1848: Naissance de la Suisse Moderne PDF

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This document discusses the birth of modern Switzerland in 1848. It covers the historical events and processes that led to the formation of the Swiss state, including the influence of European revolutions and internal political dynamics. The document also includes information on key figures, constitutions, and socio-economic changes during this period.

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8 1848 : NAISSANCE DE LA SUISSE MODERNE SUISSE MER MÉDITERRANÉE Dès 1513 Confédération des 1798-1803 180...

8 1848 : NAISSANCE DE LA SUISSE MODERNE SUISSE MER MÉDITERRANÉE Dès 1513 Confédération des 1798-1803 1803-1813 XIII cantons ou République Acte de 1813-1830 Corps helvétique helvétique Médiation Restauration Révolution française 1750 1800 1776 1789 1815 Déclaration Déclaration des Congrès de d’indépendance Droits de l’homme Vienne des États-Unis et du citoyen 114 APPRENTISSAGES VISÉS EN ÉTUDIANT CE THÈME, TU APPRENDRAS À : – identifier et analyser les principales étapes de la construction de la Suisse moderne ; – identifier les caractéristiques du nouvel État fédéral ; – expliquer le fonctionnement des institutions de la Suisse moderne ; – identifier et expliquer les conséquences de la création de l’État fédéral selon différentes dimensions (sociale, culturelle, économique). AU TRAVERS DU THÈME, TU APPRENDRAS AUSSI PROGRESSIVEMENT À : – comparer différentes sources textuelles et iconographiques sur un même thème (la naissance de la Suisse moderne) ; – analyser les conséquences immédiates et à plus long terme d’un événement (1848) à différentes échelles (cantonale, fédérale et internationale). 1858 1847 1848 Premier syn- 1877 1830-1848 Guerre du Naissance de dicat national Loi sur les Régénération Sonderbund l’État fédéral (livre et papier) fabriques Unité allemande Unité italienne 1850 1900 1830 1848 Révolutions Révolutions en Europe, en Europe le Printemps des peuples 115 Épreuve 2 8 « La Suisse ne ressemble à aucun autre État. » Napoléon Bonaparte, « Lettre aux délégués des cantons suisses » du 10 décembre 1802. Heinrich Jenny, « Combat entre troupes fédérales et soldats du Sonderbund devant Meierskappel le 23 novembre 1847 », lithographie, Berne. Détail du dôme du Palais fédéral, avec la devise Unus pro omnibus, omnes pro uno (Un pour tous, tous pour un), Berne. « Feuille commémorative de l’entrée en vigueur de la Constitution le 12 septembre 1848 » (détail), lithographie, Berne. Tôle peinte par Benjamin Vautier pour le pavillon officiel de la Suisse à l’Exposition universelle de Séville (E), 1992. 116 1848 : naissance de la Suisse moderne Avant 1798, le territoire suisse ne constitue pas encore un véritable ÉtatH. Appelé Corps helvétiqueH, il est composé de treize cantonsH ou États indépendants avec chacun sa frontière, son armée, ses poids, ses mesures, son service postal et son organisation poli- tiqueH. Ces treize cantons aux ambitions très différentes ont signé entre eux toute une série d’accords, notamment pour s’entraider en cas d’attaque et nommer un médiateur lors de conflits. En aucun cas, en vue de fonder un État. Certains cantons s’agrandissent soit par achat de terres, soit par les armes. Ces territoires ainsi conquis deviennent des pays sujetsH. Un bailliH vient y prélever les impôtsH et rendre la justice. Parfois, plusieurs cantons administrent ensemble un territoire : ce sont les bailliagesH com- muns, lesquels se situent notamment en Argovie, en Thurgovie et dans le sud des Alpes. Des alliances sont aussi conclues entre les cantons et d’autres territoires indépendants (villes ou communautés rurales) qui souhaitent obtenir une protection contre d’éventuels ennemis extérieurs. Ces territoires, comme Genève, Neuchâtel, le Valais et les possessions du prince-évêque de Bâle, sont considérés comme des « pays alliés ». Les ambassadeurs des cantons et de certains pays alliés se rencontrent à la Diète. Ils prennent des décisions communes concernant la gestion des bailliages communs, les