Histoire, art et patrimoine du Maroc PDF

Summary

This document explores the cultural and natural heritage of Morocco. The text discusses different definitions of heritage, including the concept of "patrimonialisation" and its development in France. It examines the various aspects of Moroccan cultural heritage in depth, encompassing archaeological sites, built heritage, and traditional crafts.

Full Transcript

# Histoire, art et patrimoine du Maroc ## Groupe : A-B-C-D-E ## AIT NASSER MALIKA ## Le patrimoine culturel au Maroc ### 1. Patrimoine naturel et culturel : quelques définitions Le mot patrimoine dérive du latin _patrimonium_ qui signifie "héritage du père", plus largement "biens que l'on a hér...

# Histoire, art et patrimoine du Maroc ## Groupe : A-B-C-D-E ## AIT NASSER MALIKA ## Le patrimoine culturel au Maroc ### 1. Patrimoine naturel et culturel : quelques définitions Le mot patrimoine dérive du latin _patrimonium_ qui signifie "héritage du père", plus largement "biens que l'on a hérités de ses ascendants" (Petit Robert). Il est donc lié, à l'origine, aux structures familiales, économiques et juridiques d'une société stable, enracinée dans l'espace et le temps. On parle aussi de patrimoine génétique, héréditaire, familial, national, historique, etc. Mais c'est surtout le patrimoine naturel et culturel qui retiendra, ici, notre attention. Par extension, la notion de patrimoine désigne les biens naturels ou culturels existant sur un territoire défini. Par analogie, elle réfère à "l'ensemble de tous les biens ou valeurs, naturels ou créés par l'homme, matériels ou immatériels, sans limite de temps ni de lieu, qu'ils soient simplement hérités des ascendants et ancêtres des générations antérieures ou réunis et conservés pour être transmis aux descendants des générations futures. Le patrimoine est un bien public dont la préservation doit être assurée par les collectivités lorsque les particuliers font défaut. L'addition des spécificités naturelles et culturelles de caractère local contribue à la conception et à la constitution d'un patrimoine de caractère universel." (A. Desvallées, Cent quarante termes muséologiques ou petit glossaire de l'exposition, Manuel de muséographie, Paris, Séguier, 1998 : 228-229). Il faut signaler que, sous cette acception, la notion de patrimoine commence à se généraliser au cours des années 1970. En français, le concept de patrimoine se distingue de celui d'héritage. Il présente un aspect nettement plus vaste que ce dernier concept qui n'inclut que les biens transmis de génération en génération. Car le patrimoine comprend, en plus de ces derniers, tous les biens que possède en commun chaque génération, qu'ils soient naturels ou culturels. C'est pourquoi, avertit Desvallées, il importe de se méfier des passages du français à l'anglais et inversement, puisque l'équivalent anglais du mot français héritage est _legacy_ alors que patrimoine se dit _heritage_. Mais les anglais utilisent très souvent les termes _cultural property_ (biens culturels), tout comme les Italiens préfèrent les termes de _beni culturali_ à _patrimonio_. Les germanophones utilisent le terme _denkmal_ (monument) et les Chinois celui de _cultural relics_ (reliques culturelles) (A. Desvallées, Emergence et cheminements du mot patrimoine, Musées et collections publiques de France, nº228, 1995 : 6-29). ### 2. La "patrimonialisation" : cas de la France F. Rucker fait remonter l'origine de l'intérêt pour la conservation du patrimoine en France à la Révolution de 1789 (Les origines de la conservation des monuments historiques en France, Paris : Jouve, 1913). Selon F. Choay, les décrets et les "instructions" des instances révolutionnaires préfigurent, dans la forme et le fond, la démarche et les procédures mises au point dans les années 1830 par Vitet, Mérimée et la première Commission des monuments historiques (L'allégorie du patrimoine, Paris : Seuil, 1992). Parallèlement, la Révolution met les biens du Clergé à la disposition de la nation, puis ceux des émigrés et ceux de la couronne. Ce transfert de fonction est sans précédent dans l'histoire de France, comme le souligne à juste titre F. Choay (L'allégorie..., op. cit. : 78). En 1793, le Louvre qui recueille les antiquités grecque et romaine ainsi que les œuvres de la période moderne postérieure à la Renaissance, était ouvert au public. Trois ans plus tard, le