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Université Libre des Pays des Grands Lacs

Prof Luzlo

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Congolese law judicial organization civil procedure legal studies

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This document is a course on Congolese Judicial Organization and Competence, focusing on the definition, social utility, and subdivisions of judicial law. It explores the structure and function of courts and tribunals, and covers the various sources of judicial law in the Congolese context. The course details the constitutional and legal frameworks, including relevant articles and decrees, and discusses the roles of different judicial actors and organizations.

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-1- ORGANISATION ET COMPETENCE JUDICIAIRES, OBJET DU DROIT JUDICIAIRE CONGOLAIS 1 -2- INTRODUCTION 1. Définition du droit judiciaire Le droit judiciaire peut être défini comme ét...

-1- ORGANISATION ET COMPETENCE JUDICIAIRES, OBJET DU DROIT JUDICIAIRE CONGOLAIS 1 -2- INTRODUCTION 1. Définition du droit judiciaire Le droit judiciaire peut être défini comme étant « une branche du droit traitant des règles relatives à l’organisation et à la compétence des juridictions judiciaires c'est-à-dire des juridictions civiles et pénales. 2. Utilité sociale du Droit Judiciaire L’ordre social est-il troublé par une infraction qui est commise ? Il faut punir le coupable ; mais pour aboutir à la sanction, à la peine légale, il faut connaître la procédure à suivre. De même, le titulaire d’un droit subjectif qui se trouve lésé dans son droit et qui veut obtenir la réparation du préjudice subi doit savoir comment procéder pour aboutir à la réparation. Nous pouvons donc dire que le droit judiciaire est la voie nécessaire et obligatoire par laquelle doit passer celui qui veut obtenir justice. Sans l’existence du droit judiciaire, la justice ne peut être rendue, à moins évidemment d’admettre le système archaïque et anarchique du recours à la vengeance privée. Bref, le droit judiciaire est socialement utile parce que : a) Il met fin à l’insécurité, aux violences et aux désordres qu’engendre le droit de se faire justice à soi-même ; b) Par son existence, il paralyse à l’avance la résistance, la fraude ou la mauvaise foi ; en effet, c’est parce qu’il pourra être poursuivi en justice, que le malfaiteur sera parfois contraint soit de cesser son comportement infractionnel soit d’exécuter un engagement contractuel non rempli. 3. Subdivision du Droit Judiciaire Généralement il est admis que le Droit Judiciaire se subdivise en deux branches : - La procédure pénale : qui étudie l’ensemble des règles sur la recherche des infractions, la poursuite et la condamnation du délinquant ; - La procédure civile : qui étudie l’ensemble des règles permettant à un titulaire de droit lésé, d’obtenir soit le rétablissement en son droit soit la réparation du préjudice que lui cause la dépossession de son droit. 2 -3- En plus de ces deux grandes branches du droit judiciaire, il faut encore distinguer l’organisation et la compétence judiciaires qui sont l’objet du présent cours. Il sied de préciser que : le « Cours d’Organisation et de Compétence Judiciaires » peut s’intituler aussi « cours de droit judiciaire congolais » et cela pour deux raisons : la première est que l’organisation et la compétence judiciaires constituent l’objet du droit judiciaire et la deuxième raison est que le droit judiciaire désigne l’ensemble des règles suivant lesquelles les organes juridictionnels sont constitués et exercent leurs pouvoirs. Strictement parlant, le droit judiciaire régit donc : 1. L’institution et le fonctionnement des cours et tribunaux ; 2. La compétence c'est-à-dire la répartition du pouvoir juridictionnel entre les cours et tribunaux ; 3. La procédure ou les modalités suivant lesquelles les causes sont introduites, instruites et jugées, tant en matières pénales, civiles, administratives, etc. ; 4. Les voies de recours c'est-à-dire les moyens mis à la disposition des parties pour leur permettre d’obtenir un nouvel examen des procès ou de