traitésH de guerre et de paix, ainsi que le maintien de l’ordre. La Suisse avant 1798 est donc une association (fédération) d’États souverainsH sans pou- voir central fort. Deux événements retentissants vont la pousser à devenir un véritable État au sens moderne du terme : l’indépendance des États-Unis et la RévolutionH française. Le Corps helvétique au XVIIe siècle Schaffhouse Bâle Thurgovie Comté de Saint-Gall Baden Zurich Abbaye de Évêché St-Gall Appenzell FRANCE de Bâle Argovie Soleure Rapperswil AUTRICHE Bienne Zoug Lucerne Principauté de Schwytz Sargans Neuchâtel Berne Glaris Unterwald Uri Fribourg Tarasp Abbaye d’Engelberg Ligues grises (Grisons) Pays de Vaud Léventine Bailliages République italiens du Valais Valteline Genève Dizains du Bas-Valais SAVOIE VENISE MILAN 0 50 100 km Les XIII cantons et leurs sujets Les pays alliés et leurs sujets Les bailliages communs Frontières des XIII cantons et pays alliés Frontières actuelles de la Suisse 117 8 Vers la création d’un État (1798-1848) Avant 1798, les cantons suisses restent très indépendants et ne souhaitent pas former un État qui les réunirait tous. L’intervention de la France va considérablement modifier ce mode de fonctionnement. En 1798, dans plusieurs territoires du Corps helvétique, helvétique. Elle inscrit dans la CONSTITUTION les idéaux des mouvements révolutionnaires contestent l’ordre révolutionnaires de liberté, d’égalité et de fraternité, établi. Sous prétexte d’apporter la liberté aux Suisses, ainsi que la séparation des pouvoirsH et la désignation la France intervient militairement. L’ancienne organisa- d’un gouvernementH central fort appelé Directoire. tion politique disparaît, remplacée par la RépubliqueH 1 La République helvétique en 1798 Schaffhouse CONSTITUTION Fricktal Thurgovie Recueil des loisH RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Bâle Zurich SAINT EMPIRE fondamentales Département Soleure Baden Argovie Säntis ROMAIN GERMANIQUE d’un État. du Mont- Terrible Lucerne Linth Neuchâtel Berne Waldstätten Fribourg Grisons Léman Oberland Bellinzone Lugano La Suisse sous la République helvétique Département du Léman Valais Neuchâtel (Prusse) République française Saint Empire romain germanique 0 50 100 km RÉPUBLIQUE CISALPINE Frontières de la République helvétique Frontières actuelles de la Suisse 2 Art. 1 L a République helvétique est une et indivisible. Il n'y a plus de frontière entre les cantons et les pays sujets. Art. 5 La liberté naturelle de l'homme est inaliénableH ; elle n'est restreinte que par la liberté d'autrui. Art. 6 La liberté de conscience [appartenance religieuse] est illimitée. Art. 7 La liberté de la presse dérive du droit d'acquérir de l'instruction. Adapté de la Constitution de la République helvétique, 12 avril 1798. 3 Organisation de la République helvétique Cette nouvelle ÉLECTION PAR LE PEUPLE H forme d’organisa- tion politique très centralisatrice rompt GRAND nomme CONSEIL DIRECTOIRE TRIBUNAL totalement avec la élisent HELVÉTIQUE tradition d’auto- 8 membres 5 membres par canton nomie des villes SÉNAT 1 président 4 membres 19 préfets et communautés par canton t élisen ( un par canton ) rurales. dirige rédigent Armée les 19 préfets tranche ( un par canton ) LOIS les recours Fonctionnaires Ambassades Police LÉGISLATIF EXÉCUTIF JUDICIAIRE 118 1848 : naissance de la Suisse moderne L’Acte de Médiation : un retour au fédéralisme La jeune République helvétique cause de nombreux mécontentements. La tension entre ceux que l’on appelle les fédéralistes et leurs adversaires, les centralisateurs, est grande. Des coups d’État ainsi que des conflits armés se succèdent. En 1803, Napoléon Bonaparte, soucieux d’éviter une guerre civile, saisit l’occasion pour imposer sa médiation. 