Fiche complète - Droit pénal - Droit français
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Ce document traite de la loi pénale française, en particulier du principe de légalité criminelle. Il explore les sources du principe, à la fois supranationales et nationales, et discute des conditions de clarté et de précision qui doivent imprégner les normes pénales pour garantir la prévisibilité du droit.
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PARTIE 1 : la loi pénale **Loi pénale** : préalable légale de toute infraction. Elle a plusieurs significations : - ***Sens large*** : ensemble des normes législatives ou règlementaire qui s'applique à la matière pénale - ***Sens strict ***: c'est celle votée par le Parlement. TITRE 1 :...
PARTIE 1 : la loi pénale **Loi pénale** : préalable légale de toute infraction. Elle a plusieurs significations : - ***Sens large*** : ensemble des normes législatives ou règlementaire qui s'applique à la matière pénale - ***Sens strict ***: c'est celle votée par le Parlement. TITRE 1 : les principes attenants à la loi pénale [Articles concernés] : 1^er^ titre du livre 1^er^ du CP qui contient 3 chapitres : les principes généraux, l'application de la loi dans le temps puis dans l'espace. Le principe essentiel qui va nous intéresser est celui de la **légalité criminelle** (chapitre 1). CHAPITRE 1 : la légalité criminelle **Principe de légalité criminelle** : sous l'AR, les juges avaient un fort pouvoir d'appréciation/créateur de droit = abus (ex : peine par analogie). **Montesquieu** et **Beccaria** ont défendu l\'idée que seule la loi doit déterminer incriminations et peines pour garantir la prévisibilité. Portalis : « Le législateur ne doit point frapper sans avertir. » 2 questions : comment identifier ce principe et quelle est sa signification réelle ? **[SECTION 1 : l'identification du principe de légalité]** I. **Les sources** Dès lors que ce principe est une [garantie essentielle de la liberté individuelle] (et un fondement), celui-ci est consacré dans des textes supranationaux et nationaux. A. **Les sources supranationales** 1. ***Textes internationaux*** Texte à portée universelle. Il en existe 2 : - La ***Déclaration universelle des droits de l'Homme (1948)***, à l'article 11 §2 : consacre le principe de légalité et de non-rétroactivité de la loi pénale - Le ***Pacte international relatif au droit civil et politique (1966),*** à l'article 15 §1 : consacre le principe de légalité et de non-rétroactivité de la loi pénale PB de ces textes : portée **déclarative**. Mais tel n'est pas le cas des textes européens. 2. ***Textes européens*** [Dualité] : droit du Conseil de l'Europe (ConvEDH) et droit de l'UE a. Le droit européen Consacré au sein de l'article 7 §1, CEDH. La CEDH, dans **l\'arrêt SW c/ RU (1995)**, a affirmé l\'importance du principe de légalité, essentiel à l\'article 7 de la Convention, pour garantir une protection effective contre les poursuites, condamnations, et sanctions arbitraires. b. Le droit de l'UE Consacré au sein de l'article 49 §1 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE (signé en 2001, entrée en vigueur en 2009) B. **Les sources nationales** a. Au niveau constitutionnel **Décision liberté d'association CC** : DDHC (1789), à l'article 5, 7, et 8 **Décision sécurité et liberté de 1981 du CC** : le CC a rappelé que l\'article 8 de la DDHC impose au législateur de définir les infractions de manière claire et précise pour éviter l\'arbitraire. L\'article 34 alinéa 4 détermine le pouvoir législatif pour établir crimes, délits, et peines, tandis que l\'article 37 confie au pouvoir réglementaire les domaines non couverts par l\'article 34, faisant des contraventions des actes réglementaires. b. Au niveau légal ***Art 111-2 du CP*** : indique par une formule positive la répartition des compétences entre le pouvoir L et R = transposition des art 34 et 37 de la Constitution. ***Art 111-3 du CP*** : formule de manière négative le principe de légalité = nul ne peut être puni pour un délit/crime dont les éléments ne sont pas déterminés par la loi (ou règlement pour les contraventions). Article rappelant dualité de fond (législateur/pouv règlementaire), et la dualité au sein même de la norme pénale (l'infraction/la peine encourue). II. **Les champs d'applications du principe de légalité** A. **L'application non-équivoque au droit substantiel** Légalité des peines : découle de l'adage latin « pas de crime, pas de peine sans loi ». S'applique à toutes les formes de DP, soit général et spécial B. **L'application équivoque au droit procédural** La doctrine diverge sur l\'application du principe de légalité en procédure pénale : certains auteurs estiment qu\'il ne s\'y applique pas, tandis que la doctrine majoritaire considère qu\'il a une **portée générale**, obligeant le législateur à établir des règles de procédure **claires et précises**. Le Conseil constitutionnel se concentre plutôt sur la nécessité de prévenir l\'arbitraire dans la prononciation des peines et d\'éviter des rigueurs inutiles dans la recherche des infractions (**décision 2006**). **[SECTION 2 : la signification du principe de légalité]** C'est la prévisibilité de la loi. L'incrimination et la sanction doivent être prévisibles pour le justiciable, exigence s'imposant : - Au législateur premièrement - Au juge secondement I. **Le contenu du principe de légalité** Principe s'imposant au législateur, et plus généralement à l'égard du pouvoir qui est habilité à créer la norme pénale (= pouvoir L et R). Au stade l'édiction de la norme pénale, le principe de légalité à 2 exigences : - ***La légalité formelle*** : Il faut qu'un texte prévoit l'incrimination (A) - ***La légalité matérielle*** : Il faut que ce texte soit suffisamment clair et précis (B) A. **[La légalité formelle]** a. *[La conception originelle]* : signifie que toute infraction doit être crée par la loi. b. *[La conception moderne]* : conception élargie de la légalité criminelle 1. ***La conception interne*** Le texte d'incrimination est la loi pour les crimes et délits, et les règlements pour les contraventions. Il doit être publié au JORF pour être connu des citoyens. **Arrêt Ccass, 16 janvier 2001** : la cour a annulé une condamnation fondée sur une circulaire, rappelant que, selon l\'article 111-3 du CP, nul ne peut être puni sans définition législative des éléments. La coutume, source subsidiaire en droit pénal, peut être intégrée par le législateur pour modifier le champ d'incrimination ou de responsabilité pénale, mais ne peut pas contredire la loi (= contra legen) 2. ***La conception européenne*** La CEDH interprète de manière **autonome** les termes de la Convention, notamment « loi » et « peine », sans être liée aux conceptions nationales. **Arrêt Sunday Times de 1979, CEDH** : elle a affirmé que le principe de légalité inclut le droit écrit et non écrit, précisant que la loi est le texte en vigueur interprété par les juridictions (principe de **textualité**). La CEDH s\'applique également aux États utilisant des systèmes de droits non écrits (Common Law) et adopte une interprétation plus extensive. Dans **l\'arrêt Cantoni de 1993**, la CEDH a indiqué que le droit mentionné à l\'article 7 comprend le droit législatif et jurisprudentiel. Chaque peine doit avoir une base juridique antérieure au comportement, et le texte doit être clair et précis, respectant le principe de légalité. B. **La légalité matérielle** 1. ***Les exigences de la légalité matérielle*** Pour que le principe de légalité soit une véritable garantie, il faut que la norme soit rédigée en des termes **clairs et précis** = exigence d'ordre qualitative. Il faut qu'elle soit claire et précises pour qu'elle soit **accessible** et **prévisible** pour le justiciable Double exigence posée par la JP euro et du CC a. *[Les exigences constitutionnelles]* Le CC a souvent souligné l\'exigence pour le législateur de rédiger des infractions claires et précises, comme dans la **décision Sécurité et liberté de 1981**. Cette exigence a été réaffirmée, le CC n\'hésitant pas à abroger les dispositions insuffisantes. Dans la **décision QPC du 16 septembre 2011**, le CC a abrogé l\'article 232-31-1 sur les viols et agressions sexuelles incestueux, jugé trop flou pour permettre aux justiciables de comprendre les comportements punissables, en violation de l\'article 8 de la DDHC. Le CC a rappelé que le législateur avait une certaine liberté dans la qualification pénale des comportements sexuels incestueux, mais celle-ci devait respecter les conditions de la DDHC. Il a critiqué l\'absence de définition précise des membres de la famille. La loi du 14 mars 2016 a réintroduit un texte sans mentionner les membres de la famille, en listant les hypothèses caractérisant les viols ou agressions incestueux. Cette loi a permis de sanctionner uniquement les viols et agressions incestueux sur mineurs, suivie de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles, puis remplacée par la loi du 21 avril 2021, comprenant les articles 222-22-3 et 222-23-2. b. *[Les exigences européennes]* La CEDH impose des exigences de clarté et de précision pour garantir l\'accessibilité et la prévisibilité du droit. Dans ***Kokkinakis c/Grèce* (1993)**, la Cour a précisé que toute infraction doit être clairement définie (selon art 7§1 de la CEDH), permettant aux individus de comprendre ce qui engage leur responsabilité. Dans ***Kafkaris c/Chypre* (2008)**, la CEDH a constaté une violation du principe de légalité en raison de la rédaction floue des lois, qui ne permettait pas au requérant de discerner la portée de la peine de prison à perpétuité. De son côté, la JP de la CJUE considère que le principe de légalité est un corolaire du **principe de sécurité juridique**, qui implique prévisibilité et stabilité des situations juridiques. Ce principe de sécurité est reconnu comme un principe général du droit de l\'Union, comme l\'a affirmé l\'arrêt du 13 juillet 2011 dans **l\'affaire Schindler Holding c/ Commission européenne** 2. ***Les limites de la légalité matérielle*** Principe s'imposant au législateur, mais 4 limites à ce principe : - Le caractère général de la loi - Le caractère technique de la loi - Les incriminations par renvoi - L'inflation et l'instabilité législative a. *[Le caractère général de la loi]* La loi est par nature générale, ce qui implique que la précision du texte ne peut être absolue. Il est donc admis que le législateur utilise des expressions générales pour définir des infractions. Dans la **décision CC QPC du 30 septembre 2021**, concernant le 2^nd^ alinéa de l\'article 226-2-1 sur la captation et la diffusion d\'images à caractère sexuel, le requérant a contesté la clarté de la notion de \"caractère sexuel\" et des conditions d\'absence de consentement. Le CC a jugé que les termes étaient suffisamment clairs et précis pour éviter les abus arbitraires. De plus, la CEDH a estimé que le législateur français n\'avait pas violé l\'article 7 en définissant la notion de médicament de manière générale. b. *[Le caractère technique de la loi]* La CEDH a précisé que la prévisibilité de la répression peut nécessiter que la personne concernée s'adresse à un pro du droit, pour déterminer ce qui est autorisé de ce qui est interdit. Depuis quelques années, la Ccass tend à retenir la même motivation dans ces décisions, et la même solution : elle retient une conception souple du principe de légalité dans sa dimension matérielle. **Ex** : arrêt ch. Commerciale du 14 février 2024 La doctrine elle n'adhère pas à cette conception souple. c. *[Les incriminations par renvoi]* **Définition** : un texte fait référence à un autre texte. Il existe des renvois vers des textes réglementaires ou européens : - ***Exemple de renvoi vers des textes réglementaires*** : le texte sur les stupéfiants renvoie à un arrêté ministériel de 1990 qui établit une liste de plantes et substances