Fiche HFE - Histoire Économique - PDF
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Summary
Ce document traite de l'histoire économique des sociétés humaines. Il aborde les différentes manières d'organiser la production, l'échange et la consommation, ainsi que le rôle de l'État et de la monnaie dans ces processus. L'analyse comprend des exemples concrets et des références à des auteurs clés.
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Fiche HFE Chapitre 1: Y-a-t-il des sociétés sans histoire économique ? Quand commence l’histoire économique ? Toutes les sociétés humaines devant produire et échanger pour consommer, sont concernés par l’histoire économique. Elle commence bien avant la science éco...
Fiche HFE Chapitre 1: Y-a-t-il des sociétés sans histoire économique ? Quand commence l’histoire économique ? Toutes les sociétés humaines devant produire et échanger pour consommer, sont concernés par l’histoire économique. Elle commence bien avant la science économique La consommation et les moyens de produire est aussi ancienne que l’humanité. Les manières de les organiser et de justi er cette organisation : - Mythes et mythologies - Religion - Structures sociales et politiques - Règles morales - Structures familiales de parenté - Régimes de propriété => L’histoire économique étudie les façons diverses dont les sociétés humaines ont mobilisé et organisé leurs moyens de production et d’échange en vue de leur consommation et de leurs activités sociales. Échange, partage, accumulation et division du travail Échanger L’être humain a conscience de lui-même et en même temps n’existe que par les autres, et donc par le partage, la collaboration et, bien entendu la rivalité : tout cela rentre dans l’échange. Nécessaire : échanger est la seule manière d’obtenir des biens et des services que l’on peut produire soi-même Dangereux : plus l’échange est désirable, plus il implique l’éloignement, l’étrangeté et donc le risque Alors, 2 solutions : Internaliser l’échange, pour qu’il se réalise à l’intérieur d’un espace social connu, maitrisé Paci er l’échange, pour le distinguer de la guerre, du pillage. L’échange et le commerce sont depuis très longtemps associés à la paix, à la suspension ou à la résolution des hostilités. Répartir les tâches La répartition des tâches est une condition sine qua non de l’échange mais aussi de la source de l’attribution de rôles ou de fonctions distincts, et de ce fait de hiérarchies, de castes, de classes sociales : La distinction entre les sexes permet de fonder une complémentarité qui n’est pas seulement biologique, mais également sociale, culturelle, politique voire spirituelle La distinction entre les âges de la vie correspond à une répartition des tâches et des responsabilités La distinction selon les castes, des groupes professionnels et des groupes sociaux Partager Une fois les tâches réalisées, la production doit être partagée. Ce partage peut être organisé : Verticalement, par une autorité, à travers des décisions prises en fonction d’une tradition, d’une règle ou d’un chef Horizontalement, par négociation, compromis, arbitrage. Le marché est une institution typique de répartition par négociation Il n’arrive presque jamais que ce partage soit purement vertical (une autorité absolue) ou purement horizontal (une justice distributive parfaite). Par exemple, le tyran a besoin de s’attacher des séides pour conserver son pouvoir tandis que le marché ne peut fonctionner sans règles a priori et l’autorité pour les appliquer. fi fi Exemple : partage familial : Dépend beaucoup de la nature de la famille (famille nucléaire, famille étendue) et sa structure économique et sociale (autoproduction, économie d’échange, économie salariale) De manière générale il n’implique pas l’égalité : - Généralement les hommes adultes reçoivent plus - Puis les adolescents et les femmes enceintes - Puis les femmes - Ensuite les enfants - En n, les vieillards, à l’exception de ceux qui disposent d’une autorité (pouvoir médical, religieux, politique, patrimonial…) Accumuler Le partage peut laisser une partie de la production non consommée. On peut distinguer plusieurs formes d’accumulation : La consommation di érée : repousser dans le temps une consommation. Le motif principal est la précaution L’immobilisation : en évitant de consommer, on peut aussi produire, directement ou indirectement, des gens « immobiles », des « immobilisations ». Le mode classique de cette immobilisation découle de la mise de côté d’une partie de la consommation possible. La mise de côté de cette consommation ne signi e pas nécessairement la réduction de la consommation La thésaurisation : cette épargne peut être également constituée non pas en vue d’un usage capitalistique, sous forme d’équipement, mais simplement pour mettre une valeur de côté, soit par crainte d’un aléa, soit en vue d’autres ns. On considère en général que la thésaurisation est stérile, improductive Consommer La consommation forme toujours, d’une certaine façon, le but ultime, mais on peut distinguer deux formes de consommation : Finale : lorsque l’acte de consommer détruit l’objet consommé Intermédiaire : lorsque l’acte de consommer contribue à créer un autre objet ou service on peut distinguer dans le secteur productif : - Le secteur des biens de production qui produit des biens et services utilisés dans le processus de production lui même : biens intermédiaires (matières premières et produits transformés) ; biens d’équipement (outils et services nécessaires au processus productif) - Le secteur des biens de consommation, qui produit des biens et services destinés à la consommation nale. La consommation n’est pas alimentée seulement par le secteur productif : de nombreux biens déjà produits entrent de nouveau dans les circuits de consommation : biens d’occasion, monnaie, titres nanciers. Les consommateurs sont également divers : - Ménages - Entreprises - Administrations publiques, autorités politiques et religieuses - Mais aussi le « monde extérieur » : lorsqu’on étudie un économie nationale, les autres pays (et leurs ménages, leurs entreprises, etc…) sont à la fois un « consommateur » (exportations) et un producteur (importations) fi fi fi ff fi fi Chapitre 2 : L’essor des États, la naissance des monnaies La résolution d’un problème repose le plus souvent sur une coordination. La nature et la mise en oeuvre de cette coordination est donc une question clé. Il existe énormément d’outils de coordination entre les êtres humains : le langage, des tâches concrètes. Il y a deux modalités : l’autorité, la négociation. L’étude du passé enseigne que ces deux modalités sont très rarement mises en oeuvre de manière isolée. Or, il y a quelques milliers d’années, deux outils de coordination particulièrement durables ont été élaborés puis perfectionnés : l’État et la monnaie. La naissance de l’État : Autorité et souveraineté Du groupe à l’État Il n’y a pas d’État sans un minimum de division sociale et donc de division du travail. Typiquement, les premiers États s’appuient sur une distinction entre clercs (prêtres), militaires et travailleurs, ces derniers étant parfois distingués entre paysans et artisans, voire commerçants. Ces institutions cristallisent la perpétuité du groupe humain correspondant : elles sont donc insérés dans le système de croyances et les structures religieuses de la société considérée. Il n’y a pas d’État sans la formalisation d’une autorité, en général con ée à une personne ou à un groupe de personnes, sur le reste de la société. Il n’y a pas d’État sans la determination d’un « intérieur » et d’un « extérieur » à l’État - En termes ethno-racial : eux et nous - En termes de résidence et de mode de vie : sédentaires et nomades - En termes d’appartenance à la société : maîtres et esclaves L’État réunit autant qu’il distingue - c’est sa première fonction : il identi e. Il conforte la notion de « dette de vie » (Rospabé, 2010) : l’individu doit son existence à sa communauté d’appartenance, et ne peut jamais entièrement rembourser cette dette. L’État est l’instrument qui permet d’exiger le « service » de cette dette : impôts, taxes, service militaire, corvées, esclavage, mariage,… Une institutionnalisation di cile Au coeur de la formation des États, il y a la question du pouvoir. Cette dernière se pose de deux façons : - L’autorité : la capacité d’une personne ou d’un groupe à orienter, diriger, gouverner d’autres personnes - La souveraineté : la manifestation de l’identité d’un groupe qui se reconnaît comme instance légitime de son propre gouvernement Tous les États sont tiraillés entre ces deux pôles : On retrouve la distinction entre la « verticalité » du pouvoir et de l’autorité, d’une côté, et « l’horizontalité » de la légitimité, laquelle fonde la souveraineté… => l’une ne va pas sans l’autre L’État comme catégorie du sacré L’articulation entre verticalité, souveraineté et rôle de gardien du temps a été réalisée par le recours à la catégorie du sacré, càd à un principe transcendant. Il y a assimilation entre le salut matériel et le salut spirituel de la communauté. En sens inverse la communauté peut décider du sacri ce d’individus au nom de la sauvegarde de tous —> le destin de la communauté dépasse celui de ses membres. De ce fait, la personne qui incarne l’autorité a le plus souvent un caractère sacré. ffi fi fi fi Les guerres de religion en Europe Les guerres de religion qui ensanglantent l’Europe au XVIIe siècles portent notamment sur la question du lien entre l’État, la religion et ses sujets. Le principe dominant du « Cujus regio, ejes religio » assimile d’un pdv religieux les sujets au Prince : choisir une autre foi, c’est non seulement être apostat, mais trahir l’État. Une situation bloquée au XVIe siècle, aliment de tous les fanatismes Le principe du « Cujus regio » ne su t pas à établir la paix dans les grands royaumes et dans les empires : il faudrait soit les diviser en principautés autonomes dotées d’une seule foi, soit exterminer la part de la population attachée à la religion