faire valoir les irrégularités observées dans le déroulement de la procédure (1) ; 5. Les voies d’exécutions qui sont les modalités suivant lesquelles les pouvoirs publics peuvent, éventuellement imposer par la force, les décisions juridictionnelles ; 6. L’organisation et le fonctionnement du ministère public c'est-à-dire les différents parquets près les cours et tribunaux ; 7. L’organisation et le fonctionnement des greffes qui sont des officiers ministériels garantissant l’authenticité et la conservation des actes des juridictions ; 8. Enfin l’organisation et le fonctionnement de la police judiciaire chargée de renseigner le parquet en vue de l’accomplissement de sa mission ; l’organisation et le fonctionnement de l’huissariat, chargé de l’exécution, avec toutes les garanties de la légalité, des actes des parties, du greffier, des juges et des cours et tribunaux. (1) On distingue parmi les voies de recours ordinaires (opposition et appel), les voies de recours extraordinaires (tierce opposition, pourvoi en cassation, pourvoi en révision) ; les voies de rétractation (opposition, pourvoi en révision) et les voies de réformation (Appel). 3 -4- 4. Les sources du droit judiciaire(1) Les différentes sources du droit judiciaire sont les suivantes : a. La constitution du 18 Février 2006 La constitution contient un certain nombre des dispositions qui relèvent du droit judicaire. A titre d’illustration, nous citerons les dispositions ci-après : la garantie de l’indépendance du pouvoir judiciaire : cette indépendance est affirmée par rapport au pouvoir législatif et par rapport au pouvoir exécutif (Article 149 alinéa 1 de la constitution du 18 février 2006). La constitution du 18 février 2006 garantit la publicité des audiences judiciaires en son article 20 ; - la garantie du droit de la défense en son article 19 In fine; - l’obligation de motiver tout jugement en son article 21 alinéa 1; - le prononcé de tout jugement en audience publique en son article 20 alinéas 1; - la présomption d’innocence dont bénéficie toute personne accusée d’une infraction, jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif en son article 17 In fine; - l’éclatement et l’attribution des compétences classiques de la cour suprême de justice à trois nouvelles hautes juridictions, à savoir : 1. La Cour Constitutionnelle qui, en plus des compétences répressives lui dévolue à l’égard du Président de la République et du Premier Ministre, connaîtra entre autres des pourvois en appréciation de la constitutionalité des lois, des recours en annulation des actes et décisions des autorités centrales de la République, des contestations nées des élections et du référendum ; 2. La Cour de Cassation qui connaîtra des pourvois en cassation dirigés contre les décisions judiciaires rendues par les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire, jugera en premier et dernier ressort les bénéficiaires traditionnels des privilèges de juridictions de la section judiciaire de la cour suprême de justice mis à part le Président de la République et le premier ministre et qui sont le Gouverneurs des provinces, les membres du gouvernement, les Haut magistrats des cours ; (1) Lire à ce sujet, RUBBENS (A), Le droit judiciaire congolais, Tome I, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaire, Kinshasa -Université Lovanium - Bruxelles, Maison Ferdinand, Larcier , 1970. 4 -5- 3. Le conseil d’Etat qui connaîtra des recours en annulation des décisions des autorités administratives centrales de la République. b. Les traités internationaux Selon l’article 215 de la constitution du 18/02/2006, les traités et accords internationaux régulièrement ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois, à condition qu’ils soient également appliqués par l’autre partie. Ainsi par exemple les traités conclus en matière d’extradition et d’exécution des commissions rogatoires, d’arbitrage et d’exécution des jugements et actes, peuvent avoir une incidence sur l’administration de la justice congolaise. c. La loi La constitution du 18 février 2006 en son article 149 donne à la loi le pouvoir d’instituer les cours et tribunaux, de