classées comme stupéfiants. Le CP comprend plusieurs articles sanctionnant les stupéfiants, notamment les articles 222-34 à 43-1, qui traitent des infractions liées au trafic de stupéfiants (20 ans de prison), définissant les stupéfiants par renvoi au code de la santé publique. En 2011, la Ccass a refusé de transmettre une QPC au CC concernant les articles 222-37, 222-47 et le code de la santé publique, considérant que la question n'était pas sérieuse, la constitutionnalité de ces textes ne méconnaissant pas le principe de légalité des délits et des peines. - ***Exemple de renvoi vers des normes supranationales*** : l'article L218-11 du code de l'environnement renvoie à la convention Marpol. d. *[L'inflation et l'instabilité législative]* En principe, la loi pénale doit être **nécessaire**, c'est une **exigence constitutionnelle** (art. 8 DDHC), et c\'est au CC de veiller à son respect. Toutefois, le CC ne se prononce généralement pas sur la nécessité d\'édicter une loi pénale. Cette inflation des normes pénales s\'accompagne souvent d\'une qualité rédactionnelle médiocre, laissant au juge une large marge d\'appréciation, malgré le cadre strict imposé par le principe de légalité. II. **Le corolaire du principe de légalité** Les corolaires sont tournés non pas vers le législateur mais le juge. Le principe de légalité se traduit par une **restriction des pouvoirs du juge pénal** : - Tout pouvoir créateur d'une infraction ou d'une peine lui est refusé - En matière d'interprétation de la norme pénale, son pouvoir est encadré A. **L'interdiction du pouvoir créateur du juge pénal** **L\'article 111-3 du CP** consacre le principe de légalité, interdisant au juge pénal de créer une infraction ou peine non prévue par la loi (arrêt Ccass, 23 juin 1964). Le juge doit simplement vérifier la qualification juridique des faits en s\'assurant que les éléments constitutifs de l\'infraction sont réunis (arrêt 3 avril 2001). Le juge ne peut ni créer une nouvelle qualification pénale, ni modifier le champ d\'application d\'une norme. **Ex** : en ajoutant une condition non prévue. En cas de condamnation, le juge pénal doit nécessairement prononcer les peines **prévues** par le texte d'incrimination, dans les **limites légales** (quantum = max légal, mais pas de minimum légal), sans créer de nouvelles peines. Il ne peut pas appliquer des peines non prévues par la loi (article 111-3 du CP). [La Ccass, dans un arrêt du 29 mars 2023, a censuré une décision où :] - Une peine d\'un mois de prison avait été prononcée, contrairement à l\'article 132-19 du CP. - Une interdiction de territoire de 10 ans avait été infligée sans base légale pour cette infraction. [Le principe de légalité entraine donc :] - L'interdiction du pouvoir créateur du juge pénal - Un encadrement de son pouvoir d'interprétation B. **L'encadrement du pouvoir d'interprétation du juge pénal** Le pouvoir d\'interprétation de la loi pénale est strictement encadré par l\'article 111-4 du Code pénal, qui dispose que la loi pénale doit être interprétée strictement, garantissant ainsi le respect du principe de légalité. Toutefois, l\'application de cet article fait parfois l\'objet d\'une interprétation plus large : - **CC, décision 16 juillet 1996** : le principe de légalité impose de respecter la loi strictement pénale - **CEDH, arrêt Kokimakis c/Grèce, 1993** : la CEDH a souligné que l'article 7 consacre le principe de légalité des délits et des peines, et celui qui commande de ne pas appliquer la loi pénale de manière extensive au détriment de l'accusé, et notamment par analogie. 1. ***La reconnaissance du pouvoir interprétatif du juge pénal*** ***Interpréter le droit*** signifie dégager le sens d\'un texte juridique. ***Séparation des pouvoirs*** (art 16 de la DDHC) : elle assure la démocratie et protège les citoyens. Dans ce cadre, lorsque le législatif adopte une loi, le juge ne peut pas la modifier sous prétexte d\'interprétation. Seul le législateur peut adopter des lois interprétatives, étant l\'auteur du texte. Le juge doit rechercher le sens exact du texte pour l'appliquer correctement. Si le texte manque de clarté, il est obligé de l'interpréter, d\'où l'importance de la clarté des textes, notamment en droit pénal. Le juge ne peut refuser de juger sous peine de sanction (art. 434-7-1 du CP). Lorsque le texte est clair, le juge doit l\'interpréter dans le respect de l\'article 111-4 du CP, qui reconnaît au juge un pouvoir d\'interprétation. **Exemple** : L\'article 221-6 du CP réprime les homicides involontaires. Dans un arrêt du 29 juin 2001, la Ccass considère que l\'homicide involontaire ne s\'applique pas à l\'enfant à naître, en raison de l'interprétation stricte de la loi pénale. Cette position a été validée par la CEDH (**arrêt Vo c. France**). La Cour considère que l\'absence de poursuites pénales pour la mort d\'un enfant à naître [n'est pas une violation de l'article 2] de la CEDH. Le juge pénal ne peut pas interpréter l'article 221-6 de manière extensive, faute de norme incriminant expressément la perte d'un enfant à naître en dehors de l'intentionnalité. Enfin, l\'interprétation stricte ne signifie pas que le juge doit choisir l'interprétation la plus restrictive, mais qu'il doit éviter une extension injustifiée de la loi. 2. ***Les méthodes interprétatives du juge pénal*** a. *[La prohibition de l'interprétation par analogie]* Le **principe d\'interprétation stricte de la loi** interdit l'interprétation par analogie, qui consiste à appliquer la loi à des comportements non visés mais similaires à ceux qu\'elle décrit. Cette interprétation est interdite car elle **risquerait d\'élargir indûment** le domaine du droit pénal, contrevenant au principe de légalité. L'interprétation par analogie ne respecte pas l'exigence de prévisibilité de la loi, comme l'a rappelé la ch. criminelle dans un arrêt du 5 septembre 2023. Elle a confirmé, en se référant à un arrêt de 1977, que l'article 111-4 du CP interdit au juge d'appliquer la loi pénale par analogie à des comportements non visés. Il arrive que le législateur omette de réprimer certains comportements similaires à ceux interdits. Dans ces cas, la JP refuse de combler ces lacunes par l\'interprétation analogique. **Ex** : arrêt du 24 juin 1987, la Cour d\'appel a jugé que l\'utilisation d\'un décodeur pirate ne constituait pas un vol, car les émissions reçues ne pouvaient être assimilées à une \"chose\". Une loi de 1986 est ensuite intervenue, mais elle n'était pas rétroactive. **Le juge ne doit pas combler les vides juridiques** mais laisser le législateur adopter de nouvelles dispositions. **[Exception à cette prohibition]** : l\'analogie in favorem L\'interprétation par analogie est admise lorsqu\'elle est **favorable à la personne poursuivie**. Ce type d\'analogie ne porte pas atteinte au principe de légalité et de prévisibilité. Ainsi, le juge peut interpréter largement les causes **d\'irresponsabilité pénale** et les **immunités**, sans compromettre les libertés individuelles. **Ex** : l'ancien article 64 du CP déclarait les personnes atteintes de démence irresponsables pénalement. Le juge a étendu cette cause d\'irresponsabilité par analogie à d\'autres infractions. De même, l\'ordre de l\'autorité légitime ou de la loi a été interprété par analogie pour justifier des infractions au-delà des cas prévus initialement (articles 327 et 328 du CP). b. *[Les méthodes interprétatives autorisées]* - ***L'interprétation littérale*** [Définition] : c'est ce qui découle de l'interprétation stricte de la loi pénale. Méthode qui impose au juge de s\'en tenir strictement à la lettre du texte, garantissant ainsi le respect du principe de légalité. Cependant, si un texte nécessite une interprétation, c\'est qu\'il manque de clarté. Par conséquent, l\'interprétation littérale ne peut pas être la seule approche permise par l\'article 111-4 du Code pénal. - ***L'interprétation téléologique*** [Définition] : vise à appliquer les régimes juridiques en fonction des objectifs poursuivis par la loi, en analysant les règles à la lumière de ces finalités. Lorsque l\'interprétation stricte d\'un texte pénal est incertaine, le juge peut rechercher les raisons qui ont motivé son adoption pour lui donner tout son effet. **Ex :** arrêt du 28 juin 2022, concernant le confinement lié au Covid, la question était de savoir si le lavage d\'un véhicule constituait une forme d\'entretien autorisée. La Ccass a jugé que le lavage était autorisé par le décret du 23 mars 2020, privilégiant une **interprétation littérale**. À l\'inverse, le tribunal de police avait adopté une **interprétation téléologique**, considérant que seul l\'entretien mécanique était visé. [L\'interprétation téléologique est utile pour :] - Éclaircir des textes flous - S\'adapter aux évolutions technologiques. Toutefois, une interprétation trop extensive peut frôler **l\'interprétation par analogie**, qui est interdite. **Ex :** arrêt du 30 septembre 2009, la Ccass a jugé que l\'envoi de SMS malveillants pouvait être assimilé aux appels malveillants (prcq dans les 2 cas le fait de recevoir un appel ou SMS émet un signal sonore, donc elle a assimilé les 2), bien que le texte ne mentionnât que les appels. Cette décision a conduit à une modification du Code pénal pour inclure explicitement les SMS. **Ex **: arrêt du 16 mars 2016, la Cour a décidé que la diffusion d\'images intimes réalisées avec consentement n\'était pas punissable, même si la diffusion s\'était faite sans accord. Cet arrêt a été critiqué, et la loi a ensuite été modifiée pour réprimer explicitement de tels comportements. **CONCLUSION** : Le principe de légalité encadre le rôle du juge pénal, mais ne l'empêche pas d'interpréter. Le législateur ne peut prévoir toutes les situations, ce qui confère une certaine marge au juge pour adapter la loi. 3. ***La doctrine de la Ccass*** Les juges de la Ccass qualifient parfois leurs décisions de « doctrine » = l\'ensemble de leurs interprétations évolutives en droit pénal (DP), incluant les revirements de JP. Cette doctrine peut être identifiée à travers les arrêts de la Ccass : - ***Arrêt de cassation*** : la doctrine s\'exprime dans le dernier paragraphe, souvent introduit par \"en se déterminant ainsi\" ou \"qu\'en statuant ainsi\". Ce paragraphe conclut généralement à une violation de la loi ou à un manque de base légale, ouvrant ainsi la voie à la cassation. - ***Arrêt de rejet*** : la Ccass valide le raisonnement des juges du fond. La doctrine se trouve dans l\'arrêt lui-même, où les faits, les moyens et la réponse de la Cour sont expliqués. Les arrêts de la Ccass sont classés avec des lettres indiquant leur type et leur portée doctrinale : B (= décision publiée au bulletin), P (= décision avec une forte portée doctrinale, souvent nouvelle ou marquant une évolution), R (= décision de grande portée doctrinale, analysée dans les rapports annuels), D (= arrêt d'espèce non publié), I (= arrêt diffusé en ligne pour le grand public) CHAPITRE 2 : l'application de la loi pénale Texte d'incrimination : nécessaire mais insuffisant pour condamner qlqn. Il doit être [bien appliqué]**.