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Ce document présente les cours de psychologie du développement dispensés par S Ragano à l'Université Toulouse Jean Jaurès. Les sujets abordés incluent le béhaviorisme, le conditionnement opérant, et la notion de stade.

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Psychologie du développement Cours de S. Ragano ED00101T Disciplines contribu3ves aux sciences de l'éduca3on et de la forma3on 1 Cours magistral n°2 Premier quart du XXème siècle, les premières sciences p...

Psychologie du développement Cours de S. Ragano ED00101T Disciplines contribu3ves aux sciences de l'éduca3on et de la forma3on 1 Cours magistral n°2 Premier quart du XXème siècle, les premières sciences psychologiques : LE BEHAVIORISME Après 1920, l’essor de la psychologie génétique : LA NOTION DE STADE Les premières sciences psychologiques C'est pendant le premier quart du XXème siècle que se dessinent et se précisent les principaux courants qui vont définir la psychologie moderne : orientation comportementaliste avec Pavlov et Watson, orientation pathologique et clinique avec Janet et Freud, psychologie de la perception avec Wertheimer, Köhler et Koffka (l'école de Berlin). Alors s'échafaudent les premières grandes théories qui vont exercer une influence profonde sur l'histoire ultérieure de la psychologie, et jusqu'à nos jours : le béhaviorisme, la psychanalyse, la théorie de la forme*. *Les processus de la perception et de la représentation mentale traitent les phénomènes comme des formes globales plutôt que comme l'addition ou la juxtaposition d'éléments simples : idée de structure, le tout n’est pas égal à la somme des parties. Le passage par l’enfance, une nécessité théorique Ni Watson, par, d'expériences sur les rats avec le projet de déboucher sur une connaissance de l'homme agissant, ni Freud, médecin ayant à traiter des névrosés généralement adultes, ne furent des spécialistes de l'enfant et de son développement. Néanmoins, leur concep,on générale du psychisme les amenait l'un et l'autre à privilégier la dimension de la genèse et donc à marquer le plus grand intérêt pour l'enfance. Le béhaviorisme* Le béhaviorisme est la science, du comportement animal et humain, proche du posi5visme**, qui se donne comme règle de ne considérer que des faits observables. Ces observables sont les caractéris5ques de la situa5on (le s5mulus) et le comportement du sujet dans ce?e situa5on (la réponse). Ce paradigme, très décrié dans les discours contemporains, a le mérite d'être la première approche scien5fique de l'appren5ssage en s'appuyant systéma5quement sur une base expérimentale (il s'oppose ainsi à la tradi5on philosophique d'introspec5on). *Béhaviorisme, francisation du terme anglais behaviorism, provient du mot behavior (US) ou behaviour (GB) qui signifie comportement. **Doctrine philosophique fondée par Auguste Comte qui se réclame de la seule connaissance des faits, de l'expérience scientifique. Les fondements : Pavlov et le conditionnement répondant (1890-1900) Source : La saga des Nobel « La sciences du comportement » © Guilgamesh/La Cinquième, 1997 Les fondements : Pavlov et le conditionnement répondant (1890-1900) Réponse réflexe Pas de réponse s4mulus primi4f s4mulus neutre Réponse réflexe Réponse conditionnée stimulus conditionné Conditionnement : association C’est le conditionnement classique : le répétée entre le stimulus primitif comportement est dit répondant, la réponse et le stimulus neutre étant fonction du stimulus conditionné Watson et le béhaviorisme (1913) Pour Watson, la psychologie ne peut devenir une science que si, pour l'homme comme pour l'animal, elle se décide à pra5quer une méthode purement objec5ve d'analyse des comportements, c'est-à-dire des réponses - musculaires ou glandulaires - par lesquelles un organisme réagit de façon déterminée aux s5muli que lui offre le milieu. Or ce?e analyse amène Watson à reprendre à son compte la no5on pavlovienne de réflexe condi5onné et à voir dans le condi5onnement le principe de construc5on des comportements humains, y compris les plus complexes. Dans ces condi*ons, Watson récuse la croyance en des dons, en une innéité psychique ; il affirme et s'a:ache à prouver le déterminisme absolu du milieu, la toute- puissance de l'éduca*on dans le modelage de la personnalité. Il professe l'op*misme pédagogique le plus