique complet et un ECG avant de prescrire un antidépresseur tricyclique chez les 20 sujets de plus de 50 ans. (CI si glaucome à angle fermé, adénome de la prostate, troubles du rythme cardiaque) La surveillance concerne : - L’évolution de la symptomatologie dépressive en portant une attention particulière au risque de levée d’inhibition qui augmente le risque suicidaire (vers le 10ème jour). - L’éventuelle survenue d’effets indésirables surtout cardiovasculaires (hypotension orthostatique) ; sécheresse de la bouche et tremblements pour les antidépresseurs tricycliques. Les ISRS sont mieux tolérés. Leurs effets indésirables sont plus rares et moins invalidants. - L’éventuelle survenue de signes de virage maniaque. Annexes 21 22