** Ainsi, l'application de la loi pénale dépend de 2 principes : \- Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère (SECTION 1) \- Le principe de territorialité de la loi pénale (SECTION 2) **[SECTION PRELIMINAIRE : la validité de la loi pénale]** Pour déterminer si un texte est régulier, on peut se référer à la théorie de la **hiérarchie des normes de Kelsen**. L\'incrimination doit être en conformité avec les textes de valeur supérieure (lois, règlements, normes supralégales). Le respect de ces textes supérieurs est vérifié par des contrôles effectués par le juge, le Conseil constitutionnel ou les cours européennes. La validité d\'une incrimination dépend donc de ces contrôles et de la capacité des justiciables à faire valoir leurs droits devant les juridictions. En contentieux pénal, il faut vérifier la validité du texte à la lumière de la hiérarchie des normes. I. **Le contrôle de légalité des actes admin** Les actes administratifs (AA) découlent de l\'article 37 de la Constitution. Certains contiennent des prescriptions, dont le non-respect constitue une infraction. **Exemple** : l\'article L225-5 du Code de la route prévoit que, lorsqu\'une personne perd tous ses points, elle doit remettre son permis au préfet. Refuser de le faire est puni de 2 ans de prison et 4 500 € d\'amende. Ainsi, certains actes administratifs, sans comporter directement d\'interdiction, entraînent des sanctions en cas de non-respect. Un **acte administratif unilatéral** (AAU) est un acte juridique adopté unilatéralement dans le cadre d\'une opération administrative, modifiant les droits et obligations des personnes concernées sans leur consentement. S\'il est adopté avec leur consentement, il s\'agit d\'un acte administratif contractuel (droit public des contrats). [En droit pénal, les AAU jouent un rôle important et se divisent en deux catégories :] - ***Actes administratifs individuels*** : ils appliquent une règle déjà établie à une ou plusieurs personnes spécifiques, produisant un effet juridique particulier (ex : injonction liée au permis de conduire). - ***Actes administratifs réglementaires*** : ils créent une nouvelle règle **générale** et **abstraite** applicable à un **ensemble** de personnes (**ex** : arrêté municipal interdisant le stationnement). Ces actes sont subordonnés aux lois et règlements, et doivent respecter la hiérarchie des normes, incluant les lois, règlements, traités internationaux, et la Constitution. L'appréciation de la **légalité d'un acte admin** relève en principe de la compétence des juridictions administratives = procédure de recours pour excès de pouvoir. Le contrôle de légalité est alors effectué par **voie d'action **: elle s'oppose à la voie d'exception : - ***Voie d'action*** : individu saisi le juge pour un recours pour excès de pouvoir afin de contester la légalité de l'acte admin concerné. Dans le contentieux pénale, ce recours ne présente pas de particularité. - ***Voie d'exception*** *Quand on a un AA qui sert de fondement à une poursuite pénale, est ce que le juge pénal peut interpréter cet AA, et s'il peut en contrôler la légalité ?* Il a été progressivement admis que les juridictions pénales sont compétentes pour contrôler les AA (A), selon certaines modalités de contrôle (B) A. **La reconnaissance du contrôle de légalité par les juridictions pénales** Le principe de séparation des pouvoirs interdit aux juridictions judiciaires d\'intervenir dans l\'action de l\'administration, relevant du pouvoir exécutif (**art. 13 de la loi des 16 et 24 août 1790**). Le **décret du 16 fructidor de l\'an III** interdit également aux juridictions judiciaires de contrôler la légalité des actes administratifs (AA). Cependant, dans un **arrêt du 3 août 1810**, la Chambre criminelle a reconnu une dérogation pour les juridictions pénales, leur octroyant le droit de contrôler la légalité des AA dès lors qu\'ils jouent un rôle dans un procès pénal. [Contrôle de la validité de l'AA par le juge pénal] : il peut se faire par voie d\'action (recours pour excès de pouvoir) ou par voie d\'exception, lorsque l\'AA est invoqué lors d\'un procès pénal. L\'exception d\'illégalité permet ainsi d\'éviter un renvoi devant le juge administratif. [L'interprétation des AA par le juge pénal :] le CP de 1810 était silencieux, mais la Chambre criminelle a reconnu cette compétence dans l\'arrêt du 3 août 1810. La question a donné lieu à une controverse jurisprudentielle dans les années 1950-1970, avec plusieurs arrêts marquants : - **TC, Abranche Desmarets, 5 juillet 1951** - **Ch. Criminelle, Dame Leroux, 21 décembre 1961** - **2 arrêts du 1er juin 1967, Dame Canivet, Dame Moret.** [Il existait des désaccords entre le Tribunal des conflits (TC) et la Cour de cassation (Ccass) concernant :] - ***L'objet du contrôle*** : Pour le TC, le contrôle devait porter uniquement sur les actes règlementaires. La Chambre criminelle, quant à elle, considérait que cela devait inclure les actes règlementaires et individuels. - ***Le domaine du contrôle*** : La Chambre criminelle limitait le contrôle aux actes qui fondaient les poursuites, tandis que le TC l\'étendait aux actes fondant les poursuites et aux actes administratifs (AA) invoqués comme moyen de défense. - ***L'étendue de la compétence*** : Selon la Chambre criminelle, le juge pénal ne pouvait contrôler que la légalité des AA. Pour le TC, le juge pénal devait pouvoir aussi interpréter les AA. Le CP pénal de 1992, entré en vigueur en 1994, a résolu cette controverse avec **l\'article 111-5,** qui dispose que les juridictions pénales sont compétentes pour **interpréter les AA**, qu\'ils soient **règlementaires ou individuels**, et pour en **apprécier la légalité** lorsque cela influence la solution du procès pénal. B. **Les modalités du contrôle de légalité** 1. ***L'étendue du contrôle effectué par le juge pénal*** [L\'article 111-5 du Code pénal utilise des termes très généraux, révélant deux points principaux :] - ***Plénitude de compétence*** : Le législateur consacre la compétence pleine du juge pénal, qui peut interpréter et contrôler la légalité des actes administratifs (AA), qu\'ils soient règlementaires ou individuels. - ***Condition de compétence*** : Le juge pénal n\'est compétent pour interpréter ou contrôler l\'AA que si la solution du procès pénal en dépend. Que l\'AA constitue le fondement des poursuites ou un moyen de défense, tant qu\'il influence l\'issue du procès, le juge pénal sera compétent. [Il existe 3 cas de figures :] - ***AA dont le non-respect est sanctionné pénalement*** (ex : injonction permis de conduire) - ***AA détermine l'application d'un texte répressif en caractérisant l'un de ces éléments constitutifs*** (ex : circulaire qui détermine les produits stupéfiants = caractérise l'infraction = JP compétent pour interpréter et contrôler légalité de cette circulaire/AA) - ***AA invoqué à titre de moyen de défense*** (ex : une autorisation préfectorale d'autorisation de terrain agricole, justifiant le comportement litigieux de la personne) La formulation de l\'article 111-5 est large, mais elle impose une limite au pouvoir du juge pénal : si l\'examen de la légalité de l\'acte n\'a aucune influence sur l\'issue du procès pénal, le juge pénal ne sera pas compétent pour interpréter ou contrôler la légalité de l\'acte administratif. 2. ***La nature du contrôle*** Concernant le contrôle de la régularité, l'art 11-5 du CP mentionne uniquement l'examen de la légalité de l'acte admin. toutefois, ce texte peut être interprété de manière plus large, car il permet également aux [juridictions pénales] de vérifier la constitutionnalité des actes administratifs. Admis par la jurisprudence, notamment via la Ccass, qui a jugé que le juge doit accueillir une exception d'illégalité lorsqu'elle concerne la conformité du règlement à la constitution. Limite : la [théorie de la loi écran] empêche le juge d'évaluer la conformité d'un règlement à la constitution si cela implique de vérifier la conformité de la loi elle-même à la constitution. [Motifs d'illégalité d'un acte administratif :] - ***Incompétence*** de l'autorité qui a pris le règlement. - ***Vice*** de forme (ex : absence de publication de l'acte admin) - ***Violation*** de la loi (violation de normes supérieures à l'acte attaqué) - ***Détournement*** de pouvoirs, lorsque l'administration utilise ses pouvoirs dans un but autre que celui prévu par la loi 3. ***Les effets du contrôle*** Quand le juge pénal déclare un acte admin contraire à la loi, il l'écarte pour le procès en cours, mais l'acte reste valide dans l'ordre juridique : sa décision a une [autorité relative] (effet inter partes) A l'inverse, le juge admin, en annulant un acte, lui retire toute validité juridique : sa décision a une [autorité absolue] (effet erga omnes), et l'acte disparaît de l'ordre juridique. II. **Le contrôle de conventionnalité de la norme pénale** Le juge est compétent pour contrôler la conformité d'une loi ou d'un règlement au droit international et européen, à la suite du refus **du CC dans sa décision IVG de 1975**. Le CC vérifie la conformité des traités à la constitution (art 54), mais pas celle des lois aux traités internationaux. [Ce contrôle par le juge a été admis dans :] - **Arrêt Jacques Vabre (1975) de la Ccass** - **Arrêt Niccolo (1989) du CE** A. **La conformité du droit de l'UE** Le traité de Lisbonne (2009) inclut le TUE et le TFUE, ce dernier contenant des dispositions sur le droit pénal, notamment : - ***Chapitre 4*** : coopération judiciaire en matière pénale - ***Chapitre 5*** : coopération policière L'UE peut donc être une source d'incrimination, notamment à travers l'art 83 du TFUE, qui permet d'établir des règles minimales sur les infractions et sanctions pour des crimes graves. Le droit de l'UE, étant de [valeur supra-légale], prime sur la norme pénale nationale, qui doit y être conforme [Principes clés du droit pénal de l'UE :] - Légalité des délits et des peines - Non-rétroactivité des lois plus sévères Les juridictions nationales doivent garantir la [primauté du droit de l'UE] : si une infraction pénale réprime un comportement autorisé par le droit de l'UE, le juge écarte la loi nationale, empêchant ainsi toute condamnation **Exemple** : arrêt du 23 juin 2021 -- dans une affaire liée à la vente de CBD, la Ccass a annulé une condamnation en se basant sur le droit de l'UE (art 34 et 36 TFUE), après que la CJUE avait reconnu la légalité de la commercialisation de CBD produit dans un autre état membre. Cet arrêt souligne l'influence du droit de l'UE sur le droit pénal français, avec le juge national compétent pour exercer un contrôle de conventionnalité. B. **La conformité au droit européen des droits de l'Homme** Le droit pénal doit être conforme aux décisions de la CourEDH, notamment aux articles de la CEDH tels que **l'article 6** (procès équitable), **l'article 7** (légalité des délits et des peines), et l'interdiction de la torture (**l'article 3**) ***Exemple 1** : esclavagisme (article 4 CEDH)* Dans **l'arrêt Siliadin contre France** (2005), la Cour a jugé que la FR violait l'art 4 car sa législation ne permettait pas de réprimer efficacement l'esclavage. Cela a conduit à une nouvelle condamnation (arrêt CM et V contre France, 2012) car toujours pas de création de disposition claire sur l'esclavagisme. En réponse, la loi du 5 août 2013 a introduit des incriminations contre l'esclavagisme (art 224-1 et suivants du CP) ***Exemple 2** : liberté d'expression (article 10 CEDH)* Dans **l'arrêt Éon contre France** (2013), la FR a été condamnée pour atteinte à la liberté d'expression après avoir sanctionné un individu pour offense au président. cette décision a mené à l'abrogation de l'infraction d'offense au président. Selon l'art 46 de la CEDH, les arrêts de la CourEDH ont une force obligatoire, souvent accompagnée d'une compensation financière pour la victime. Cependant, la Cour ne peut pas forcer un état à modifier sa loi mais en pratique, les états, comme la FR, ajustent souvent leur législation pour éviter des condamnations répétées. Depuis la loi du 15 juin 2000, un réexamen d'une décision pénale peut être demandé après une condamnation de la FR par la CourEDH La CourEDH n'intervient qu'en dernier recours, une fois tous les recours internes épuisés. III. **Le contrôle de constitutionnalité de la norme pénale** Le contrôle de constitutionnalité vise à vérifier si une loi est conforme aux dispositions constitutionnelles, notamment aux principes suivants (les plus importants) : - ***Principe de légalité*** et de ***non-rétroactivité*** des lois plus sévères + rétroactivité des lois plus douces (art 8 DDHC) - ***Liberté individuelle et