Droit du contentieux administratif PDF
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amU (Aix-Marseille University)
2023
Frédéric Laurie
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Ce document présente des notes de cours sur le droit du contentieux administratif pour la licence 3, semestre 5. Il couvre différents thèmes, notamment les juridictions administratives, les modes alternatifs de règlement des litiges et l'instruction. Le document contient également des questions à choix multiples (QCM).
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Droit du contentieux administratif DROIT DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF LICENCE 3, SEMESTRE 5, FRÉDÉRIC LAURIE 2023/24 Thème 1 : Les juridictions administratives 2 Thème 2 : Les modes alternatifs de...
Droit du contentieux administratif DROIT DU CONTENTIEUX ADMINISTRATIF LICENCE 3, SEMESTRE 5, FRÉDÉRIC LAURIE 2023/24 Thème 1 : Les juridictions administratives 2 Thème 2 : Les modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) 25 Thème 3 : La présentation des requêtes et des mémoires 30 Thème 4 : L’instruction – Caractères et phases de l’instruction 37 Thème 5 : L’instruction – L’examen des questions préalables tenant au requérant et à sa demande 52 Thème 6 : l’instruction – L’examen des questions préalables objectives : délai de recours contentieux et exigence d’une décision préalable 62 Thème 7 : Les moyens 73 Thème 8 : Les référés 81 Thème 9 : L’audience et leur urgence 85 Thème 10 : Voie de recours contre jugement, l’Appel 87 1 Droit du contentieux administratif QCM de 40 questions à points négatifs Introduction : Les règles abordées ici sont codifiées dans le code de Justice administrative. Et si la jurisprudence a un énorme pouvoir interprétatif ; beaucoup des règles codifiées étant par ailleurs d’origine jurisprudentielle ; elle n’a aucun pouvoir créatif. Le droit du contentieux administratif est en effet un code de procédure, la jurisprudence n’a dès lors pas vocation à trancher sur la question. Le code de Justice administrative ne s’applique que devant les tribunaux administratives, les Cours administratives d’appel et le Conseil d'État ; c’est-à-dire uniquement aux juridictions administratives de droit commun, et non pas aux juridictions administratives spécialisées comme le Cneser (qui était spécialisé dans le contentieux disciplinaire pour les étudiants) ou bien la CCSP qui elles ne sont pas soumises au code de Justice administrative. Le code est essentiellement composé de dispositions d’ordre réglementaire, le nombre de dispositions d’ordre législatif est très limité. Les rares lois du code concernent principalement le statut des magistrats, les référés, et l’exécution des jugements. Thème 1 : Les juridictions administratives L’ordre administratif représente une pyramide ayant à son sommet le CÉ, auxquels sont subordonnés par les voies de recours des juridictions qui sont, les unes des juges de droit commun, les autres des juges d'attribution spécialisées. Le système est donc centré sur le CÉ, et cela s'explique par des raisons historiques, car il a été pendant longtemps juge d'appel et de cassation de la juridiction administrative. I. La protection constitutionnelle de l’ordre administratif de juridiction La dualité des ordres juridictionnels, qui distingue dans la terminologie reçue les juridictions judiciaires et les juridictions administratives, est un caractère fondamental de l’organisation juridictionnelle française. Néanmoins, l’existence de plusieurs ordres de juridictions n’est pas une spécificité française. Ainsi, en Allemagne, ce ne sont pas deux mais cinq ordres de juridictions qui coexistent. La justification de la dualité des ordres juridictionnels repose pour l’essentiel sur sa valeur opératoire. Autrement dit, en produisant du droit administratif, le juge administratif s’est autolégitimé. Cela a permis l’émergence du droit administratif et l’adaptation de la justice à l’action de l’administration. Le principe de dualité des ordres juridictionnels repose sur deux fondements : - Chaque ordre de juridiction jouit d’une indépendance de nature constitutionnelle ; - Chaque ordre de juridiction dispose d’une réserve de compétences qui lui sont propres qui consacrent l’indépendance des compétences de la juridiction administrative ; Ces acquis résultent essentiellement de la JP du Conseil constitutionnel. A. L’affirmation constitutionnelle de l’indépendance de la juridiction administrative CC, décision n°80-119 DC du 22 juillet 1980, Validation d’actes administratifs : 2 Droit du contentieux administratif Le Conseil constitutionnel a affirmé l’indépendance des autorités juridictionnelles à l’égard du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. « il résulte des dispositions de l’article 64 de la Constitution en qui concerne l’autorité judiciaire et 2 des principes fondamentaux reconnue par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l’indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement ; [qu’]ainsi il n’appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d’adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ». Dans cette décision, la garantie constitutionnelle de l’indépendance de l’autorité judiciaire ne soulevait guère de doutes compte tenu du contenu de l’article 64 de la Constitution, « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ». En revanche, la garantie constitutionnelle de l’indépendance de la JA n’était pas aussi évidemment susceptible d’être affirmée que celle de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Le fondement juridique utilisé par le Conseil constitutionnel pour affirmer cette indépendance n’est pas applicable (l’article 64), puisque le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires emporte l’inapplication à un ordre de juridiction des règles applicables à l’autre ordre de juridiction. En tirant partie du procédé des P.F.R.L.R., le Conseil constitutionnel a pu consacrer une indépendance de la JA analogue à celle reconnue s’agissant de l’autorité judiciaire. Le Conseil découvre ainsi un tel principe dans la loi du 24 mai 1872. Cette décision est d’une importance fondamentale car elle permet l’affirmation sans ambiguïté de la coupure entre l’administration et son juge. Le juge administratif n’est plus un démembrement de l’administration. C’est un véritable organe juridictionnel. Cette décision Validation d’actes administratifs a été prise en 1980. Dans le temps, l’on peut mettre en rapport cette décision avec la loi du 16 juillet 1980 qui a autorisé le Conseil d’État à adresser des injonctions à l’administration et à la condamner sous astreinte. B. L’indépendance des compétences de la juridiction administrative CC, décision n° 86-24 DC du 23 janvier 1987, Conseil de la Concurrence : nouveau PFRLR« à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises dans l’exercice de prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle ». Ainsi, le critère de la puissance publique devient un critère constitutionnel de la compétence des juridictions administratives. Mais la réserve de compétence constitutionnelle de la juridiction administrative ne s’étend qu’aux contentieux de l’annulation et de la réformation des actes. Pour les contentieux de pleine-juridiction, comme le contentieux de la responsabilité ou celui des contrats, le juge administratif ne dispose pas d’une plénitude de compétence. Néanmoins, l’intervention ponctuelle du législateur permet de remédier à cette insuffisance. Par exemple, l’article 1er de la loi du 11 décembre 2001 dispose que les marchés publics sont des contrats administratifs. En conséquence, le contentieux de ces contrats ressort seulement de la compétence de la juridiction administrative. Confirmation du principe constitutionnel de réserve de compétences des juridictions administratives dans la loi : Article L. 431-1 du code des relations du public avec l’administration « Sous réserve des compétences dévolues à d'autres juridictions, les recours contentieux contre les décisions administratives sont portés devant les juridictions administratives de droit commun, dans les conditions prévues par le code de justice administrative. ». 3 Droit du contentieux administratif La compétence minimale reconnue à la JA dans la décision Conseil de la Concurrence subit une double atténuation. D’un côté, certaines matières sont réservées par nature à l’autorité judiciaire. C’est le cas de la liberté individuelle, en application de l’article 66 de la Constitution, ou de la propriété privée immobilière (C. Constit. décision n°89-256 DC : P.F.R.L.R.). De l’autre côté, le Conseil constitutionnel a précisé dans la décision n°89-260 DC du 28 juillet 1989, Commission des opérations de bourse, que dans un souci de bonne administration de la justice, il est possible de constituer des blocs de compétence dévolus à l’un ou à l’autre des ordres juridictionnels. Ainsi, certaines matières, qui devraient normalement échoir à un ordre de juridiction, lui échappent pour relever de la compétence de l’autre ordre de juridiction. Ces atténuations ne contribuent pas à simplifier la situation pour les justiciables. Ces derniers doivent déterminer quel est l’ordre de juridiction compétent pour connaître des litiges. Or, cela est parfois essentiel, notamment lorsque le délai d’ouverture du recours (c’est-à-dire la période pendant laquelle l’action est encore possible) est court. C’est le cas en matière d’annulation des actes administratifs où le délai pour former un recours est de deux mois seulement. II. Le système juridictionnel de l’ordre administratif L’organisation des juridictions administratives a évolué jusqu’à une date récente (1987). Si la création du Conseil d’État est ancienne (Constitution de l’an VIII), il en est différemment des autres juridictions administratives. La création de ces autres juridictions a suivi un processus différent de ce qui existe en droit privé. En droit privé, la compétence de principe a toujours été celle des juges de première instance, les juridictions d’appel et la Cour de cassation n’ayant qu’une fonction d’harmonisation et de contrôle de la jurisprudence des tribunaux inférieurs. Au contraire en droit administratif, l’essentiel du pouvoir juridictionnel procède du Conseil d’État L’apparition successive des juridictions inférieures ne correspond qu’à des démembrements de compétences du Conseil d’État. Le Conseil d’État conserve la compétence juridictionnelle de principe. Ce mouvement descendant (ascendant en droit privé) a permis l’émergence des TA et des CAA et de quelques juridictions administratives spécialisées. CHAPITRE 1 : Les juridictions administratives de droit commun Article L1 CJA : « Le présent code s'applique au Conseil d'Etat, aux cours administratives d'appel et aux tribunaux administratifs. » (ne s’applique pas aux juridictions spécialisées du chapitre 2). Section 1 – Le Conseil d’État § 1 : L’organisation du Conseil d’État Le Conseil d’État est composé de fonctionnaires et organisé en plusieurs formations. Traditionnellement, l’on enseignait que le Premier ministre, ou le chef du gouvernement, se trouvait à la tête du Conseil d’État. Ceci est logique puisque le Premier ministre est le chef de l’administration et que le Conseil d’État est la première administration. En son absence, le garde des Sceaux assurait la présidence du Conseil. En réalité, cette présidence n’était que formelle puisque le Premier ministre ne présidait cette institution que lors des cérémonies officielles. La présidence était, en fait, assurée par le vice-président assisté, dans ses tâches administratives, par un secrétaire général (article R. 121-9 CJA). 