fixer leur compétence et les règles de procédure. C’est ainsi que nous avons le code d’organisation et de compétence judiciaires institué par l’ordonnance loi N° 82/017 du 31 mars 1982, le code de procédure pénale institué par le décret du 09 Août 1959, le code de procédure civile, institué par le décret du 7 mars 1960. Il faut citer aussi le code de procédure devant la cour suprême de justice, qui a été institué par l’ordonnance – loi N° 82/017 du 31 mars 1982. Il y a bien sûr beaucoup d’autres textes de lois qui contiennent des dispositions relevant du droit judiciaire. d. Le pouvoir réglementaire du Président de la République La constitution du 18 février 2006 et le code de procédure devant la cour suprême de justice attribuent au Président de la République certaines compétences en matière judiciaire. Le président de la République exerce ces compétences par voie d’ordonnance selon l’article 79 alinéas 3 de la constitution du 18 février 2006. A titre d’illustration, nous pouvons citer les compétences suivantes : a) l’autorisation de poursuites judiciaires ou la mise en accusation de certains justiciables de la cour suprême de justice (Article 114 du code de procédure devant la cour suprême de justice) ; b) le pouvoir de remettre, de commuer ou de réduire les peines prononcées par les cours et tribunaux et ce, sur proposition du gouvernement, le conseil supérieur de la magistrature entendu ; 5 -6- c) Le pouvoir de suspendre et les juridictions et les substituer par des juridictions militaires sur tout ou partie du territoire national et pour la durée et les infractions qu’il détermine aux termes de article 87 in fine de la constitution du 18 février 2006 pendant l’état de guerre, l’état de siège or l’état d’urgence. e. Le pouvoir réglementaire du Ministère de la Justice La loi reconnaît au ministère de la justice le pouvoir réglementaire en matière judiciaire notamment : a) le pouvoir d’accorder, par arrêté ministériel la libération conditionnelle (Article 96 de l’ordonnance N° 344 du 17 septembre 1965 portant régime pénitentiaire et libération conditionnelle) ; b) la nomination des juges assesseurs des tribunaux de paix (Article 25 du code de l’organisation et de compétence judiciaires) ; c) la nomination des magistrats inspecteurs prés les tribunaux de paix (Article 30 du code de l’organisation et de compétence judiciaire). Aux termes de l’article 150 de la constitution du 18 février 2006 le ministre de la justice perd son pouvoir classique de muter tout magistrat pour des raisons de service ou à la demande de l’intéressé. f. Le pouvoir réglementaire des Présidents des Juridictions a) Le président de la cour suprême de justice réglemente par voie d’ordonnance le service intérieur de la cour suprême de justice (Article 64 alinéas 1 du code de l’organisation et de compétence judiciaires) ; b) Le premier président de la cour d’appel réglemente par voie d’ordonnance, le service intérieur de la cour d’appel et des tribunaux de son ressort ainsi que le service des greffes et la tenue des registres (Article 64 alinéas 2 et 3 du code de l’organisation et de compétence judiciaires). g. La coutume a) Les contestations peuvent être tranchées par les tribunaux de paix suivant la coutume ; en ce cas, les cours et tribunaux appliquent la coutume pour autant que celle-ci soit conforme aux lois, à l’ordre public et aux bonnes mœurs (Article 153 alinéas 4 de la constitution du 18 février 2006, Article 116 du code de l’organisation et compétence judiciaires) ; 6 -7- b) Les articlse 17 et 77 du code de procédure pénale permettent respectivement à l’officier du Ministère public et au juge d’imposer au témoin une forme de serment dont l’emploi, d’après les coutumes locales, paraît le plus propre à garantir la sincérité de la déposition. h. Les usages Il nous faut distinguer deux catégories d’usages : a) Il y a d’abord les usages locaux qui sont légalement prévus par le code de l’organisation et compétence judiciaires à l’article 108 qui dispose que: les juges qui allouent des dommages-intérêts d’office peuvent fonder leur jugement sur la loi, la coutume ou les usages locaux ; il s’agit en