4 5 La Suisse de l’Acte de Médiation en 1803 Royaume du Grand Duché Wurtemberg de Bade La Suisse ne ressemble à aucun autre Grand Duché de Bade Schaffhouse État soit par la situation géogra- Thurgovie phique, soit par cette extrême diffé- EMPIRE FRANÇAIS Bâle Zurich rence de mœursH qui existe entre ses Département Argovie A.R. Appenzell ROYAUME Soleure différentes parties. La nature a fait du Haut- Rhin I.R. Saint-Gall DE BAVIÈRE votre État fédératif, vouloir la vaincre Lucerne Zoug n'est pas d'un homme sage. Principauté de Neuchâtel Schwytz Glaris Berne Nidwald Adapté de la « Lettre de Napoléon Obwald Uri aux délégués des cantons suisses », Grisons Fribourg 10 décembre 1802. Vaud Tessin Genève République du Valais, Département puis Département du Simplon du Léman (1810) ROYAUME D’ITALIE 0 50 100 km Les dix-neuf cantons 6 Frontières de la Suisse de 1803 L'Helvétie, en proie aux dissensions, était menacée de dissolution : elle Frontières actuelles de la Suisse ne pouvait trouver en elle-même les moyens de se reconstituer. L'an- cienne affection de la nationH française pour ce peuple recommandable, la demande des cantons démocratiquesH, le vœu du peuple helvétique tout entier, nous ont fait un devoir d'interposer notre médiation entre les partis qui le divisent.  Adapté de l’Acte de Médiation, 19 février 1803. 7 Art. 3. I l n'y a plus en Suisse ni pays sujets, ni privilègesH de lieux, de naissance, de personnes ou de familles. Art. 4. Chaque citoyenH suisse a la faculté de transporter son domicile dans un autre canton, et d'y exercer librement son industrie ; il acquiert les droitsH politiques conformément à la loi du canton où il s'établit. Art. 12. Les cantons jouissent de tous les pouvoirs qui n'ont pas été expressément délégués à l'autorité fédérale. Art. 25. Chaque canton envoie à la Diète un députéH.  Extraits de l’Acte de Médiation, 19 février 1803. L’intervention de Napoléon Bonaparte aboutit à une nouvelle organisation politique : l’Acte de Médiation, qui est le résultat d’un compromis. Pour satisfaire les fédéralistes, les dix- neuf cantons restent souverains mais, en contrepartie, pour plaire aux centralisateurs, ils délèguent une part de leur pouvoir à une assembléeH nommée DIÈTE FÉDÉRALE. Celle-ci décide, entre autres, des déclarations de guerre, des traités de paix et d’alliance ; elle conclut également les traités de commerce, nomme un général et règle les conflits DIÈTE entre cantons. De nombreux acquis sont maintenus : l’égalité devant la loi, la liberté FÉDÉRALE d’industrie et la suppression des douanes intérieures. Désigne, jusqu’en 1848, les assemblées des députés des FÉDÉRALISTES : souhaitent que les cantons gardent un maximum d’autonomie. cantons. CENTRALISATEURS : souhaitent un gouvernement central fort qui prenne des décisions appliquées par tous les cantons. DIX-NEUF CANTONS SOUVERAINS : d’anciens pays sujets deviennent des cantons (Argovie, Tessin, Thurgovie et Vaud), tout comme deux pays alliés : Grisons et Saint-Gall. 119 8 La Restauration et ses conséquences En 1813, les troupes de Napoléon sont battues par les armées alliées des États euro- péens (Prusse, Autriche, Angleterre et Russie). Napoléon est vaincu, puis exilé sur une île. L’organisation de la Suisse selon l’Acte de Médiation s’écroule. Les Suisses sont toujours partagés entre les progressistes, défenseurs des idées issues de la Révolution française et leurs opposants qui veulent conserver les solutions héritées du passé. Mais, sous la pression des puissances victorieuses réunies au Congrès de Vienne entre 1814 et 1815, ils s’accordent pour assurer leur indépendance en adoptant le Pacte fédéral. Les cantons se constituent en Confédération suisse. Celle-ci accueille trois nouveaux cantons : 8 Genève, Neuchâtel et le Valais. Désormais, ce sont vingt-deux cantons souverains qui assument en commun la défense du pays et l’ordre intérieur. Chaque canton dispose d’une totale liberté de s’organiser. Les libertés individuelles sont restreintes, le pouvoir revient aux anciennes élites diri- geantes (aristocratiesH locales et bourgeoi- siesH des villes). La Diète, sans pouvoir réel, réunit les délégués des cantons. Jean Dubois (1789-1849), Arrivée des Suisses au Port-Noir le 1er juin 1814, aquarelle, Genève. Genève fête son rapprochement avec la Confé- dération en accueillant les troupes de Fribourg et de Soleure. 