4 Droit du contentieux administratif Article L121-1 CJA : « La présidence du Conseil d’État est assurée par le vice-président. L’assemblée générale du Conseil d’État peut être présidée par le Premier ministre et, en son absence, par le garde des sceaux, ministre de la justice. Le Conseil d’État est composé d’une section du contentieux et de sections administratives » Le vice-président du Conseil d’État est nommé par décret pris en conseil des ministres sur la proposition du garde des Sceaux, ministre de la Justice (article L. 133-1 CJA). Il est choisi parmi les présidents de section ou les conseillers d’État en service ordinaire. C’est le premier fonctionnaire de France. L’article R123-2 CJA cite les 6 sections administrative du CÉ : - la section de l’intérieur, - la section des finances, - la section des travaux publics, - la section sociale, - la section de l’administration, - la section du rapport et des études. => un président de section, nommé dans les mêmes conditions que le vice-président et choisi parmi les conseillers d’État en service ordinaire (article L. 133-2 CJA) Toutes les sections administratives à l’exception de la Section du rapport et des études exercent les compétences administratives et législatives du Conseil d’État. La section du rapport et des études réalise les études qui lui sont commandées par le gouvernement ou par le vice-président du Conseil. Elle règle les difficultés d’exécution des décisions des juridictions administratives. Elle est chargée de la publication annuelle des Études et documents du Conseil d’État qui constituent le rapport annuel du Conseil d’État (V. article R. 123-5 CJA). En plus : une section du contentieux, la plus importante, charger d’exercer la fonction du juger : - Son président est assisté par trois présidents adjoints. - La section est elle-même divisée en dix chambres spécialisées qui assurent l’instruction des affaires. - Chacune de ces chambres compte trois conseillers en service ordinaire. Il existe depuis 1980 quatre types de formations de jugements. Le choix d’une formation de jugement pour trancher un litige résulte de la difficulté et l’importance de l’affaire pour le développement du droit administratif. Article L. 122-1 CJA « Les décisions du Conseil d’État statuant au contentieux sont rendues par l’assemblée du contentieux, par la section du contentieux ou par des formations de sous-sections réunies. Elles peuvent également être rendues par chaque sous-section siégeant en formation de jugement. Le président de la section du contentieux et les présidents de sous-section peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l’intervention d’une formation collégiale. » - La section du contentieux en formation de jugement. La section ne réunit pas tous les membres de la section. Cette formation de jugement comprend dix-sept membres : le président de la section, les trois présidents adjoints, les dix présidents de sous-sections, le rapporteur et deux conseillers représentant les sections administratives. Elle juge les affaires qui, « par les problèmes juridiques qu’elles soulèvent ou par les implications politiques, exigent que la décision soit prise par une 5 Droit du contentieux administratif formation suffisamment étoffée pour que son autorité soit indiscutable ». De nombreux arrêts figurant dans le G.A.J.A. ont été rendus en section. - L’Assemblée du contentieux : c’est la formation de jugement la plus importante de l’ensemble des juridictions administratives. Elle comprend douze membres : le viceprésident du Conseil d’État, le président de la section du contentieux, les présidents adjoints, le président de la sous-section d’instruction et le rapporteur ainsi que les présidents des cinq sections administratives (article R. 122-20 CJA). Elle ne se réunit que de façon exceptionnelle pour résoudre des questions de principe (environ une douzaine de fois par an). Signalons, en outre, que le président de la section du contentieux est juge des référés (en qualité de juge de cassation ou d’appel des ordonnances de référé prises en première instance). Le Conseil d’État comprend environ 300 membres répartis dans trois corps : - les conseillers d’État. - Certains sont en service ordinaire. Ils sont actuellement 82 en activité. Ce sont les membres du Conseil d’État de carrière. - D’autres conseillers d’État sont en service extraordinaire. Il s’agit de 12 personnalités extérieures siégeant temporairement au Conseil d’État pour une durée de 4 ans non renouvelable (avant l’expiration d’un délai de 2 ans). Ils sont nommés par décret pris en conseil des ministres, sur la proposition du garde des Sceaux et sont « choisis parmi les personnalités qualifiées dans les différents domaines de l’activité nationale ». Ils ne peuvent être affectés à la section du contentieux, - 72 maîtres des requêtes occupent l’échelon hiérarchique intermédiaire - environ une vingtaine d’auditeurs de première et deuxième classes se trouvent à la base de la hiérarchie du personnel du Conseil d’État. Ces auditeurs sont recrutés par la voie de l’É.N.A. Un auditeur ne peut devenir conseiller d’État avant d’avoir exercé ses fonctions pendant seize années au moins au Conseil. Environ la moitié des membres du Conseil d’État exercent leurs fonctions au Conseil. Les autres membres exercent des fonctions politiques ou d’autres fonctions administratives par la voie du détachement ou de la mise en disponibilité. Lutte contre les éventuels conflits d’intérêts : Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires : Article L. 131-3 CJA « Les membres du Conseil d’Etat veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts. Constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction. » Mesures pour permettre le respect de la déontologie : - Création du collège de déontologie du Conseil d’État ; - Définition d’une charte de déontologie du Conseil d’État énonçant les principes déontologiques et les bonnes pratiques propres à l’exercice des fonctions de membre de la juridiction administrative ; - Déclaration d’intérêts de chaque membre du CE dans les deux mois qui suivent leur affectation ; obligation renouvelée en cas de nomination comme vice-président, président de section ou secrétaire général ; remise de la déclaration avec entretien déontologique ; - Déclaration de situation patrimoniale ; Hormis les énarques, les membres du Conseil d’État peuvent être recrutés, à titre définitif, par la voie du tour extérieur. Les recrutements au tour extérieur ne peuvent excéder un quart de l’effectif total des maîtres des requêtes et un tiers de celui des conseillers d’État. Ce mode de 6 Droit du contentieux administratif recrutement, qui est totalement discrétionnaire, est souvent mis en cause. Il devrait être un moyen d’ouvrir le Conseil d’État sur des talents et des compétences utiles à un corps de cette importance (dans la fonction publique, l’on parle de « respiration » d’un corps lorsque des personnalités qui ne sont pas celles recrutées habituellement accèdent à ce corps). Enfin, même lorsqu’ils exercent la fonction de juger, les membres du Conseil d’État ne sont pas des magistrats, contrairement à leurs homologues de la Cour de cassation et des TA et des CAA. Ils demeurent des fonctionnaires de l’État, au sens propre du terme. Comme reste de la justice retenue, les causes litigieuses en DA sont jugées d’abord par des magistrats, ensuite par des fonctionnaires. Lorsque l’on parle du juge en parlant du Conseil d’État ou de l’une de ses sections ou sous-sections, l’on désigne la fonction et non la personne chargée de juger. Article L. 131-2 CJA issu de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires « Les membres du Conseil d’Etat exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard. Ils s’abstiennent de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. Ils ne peuvent se prévaloir, à l’appui d’une activité politique, de leur appartenance au Conseil d’État. » Les attributions du Conseil d’État en matière administrative et législative. Cette question n’a pas un rapport direct avec la séparation des autorités administratives et judiciaires. Néanmoins, le Conseil d’État n’est pas seulement un juge, mais aussi le Conseil de l’État, héritier sur ce point du Conseil du roi de l’Ancien régime. Article L. 112-1 CJA « Le Conseil d’État participe à la confection des lois et ordonnances. Il est saisi par le Premier ministre des projets établis par le gouvernement. Le Conseil d’État donne son avis sur les projets de décrets et sur tout autre projet de texte pour lesquels son intervention est prévue par les dispositions constitutionnelles, législatives ou réglementaires ou qui lui sont soumis par le gouvernement. Saisi d’un projet de texte, le Conseil d’État donne son avis et propose les modifications qu’il juge nécessaires. En outre, il prépare et rédige les textes qui lui sont demandés ». Les sections administratives (à l’exception de celle du rapport et des études) examinent les projets de textes pour lesquels le Conseil d’État doit obligatoirement être consulté : les projets de lois (par exemple, en ce moment le projet de loi sur la sécurité), les projets d’ordonnances et les projets de décrets en Conseil d’État. Elles émettent alors des avis sur les questions posées par le gouvernement sur ces projets. Elles peuvent aussi se réunir en assemblée générale du Conseil d’État en matière administrative. Article R. 123-3-1 CJA « L’examen d’une proposition de loi est attribué par le vice-président du Conseil d’État à l’une des cinq premières sections mentionnées à l’article R. 123-2. » Également, le Conseil d'État peut être consulté par le Premier ministre ou les ministres sur les difficultés qui s’élèvent en matière administrative. Enfin, il peut de sa propre initiative appeler l’attention des pouvoirs publics sur les réformes d’ordre législatif, réglementaire ou administratif qui lui paraissent conformes à l’intérêt général. Ceci est, le plus souvent, réalisé par la voie de la publication de rapports spécifiques (Par exemple, le rapport de 1993 : L’urbanisme, pour un droit plus efficace). 