Musée des monuments français d'Alexandre Lenoir exposait les reliques du Moyen Age, sculptures et fragments d'édifices. Ce fut l'époque de la fondation de la nation et les musées participaient de ce mouvement (Krzysztof Pomian, Musé, nation, musée national, Le Débat, nº 78, 1994 : 174). En 1830, M. Guizot, ministre de l'intérieur, présente son rapport au Roi pour instituer un inspecteur général des monuments historiques. En 1837, la Commission des monuments historiques est créée. Trois grandes catégories de monuments historiques ont été définies: (i) les restes de l'Antiquité ; (ii) les édifices religieux du Moyen Age; (iii) quelques châteaux. Il s'agissait donc essentiellement d'un patrimoine architectural, immobilier et monumental. Ce caractère monumental du patrimoine marquera pour longtemps la politique française en la matière. Les Entretiens du patrimoine organisés par la Direction du patrimoine 1997, n'avaient-ils pas, justement, pour thème "l'abus monumental?" A partir du début du XXe siècle, la France se dote progressivement d'un arsenal législatif. Relevons les textes de base: d'abord, la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques; ensuite, la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques. La loi du 1 juillet 1980 est adoptée pour la protection des collections publiques contre les actes de malveillance. Outre une typologie des patrimoines, elles permettent une protection juridique de ceux-ci, que ce soit par le classement, l'inscription ou la sauvegarde. On est ainsi passé de 41 193 monuments et cites classés ou inscrits en 1988 à 45 202 en 1995. On est également passé de formes monumentales de patrimoine tels que cathédrales, châteaux, églises, sites archéologiques antiques, etc. à des formes beaucoup plus modestes telles que chapelles, architecture rurale, maisons, manoirs, hôtels, etc. Les associations ne sont pas étrangères à cette extension de la notion de patrimoine. Des musées locaux ont vu le jour un peu partout et le patrimoine immatériel a été largement pris en compte avec la création de musées des arts et traditions populaires et le développement de l'ethnologie de la France. Depuis le Manuel de folklore français contemporain (9 volumes de 1938 à 1958) de A. Van Gennep, qui dégageait l'homologie entre rythmes vitaux et rythmes sociaux, l'ethnologie a investi tous les champs de l'organisation sociale, depuis la monographie classique (L'Aubrac (1970-1982) de E. Morin et autres) à la monographie thématique (La Tarasque de L. Dumont (1951) qui analyse une fête populaire à Tarascon), en passant par le témoignage vécu (Le cheval d'orgueil (1970) de Pierre Jakez Hélias). Avec la création à la Direction du patrimoine de la Mission du patrimoine ethnologique en 1980, ces études sur la France trouvent une reconnaissance officielle largement méritée. La mission édite une revue, Terrain, publication novatrice dans laquelle les chercheurs ont trouvé un support de diffusion : ils traitent de sujets aussi variés que les savoirs naturalistes populaires, l'anthropologie industrielle, l'ethnologie urbaine, l'identité culturelle et l'appartenance régionale, les hommes et le milieu naturel, les rituels contemporains, le savoir-faire, le feu, les émotions, etc. ### 3. Le patrimoine culturel marocain1 A la notion de patrimoine, répond l'arabe classique _turath_ qui réfère essentiellement à l'héritage livresque de la civilisation arabo-musulmane. Le _turath_, c'est le savoir qui nous a été légué par les érudits de l'islam, qu'ils soient du Maghreb ou du Machreq. C'est cette somme de connaissances accumulées tout au long des siècles et comprenant aussi bien la synthèse éclectique du savoir antérieur (mésopotamien, gréco-romain, judéo-chrétien, etc.) que les apports nouveaux de la civilisation musulmane. L'héritage marocain se trouve ainsi noyé dans un legs plus vaste tantôt embrassant les frontières du monde arabe, tantôt celles du monde musulman. Il est limité à la production théologique, scientifique, littéraire, etc. qui participe de la foi islamique. L'héritage antéislamique ainsi que la production sociale non livresque en sont exclus. Et quand bien même cette dernière catégorie est prise en compte, on parle de patrimoine populaire, _turath chaabi_, pour rendre compte du savoir ou du savoir-faire traditionnels, peu nobles au regard du savoir contenu dans les livres anciens. Il s'agit de la