minoritaire. La « révolution westphalienne » de 1648 Les massacres et les guerres perpétuelles entrainés par les con its religieux amènent les États, en s’appuyant sur les principes absolutistes posés par Bodin mais également sur ses conceptions de la souveraineté et de la religion (Grotius, Pufendorf, Locke, Montesquieu). Dès lors, si la religion entraîne des désordres civils, c’est à l’état de limiter ces désordres : la tolérance n’est que le choix de faire primer l’autorité de l’État - et son objectif d’ordre public - sur l’autorité des Églises - et leur objectif d’établissement du Vrai. Cette nouvelle conception est a rmée par la conférence de Westphalie (1648), premier sommet étatique de l’histoire. Elle met n aux guerres de religion, érige les États en principaux acteurs diplomatiques et consacre les monarques comme maitres politiques et religieux de leur royaume. Les Églises ne détiennent d’autorité que spirituelle : les traités de Westphalie reconnaissent l’existence de trois confessions chrétiennes en Allemagne, ce qui était inimaginable auparavant, la religion se caractérisant par son unicité. La recon guration des rapports entre autorité et souveraineté Mais cette « victoire » des États entraîne de nombreuses conséquences, et notamment leur laïcisation, déjà esquissée par Bodin, ainsi que le principe de supériorité d’un droit permanent et impersonnel pour organiser les rapports entre les hommes : Le « droit naturel », directement inspiré des enseignements religieux, accorder aux êtres humains des droits inaliénables, qui participent de leur nature d’être humains. Dans ces conditions, l’activité économique doit être libre. La monnaie devient à la fois une chose de l’État et une règle que ce dernier ne peut choisir de violer : il doit gérer la monnaie pour le compte de la communauté et non pas l’intérêt du Prince (ou de l’État). Dès lors, l’autorité « absolue » de l’État se heurte à deux principes, qui vont susciter l’État moderne : - L’intérêt de la communauté, dont l’État est le serviteur - Le droit, en particulier lorsqu’il pose des principes permanents : droits naturels, neutralité de la monnaie, liberté du commerce, respect des traités. La naissance de la monnaie La monnaie avant la monnaie Le phénomène de l’échange est très ancien : des coquillages ou des pierres sont ainsi échangés sur des milliers de km avant même la naissance des États ou de la monnaie. Trois types de biens se distinguent alors : - Les biens précieux qui se déplacent tout seul : beau bétail, êtres humains : esclaves, femmes, bijoux et parures - Les biens de prestige : objets associés au pouvoir ou au sacré, êtres humains, objets précieux et en particuliers métaux, perles, coquillages, gemmes, tissus ns - Les biens de valeur et de parure : objets précieux et en particuliers métaux, perles, coquillages, gemmes, tissus ns fi fi fi ffi ffi fl fi Dès lors, tous ces biens de grande valeur peuvent servir à évaluer d’autres valeurs : - D’autres biens - Des personnes (esclaves, femmes, mercenaires) - Des peines ou des réparations - Des travaux ou équipements collectifs Parmi ces biens, certains vont être « standardisés » en vue de cette fonction de mesure ou d’évaluation de la valeur : - Des métaux précieux (or, argent, électrum, fer, cuivre, bronze), en poudre, en pépite, en barre… - Des coquillages : beaux, infalsi ables, faciles à compter - Du bétail « théorique » : le « pecus » romain qui donne notre « pécuniaire » - Des êtres humains ou des jours de corvée, des services (des enfants, des combats…) Les trois inventions de la monnaie moderne La transformation de cet instrument très commode - la monnaie d’argent pesée et la lettre de crédit évaluée en poids d’argent - va être complétée par l’intervention des États en trois étapes : - La frappe, càd l’authenti cation de petites formes de métal standardisées en poids et en qualité - Le recours à la duciarité, càd l’utilisation de métal non précieux mais dont la valeur monétaire est xée par l’État et par l’empreinte qu’il appose sur la monnaie - Le remplacement du métal par un écrit (sur du papier) attestant de sa valeur et convertible en métal Résumé : - Les États naissent en lien avec la n de la révolution néolithique - agriculture, élevage, artisanat et cela partout dans le monde, de façon indépendante Ces États articulent un principe d’autorité, plutôt vertical, fondé sur le pouvoir, et un principe de souveraineté, plus horizontal, fondé sur la légitimité Cette articulation de deux principes contradictoires s’e ectue autour de la notion de sacré, qui stabilise les États et fonde la puissance des rois. On parle de l’articulation entre l’immanence de la souveraineté et la transcendance de l’autorité Les guerres de religion se déroulant en Europe au XVIe siècle entraînent une remise en cause progressive de cette sacralisation : un mouvement de laïcisation s’engage, exprimée notamment dans des principes juridiques : droits naturels ; liberté du commerce ; neutralité de la monnaie - La monnaie, qui était née en dehors des États (Mésopotamie, IIIe millénaire ANE), en est devenue un élément à la faveur de trois innovations, toutes asiatiques : La monnaie frappée La monnaie duciaire La monnaie de papier convertible fi fi fi fi fi fi ff Chapitre 3 : travail, coercition et rémunération : esclavages, servage, salariat C’est en Asie et en Egypte que les formes modernes d’État se développent en premier lieu. En particulier, l’État y acquiert des capacités techniques, organisationnelles et intellectuelles fondées sur : - L’écriture et la comptabilité - Le développement d’un corps administratif spécialisé - Le développement de formations à ce corps administratif On ne retrouve cette con guration ni en Amérique, ni en Europe, ni en Afrique (hors Egypte) sauf - À partir du IIe siècle ANE dans l’empire romain - À partir du IXe ou du Xe siècle dans les États sahéliens Ces monnaies modernes ont été inventées dans des États qui articulaient autorisé et souveraineté. La monnaie est émise par l’État pour récompenser des membres de la société ou pour rémunérer (solder) les soldats de l’État. Ces monnaies sont garantis par l’État, qui y appose son sceau. L’État prend rapidement le contrôle de cette circulation monétaire : en interdisant aux monnaies étrangères de circuler sur son territoire autrement que pour leur valeur métallique (comme marchandise). En réprimant la contrefaçon - dans la plupart des États elle est d’ailleurs assimilé à un crime de lèse majesté : en France, au Moyen-Âge, les faux monnayeurs sont bouillis ! Or, seuls les États asiatiques exercent alors ces fonctions. Et la di usion des formes modernes de l’État et de la monnaie est parallèle : Grèce classique, Rome Double dimension, horizontale - échange et négociation - et verticale - garantie et contrôle - dans la monnaie La division du travail : la division du travail concerne évidemment le travail productif. Mais elle porte aussi sur : - L’organisation des États - L’essor des transports et du commerce - La répartition des rôles et des fonctions selon les âges et les sexes - L’organisation du temps et de l’espace La monnaie est un instrument crucial de la division du travail : elle permet de déterminer la valeur et d’échanger des productions extrêmement disparates entre des producteurs et des consommateurs spécialisés. La division du travail La division du travail est une question très ancienne. Elle présente une double dimension : Normative : la division du travail justi e les hiérarchies sociales —> les hiérarchies sociales traduisent la (nécessaire) division du travail Pratique et analytique : la division du travail améliore l’e cacité du travail et donc la richesse de la population et de l’État La cause principale du développement social et de l’enrichissement économique et technique depuis les origines de l’humanité jusqu’au XIXe siècle est la division du travail : Directement en augmentant l’e cacité productive Indirectement en favorisant l’accumulation de connaissance techniques - Perfectionnement des manières de faire - Perfectionnement des outils - Perfectionnement des savoirs, pratiques et théoriques relatifs aux outils, à leurs principes d’action et à leur emploi L’impact social et culturel de cette division du travail est également important. Il ne peut y avoir un clergé distinct du reste de la population sans une productivité agricole élevée ni sans division du travail. fi ffi fi ffi ff La division du travail fonde donc : La possibilité des divisions sociales : classes, castes, professions, etc Le développement d’un corpus de connaissances théoriques et pratiques, sa conservation et sa transmission Les formes du travail La division du travail est inséparable des formes du travail lui même. Il existe trois grandes formes de travail : Le travail pour soi et ses proches - On peut y inclure de nombreuses formes de travail « gratuit » - Ce travail donne lieu à don / contre-don ou échange de proximité Le travail contraint - Esclavage - Servage - Corvée Le travail libre - Salariat au sens strict - Salariat de « statut » (fonctionnaires) - « Professions » (médecin, avocat, etc) À part le « travail pour soi », les autres formes de travail s’accompagnent de deux éléments fondamentaux : Une subordination Une rémunération Cette subordination peut être la « contrepartie » de la rémunération. C’est le cas du salariat moderne. Le travail est alors considéré comme « libre » : la salarié peut toujours rechercher ou négocier un autre arbitrage entre subordination et rémunération ou démissionner. Elle peut aussi être antérieure à la rémunération. La rémunération vient alors simplement assurer l’entretien de la capacité de travail. Dans ce cas, le travail n’est pas libre et il n’est obtenu que par l’exercice d’une contrainte - qui manifeste clairement la subordination - éventuellement violente Esclavage Servage La subordination comme la rémunération ne sont pas négociables : elles se situent hors de champ de la négociation du travailleur. Depuis la révolution néolithique, les