7 Droit du contentieux administratif § 2 : Les compétences juridictionnelles du CÉ Le Conseil d’État est l’organe central de la juridiction administrative. La dévolution de compétences juridictionnelles aux autres juridictions administratives constitue des démembrements de la plénitude de compétence du Conseil d’État pour juger les litiges administratifs. La dévolution de compétences à ces juridictions a été réalisée par la technique des blocs de compétences. C’est donc, dans chaque cas une dévolution partielle de compétences. Il en résulte que le Conseil d’État a conservé une compétence de première instance et une compétence d’appel qui s’ajoute à sa compétence de juge de cassation. A. Le Conseil d’État, juge de première instance Dans ce cas là, il statut aussi en dernier ressort, car il est la juridiction la plus élevée. Jusqu’en 1953, le Conseil d’État était juge de droit commun en premier et dernier ressort en matière administrative. Depuis le décret du 30 septembre 1953, la juridiction de droit commun en premier ressort est le tribunal administratif. Le Conseil d’État dispose d’une compétence résiduelle dans 2 hypothèses : L’on doit distinguer la compétence du Conseil d’État pour connaître des recours en annulation pour excès de pouvoir de sa compétence en matière de pleine-juridiction. 1. Le juge de l’excès de pouvoir Le Conseil d’État est d’abord compétent pour connaître des recours en annulation pour excès de pouvoir et des référés-suspension : CE, ord., 20 juin 2022 « Le juge des référés du Conseil d'Etat ne peut être régulièrement saisi, en premier et dernier ressort, d'une requête tendant à la mise en œuvre de l'une des procédures régies par le livre V du CJA que pour autant que le litige principal auquel se rattache ou est susceptible de se rattacher la mesure d'urgence qu'il lui est demandé de prendre ressortit lui-même à la compétence directe du Conseil d’Etat. » Compétences du CE pour connaître des recours dirigés contre (Article R. 311-1 CJA) : - Les ordonnances du PDR et les décrets - Les actes réglementaires des ministres + les actes des ministres pris après avis du CÉ (SAUF contentieux des actes individuels des ministres relève de la compétence du TA territorialement compétent) - Les actes ayant provoqué les litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du PDR (MAIS : CE, 26 mai 2014, M. B. A. : « la demande d'un agent public contestant la légalité de la décision portant renouvellement de son contrat ou portant refus de le renouveler ne concerne pas son recrutement ; que, par suite, le Conseil d'Etat n'est pas compétent pour connaître en premier et dernier ressort d'une requête dirigée contre une telle décision, même si elle concerne un officier » ; CE 24 févr. 2006, Commune de Mourenx « Les arrêtés interministériels pris par le ministre de l’intérieur et le ministre de l’économie portant reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ») - Les décisions ministérielles prises en matière de contrôle des concentrations économiques. - Les décisions administratives des organismes collégiaux à compétence nationale (ex fédération sportive) - Les actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif Pour cette dernière catégorie : certains actes tels que les ordonnances et tous les actes pris après avis du CÉ ont pu poser un problème de partialité en cas de contentieux relatif à leur légalité. En effet, le CÉ a connu de ces actes au moment de leur élaboration puis en connaît à nouveau au moment du jugement. 8 Droit du contentieux administratif Solution => le décret n°2008-225 du 6 mars 2008 insère articles R122-21-1 et R122-21-2 CJA : « les membres du Conseil d’État ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les actes pris après avis du Conseil d’État, s’ils ont pris part à la délibération de cet avis. » et « Lorsque le Conseil d’État est saisi d’un recours contre un acte pris après avis d’une de ses formations consultatives, la liste des membres ayant pris part à la délibération de cet avis est communiquée au requérant qui en fait la demande. » 2. Le juge de plein contentieux Le CÉ est juge de pleine-juridiction en premier et dernier ressort dans diverses hypothèses. Article R311-1 CJA 4° : « Des recours dirigés contre les décisions prises par les organes des autorités suivantes, au titre de leur mission de contrôle ou de régulation : - l'Agence française de lutte contre le dopage ; - l’Autorité de contrôle prudentiel ; - l'Autorité de la concurrence ; - l'Autorité des marchés financiers ; - l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ; - l'Autorité de régulation des jeux en ligne ; - l'Autorité de régulation des transports ferroviaires ; - l'Autorité de sûreté nucléaire ; - la Commission de régulation de l'énergie ; - le Conseil supérieur de l'audiovisuel ; - la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; - la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité ; - la commission nationale d'aménagement commercial ; » L’article R. 311-1 4° doit être interprété strictement en réservant au Conseil d’État la compétence pour connaître du litige qui lui est soumis seulement s’il concerne l’exercice des missions de contrôle ou de régulation de l’AAI auteur de l’acte. L’exercice d’autres fonctions demeure justiciable du tribunal administratif compétent en première instance. L’article L. 311-2 du CJA prévoit que « le Conseil d’État est compétent pour connaître, en premier et dernier ressort, des oppositions aux changements de noms prononcés en vertu de l’article 61 du Code civil ». Le CÉ est aussi juge des opérations électorales de certaines institutions (parlement européen, conseils régionaux, assemblée de Corse, congrès et assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, membres du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, assemblée de la Polynésie française, assemblée territoriale de Wallis et Futuna, Conseil supérieur des Français de l’étranger.) À l’exception des élections politiques et des opérations référendaires qui relèvent de la compétence du Conseil constitutionnel, le contentieux des autres élections et consultations appartient aux TA territorialement compétents. Article R. 311-1 CJA : « 5° Des actions en responsabilité dirigées contre l’État pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative ; » 9 Droit du contentieux administratif Par ailleurs, le CÉ est compétent pour statuer sur les recours en interprétation et appréciation de légalité des actes dont le contentieux relève en premier et dernier ressort de sa Le décret n° 2021-282 du 12 mars 2021 portant application de l'article L. 311-13 du CJA a défini de nouvelles compétences du CÉ en premier et dernier ressort : décisions prises en matière d'installations de production d'énergie renouvelable en mer, qui relèvent désormais de la compétence en premier et dernier ressort du CÉ statuant au contentieux, à la place de la CAA de Nantes jusque-là compétente. Enfin, la jurisprudence a défini des cas où le CÉ n'est pas compétent au profit des TA : - Contentieux des travaux publics qui relèvent des juridictions du premier degré depuis la loi du 28 pluviôse an VIII sans considération préalable d'une décision ou d'un acte administratif. Par conséquent si un dommage de travaux publics est à imputer un ouvrage établi dans deux départements compris dans les ressorts de deux TA différents, il y a lieu de laisser le requérant choisir celui des TA compétents qu'il entend saisir le juge. - En matière d'exécution d'un contrat si l'exécution du contrat s'étend au-delà du ressort d'un seul TA, c'est toutefois le lieu de signature du contrat qui détermine la compétence territoriale du TA (TA Lyon, 19 décembre 1978). - Le CÉ est incompétent pour connaître d'un arrêté interministériel portant constatation de l'état de catastrophe naturelle (CE, 24 février 2006, Commune de Mourenx). B. Le CÉ juge d’appel Jusqu’en 1953, la compétence d’appel du CÉ était exceptionnelle car il était juge de droit commun en premier et dernier ressort. Le décret du 30 septembre 1953 a eu pour effet de faire du CÉ principalement un juge d’appel. La loi du 31 décembre 1987 ayant institué les CAA et le décret du 17 mars 1992 ayant fixé au 1 octobre 1995 la date à laquelle les CAA devaient exercer la totalité du contentieux d’appel des actes non réglementaires, l’étendue de la compétence d’appel du CÉ a été réduite. Si l’on s’en tient à la loi du 31 décembre 1987 modifiée, le Conseil d’État n’est désormais juge d’appel que dans deux cas : - Appel sur renvoie des JJ (art R321-1 CJA) - Appels des jugements prononcés dans les litiges relatifs aux élections municipales et cantonales Décret n°2004-789 du 29 juillet 2004 : compétence d’appel des jugements de reconduite aux frontières transférée du président de la section contentieux du CÉ au président de la CAA territorialement compétente. Mais le mouvement de démembrement de la compétence d’appel du CÉ a été interrompue : CÉ Section 19 janvier 2001 (GAJA) le CÉ est juge d’appel pour les ordonnances des présidents de TA saisis d’un référé liberté (Art 521-2 CJA). C. Le CE juge de cassation Article L. 311-1 CJA « Le Conseil d’État est seul compétent pour statuer sur les recours en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort par toutes les juridictions administratives ». 10 Droit du contentieux administratif Sa fonction de juge de cassation constitue aujourd’hui sa fonction juridictionnelle principale. Il existe un mécanisme de filtrage des recours : l’article L. 822-1 du CJA énonce que le pourvoi en cassation devant le CÉ fait l’objet d’une procédure préalable d’admission. L’admission est refusée par décision juridictionnelle, si le pourvoi est irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux. Si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie, il peut, plutôt que de renvoyer l’affaire après cassation devant une juridiction du fond, la régler lui- même au fond. Section 2 – Les tribunaux administratifs L’existence des TA et des CAA contribue à faire du système juridictionnel administratif un système complet. Ce système garantit les droits des justiciables par l’effet du double degré de juridiction : « La règle du double degré de juridiction est un principe général de procédure qui consacre une garantie essentielle aux intérêts des plaideurs et à l’intérêt supérieur de la justice » (B. Chenot, concl. sur Sect., 4 février 1944, Vernon). Les TA et CAA sont avant tout des juridictions chargées de trancher des litiges. Néanmoins, « outre leurs attributions juridictionnelles, les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel exercent des fonctions consultatives » (article L. 212-1 CJA). Par ailleurs, au titre de leurs missions administratives, les TA et CAA interviennent dans le cadre de l’autorisation donnée à un contribuable de plaider au nom de la commune dont ils relèvent (article L212-2 CJA « Les tribunaux administratifs se prononcent sur l’exercice, par les contribuables, des actions appartenant à certaines collectivités territoriales et à leurs établissements publics, dans les conditions fixées par le code général des collectivités territoriales. »). Déontologie des magistrats administratifs : - Loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires - Mêmes obligations que pour les membres du CE (articles L. 231-1-1 CJA et suivants) Les TA ont été créés par le décret du 30 septembre 1953, les TA, héritiers des anciens conseils de préfecture institués par la loi du 28 pluviôse an VIII, sont en France au nombre de 42 (dernier TA ouvert : TA de Montreuil en septembre 2009) §1 - Organisation Chaque TA comporte au moins une chambre composée de trois conseillers. Pour chaque affaire, il existe un conseiller rapporteur. Le rapporteur public, chargé de proposer pour chaque affaire une solution juridique, ne fait pas partie de la formation de jugement. Le TA de Paris comprend 13 chambres réparties en sections. Les TA sont composés de conseillers appartenant à un corps qui rassemble également les membres des CAA. Ce sont de véritables magistrats, contrairement aux membres du CÉ. Ils bénéficient de garanties comparables à celles existantes pour les magistrats de l’ordre judiciaire (par exemple, en matière disciplinaire, ils sont soumis à un organe spécifique : le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; les magistrats judiciaires étant soumis à la juridiction disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature). Le TA est divisé en chambres et son président est investi de pouvoirs juridictionnels et administratifs. 