interdiction des détentions arbitraires*** (art 66 C) - ***Nécessité et proportionnalité des peines*** (décision de 2011) - ***Personnalité de la responsabilité pénale*** (décision de 1999) - ***Individualisation des peines*** (décision de 2005) - ***Droit pénal des mineurs*** : primauté du relèvement éducatif sur la répression (décision de 2022) Le CC peut être saisi de 2 manières : - ***Art 61*** : contrôle a priori par 60 députés ou sénateurs. - ***Art 61-1*** : contrôle a posteriori via la QPC avec filtrage par la Ccass ou le CE La Ccass, lors de ce filtrage, évalue si la question est [nouvelle et sérieuse] : elle réalise donc un certain contrôle de constitutionnalité : elle ne pourra pas supprimer la loi mais jouera un rôle de filtrage essentiel **Exemple** : elle a refusé de renvoyer une QPC lorsqu'elle a estimé que la loi en cause ne violait pas le principe de légalité des délits et des peines, même si la définition des stupéfiants était fixée par voie réglementaire. **[SECTION 1 : l'application de la loi dans le temps]** 2 principes régissent l'application de la loi dans le temps : - ***Non-rétroactivité de la loi nouvelle :*** ce principe repose sur la sécurité juridique (art 2 du CP). Une loi ne s'applique que pour l'avenir, sauf exceptions (lois plus douces ou lois rétroactives par volonté du législateur). - ***Application immédiate de la nouvelle loi*** : la nouvelle loi s'applique immédiatement, y compris aux effets futurs de situations juridiques antérieures à son entrée en vigueur (sauf en matière contractuelle) Un conflit de lois dans le temps survient lorsque : - Les faits ont été commis sous une [loi ancienne]. - Les faits n'ont [pas encore fait l'objet d'une condamnation définitive] (sauf en cas de dépénalisation, où la peine cesse d'être exécutée, article 112-4) - Une [nouvelle loi est entrée en vigueur] après les faits. Pour résoudre ce conflit, il faut déterminer si la nouvelle loi est une [loi de fond] (substantielle) ou une [loi de forme] (procédurale). I. **L'application dans le temps des lois de fond** Le droit pénal de fond regroupe les règles visant à réprimer les comportements répréhensibles et à établir les conditions de la responsabilité pénale ainsi que les sanctions applicables : il se compose à la fois de règles spéciales et générales Considérées comme des [lois pénales de fond plus douces] : - Suppression de l'incrimination. - Définition plus restrictive des éléments constitutifs d'une infraction. - Suppression ou allégement d'une peine. - Création de causes d'irresponsabilité pénale. Considérées comme des [lois pénales de fond plus sévères] : - Création de nouvelles incriminations. - Définition plus large des éléments constitutifs d'une infraction. - Aggravation ou alourdissement d'une peine. - Suppression d'une cause d'irresponsabilité pénale. Conformément à l'art 112-1 du CP, 2 principes s'appliquent : - Non-rétroactivité des lois pénales plus sévères. - Rétroactivité des lois pénales plus douces. A. **Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère** Ce principe est un corollaire du principe de légalité, garantissant la [prévisibilité et l'accessibilité] de la loi pénale pour protéger les libertés individuelles. Il stipule qu'une loi plus sévère ne peut pas s'appliquer aux faits commis avant son entrée en vigueur, permettant ainsi au justiciable de connaître les conséquences de ses actes. [Article 112-1] du code pénal : - Seuls les faits constitutifs d'une infraction à la date de leur commission sont punissables. - Seules les peines applicables à cette date peuvent être prononcées. Ce principe est [constitutionnel], comme le montre l'art 8 de la DDHC et les décisions du CC (notamment celles du 9 janvier 1980 et de 2010). Il est également reconnu par l'art 7 de la CEDH et d'autres textes de valeur supra légale, tels que la DUDH et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. 1. ***La non-rétroactivité de l'incrimination*** = signifie que des faits ne peuvent être jugés selon une loi ultérieure **Exemple** : depuis 1981, la définition du viol a été élargie pour inclure tout acte de pénétration sexuelle entre deux individus, contrairement à la définition précédente qui ne tenait compte que des actes entre un homme et une femme 2. ***La non-rétroactivité de la peine*** Seules les peines légalement applicables à la date des faits peuvent être prononcées : ainsi, une nouvelle loi pénale ne s'applique qu'aux situations survenant après son entrée en vigueur 3. ***Cas particulier des mesures de sûreté*** Les mesures de sûreté, basées sur la dangerosité de l'individu plutôt que sur sa culpabilité, échappent généralement à la non-rétroactivité des lois plus sévères, car elles ne sont pas considérées comme des peines. **Exemple** : la Ccass a d'abord qualifié la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental de peine en janvier 2009, mais a ensuite reclassé cette sanction comme mesure de sûreté en décembre 2009, permettant son application immédiate après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Cette rétroactivité a été admise car l'art 8 de la DDHC ne concerne que les peines. Cependant, en 2008, le CC a établi une exception pour la rétention de sûreté, la qualifiant de mesure de sûreté non rétroactive en raison de sa gravité. Ainsi, il convient de distinguer les mesures de sûreté restrictives de liberté et les mesures de sûreté privatives de liberté : non rétroactives **Arrêt Berland c/ France, 2015, CEDH** : réaffirme caractère **préventif** des mesures de sûreté (mais refuse d'appliquer principe de non-rétroactivité des peines) CourEDH à plusieurs critères autonomes pour dire ce qu'est une peine selon art 7§1 : - L'imposition à la suite d'une condamnation. - La qualification en droit interne. - La nature et le but de la mesure. - Les procédures d'adoption et d'exécution. - La gravité de la mesure. Concernant la rétention de sûreté : - **Arrêt M c/All, 2016, CEDH** : c'est une peine - **Arrêt Ilnseher c/ALL, 2017** : cette détention n'est pas une peine en raison de son objectif de traitement d'un trouble mental, écartant donc le principe de non-rétro En droit pénal, ce principe est supra-légal, et le législateur ne peut y déroger. Les lois de validation sont interdites en matière pénale selon l'article 8 de la DDHC, et elles ne peuvent pas fonder rétroactivement des sanctions. [Il existe 4 exceptions au principe de non-rétroactivité en droit pénal :] a. ***[Lois interprétatives ]*** Def : elles clarifient le sens et la portée d'un texte existant, fournissant l'interprétation appropriée à un texte déjà en vigueur, ce qui leur confère un caractère rétroactif. Dans un [arrêt du 17 mars 2021], la Ccass a jugé que la loi du 3 août 2018 est interprétative et peut s'appliquer à des faits commis avant son entrée en vigueur. Cette loi précise, dans l'article 222-22-1 al 3 du CP, que la contrainte morale ou la surprise, lorsqu'elles concernent un mineur de 15 ans, sont caractérisées par l'abus de la vulnérabilité de la victime. b. ***[Lois déclaratives ]*** Les lois déclaratives constatent l'existence d'une règle préexistante **Exemple** : la loi du 16 décembre 1964 établit l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité. c. ***[Lois qui incriminent les atteintes aux valeurs reconnues par l'ensemble des nations]*** Cette exception, prévue par l'article 7§2 de la CEDH et l'article 15§2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, concerne des valeurs universellement reconnues, alignées sur les principes communs des grands systèmes juridiques contemporains d. ***[Revirements de jurisprudence ]*** La non-rétroactivité de la loi est affirmée par la législation, mais les revirements de jurisprudence peuvent affecter les justiciables. Dans un arrêt du 30 janvier 2002, la Ccass a jugé que ce principe ne s'applique pas à une simple interprétation jurisprudentielle, en l'absence de modification législative. La Cour a d'abord limité l'imputation des infractions aux résidents français, avant **d'étendre cette imputation aux non-résidents de manière rétroactive**, pour garantir une réponse pénale efficace. Ce revirement a entraîné des contentieux devant la CEDH, qui a admis cette rétroactivité sous conditions (arrêts CR c/RU et SW c/RU 1995). Cependant, dans **l'arrêt Pessino C/ FR (2006)**, la CEDH a jugé le revirement imprévisible lors des faits litigieux. B. **Le principe de rétroactivité des lois pénales plus douces** Le principe de rétroactivité in mitius, bien que non expressément mentionné dans la DDHC ou la CEDH, a été reconnu par le CC via l'article 8 de la DDHC, lui conférant une valeur constitutionnelle. Dans la décision **Sécurité et liberté (1981)**, le Conseil a affirmé qu'appliquer une loi plus douce rétroactivement : - Évite des peines inutiles - Reflète l'évolution législative. La CEDH n'inclut pas explicitement ce principe dans l'article 7§1, mais dans l'arrêt **Scoppola c. Italie (2009**), la Cour a admis l'existence d'un consensus pour appliquer une loi pénale plus favorable, une position confirmée dans l'arrêt **Parmak Bakir c. Turquie (2019)**. Une loi plus douce peut restreindre une infraction, supprimer des circonstances aggravantes, ou réduire une peine. L'article 112-4 alinéa 2 du CP prévoit que la peine cesse d'être exécutée si une nouvelle loi dépénalise l'acte en question. ️ En droit économique, le CC a nuancé le principe de rétroactivité in mitius (arrêt du 3 décembre 2010), admettant qu'il peut être écarté pour garantir la continuité de la réponse pénale, mais précisant que le remplacement d'une incrimination moins sévère ne doit pas être confondu avec une simple modification réglementaire. C. **Les difficultés liées aux lois mixtes** Une loi mixte contient : - Des dispositions qui durcissent les peines - Des dispositions qui les adoucissent = Dispositions hétérogènes (contrairement aux lois mixtes) [Il est important de savoir si une loi est divisible ou indivisible :] - ***Loi divisible*** : porte sur des domaines dissociables, s'appliquant à des personnes ou des faits différents. Dans ce cas, les dispositions peuvent être détachées et analysées séparément. **Exemple** : la loi Bérenger (1891) introduit le sursis, permettant au juge de prononcer des peines avec sursis, rendant la loi plus douce que l'ancienne. Cependant, elle crée aussi une petite récidive correctionnelle, ce qui alourdit la répression. Les 2 dispositions ont des objets distincts, ce qui rend la loi divisible - ***Loi indivisible*** : signifie que toutes les dispositions de la loi s'appliquent aux mêmes faits ou aux mêmes personnes. Elles sont donc liées. **Exemple** : si une loi augmente la peine pour un délit spécifique sans changer la qualification de ce délit, toutes les dispositions concernent la même infraction. Dans ce cas, on ne peut pas les séparer. Si loi mixte en jeu + indivisibles, 2 méthodes pour choisir entre application loi ancienne ou nouvelle : - ***Méthode de l'appréciation globale*** : consiste à regarder l'ensemble de la loi et à déterminer si, en général, elle est plus douce ou plus sévère. - ***Méthode de la disposition principale*** : on cherche à identifier la partie la plus importante ou "principale" de la loi. On regarde ensuite cette disposition pour savoir si la nouvelle loi est plus sévère ou plus douce (Ccass 1958 + 2011) **Hypothèse 1 : nouvelle loi portant sur l'incrimination et la sanction** - ***Incrimination élargie et sanction diminuée*** : Si la nouvelle loi élargit la définition d'un délit tout en réduisant les peines, il faut vérifier si les faits entrent dans cette nouvelle définition. Si oui, la loi est plus sévère (car le comportement est désormais puni), même si la peine est allégée. À l'inverse, si les faits étaient déjà punis et que la nouvelle sanction est moindre, la loi est plus douce. - ***Incrimination restreinte et sanction augmentée*** : Si la nouvelle loi limite la définition