formes contraintes et même coercitives du travail ont largement dominé. Il n’y a pas d’évolution « naturelle » ou « spontanée » du travail contraint vers le travail libre. De plus, travail libre et contraint ont toujours coexisté. Cela su t à expliquer le caractère souvent négatif associé au travail, considéré comme une punition ou une malédiction. C’est pour ces deux motifs (subordination, malédiction) que l’une des caractéristiques communes aux élites, politiques, militaires et religieuses, c’est de se dé nir comme ne travaillant pas. Adalbéron de Laon, au Xe siècle, distingue ainsi, dans une société : Les « laborantes », ceux qui travaillent Les « milites » ceux qui combattent Les « oratores » ceux qui prient L’aristocratie européenne se caractérise par « l’otium », le loisir studieux ou le service de l’État, qui la distingue radicalement du peuple, paysan ou bourgeois. Pour un noble, travailler c’est « déroger », càd trahir son état et donc devenir indigne de la noblesse. Pourtant le travail est d’autant plus nécessaire que le nombre de tâches, de produits et de services demandés par la société augmente et que le poids des élites se renforce. Paradoxalement, ce phénomène est renforcé par le goût du luxe des élites. Mais il est aussi alimenté par la croissance des Etats et le progrès des techniques. Cette triple tension càd : - Un travail nécessaire mais dévalorisé ffi fi - Une division du travail croissante qui suscite de nouveaux métiers - L’exercice de la violence en vue d’obtenir ce travail , explique en grande partie l’évolution des formes contraintes et libres du travail, car cette tension s’oppose à une valorisation croissante du travail. Dans des sociétés où la division du travail est peu avancée, cela signi e que le secteur agricole prédomine, l’essentiel de l’activité « industrielle » est réalisé de manière interstitielle par les ruraux, mais l’essentiel de l’activité « industrielle » de qualité est réalisé dans les villes. Dans ces conditions, la quantité du travail prime nettement sur sa qualité ce n’est donc pas le travail qui est standardisé, mais le travailleur : l’esclavage permet de répondre aux besoins de travail indi érencié de la société, en réduisant les coûts (rémunération minimale). C’est d’autant plus vrai que ces sociétés sont jeunes : la majorité de la population a moins de 20 ans. => donc peu couteux de remplacer un esclave, puisque son espérance de vie est faible. La résistible sortie du travail contraint On voit alors apparaître une contradiction : L’esclavage contribue aux progrès de la division du travail Le besoin relatif de quali cation se développe en conséquence Mais ces esclaves compétents sont rares, produisent beaucoup de richesses, et ne sont e caces que si on leur fait con ance L’empire romain témoigne très bien de cette contradiction et des évolutions qu’elle suscite : L’esclavage y est de moins en moins fréquent au l des siècles, en particulier dans les villes Parallèlement, le droit est de plus en plus sévère envers les maîtres qui maltraitent les esclaves Il est vrai que le ralentissement des conquêtes romaines contribue au déclin de l’esclavage : les esclaves, devenus plus rares, coûtent plus cher La chute de l’empire romain provoque une désagrégation progressive des structures économiques et sociales : Les villes déclinent fortement - Rome perd près de 98% de sa population Déclin des villes entraîne une très forte réduction de la division du travail : la part de la population agricole et rurale augmente fortement, la productivité du travail s’e ondre, le travail contraint redevient très rentable). L’Europe occidentale devient « trop pauvre » pour pouvoir s’acheter des esclaves : produits de luxe, les esclaves européens sont exportés vers les régions plus riches, capables de les acheter. => l’Europe occidentale ne peut pas rétablir complètement l’esclavage, qui ne se maintient au MA que dans les villes riches et dans certaines exploitations agricoles très prospère Les élites européennes occidentales adoptent une solution intermédiaire : Elles n’ont guère les moyens d’acheter ou de conserver des esclaves pour des activités principalement agricoles Elles créent donc un statut dans lequel le travailleur n’est plus une propriété au sens strict, mais est légalement attaché à la terre qu’il cultive - il est chassé : c’est le servage Parallèlement, des formes diverses de travail libre et de travail contraint mais temporaire se développent dans les villes Mais que se passe-t-il avec l’enrichissement qui survient à partir du IXe/Xe siècle ? On pourrait en e et imaginer que cet enrichissement permet l’essor de l’esclavage. Mais il faut imaginer une Europe « vide » dans laquelle la main d’oeuvre est indispensable pour mettre en valeur le capital foncier. ffi ff ff fi fi fi fi ff Les conditions de naissance du salariat Cela vous montre qu’il n’ya pas d’évolution nécessaire du travail contraint vers le travail libre : c’est toujours réversible et dépend notamment de trois facteurs : Le degré de division du travail La valeur relative du travail par rapport au capital foncier ou au capital technique La valeur relative du travail par rapport à celui des esclaves sur les marchés d’exportation => Si ces trois facteurs sont réunis (faible division du travail, faible valeur du travail par rapport au capital, faible valeur du travail par rapport à l’exportation d’esclaves) , alors il su t qu’un canal commercial international soit établi pour que la traite d’esclaves se développe. Le rétablissement du servage en Europe orientale - XIVe-XVIe siècles —> c’est un servage « nouveau » car il est également scal : les terres et les impôts sont mesurés au nombre de serfs, ce qui fait des serfs des « immeubles par destination ». La disparition de l’esclavage et du servage rend-elle le travail « libre » ? Quatre facteurs ont rendu possible le travail libre : La division du travail Le monde urbain et en particulier : l’artisanat et les tâches très spécialisées L’augmentation de la valeur du travail - Par rapport au capital foncier et au capital immobilisé - Le ux de travail réalisable par une seule personne au cours de sa vie La monnaie et en particulier la petite monnaie - Elle permet de rémunérer les travailleurs avec un salaire plutôt qu’en nature - Elle permet aux travailleurs de régler leurs achats Ces quatre facteurs n’ont pas joué en même temps ni avec la même intensité partout. —> l’exemple chinois montre bien que ce modèle fonctionne : la Chine est de très loin la première puissance économique mondiale au moins du IXe siècle au XVIIIe siècle son essor aux XVIe et XVIIe siècles correspond à une phase : De croissance urbaine De multiplication des marché urbains et ruraux De progrès de la di usion de la monnaie De hausse du niveau de vie de la population et donc de renchérissement du travail Durant cette période, on assiste à une forte mobilité de la main d’oeuvre ainsi qu’au développement de formes « libres » du travail, càd sans esclavages ou servage, sauf les obligations militaires et les corvées. En Europe occidentale, le jeu de ces 4 facteurs aide à comprendre l’a aiblissement des jurandes et corporations : Elles contrôlaient depuis le MA les métiers urbains, en réglant les conditions d’accès et d’exercice Elles deviennent, à une époque de croissance de la population urbaine, des monopoles qui tentent souvent de bloquer le renouvellement des métiers et l’essor de formes alternatives de production Mais le rapprochement des villes (transports) et l’essor de l’industrie rurale les prive peu à peu d’e cacité Elles survivent au mieux sous la forme de systèmes d’assurances mutuelles Or les apprentis vivaient sous un régime très contraint ; les femmes étaient fréquemment (et de + en +) exclues, ainsi que les étrangers à la ville. À la n du XVIIIe siècle, en Angleterre et aux Provinces-Unies (pays-bas actuels), en Belgique, en France (décret d’Allarde, loi Le Chapelier), en Italie du nord, en Suisse, dans toute l’Allemagne occidentale, le travail est libre, dans les espaces urbains comme ruraux, sauf quelques professions très réglementées. fl fi ffi ff fi ff ffi Le travail est désormais regardé comme un contrat qui réunit un employeur et un employé. Il se distingue peu à peu du « contrat de louage d’ouvrage » portant sur une tâche spéci que. Désormais, le contrat de travail porte sur une période de temps. La rémunération est périodique et il con e au salarié une mission plus qu’une tâche unique. La notion de contrat implique l’égalité des deux parties - on parle de contrat synallagmatique : les deux parties s’obligent l’une envers l’autre : Le salarié a e ectué la mission pour laquelle il est payé L’employeur a payer le salarié C’est aussi pourquoi on envisage le « marché du travail » comme un équivalent des marchés de biens, càd reposant sur l’o re et la demande et dont le niveau d’équilibre est xé par le salaire Cela aboutit à la conception libérale classique Du travail comme bien marchand Du contrat de travail comme accord égalitaire entre un salarié et son employeur Du marché de travail comme lien d’équilibre entre une o re et une demande - ainsi, les théoriciens libéraux ont longtemps considéré que le chômage était « volontaire », càd qu’il découlait du refus des salariés d’adapter leur salaire en fonction de l’o re et de la demande. Néanmoins, les juristes, théoriciens, militants socialistes et chrétiens-sociaux ont contribué à faire évoluer cette conception du travail et du contrat de travail. Ils font reconnaitre juridiquement le fait que le contrat de travail, même s’il est conclu par des parties juridiquement égales, crée une relation de subordination dès sa ccl. Dès lors, le salarié est soumis à un devoir d’obéissance portant sur plusieurs points : Respect des horaires et de la disponibilité personnelle qu’implique le contrat de travail Respect des ordres et des objectifs xés par l’employeur Utilisation des outils et des moyens mis à disposition par l’employeur Réalisation personnelle des tâches e ectués (elles ne peuvent