11 Droit du contentieux administratif - Pouvoirs juridictionnels, le président du TA est d’abord juge des référés et juge des constats d’urgence (loi du 30 juin 2000). Il statue alors par voie d’ordonnances. Ensuite, le président du TA règle les questions de compétence pouvant surgir entre différentes JA en saisissant le CÉ. Par ailleurs, il décide pour les affaires simples de les dispenser d’instruction. Enfin, il fixe la date à laquelle une affaire sera jugée (l’audiencement) et celle à laquelle la clôture de l’instruction pourra intervenir (ordonnances de clôture). - Pouvoirs administratifs, le président du TA, comme chef de juridiction, dirige les services de son tribunal, assure la discipline intérieure et organise les audiences. Dans les TA comportant au moins huit chambres, le président du tribunal peut déléguer ces attributions au premier vice-président. Formation de jugement : Article R222-18 CJA « Sauf lorsqu'ils relèvent d'un magistrat statuant seul, les jugements des tribunaux administratifs sont rendus par une formation de trois membres. » Article R222-19-1 CJA « Pour les tribunaux composés de plus de deux chambres, à l'exception du tribunal administratif de Paris, les jugements peuvent être rendus par une formation de chambres réunies présidée par le président du tribunal ou, dans les tribunaux administratifs dotés d'un premier vice-président et sur délégation du président du tribunal, par le premier vice- président et comprenant, en outre, le président de la chambre à laquelle est affecté le rapporteur et, selon le cas, le président d'une autre chambre et un magistrat assesseur affecté dans cette chambre ou les présidents de deux autres chambres et deux magistrats assesseurs affectés dans ces chambres, ainsi que le rapporteur. Les magistrats assesseurs sont pris dans l'ordre du tableau. Le groupement des chambres en formation de jugement est fixé chaque année par le président du tribunal. Lorsque la composition ainsi définie ne permet pas d'assurer l'imparité de la formation de chambres réunies, elle est complétée par un autre magistrat de l'une des chambres concernées, pris dans l'ordre du tableau. » DONC Formation de chambres réunies, nécessité d’imparité (nombre impair) de la formation : - Présidée par le président du tribunal ou présidée par le premier vice président (sur délégation du président) - Comprenant : - Président de la chambre à laquelle est affecté le rapporteur - Président d’une autre chambre et magistrat assesseur affecté dans cette chambre OU présidents des deux autres chambres et 2 magistrats assesseurs de ces autres chambres - Le rapporteur Article R222-20 CJA « Chaque tribunal administratif peut, à titre exceptionnel, se réunir en formation plénière. Lorsque les membres présents à la séance sont en nombre pair, le dernier conseiller dans l'ordre du tableau ne siège pas. Pour les tribunaux composés de plus de deux chambres, à l'exception du tribunal administratif de Paris, les jugements peuvent être rendus par une formation élargie présidée par le président du tribunal, et comprenant, en outre, le président de la chambre à laquelle est affecté le rapporteur, les autres vice-présidents du tribunal choisis, s'il y a lieu, dans l'ordre du tableau, dans la limite de trois, d'un magistrat assesseur de la chambre à laquelle est affecté le rapporteur, choisi dans l'ordre du tableau, ainsi que le rapporteur. Lorsque la composition ainsi définie ne permet pas d'assurer l'imparité de la formation élargie, elle est complétée par un autre magistrat pris dans l'ordre du tableau. » 12 Droit du contentieux administratif DONC Formation plénière (Formation élargie pour les TA de + de 2 chambres, sauf Paris): - Présidée par président du TA - Comprenant : - Président de la chambre à laquelle est affecté le rapporteur - Les autres vice-présidents - Maximum de 3 magistrats assesseurs de la chambre à laquelle est affecté le rapporteur - Le rapporteur §2 - Compétences A. Compétence territoriale des TA Article R. 221-3 CJA : par référence aux limites territoriales des départements. Ces territoires s’étendent jusqu’à la limite des trois mille marins, au-delà de la laisse de basse mer, sur le début du plateau continental (CE, Sect., 4 décembre 1970, Ministre de la défense c. Starr). Pour éviter une surcharge de travail du TA de Paris => Article R. 312-1 CJA Le tribunal territorialement compétent « est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l’autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée ou a signé le contrat litigieux. ». Ainsi, la règle de l’article R. 312-1 s’applique que l’autorité ait signé directement l’acte ou le contrat ou qu’elle l’a fait par délégation. De plus, lorsque la saisine du juge est précédée d’une demande préalable à l’administration (recours gracieux ou hiérarchique) la compétence territoriale est déterminée par référence à la décision administrative attaquée. C’est la décision initiale seule qui compte, même quand seul le rejet du recours hiérarchique par le supérieur de l’auteur de l’acte est attaqué devant le TA (CE, Sect., 21 février 1968, Association des viticulteurs de la Côte-d’Or). Si l’acte a été signé par plusieurs autorités, le TA compétent est celui dans le ressort duquel à son siège la première des autorités dénommées dans cet acte (article R. 312-1 alinéa 1 CJA). La compétence territoriale est d’OP : Article R. 312-2 CJA « Sauf en matière de marchés, contrats ou concessions, la compétence territoriale ne peut faire l'objet de dérogations, même par voie d'élection de domicile ou d'accords entre les parties. Lorsqu'il n'a pas été fait application de la procédure de renvoi prévue à l'article R. 351-3 et que le moyen tiré de l'incompétence territoriale du tribunal administratif n'a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l'instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d'office par le juge d'appel ou de cassation. » Compétence en matière de demande principale : Article R. 312-3 CJA « Le tribunal administratif territorialement compétent pour connaître d’une demande principale l’est également pour connaître de toute demande accessoire, incidente ou reconventionnelle. Il est également compétent pour connaître des exceptions relevant de la compétence d’une juridiction administrative. » => concrétisation de deux principes importants : - Le juge du principal est le juge de l’accessoire dès lors que cet accessoire relève de la compétence matérielle des TA ; on peut déduire que le juge administratif compétent en premier ressort est aussi compétent pour prononcer toutes les mesures d’urgence (en matière de suspension comme l’implique le fait que la demande de suspension doit nécessairement accompagner une demande d’annulation. Les présidents des TA sont donc normalement compétents en premier ressort pour statuer sur des demandes de suspension lorsque la demande au fond ressortit à la compétence 13 Droit du contentieux administratif matérielle et territoriale des juridictions qu’ils président. Aussi valable pour les autres formes de référé.) - Prohibition des renvois préjudiciels entre JA, c’est-à-dire entre juridictions à compétence générale (CE, Ass., 16 novembre 1956, Société BAB et BLN.) Recours en interprétation et appréciation de légalité : Article R. 312-4 CJA « Les recours en interprétation et les recours en appréciation de légalité relèvent de la compétence du tribunal administratif territorialement compétent pour connaître de l’acte litigieux » Règles particulières de compétence territoriale des TA dérogeant à la règle générale énoncée à l’article R. 312-1 : Article R. 776-3 CJA : contentieux des reconduites à la frontière. « Le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a son siège le préfet qui a pris la décision. Ceci ne déroge pas à la règle fixée par l’article R. 312-1. Toutefois, lorsque le recours est formé par un étranger placé dans un centre de rétention administrative, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel est situé le centre où se trouve le requérant lors de l’introduction de sa requête » DONC ce qui importe est l’origine du litige et non son appartenance à telle ou telle catégorie puisqu’il peut s’agir de litiges d’excès de pouvoir comme de plein-contentieux (CE, Sect., 26 janvier 1968, Société Maison Génestal). En effet, par application de l’article R. 312- 10, si l’acte a un champ d’application qui excède le ressort territorial d’un seul TA, c’est la compétence directe du CE qui est retenue. Mais si une décision administrative vise plusieurs personnes morales dont le siège de chacune est situé sur le territoire de plusieurs TA différents, plusieurs tribunaux peuvent alors être compétents (CE, 2 octobre 1956, Office parisien de compensation). B. Compétence matérielle 1. Règles générales de compétence La compétence rationae materiae des TA est depuis 1953 une compétence générale. L’article L. 211- 1 du CJA dispose que « les tribunaux administratifs sont, en premier ressort et sous réserve des compétences attribuées au Conseil d'État, juges de droit commun du contentieux administratif ». En tant qu’il est juge de droit commun de première instance, le TA connaît de tout litige administratif non spécialement attribué à une autre juridiction. Article L311-1 CJA « Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort, juges de droit commun du contentieux administratif, sous réserve des compétences que l’objet du litige ou l’intérêt d’une bonne administration de la justice conduisent à attribuer au Conseil d’État ». 