ce cas des règles nouvelles nées du commerce social dans un milieu déterminé ; ils ne se rattachent cependant pas à la coutume ; b) Il y a les usages qui sont des pratiques judiciaires ayant acquis force du droit, complémentaires ou dérogatoires à la loi. ces usages peuvent être une explication des textes trop rigides ; mais il y a en a qui sont « supra legem » c'est-à-dire qui va au delà de la pensée du législateur ; ils peuvent aussi être « contra legem », en ce cas, ils constituent une véritable rébellion contre la loi (1). i. Les principes généraux du droit Les principes généraux sont des principes directeurs qui servent de guide voire même de source du droit en cas de silence de la loi. Le siège légal des principes généraux du droit est l’article 1 de l’ordonnance de l’administrateur général du Congo du 14 mai 1886 approuvée par le décret du 12 novembre 1886. Cet article dispose que: « Quant la matière n’est pas prévue par un décret, un arrêté ou une ordonnance déjà promulguée, les contestations qui sont, de la compétence des tribunaux du Congo seront jugées d’après les coutumes locales, les principes généraux du droit et l’équité ». Cette disposition demeure d’application aujourd’hui. A l’époque coloniale, il s’était établi une opinion selon laquelle, par principes généraux du droit, il fallait entendre « principes généraux du droit belge », cette interprétation n’est plus de mise depuis l’indépendance de la RDC. Le code d’organisation et de compétence judiciaires du 31 mars 1982 permet le recours aux principes généraux du droit lorsqu’il s’agit de (1) RUBBENS (A), Op. Cit., p.47 7 -8- trancher une contestation qui doit se baser sur la coutume. En effet, l’article 116 de ce code dispose que si une contestation doit être tranchée suivant la coutume, les cours et tribunaux appliquent celle-ci pour autant qu’elle soit conforme aux lois et à l’ordre public ; en cas d’absence de la coutume ou lorsque la coutume n’est pas conforme aux lois et à l’ordre public, les cours et tribunaux s’inspirent des principes généraux du droit. Souvent, les principes généraux du droit sont contenus dans les adages. Exemples de quelques principes généraux du droit : - le pénal tient le civil en état ; - in dubio pro reo (le doute doit profiter au prévenu) ; - nul n’est sensé ignorer la loi ; - electa una via, non datur recursus ad alterram ; - actori incumbit probatio ; - le droit de la défense, etc. j. L’équité L’ordonnance de l’Administrateur Général du Congo du 14 mai 1886 permet également aux cours et tribunaux, en cas de silence de la loi de recourir à l’équité. C'est-à-dire au sens personnel de la justice et de l’ordre social ; l’on peut définir l’équité comme le sens humain de la pondération et de la conscience sociale du juge (1). k. La jurisprudence L’on peut définir la jurisprudence comme un ensemble de décisions suffisamment concordantes rendues par les juridictions sur une question (2). La jurisprudence peut revêtir plusieurs épithètes (3): - elle est constante lorsqu’elle acquiert une certaine permanence par le fait conjugué de la répétition et de la confirmation par les juridictions supérieures (cours d’appel et cour suprême de justice) ; - elle est constante et définitive lorsque la cour suprême de justice agissant en matière de cassation est intervenue pour départager des jurisprudences diverses ; - l’on parle aussi de jurisprudence « ancienne » en raison de sa vétusté ; (1) LAMY (E), Le droit privé Zaïrois, Kinshasa, 1975, p. 118, N° 71 (2) GUILLIEN (R) et VINCINT (J), Lexique de termes juridiques, 6éme édition, Dalloz, Paris, 1985, p. 246 (3) LAMY (E), Op. Cit., p. 124 8 -9- - la jurisprudence est dite récente, lorsqu’elle est encore nouvelle; - l’on parle également de jurisprudence isolée, lorsqu’elle va dans le sens contraire de la jurisprudence habituelle; - l’on dit aussi que la jurisprudence est partagée, incertaine ou flottante lorsque les tribunaux tranchent différemment une question de droit ; Il y a lieu de noter qu’un seul arrêt de cassation peut fixer d’une manière constante et définitive la jurisprudence surtout lorsqu’il s’agit d’un arrêt de principe. La