Cours de Linguistique - T2HF311 - Semestre 3 - PDF
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Ce document présente un aperçu d'un cours de linguistique. Le cours explore les concepts fondamentaux de la linguistique et examine la différence entre la grammaire et la linguistique. Il met en avant l'importance du langage dans les études humaines.
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Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre premier : Qu’est-ce que la linguistique ? CHAPITRE PREMIER : QU’EST-CE QUE LA LINGUISTIQUE ? AVANT-PROPOS « Que l’homme soit un animal politique à un plus haut degré qu’une...
Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre premier : Qu’est-ce que la linguistique ? CHAPITRE PREMIER : QU’EST-CE QUE LA LINGUISTIQUE ? AVANT-PROPOS « Que l’homme soit un animal politique à un plus haut degré qu’une abeille quelconque ou tout autre animal vivant à l’état grégaire, cela est évident. La nature, en effet, selon nous, ne fait rien en vain ; et l’homme, seul de tous les animaux, possède la parole. » Aristote, La Politique, I, 2, tr. fr. J. Tricot, Vrin, 1962, p. 26. « [...] jamais [...] jusqu’à ce jour on n’a pu observer qu’aucun animal en soit venu à ce point de perfection d’user d’un véritable langage c’est-à-dire d’exprimer soit par la voix, soit par les gestes quelque chose qui puisse se rapporter à la seule pensée et non à l’impulsion naturelle. Ce langage est en effet le seul signe certain d’une pensée latente dans le corps ; tous les hommes en usent, même ceux qui sont stupides ou privés d’esprit, ceux auxquels manquent la langue et les organes de la voix, mais aucune bête ne peut en user ; c’est pourquoi il est permis de prendre le langage pour la vraie différence entre les hommes et les bêtes. » Descartes, « Lettre à Morus du 5 février 1649 », in Œuvres et lettres, La Pléiade, p. 1320. Les deux citations qui précèdent, et que vous avez peut-être étudiées en cours de Philosophie en Terminale, illustrent l’idée, ancienne et fort répandue, selon laquelle le langage est le propre de l’homme : aucun autre animal ne possède la faculté de langage alors que tous les hommes sont dotés de cette capacité. En outre, l’utilisation du langage est intimement mêlée à toutes les activités du langage ; nous baignons constamment dans le langage, dès avant notre naissance, et même quand nous ne parlons pas, car c’est alors la parole intérieure qui prend le relais. Le langage est donc indissolublement lié à l’homme et son omniprésence est telle que nous confondons souvent les mots et les choses, le langage et la réalité. C’est sans doute ce qui explique que, bien que le langage ait été au cœur de nombreuses et profondes réflexions depuis fort longtemps, il ait fallu attendre le XXe siècle pour qu’apparaisse une véritable science du langage et que des chercheurs se mettent à étudier ce phénomène en lui-même et pour lui-même, et non plus « comme la manifestation d’une activité logique, comme le cadre de la pensée, comme le support de l’art poétique et littéraire, ou encore, par le biais de la comparaison des langues, comme une source de renseignements sur les migrations ou les conditions de vie de l’humanité préhistorique » (Martinet, 1968 : VII). Cette science a reçu le nom de linguistique. C’est pour vous une matière nouvelle, car elle n’est pas enseignée dans le secondaire. C’est pourquoi nous consacrerons la majeure partie du cours de ce semestre à une initiation à la linguistique, en étudiant quelques-uns des concepts fondamentaux de cette science. 1- GRAMMAIRE ET LINGUISTIQUE Il existe une idée reçue selon laquelle linguistique et grammaire seraient deux mots différents pour désigner la même chose, le terme linguistique ayant une connotation plus savante ; autrement dit, « la linguistique, c’est la même chose que la grammaire, en plus compliqué ». Nous allons voir que la grammaire et la linguistique sont, en fait, deux façons bien différentes, mais non sans lien, de s’intéresser au langage. 