être sous-traitées) Respect du règlement intérieur de l’employeur Devoir de discrétion et de loyauté En raison de ces contraintes, le salarié se trouve dans une position de fragilité à l’égard de l’employeur et la loi doit donc le protéger suivant deux principes : En l’autorisant à ne pas appliquer des ordres qui seraient illégaux. En s’assurant que les conditions d’exécution du travail ne le mettent pas en danger. => c’est à partir de ces deux principes que le droit du travail et une grande part du droit social sont élaborés au XIXe siècle et au XXe siècle, systématiquement des usages plus anciens. Globalement, et à l’exception notable des Etats-Unis (e et de l’héritage de l’esclavage), tous les Etats modernes ont adopté des règles encadrant les contrats et les conditions de travail, puis protégeant les salariés dans et en-dehors du cadre professionnel : Lois sur les accidents du travail : attribuant par défaut la responsabilité de la réparation de ces accidents à l’employeur Lois sur la durée du travail - Limitation sévère du travail des enfants - Limitation du temps de travail des adolescents - Régulation du travail de nuit - Repos hebdomadaire - Journée de 8 heures - Congés payés Lois sur les interruptions du travail - Assurance chômage - Assurance maladie - Retraite des vieux travailleurs - Congé maternité et paternité Lois permettant aux salariés de défendre leurs intérêts - Reconnaissance du droit de coalition fi ff ff fi ff ff ff ff fi fi - Délégués ouvriers - Comités d’entreprise et délégués du personnel - Négociations paritaires sur les salaires, l’assurance maladie et la retraite C’est pour cette raison que Huberman et Lewchuck (2003) parlent de « contrat social européen » ou « European social compact » : tous les pays européens ont commencé à se doter de telles protections des travailleurs avant 1914. Cela a moins entraîné un renchérissement du travail que cela ne témoigne de l’approfondissement de la division du travail. Mais la contrepartie, c’est que cela n’est possible que si : La valeur du travail relativement au capital (foncier et immobilisé) est élevé La productivité du travail relativement aux autres pays est élevée Il n’est donc pas vrai qu’un régime concurrentiel bloque les « progrès sociaux ». Au contraire, ces progrès sociaux sont la condition nécessaire pour que les salariés acceptent le risque accru que représente une économie plus innovante et plus ouverte, et partant plus instable. Mais en sens inverse, il est clair que la notion de « travail libre » est ambiguë : La ccl du contrat de travail est libre L’exécution du contrat de travail crée une relation de subordination aux dépens du salarié La loi doit donc intervenir pour « équilibrer » la relation entre l’employé et l’employeur Un exemple contemporain de cette complexité : la « gig-economy » : les contrats Uber, Deliveroo, etc. qui transforment les travailleurs en sous-traitants (relation contractuelle) alors qu’il y a bien une subordination (relation salariale). Légende Chapitre 4 : Population et croissance économique La population, indice de la croissance La croissance est généralement abordée à travers la quantité de biens et de services produits, vendus et consommés. 3 déf du PIB : La somme des VA, ou production nette des consommations intermédiaires durant une année, estimée aux prix du marché, moins les exportations, plus les importations Les revenus nets des di érentes catégories (ménages, entreprises, État, étrangers, résidents) Les consommations nales des di érentes catégories (ménages, entreprises, État, résidents, étrangers) À quoi sert ces biens et ces services ? Cette richesse sert à « produire » des êtres humains et à les « conserver » en bonne santé. Donc le PIB peut aussi se mesurer par ses e ets : - La quantité de population - L’espérance de vie (à la naissance, à 20 ans, à 60 ans) de cette population Cette manière de procéder présente de nombreux avantages : - Plus les biais de mesure du PIB (production marchande, services publics…) - Les estimations de la populations et de ses variations sont plus faibles et sur une durée beaucoup plus longue que le PIB - Le problème du transfert du concept de PIB dans des sociétés non marchandes ne se pose pas - La santé et l’espérance de vie sont très bien corrélées à des éléments bien identi és : Santé foetale, santé de la mère, exposition aux agents pathogènes, apport alimentaire et protéique… - Santé et espérance de vie peuvent se mesurer post-mortem : stature, structure des os, dentition… Légende On voit en conséquence se succéder Trois révolutions techniques : La révolution du paléolithique supérieur : expansion spatiale, élevage, travail du bois et des peaux, textile et terre crue, sanctuaires collectifs sélection spontanée des espèces voisines de l’être humain, villages, navigations uviale et maritime La révolution néolithique : domestication volontaire d’espèces animales et végétales, céramiques, stockage et redistribution, métallurgie, urbanisation, hiérarchisation sociale fi ff ff ff fl fi La révolution industrielle : passage d’une économie « organique » à une économie « minérale » ou d’une économie conditionnée par les ux naturels à une économie conditionnée par les stocks (ressources naturelles ; stock de capital). Ainsi, ces trois révolutions techniques sont également : Des révolutions économiques Des révolutions démographiques Des révolutions sociales Mais ces progrès techniques, économiques, démographiques sont-ils des progrès pour les être humains eux-mêmes ? - Vivent-ils mieux ? - Vivent-ils plus longtemps ? - Sont-ils plus riches ? Accès à des biens et services en plus grande quantité Accès à des biens et services d’une plus grande variété La réponse est au mieux ambiguë, —> reprenons nos critères démographiques : - Le nombre d’êtres humains = la cause est spectaculaire en lien avec les trois « révolutions ». Et c’est d’ailleurs pour cela que ce sont des révolutions, et non pas parce que on a mit au point des « gadgets » Les fausses promesses de la croissance Légende Révolution néolithique et santé : Hausse considérable de la durée du travail : 4H à 10 ou 12H / jour Hausse sensible des maladies en lien avec la promiscuité d’animaux domestiques : Trichinose porcine Grippes aviaires Covid-19 Réduction de la variété du bol alimentaire : Apparitions des carences alimentaires : minéraux ; vitamines ; protéines Risques accrus d’atteinte parasitaire des végétaux : fl - Ergot des céréales, en particulier du seigle - Pullulation des larves, insectes, rongeurs… dans les récoltes - En contrepartie, insertion du chat dans l’économie humaine Augmentation des risques pour les mères à l’accouchement : la vie sédentaire aggraverait la rigidité du bassin et réduirait la musculature profonde. Aggravation des guerres (pillage des stocks) Constats : Réduction de la taille des êtres humains par rapport aux chasseurs-cueilleurs Réduction vraisemblable de la durée de vie par rapport aux chasseurs-cueilleurs Révolution industrielle et santé : Hausse considérable de la durée du travail : 10 ou 12h / jour 260j/an à 12 à 16h /jour 310J/ an et plus ; travail des enfants (usine, école) Hausse sensible des maladies en lien avec la promiscuité urbaine : choléra ; parasites (gales, poux, puces, punaises,…) Réduction de la qualité du bol alimentaire : céréales ra nées, sucre, alcool Augmentation de la mortalité infantile et maternelle. Ex : mortalité infantile : 250% dans les sociétés « néolithiques » 200% dans les sociétés traditionnelles 500% à Paris vers 1850 Aggravation des guerres : massacres entre nations L’explication : le « piège malthusien » Comment expliquer ce phénomène et comment comprendre que les êtres humains aient « accepté » les révolutions néolithique et industrielle dans ces conditions ? = la réponse tient en 3 points Le risque Ces deux révolutions proposent une solution nouvelle à un problème classique (abondance ordinaire, pénurie occasionnelle) : Ce problème est enfaite un problème d’assurance : combien serais-je prêt à payer pour réduire le risque de pénurie ? L’arbitrage de stockage : j’accepte qu’une autorité prélève une partie de ma production pour la stocker et me la rendre en cas de mauvaise récolte L’arbitrage saisonnier : j’accepte de perdre une part de l’abondance de la belle saison en échange de la certitude de traverser les saisons di ciles L’arbitrage de protection : j’accepte de perdre une part de ma liberté et de payer des taxes en échange d’une plus grande sécurité dans le temps (protection de mes champs et bestiaux) Évidemment ces arbitrages n’ont jamais été proposés tels quels, sous la forme de choix individuels et explicite, mais on comprend ainsi qu’il y avait quelque chose à gagner, des formes variées de sécurité La hiérarchie (les gagnants et les perdants) La recherche de sécurité pouvait favoriser l’apparition d’une autorité (stockage de grain ; protection des greniers ; pillage des voisins…) La hiérarchisation de la société, qui suit la division du travail, implique que les e ets des révolutions sont di érents selon les couches sociales. Or, en cas d’innovation, ce sont souvent les couches sociales : - Les plus favorisés qui ont le plus à y gagner : et elles commandent - Les plus défavorisées qui ont le plus à y perdre : et elles obéissent —> on le voit lorsque les innovations sont défavorables aux classes sociales dominantes : elles sont rejetées Hostilité du clergé catholique à la traduction de la Bible en langue vernaculaire Hostilité des élites françaises du XIXe siècle militaire universel et à la suppression du « remplacement » ff ffi ffi ff Le « piège malthusien » Mais le facteur principal échappe à la volonté des individus voire des sociétés, d’où son e cacité : il s’agit du « piège malthusien ». —> le principe, en a été posé par Robert Thomas Malthus dans son essai sur le principe de population, publié pour la première fois en 1798. Le modèle de Malthus de 1798 combine ainsi deux « forces » indépendantes, un peu comme dans le modèle de Newton : Une tendance permanente de la