somme de connaissances, de techniques et de savoir-faire de-la-mémoire "populaire", transmis par l'oralité et, pour le sens commun, partagé d'ailleurs par plusieurs intellectuels, accusant un déficit d'authenticité historique et de prestige social. La notion de patrimoine au sens moderne ne commence à intégrer le langage et la pratique des acteurs sociaux que depuis un peu plus d'une décennie. La création en 1988 au sein du ministère des Affaires culturelles d'une direction du patrimoine, héritière des Beaux-arts du temps du Protectorat, signe les débuts hésitants d'une reconnaissance tardive. Qu'a-t-on inclus dans cette notion si l'on essaie de l'identifier à travers son domaine de compétence et son organisation interne? En ce qui concerne le domaine d'action de la direction du patrimoine, il couvre les champs suivants : le patrimoine mobilier ou les collections de musées, le patrimoine immobilier ou les monuments historiques et les sites, le patrimoine immatériel ou les us et coutumes. Un renversement spectaculaire s'est ainsi opéré dans la définition du _turath_ : les livres anciens qui en constituaient jusque-là le noyau dur, sinon exclusif, ne représentent plus qu'une infime partie du patrimoine mobilier. Quant à l'organisation de cette direction, comme nous l'avons déjà vu plus haut, jusqu'en 1994, elle s'articule autour des divisions suivantes : une division des monuments historiques et des sites, héritière du service des antiquités ; une division de l'inventaire ; une division des musées. A partir de 1994, compte tenu de la diversité des patrimoines, une réorganisation de la direction est menée par Abdelaziz Touri qui décida de lui accoler le terme de culturel et d'y créer une nouvelle division, celle des études et des interventions techniques qui réduit les prérogatives de la division des monuments historiques et des sites à la gestion (voir ci-dessous : Institutions patrimoniales). ### Qu'est-ce donc que ce patrimoine culturel marocain? Il n'existe pas d'ouvrages de synthèse, a fortiori de théorie, sur le patrimoine culturel au Maroc, au sens où nous entendons cette notion. Le seul livre qui s'intéresse exclusivement à ce domaine est, à notre avis, _Arrêts sur sites. Le patrimoine culturel marocain_ de Ali Amahan et Catherine Cambazard-Amahan, paru en 1999 chez Le Fennec. Les auteurs le définissent incidemment comme un "aspect de notre culture". Plus intéressante est la hiérarchie des sujets traités, c'est-à-dire des composantes du patrimoine culturel marocain. On y relève dans l'ordre : (i) les sites archéologiques et le patrimoine bâti, à savoir les médinas ; celles-ci étant considérées, par leur nombre et leur tissu urbain, comme “la particularité la plus importante du patrimoine marocain" ; (ii) les monuments historiques dont les noms sont conservés par la toponymie urbaine parfois depuis des siècles ; (iii) l'architecture (ici celle d'une époque, les Mérinides ; d'un thème, la maison); (iv) le savoir-faire, qualifié d'ancestral", qu'il serve à orner les architectures, à meubler les espaces (tapis, céramique et poterie) ou à fabriquer les parures, les armes, la bronzerie ; un sous-chapitre est réservé à ce que les auteurs appellent le "patrimoine culturel en milieu rural" (qui s'appuie, notamment, sur la région d'origine de Ali Amahan, les Ghoujdama, sur laquelle il a publié un travail de thèse, _Mutations sociales dans le Haut-Atlas_, Paris : MSH, 1998) ; (v) les musées. Deux catégories de patrimoines peuvent donc être définies d'après le contenu de l'ouvrage : 1. un patrimoine matériel comprenant l'immobilier (sites archéologiques, monuments historiques, etc.) et le mobilier (astrolabe, armes, bijoux, céramique, poterie, etc.) ; 2. un patrimoine immatériel comprenant exclusivement des savoir-faire qui, de fait, sont les techniques nécessaires à l'obtention d'œuvres ou de chefs-d'œuvre du patrimoine matériel. Si cette typologie satisfait aux exigences d'une définition du patrimoine culturel marocain, elle n'en demeure pas moins lacunaire : elle réduit le patrimoine immatériel au savoir-faire et ne traite donc pas des us et coutumes, des traditions vivantes, de la littérature orale, en somme de tout ce qui, dans le patrimoine, présente un caractère intangible. Quant on sait les liens intimes qui existent entre patrimoine matériel et immatériel (instruments de musique par exemple qui se trouvent à