9 [L’ Autriche, la France, la Grande-Bretagne, le Portugal, la Prusse et la Russie recon- naissent] la neutralitéH perpétuelle (éternelle) de la Suisse et lui garantissent l'intégrité et l'inviolabilité de son territoire dans ses nouvelles limites. Ils reconnaissent [...] que la neutralité et l'inviolabilité de la Suisse et son indépendance de toute influence étran- gère sont dans les vrais intérêts de la politique de l'Europe entière. Adapté de la Déclaration des puissances signataires de la Déclaration de Vienne, 20 novembre 1815. Après 1830, durant la période de la Régénération, les partisans des idées nouvelles ( les libéraux, puis les radicaux ) accèdent au pouvoir dans certains cantons qui modernisent leur constitution ; ils souhaitent aussi un changement à l’échelle nationale. Les cantons plus conservateurs se sentent menacés dans leur liberté. Pour défendre leur vision de la société, certains d’entre eux se regroupent en 1845 au sein d’une alliance séparée : le Sonderbund. 10 Art. 1 Les cantons de Lucerne, Uri, Schwytz, Unterwald, Zoug, Fribourg et le Valais, pour protéger leurs droits souverains et territoriaux, s’engagent, au cas où l’un ou l’autre serait l’objet d’une agression, à repousser en commun cette agression par tous les moyens à leur disposition, en se conformant au Pacte fédéral de 1815 ainsi qu’aux anciens traités. Texte de l’Alliance du Sonderbund, 1845. LIBÉRAUX : adhérents d’une tendance politique qui défend les libertés individuelles et la démocratie. RADICAUX : adhérents d’une tendance politique qui défend une démocratie plus égalitaire et un État qui a plus de pouvoir. 120 1848 : naissance de la Suisse moderne La Diète, où dominent les libéraux, vote la dissolution du Sonderbund, jugé incompatible avec le Pacte fédéral, ainsi que l’expulsion des jésuitesH, très influents dans les cantons catholiques et opposés aux idées progressives. 11 Discussion entre l’ambassadeur de France en Suisse, M. de Boislecomte, et Ulrich Ochsenbein, futur conseiller fédéral, le 4 juin 1847. – La grande majorité des habitants veut la dissolution du Sonderbund et l’expulsion des jésuites de toute la Suisse. Il faut que cette volonté de la majorité soit satisfaite. – Mais c’est la guerre civile, lui dis-je. – On doit préférer un mal moindre que la présence des jésuites en Suisse. Au reste, il n’y aura peut-être pas de guerre du tout ; il est fort possible qu’une fois se voyant condamnés par la majorité, ils se soumettent. S’ils ne le font pas, il faudra bien que la guerre décide. Adapté de François Guizot, ministre des Affaires étrangères en France, Mémoires pour servir à l'histoire de mon temps, 1857-1867. La guerre civile est inévitable. Menée par 12 le général Dufour, qui donne aux troupes de l’armée fédérale des recommanda- tions fermes pour prévenir les excès, la guerre ne dure que trois semaines, avec de faibles pertes. Elle voit la victoire des partisans des idées nouvelles, bien déci- dés à créer un État plus démocratique et plus centralisé. vé Le sommet le plus éle sse (46 34 m) a été de Sui r rebaptisé Pointe Dufou 1863 , en l’ho nneur du en général. « Combat de Lunnern (ZG) du 7 novembre 1847 pendant la guerre du Sonderbund », vue du côté confédéré, lithographie, vers 1848. 13 Claude Bulliard, Siège de la ville de Fribourg par l’armée fédérale, représenté en poya, huile sur bois, 1847. 14 GUILLAUME HENRI DUFOUR (1787-1875) Homme politique, ingénieur, militaire et géo- graphe, il sert d’abord dans l’armée française sous Napoléon. En 1847, il s’illustre lors de la guerre du Sonderbund, s’efforçant de minimiser les pertes humaines. Dufour est également connu pour avoir réalisé la première carte officielle de la Suisse et imposé le modèle du drapeau national. 