jurisprudence peut être source de droit judiciaire à la condition qu’elle soit constante : car en ce cas elle fait partie du droit et l’on ne peut pas s’en écarter sans mettre en cause la sécurité juridique qui est un facteur du maintien de l’ordre et de la paix sociale. Notons que la jurisprudence permet d’admettre en droit les pratiques judiciaires, les principes généraux du droit et l’équité. l. La doctrine Le rôle de la doctrine est primordial. La doctrine anime considérablement le progrès et l’évolution du droit par ses analyses, ses recherches et ses critiques ; elle stimule le législateur à améliorer des textes incomplets ou obscurs et elle informe le juge sur l’évolution de la jurisprudence. Bref, la doctrine peut créer une école, une orientation nouvelle (1). 5. L’interprétation des lois procédure Nous utilisons l’expression lois de procédure dans un sens large qui englobe les règles d’organisation, de compétence et de procédure judiciaires. Le droit judiciaire est soumis à une stricte interprétation, les juges ne peuvent se permettre de se livrer à une interprétation analogique ou à une large interprétation des textes de lois organisant le droit judiciaire. Toutefois, les règles de procédure pénale peuvent faire l’objet d’interprétation extensive en faveur du justiciable (2). (1) LAMY (E), Op. Cit., p. 131, N° 81 (2) RUBBENS (A), Le droit judiciaire Congolais. Tome III, l’instruction criminelle et la procédure pénale, Bruxelles – Kinshasa, 1965, N° 8, p. 36 9 - 10 - En aucun cas, le silence de la loi ne peut servir de prétexte pour ne pas dire le droit, ce serait s’exposer à un déni de justice, car nous avons déjà vu qu’en cas de silence de la loi, les juges recourent à la coutume, aux principes généraux du droit ou à l’équité. 6. L’application des lois de la procédure a. L’application dans le temps Les règles de procédure sont d’application immédiate en ce sens qu’elles s’appliquent immédiatement au procès déjà engagé. Prenons un exemple : un tribunal devant lequel une affaire est pendante, devra se dessaisir si un texte nouveau lui retire compétence, sauf si le tribunal a déjà rendu, à l’occasion d’un incident, une décision qui intéresse le fond de l’affaire (1). b. L’application dans l’espace Le droit judiciaire régissant le fonctionnement d’un service public (cours, tribunaux et parquets) ne peut concerner que les institutions judiciaires établies sur le territoire national. Ainsi le droit judiciaire Congolais ne s’applique pas à l’étranger, même entre ressortissants nationaux mais des conventions internationales peuvent organiser la coopération des services judiciaires de deux pays souverains. Le droit Congolais prévoit que les décisions des juridictions civiles étrangères peuvent s’exécuter en République Démocratique du Congo moyennant exequatur et en se conformant aux conditions suivantes (Article 117 du code de l’organisation et compétence judiciaires) : a) ces décisions ne peuvent contenir rien de contraire à l’ordre public Congolais ; b) ces décisions doivent être d’après la loi du pays où elles ont été rendues, passées en force de la chose jugée ; c) les expéditions de ces décisions doivent, selon la loi du pays où elles ont été rendues, réunir les conditions nécessaires à leur authenticité ; d) les droits de défense doivent avoir été respectés lors de la prise de ces décisions ; e) le tribunal étranger qui a rendu ces décisions, ne doit pas avoir été compétent en raison de la nationalité du demandeur. Ce sont des tribunaux de Grande Instance qui sont compétents pour exequaturer les décisions civiles des juridictions étrangères. (1) RUBBENS (A), Op. Cit., p. 36 10 - 11 - Ajoutons que les actes authentiques en forme exécutoires qui ont été dressés par l’autorité étrangère sont aussi exequaturés par les tribunaux de grande instance moyennant le respect des conditions suivantes (Article 118 du code d’OCJ) : 1. les dispositions dont l’exécution est poursuivie ne doivent avoir rien de contraire à l’ordre public Congolais ; 2. ces actes doivent, d’après la loi du pays où ils ont été passés, réunir les conditions nécessaires à leur authenticité. 