2. Règles spéciales de compétence Ces règles spéciales sont autant d’exceptions au principe de compétence territoriale énoncé à l’article R. 312-1 du CJA. En d’autres termes, les règles spéciales de compétence en raison de la matière dérogent à la règle générale de compétence territoriale. Ces règles sont énumérées aux articles R. 312-6 à 17 du CJA. On assiste depuis quelques années à une extension des règles spéciales de compétences des TA, le législateur étendant leur compétence dans de nouveaux domaines. Si aucun TA n’est compétent, l'article R. 312-19 organise la compétence du TA de Paris. 14 Droit du contentieux administratif 3. Matière contractuelle : Contentieux relatif à l’exécution d’un contrat Alors que le contentieux de la formation du contrat suit la règle de la compétence territoriale posée par l’article R. 312-1 CJA, le contentieux de l’exécution du contrat y déroge. En matière contractuelle, c’est le lieu d’exécution du contrat qui détermine le TA compétent, en application de l’article R. 312-11, c’est-à-dire le lieu de l’exécution même du contrat (CE, 29 janvier 1958, Société nationale de construction). Les litiges nés en matière quasi-contractuelle sont également soumis à ce régime (article R. 312-11 CJA) 4. Matière délictuelle (R321-14) Les actions en responsabilité extracontractuelle (à l’exclusion aussi des litiges quasi- contractuels) relèvent du lieu de la décision illégale ou sinon du lieu du dommage de travaux publics ou du lieu de résidence de la victime. 5. Matière immobilière (321-7) Le TA compétent est celui dans le ressort duquel se trouvent les immeubles faisant l’objet d’un litige immobilier. C. La compétence en premier et dernier ressort des TA Les articles R. 811-1 et R. 811-1-1 CJA prévoient l’existence de plusieurs litiges dans lesquels le TA statue en premier et dernier ressort. Section 3 - Les cours administratives d’appel §1. Organisation et fonctionnement Créées par la loi du 31 décembre 1987, les CAA ne sont qu’au nombre de 9 (Paris, Versailles (créée en 2004), Douai, Nantes, Lyon, Bordeaux, Marseille, Nancy et Toulouse (créée en 2022)). Compte tenu de leur petit nombre, leur ressort territorial est très vaste. Article L. 222-3 CJA « Chaque cour administrative d’appel est présidée par un conseiller d’État en service ordinaire. » L’affectation dans les fonctions de président d’une CAA est prononcée par décret sur proposition du vice-président du Conseil d’État délibérant avec les présidents de section. Le président est assisté d’un vice-président. Dans les CAA, le premier vice-président a préséance sur les présidents de chambre et les présidents de chambre ont préséance sur les assesseurs ; Article R. 222-31 « En cas d’absence ou d’empêchement, les présidents des cours administratives d’appel sont remplacés par le premier vice-président ou, à défaut, par le président de chambre le plus ancien dans l’ordre du tableau. Ils peuvent déléguer au premier vice-président les attributions qu’ils tiennent » Les conseillers composant la CAA appartiennent au même corps que les conseillers des TA. Pour être affecté à une CAA, le conseiller doit appartenir à la première classe et compter au moins six ans de service effectif dans l’exercice de fonctions juridictionnelles. Article L. 221-3 CJA, Les CAA comportent toujours au moins deux chambres ayant chacune leur spécialité. 15 Droit du contentieux administratif Jusqu’à l’intervention du décret n°2010-164 du 22 février 2010, 2 formations de jugement seulement étaient prévues, la formation ordinaire et la formation plénière : Article R. 222-25 CJA « Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d’appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. » Article R. 222-29 CJA « La formation de jugement ou le président de la cour peuvent, à tout moment de la procédure, décider d’inscrire une affaire soit au rôle d’une formation de chambres réunies, soit au rôle de la cour statuant en formation plénière. » Formation ordinaire : - 1 Président de chambre - 2 conseillers affectés à la chambre, - 1 conseiller affecté à une autre chambre - 1 rapporteur => 5 membres Formation de chambres réunies Article R. 229-29-1 CJA : - Présidée par le président de la CAA - 1 président de la chambre à laquelle est affecté le rapporteur - 1 président assesseur de la chambre à laquelle est affecté le rapporteur - président d’une autre chambre OU présidents de deux autres chambres - président assesseur affecté dans cette chambre OU présidents assesseurs de deux autres chambres - 1 magistrat désigné parmi les magistrats affectés dans la deuxième et, le cas échéant, dans la troisième chambre - Le rapporteur => Au moins 7 membres Formation plénière Article 222-30 CJA (décret 2013-730 du 13 août 2013) : - Présidée par le président de la Cour - Le premier vice-président, - Les présidents de chambre de la cour, (remplacés en cas d’absence ou d’empêchement par un magistrat de la même chambre, ayant au moins le grade de président) - Le magistrat rapporteur - S’il y a lieu, un magistrat départageur ayant le grade de président => Au moins 5 membres Le président de la CAA a les mêmes pouvoirs juridictionnels que le président du TA en matière de référé et de constat d’urgence, sauf le cas du référé liberté, pour lequel la compétence d’appel est détenue par le président de la Section du contentieux du CÉ. Comme le président du TA, le président de la CAA a pour missions d’administrer la cour, de diriger l’ensemble des services, d’assurer la discipline intérieure, d’organiser les audiences et de répartir les requêtes entre les chambres. De plus, il préside une formation de jugement. §2. Compétences A. Les compétences en premier et dernier ressort 16 Droit du contentieux administratif Depuis 2012, le pouvoir réglementaire a innové en donnant à la CAA de Paris une compétence en premier et dernier ressort en matière sociale. Cette innovation a fait florès puisque de nouvelles compétences lui ont été attribuées successivement depuis 2013 et une extension d’une nouvelle compétence à toutes les CAA. 1. La CAA des Paris Article R. 311-2 CJA :« La cour administrative d'appel de Paris est compétente pour connaître en premier et dernier ressort : 1° Des recours dirigés contre les arrêtés du ministre chargé du travail relatifs à la représentativité des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs, pris en application des articles L. 2122-11 et L. 2152-6 du code du travail ; 1° bis Des recours dirigés contre l'arrêté du directeur général de l'Autorité des relations sociales des plateformes d'emploi fixant la liste des organisations mentionnées à l'article L. 7343-2 reconnues représentatives au niveau des secteurs mentionnés à l'article L. 7343-1 ; 2° Des litiges relatifs aux décisions prises par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique en application des articles 28-1,28-3 et 29 à 30-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, à l'exception de celles concernant les services de télévision à vocation nationale ; 3° Des recours dirigés contre les décisions du ministre chargé de la culture relatives à la délivrance ou au refus de délivrance du visa d'exploitation cinématographique aux œuvres ou documents cinématographiques ou audiovisuels destinés à une représentation cinématographique, prises en application de l'article L. 211-1 du code du cinéma et de l'image animée ; 4° Des recours dirigés contre les décisions de l'autorité polynésienne de la concurrence et de l'autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie qui ne relèvent pas du juge judiciaire ; 5° A compter du 1er janvier 2019, des litiges, y compris pécuniaires, relatifs à l'ensemble des actes, autres que ceux prévus aux 1°, 2° et 6° de l'article R. 311-1, afférents : - aux opérations d'urbanisme et d'aménagement, aux opérations foncières et immobilières, aux infrastructures et équipements ainsi qu'aux voiries dès lors qu'ils sont, même pour partie seulement, nécessaires à la préparation, à l'organisation ou au déroulement des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ; - aux documents de toute nature, notamment les documents d'urbanisme et d'aménagement, en tant qu'ils conditionnent la réalisation des opérations, infrastructures, équipements et voiries mentionnés à l'alinéa précédent ; - aux constructions et opérations d'aménagement figurant sur la liste fixée par le décret prévu au dernier alinéa de l'article 12 de la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. » Exemple : rejet pour incompétence du CÉ => CE, 18 mai 2018, req. n° 420555 « Toutefois, il résulte des termes de l'article R. 311-2 du code de justice administrative que les recours dirigés contre les décisions du ministre de la culture relatives à la délivrance du visa d'exploitation d'oeuvres cinématographiques relèvent de la compétence en premier et dernier ressort de la cour administrative d'appel de Paris. Dès lors, le juge des référés du Conseil d'Etat ne peut être régulièrement saisi de la mesure d'urgence présentée par la société requérante. » Sur le 1° : Article R. 2122-99 du code du travail, créé par le décret n°2012-1130 du 5 octobre 2012 « Les recours dirigés contre les arrêtés pris en application de l’article L. 2122-11 sont portés devant la juridiction désignée par l’article R. 311-2 du code de justice administrative. » Article L. 2122-11 du code du travail, créé par la loi n°2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (article 2). « Après avis du Haut Conseil du dialogue social, le ministre chargé du travail arrête la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle et des organisations syndicales reconnues représentatives au niveau national et interprofessionnel en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-10. » 17 Droit du contentieux administratif 2. Toutes les CAA Article R. 311-3 CJA « Les cours administratives d'appel sont compétentes pour connaître en premier et dernier ressort des litiges relatifs aux décisions prises par la Commission nationale d'aménagement commercial en application de l'article L. 752-17 du code de commerce, ainsi qu'aux décisions prises par la Commission nationale d'aménagement cinématographique en application de l'article L. 212-10-3 du code du cinéma et de l'image animée. La cour administrative d'appel territorialement compétente pour connaître de ces recours est celle dans le ressort de laquelle a son siège la commission départementale d'aménagement commercial ou la commission départementale d'aménagement cinématographique qui a pris la décision. » Article R. 311-5 CJA : Compétence pour connaître des litiges portant sur les décisions rendues en matière d’éoliennes terrestres => décret n° 2018-1054 du 