1.1- La grammaire La langue est un objet de réflexion depuis fort longtemps, puisque les premières analyses connues datent des IIIe et IIe millénaires avant notre ère (traditions babyloniennes et égyptiennes), même s’il s’agit d’études embryonnaires. La réflexion sur la langue est étroitement liée à l’écriture (on ne connaît pas de langue exclusivement orale ayant développé une grammaire) ; pour cette raison, pendant longtemps, le seul terme -1- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre premier : Qu’est-ce que la linguistique ? utilisé pour désigner l’étude de la langue a été le terme grammaire, qui vient du grec grammatikê, de gramma, qui signifie « lettre ». Les premières analyses grammaticales sont nées de la nécessité de comprendre un texte ; par exemple, on trouve une terminologie grammaticale dans des textes bilingues, en sumérien et en akkadien 1, au début du IIe millénaire av. J.C. À l’époque, le sumérien était pratiquement une langue morte et il était donc nécessaire d’avoir recours à une analyse grammaticale pour déchiffrer et comprendre les textes rédigés dans cette langue. Puis, plus tard, la grammaire s’est fixé pour but de donner des règles pour distinguer les formes correctes des formes incorrectes (grammaires grecque, latine, etc.). La grammaire devient un outil d’apprentissage, un « outillage technique ». À la Renaissance, au moment des Grandes Découvertes, les langues qui dominent l’histoire de l’Europe (l’italien, l’espagnol, le français, le portugais, l’allemand, l’anglais, mais aussi le hongrois ou le polonais) acquièrent une grammaire complète. Quasiment en même temps qu’en Europe, des langues d’autres continents ont été dotées d’une grammaire, notamment les langues amérindiennes. La première grammaire du nahuatl 2, manuscrite, date de 1547. À la fin du XVIe siècle, le patrimoine espagnol en Amérique porte sur 33 langues différentes ; à la fin du XVIIe sur 86 langues ; à la fin du XVIIIe sur 158 langues. La grammaire telle que l’on vient de l’évoquer a donc une visée normative : elle prescrit la manière de bien parler et de bien écrire (la norme), sur la base, le plus souvent, de l’avis de quelques érudits. Elle est inséparable de l’idée de faute. L’académicien ou le professeur de langue sont les juges du respect de la règle et condamnent ou sanctionnent sa transgression. Littré définit ainsi la grammaire : « L’art d’exprimer ses pensées par la parole ou par l’écriture d’une manière conforme aux règles établies par le bon usage ». C’est cette approche qui commande un ouvrage aussi célèbre que Le bon usage de Grevisse. 1.2- La linguistique La linguistique est une discipline beaucoup plus récente : le mot linguistique est enregistré pour la première fois en 1833 mais c’est à la fin du XIXe siècle que la linguistique cherche à se constituer en discipline scientifique, au moyen notamment d’un effort de théorisation et de conceptualisation des termes qu’elle utilise (le métalangage). Pour ce faire, la linguistique s’est peu à peu dégagée de la grammaire, en se donnant comme objectif la description des langues et l’explication de leur fonctionnement. Si la grammaire est normative, la linguistique, elle, est donc avant tout descriptive et explicative. Elle vise à décrire les faits de langue sans porter sur eux de jugement de valeur. Comme la biologie ou la psychologie, elle se veut une science empirique, dont les données sont constituées de ce qui se dit effectivement dans une communauté linguistique. La linguistique suit la démarche scientifique, qui est faite de rigueur et de méthode, et recherche l’exhaustivité. 1 Sumer est une civilisation et une région historique située dans le sud de l'Irak, la Mésopotamie. Elle a duré de la fin du VIe millénaire av. J.-C. jusqu'à la montée de Babylone au début du IIe millénaire av. J.-C. Le sumérien semble être la plus ancienne langue écrite connue. Son écriture, le cunéiforme (ce qui signifie « en forme de coin »), a été plus tard reprise par l'akkadien, une langue parlée du IVe au Ier millénaire av. J.-C. 2 Le nahuatl, est un groupe de langues parlées dans plusieurs pays d'Amérique du Nord et d'Amérique centrale par les Nahuas (groupe ethnique dont les Aztèques faisaient partie). On compte actuellement plus de 1,5 million de locuteurs, principalement au Mexique. Le nahuatl fut sauvegardé, après la chute de Tenochtitlan en 1521, à des fins politiques par les missionnaires, qui se servirent du nahuatl pour évangéliser les populations. L'utilisation, par les ecclésiastiques espagnols, de l'écriture latine pour retranscrire phonétiquement le nahuatl par écrit joua un rôle important dans la préservation de la langue et plus généralement de la culture nahuatl. -2- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre premier : Qu’est-ce que la linguistique ? 