7. La différence entre l’acte juridique, l’acte judiciaire et l’acte juridictionnel - L’acte juridique est celui qui met le droit, qui est relatif au droit ou qui est fondé sur le droit ; il englobe l’acte judiciaire et l’acte juridictionnel ; - L’acte judiciaire est donc un acte juridique qui a trait au domaine de la justice ; - L’acte juridictionnel est un acte juridique et même judiciaire qui concerne un domaine spécifique de la justice : domaine de la fonction qui consiste à dire le droit, (fonction réservée aux juges) du latin : jus = droit et dicere = dire ; il peut être un jugement définitif rendu par un tribunal ou un arrêt rendu par une cour. Donnons les exemples pour illustrer ces notions : - Un contrat est un acte juridique ; - Le mandat d’amener signé par un officier de police judiciaire ou par un officier du ministère public est un acte judiciaire ; - Le jugement rendu par un juge est un acte juridictionnel. Le mandat d’amener et le jugement constituent au sens global des actes juridiques, mais pour les spécifier, pour les différencier l’un des autres judiciaires et l’autre d’acte juridictionnel » (1). (1) LUZOLO (B.L), Organisation et de compétence judiciaires, Syllabus, G1 Droit, UNIKIN, 2008–2009, pp.1-11 11 - 12 - DIVISION DU COURS Le Cours d’Organisation et de Compétence Judiciaires est divisé en trois parties. La première partie consacrée au « Pouvoir judiciaire » permettra d’examiner successivement les voies de droit, la fonction juridictionnelle, la séparation des pouvoirs, le droit judiciaire, les différents systèmes procéduraux, l’action en justice, l’instance, le jugement, les fonctions non juridictionnelles des services judiciaires, les fores et les délais de procédure. La deuxième partie est axé sur « L’organisation Judiciaire » et dans laquelle sera déterminée les moyens d’action du pouvoir judiciaire, les caractéristiques de l’organisation judiciaire congolaise, les juridictions, le parquet, la police judiciaire, le greffe, l’office des huissiers, la représentation en justice et l’assistance judiciaire, les auxiliaires de la justice, le statut du personnel judiciaire. Enfin, la troisième partie précisera « la compétence judiciaire » ou la répartition du pouvoir juridictionnel, la répartition de la compétence suivant le rang des juridictions, la compétence répressive des cours et tribunaux, la compétence civile des cours et tribunaux répressifs, la compétence civile des cours et tribunaux judiciaires, la compétence en matière de contentieux administratif, la compétence en matière de juridiction gracieuse et en fin les conflits de compétence. 12 - 13 - PREMIERE PARTIE LE POUVOIR JUDICIAIRE CHAPITRE PREMIER LES VOIES DE DROIT 1. LE BUT DES VOIES DE DROIT : LA DEFENSE ET LA RESTAURATION DU DROIT L’ordre juridique peut être troublé, méconnu, violé par les agissements des individus, des collectivités, des organismes nationaux ou internationaux. Dans ce cas, il importe de la défendre et de le restaurer. Les moyens à mettre en œuvre pour assurer le maintien de l’ordre juridique ne doivent être eux-mêmes régis que par le droit : ces moyens sont les voies de droit. En effet, il est un principe général de droit qui dit que « nul ne peut se rendre justice à lui-même ». Ce principe renvoie donc expressément à l’existence d’une tierce autorité qualifiée pour rendre justice, pour résoudre les conflits en disant le droit là où il est contesté, en le protégeant là où il est menacé, en le rétablissant là où il est violé et au cas où la restitution n’est plus possible, en assurant à la victime de justes compensations sous forme de dommages intérêts. Il s’agit donc là de la voie juridictionnelle qui s’appuie sur l’autorité des juges. Toutefois, il convient de remarquer qu’il existe certains litiges pour lesquels le recours à la voie juridictionnelle n’est pas possible ou manque d’efficacité ; dans ce cas, une place est ouverte à la voie de la justice privée. Enfin, dans certains domaines le droit est si bien défini ou se trouve au pouvoir d’une partie tellement désintéressée qu’aucune contestation ne peut exister et que le bénéficiaire du droit peut l’exercer contre la volonté de