la croisée des deux types de patrimoine) ainsi que la richesse du patrimoine oral et immatériel marocains, on comprend l'intérêt de sa prise en compte. Cependant, l'ouvrage n'en demeure pas moins important par son caractère précurseur et c'est là un mérite à mettre sur le compte de ses auteurs. Le patrimoine culturel marocain est donc constitué par l'ensemble des biens ou des valeurs matériels ou immatériels, modestes ou élaborés, comprenant des objets, des techniques, des savoir-faire, des arts, des connaissances, des croyances, des traditions, etc. qui nous ont été légués par nos ancêtres et que nous préservons pour les transmettre aux générations futures. Tous partagent la particularité d'être une ressource non renouvelable, chaque partie ou aspect qui disparaît étant à jamais perdu. ### 4. Institutions patrimoniales Déjà en 1985, la création au sein du ministère des Affaires culturelles de l'Institut national des Sciences de l'Archéologie et du Patrimoine (INSAP), signait les débuts hésitants d'une reconnaissance institutionnelle tardive. Une poignée de chercheurs s'est mobilisée pour qu'enfin on puisse disposer d'une institution de recherche dans les domaines de l'archéologie et du patrimoine en général, à l'instar des pays voisins comme l'Algérie et la Tunisie où fonctionnent respectivement depuis fort longtemps le Centre de recherches anthropologiques, préhistoriques et ethnologiques (CRAPE d'Alger) et l'Institut national du Patrimoine (INP de Tunis), voire même le Sénégal dont Dakar abrite l'Institut fondamental d'Afrique noire (IFAN). Il s'agissait pour les créateurs de l'INSAP, d'une part de s'approprier la recherche archéologique et patrimoniale et d'autre part de mettre à la disposition de l'administration culturelle de jeunes lauréats formés dans divers domaines (archéologie, préhistoire, anthropologie, muséologie, monuments historiques). Avec une moyenne de 20 lauréats par promotion depuis l'ouverture de l'INSAP en 1986, le département de la culture dispose aujourd'hui d'environ deux cents personnes dont la formation et l'expérience professionnelle font un potentiel inestimable. Ils profitent d'ailleurs presque tous à la Direction du patrimoine culturel. Cette direction a été, elle-même créée en 1988, confirmant la reconnaissance institutionnelle dont il a été question plus haut. Qu'a-t-on inclus dans cette notion de patrimoine si l'on essaie de l'identifier à travers le domaine de compétence et l'organisation interne de cette direction? En ce qui concerne le domaine d'action de la direction du patrimoine, il couvre les champs suivants : (i) le patrimoine mobilier ou les collections de musées; (ii) le patrimoine immobilier ou les monuments historiques et les sites; (iii) le patrimoine immatériel ou les us et coutumes. Un renversement spectaculaire s'est ainsi opéré dans la définition du _turath_ : les livres anciens qui en constituaient jusque-là le noyau dur, sinon exclusif, ne représentent plus qu'une infime partie du patrimoine mobilier. Désormais, ce sont des biens culturels que l'on expose dans un musée, non seulement pour leur valeur intrinsèque, scientifique, littéraire, technique, décorative, etc. mais aussi et surtout comme dépositaires d'une mémoire, révélateurs d'un génie de civilisation. Il n'est plus besoin d'en scruter le contenu : leur vue suffit seule à éveiller l'émotion. Quant à l'organisation de la direction du patrimoine, rappelons que jusqu'en 1994, elle s'articulait autour des divisions suivantes : une division des monuments historiques et des sites, héritière du service des antiquités ; une division de l'inventaire ; une division des musées. A partir de 1994, une réorganisation de la direction mena à l'ajout du mot culturel à la dénomination de cette institution et à la création en son sein d'une nouvelle division, celle des études et des interventions techniques qui réduit à la gestion les prérogatives de la division des monuments historiques et des sites. Le modèle français n'est pas étranger à cet organigramme somme toute modeste, mais le manque de personnel qualifié et de moyens financiers conséquents ainsi que des pesanteurs de toutes sortes ont de tout temps handicapé l'action de cette institution. ### 5. Lois patrimoniales #### A. Avant 1980 La législation sur le patrimoine est un phénomène relativement récent au Maroc; elle est liée à l'établissement du Protectorat