1.3- Ambiguïté du terme grammaire En français, on a donc pris l’habitude d’utiliser le terme grammaire pour désigner la démarche normative et le terme linguistique pour désigner l’approche scientifique. Mais cette opposition ne se retrouve pas dans tous les pays, et pour des domaines ou des écoles qui tirent leur origine d’autres traditions, le terme grammaire, qui était le terme original, est parfois conservé en français, mais il ne renvoie pas alors à une démarche normative. C’est le cas, par exemple, de la grammaire historique ou comparée, d’origine allemande. Tout est parti d’une découverte importante, à la fin du XVIIIe siècle : des traducteurs de textes anciens de l’Inde avaient remarqué qu’entre le sanscrit, la langue sacrée de l’hindouisme, le grec et le latin, existaient des ressemblances qu’il paraissait difficile d’attribuer au seul hasard. On a alors fait l’hypothèse (notamment à partir des travaux de Franz Bopp, 1791-1867) que ces langues avaient la même origine, qu’elles étaient issues de la même langue-mère. Cette langue-mère, dont on n’a aucune trace écrite, et dont descendent le sanscrit, le grec, le latin (et donc les langues romanes), mais aussi les langues germaniques, a été nommée « indo- européen ». Dans la première moitié du XIXe siècle, en Allemagne, toute une école linguistique va donc s’intéresser à la comparaison des langues anciennes et modernes, pour essayer de déterminer leurs liens de parenté. Les ressemblances (grammaticales ou phonétiques) entre les langues ne sont pas dues au hasard mais sont le signe d’une origine commune. La grammaire comparée va alors poser l’hypothèse que les langues du monde s’organisent en grandes familles. La première famille décrite a été la famille indo-européenne. Par ailleurs, en dehors de la question de la démarche, on observe que le mot grammaire est susceptible de plusieurs emplois : – la grammaire d’une langue désigne l’ensemble des règles de cette langue ; – la description de cet ensemble de règles est la tâche du grammairien ou du linguiste. Selon la démarche choisie, ce travail aura donc une visée soit normative, soit descriptive ou explicative ; – enfin, on appelle également grammaire l’ouvrage dans lequel se retrouve cette description. Conclusion Le terme LINGUISTIQUE est utilisé exclusivement pour désigner l’étude scientifique (descriptive et explicative) du langage et des langues. Le terme grammaire est le plus souvent utilisé, par opposition au terme linguistique, pour désigner une approche normative de la langue, basée sur les concepts de règle et de faute. Mais, ce terme peut aussi être employé, plus rarement, pour désigner certaines démarches scientifiques, issues de traditions autres que françaises (allemande ou américaine, par exemple). Dans ce cas, le terme grammaire est nécessairement suivi d’un adjectif qui identifie l’école en question : grammaire comparée ou grammaire historique, ou encore grammaire générative et transformationnelle. L’utilisation du terme linguistique pour la linguistique historique et comparée tend aujourd’hui néanmoins à se généraliser. Pour aller plus loin AUROUX Sylvain, DESCHAMPS Jacques & KOULOUGHLI Djamel (2004) : La philosophie du langage, Paris : PUF, coll. « Quadrige », p.1-4 -3- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre premier : Qu’est-ce que la linguistique ? SOUTET Olivier (1995) : Linguistique, Paris : PUF, coll. « Quadrige », p.184-186 YAGUELLO Marina (1988) : « Moi, j’ai jamais fait de grammaire », in Catalogue des idées reçues sur la langue, Paris : Seuil, coll. « Points », p.75-79 2- LANGUES ET LANGAGE Pour la plupart des locuteurs, les termes langue et langage sont synonymes, ils sont considérés comme deux façons différentes de nommer la même réalité, comme en témoigne, par exemple, le fait que la plupart des dictionnaires de synonymes donnent comme premier équivalent de langue le mot langage. Par ailleurs, on observe qu’en anglais, ces deux termes sont traduits par le mot language. Mais, en linguistique, ces deux termes recouvrent des réalités bien distinctes. En effet, la linguistique s’est choisi deux objets : les langues (au pluriel) et le langage ; on peut dire que la linguistique étudie tout ce qui a trait au langage, mais on peut dire aussi qu’elle étudie les langues. Ce que nous observons en priorité, ce sont des langues, c’est-à-dire des instruments de communication, des systèmes de signes vocaux spécifiques aux membres d’une même communauté (le français, l’espagnol, le chinois, le turc, etc.). On en compte plusieurs milliers à travers le monde, qui sont très différentes les unes des autres, mais qui méritent toutes le nom de langues. Le linguiste fait donc l’hypothèse qu’au-delà de cette diversité, toutes ces langues obéissent à des principes d’organisation communs, qu’elles ont en commun certaines