son débiteur sans recours à la voie juridictionnelle : c’est la voie parée qui peut être définie comme une clause par laquelle un créancier gagiste ou hypothécaire obtient de son débiteur l’autorisation de vendre la chose gagée ou hypothéquée sans observer les formalités requises par la loi (1). Elle est, en principe, illicite. (1) GUILLIEN (R) et VINCENT (J), Lexique des termes juridiques, 8éme édition, Dalloz, Paris, 1990, p. 500 13 - 14 - 2. LA HIERARCHIE DES VOIES DE DROIT Dans la hiérarchie des voies de droit, on trouve successivement la conciliation volontaire ou la palabre, la voie de la justice privée, la clause résolutoire, la voie parée, les voies du préalable, la voie de l’injonction judiciaire, la voie extra juridictionnelle de répression et la voie juridictionnelle. A. LA CONCILIATION OU LA PALABRE Elle est la voie par laquelle les parties en litige règlent celui- ci par une solution d’équité sans égard au droit en vigueur. Par la conciliation, les parties en litige attachent plus de prix à la paix qu’au droit. La palabre dépasse la loi du talion, la justice parce qu’elle est la structure de tout échange exigeant des sacrifices mutuels entre les partenaires, entre les égaux ou même entre supérieur et inférieur. A l’heure actuelle, les litiges internationaux sont encore le domaine de la conciliation notamment par la voie des négociations diplomatiques en vue de conclure des traités de paix mettant fin à un conflit armé ou des conventions (agreements) préventives de guerre. Dans les litiges du droit privé, l’amiable compositeur joue le rôle du juge de la palabre traditionnelle cherchant une solution acceptable pour les parties au lieu d’une sentence rigide en justice. B. LA VOIE DE LA JUSTICE PRIVEE L’adage « nul ne peut se rendre justice » est corrélatif au postulat « tout litige doit avoir un juge » ; mais là où la juridiction fait défaut ou est incapable de sauvegarder l’ordre juridique, renaît le droit de se rendre justice à soi-même. En réalité, dans une société organisée qui dispose de son réseau des juridictions, le recours à la justice privée est une voie de fait anarchique. En droit congolais, les voies de fait par lesquelles un particulier prétend imposer de force ses prétentions de droit ne sont pas, comme telles, punissables ni formellement interdits, mais elles peuvent constituer des infractions qualifiées par la loi pénale ou des fautes civiles. Ainsi, la vengeance privée par laquelle la victime d’une infraction prétend punir celui qui a attenté à 14 - 15 - son bien, à son honneur ou à son intégrité corporelle en lui infligeant une peine corporelle est toujours infractionnelle. Toutefois, il convient de distinguer de ces voies de fait, le recours à une justice privée subsidiaire, complément nécessaire à la justice juridictionnelle ne soient crées par la force. Dans ce cas, comme on le voit, la justice privée n’est pas seulement tolérée, mais elle est parfois expressément permise et organisée par la loi. En droit congolais, il est admis des recours à la justice privée subsidiaire découlant de l’état de nécessité tel le cas de la légitime défense non prévu par aucun texte congolais mais admis par la jurisprudence à titre de principe général du droit ou organisés formellement par la loi par exemple l’article 6 du code de procédure pénale cas d’infraction flagrante, de l’article 289 du code civil congolais livre III sur le droit de rétention, des articles 441 et 445 du même code livre III qui permettent respectivement au maître de l’ouvrage de résilier unilatéralement le marché à forfait et de révoquer unilatéralement le mandat. De ce qui précède, nous pouvons affirmer qu’en droit congolais la seule voie de la justice privée admise est la justice privée subsidiaire ou complémentaire à la justice juridictionnelle et d’après nous, de droit par laquelle tout individu peut, se trouvant dans un état de nécessité ou dans un des cas organisés par la loi, assurer sa défense contre les entreprises abusives de tiers. C. LES CLAUSES RESOLUTOIRES Les parties peuvent stipuler dans leurs conventions que la surveillance d’un événement aléatoire ou le manquement d’une