29 novembre 2018 Ex. affaire des éoliennes de la Montagne Sainte-Victoire (CAA Marseille, 19 mars 2021, Société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France) b. La compétence territoriale Article R. 322-1 CJA « La cour administrative d’appel territorialement compétente pour connaître d’un appel formé contre un jugement d’un tribunal administratif ou une décision d’une commission du contentieux de l’indemnisation des Français d’outre-mer est celle dans le ressort de laquelle a son siège ce tribunal ou cette commission. » Ex : CAA Marseille : ressort des tribunaux administratifs de Bastia, Marseille, Montpellier, Nice, Nîmes et Toulon (article R. 221-7 CJA) Article R. 322-2 CJA « La compétence territoriale des cours administratives d’appel est d’ordre public. » Cela a notamment pour conséquence que la violation des règles de la compétence territoriale est susceptible d’être contestée à tout moment de la procédure en alléguant un moyen d’ordre public. c. La compétence matérielle Article L. 211-2 CJA « Les cours administratives d’appel connaissent des jugements rendus en premier ressort par les tribunaux administratifs, sous réserve des compétences attribuées au Conseil d’État en qualité de juge d’appel. » Seule la voie de la cassation est ouverte à l’encontre des arrêts rendus par les cours administratives d’appel. Ce recours est formé devant le Conseil d’État. CHAPITRE 2 : Les juridictions administratives spécialisées XXs = prolifération de juridictions admin spécialisé Inconvénient: complexification de l’identification par le justiciable de la juridiction compétente + activité juridictionnelles et administrative double Avantage: la spécialisation du juge ; la rapidité de jugement due au nombre restreint de compétences de ces juridictions. Section 1 – La notion de juridiction administrative La conséquence pour le particulier de savoir s’il saisit un organe de nature administrative ou de nature juridictionnelle réside dans le régime juridique applicable alors à cet organe. 18 Droit du contentieux administratif Si le particulier saisit un organe administratif: ◦ décisions de cet organe sont des décisions administratives, ◦ régime des actes administratifs ◦ attaquées devant le juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir. ▪ Les actes acquièrent une simple autorité de « chose décidée ». ▪ Cet acte administratif pourra toujours être rétracté ou abrogé. ▪ Il ne bénéficie pas d’une présomption de légalité ce qui signifie que l’illégalité de cet acte peut être invoquée à l’appui d’un recours concernant un autre acte même si ce dernier ne peut plus être attaqué. Si le particulier saisit un organe juridictionnel: ◦ les décisions de cet organe = jugements ou des arrêts ◦ régime des actes juridictionnels, et qui peuvent faire l’objet d’un contrôle du Conseil d’État par la voie de l’appel ou de la cassation. ◦ Lorsqu’il n’est plus susceptible de recours, l’acte juridictionnel est revêtu de l’autorité de la chose jugée. I ▪ la force de vérité légale. Les conséquences sur le régime de l’acte édicté par l’organe mi-administratif, mi-juridictionnel sont donc très importantes pour le particulier. Pas de difficulté lorsqu’un texte énumère les hypothèses dans lesquels tel organe se prononce comme autorité administrative ou juridictionnelle (cas, notamment, des tribunaux de commerce, du Tribunal des conflits, du Conseil d’État, de la Cour des comptes). Dans le silence du législateur critère matériel pour se référer (nature de l’acte de création de l’organe) 1. Le critère de la nature de l’acte de création de l’organe Article 34 C°: la création de nouveaux ordres de juridiction relève du domaine exclusif de la loi ◦ Interprétation large : L’expression ordre de juridiction n’est pas entendue dans son sens habituel de système hiérarchisé de juridictions liées les unes aux autres par l’existence de voies de droit à la disposition du justiciable et soumise au contrôle d’une cour suprême. ▪ Mais ouverte aussi juridiction dispose d’une compétence originale, distincte de celles des tribunaux existants 18 juillet 1961, Organisation judiciaire, le Conseil constitutionnel a considéré que toute juridiction originale constituait un nouvel ordre de juridiction. CE reprend le critère dans 2 arrêts: ◦ CE, Ass., 13 juillet 1962, Conseil national de l’ordre des médecins ▪ les auteurs du décret attaqué ont créé un nouvel ordre de juridictions, compétence qui, aux termes de l'article 34 de la Constitution était réservée au législateur ◦ CE, Ass., 2 mars 1962, Rubin de Servens: 19 Droit du contentieux administratif → Il résulte de cette règle que si un organisme a été créé par décret ou par arrêté, cad par l’administration sans intervention du législateur, il ne peut être considéré comme une juridiction. → Nature législative de l’acte de cration d’une juridiction soumise aux exigeances du 6§1 garanties procédurales dont peut bénéficier toute personne dont les droits et obligations de caractère civil sont contestés ou accusée en matière pénale ne sont acquises que devant un tribunal « établi par la loi » 2. Le critère matériel Juridiction = rôle de trancher litige, ne statue pas en opportunité Autorité admin = émet avis, donne conseils La mise en œuvre de ce rôle dépend de l’application d’un critère matériel Qui est selon la jp la “nature des litiges”, “nature des affaires” que l’organisme doit trancher CE, Ass., 7 février 1947, D’Aillières ◦ Application du critère matériel : caractère de juridiction administrative spécialisée des juridictions intervenant en matière disciplinaire L’opération d’élection des membres d’un organisme suit les règles applicables à l’accès aux fonctions électives dans les juridictions: CE, Ass., 12 juillet 1969, Sieur l’Étang !!) La consécration du critère matériel de la répression disciplinaire exercé par un organisme ayant le caractère de juridiction → CE, Ass., 12 décembre 1953, de Bayo Compléments au critère matériel: la composition de l’organisme l’indépendance de ses membres les pouvoirs de cet organisme. Conséquence de la qualification de juridiction administrative spécialisée: → C’est une véritable juridiction et non une commission de conciliation ou d’arbitrage privée Donc ces organes participent de la justice étatique, en application du principe d’unité de la juridiction administrative Section 2 – La diversité des juridictions administratives spécialisées § 1 – Les juridictions financières § 2 – Les juridictions disciplinaires § 3 – La Commission du stationnement payant § 4 – La Cour nationale du droit d’asile § 1 – Les juridictions financières A – La Cour des comptes Création 1807 dans l’esprit des chambres des comptes de l'Ancien Régime Divisée en 7 chambres 20 Droit du contentieux administratif Composition: premier président de présidents de chambres de conseillers maîtres de conseillers référendaires et d’auditeurs tous magistrats inamovibles Comme les juridictions judiciaires = Cour des comptes comporte: un parquet chargé de l’action publique (il défend les intérêts des citoyens en ce que la Cour des comptes contrôle l’utilisation des deniers publics). Le ministère public est représenté par un procureur général choisi par le gouvernement CdC = attributions juridictionnelles ◦ Vérifie compte annuel présenté par comptables publics ◦ Arrêt susceptible de recours en cassation par CE (1904, Botta GAJA) ◦ Elle est juge d’appel des arrêts rendus par les chambres régionales des comptes ▪ = Compétence de contrôle des comptes des comptables publics, des collectivités publiques, de leurs établissements publics et des personnes, qu’elle déclare comptables de fait, le cas échéant ◦ attributions non juridictionnelles: ▪ vérifie la bonne exécution du budget de l’État ▪ contrôle tant la régularité que l’efficacité de la gestion des administrations de l’État ▪ synthèse dans un rapport public annuel remis au président de la République ▪ contrôle également les entreprises publiques dont l’État détient la moitié du capital ▪ contrôle la gestion et les comptes de la sécurité sociale. B – Les chambres régionales et territoriales des comptes L’ensemble des comptes des comptables publics des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ainsi que les comptes des personnes qu’elle a déclarées comptables de fait. La Cour des comptes statue sur les appels formés contre les décisions juridictionnelles rendues par les chambres régionales et territoriales des comptes. (L. 111-1 CJF). Cette compétence d’appel existe depuis la création des CRC en 1982. Cdc doit vis à vis des collectivité locales: Juger les comptes, contrôle de la gestion et contrôle budgétaire mise en jeu des ordonnateurs et gestionnaires locaux élus, justifient l’identification des chambres qui en sont chargées pour chaque collectivité et impliquent la mise en œuvre d’un régime d’incompatibilités et d’inéligibilités de leurs membres (doit être diff des autres membres de la cours) ◦ → sinon conflit d’intérêt Organisation : L. 212-7 du code des juridictions financières: ◦ membres des chambres régionales des comptes constituent un corps de magistrats ▪ Inamovible (sauf si avec le ministère public) 21 Droit du contentieux administratif ▪ Donc ils ne peuvent recevoir sans leur consentement une affectation nouvelle Chaque chambre = 1 président et 2 assesseurs présidées par un conseiller maître ou un conseiller référendaire à la Cour des comptes. Le vice-président de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France est un conseiller référendaire à la Cour des comptes Les magistrats des CRC sont soit des anciens élèves de l’ÉNA qui ont choisis le corps des magistrats des CRC à la sortie de l’École, soit des fonctionnaires d’autres corps détachés dans ces fonctions (autres anciens élèves de l’ÉNA, magistrats de l’ordre judiciaire et d’autres fonctionnaires de même niveau de recrutement) D’après l’article L. 112-2 CJF tel qu’issu de la loi n°2008-1091 du 28 octobre 2008 relative à la Cour des comptes et aux chambres régionales des comptes, chaque chambre régionale des comptes comporte un représentant du ministère public qui est le correspondant du procureur général près la Cour des comptes. Le corps des magistrats des chambres régionales des comptes comprend les grades suivants : - président de section de chambre régionale des comptes ; - premier conseiller de chambre régionale des comptes ; - conseiller de chambre régionale des comptes. Questions statutaires générales ou individuelles → compétence du Conseil supérieur des Chambres régionales des comptes. Le CRCRC est une juridiction administrative spécialisée, dont les règles d’organisation et de fonctionnement sont comparables à celles du Conseil supérieur de la Magistrature et du CSTACAA Fonctionnement: CRC = pouvoir d’investigation → L241-1 Cdes juridictions financières ◦ Peut se faire communiquer tous doc liés à la gestion des collectivités publiques et autres organismes sous leur contrôle ▪ amendes pouvant aller jusqu'à 15 000 en cas d'entrave. Les magistrats des CRC ont les mêmes droits et pouvoirs de contrôle que la Cour des comptes (L. 241-2 CJF). ◦ Elles peuvent faire appel à des experts pour des enquêtes techniques (L. 241-3 CJF). Le procureur de la République peut transmettre des pièces de procédures judiciaires à la CRC concernant des irrégularités dans la gestion des collectivités ou organismes sous son contrôle (L. 241-2-1 CJF). Les personnes convoquées ont l'obligation de répondre à la CRC. La CRC doit prendre des mesures pour garantir la confidentialité de ses investigations (article L. 241-5 CJF). Les Chambres Régionales des Comptes ont des procédures délibératives collégiales pour leurs jugements, avis et rapports, permettant aux parties d'être représentées par un avocat lors de la procédure contradictoire (articles L. 241-13 et L. 241-12 CJF). 