121 8 1848, la Suisse existe Avant même le dénouement de la guerre du Sonderbund, la Diète nomme une commission en vue de réformer les institutionsH suisses et de donner au pays une constitution. En un temps record, une proposition de texte est rédi- constitution, soumise au peuple, est acceptée à 72,8 %, gée, s’inspirant de la Constitution américaine et de la par quinze cantons et un demi-canton. Datée du 12 sep- Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de tembre 1848, la Constitution fédérale organise la Suisse 1789. moderne en un État fédératif. Il faudra cependant en- La Constitution de 1848 est rédigée en trente et un core de nombreuses années pour que les changements jours par dix-huit personnes, alors qu’il a fallu six mois soient appliqués et acceptés, en particulier par certains pour rédiger la Constitution américaine. La nouvelle cantons conservateurs. 15 Constitution américaine (1787) Constitution suisse (1848) PROPRIÉTAIRES BLANCS LES PLUS RICHES LE PEUPLE élisent élisent élit GRANDS ASSEMBLÉE CONSEIL CONGRÈS élit FÉDÉRAL vote les lois ÉLECTEURS FÉDÉRALE et le budget 7 conseillers élisent fédéraux CONSEIL CHAMBRE NATIONAL DES nomme 111 conseillers COUR (1 représentant pour TRIBUNAL REPRÉSENTANTS SUPRÊME 20  000 hab.) FÉDÉRAL 1 représentant élit pour 30  000 hab. veille au respect de la 11 juges Constitution. CONSEIL fédéraux 9 juges DES ÉTATS nommés Président nommés à vie 44 conseillers pour 3 ans SÉNAT élu pour 4 ans par le président (2 par canton) 2 sénateurs avec l’accord par État du Sénat. LÉGISLATIF EXÉCUTIF JUDICIAIRE LÉGISLATIF EXÉCUTIF JUDICIAIRE Nouveaux droits pour les citoyens 16 Tous les Suisses sont égaux devant la loi. Il n'y a en Suisse ni sujets ni CONFÉDÉRATION privilèges de lieux, de naissance, de personnes ou de familles. Désigne l’ensemble des cantons réunis. Confédéra- – Tout Suisse est tenu au service militaire. tion suisse : nom officiel de – La CONFÉDÉRATION garantit à tous les Suisses de l'une des la Suisse en tant qu’entité politique à partir confessions chrétiennesH, le droit de s'établir librement dans toute de 1803. l'étendue du territoire suisse. – Tout citoyen d'un canton est citoyen suisse. – La liberté de la presse est garantie. – Le droit de pétition est garanti. – A droit de voter tout Suisse âgé de vingt ans révolus. – La Constitution fédérale peut être révisée en tout temps. Extraits de la Constitution de 1848. és Les oubli s vaga- e s fe m mes, le et les L s s pauvre bonds, le s sont privés du né condam vote. ÉTAT FÉDÉRATIF : État souverain composé de droit de plusieurs territoires qui conservent une partie de leur indépendance mais qui délèguent certaines tâches au gouvernement central. 122 1848 : naissance de la Suisse moderne Nouveaux devoirs pour l’État 17 – La Confédération a pour but d'assurer l'indépendance de la patrieH contre l'étranger, de maintenir la tranquillité et l'ordre à l'intérieur, de protéger la liberté et les droits des Confédérés et d'accroître leur prospérité commune. – La Confédération se charge de l'administrationH des postes dans toute la Suisse. – La Confédération exerce tous les droits compris dans la régale des monnaies. Les Can- tons cessent de battre monnaie ; elle est frappée par la Confédération seule. Extraits adaptés de la Constitution de 1848. Le choix d’une capitale 18 Il faut encore trouver une ville pour installer le gou- vernement. Trois villes souhaitent devenir la capitale : Zurich, Berne et Lucerne. Lucerne est au centre de la Suisse. Zurich dispose de bonnes infrastructures. Berne se trouve à proximité de la Suisse francophone, de plus, elle s'engage à mettre gratuitement des bâtiments administratifs à disposition. C’est Berne qui est choisie avec une assez large majo- rité. Dans un esprit typiquement confédéral visant à la recherche de l'équilibre, on promet à Zurich le siège de l'École polytechnique fédérale et à Lucerne, une autre future institution fédérale : le Tribunal fédéral. Il faudra attendre 1875 pour que le Tribunal fédéral Carl Durheim, « Le premier Palais fédéral à Berne se réunisse de façon permanente. À ce moment, c’est construit entre 1852-1857 », lithographie, 1860. une ville de Suisse romande, Lausanne, qui est choisie comme siège. La première session du ParlementH est saluée par la population. Après un service religieux catholique et protestant, les députés se retrouvent pour un repas de fête. 19 « La ville prenait de plus en plus un air de fête en se parant de tout l’éclat de la plus brillante illumination dont on n’ait jamais vu le spectacle en Suisse. Plusieurs maisons avaient arboré d’immenses drapeaux aux couleurs de la Confédération. La foule de tout âge et de tout sexe parcourait les rues. » Gazette de Lausanne, 8 novembre 1848. 