du délit (certains comportements ne sont plus punis) mais augmente les peines pour ceux restant punis, la loi est plus douce pour les comportements exclus. Si les comportements restent punis avec des sanctions plus lourdes, la loi est plus sévère. - **Hypothèse 2 : nouvelle loi portant uniquement sur les sanctions** - ***Nature de la sanction*** : On analyse si la loi modifie le type de sanction (contravention, délit, crime). - ***Quantité de la sanction*** : Si seul le montant de la peine change (par exemple, une amende augmentant de 500 à 1 000 €), on priorise le type de sanction. Par exemple, une peine de prison est généralement jugée plus sévère qu'une amende, même si l'amende augmente. Dans le cas où une loi ne modifie que les sanctions, la priorité est donnée à la nature de la sanction par rapport à son quantum (montant ou durée de la peine) : cela signifie qu'un changement de la nature de la sanction a plus d'importance qu'un simple ajustement de son niveau II. **L'application dans le temps des lois pénales de forme** Les lois de procédure pénale s'appliquent immédiatement aux infractions antérieures selon les articles 112-2 et 112-3 du CP. A. **Le domaine du principe de l'application immédiate de la loi** 1. ***Les lois de compétente et d'organisation judiciaire*** S'appliquent **immédiatement** tant qu'aucun jugement de fond n'a été rendu en 1^ère^ instance 2. ***Les lois fixant les modalités et formes de la procédure*** S'appliquent **immédiatement** sans exception 3. ***Les lois relatives au régime d'exécution et d'application des peines*** S'appliquent **immédiatement** SAUF si elles aggravent les peines déjà prononcées, auquel cas elles ne s'appliquent qu'aux faits commis après leur entrée en vigueur. [Avis du 22 septembre 2021] : la Ccass a statué que l'instauration du bracelet antirapprochement, qui vise à faciliter l'aménagement de peine sans aggraver la situation du condamné, est une disposition d'application immédiate 4. ***Les lois de prescription*** Les lois de prescription, qu'elles concernent la peine ou l'action publique, s'appliquent **immédiatement**, qu'elles soient favorables ou non au mis en cause. MAIS, elles ne s'appliquent pas si la prescription est déjà acquise 5. ***Les voies de recours*** Les lois sur les voies de recours se divisent en 2 catégories (art. 112-3) : - ***Lois sur l'exercice des voies de recours*** : elles s'appliquent immédiatement. - ***Lois sur la nature ou les cas d'ouverture des voies de recours*** : applicables uniquement aux recours contre des décisions rendues après leur entrée en vigueur. Ainsi, si une nouvelle loi modifie les voies de recours pendant le délai pour faire appel d'une décision, elle ne s'appliquera pas si la décision est antérieure à la nouvelle loi. B. **La limite au principe d'application immédiate de la nouvelle loi** L'art 112-4 fixe une limite au principe d'application immédiate : la nouvelle loi ne peut annuler les actes valides accomplis sous la loi ancienne. **Exemple** : si une perquisition a été réalisée selon les règles en vigueur à l'époque, elle ne peut être annulée à la suite d'une nouvelle loi introduisant des garanties supplémentaires, car elle respectait les exigences de la loi ancienne. **[SECTION 2 : l'application de la loi dans l'espace]** Les situations impliquant un élément d'extranéité (un Français commettant une infraction à l'étranger ou un étranger en France) soulèvent plusieurs questions : quelle loi s'applique (conflit de loi), quel juge est compétent (conflit de juridiction), quelle autorité pour les jugements étrangers (conflit d'autorité), et comment les états peuvent-ils coordonner leurs poursuites (entraide policière et judiciaire) ? I. **Les infractions commises sur le territoire français** A. **Le sens du principe de territorialité de la loi pénale** **Principe de territorialité** : la loi pénale s'applique uniquement aux infractions commises sur le territoire de la République, indépendamment de la nationalité de l'auteur. Ainsi, un étranger ayant commis une infraction en France peut être jugé ici, même s'il a déjà été condamné dans un autre pays pour les mêmes faits, car une condamnation étrangère n'a pas d'autorité positive en France, sauf disposition d'une convention internationale. Soulève des critiques vis-à-vis du [principe non bis in idem], qui stipule qu'une personne ne peut pas être jugée 2 fois pour les mêmes faits. De plus, ce principe implique qu'une infraction peut être jugée en France, même si elle n'est pas réprimée dans le pays d'origine de l'auteur **Exemple** : un Canadien consommant du cannabis en France peut être poursuivi et jugé, même si cette consommation est légale au Canada. B. **La mise en œuvre du principe de territorialité de la loi pénale** La mise en œuvre du principe de territorialité nécessite de localiser l'infraction, celle-ci est considérée comme localisée en France dans plusieurs cas : - Infraction [entièrement commise] en France (art 113-2 al 1) - Infraction commise à bord d'un [navire] ou d'un [avion] français - [Fait constitutif] accompli sur le territoire français (art 113-2 al 2) - [Complicité] d'infraction sur le territoire français (art 113-5) - Infractions [connexes ou indivisibles] commises en France Les infractions **connexes** sont celles : - Comprises par une entente préalable. - Pour lesquelles l'une est commise pour faciliter ou se procurer les moyens de commettre les autres. - Concernant le recel de biens obtenus par un crime ou un délit. Les infractions **indivisibles**, quant à elles, sont liées par une unité de causes ou d'intentions, de sorte qu'aucune ne peut exister sans l'autre. [Loi du 3 juin 2016] : a introduit l'article 113-2-1, stipulant qu'une infraction réalisée via un réseau de télécommunication électronique est réputée avoir été commise sur le territoire français. II. **Les infractions commises hors du territoire français** Les articles 113-6 à 113-14 régissent les conflits de loi dans l'espace : en principe, la loi pénale française n'est pas applicable hors du territoire, car la souveraineté de l'état s'arrête aux frontières. Cependant, des poursuites peuvent être engagées pour des infractions commises à l'étranger si l'auteur se trouve sur le territoire français à un moment donné. 2 catégories : - ***Intérêt français*** : lorsque l'infraction porte atteinte aux intérêts de la France. - ***Responsabilité de la France*** : pour les crimes ou délits pour lesquels la France assume une certaine responsabilité. A. **La protection des intérêts français** Une infraction commise à l'étranger peur léser un intérêt français : - Soit parce que la victime est française (**compétence personnelle passive**) - Soit parce que c'est l'ordre public français qui est menacé (**compétence réelle**) 6. ***Compétence personnelle passive*** La compétence personnelle passive s'applique lorsque la [victime] de l'infraction est de nationalité française au moment des faits. Toutefois, certaines conditions doivent être remplies : - La victime doit être [directement touchée] par l'infraction - La loi française est [subsidiaire], c'est-à-dire qu'elle ne s'applique pas si la personne a été jugée définitivement à l'étranger et que la peine a été purgée ou prescrite (art 113-9) 7. ***Compétence réelle*** La compétence réelle s'applique en cas d'atteinte à **l'ordre public** français : la loi pénale est alors applicable aux auteurs ou complices, qu'ils soient français ou étrangers, lorsqu'ils ont commis des infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation, comme la falsification ou l'espionnage B. **La responsabilité internationale de la France** 1. ***La compétence personnelle active*** La loi française s'applique aux infractions commises à l'étranger par des Français, sauf si l'auteur a déjà été jugé à l'étranger (art 113-6) Ce principe compte pour tous les crimes, mais pour les délits, la compétence française dépend de la **réciprocité de l'incrimination** : l'infraction doit être punissable à la fois en France et dans le pays étranger. Cette réciprocité est flexible dans la définition des infractions (ex : viol) Cette compétence ne s'applique qu'aux Français, pas aux étrangers ayant commis des infractions à l'étranger. Attention, certaines infractions, comme celles contre des mineurs ou portant atteinte aux finances de l'UE, peuvent être poursuivies en France même sans incrimination équivalente dans le pays étranger 2. ***La compétence universelle*** Le juge français est compétent indépendamment de la nationalité de l'auteur ou de la victime, à condition que le suspect soit arrêté en France et ne bénéficie pas d'une immunité pénale. Compétence validée par la CourEDH (**arrêt Ould Dah contre France, 2009**) Elle s'applique : - En cas de violation du droit international, - Lorsque la France refuse d'extrader un suspect, - Pour des infractions commises à bord d'un aéronef. TITRE 2 : L'incrimination **L'incrimination** englobe 2 dimensions : - L'action [d'enfreindre une règle] - [L'interdiction définie] dans un texte de loi Incriminer revient à imputer une faute ou mettre en cause une personne. Pour engager la responsabilité pénale, il est nécessaire de qualifier juridiquement le comportement de l'individu ainsi que les faits CHAPITRE 1 : LA QUALIFICATION DES FAITS **[SECTION 1 : l'opération de qualification ]** **Définition** : consiste pour le juge pénal à relier les faits à un texte de loi en recherchant la qualification la plus appropriée. Cela implique que le juge ne s'appuie pas sur une **simple ressemblance** entre faits et incrimination, et que cette qualification est une **étape préalable** aux poursuites I. **Le choix des qualifications** 2 hypothèses : plusieurs infractions réalisés (A) ou un fait unique réalisé avec plusieurs qualifications (B) A. **Une pluralité de faits** **Concours réel d'infractions** : chaque fait donne lieu à une qualification pénale spécifique, et le juge les retient toutes car chaque acte distinct peut être qualifié pénalement - **[Exemple 1]** : Kevin vole un vélo, puis le jette dans le Rhin, endommageant ainsi le bien. Cela constitue 2 infractions distinctes : vol et détérioration de bien appartenant à autrui. - **[Exemple 2]** : Matéo impose une fellation, puis un mois plus tard, conduit à une vitesse excessive, tue un enfant, et incendie son véhicule. Il y a 4 infractions distinctes : viol, excès de vitesse, homicide involontaire, et incendie volontaire. Le concours d'infractions concerne des infractions commises avant qu'une personne ne soit condamnée définitivement pour l'une d'entre elles : un individu peut être jugé pour plusieurs infractions commises dans le même laps de temps avant qu'il ne reçoive sa 1^ère^ condamnation définitive. - **Exemple 1** : Kevin est jugé en une seule fois pour ses 2 infractions (vol et détérioration). Après ce procès, toutes nouvelles infractions qu'il pourrait commettre seront examinées comme un [nouveau] concours d'infractions - **Exemple 2** : Matéo est d'abord jugé pour le viol, puis ultérieurement pour les autres infractions. Malgré 2 procédures distinctes, ses infractions restent dans le même concours réel, car elles ont toutes eu lieu avant sa première condamnation définitive. S'il commet de nouveaux délits avant cette première condamnation, ces nouveaux faits s'ajouteront au concours d'infractions initial. Cependant, si Matéo commet des infractions [après] sa 1^ère^ condamnation définitive, cela constituera un [2^nd^] concours d'infractions B. **Le fait unique** 1. ***Qualification incompatible*** Une **incompatibilité** entre qualifications existe lorsque prouver les éléments constitutifs d'une infraction exclut automatiquement ceux d'une autre. En pratique, on commence par analyser les éléments constitutifs des infractions potentielles en lien avec les faits : c'est à ce moment-là que les qualifications incompatibles sont écartées **Exemple** : si