franco-espagnol au début du siècle. L'intérêt porté par l'administration coloniale au patrimoine est manifeste puisque, dans la zone d'occupation française, la première loi est promulguée huit mois à peine après la signature du traité de Fès instaurant le Protectorat (30 mars 1912). Pour les responsables, il fallait faire vite car comme l'écrivait, non sans ironie, E. Pauty : « Les musulmans pour lesquels la fuite du temps n'est rien, laissent crouler leurs monuments avec autant d'indifférence qu'ils ont mis d'ardeur à les élever. Nous nous sommes donc substitués à eux pour garder les vestiges artistiques de cette civilisation brillante. Nous avons étendu le manteau protecteur sur l'ensemble du site, de la ville, au milieu duquel elle surgit aussi bien que sur les monuments ». Voila qui résume la politique de la France au Maroc en matière de patrimoine bâti et qui a permis la protection de nombreux monuments. En effet, les lois relatives à la protection et à la conservation des monuments historiques, des sites et des objets d'art se sont succédées. Le premier dahir (décret royal) du 26 novembre 1912 a été modifié et complété sept fois pendant la période du Protectorat (1912-1956). En réalité ce premier dahir peut être considéré comme l'embryon d'une législation sur le patrimoine qui sera précisée et détaillée dans le dahir du 27 février 1914. Ce dernier est relatif à la conservation des monuments historiques, des inscriptions, des objets d'art, à la protection des lieux entourant ces monuments et à celle des sites et monuments naturels. Il sera modifié et complété plusieurs fois avant d'être abrogé par le dahir du 21 juillet 1945. Celui-ci introduit, en plus des domaines susmentionnés, la protection des villes anciennes et des architectures régionales. Il a fait l'objet d'une seule modification juste avant la fin du Protectorat par le dahir du 16 juillet 1954. Après l'Indépendance, le dahir de 1945 est restée en vigueur jusqu'à 1980, date de l'abrogation de ce dernier par un nouveau dahir nº 1-80-341 du 25 décembre 1980 portant promulgation de la loi 22-80 et le décret n° 2-81-25 pris pour son application. Seuls les règlements de protection architecturale pris en application de l'article 44 du dahir de 1945 ont été maintenus. #### B. La loi 22-80 Relative à la conservation des monuments historiques et des sites, des inscriptions, des objets d'art et d'antiquité, cette loi traite principalement des titres suivants : - L'inscription et le classement des meubles et immeubles - Le droit de préemption de l'État - La protection des objets d'art - Les fouilles et les découvertes - Les infractions et les sanctions. ##### B.1. L'inscription et le classement Si la mesure de classement, ayant permis la protection de nombreux monuments et sites, remonte à 1912, celle de l'inscription, nouvelle au Maroc, a été prévue par la loi 1980. La demande d'inscription ou de classement des meubles et immeubles peut être proposée au ministère de la Culture par les administrations publiques, les collectivités locales, le comité national de l'environnement créé en 1974, les établissements publiques, les syndicats d'initiative et de tourisme, les sociétés et les associations savantes, les groupements artistiques. Les conséquences de l'inscription d'un édifice sont les suivantes : -le propriétaire d'un meuble ou d'un immeuble inscrit ne peut se prévaloir d'aucun droit en cas de diffusion d'une documentation les concernant. Il est tenu à en faciliter l'accès et l'étude au chercheur autorisé à cet effet, - le meuble ou l'immeuble inscrit ne peut être dénaturé ou détruit, restauré ou modifié, sans que le ministère de la Culture en soit informé six mois au moins auparavant, - le propriétaire peut bénéficier d'une subvention pour de restaurer et conserver son bien. L'administration, en accord avec le propriétaire, peut même prendre à sa charge la totalité des travaux, - les propriétaires peuvent exploiter leurs biens à des fins lucratives dans les conditions fixées par la réglementation en vigueur, - les meubles et immeubles inscrits peuvent être cédés. Toutefois cette cession est soumise au droit de préemption de l'État. Quant aux effets du classement sur les meubles et immeubles, ils peuvent être résumés comme suit: – l'immeuble classé ne peut être détruit même partiellement, restauré ou modifié, qu'après autorisation administrative. La délivrance