20 « Banquet d’ouverture de la première réunion du Parlement », Chambre du peuple au théâtre de Berne, gravure, 6 novembre 1848. 123 8 Accueil des idées nouvelles en Europe et dans le monde En 1830, dans plusieurs pays, des citoyens européens se sont opposés à leur gouverne- ment et ont réclamé, entre autres, le droit de vote, le respect de leurs droits, la fin des privilèges et un développement économique. Des soulèvements ont lieu : parfois, débou- chant sur de nouveaux droits ; souvent, réprimés dans la violence. Dix-huit ans plus tard, en 1848, de nouvelles révoltes éclatent, d’abord à Paris. Puis, durant une période nommée le Printemps des peuples, des rassemblements populaires accom- pagnés d’émeutes ont lieu dans toute l’Europe, exprimant à nouveau l’opposition aux gouvernements conservateurs. Les revendicationsH semblent acceptées, mais rapidement les conservateurs reprennent le pouvoir. Ces révolutions ont détourné l’attention 21 des gouvernements français, prussien ou autrichien, qui, sinon, seraient peut- être intervenus en Suisse pour freiner le processus de changement en cours. De nombreux opposants aux régimes en place sont expulsés et trouvent refuge en Suisse. D’autres États, comme les États-Unis, glorifient la Suisse, seul pays qui ait réussi sa révolution démocratique en 1848. Pour la première fois de son histoire, la Suisse a pu s’organiser elle- même en se donnant une constitution et ce sont désormais les citoyens qui détiennent la souverainetéH. « Barricade sur la Breite Strasse du 18 et 19 mars 1848 », lors des combats dans les rues de Berlin, lithographie, Berlin (D), vers 1848-1850. 22 23 « Il n'y a pas moyen de douter que l'intervention « La République des États-Unis a de quoi être étrangère ne provoque, en Suisse, la plus forte fière de sa sœur, la seule en Europe centrale, répulsion. Le sentiment de l'indépendance natio- qui se comporte avec autant de correction et de nale y est général et énergique. Mais si l'inter- dignité. La Suisse confère le plus haut degré de vention se montrait, le cri qui s'élèverait serait crédit au système de démocratie. […] Elle est un celui de la résistance. Conservateurs et radicaux exemple, jour après jour, pour le monde euro- le pousseraient. Et les difficultés de l'intervention péen, des beautés pratiques de nos propres en seraient infiniment aggravées. » institutions. » François Guizot (1787-1874), ministre des Affaires Ambrose Dudley Mann (1801-1889), diplomate étrangères en France, Mémoires pour servir du Gouvernement américain à Berne, 1850. à l’histoire de mon temps, 1858-1867. 24 Dans les années 1848 et 1849, la Suisse se vit surchargée d’une grande masse de réfugiés qui, suite aux événements politiques survenus en Italie et en Allemagne, vinrent chercher un refuge en le territoire de la Confédération. On ne pouvait leur refuser l’asileH en partie par des considérations humanitaires. Le Conseil fédéral dut astreindre les cantons à les prendre en charge mais prit des mesures (expulsion, accélération des départs contre une indemnité) pour qu’ils ne dussent pas le faire trop longtemps. En 1849, le nombre de réfugiés dépassait le chiffre de 11 000 ; actuellement 500. Adapté de La Feuille fédérale, 1851. 124 1848 : naissance de la Suisse moderne La Suisse se construit, de 1848 à 1910 Un État centralisé se met en place. La Confédération gère progressivement les tâches que tout État fort doit assumer. Elle se charge également d’assurer la protection des personnes les plus faibles. À partir de 1848, la Confédération est seule souveraine l’organisation militaire et les transports. Dans les autres dans des domaines comme la politique extérieure (à domaines, les cantons conservent leur souveraineté l’égard de l’étranger), la poste, les douanes, la monnaie, ou la partagent avec la Confédération. 