population humaine à augmenter Une capacité limitée du milieu à fournir une alimentation en quantité croissante Dès lors, il vient nécessairement un moment où la croissance de la population excède les capacités de croissance de la production alimentaire. La population humaine est donc limitée par un facteur exogène / écologique : la quantité de nourriture / de terres arables disponibles. > Ce facteur exogène est corrigé à la marge par deux facteurs endogènes : Le choix dans l’emploi des terres Le progrès techniques Mais le résultat inéluctable est le même : la population tend à croître jusqu’au point où la quantité de nourriture produite su t à peine à sa survie. L’humanité est condamnée à la misère, il n’y a pas de croissance de long terme possible pour tous. Dans ces conditions, toute innovation provoquant un progrès de la production (innovation technique, amélioration du climat, organisation publique), va entrainer à court terme une hausse du revenu disponible, càd de la production par tête (par habitant). Ce revenu disponible va permettre aux individus de vivre plus longtemps et aux enfants de naître et survivre plus nombreux. Au bout d’un certain délai, la production par tête ne progressant presque plus (les gains productifs de l’innovation ont été épuisés), le revenu par tête décroît avec la hausse de la population > À terme, le revenu par tête revient au niveau antérieur à l’innovation Le fonctionnement du modèle malthusien La population d’un territoire est à l’équilibre quand le taux de natalité est équivalent au taux de mortalité. Plus exactement, quand la reproduction nale des générations est équivalente au taux de mortalité. > Cet équilibre démographique correspond, dans un état stationnaire de l’économie, à un revenu/hbt déterminé, qui est également un revenu d’équilibre. —> En e et, en cas de modi cation de ce revenu d’équilibre du fait d’un choc externe (à la hausse : choc technologique, à la baisse : épidémie), les taux de natalité et de mortalité vont varier en sens inverse, entrainant : En cas de hausse de la production et/ou de baisse de la population : une hausse du revenu/ hbt En cas de baisse de la production et/ou de la hausse de la population : une baisse du revenu/hbt La hausse initiale du revenu/hbt entraîne une baisse du taux de mortalité, une hausse du taux de natalité et, peu à peu, le revenu/hbt converge vers sa valeur d’équilibre. La baisse initiale du revenu/hbt produit l’e et inverse. Il existe une « trappe a pauvreté » à laquelle l’humanité est globalement condamnée, puisqu’elle consomme toute hausse de la productivité par une hausse subséquente de la population ffi ff ff fi ffi fi Légende Légende Cela peut paraître très pessimiste, mais c’est exactement le sens que souhaitait donner à son modèle Malthus, qui était en désaccord de fond avec « l’optimisme des Lumières » à la Rousseau ou à la Goodwin càd avec l’idée que l’être humain est bon par nature mais que les institutions le corrompent. Mais c’est aussi la ccl, un peu forcée, à laquelle parviennent les historiens de l’économie qui tentent de comprendre comment les sociétés sont sortie de ce « piège malthusien ». Cette réponse à la sorite du piège malthusien lie Éducation, ou « capital humain » Révolution démographique Elle correspond à des modèles de croissance dites « endogènes », car ils visent à comprendre le changement économique, et pas seulement le fonctionnement économique d’un régime dont les traits essentiels sont stables. Les modèles classiques de la croissance économique, comme le modèle de Solow, laissent le progrès technique et donc les « révolutions » que nous avons vues (paléolithique supérieur, néolithique et industrielle) inexpliqués. Plus précisément, dans le modèle de Solow, le progrès technique est le « résidu », la part de la croissance que le modèle n’explique pas par les quantités de travail et de capital mises en oeuvre. De plus, dans ces modèles classiques, la croissance est asymptotique : elle tend vers un état stationnaire, càd de croissance « zéro » seuls des facteurs exogènes au modèle peuvent donc expliquer que la croissance se soit poursuivie. En n, dans ces modèles classiques, les pays à bas revenus « convergent » vers le niveau de vie des pays à haut revenu : les inégalités entre pays se réduisent. Ces modèles de croissances exogènes présentent donc des dé cits importants d’explication : - De la croissance (résidu) - Du passé (la longue durée de la croissance ; les révolutions techniques) - Des inégalités entre pays (qui font fortement augmenté depuis deux siècles) Les nouvelles théories de la croissance visent à répondre à ces dé s : à partir des années 1980, de nombreux économistes (Lucas, Mankiw, Romer, Acemoglu, Aghion et Howitt, Galor et Weil, etc…) ont tenté de mettre au point ces modèles de croissance endogène. À chaque fois, il s’agit nalement de comprendre comment le développement économique peut générer le progrès technique nécessaire à sa poursuite. Deux voies ont été explorées et combinées : Les facteurs du progrès technique et notamment ses conséquences sur les niveaux de développement des pays et dans les phénomènes de spécialisation économique Les facteurs de l’accumulation du captal humain et donc les conditions de formation de ce capital et les inégalités entre individus qui en découlent. On voit donc, qu’il s’agisse de technologie ou de capital humain, que l’enjeu des compétences de la population, de son éducation, de sa formation, est essentiel. fi fi fi fi Chapitre 5 : Éducation, alphabétisation et capital humain : une histoire économique de l’école Une brève histoire du capital humain Le capital humain est une notion qui remonte aux débats des Lumières, au XVIIIe siècle. Rôle de l’éducation dans une « République » : Formation au métier de citoyen, et donc éducation politique et militaire Éducation et répartition des fonctions sociales : éducation di érente pour les hommes, les femmes, les paysans… Éducation à la « vertu » républicaine (Montesquieu) Rousseau, Smith, Condorcet, Malthus, Godwin, JS Mill, Tocqueville contribuent ainsi, avec les pédagogues de l’époque à dé nir le cadre analytique du « capital humain ». Le capital humain n’est pas un stock que l’on pourrait choisir d’utiliser ou pas, voire remplacer s’il devient obsolète. Et ce pour trois raisons : 1. L’acquisition de capital humain est coûteuse en temps et en ressources, et d’autant plus coûteuse que : - Le contenue de ce capital est éloigné des normes, valeurs, connaissances de la société environnante (on n’apprend pas l’anglais facilement dans une société qui parle le japonais ou autre) que l’individu concerné est âgé : l’acquisition de capital humain est un processus cognitif, or le cerveau est beaucoup plus exible, malléable à un jeune âge qu’un âge élevé. 2. L’acquisition de capital humain est irréversible et produit des e ets irréversibles - L’alphabétisation produit des changements profonds dans la structure même du cerveau. Cela « améliore » certaines fonctions comme les capacités analytiques mais cela se fait au détriment d’autres fonctions, par exemple la reconnaissance faciale. Par conséquence, l’éducation, sans modi er les structures génétiques, altère les caractères biologiques. 3. Une fois un certain type de capital humain acquis, d’autres compétences deviennent impossibles à développer : - La plupart des individus formés à l’écriture alphabétique ne pourront jamais développer une capacité à la lecture des écritures idéographiques : les aires cérébrales étant très proches, les compétences sont exclusives. La quasi totalité des individus élevés dans un monde urbain ne pourront jamais développer une capacité olfactive élevée : les aires cérébrales passées un certain âge ont été utilisées à autre chose. - Comment se forme ce capital humain ? Il dépend de deux grands types de facteurs : Des facteurs individuels, qui renvoient aux capacités biologiques (espèces) et innées (individu) à acquérir tels types de compétences. Ces facteurs jouent, au sein des sociétés humaines, un rôle secondaire Des facteurs collectifs, qui renvoient aux normes est aux institutions de la société englobante : langue, valeurs, religion, structure sociale, structure familiale, secteurs économique, division du travail, conception de l’éducation… Ces facteurs jouent, au sein des sociétés humaines, un rôle crucial. fi fi fl ff ff Légende La formation d’une école nationale : l’exemple français L’école est donc l’institution clé, celle qui fait passer l’acquisition de capital humain des enfants et des jeunes : - De la famille à la société - De l’initiation à l’éducation L’école et la scolarisation ont constitué un enjeu politique et social centrale en France depuis le XVIIIe siècle, et plus particulièrement entre le concordat de 1802 et la grande crise de l’école libre en 1984. La Révolution fait de l’école un enjeu politique et électoral, qui accentue, à partir des années 1830, l’élection d’un nombre croissant de maires. Les grandes étapes de l’histoire de l’école au XIXe siècle sont peu nombreuses. > Elles s’inscrivent dans un quadruple contexte fondamental : La contestation croissante du monopole ecclésial sur la transmission et la légitimation des savoirs La répartition des charges et des responsabilités scolaires, entre familles, collectivités territoriales et modes de nancement (écolage/subventions) L’intervention de plus en plus forte de l’État au nom : - De la séparation de l’Église et l’État - De la formation des citoyens / soldats - Des besoins de quali cation d’une économie en pleine mutation - De l’uni cation nationale : réduction des patois des identités locales La séparation de l’éducation entre lles et garçons L’enquête lancée par Chaptal (chimiste et ministre) en 1801 révèle la médiocrité de la situation, malgré les progrès réalisés au XVIIIe siècle, tant en termes d’alphabétisation que de scolarisation. La Consulat créer en 1802 (loi du 1er mai) les distinctions modernes : Ecoles primaires : elles sont remises aux communes peu près Ecoles secondaires