22 € Droit du contentieux administratif C – La juridiction compétente en matière de responsabilité des gestionnaires de comptes publics Entre la loi de 1948 et le 1er janvier 2023: la Cour de discipline budgétaire et financière était compétente pour juger de la responsabilité des ordonnateurs. Cependant, la loi de finances pour 2022: a autorisé la création, par ordonnance, d'un régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics et des gestionnaires d'organismes relevant du code de la sécurité sociale, ainsi que des infractions spécifiques, avec une organisation juridictionnelle composée d'une chambre de première instance au sein de la Cour des comptes et d'une cour d'appel financière sous le contrôle du Conseil d'État en tant qu'instance de cassation. Cette ordonnance, mise en vigueur le 1er janvier 2023 par l'ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022, a modifié le code des juridictions financières pour appliquer les dispositions de la loi de finances pour 2022. § 2 – Les juridictions disciplinaires Les juridictions disciplinaires des magistrats: le Conseil supérieur de la magistrature statuant en matière disciplinaire ◦ (Ex. : CE, Ass., 12 juillet 1969, Sieur l’Étang, Rec., p. 388) ◦ en application de l’article 65 alinéas 6 et 7 de la Constitution Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, juge disciplinaire des magistrats de ces juridictions (article L. 232-2 CJA) le Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, juge disciplinaire des magistrats de ces juridictions (article 223-1 du code des juridictions financières) ; Pour les membres du Conseil d’État et ceux de la Cour des Comptes : il n’y a pas de juridiction disciplinaire, le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité ministérielle. Les juridictions disciplinaires dans l’enseignement Le CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) statuant en matière disciplinaire : pour usagers, décision administrative, contestable devant tribunal administratif (loi 2019). Recours souvent pour fraude aux examens (tous diplômes dont le baccalauréat). Règles du CNESER modifiées par décret n° 2023-856 du 5 septembre 2023. Conseil supérieur de l'éducation nationale : organe d'appel disciplinaire pour enseignants, étudiants, et élèves du second degré. Juridiction disciplinaire pour personnels enseignants/hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires, ainsi que pour enseignants en médecine générale/pharmacie. D’autres juridictions disciplinaires : les juridictions ordinales (médecins, architectes, avocats, etc.) statuant en matière disciplinaire ; 23 Droit du contentieux administratif la Commission de contrôle des banques. § 3 – La Commission du stationnement payant Avant la loi MAPTAM de 2014: → la compétence judiciaire était appliquée avec une contravention de 1ère classe pour défaut ou insuffisance de paiement (dépénalisation de la procédure répressive). Après cette loi: → la redevance pour stationnement payant est désormais qualifiée de forfait de post- stationnement, décidé en montant par l'assemblée délibérante de la collectivité territoriale propriétaire de la voirie occupée, et n'est plus considérée comme un PV. § 4 – La Cour nationale du droit d’asile (CNDA) La Cour nationale du droit d’asile a remplacé le Commission des recours des réfugiés. L131-1 Examine les recours déposées contre les décisions de l'OFPRA (office de protection des réfugiés et apatrides) qui concerne droit d’asile ◦ OFPRA décide ou non d'accorder statut (réfugiée, apatradite) ou protection ▪ CNDA décision peuvent être contestée devant le CE (controle de cassation) 1. La compétence juridictionnelle de la CNDA La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) traite les recours contre les décisions de l'OFPRA (article L. 532-1 CESEDA) à déposer dans un mois suivant la notification. Elle agit en plein contentieux, prenant sa propre décision sur le statut de réfugié ou la protection subsidiaire, pas juste annuler la décision de l'OFPRA (article L. 531-2 CESEDA). La Cour nationale du droit d’asile est compétente pour juger : les recours formés contre les décisions négatives de l’OFPRA en matière de droit d’asile ; les recours en rectification d’erreur matérielle ; les recours en révision. En revanche, la Cour nationale du droit d’asile n’est pas compétente pour se prononcer sur : les recours formés contre les décisions de l'OFPRA rejetant une demande d’apatridie ; les recours formés contre les décisions de refus d'admission sur le territoire français au titre de l'asile. Ces recours relèvent de la compétence du tribunal administratif. 2. La compétence consultative de la CNDA Compétence aussi pour demandes d'avis formées par les requérants sur le maintien ou l’annulation d’une mesure d’assignation, d’expulsion ou de refoulement à l’égard d’une personne qui a déjà obtenu le statut de réfugié et qui est visée par l’une de ces mesures. L'avis émis par la Cour nationale du droit d’asile ne s'impose pas à l'administration. 24 Droit du contentieux administratif Thème 2 : Les modes alternatifs de règlement des litiges (MARL) Même si les tribunaux administratifs ont œuvré pour accélérer leur procédure, juger un litige reste un processus très long qui peut s’étaler sur plusieurs années et les MARL sont un mécanisme permettant aux parties d’accélérer cette procédure. De plus, cela leur permet d’avoir recours à la justice sans juge, et cela est généralement accueilli positivement par les parties qui souhaitent moins d’État dans leurs affaires. Cependant, les MARL représentent donc une perte du monopole de la justice étatique qui est l’expression de la souveraineté de l’État. Procéder à des MARL c’est se soustraire volontairement du recours à la justice étatique. Cela peut poser des problèmes, les questions posées en droit administratif étant d’ordre public ; et pouvoir régler sans passer par la justice étatique des questions de légalité est contraire aux principes de la justice française. De plus, certains contentieux ne peuvent simplement pas être réglés par des MARL, comme le contentieux électoral ou le contentieux de l’interprétation, c’est-à-dire un contentieux sur l’appréciation de la légalité d’un acte réglementaire. Les MARL apparaissent ainsi généralement dans les contentieux pécuniaires de nature contractuelle et extracontractuelle. Par ailleurs, en décidant de ne pas recourir au juge, on se soustrait aux garanties de la procédure contentieuses tel que les droits de la défense, l’impartialité de la juridiction, etc. Pour que les MARL puissent être admises, il faut donc qu’elles soient entourées de garanties minimales. Les MARL ne permettent donc pas de se substituer entièrement à l’autorité de la justice étatique. Le Conseil de l’Europe l’a ainsi rappelé à travers une recommandation en 2001 en pointant l’importance de la garantie du recours au juge administratif pour le droit des administrés. Si l’on regarde l’existence de la question en droit administratif, le règlement des différends avant le contentieux est une pratique ordinaire, au travers des deux instruments souvent confondus que sont la réclamation préalable et le recours gracieux. Il s’agit de moyens permettant à l’administré de connaître la position de l’administration, et donc de délimiter le litige voire de le supprimer ; car si l’administration donne satisfaction le différend disparaît complètement. Il est donc habituel que l’administration utilise des procédés alternatifs, et le développement des recours administratifs préalables obligatoires est une manière d’inciter les administrés à régler les différends sans avoir à passer par le juge. Section 1 – La conciliation et la médiation §1 Convergences et divergences Ces deux mécaniques se ressemblent, et se rapprochent sur certains points. Dans les deux mécaniques, il faut l’intervention d’un tiers, ce sont deux processus structurés, et on recherche un accord amiable entre les parties. Mais si ces deux mécaniques se rapprochent, elles ont certaines divergences. Ainsi en matière administrative, la conciliation est mise en place dans des procédures institutionnellement reconnues. Par exemple, une commission de conciliation existe dans le cadre 25 Droit du contentieux administratif des accidents médicaux (les CCI) afin notamment de trouver un accord sur l’indemnisation de la victime. Il y a également une commission de conciliation en matière de marché public, qui cherche à rapprocher les parties en cas de différend relatif à l’exécution d’un marché public. Il y a aussi une différence matérielle entre le rôle du conciliateur et celui du médiateur. Le médiateur joue un rôle neutre qui cherche à permettre aux parties de s’ouvrir à l’écoute de l’autre ; d’où l’existence de formations de médiation qui peuvent être liées à la psychologie. La conciliation s’éloigne ainsi du chemin traditionnel du juriste en cherchant à créer un dialogue entre les parties. Le conciliateur a quant à lui un rôle plus actif en conciliant les opinions différentes pour « arracher » un accord entre les parties. Ainsi une CCI ne peut pas se solder par un échec, là où une médiation peut ne jamais aboutir à un accord. Mais cette différence n’est pas forcément évidente dans les textes, et certains comme l’article L421-1 du code des relations entre le public et l’administration confondent les deux systèmes. On peut toutefois les différencier par un critère simple : si la conciliation est systématiquement prévue par un texte, la médiation est quant à elle le mode de résolution ordinaire des différends, même si elle est également expressément prévue dans certains textes. §2 Le régime propre de la médiation A/ La médiation institutionnelle Ce type de médiation correspond à l’hypothèse où un accord fixe le recours au médiateur. La création du médiateur de la République en 1973 a des caractéristiques que l’on retrouve dans tous les schémas de médiation institutionnelle ; à savoir l’indépendance et l’impartialité. Ces deux caractéristiques ont fait le succès de