une personne est morte, on examine les éléments pour voir s'il s'agit de meurtre, d'homicide involontaire...et on élimine les qualifications qui ne correspondent pas. a. ***[Incompatibilité de fait]*** **Définition** : se produit quand une infraction découle logiquement d'une autre, de sorte qu'on ne retient que l'infraction initiale **Ex** : JP ne cumule pas vol et recel pour un voleur qui conserve l'objet volé, car il y a unité d'intention entre les 2 actes La Ccass a également jugé incompatibles les qualifications d'abus de confiance et de recel (arrêt 1971) ainsi que meurtre et recel de cadavre (arrêt 2010). ️ En revanche, elle ne considère pas comme incompatibles les qualifications de violence et omission de porter secours (arrêt 1981), ni celles d'enlèvement et de séquestration de mineur (arrêt 1979) b. ***[Incompatibilité de droit]*** Il existe 2 types d'incompatibilité de droit : - Lorsqu'une infraction couvre l'ensemble des faits tandis qu'une autre n'en couvre qu'une partie : on retient l'infraction qui ***englobe tous les faits*** - Lorsque les qualifications ***s'excluent réciproquement*** en raison d'un fait ou événement particulier (ex : il est impossible de qualifier un homicide à la fois de volontaire et involontaire en même temps) 2. ***Les qualifications compatibles (en conflit)*** a. ***[Conflit apparent d'infractions]*** Le conflit apparent de qualification se produit lorsque plusieurs qualifications semblent applicables, mais sont **redondantes** ou se **superposent** : il est impossible de les cumuler, car cela reviendrait à juger 2 fois la même personne pour un même fait, ce qui est interdit par le principe **non bis in idem** On retient donc 1 seule qualification. - **[Les qualifications redondantes :]** **Définition** : les qualifications redondantes surviennent lorsque deux textes distincts interdisent le même comportement, l'un de manière générale et l'autre dans un contexte particulier. Dans ce cas, la règle veut que le texte spécial prime sur le texte général. **Exemple 1 : Possession et usage de stupéfiants**\ La détention illicite de stupéfiants (10 ans de prison, 7 millions d'euros d'amende) et l'usage de stupéfiants (1 an de prison, 3 750 euros d'amende) sont redondants car les deux prohibent possession et usage. L'usage est une qualification spéciale incluant détention et consommation (arrêts du 16 septembre 2014 et 21 octobre 2015). **Exemple 2 : Agression sexuelle sur personne vulnérable**\ Le viol est aggravé s'il est commis sur un mineur de moins de 15 ans ou une personne vulnérable. Les mineurs étant présumés vulnérables, le texte spécifique sur le viol d'un mineur prime sur celui concernant les personnes vulnérables (arrêt du 4 février 1998). - **[Les qualifications superposées : ]** **Définition** : les qualifications superposées se produisent lorsqu'un même fait constitue à la fois un [élément d'une infraction] et une [circonstance aggravante] d'une autre infraction. Dans ces cas, on retient la qualification la plus **large** (l'élément constitutif) et on écarte la qualification partielle (la circonstance aggravante) **Exemple 1 : Viol et vol avec violence**\ Un homme viole une femme, puis lui vole son porte-monnaie. La violence, élément constitutif du viol, ne peut pas servir de circonstance aggravante pour le vol. La Cour a retenu le viol et le vol simple, sans l\'aggravation de violence (arrêt du 6 janvier 1999). **Exemple 2 : Assassinat et séquestration**\ Un homme prémédite un meurtre et séquestre la victime avant de passer à l\'acte. Le meurtre est inclus dans l'assassinat et sert aussi de circonstance aggravante pour la séquestration. On retient l'assassinat, qui englobe à la fois le meurtre + la séquestration, sans l\'aggravation du meurtre. On retient l'infraction la plus large et on exclut la circonstance aggravante qui est déjà incluse dans cette infraction b. ***[Conflit idéal de qualifications]*** **Définition** : conflit qui survient lorsque les faits ne peuvent être séparés matériellement, mais peuvent donner lieu à plusieurs qualifications pénales, sans qu'elles soient incompatibles, redondantes ou superposées. **Exemple 1 : Lancer de grenade**\ Un homme lance une grenade sur un bâtiment, causant des dégâts et blessant des personnes. Un même acte peut donner lieu à deux infractions : détérioration du bâtiment et tentative de meurtre. **Exemple 2 : Agression dans un parc**\ Un individu frotte son sexe nu contre une femme dans un parc. L\'acte peut être qualifié d\'agression sexuelle et d\'exhibition sexuelle. Les faits sont le même, mais plusieurs qualifications peuvent s'appliquer simultanément sans qu'elles se contredisent. - **[L'évolution jurisprudentielle (plus d'actualité) :]** Initialement, en 1953, la Cour de cassation appliquait le principe **non bis in idem**, interdisant qu'un même fait entraîne plusieurs qualifications.\ À partir de l'arrêt **Ben Haddadi** (1960), elle a admis des exceptions : un même fait atteignant plusieurs valeurs sociales pouvait recevoir plusieurs qualifications, la plus sévère étant retenue si les qualifications protégeaient la même valeur. **Exemple 1** : Si un même fait viole plusieurs valeurs sociales (ex. vol + agression), les deux qualifications s'appliquent.\ **Exemple 2** : L'agression sexuelle et l'exhibition touchant la même valeur, seule la plus grave est retenue. En 2016, un revirement s'est produit : - Si les faits relèvent d'une seule action avec une seule intention, une seule qualification est retenue. - Si plusieurs intentions sont prouvées, plusieurs qualifications sont possibles. - **[L'infléchissement de l'arrêt du 15 décembre 2021]** En 2021, la Ccass a changé sa position sur le principe **non bis in idem**. Avant 2021, elle disait qu'un même fait ne pouvait entraîner qu'une seule qualification. Maintenant, elle permet le **cumul** de qualifications, sauf dans certains cas. - Si les faits sont distincts, plusieurs qualifications peuvent être appliquées. - Si un seul fait peut être qualifié de plusieurs façons, on peut appliquer plusieurs qualifications, sauf si elles sont incompatibles, redondantes ou superposées. Dans ces cas-là, on ne garde qu'une seule qualification. **Exemple :** un notaire falsifie des documents pour détourner des fonds. Il peut être jugé pour escroquerie, faux et usage de faux, car ce sont des faits distincts qui peuvent être qualifiés séparément. DONC les faits distincts permettent plusieurs qualifications. Si un seul fait permet plusieurs qualifications, on les cumule, sauf s'il y a des incompatibilités ou redondances, auquel cas seule la qualification la plus appropriée est retenue II. **La détermination de la peine** A. **La qualification unique** 1. ***La nature de la peine*** Dans certains cas, la peine est inscrite dans le même article que l'infraction, mais parfois elle est séparée **Exemple** : pour le vol, l'incrimination est définie à l'art 311-1, tandis que la peine est précisée à l'art 311-3 Les 2 **peines principales** de référence sont l'emprisonnement et l'amende, mais le code pénal prévoit aussi des peines exceptionnelles comme le suivi socio-judiciaire et le travail d'intérêt général Les **peines alternatives** sont des peines de remplacement, prévues dans certains cas : elles peuvent être appliquées à la place ou en plus de l'emprisonnement ou de l'amende. Ces peines peuvent inclure des mesures comme la détention électronique à domicile, les travaux d'intérêt général ou des stages de sensibilisation. Elles peuvent se cumuler et être sanctionnées en cas de non-exécution (art 131-3) Les **peines complémentaires** (art 311-14) peuvent aussi être prononcées par le juge, mais elles ne sont pas obligatoires. 2. ***Le quantum de la peine*** a. ***[Aggravation de la peine]*** La peine peut être aggravée dans deux cas : **1ère hypothèse : infraction aggravée** L'infraction est aggravée par des circonstances spécifiques, par exemple, usage de stupéfiants causant un accident de la route. La loi prévoit les peines selon l'aggravation. Les circonstances aggravantes sont : - **Réelles** : liées à l'infraction (ex. arme, effraction, bande organisée). - **Personnelles** : liées à l'auteur (ex. relation avec la victime). - **Mixtes** : touchant à la fois l'infraction et l'auteur (ex. préméditation). Des circonstances aggravantes générales existent aussi, même sans mention légale spécifique (ex. motif discriminatoire, usage de cryptographie). **2ème hypothèse : récidive légale** Nouvelle infraction après une condamnation antérieure, révélant une dangerosité accrue (art. 132-8 et suivants CP). La récidive, différente des circonstances aggravantes, est considérée lors du choix de la peine et nécessite des preuves, souvent fournies par le casier judiciaire : - **Bulletin n°1** : fiche complète accessible aux autorités judiciaires (art. 774 CPP). - **Bulletin n°2** : fiche partielle accessible aux autorités administratives et certains organismes (art. 776 CPP). - **Bulletin n°3** : réservé à la personne concernée, mentionnant les peines de prison de 2 ans ou plus sans sursis. b. ***[Atténuation de la peine]*** L'atténuation de la peine peut être accordée selon le comportement de l'auteur ou son discernement, sous conditions spécifiques : **Atténuation liée au comportement**\ Elle s\'applique aux personnes qui rompent la loi du silence sans pouvoir empêcher l'infraction (ex. trafic de stupéfiants, enlèvement, vol -- art. 132-78 al. 2). Cette atténuation est possible seulement si la loi le prévoit. **Atténuation liée au discernement**\ En fonction du discernement, la peine peut être allégée pour les mineurs ou les personnes souffrant de troubles mentaux : - **Pour les mineurs :** - **13 à 16 ans** : Atténuation obligatoire (art. L121-5 du code de la justice pénale des mineurs), avec réduction de moitié des peines privatives de liberté, réclusion criminelle plafonnée à 20 ans, et amende limitée à 7 500 euros. - **16 à 18 ans** : Atténuation facultative (art. L121-7). La réduction de peine peut aller jusqu'à moitié, mais reste à l'appréciation du tribunal pour enfants ou de la cour d'assises des mineurs. - **Pour les personnes à discernement altéré**\ En cas de troubles psychiques affectant le discernement (loi du 15 août 2014), une réduction de peine d'un tiers est prévue pour les peines privatives de liberté, ou limitée à 30 ans pour la réclusion criminelle à perpétuité (art. 122-2). Toutefois, le tribunal peut refuser cette réduction par une décision motivée. c. ***[L'exemption de peine]*** L'exemption de peine (art 132-78) s'applique à ceux qui, après avoir tenté de commettre un crime ou un délit, préviennent les autorités, permettant ainsi **d'éviter l'infraction** et, parfois, d'identifier les complices Contrairement à l'atténuation de peine, où l'infraction a été consommée, l'exemption intervient quand l'infraction n'a pas été achevée, et donc aucun trouble à l'ordre public n'a été causé (ex : évasion, la fausse monnaie, le vol en bande organisée, blanchiment...) B. **La pluralité de qualifications** 3. ***Les principes*** Les principes d'application des peines se déclinent ainsi : **Cumul des peines** : - [Si peines de nature différente] : elles se cumulent (ex : amende et prison) - [Si peines de même nature] : il faut distinguer les cas selon le type de poursuite : Si [poursuite unique] : le juge prononce une seule peine, dans la limite du maximum légal le plus élevé pour l'infraction la plus grave (peine réputée commune aux infractions -- art 132-3) Si [poursuites séparées] : les peines s'exécutent cumulativement, toujours dans la limite du maximum légal le plus élevé (art 132-4) **️ atténuation par confusion des peines** (=cumul) : - [Confusion obligatoire] : lorsque l'une des peines atteint le maximum légal pour l'infraction la plus grave - [Confusion facultative] : lorsque la peine la plus lourde absorbe la plus légère, à la discrétion des juges, sans