par l'autorité communale compétente du permis de construire est subordonné à cette autorisation. Toute modification quelle qu'elle soit de l'aspect des lieux compris à l'intérieur du périmètre de classement est soumise à une autorisation ; elle s'effectue sous le contrôle d'un inspecteur des monuments historiques. Quant au meuble classé, il ne peut être détruit, mobilisé, modifié ou exporté. Son exportation pour étude ou exposition, est soumise à une autorisation ; - en cas de servitudes non aedificandi, les constructions existant peuvent seulement faire l'objet de travaux d'entretien après autorisation; – l'administration peut faire exécuter d'office aux frais de l'État après en avoir avisé le propriétaire, tous travaux de conservation et de sauvegarde qu'elle juge utiles. L'occupation des lieux qui en résulte ne peut excéder un an. Pour des travaux de même nature concernant l'objet mobilier, la saisie de ce dernier ne peut excéder six mois ; - les meubles ou immeubles classés, domaniaux, habous ou appartenant aux collectivités locales, sont inaliénables et imprescriptibles ; - les meubles ou immeubles classés privés peuvent être cédés ; toutefois cette cession est soumise au droit de préemption de l'État ; – l'enquête en vue d'une expropriation d'un immeuble classé, ne peut être ouverte sans avis du ministère de la Culture. Enfin, la loi 22-80 a prévu le déclassement des meubles, immeubles ou zones de servitude classés relatives à ces derniers. Il est effectué dans les mêmes formes que le classement et publié au bulletin officiel. ##### B.2. La protection des objets d'art et d'antiquité mobiliers La loi interdit la destruction ou la dénaturation des objets d'art et d'antiquité mobiliers qui présentent pour le Maroc un intérêt historique, archéologique, anthropologique ou intéressant les sciences du passé et les sciences humaines en général appartenant aux domaines classés, domaniaux, habous ou appartenant aux collectivités locales ou aux particuliers. Ces objets sont inaliénables et imprescriptibles. Ils ne peuvent être exportés sans autorisation temporaire en vue d'une exposition ou d'une étude. ##### B.3. Les fouilles et les découvertes Les fouilles archéologiques terrestres ou marines sont soumises à une autorisation du ministère de la Culture, valable un an, renouvelable, énumérant un certain nombre d'obligations et de conditions auxquelles le bénéficiaire doit se soumettre et pouvant lui être. retirée en cas de non respect d'une ou de plusieurs obligations. En cas de découverte fortuite, la personne qui exécute ou fait exécuter la fouille doit informer l'autorité communale compétente. Il ne doit – en aucune manière – dégrader ni déplacer sauf pour les mettre à l'abri, les monuments et les objets découverts. Du fait de cette déclaration, le travail en cours se trouve assimilé à une fouille autorisé et contrôlée et peut être poursuivi jusqu'à ce que l'administration ait fixé les conditions définitives auxquelles sera soumis ce travail, à moins que ne soit décidé l'arrêt provisoire de celui-ci. Les travaux de déblaiement, de nettoyage ou de destruction exécutés dans des ruines non classés ainsi que l'enlèvement, le bris, l'emploi de pierre et de vestige antiques, sont assimilés aux fouilles et soumis à l'autorisation. Les objets d'art ou d'antiquité mobiliers découverts soit au cours de fouilles autorisées, soit de travaux quelconques deviennent propriété de l'État. Une indemnité est, dans ce cas, versée au possesseur de ces objets; elle est fixée soit par accord amiable soit, à défaut, par les tribunaux. ##### B.4. Droit de préemption de l'État La préemption peut être exercée par l'État en cas d'aliénation d'un objet ou immeuble inscrit ou classé. En cas d'aliénation volontaire, le propriétaire doit informer le Ministère. L'administration est tenue de notifier sa décision au propriétaire dans un délai de deux mois, soit de poursuivre l'acquisition au prix et conditions fixés, soit de renoncer à l'acquisition. Si l'acte de l'acquisition n'est pas intervenu dans le délai d'un mois, le propriétaire peut réaliser l'aliénation. ##### B.5. Infractions et sanctions La loi 1980 prévoit les mesures suivantes : - les agents habilités à constater les infractions sont les officiers de police judiciaire et les agents commissionnés à cet effet par l'administration; - les sanctions sont de deux sortes: l'amende et la