25 Les droits des citoyens Dès 1848, toute modification de la Constitution doit être votée par le peuple. Dès 1874, si un nombre suffisant de citoyens le demande, le peuple peut se prononcer sur une décision déjà prise par le Parlement (référendum), ou, dès 1891, sur une modification de la Constitution (initiative). L’armée Dès 1874, le principe du service militaire obligatoire instauré Les poids et mesures par la Constitution fédérale de Dès 1851, les unités de mesures 1848 est appliqué avec rigueur. sont unifiées selon une base déci- La Confédération se charge de male. En 1876, la Suisse adopte la formation, de l’équipement le gramme et le mètre tels qu’ils et de l’armement, tandis que les ont été établis par le Bureau inter- cantons s’occupent notamment national des poids et mesures à de l’habillement, de l’entre- Paris. tien du matériel et des cours de Vers un État gymnastique. centralisé La monnaie Dès 1850, une monnaie unique remplace toutes les monnaies locales. Dès 1907, la Banque nationale suisse La poste imprime l’ensemble La prise en main de la poste par des billets de l’État fédéral se fait presque sans banque. opposition. Les PTT (poste, télé- phones, télégraphes) sont chargés de transporter les voyageurs, les lettres, les colis, les messages ou L’heure même de l’argent. Chaque localité définissait l’heure en fonction du soleil, ce qui causait un décalage qui pouvait atteindre 18 minutes. En 1853, l’heure de Berne devient la norme pour l’en- semble du territoire. 125 8 Le renforcement des droits sociaux Dès 1840, des lois cantonales protègent les ouvriers. Elles visent à leur offrir des condi- tions de travail sûres et hygiéniques ; des règles en matière de salaire et de durée du travail ; des assurances en cas de maladie ou d’accidents. Ce n’est qu’en 1877, suite à un référendum (52 % de oui), qu’une loi sur les fabriques permet à la Confédération de légiférer sur le plan suisse. Cette loi visant à empêcher les abus patronaux s’explique par la crise économique qui prive les ouvriers de leur travail et accentue les tensions sociales. 26 La durée du travail régulier d'une journée ne doit pas excéder onze heures. Elle est réduite à dix heures la veille des dimanches et des jours fériés. Cette durée du travail doit être comprise entre 5 heures du matin et 8 heures du soir [en été], et entre 6 heures du matin et 8 heures du soir pendant le reste de l'année. On accordera aux ouvriers, au milieu de la journée de travail, un repos d'une heure au moins pour leur repas. Après et avant leurs couches, il est réservé un temps de huit semaines en tout, pendant lequel les femmes ne peuvent être admises au travail dans les fabriques. Les enfants au-dessous de quatorze ans révolus ne peuvent être employés au travail dans les fabriques. Pour les enfants depuis le commencement de la quinzième année jusqu’à seize ans révolus, le temps réservé à l’enseignement scolaire et religieux et celui du travail dans la fabrique ne doivent pas, réunis, excéder onze heures. Extraits de la loi fédérale concernant le travail des fabriques, 23 mars 1877. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la pauvreté est pour l’es- 27 sentiel prise en charge par les œuvres caritatives, l’ÉgliseH ou la famille. Avec l’industrialisation et l’ac- croissement de la population dans les villes, ainsi que l’émergence du mouvement ouvrier, la question de la pauvreté revient aux pouvoirs publics. En 1899, une loi est votée au Parlement qui prévoit pour la première fois l’obligation de s’assurer contre les accidents pour une majorité de salariés. Présentée en votation populaire, elle est largement refusée par près de 70 % des votants. Il faudra plusieurs tentatives pour qu’elle soit acceptée. Albert Anker, La Soupe des Pauvres à Ins, huile sur toile, 1893. 