en*er : tout trouble ou déficit psychologique doit s'expliquer à ses yeux par des insuffisances du milieu éduca*f et peut donc être prévenu ou corrigé grâce à un aménagement ou à un réaménagement convenable de ce milieu. « Je voudrais pouvoir montrer comment nous ferions un riche et merveilleux individu de tout enfant bien portant, si seulement nous pouvions le former convenablement. » « Donnez-moi une douzaine d'enfants en bonne santé et sans malforma*on, et mon environnement par*culier pour les y élever, et je puis m'engager à prendre n'importe lequel au hasard et à l'éduquer pour qu'il devienne n'importe quelle espèce de spécialiste que je pourrais choisir : docteur, homme de loi, ar*ste, directeur commercial, et même mendiant, voleur, etc. » Watson et le petit Albert (1919) 1. Dans un premier temps, Watson présente à l’enfant une souris et constate que l’enfant n’en a pas peur. La souris constitue alors un stimulus neutre (SN). SN (souris)–> RN (pas de pleurs) 2. Ensuite, le chercheur associe le stimulus neutre (la souris) à un bruit violent : le stimulus inconditionnel (SI) qui suscite une réaction de peur (Réponse Inconditionnelle) chez l’enfant. SN (souris) + SI (bruit) –> RI (l’enfant pleure) 3. Watson répète cette opération plusieurs fois, jusqu’à ce que le stimulus neutre (appelé à présent stimulus conditionnel) entraine une réponse conditionnelle. En d’autres termes, l’enfant, qui a associé la souris et le bruit qui lui fait peur, pleure dès qu’il voit une souris. Cette peur va peu à peu se généraliser à l’ensemble des animaux. SC (souris) –> RC (l’enfant pleure) L’expérience du petit Albert est la plus célèbre des expériences de Watson mais aussi, sans surprise, la plus controversée. A cette première partie de l’expérience, Watson voulait en faire succéder une seconde qui avait pour but de désensibiliser le pauvre Albert de sa peur des animaux. Le problème est que la mère de l’enfant, constatant que son fils était devenu complètement phobique des animaux, décida d’arrêter cette expérience à l’éthique pour le moins questionnable, surtout pour le spectateur moderne. Qu’est devenu le petit Albert ? Difficile de le savoir, Albert B. étant un pseudonyme. A la fin des années 2000, deux professeurs de psychologie américains, Russel Powell et Nancy Digdon, ont enquêté et retrouvé un certain William Albert Barger, né le 10 mars 1919. Décédé en 2007, à l’âge de 87 ans, il n’avait aucun souvenir d’une expérience pendant l’enfance, avait vécu une vie normale sans troubles particuliers… mais détestait les chiens. Néanmoins, sans preuve matérielle, nous ne saurons jamais qui était le petit Albert. Skinner et le conditionnement opérant (1930-38) Skinner considère que ni le comportement répondant de Pavlov, ni le modèle s5mulus-réponse de Watson ne perme?ent d'expliquer la majorité des comportements. En effet, en comparaison du comportement réflexe, la plupart des comportements apparaissent spontanés ou volontaires, sans causes antérieures apparentes dans l'environnement. Avec des expériences sur les animaux, il montre que le comportement est moins changé par ce qui le précède que par ce qui le suit. Ce modèle S5mulus-Réponse-Conséquence est aujourd'hui plus connu sous le terme de « condi5onnement opérant ». La boîte de Skinner Le condi(onnement opérant est élaboré sur la base des observa(ons que Skinner effectue sur les animaux placés dans des disposi(fs expérimentaux appelés boîtes de Skinner, au cours desquels ils apprennent par essai-erreur les ac(ons à effectuer pour obtenir le résultat souhaité. L’élément central est le renforcement, élaboré à partir de la loi de l’effet de Thorndike (1874-1949) : lorsqu'un comportement est suivi d'un effet positif, cela entraîne ou favorise la répétition ou l'amplification du comportement en question ; et inversement. Le conditionnement opérant Le rat est maintenu dans un état de faim. Le rat, dans sa cage, appuie par hasard sur une pédale, il reçoit alors un peu de nourriture (renforcement positif) ou un choc électrique (renforcement négatif). Le comportement est contrôlé par ses conséquences. Le rat est actif dans un environnement qui ne déclenche pas les comportements mais les entretient (renforcements positifs, gratifiants, agréables) ou les élimine (renforcements négatifs). Le conditionnement n’est pas associé à un stimulus : le rat apprendra à appuyer sur