confiscation. Celle-ci est obligatoire dans le cas d'exportation en infraction, de découvertes non déclarées et de fouilles effectuées sans autorisation; ### 6. Au chevet du patrimoine culturel marocain Il est difficile de dresser un bilan de l'état du patrimoine culturel marocain dans les limites du présent article. De plus, cela nécessiterait un travail en profondeur, du temps et des moyens pour le mener à bien. Je me réfère donc à ma modeste expérience dans le domaine et tenterai d'esquisser une sorte de constat à grands traits, en somme un pré-diagnostic. A travers quelques exemples, j'essaierai de démontrer que notre politique patrimoniale est une non politique – au sens noble du terme -, une politique par défaut qui fonctionne dans l'urgence, l'improvisation et la précipitation. #### a. L'inventaire L'inventaire du patrimoine culturel, c'est-à-dire le recensement de ses richesses, est le pivot de toute véritable politique patrimoniale. Car, sans la connaissance des richesses culturelles, il est inconcevable de mettre sur pieds une stratégie de préservation à long terme. Le service de l'inventaire a été l'un des premiers domaines organisés du secteur du patrimoine. Quelques heureuses expériences ont été menées dans ce domaine: (i) l'inventaire de l'art rupestre avec l'aide de l'Unesco qui donna lieu à la publication par A. Simoneau du _Catalogue des sites rupestres du sud-marocain_ (1977); il n'a justifié la création d'un centre spécialisé qu'en 1994 avec la mise sur pieds à Tahannaout puis transféré à Marrakech du Parc national du patrimoine rupestre ; (ii) l'inventaire de l'architecture de terre du sud menée au cours des années 1980 avec l'aide du PNUD et qui aboutit d'une part à l'inscription du Ksar Aït Ben-Haddou sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco en 1987 et d'autre part à la création à Ouarzazate en 1989 du Centre de restauration et de réhabilitation des Kasbahs des zones atlasiques et sub-atlasiques (CERKAS) ; (iii) l'inventaire du patrimoine commun au Maroc et au Portugal qui a donné lieu à la création du Centre du patrimoine maroco-lusitanien en 1994. Depuis des années, le nombre de 15 000 biens figurant sur l'inventaire est annoncé que ce soit dans les documents officiels du département de la culture ou par les services concernés de ce département. Ce nombre comprend 406 biens culturels et naturels classés au titre des monuments historiques. Mais ces chiffres appellent beaucoup de précautions : l'état de conservation de ces sites n'est pas connu dans la quasi-totalité des cas et la justification du maintien sur l'inventaire national ou du classement n'est pas toujours établie. Si l'on disposait d'une liste d'inventaire de biens culturels en danger, on y aurait déjà inscrit un bon nombre d'entre eux. L'inventaire s'est limité depuis plusieurs années à une gestion minimale de l'information existante (fiches d'inventaire, photothèque, cartes, etc.). De temps en temps, des missions sont conduites sur le terrain au gré des possibilités, notamment pour répondre à l'invitation de telle ou telle collectivité locale. Or, la culture marocaine, y compris le patrimoine culturel, a connu en un siècle des transformations qu'elle n'a pas affrontées en plusieurs millénaires. Il suffit de songer aux avancées de l'arabisation, à l'urbanisation, à la sédentarisation, du changement des habitudes vestimentaires, culinaires, ainsi que celles relatives à l'organisation de l'espace domestique, pour comprendre qu'avance de manière irrémédiable la disparition de pans entiers de notre culture. L'inventaire des métiers, des chants, des danses, techniques, des savoir-faire en voie de disparition revêt un caractère d'urgence, pour ne citer que cet exemple extrême. Mais, le manque de moyens financiers grève l'action du service de l'inventaire qui devrait constituer, rappelons-le, la pierre de touche de toute stratégie patrimoniale. #### b. Les musées Le Maroc compte aujourd'hui 25 musées répartis comme suit : 16 musées relevant du département de la culture, 4 musées relevant d'autres départements de l'État, 1 musée municipal et 4 musées privés. Les musées publics sont constitués de collections datant, en grande partie, de l'époque coloniale. Qu'il s'agisse d'objets provenant de fouilles archéologiques ou d'objets ethnographiques, ils ont vu leur statut se transformer en objet muséal dès les années 1910-20. Peu