la médiation, au point où en 2010 celle-ci fut introduite dans le contentieux administratif. En droit de l’Union Européenne, une directive de 2008 a défini un régime de la médiation en matière civile et commerciale. Mais grâce à l’indifférence de l’Union Européenne quant aux qualifications internes (celle-ci considérant par exemple les services publics industriels et commerciaux comme des activités commerciale), le champ du régime de la médiation a été largement ouvert ; sauf dans quelques cas qui ont aujourd’hui disparu en droit interne, comme en matière de service public administratif. Elle est aujourd’hui largement admise, l’exemple du médiateur de la république ayant en effet été intégré dans de nombreuses institutions ; il a lui-même été remplacé par le Défenseur des droits, une institution chargée de défendre les usagers face à l’administration. D’autres textes ont permis la naissance de la médiation, notamment des règlements qui ont créé des médiateurs, comme dans certaines collectivités territoriales ou établissements publics. Certains médiateurs sont également nés également dans des protocoles d’accords tel que celui de la SNCF ; et d’autres sont des médiateurs privés dans des domaines qui touchent au domaine public comme le médiateur de l’eau. On constate que le médiateur institutionnel rencontre souvent une difficulté de positionnement, il est à la fois hors et dans l’administration et cette position est parfois complexe. Ainsi, le médiateur fiscal est ainsi un agent de l’administration qui exerce, en marge de ses fonctions habituelles, des 26 Droit du contentieux administratif fonctions de médiateur. De plus, le médiateur institutionnel peut également avoir des fonctions de conciliation ; c’est le cas du Défenseur des droits qui instruit le dossier dont il est saisi en demandant à l’administration des précisions sur le différent, il se retrouve ainsi à devoir jouer un rôle inquisitorial, et ce malgré sa fonction de conciliation. La médiation institutionnelle est donc souvent à prendre au cas par cas, les règles étant à chaque fois différentes. B/ La médiation administrative Ce type de médiation est au cœur de l’actualité aujourd’hui en matière de mode alternatif de règlements de litige. La médiation administrative a été introduite par l’ordonnance du 16 novembre 2011, et généralisée par la loi du 18 novembre 2016 de « modernisation de la justice du XXIe siècle ». Cette loi définit la médiation et l’intègre dans le code de justice administrative en son article 213-1. Le spectre de la médiation est large, mais le cœur de celle-ci est de chercher un accord pour régler un différend avec un tiers. La loi de 2016 est venue modifier le code de justice administrative à ce sujet et élargit grandement les personnes pouvant être des tiers ; le médiateur peut ainsi être une personne physique ou une personne morale. Mais il s’agit bien souvent d’une personne physique, la médiation étant un processus structuré qui s’apprend. Ainsi, la fonction de médiateur peut parfois être occupée par un avocat ; notons qu’une qualification est requise, avec une formation. Être médiateur requiert d’accomplir sa mission avec impartialité, compétence et la diligence. Et si l’indépendance n’est pas formellement une qualité demandée dans le code de justice administrative, elle reste naturellement requise du fait de la charte éthique du médiateur qui la réclame afin d’éviter la prise illégale d’intérêt. Ainsi, même un juge peut être médiateur ; à condition cependant de ne pas connaître l’affaire en sa qualité de juge. A ce titre, la charte éthique du médiateur est la même que celle du magistrat, un membre du Conseil d’État ne pouvant statuer sur la légalité d’un décret sur lequel il a rendu un avis. S’agissant du déroulé, le médiateur va tout d’abord parler à chaque partie seul, afin de présenter le processus de médiation, évoquer les enjeux et connaître les positions de chacune des parties ; le médiateur est pour cela astreint au respect de la confidentialité. Le médiateur organise ensuite une réunion plénière où les parties discutent en face à face. Notons que ce qui a été dit lors de la médiation ne peut être utilisé, sauf raison impérieuse d’ordre public comme disposé à l’article 213-2 du code de justice administrative, ou de motifs liés à la raison supérieure de protection de l’enfant ou de protection psychologiques d’une personne. Par ailleurs, les parties ne peuvent pas discuter et parvenir à un accord sur des droits dont elles ne disposent pas. La médiation a été mise en œuvre dans les litiges administratifs depuis un décret du 18 avril 2017, ce qui l’a fait entrer dans le processus de médiation contentieuse. A ce titre, elle peut donc mettre en parenthèse l’instruction d’un recours déjà déposé, mais aussi avoir comme effet d’interrompre un délai de recours contentieux. Si la médiation échoue, alors le délai de recours contentieux reprend à la date à laquelle le médiateur constate l’échec de la médiation. Il existe d’autres formes de médiation, comme la médiation à l’initiative du juge. Dans le cadre d’un litige dont il a connaissance, le juge peut ainsi décider de procéder à la médiation, mais les parties sont cependant toujours libres de refuser la médiation. Cela dit, il est en réalité rare de refuser même si l’on y est défavorable pour éviter de froisser le juge. En aucun cas la médiation ne dessaisit le juge, soit celle-ci se solde par un échec, auquel cas l’instance suspendue par la médiation reprend ; soit elle parvient à un accord, auquel cas les parties concluent un protocole d’accord de médiation qui est communiqué au juge. Celui-ci va juger un non-lieu en cas de silence des parties, 27 Droit du contentieux administratif ou bien en cas de demande des parties, homologuer l’accord de transaction de manière à lui conférer l’autorité de la chose jugée. Depuis un décret en 2018, et avec une génération en 2022, le pouvoir réglementaire a introduit la notion de médiation préalable obligatoire pour certains litiges de fonction publique et dans certains litiges sociaux. Le médiateur doit ici être saisi avant l’introduction de tout recours contentieux, et l’absence de saisie du médiateur constitue ici une cause d’irrecevabilité du recours intenté directement sans passer par la médiation. Cette médiation a également un effet sur le recours contentieux ; il est en effet prévu par l’article R213-11 du code de justice administrative que la saisie du médiateur interrompt le délai de recours contentieux et suspend les délais de prescription. Les deux délais n’ont pas la même nature : la contestation du délai de recours constitue un débat sur la recevabilité du recours, tandis que la contestation du délai de prescription constitue un débat sur le fond de l’obligation litigieuse ; de ce fait il faut que l’action soit recevable pour pouvoir discuter de la prescription. La médiation préalable obligatoire a donc un effet important sur les conditions du litige. Si le juge est saisi alors que le médiateur n’a pas été saisi, le juge doit rejeter la requête et la renvoyer vers le médiateur. Section 2 – La transaction La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou prévoient une contestation à naître. La transaction était originellement interdite aux personnes publiques, mais elle connaît aujourd’hui de nombreuses exceptions. Ainsi, l’article L423-1 du code des relations entre le public et l’administration a largement ouvert la transaction aux personnes publiques ; sous réserve que celle-ci ait un objet licite, et qu’elle contienne des concessions réciproques et équilibrées La transaction ne peut donc pas être le produit d’une décision unilatérale de l’administration ; une décision de ce type constituerait en effet un avantage infondé sous la forme d’une gratification, et plus exactement une libéralité, et ces dernières ne peuvent pas être consenties par l’administration. Dans un arrêt du Conseil d'État du 6 décembre 2022, celui-ci donne la marche à suivre pour procéder à une transaction. Il indique que celle-ci est dépourvue d’objet, et qu’elle ne peut pas avoir lieu si le différend a déjà été réglé. Elle peut être homologuée par le juge dans les mêmes conditions que la médiation ; à ce titre les éléments de cet arrêt valent pour la transaction comme pour la médiation. Le juge administratif dit que cette homologation doit recevoir un but d’intérêt général, ce qui signifie qu’elle doit avoir pour but de remédier à une situation qui se heurte à de vraies difficultés. L’homologation doit également résulter d’un véritable accord de volonté des parties, et le juge vérifie à ce titre le consentement à la transaction, c’est-à-dire l’accord mais aussi le fait qu’aucune des parties n’impose à l’autre la transaction. Cette transaction ne peut enfin pas non plus être une atteinte à l’ordre public, ni une libéralité consentie par l’administration. Par ailleurs, le Conseil d’État donne des règles procédurales relatives à l’homologation : Si la transaction doit être décidée par une collectivité territoriale, alors le juge ne l’homologuera qu’après délibération de cette collectivité. 28 Droit du contentieux administratif Si le litige était un litige où le ministère d’avocat est obligatoire comme en matière contractuel, alors celui-ci est obligatoire pour l’homologation de la transaction Il peut y avoir deux formes d’instance en matière d’homologation o Soit une instance ne portant que sur l’homologation, auquel cas l’une des parties saisit le juge pour qu’il homologue o Soit, et c’est le plus souvent le cas, l’homologation intervient dans le cadre d’une instance déjà en cours, auquel cas les parties pendant l’instruction discutent entre elles et parviennent à un accord transactionnel. L’affaire étant toujours en cours d’instruction, elles demandent simplement l’homologation de cet accord car le cadre du litige a évolué. Pour le juge il ne s’agit alors plus de condamner une partie ou de rejeter le recours, il s’agit désormais de tenir compte de l’accord intervenu entre les parties. La demande d’homologation a pour effet immédiat de conférer à la transaction l’autorité de la chose jugée, attachée au jugement d’homologation. Ainsi, les parties ne seront plus seulement tenus par les effets relatifs du contrat de protocole, mais également par l’autorité de la chose jugée. Cela étant, la jurisprudence a considéré que tout ne pouvait pas donner lieu à transaction. Il y a à ce titre des réserves que l’on retrouve dans l’arrêt de 2002 ; mais la jurisprudence est venue ajouter d’autres cas à ces réserves. Dans l’arrêt du Conseil d'État Girondins de Bordeaux de 2015, la LFP a considéré que l‘AS Monaco bénéficiait d’avantages en raison de cotisations sociales et de charges très inférieures à la normale. Elle a ainsi décidé en 2015 d’extorquer l’AS Monaco en déclarant que celle-ci devait choisir entre avoir son siège en France, ou bien payer 50 mil