propriétés et caractéristiques « universelles », qui définissent justement ce que l’on nomme le langage. Le langage n’est pas perceptible comme tel, c’est une abstraction dont on postule l’existence pour rendre compte des langues existantes. À travers l’extraordinaire diversité des langues du monde, ce qui apparaît, c’est en fait l’unité du langage humain, qui fait sa spécificité par rapport aux codes de communication non humains (par exemple, les codes de communication des animaux, comme la danse des abeilles). En effet, malgré les variations que l’on observe d’une langue à l’autre, toutes ont en commun une série de caractéristiques ou propriétés basiques qui n’apparaissent ainsi regroupées dans aucun autre système de communication : certaines de ces propriétés peuvent apparaître isolément dans d’autres modes de communication mais on ne les trouve jamais toutes réunies. Nous étudierons ces propriétés dans le chapitre suivant. Le langage peut donc être défini comme l’ensemble des propriétés communes à toutes les langues ; on peut aussi le définir comme une faculté, spécifique à l’espèce humaine, qui met en jeu des aptitudes biologiques (les organes de la phonation, voir chapitre 6) et cognitives (capacité de symboliser). Conclusion « Le LANGAGE est la capacité, spécifique à l’espèce humaine, de communiquer au moyen d’un système de signes vocaux (...) et supposant l’existence d’une fonction symbolique et de centres corticaux génétiquement spécialisés [certaines zones du cerveau]. Ce système de signes vocaux utilisé par un groupe social (ou communauté linguistique) déterminé constitue une langue particulière. » (Dubois, 1992, s.v. langage). -4- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre premier : Qu’est-ce que la linguistique ? 3- LES BRANCHES ET LES DOMAINES DE LA LINGUISTIQUE De la distinction fondamentale entre langage et langues découle (en partie) le découpage de la linguistique en un certain nombre de branches et de domaines. On divise la linguistique en deux grandes branches : – la linguistique générale étudie, indépendamment de telle ou telle langue particulière, les propriétés invariantes des langues, c’est-à-dire le langage ; – la linguistique descriptive étudie des langues particulières ou des groupes de langues. La linguistique générale et la linguistique descriptive sont les deux faces d’une même recherche : on ne peut étudier le langage qu’en étudiant les langues particulières, et réciproquement, on ne peut étudier les langues particulières que si l’on fait appel aux catégories dégagées par la linguistique générale. En ce qui concerne les domaines de la linguistique, ils sont variés : – La phonétique étudie les sons du langage dans leur substance matérielle, comme objets physiques (voir chapitre 6). – La phonologie étudie les phonèmes, c’est-à-dire les sons qui ont une valeur distinctive dans une langue donnée, elle s'intéresse à la valeur fonctionnelle des sons (voir également chapitre 6). – La MORPHOLOGIE (du grec morphê ‘forme’) s’intéresse à la forme des mots, à leur structure. Elle recouvre deux grands types de phénomènes : – la flexion : ce sont les formes distinctes que prend un même mot (les variations) selon les oppositions grammaticales (personne, genre, nombre…) dans lesquelles il entre de par sa catégorie. La flexion de l’adjectif oppose des masculins et des féminins ; la flexion du verbe oppose diverses formes en fonction de la personne, du temps, du mode, etc. – les processus de formation des mots. On distingue la dérivation : adjonction de préfixes, de suffixes et la composition : constitution des mots qui résultent de la combinaison d’unités lexicales susceptibles d’un usage autonome : porte-clés. – La SYNTAXE (du latin syntaxis, venant lui-même du grec taxis ‘ordre, arrangement, disposition’) a pour objet les relations des mots à l’intérieur de groupes et de ces groupes à l’intérieur des phrases. C’est l’ensemble des règles qui régissent l’agencement des mots formant des groupes (on parle de syntagmes) et des phrases. La syntaxe s’intéresse à leurs rapports, leurs fonctions, la place qu’ils occupent. – La sémantique s’intéresse à la signification des mots ou des structures linguistiques. N.B : il y en a d’autres comme la pragmatique (étude de l’utilisation des énoncés dans les actes d’énonciation) ou la sociolinguistique, qui étudie la langue sous son aspect socioculturel (rôle des langues dans la création des identités sociopolitiques et religieuses) ou s’intéresse aux variations langagières liées aux caractéristiques sociales. -5-