d'acquisitions ou de dépôts ont été effectués après l'indépendance. De plus, cette institution hautement éducative a eu longtemps un cheminement étrangement marginal vis-à-vis de l'institution scolaire. La longue dépréciation diffuse mais perceptible de la culture nationale dans ce qu'elle a de plus authentique et de plus « populaire » y est pour quelque chose. Héritier d'un concept colonial dont il n'a pu s'affranchir, le musée a été rongé par d'autres maux qui posent directement ou indirectement la question de son identité. Le manque de moyens matériels et, jusqu'à ces toutes dernières années, de moyens humains qualifiés a longtemps grevé tout espoir de développement de cette institution Dans des domaines aussi pointus que la restauration des objets et des œuvres, le manque de spécialistes se fait toujours sentir. Les collections se sont dégradées, que ce soit celles des expositions permanentes ou celles déposées dans des « réserves » humides et peu professionnelles. La recherche muséologique est nulle puisqu'il manque un support de publication valable et uhe motivation des chercheurs et des conservateurs. Et _last but not least_, le volet juridique des musées demeure un domaine lacunaire de la loi 22-80 sur le patrimoine (voir ci-après). A un moment où apparaissent les musées privés, il est temps que l'on dispose d'une loi qui réglemente un domaine où la dérive patrimoniale est prévisible. #### c. La gestion Les prérogatives de la division de gestion des monuments historiques et des sites sont relatives: (i) à la protection de ce patrimoine ; (ii) à l'inscription et/ou au classement de monuments et de sites culturels et/ou naturels; (iii) à la coordination des travaux des inspections des monuments historiques et des sites ainsi que des conservations de sites quant aux budgets alloués et aux programmes de restauration et de sauvegarde ; (iv) à la conception de projets de réhabilitation des monuments et des sites. Dans les faits, la gestion se traduit par le paiement des agents et ouvriers des inspections des monuments historiques et des sites, l'examen de dossiers adressés par celles-ci sur les infractions relevées sur les sites et monuments classés. Même les recettes des monuments et sites payants lui échappent puisqu'elles vont directement alimenter le compte spécial du Fonds national pour l'action culturelle (FNAC). L'inscription et le classement de monuments et de sites culturels et naturels, prévus par la loi, a connu un retard énorme depuis l'époque du Protectorat. En effet, les monuments, sites et objets inscrits ou classés depuis l'Indépendance se comptent sur les doigts des deux mains. Il est vrai que cette lenteur ne peut être mise sur le seul compte du département de la culture eu égard à la complexité de la procédure, à la multiplicité des intervenants et aux enjeux économiques sous-jacents au processus. Mais, à une époque où le patrimoine fait l'objet de pressions lourdes et de plus en plus grandes, force est de constater que le déficit de protection juridique ne contribue qu'à aggraver la situation. En définitive, la gestion a toujours un caractère archaïque, se limitant à parer au plus pressé, et sur les sites même, elle est loin d'intégrer les soucis modernes d'accueil, d'information. A cela s'ajoute un personnel démotivé, des moyens financiers dérisoires, ce qui réduit l'action du service à l'entretien stricto sensu. #### d. La législation Le volet juridique est un aspect non moins important de la préservation du patrimoine culturel. Le Maroc est l'un des pays ayant très tôt disposé d'une législation en la matière. En effet, la première loi a été promulguée par les autorités du Protectorat en 1913. Une seule loi date de la période de l'Indépendance; il s'agit de la loi 22-80 du 25 décembre 1980. En plus d'être lacunaire (voir infra), elle est en régression par rapport à la loi de 1945 sur au moins un point, « les architectures régionales », ce qui, en son temps, avait permis de classer au titre de monuments historiques des ensembles architecturaux comme les ksours et palmeraies de la région du Dra. Quant aux lacunes, elles peuvent être résumées ainsi : - La lenteur et la complication de la procédure de classement, la demande devant émaner d'une source tierce, en dehors de l'administration concernée. D'où le nombre limité de biens immeubles classés depuis l

Use Quizgecko on...
Browser
Browser