Lycées : à partir de 9 ans à condition de savoir lire et écrire Ecoles spéciales La séparation garçons lles imposée en 1794, va désormais être un obstacle à la scolarisation des lles, puisque cela renchérit les coûts d’éducation. Toutefois cette séparation est fréquemment tournée. Elle sera paradoxalement confortée par les lois Ferry. Après le Concordat de 1802 entre l’Église et l’État, l’in uence de l’Église sur l’alphabétisation et l’éducation se renforce progressivement puis s’accélère avec la restauration : Les frères des Écoles chrétiennes rouvrent les écoles fermées par la Révolution dès 1802 fi fi fi fi fi fi fl Les écoles religieuses sont reconnus en 1810 l’Église retrouve, à partir de 1808, son poids dans l’Université (1806) La restauration, notamment avec l’ordonnance royale du 28 février 1816, accentue cette in uence sous deux motifs : La reconnaissance du rôle de l’Église dans l’éducation de la nation La non-distinction entre éducation et éducation religieuse Mais cet alignement sur les positions ecclésiales déplait fortement aux libéraux qui arrivent au pouvoir en 1830 La révolution de juillet 1830 ouvre une période complexe en matière scolaire, jusqu’en 1875 : Les libéraux s’opposent au poids de l’Église, considérée comme une atteinte à l’autorité de l’État. Il ne s’agit pas de faire une école « sans » religion, mais de séparer la religion du reste à l’intérieur de l’école La question budgétaire est cruciale, aussi bien au niveau locale que central, et le souci de réduire les prélèvements scaux trouve sa contrepartie dans la modicité des budgets consacrés à l’éducation Les intentions, mêmes lorsqu’elles sont bonnes, se heurtent à l’absence de moyens publics de contrôle et de coercition Toutefois, la pression des parents, des employeurs et des philanthropes entraîne une nette progression de la scolarisation, appuyée par les évolutions législatives. Le ministre de l’instruction publique Victor Duruy (1863-1869) contribue au recul de l’in uence de l’Église et établit des termes du con it moderne entre école laïque et école religieuse : il écarte les congrégations des écoles publiques : seuls les instituteurs diplômés pourront y enseigner. Il développe la gratuité de l’instruction publique pour les pauvres. Il renforce le poids de l’inspection Écoles et révolution démographique Mais la scolarisation des lle reste entravée par des résistances sociales et par la réticence des communes à nancer deux écoles. Les familles tendent à privilégier les écoles publiques pour les garçons et les religieuses pour les lles. L’action de Duruy est étendue par les républicains à partir de 1879 et débouche sur le modèle français de l’école gratuite, laïque et obligatoire : Jules Ferry, ministre de l’instruction publique et des Beaux-arts à plusieurs reprises entre 1879 et 1883, président du Conseil en 1880-1881. Il est également un acteur majeur de la reprise de la conquête coloniale française. Ferdinand Buisson, directeur de l’enseignement primaire de 1879 à 1896. fl fl fi fi fi fi fl Légende La scolarisation de masse est donc un phénomène qui pour l’essentiel, date du XIXe siècle qui touche d’abord l’Europe du Nord-ouest et les Etats-unis (ces derniers étant pionnier en ce domaine). Parmi les pays non occidentaux qui on très tôt attaché une grande importance à l’école, gurant notamment : Les pays de culture confucéenne : Chine, Corée, Japon, Vietnam Dans une moindre mesure, les sociétés du « livre », càd héritières de la tradition biblique : société de culture juive ; sociétés musulmanes Dans les autres régions du monde, l’école comme institution est Soit absente, ex : Australie aborigène Soit réservé à une caste au sein de la population, ex : Inde du sud, Afrique occidentale L’impact de cette scolarisation des jeunes sur l’économie, sur la croissance > Nous avons vu que l’estimation de cette croissance, quand elle est ancienne, est très di cile. Il vaut mieux utiliser des indices démographiques : En quantité : taille de la population En qualité : santé de la population (Claudia Goldin, la santé est une des composantes du « capital humain ») or il se déroule au XVIIe-XXe siècle un phénomène étonnant Légende fi ffi On appelle ce phénomène la « révolution démographique » La révolution ou transition démographique est le processus historique qui fait passer une région ou un pays d’un régime démographique traditionnel à un régime démographique moderne Régime démographique traditionnel : - Mortalité forte et sujette à de fortes hausses (famines, épidémies) - Forte natalité et sujette à de fortes baisses (famines, épidémies) - Faible croit naturel (CBR-CDR) - Faible espérance de vie Régime démographique moderne : - Mortalité faible et relativement stable - Natalité faible et relativement stable - Faible croît naturel, voir négatif (Allemagne, Japon, Italie,…) - Forte esperance de vie Relation entre la scolarisation des jeunes et la révolution démographique : Deux hypothèses sont proposées : Celle de Galor and Weil et les variantes des économistes qui s’appuient sur des modèles malthusiens Celle de Jane Humphries et des historiens souhaitant fonder cette profonde transformation dans le comportement des individus Pour Galor and Weil (1999,2000), tout se résout dans un arbitrage entre « quantité » et « qualité » : Les parents ont des enfants en vue - D’augmenter leur revenu immédiat - De trouver une solution au problème de leurs vieux jours Ils doivent donc tenir compte de deux paramètres : - Le rapport entre le coût d’un enfant et le revenu qu’il procure à partir de 4,5 ou 6 ans - Le rapport entre le coût d’un enfant et la probabilité qu’il soit en mesure de subvenir aux besoins de ses parents lorsque ces derniers ne seront plus en mesure de travailler Dans un régime traditionnel : Les parents ont intérêt à avoir beaucoup d’enfants - «quantité » - La mortalité infantile est très élevée : un nombre important d’enfants n’atteindront pas l’âge d’être productifs - Le coût marginal d’un enfant est d’autant plus faible que la fratrie est étendue et donc que les enfants plus âgées peuvent contribuer à élever et nourrir le nouveau-né - Le principal facteur de production est le travail, de toute façon le rapport K/L ou intensité capitalistique est déjà très faible - Et en cas d’encombrement de la main d’oeuvre il est toujours possible d’émigrer (vente ou location des enfants : départ des jeunes adultes) Mais ils n’ont pas intérêt à investir dans leur formation - Il y a peu de capital productif, sa mise en oeuvre peut donc s’apprendre par imitation - Le progrès technique ne fait pas partie des solutions envisagées - La probabilité élevée de décès rend l’investissement risqué - Le supplément de revenu apporté par la formation est faible par rapport au coût de cette dernière, sauf éventuellement pour le cadet. Imaginons que le propres technique s’accélère : —> de nouvelles opportunités d’emploi apparaissent, dont le revenu relatif est plus élevé que dans les secteurs anciens. Mais l’accès à ces emplois implique un coût : La séparation entre enfants et parents (apprentissage) L’acquisition d’une formation initiale (école) => dans les deux cas les parents « perdent » le revenu généré par l’enfant, voire augmentent leurs dépenses d’éducation. Mais en contrepartie, ces emplois o rent à ceux qui y accèdent ff une probabilité plus élevée de béné cier d’un revenu stable quand leurs parents ne pourront plus subvenir à leurs propres besoins. Ainsi, le calcul du rendement de l’éducation évolue : le rendement anticipé d’un enfant augmente. Mais son coût anticipé aussi. La solution consiste à privilégier la « qualité » sur la « quantité » : Réduire le nombre d’enfants pour investir dans leur santé et leur éducation (capital humain), de manière à augmenter la probabilité d’un revenu plus élevé au prix d’une réduction de l’apprentissage par imitation et d’une hausse de la scolarisation. Légende Pour Jane Humphries (2006), c’est absurde: les parents, notamment dans les classes populaires et moyennes, ne sont jamais en position de « calculer » le rendement anticipé de leurs enfants. => Elle explique donc la baisse de la natalité et la transition démographique par un autre mécanisme : D’abord intervient l’urbanisation industrielle. Pour ces familles urbaines/industrielles, le coût des enfants s’élève pour deux raisons : - La distinction entre monde domestique et monde professionnel augmente le coût de garde des enfants, car pendant qu’ils sont gardés ils apprennent peu et ne produisent pas - Le coût du logement et de la nourriture progresse en même temps que le nombre d’enfants, car il n’y a ni espace disponible ni participation des enfants à la production de nourriture Donc si ces familles maintiennent un comportement démographique traditionnel : - Les enfants plus nombreux sont associés à une misère plus grande de la famille - Les enfants plus âgés qui peuvent travailler su samment pour se nourrir, voient les enfants plus jeunes mourrir La génération suivante choisit donc de réduire sa natalité (contraception) a n d’épargner cette misère à ses propres enfants Mais ici aussi l’école joue un rôle : elle permet de placer les enfants hors de la sphère domestique quand les parents travaillent, tout en leur apportant des compétences utiles sur le marché du travail : en particulier l’alphabétisation et la numération Toutes les études empiriques montrent un lien étroit entre scolarisation et transition démographique. Cela ne signi e pas que l’une « cause » l’autre mais qu’un minimum elles répondent à une transformation commune des conditions économiques et sociales. L’évolution fi fi ffi fi parallèle connue par tous les pays occidentaux, puis des pays qui les ont « rattrapé », quelles que soient leurs circonstances particulières, démontre la solidité de cette approche Or la transition démographique est inséparable de : La hausse de l’espérance de vie, de la santé De la hausse des niveaux de vie Chapitre 6 : L’agglomération comme facteur de croissance Depuis très longtemps (Henri Pirenne, 1893 sq, 