obligation de justification. **Exemple** : pour la réclusion criminelle à perpétuité, dans le cas de concours d'infractions, le maximum est limité à 30 ans. 4. ***Les exceptions*** Ces règles [s'appliquent uniquement au domaine pénal] et excluent les sanctions administratives, disciplinaires ou fiscales. En cas de réitération d'infractions, des limitations peuvent s\'appliquer aux règles de cumul et de confusion des peines. Les amendes contraventionnelles peuvent être cumulées entre elles et avec les peines des crimes ou délits en concours, mais uniquement en cas de pluralité de fautes. Si un seul comportement entraîne plusieurs dommages, les amendes pour contravention ne sont pas cumulables. **Exemple 1 :** Kevin, jugé pour vol et dégradation de biens dans le même procès, se voit prononcer la peine la plus lourde (emprisonnement). Pour les amendes, le montant total ne dépasse pas celui de l'infraction la plus grave. **Exemple 2 :** Mateo, jugé pour plusieurs infractions dans deux procédures distinctes, reçoit : - Une peine d'emprisonnement élevée pour le viol. - Une peine sévère pour l'incendie (10 ans), et des amendes pour les infractions mineures (excès de vitesse, homicide involontaire). Si la peine pour l'infraction la plus grave est très élevée, le juge peut confondre les peines, réduisant ainsi la durée totale de l'emprisonnement sans ajouter de nouvelles peines. **[SECTION 2 : les conséquences de la qualification]** I. **La classification fondée sur la gravité de l'infraction** Les infractions pénales sont classées en **3 catégories** selon leur gravité (art 111-1) La gravité est déterminée par la peine principale encourue, qu'il s'agisse de la durée maximale de la peine privative de liberté ou du montant maximum de l'amende que le juge peut prononcer A. **La distinction criminelle de la qualification** 1. ***La nature criminelle de la qualification*** Les peines principales encourues sont la **réclusion criminelle** (ou détention criminelle) : la réclusion s'applique aux infractions de droit commun et la détention s'applique aux infractions politiques L'art 131-1 édicte une échelle générale de gravité dans un **ordre décroissant** : - Soit une peine de réclusion criminelle à perpétuité - Soit une peine de réclusion criminelle de 30 années - Soit une peine de réclusion criminelle de 20 ans ou plus - Soit une peine de réclusion criminelle de 15 ans ou plus 2. ***La nature correctionnelle de la qualification*** En matière de délits, les 2 peines principales sont **l'emprisonnement** et **l'amende** Il existe également une échelle des peines d'emprisonnement pour les délits : - 10 ans d'emprisonnement - 7 ans d'emprisonnement - 5 ans d'emprisonnement - 3 ans d'emprisonnement - 2 ans d'emprisonnement - 1 an d'emprisonnement - 6 mois d'emprisonnement - 2 mois d'emprisonnement Pour l'amende, le montant minimum est fixé à 3 750 €. Dès qu'une infraction est sanctionnée par une peine d'emprisonnement ou une amende supérieure à ce montant, elle est considérée comme un délit. **Aucun maximum** légal n'est prévu pour les amendes. 3. ***La nature contraventionnelle de la qualification*** La peine principale est **l'amende** (art 131-13), et celle-ci varie selon la classe de la contravention, avec des maxima définis par l'échelle de gravité des contraventions. - 38 euros pour la 1ère classe - 150 euros pour la 2e classe - 450 euros pour la 3e classe - 750 euros pour la 4e classe - 1500 euros pour la 5e classe L'amende peut être réduite si elle est payée rapidement, ou bien augmentée en cas de récidive. Ainsi, toute infraction sanctionnée par une amende inférieure à 1500 euros est considérée comme une contravention. B. **L'intérêt de la distinction** En cas de plusieurs infractions de nature différente, c'est [l'infraction la plus grave] qui prévaut En **matière criminelle**, les juridictions compétentes sont les cours d'assises et les cours criminelles départementales. La personne poursuivie est [l'accusé], et l'acquittement ou la condamnation est prononcé par un [arrêt]. Le verdict, uniquement en cour d'assises, résulte des réponses aux questions des jurés. En **matière correctionnelle**, le tribunal correctionnel juge les infractions, la personne poursuivie étant le [prévenu]. La décision de non-culpabilité est une [relaxe] : idem devant le tribunal de police pour les **contraventions** Depuis la [réforme de 2017], les délais de prescription de l'action publique sont de 20 ans pour les crimes, 6 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions II. **La classification fondée sur la nature de l'infraction** A. **Les infractions militaires** 2 types d'infractions militaires : - ***Les infractions purement militaires*** : manquements aux devoirs militaires, souvent traités d'un POV admin (= sanctions disciplinaires). Certaines, comme la désertion ou la capitulation, relèvent du DP et ne peuvent être commises que par des militaires. - ***Les infractions militaires mixtes*** : concernent des infractions de droit commun commises par des militaires dans l'exercice de leurs fonctions, ou par des civils dans un contexte lié à l'activité militaire, comme le vol d'un blessé en zone de guerre Distinction importante car implique des règles spécifiques, notamment en matière d'organisation judiciaire (juridictions d'exception en temps de guerre) et de répression (comme la perte de grade pour les militaires) B. **Les infractions politiques** [3 types d'infractions politiques] : purement politiques, complexes, et connexes [En matière criminelle] : peine = détention criminelle (pas de réclusion criminelle) [En matière correctionnelle] : peine = similaires, l'auteur d'une infraction politique bénéficie d'un régime pénitentiaire toutefois plus clément. C. **Les infractions terroristes** Articles 421-1 à 422-7 : le terrorisme est défini comme des actes intentionnellement liés à une entreprise visant à troubler gravement l'ordre public par intimidation ou terreur. 5 catégories d'infractions terroristes : - Le terrorisme classique - Le terrorisme écologique - Le terrorisme par association de malfaiteurs - Le financement d'entreprises terroristes - Le fait de ne pas justifier de ses ressources financières Les peines pour ces infractions sont **plus sévères** que celles du droit commun, avec des sanctions aggravées et des règles de procédure dérogatoires **Exemple** : la garde à vue en matière de terrorisme peut durer jusqu'à 6 jours, contre 24 heures pour les infractions ordinaires D. **Les infractions dues à la criminalité organisée** Les infractions de droit commun, bien qu\'elles soient spécifiques, bénéficient de procédures particulières. L'article 706-73 du CPP énumère 19 catégories d\'infractions, comme le meurtre ou le vol en bande organisée, avec la circonstance aggravante de « bande organisée » étant mixte. Certaines infractions, telles que le proxénétisme ou le trafic de stupéfiants, ne nécessitent pas d'agir en groupe. Cependant, des procédures coercitives permettent des surveillances nationales, des infiltrations et l'accès aux correspondances électroniques, comme une garde à vue pouvant durer jusqu'à 96 heures. L\'infraction liée à la criminalité organisée détermine les règles procédurales. CHAPITRE 2 : LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L'INFRACTION Une infraction est constituée lorsque le fait correspond à un comportement spécifiquement incriminé par la loi. Les magistrats se concentrent sur 3 aspects : - ***Les conditions préalables*** sont des situations nécessaires pour réaliser l'infraction. Par exemple, la corruption de fonctionnaires nécessite la preuve de l'existence d'un fonctionnaire, et l'abus de confiance nécessite un contrat préalable. Si la condition préalable n'est pas prouvée, l'infraction ne peut être qualifiée. - ***Les faits constitutifs*** comprennent l'élément matériel (l'acte physique) et l'élément moral (l'intention). Le juge doit démontrer la présence de ces 2 éléments selon le principe de légalité criminelle - ***Les circonstances de l'infraction*** peuvent moduler la peine, en l'aggravant ou en l'atténuant. Ainsi, dans tous les cas, il est essentiel de prouver les éléments matériels et psychologiques pour qualifier l'infraction. **[SECTION 1 : l'élément matériel]** **L'élément matériel** est le comportement visible de l'auteur de l'infraction. Le CC a affirmé que la répression ne peut se fonder uniquement sur l'intention délictueuse, sans acte matériel, sous peine de violer le principe de nécessité des délits et des peines. [Il existe différentes classifications des éléments matériels :] - Par la **nature** de l'acte d'exécution - Par le **nombre** d'actes d'exécution - Par la **durée** de l'acte d'exécution I. **La classification fondée sur la nature de l'acte d'exécution** A. **Les infractions des commissions** **Déf** : désignent celles où la loi pénale incrimine un acte positif, cad un **comportement actif** Cela inclut des infractions telles que le vol, le meurtre ou le viol B. **Les infractions d'omissions** **Déf** : se caractérisent par **l'inaction**, cad le fait de ne pas accomplir une action requise par la loi Pour qu'une infraction d'omission soit constituée, il doit exister une obligation de faire qui n'a pas été respectée. Cette obligation peut être imposée par la loi, le règlement ou découler directement d'une infraction **Exemple** : le refus de porter secours (art 223-6) ou l'obligation de combattre un sinistre (art 223-7) sont des exemples d'infractions d'omission, où l'abstention est réprimée C. **Les infractions de commission par omission** Les **infractions de commission par omission** sont des situations où on considère qu'une personne a commis une infraction, même si elle n'a pas fait quelque chose = une **abstention** peut parfois être vue comme une **action**. Auparavant, on pensait qu'on pouvait parfois traiter une omission comme une commission MAIS avec l'évolution du droit et l'application du principe de légalité (la loi doit être claire et précise), cette assimilation a été abandonnée **Exemple** : dans l'affaire de la séquestrée de Poitiers, un neveu avait laissé sa tante mourir sans lui porter secours, mais la Cour d'appel de Poitiers a acquitté l'individu, soulignant que l'abstention ne pouvait être assimilée à un acte de commission. Le CP de 1992 a confirmé ce principe. Cependant, dans certains cas, la loi peut dire qu'une personne doit soit agir, soit s'abstenir de certains comportements **Exemple** : dans le cas du harcèlement moral au travail, une personne peut être coupable si elle fait une action (par exemple, des comportements répétés) ou si elle s'abstient d'agir (ex : en ne donnant pas de travail ou d'informations à une autre personne). Dans un jugement de 2013, la cour a considéré qu'un supérieur hiérarchique qui ne donnait pas de travail et privait un employé d'informations était coupable, tant pour ce qu'il n'avait pas fait que pour ce qu'il avait fait II. **La classification fondée sur le nombre d'actes d'exécution** A. **L'infraction simple** Une **infraction simple** est une infraction qui se compose d'un seul acte, qu'il soit positif (une action) ou négatif (une abstention) : il suffit donc d'un seul acte pour que l'infraction soit considérée comme réalisée **Exemple** : le vol (art 311-1), qui est constitué par la soustraction frauduleuse d'une chose appartenant à autrui OU la provocation au suicide (art 223-1), commise par une seule action de provocation B. **L'infraction d'habitude** Une **infraction d'habitude** se caractérise par la répétition d'actes identiques, pris individuellement, ces actes ne constituent pas à eux seuls une infraction, mais leur répétition permet de l'établir. Il faut au moins **2 actes** pour que l'infraction soit qualifiée d'habituelle **Exemples** : - L'exercice illégal de la profession de médecin, qui nécessite au moins 2 actes où une personne exerce la profession