la pédale pour avoir de la nourriture ou à ne surtout pas appuyer dessus pour ne pas recevoir de choc électrique. L’appui sur la pédale est donc à la fois action et réponse au conditionnement, d’où l’expression conditionnement opérant. Mais le conditionnement peut aussi associer un stimulus (visuel, auditif, nociceptif*) et la réponse : le rat apprendra à appuyer sur la pédale lorsqu’il voit la lumière pour avoir de la nourriture (lorsque la lumière n’est pas allumée, l’appui sur la pédale est inopérant) ou lorsqu’il reçoit un choc électrique pour arrêter le courant. * Attention, le choc électrique peut donc être aussi bien un renforcement négatif qu’un stimulus Renforcement / puniLon Renforcement posi-f : SKmulus « Le rat est dans la cage, une lumière s’allume » Réponse « Le rat appuie sur le levier » Renforcement posiKf « Il obKent de la nourriture » (= ajout) → AugmentaKon de la probabilité d'appariKon du comportement Renforcement néga-f : SKmulus « Le rat est dans la cage, il reçoit des chocs électriques (plancher) » Réponse « Le rat appuie sur le levier » Renforcement négaKf « Les chocs électriques s'arrêtent » (= retrait) → AugmentaKon de la probabilité d'appariKon du comportement Puni-on posi-ve : SKmulus « Le rat est dans la cage, une lumière s’allume » Réponse « Le rat appuie sur le levier » PuniKon posiKve « Il reçoit une décharge électrique » (= ajout) → DiminuKon de la probabilité d'appariKon du comportement Puni-on néga-ve : SKmulus « Le rat est dans la cage, il a de la nourriture, une lumière s’allume » Réponse « Le rat appuie sur le levier » PuniKon négaKve « La nourriture disparait » (= retrait) → DiminuKon de la probabilité d'appariKon du comportement Conséquences pour l’apprenLssage Au sein du paradigme béhavioriste, apprendre consiste à donner la réponse adéquate à des stimuli donnés, le mécanisme de cet apprentissage étant une association entre un stimulus et une réponse, la méthode pour le générer relevant du renforcement. Skinner est ainsi l’inventeur d’une forme d’enseignement conçu pour renforcer le comportement du sujet par une « récompense ». Un autre postulat consiste à considérer que les savoirs nouveaux viennent se superposer les uns aux autres sans jamais se réorganiser, se reconstruire, sans ruptures ni restructuration (on retrouve ici Locke). Il suffit alors de décomposer les savoirs en unités suffisamment petites et simples et supposer que leur addition (laissée entièrement à la charge de l'apprenant) générera un tout cohérent et fonctionnel. Ces méthodes, très critiquées, ont toutefois un domaine d'efficacité, notamment à court terme, qui ont fait que de nombreuses pratiques de classes s'en rapprochent implicitement. Quelques exemple de renforcement/punition à l’école Renforcement positif : l'enseignant félicite un élève en classe brièvement après qu'il ait répondu correctement à une question sur un point de matière nouveau, montrant ainsi sa compréhension. L'élève sourit et son sentiment d'auto-efficacité s'en trouve renforcé ce qui l'incite à rester engagé pour la suite du cours. Renforcement négatif : un enseignant donne de manière régulière des préparations et devoirs à réaliser. Il vérifie régulièrement avant une correction commune leur réalisation. Les élèves sont incités à les réaliser pour éviter des remarques négatives de celui-ci. Sans cette vérification, un certain nombre d'élèves n'exécuteraient pas le travail demandé. Punition positive : le cas de la punition positive est le plus courant, on donne une tâche supplémentaire à l'élève coupable d'une infraction ce qui l'amène à réfléchir sur la problématique visée ou qui fait figure de réparation. Cela peut prendre également la forme d'heures supplémentaires à rester dans l'école. Punition négative : Le cas de la punition négative correspond au retrait d'un avantage. L'élève qui avait liberté de se placer dans une classe peut se retrouver avec une place fixe durant une période de temps donnée. On peut également par exemple lui retirer un avantage comme celui de pouvoir sortir de l'établissement scolaire sur le temps de midi. La psychologie génétique C'est pour l'essen\el après 1920 que la psychologie de l'enfant connaît son épanouissement. Les chercheurs qui ont le plus contribué à cet épanouissement en consacrant la majeure par\e de leur vie à l'observa\on méthodique des enfants ont en même temps été