1939), les historiens économistes associent l’urbanisation et le progrès intellectuel, technique et économique. Il est donc possible de proposer un autre schéma reliant population, progrès technique et croissance. Les variables à explorer sont alors : - Les villes et leurs caractéristiques - Les rapports ville-campagne - Les rapports entre villes Naissance et croissance des villes L’origine des villes : La naissance des villes est généralement attribuée à au moins l’un de ces trois facteurs : La politique, à travers la localisation du palais et du pouvoir d’un principe ou d’un gouvernement ainsi que de l’administration correspondante La religion, qui favorise le développement d’une concertation urbaine autour d’un sanctuaire Le commerce, la ville étant un « lien central », point de rencontre entre marchands forains, négociants, fabricants,… La religion seule ne su t pas : Olympie, Delphes, le Mont Saint-Michel, Ise au Japon, et même La Mecque qui compte aujourd’hui près de 2 millions d’habitants sont longtemps restées des villes de taille modeste ou très modeste et ce n’est qu’au XXe siècle qu’elles dépassent la barre des 50 000 habitants. Les villes apparaissent dans l’histoire humaine il y a environ 10 000 ans, car elles dépendent de trois conditions. —> 2 sont économiques : Il n’y a pas de phénomène urbain sans sédentarisation L’existence d’une ville implique une agriculture (élevage) su samment productive pour générer des surplus consommables par les urbains => cela explique que le taux d’urbanisation d’une région ne dépasse presque jamais 15% avant la « révolution agricole » néerlandaise du XVIe siècle (Bairoch, I, 1997, p.105). Mais de manière contre-intuitive, c’est bien dans les régions « urbanisées » que se déroule l’essentiel de la croissance démographique mondiale, car ce sont, par dé nition, les régions où l’agriculture est la plu productive Mais une condition fondamentale et sociale/culturelle st souvent négligée : en e et, si l’être humain est un « animal social », cette société se heurte à des limites : au-delà de 200 à 300 individus, les con its internes fragmentent les groupes humains, éméchant leur extension. Pour dépasser cette limite, il faut donc compléter les liens de parentèle qui fondent les solidarités claniques par des institutions qui créent des formes de solidarité plus abstraites, marquées par des rites, des hiérarchies, des sanctions… Ce sont les religions qui ont noué les premières ces caractéristiques sociales et morales, permettant de créer des solidarités par-delà les limites claniques. Mais le rôle des états est vite devenu fondamentale, dans la mesure où ils ne se contentent pas d’édicter des tabous ou des règles de comportements, mais qu’ils mettent en place les instruments pour les faire respecter : police, justice, sanctions. fl ffi ffi fi ff La croissance des villes : Ce sont pourtant plutôt la politique et le commerce qui ont motivé la naissance des plus grandes villes. Même si aucune des grandes villes du monde avant le XVe siècle ne se conçoit sans une fonction religieuse majeure : - Les fonctions politiques : correspondant aux fonctions de commandement, elles impliquent un mouvement simultané d’ordres et de représentants en provenance du « centre » et informations et de ressources collectées dans les territoires avoisinants puis centralisés = il s’agit donc d’une logique hiérarchique ou verticale - Les fonctions commerciales : découlent de la capacité à organiser et coordonner des circulations de ux commerciaux, industriels, nanciers et donc logistiques, le plus généralement autour d’axes de transports di érents (route, voie uviale, mer…) = il s’agit donc plutôt d’une logique réticulaire ou horizontale Évidemment, la politique n’est pas que hiérarchique, il y a aussi des délégués et représentant locaux. Tandis que le commerce donne également lieu à des phénomènes de commandement, notamment autour des marchés centraux et des centres nanciers. Cela explique deux caractéristiques majeures des grandes villes : Elles sont toutes situées sur des carrefours commerciaux. Elles y sont nées. Par leur poids démographique et commercial, elles sont contribué à renforcer l’importance de ces. Carrefours en y polarisant les ux commerciaux La plupart de ces carrefours sont « multimodaux », càd à la fois des ports uviaux, des ports maritimes et des centres routiers Légende fl ff fi fl fl fl fi Regardons les dix plus grandes villes du monde à di érentes époque Légende Vous constatez aisément trois choses : Les plus grandes villes se situent toutes en Eurasie jusqu’au XXe siècle. Même Mexico, la plus grande ville d’Amérique, n’atteint pas 500 000 habitants à son apogée, vers 1510. La seule exception majeure : les villes d’Égypte (Memphis, Alexandrie) qui ont fait partie des plus grandes villes du monde pendant des millénaires, mais ce sont autant des villes africaines que du croissant fertile. Jusque vers 1750, les villes d’Asie du sud et de l’Est (Inde, Chine, Japon) dominent le phénomène urbain. Entre 8000 ANE et 500, ce sont les villes du croissant fertile et de Méditerranée qui ont dominé. Après 500 et le déclin de Rome, seules Constantinople-Istanbul et Bagdad sont demeurées parmi les grandes villes mondiales, Tolède ne connaissant qu’un bref apogée. À partir de 1800, apparaît la domination des grandes villes européennes, puis américaines ff Les villes les plus grandes correspondent précisément aux régions du plus grand dynamisme économique Jusque vers 1750, l’Asie domine très largement le monde en termes de puissances économique Au XIXe siècle, et dans la première moitié du XXe siècle, les pays de population européenne (Europe, Amérique, Australie et Nouvelle-Zélande) exercent une domination presque sans partage Depuis les années 1980, la croissance urbaine asiatique réplique son développement économique Villes, populations et division du travail La démographie urbaine : Pourtant, cet avantage économique que tirent les villes de la concentration de la population est très ambigu : En Europe, jusque vers 1850, les villes sont des « mouroirs » : les taux de mortalité y sont beaucoup plus élevés que dans les campagnes Dans ces conditions, sans l’a ux perpétuel de migrants ruraux, la population des villes décroîtrait bien souvent Pourtant cet a ux se maintient et, après la Grande Peste de 1348, les villes européennes reprennent leur croissance, qui s’accélère à partir de 1750 Pourquoi ? 3 facteurs semblent jouer : Le di érentiel de mortalité est beaucoup plus élevé pour les jeunes enfants que pour les jeunes gens et les adultes. C’est aussi pourquoi les familles qui le peuvent placent dès que possible leurs nouveaux-nés en nourrice à la campagne. Malgré une mortalité plus élevée que pour les nouveaux-nés ruraux de milieux comparables, la mortalité reste plus faible que pour les nouveaux-nés restés en ville. Le di érentiel de revenus est très important et en particulier, jusqu’au XVIIe siècle, la ville o re la particularité de revenus monétaires, plutôt que de paiements en nature Les migrants n’ont pas toujours le choix car la ville o re du travail sans qu’il soit nécessaire de disposer d’une propriété (des terres agricoles) ainsi que des formations, artisanales ou intellectuelles, que l’on ne trouve pas ailleurs. Agglomération, densité et division du travail Pourquoi les villes ont-elles une telle capacité de développement et pourquoi concentrent-elles autant les richesses (et le pouvoir) ? Les raisons les plus évidentes, celles sur laquelle Adam Smith a le plus insisté et que l’on retrouve ensuite dans les travaux de Christaller, Von Thünen ou Marshall sont : La division du travail, d’abord La distance au marché, ou au centre, càd la rente de localisation En concentrant une multitude d’activités similaires sur un petit territoire, la ville maximise la proximité entre producteurs et consommateurs, exacerbe la concurrence et encourage donc : Une productivité plus élevée Une qualité plus élevée Des formes de compétitions ne reposant pas sur les prix mais sur l’innovation, la nouveauté, l’originalité Adam Smith donne trois explications de cette supériorité des villes : L’agriculture est moins sujette à la division du travail La densité de la population favorise la division du travail La division du travail augmente avec la taille du marché, laquelle dépend aussi des transports Ainsi, la caractéristique principale de la ville, c’est sa densité. Cette densité démographique, humaine, représente une bonne approximation de ce qu’o re la ville : des risques et des opportunités ff ff ff ffl ffl ff ff Risques : - Épidémie et parasites divers - Violences physiques et atteintes aux biens - Pollution, mauvaise hygiène, alimentation avariée ou carencée Opportunités : - Médecine (même si jusque vers 1850, on peut classer la médecine également dans les risques) - Emplois divers, carrière - Accès aux espèces monétaires - Acquisition de capital humain (apprentissage, formation, information,) C’est pourquoi la densité de la ville est plus importante que sa population totale Dans une ville peu dense, une bonne partie des habitants, voire la totalité, peut tirer ses ressources de la mise en culture d’un lopin de terre, d’un jardin Dans une ville dense, la population prise globalement doit nécessairement exporter ses produits pour importer les aliments dont elle a besoin : elle doit se spécialiser sur des productions urbaines, de qualité ou de technicité élevée, et surmonter la compétition d’autres villes. Amsterdam, Venise, Londres, mais aussi Istanbul, Tokyo ou Pékin correspondent à ce modèle de la ville dense. Densité, innovation et mémorisation Les fonctions cognitives des villes : La force des villes, c’est qu’elles servent de lieu de concentration et de transmission des savoirs : Savoirs sociaux, souvent informels ou peu conscients : - Les institutions et les rites qui permettent à la vie collective de dépasser les limites de la famille élargie, du clan - Les règles d’urbanité et de civilité Savoirs politiques : - Lois, règles et normes