de médecin sans les diplômes requis - La célébration d'un mariage religieux avant le mariage civil - Les appels téléphoniques malveillants ou les menaces de mort (art 222-16 et 222-17), qui doivent être répétés pour constituer une infraction C. **Les infractions complexes** Une **infraction complexe** nécessite la réalisation de plusieurs actes d'exécution de nature différente pour être constituée. Autrement dit, l'infraction se compose d'au moins 2 actes distincts **Exemples** : - L'escroquerie (art 313-1) : implique à la fois des manœuvres frauduleuses et la remise d'une chose - L'extorsion (art 312-1) : implique des violences physiques ou morales, suivies de l'obtention d'une signature, d'une révélation de secret, ou de la remise de biens. Les intérêts de la distinction entre infraction complexe et simple sont multiples : - ***Prescription de l'action publique*** : le délai commence à courir à partir du dernier acte d'exécution - ***Application de la loi pénale dans le temps*** : si l'un des actes est commis après l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi, cette loi s'applique - ***Compétence territoriale*** : un acte commis sur le territoire français rend le juge compétent, peu importe le lieu où les autres actes ont eu lieu - ***Compétence des juridictions*** : en cas d'infraction complexe impliquant plusieurs juridictions, chacune est compétente si l'infraction a commencé dans son ressort III. **La classification fondée sur la durée de l'acte d'exécution** A. **L'infraction instantanée** **L'infraction instantanée** est celle qui se réalise en un instant, au cours d'un seul acte : elle est constituée dès que l'acte incriminé se produit. **Exemples** : - Le meurtre : infraction constituée au moment où la mort survient - Le vol, les violences et le viol : l'infraction est caractérisée dès que l'acte (la soustraction, l'agression ou l'agression sexuelle) est commis B. **L'infraction continue** **L'infraction continue** est celle dont l'acte délictueux se prolonge dans le temps, illustrant une volonté réitérée de l'auteur **Exemple** : le recel (art 321-1) perdure tant que la personne conserve le bien volé, et le port illégal de décoration (art 433-14) dure tant que l'individu porte illégalement cette décoration. [Intérêt de cette distinction :] - ***Prescription de l'action publique*** : pour les infractions continues, la prescription commence à courir à partir du jour où l'activité délictueuse cesse, et pour les infractions instantanées, la prescription commence le jour de la commission de l'infraction. - ***Application de la loi dans le temps et l'espace*** : même principe que pour la prescription, et la compétence territoriale s'applique si un acte a lieu sur le territoire FR (art 113-2) C. **Les infractions permanentes et les infractions continuées** Les **infractions permanentes** et **continuées** sont des catégories doctrinales qui n'ont pas de réelle distinction dans la loi et la jurisprudence - [Infraction permanente] : l'élément matériel se réalise en un instant, mais les effets de l'infraction se prolongent sans intervention supplémentaire de l'auteur **Exemple** : la bigamie est consommée au moment du deuxième mariage, bien que celui-ci dure dans le temps. De même, la construction d'un immeuble sans permis une infraction dont les effets sont permanents - [Infraction continuée] : plusieurs infractions instantanées (actes successifs) sont commises pour atteindre un même but, souvent au détriment d'une même victime **Exemple** : dissimulation de revenus, fraude fiscale) **[SECTION 2 : l'élément psychologique (moral)]** Dans le cas d'une infraction **intentionnelle** (art 121-3), l'élément psychologique est déterminant. Si l'infraction n'est pas intentionnelle, on s'intéresse à la [faute], au [lien de causalité] (direct ou indirect), et au [dommage] - ***Dommage*** : permet de qualifier l'infraction. - ***Lien de causalité*** : un lien direct ou indirect entre l'infraction et le dommage est essentiel : si direct, une simple faute suffit pour engager la responsabilité. Si indirect, une faute qualifiée (délibérée ou caractérisée) est nécessaire. CP distingue infractions intentionnelles des non intentionnelles. Classification tripartie des infractions en général : - ***Crime*** : tjr intentionnel (intention délibérée), atteinte la plus grave - Délits : intentionnel ou non, mais pour qu'un délit soit non intentionnel, la loi doit le prévoir - ***Contraventions*** : peut-être non intentionnelles, reposes seulement sur la matérialité de l'acte, sans nécessité de prouver une intention I. **Les infractions intentionnelles** A. **L'intention coupable** 1. ***Le dol général*** Présent dans toutes les infractions intentionnelles : il s'agit de la **volonté délibérée** de commettre un acte que l'on sait interdit par la loi, autrement dit, l'intention de violer la loi. Cela implique : - Que l'auteur ait [conscience] que son acte est interdit (conscience de commettre l'infraction) - Qu'il ait [volontairement] choisi d'adopter ce comportement (volonté de commettre l'infraction) a. [La conscience de commettre l'infraction] L'auteur doit avoir conscience que ses actes constituent l'élément matériel de l'infraction : une personne accusée de vol doit s'être rendu compte qu'elle était en train de commettre un vol. **Exemple 1 :** dans l'abstention de faire obstacle à la commission d'une infraction, la jurisprudence exige que le prévenu ait eu connaissance du projet criminel. **Exemple 2 :** pour l'abstention de porter secours à une personne en danger, la jurisprudence insiste sur la connaissance du péril encouru par la victime. Une erreur légitime ou vraisemblable peut écarter l'intention coupable. Le ministère public doit prouver que le prévenu connaissait la loi. Pour cela, la Ccass applique le principe selon lequel « **nul n'est censé ignorer la loi** » : il existe une présomption irréfragable (indiscutable) de connaissance de la loi, à condition qu'elle soit accessible et prévisible. Cette présomption, considérée comme une règle de fond, est critiquée car elle empêche le justiciable d'apporter la preuve de son ignorance de la loi pénale. **L'erreur de droit** est ainsi introduite comme cause d'irresponsabilité pénale, permettant de corriger cette rigidité. b. [La volonté de commettre l'infraction] Ch. Criminelle : estime qu'il n'est [pas nécessaire] de prouver la volonté de commettre l'infraction : cependant, le juge peut relever des aveux ou d'autres preuves qui caractérisent l'intention (mais ce n'est pas une exigence obligatoire) [Arrêt du 4 janvier 1902] : la Ccass a jugé que l'intention résulte de la nature même de certains délits, sans besoin de l'affirmer expressément. Ainsi, la simple constatation de la violation, en connaissance de cause, d'une prescription légale ou réglementaire implique l'intention exigée par l'article 121-3, alinéa 1 **Exemple** : dans les cas pratique, il faudra examiner les éléments permettant de démontrer le comportement volontaire de l'auteur (par exemple : Monsieur X a « **sciemment** appuyé sur l'accélérateur ») 2. ***Le dol spécial*** Contrairement au dol général, qui est simplement l'intention de violer la loi en accomplissant un acte interdit, le dol spécial implique la **volonté d'atteindre un** **résultat spécifique** défini par la loi il ne suffit pas d'avoir eu l'intention d'agir de manière illégale ; il faut aussi que l'auteur ait visé un **objectif précis** **Exemples :** - ***Homicide*** : le dol spécial pour un homicide est l'intention de tuer. Si cette intention spécifique n'est pas prouvée, la culpabilité pour meurtre n'est pas retenue. Dans ce cas, le juge peut requalifier les faits en violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-7) - ***Meurtre*** : le dol général correspond à l'intention de blesser mortellement une personne, tandis que le dol spécial est l'intention de causer sa mort effective Comme pour le dol général, les juges déduisent l'existence du dol spécial via des éléments objectifs relatifs à l'acte réalisé : [arrêt du 15 mars 2017] : la Ccass a estimé que l'intention de tuer pouvait être déduite des circonstances. Dans cette affaire, l'auteur avait porté un coup de couteau de plus de 10 cm au thorax, à proximité des organes vitaux. Ces faits objectifs ont suffi pour établir le dol spécial **Exemple :** le vol est une infraction intentionnelle (dol général), mais la jp exige aussi que l'auteur ait l'intention de se comporter comme propriétaire, même brièvement, ce qui constitue un dol spécial (arrêt du 22 octobre 1998) 3. ***Le dol aggravé*** Le dol aggravé désigne la **préméditation** (art 132-72), cad l'intention formée avant de passer à l'acte, avec planification ou préparation du crime ou délit. La préméditation entraîne un alourdissement de la peine encourue par l'auteur. **Exemple :** un meurtre commis avec préméditation devient un assassinat, puni plus sévèrement. 4. ***Les autres dols*** **Le dol déterminé** : quand le résultat atteint correspond à celui qui **désiré** par l'auteur de l'infraction **Le dol indéterminé** : il se produit quand : - Le résultat souhaité par l'auteur est **vague ou imprécis**, - La **victime n'est pas spécifiquement identifiée** à l'avance. **Exemple :** dans le cas de violences imprévisibles lors d'une bagarre, l'auteur agit avec violence, mais ne peut pas anticiper les conséquences exactes de ses actes. Ici, le résultat de la violence (ex. blessures, décès) détermine la qualification de l'infraction **Le dol praeter-intentionnel** : il se produit lorsque le **résultat dépasse** ce que l'auteur voulait initialement provoquer **Exemple :** des violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner : l'auteur souhaitait blesser, mais ses actes ont causé la mort. En raison de la gravité de ces faits, la loi prévoit parfois des sanctions spécifiques, plus ou moins sévères. Dans certains cas, la peine pour l'infraction praeter-intentionnelle est aussi sévère que celle prévue pour l'infraction intentionnelle. **Exemple :** en cas de destruction ou dégradation du bien d'autrui (incendie, explosion ou autre moyen dangereux) ayant entraîné la mort, la peine peut aller jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité B. **L'indifférence du mobile** Le **mobile** correspond aux raisons personnelles qui poussent l'auteur à commettre l'infraction, comme la vengeance, la haine, la jalousie, la cupidité ou la compassion. Le mobile est généralement **indifférent à la répression** : il n'influence pas directement la qualification de l'infraction. Cependant, en pratique, le juge peut en tenir compte pour moduler la peine. L'art 132-1 exige en effet une **individualisation de la peine** : les juges doivent adapter la sanction en fonction des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation de l'auteur, selon les finalités de la peine (art. 130-1) [Exceptions : cas où le mobile est pris en compte par la loi] - ***Comme élément constitutif de l'infraction*** - ***Comme circonstance aggravante : mobile raciste ou homophobe*** ️ Bien que le mobile ne soit pas indispensable pour caractériser une infraction, il peut influencer la gravité de la sanction II. **Les infractions non-intentionnelles** Ici il ne s'agit pas de prouver un élément matériel ou psychologique de l'infraction, mais de démontrer l'existence d'une **faute pénale**. Pour qu'une infraction soit qualifiée de non-intentionnelle, cela doit être expressément indiqué dans le texte d'incrimination Selon l'art 121-3, cette faute peut prendre 2 formes : - ***Faute de mise en danger délibérée*** (alinéa 2) - ***Faute d'imprudence ou de négligence*** (alinéas 3 et 4) A. **La faute d'imprudence ou de négligence** Définie alinéas 3 et 4 de l'art 121-3, la faute d'imprudence ou de négligence peut résulter de : - Une maladresse, imprudence, inattention, négligence, - Ou d'un manquement à une obligation légale d