guidés par la haute ambi\on de comprendre la nature, la structure et les mécanismes du psychisme à travers l'analyse de sa forma\on tout au long de l'enfance. Ils ont construit d'imposantes théories géné\ques reposant sur la no\on de stade. Comme on le verra plus loin, ils ont aussi aidé par là à surmonter les contradic\ons et à dépasser les conflits dans lesquels menaçait de se bloquer la psychologie de l'époque. Quatre œuvres monumentales illustrent bien le lien étroit qui s'établit entre l'observa\on des conduites enfan\nes et la théorisa\on géné\que : celles de l’américain Arnold Gesell (1880-1961), du français Henri Wallon (1879-1962), du suisse Jean Piaget (1896-1980) et du russe Lev Vygotski (1896-1934). La noLon de stade : présentaLon Le terme de stade désigne « une période, un degré qui, dans un développement quelconque, peut être considérés comme formant une par4e dis4ncte. » (Larousse) Il est u4lisé par de nombreuses disciplines : A l'origine, en médecine pour décrire l'ordre dans lequel se succèdent les manifesta4ons typiques de diverses maladies : stades du chaud et du froid ; Au dix-neuvième siècle, en biologie et plus par4culièrement en l'embryologie pour l'étude de la croissance ; l'étude des animaux soumis à des métamorphoses fournit aussi des exemples de division en stades (ex. têtard puis grenouille) ; Depuis longtemps, des observateurs des enfants, des philosophes de l'éduca4on avaient été amenés à esquisser un découpage de l'enfance en étapes dis4nctes (par exemple J.J. Rousseau, cf. CM1) ; La psychanalyse, cons4tuée au début du XXème par Freud, a aussi contribué de façon remarquable à faire admeVre l'existence de stades de l'enfance ; Mais c'est en fait au cours du ving4ème siècle que la no4on de stade, forte du succès et de l'u4lité de son usage dans les sciences biologiques et médicales, se transpose en psychologie du développement de l'enfant pour s'y imposer et s'y généraliser peu à peu. Définition On peut parler de stades là où la variation se présente comme qualitative et discontinue* ; le développement se divise en deux types d'éléments : des périodes formant palier - et qu'on pourra appeler des stades - tels que, du commencement à la fin de chacune d'entre elles, certains aspects qualitatifs, certains traits structuraux se conservent ; des périodes charnières normalement beaucoup plus brèves, moments de transition qualitative, de crise, de déstructuration de l'ancien et de restructuration nouvelle. * Dans l'hypothèse d'une variation strictement continue et purement quantitative, il n'y a plus de stades et le découpage du temps en parties, s'il y a lieu, n'est plus qu'une vue conventionnelle de l'esprit obéissant à un souci de commodité pédagogique. La notion de stade implique un ensemble de phénomènes contemporains les uns des autres qui ont entre eux un air de famille, ou se complètent, formant un tout cohérent et présente une unité d'une structure (ex. les vagissements du bébé, son pédalage, ses mouvements globaux des bras et des mains appartiennent à un même système comportemental, caractérisé par la prédominance d'une impulsivité diffuse). Un stade sera authentifié, reconnu comme objet de science si, et seulement si, la généralisation à toute une catégorie d'individus en partant du cas d'un seul ou de quelques-uns uns s'avère possible et féconde. Les stades se succèdent suivant un ordre fixe chez tous les individus. Facteurs de développement Qu’est-ce qui explique qu’on passe d’un stade au stade suivant ? Causes internes de type biologique, anatomo-physiologique : processus relativement rapides et soudains de maturation, de mise en jeu de nouvelles structures fonctionnelles qui entraînent des changements plus ou moins profonds dans les conduites, les capacités, les intérêts de l'individu (ex. la puberté). Causes externes consistant en un changement brusque de milieu naturel ou de milieu social susceptibles d'exercer une influence profonde et immédiate sur son évolution psychologique, affective ou intellectuelle (ex. le sevrage par la mère ou l'entrée à l'école). Causes plus complexes qui font intervenir des mécanismes de restructuration proprement psychologique lorsque certains seuils sont atteints dans l'accumulation ou l'enrichissement d'un acquis (ex. période de latence ou effet de seuil dans un apprentissage)

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