diverses ; instituions appliquant ces règles - Savoirs gouvernementaux et législatifs Savoirs économiques : - Savoir-faire artisanaux et industriels, pratiques artistiques - Connaissance des réseaux du négoce et des techniques d’échange ; institutions monétaires Comme l’écrivait déjà Adam Smith en 1776, cela s‘explique parce que le travail intellectuel, comme les autres activités, est soumis à la division du travail. Deux caractéristiques de l’essor scienti ques occidental, à partir du XVIe siècle, consistent dans : La subdivision croissante des domaines scienti ques distincts à partir de l’exemple des « sciences naturelles » La séparation croissante, énoncée notamment par Francis Bacon, entre savoirs religieux et savoirs scienti que, et systématique par Diderot et d’Alembert dans l’Encyclopédie, en 1751 En ce sens, cette séparation du religieux et du scienti que n’est pas seulement un phénomène idéologique, mais aussi une réponse à la pression exerce par la division du travail Modèle de Kremer : Surtout, l’innovation est corrélée positivement à la densité : une population plus dense signi e une plus forte tension sur les ressources donc une plus forte incitation à innover : « necessity is the mother of invention » (Ester Boserup, 1965). Si l’on admet que tous les être humains sont en moyenne égaux (qu’ils disposent des mêmes capacités cognitives et donc d’innovation), alors la seule façon d’augmenter l’innovation est d’augmenter la population humaine. —> mais une innovation est utile que si elle est appliquée, càd enregistrée transmise : et cela dépend à la fois de la taille de la population et de sa densité. En n, la densité de population fi fi fi fi fi fi favorise la division du travail, favorisant elle même la technicité. D’où les analyses de Michael Kremer en 1993, reprise depuis par des anthropologues. L’idée de Kremer, consiste donc à relier population et innovation. Évidemment, il est impossible de « mesurer » l’innovation pour des époques ancienne, càd avant l’invention du brevet moderne au XVIIe siècle. Sachant que la mesure de l’innovation à travers le nombre de brevets déposés est elle même très critiquée. Pour surmonter cette di culté, Kremer s’appuie sur les modèles de Malthus et de Boserup (qui est en fait le modèle 1803 de Malthus) : - La population croit en fonction de la quantité de resources disponibles. - L’innovation augmente la quantité de ressources disponibles - Donc avant la révolution démographique, la croissance de la population est une mesure indirecte de l’innovation. Il montre ainsi qu’il y a une relation plus que proportionnelle entre densité et innovation : Plus une population est dense, + elle croit rapidement et donc plus une région est peuplée, plus sa population augmente vite et plus elle innove ( gure 1) Par conséquent, lorsque la géographie favorise la densité (plaines et plateaux, réseaux uviaux), l’innovation est plus importante que lorsque la géographie fragmente la population (tableau 7) Légende fl ffi fi Il n’y a pas de croissance économique durable sans les villes : Elles sont un résultat de la croissance, puisqu’elles dépendent de surplus de production, notamment agricoles qui dépendent des progrès antérieurs de la productivité Elles sont un moteur de la croissance, car elles sont le lieu où se concentrent et se transmettent les savoirs qui alimentent l’innovation D’une certaine façon, la ville est le lieu où se nouent ce que nous avons vu jusqu’ici, à savoir les facteurs démographiques et sociaux de la croissance, es structures verticales du pouvoir et horizontales de l’échange et en n où est déterminé en dernier lieu le statut du travail, servie ou libre. Il y a donc un lien étroit entre les villes et le progrès technique. Mais qu’entend-on par progrès technique ? Pourquoi est-il important pour la croissance, pourquoi n’est-il pas réparti de manière homogène sur la planète ? Chapitre 7 : La notion de progrès technique et l’invention du brevet La croissance de la population, qui fournit la meilleure approximation de la croissance économique en longue durée, résulte principalement de progrès technologiques au sens large, càd d’innovations. Plus la population augmente, plus la probabilité que de nouvelles innovations émergent augmente. Plus la densité de la population augmente, plus la probabilité que ces innovations se di usent augmente. => cela crée une première incitation à la réduction de la croissance de la population : la densi cation urbaine entraîne des « déséconomies » alimentant la réduction de la natalité (coût de l’espace, congestion, pollution, absence de travail peu quali é pour les enfants). Mais plus les innovations jouent un rôle important, plus le capital humain, càd le travail quali é, joue un rôle important par rapport au travail non-quali é. Il s’agit de la deuxième incitation à la réduction de la natalité, car le coût des enfants (la somme du travail non réalisé et des coûts d’éducation) augmente fortement. Dé nir l’innovation Invention : = L’invention est la découverte d’un principe ou la formulation d’une idée nouvelle En simpli ant, il existe deux formes de l’invention : L’invention conceptuelle ou de découverte : tirée par la curiosité pour le monde, son fonctionnement, sans forcement de visée pratique. Par exemple, l’électricité ; les lunes de Jupiter… L’invention pratique : identi e et/ou résout un problème ou un dé. Par exemple le chronographe de Harrison ou la vis d’Archimède. Beaucoup de ces inventions pratiques n’ont en fait pas d’inventeur ou en tout cas pas d’inventeur connue. ==> on peut y inclure l’invention pat sérendipité comme les logarithmes, la découverte de l’Amérique ou encore la pénicilline : on « invente » quelque chose en cherchant autre chose De manière générale, l’invention de découverte aboutit à la formulation d’un principe gouvernant ou expliquant un phénomène naturel ou social (la main invisible) ou à la révélation par le raisonnement d’un phénomène jusque là inconnu, comme une nouvelle espèce animale ou une nouvelle planète. L’invention de découverte n’entraîne pas nécessairement une application directe ou immédiate, et peut même être « fausse », càd proposer une explication vraisemblable mais erronée du phénomène. De manière plus subtile, la découverte du principe de la gravitation universelle par Isaac Newton au début du XVIIe siècle a reposé sur une formulation qui n’est exacte qu’à des échelles planétaires. Sur des espaces plus vastes, la gravitation universelle newtonienne, qui combine distance et masse, doit être complète par les apports de la théorie relativiste d’Einstein. fi fi fi ff fi fi fi fi fi fi Mais ce sont ces principes qui ont permis la découverte de Neptune par le Verrier, con rmée peu après par les observations de Galle. De manière générale, on peut dire que les découvertes sont très rarement « vraies », sauf peut- être en maths, mais qu’elles permettent de formuler des énoncés plus exacts et plus précis sur un plus grand nombre d’objets. Toutefois, l’application d’une découverte à une action humaine concrète, technique ou sociale, est un processus très complexe. Ainsi, la capacité de vapeur d’eau à exercer une force mécanique a été découverte dès l’Antiquité, notamment en Egypte et très vraisemblablement en Inde, mais sans aucune conséquence pratique. Innovation : = l’innovation est la mise en oeuvre d’une pratique nouvelle, éventuellement en application d’une invention préexistante Les cinq formes de l’innovation selon J.Schumpeter : L’innovation de produit : introduction de biens et de services nouveaux, comme le caoutchouc volcanisé de Charles Goodyear. Il faudrait en distinguer l’innovation de principe : comme un nouveau principe dans un cadre connu, par exemple le moteur Diesel parmi les moteurs à combustion interne. L’innovation de ressource : la mise en usage de nouvelles ressources ou matières premières, comme le pétrole à partir de la n du XIXe siècle ou bien le grill de l’Antarctique L’innovation de procédé : la mise au point de nouvelles méthodes de production, par exemple le procédé Solvay de fabrication de la soude à partir de sel et de chaux L’innovation d’organisation : le chronométrage des tâches de Taylor L’innovation de débouché : l‘exploitation d’un nouveau marché, par exemple le marché européen pour les cotonnades indiennes au XVIIe siècle ou l’extension du marché de la BD au public adulte à partir des années 1970 en Europe. Le Manuel d’Oslo publié par l’OCDE en 2005 reprend largement cette approche : « La mise en oeuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du travail ou les relations extérieures ». Ce qui caractérise l’innovation c’est donc une visée économique : le but de l’innovateur est de modi er l’o re, de toucher ou de générer une demande, et ont de transformer l’état de l’économie. D’où une autre manière d’aborder l’innovation, non plus en se fondant sur ses caractéristiques propres mais en partant de ses e ets sur la société l’économie : L’innovation incrémentale : qui modi e (améliore) un produit/marché existant. exemple : le système anti-blocage sur les dispositifs de freinage des automobiles L’innovation adjacente : qui étend le domaine d’application d’une innovation antérieure. exemple : l’aspirine pour les a ections cardiaques L’innovation de rupture : qui fait émerger un segment de marché et donc une o re et une demande nouvelle. exemple : les automobiles neuves « premier prix » (Logan, Tata) dans les années 1990 L’innovation radicale : qui fait émerger un marché nouveau et génère une demande qui ne s’était pas manifestée directement jusque là exemple : l’iPhone est un exemple récent ; on peut aussi penser aux premières automobiles Innovations spéciales et innovations générales : Une autre manière d’aborder l’innovation est de distinguer : L’innovation spéciale fondée sur les « special purpose innovations (technologies) » : les innovations qui sont susceptibles d’un très grand nombre d’applications, à un très grand nombre de secteurs économiques ou de domaines de la vie sociale. fi ff ff ff