28 L’assurance accidents suisse, la première grande œuvre sociale du pays, répondait aux problèmes sociaux apparus au cours de la seconde moitié du XIXe siècle à la suite de l’industrialisation. Durant cette période, de nombreuses familles ont sombré dans la pauvreté. En effet, la plupart des salariés n’étaient pas protégés lorsqu’ils n’étaient plus en mesure de travailler en raison d’une maladie ou d’un accident. Adapté de Les 100 ans de la Suva (assurance accidents), suva.ch, 2018 29 MARIE GOEGG-POUCHOULIN (1826-1899) Traversant le siècle en militant pour le droit des femmes et le pacifisme, elle fonde notamment, en 1869, l’Association internationale des femmes, une organisation qui prône l’égalité. Elle déclare : « Je suis convaincue que nous sortirons un jour vic- torieuses de notre lutte qui n’a d’autre but que d’assurer partout le règne de la justice, la liberté, l’instruction et le ŒUVRE CARITATIVE : organisation privée bonheur pour tout ce qui est un être humain. » qui aide les personnes les plus démunies. 126 1848 : naissance de la Suisse moderne Les syndicats S’ils ont besoin d’un soutien financier, les ouvriers peuvent s’adresser à une des nom- breuses sociétés d’entraide. Pour faire entendre leurs revendications, ils ont recours aux syndicatsH : des organisations de personnes travaillant dans la même branche qui luttent pour leurs droits. Le premier syndicat national, en 1858, est le Syndicat du livre et du papier. Dès 1880, poussés par le besoin d’améliorer leurs conditions de vie, les ouvriers se regroupent par métiers comme les vitriers, les conducteurs de locomotives ou les porteurs de dépêches postales. Puis ces syndicats fusionnent pour augmenter leur force de pression lors des grèvesH ou des négociations. Ainsi naissent l’Union syndicale suisse (USS, 1880), les fédérations des travailleurs du textile (1903), des ouvriers de l'alimentation (1904) ou des ouvriers des communes et des cantons (1905). 30 31 er Le 1 mai 1886, à Chicago, une grève en faveur de la journée de 8 heures est lancée par les syndi- cats. Le mouvement dure plusieurs jours et finit dans la violence : on compte une dizaine de morts. En 1889, le Congrès de la IIe Inter- nationale socialiste décide de faire du 1er mai un jour de lutte à travers le monde pour revendi- quer la journée de 8 heures. Cette date a été choisie en mémoire des événements de Chicago. Drapeau du Syndicat Ruban du 1er mai, Zurich, 1893. des ouvriers ferblantiers, Mouvement pour les 8 heures Vevey-Montreux, 1901. 8 heures de travail / 8 heures de loisirs/ 8 heures de sommeil. Les « partis » politiques Dans la seconde moitié du XIXe siècle, il n’existe pas encore de partis politiques au sens moderne du terme, mais des communautés de pensée et d’action. On en distingue deux principales : – une communauté libérale-radicale qui souhaite garantir les libertés individuelles, pro- mouvoir un pouvoir central fort et un système économique dans lequel l’État intervient le moins possible. Elle donne naissance au Parti radical démocratique (PRD) en 1894 ; – une communauté conservatrice qui considère avec un certain scepticisme les innovations sociales amenées par le progrès matériel et qui défend le fédéralisme. Nommée Parti populaire catholique dès 1894, elle est à l’origine du futur Parti démocrate chrétien (PDC) dès 1970. Une troisième communauté naît avec la création du Parti socialiste suisse (PSS) en 1888. Parti des travailleurs, il soutient entre autres la lutte des classesH, le droit de grève et l’étatisation de l’économieH. 32 12. Gratuité des soins médicaux et pharmaceutiques. Création de nom- breux hôpitaux. SanatoriumsH pour les maladies des voies respira- toires et pour les maladies nerveuses. Gratuité des soins médicaux à domicile. Maisons de convalescence. Gratuité des accouchements et des soins à donner aux accouchées. Asiles pour incurables. 13. Assurance contre les conséquences économiques de la maladie, de l'accident, de l'invalidité, de la vieillesse et de la mort. Assurance mobi- SOCIÉTÉ D’ENTRAIDE : par lière obligatoire. Asiles pour invalides, infirmes et vieillards. exemple, la Société suisse du Extraits du programme du Parti socialiste suisse, 1904. Grütli (1838) qui propose une aide en cas de maladie. 127