partie aux engagements souscrits (pacte commissoire exprès) opèrent de plein droit la résolution de la convention. En principe, pareille clause ne dispense pas la partie qui l’invoque de faire constater la résolution en justice. Dans ce cas, le juge n’a que le pouvoir de constater l’avènement de la condition ou de la défaillance de la partie assignée en justice, la résolution étant acquise à dater de l’événement ou de la sommation. Les parties peuvent aussi bien stipuler dans le pacte commissoire que la résolution s’opérera de plein droit et sans sommation. Même dans cette hypothèse, celui qui se prétend libéré doit en principe faire constater la résolution, celui-ci étant acquis depuis la défaillance de la partie adverse. 15 - 16 - Cependant, celui qui se prétend libéré peut également adopter une attitude passive, refusant de remplir les engagements d’une convention résolue. Il pourra toujours invoquer la résolution ex tunc le jour où son cocontractant prétendra lui réclamer l’exécution. Cette attitude rejoint les voies de la justice privée. D. LA VOIE PAREE L’expression voie parée n’est guerre utilisée dans notre droit, si ce n’est pour désigner la clause en vertu de laquelle un créancier hypothécaire peut se réserver le pouvoir de réaliser le gage immobilier sans devoir prendre jugement à cet effet. La clause de voie parée accorde à la partie qui en bénéficie une voie de justice privée agressive : elle permet au bénéficiaire de se payer de sa créance en réalisant le bien d’autrui. La législation en vigueur prévoit cependant un commandement préalable et un contrôle judiciaire avant la réalisation du bien. E. LES VOIES DU PREALABLE Lorsque les autorités publiques agissant dans le cadre de leur compétence exécutive, elles peuvent en principe exiger l’exécution de leurs décisions sans soumettre préalablement leurs prétentions à une juridiction. Une présomption est établie en faveur du pouvoir exécutif agissant dans l’intérêt du bien commun : les titres qu’il se crée sont exécutoires. Dans les régimes de la constitution congolaise cette présomption est cependant soumise à un contrôle juridictionnel a posteriori, mais ce contrôle se limite à la vérification de la légalité des actes de l’administration et ne porte pas sur leur opportunité, dont le gouvernement reste seul juge ; en outre, la juridiction saisie n’a d’autre pouvoir que d’annuler l’acte illégal : elle ne peut pas reformer en y substituant une autre décision conforme à la loi. Enfin, la présomption de validité de l’acte administratif subsiste tant que l’annulation n’est pas prononcée, et jouit du privilège du préalable, permettant de recourir à l’exécution forcée de l’acte unilatéral de l’administration. Lorsqu’ils agissent, non en qualité d’organes du pouvoir exécutif, mais en tant que personnes morales dans l’intérêt de leur patrimoine, par exemple dans le cadre des relations contractuelles ou quasi-contractuelles et dans le cadre de la responsabilité civile, les services publics doivent, tout comme les particuliers, soumettre leurs prétentions de droit aux tribunaux judiciaires pour obtenir un titre exécutoire. Il est d’ailleurs certaines matières de droit public où, par une disposition dérogatoire expresse de la loi, les administrations 16 - 17 - doivent s’adresser aux tribunaux aux fins d’obtenir un titre exécutoire même pour des actes spécifiquement administratifs. F. LA VOIE DE L’INJONCTION JUDICIAIRE Elle est une voie de droit qui consiste dans la procédure d’injonction permettant au porteur d’un titre de créance commerciale, sur requête adressée au président du tribunal de grande instance, d’obtenir l’autorisation de faire à son débiteur une injonction de payer. A défaut pour le débiteur d’y opposer un contredit, le juge vise l’injonction pour exécution. Il faut noter que le visa du juge n’est pas un jugement. En cas de contredit, la procédure devient contradictoire et aboutit au prononcé d’un jugement. La procédure d’injonction judiciaire, prévue en droit français notamment, n’existe pas en droit congolais, nous pensons cependant qu’elle pourrait opportunément y être introduite. G. LA VOIE EXTRAJURIDICTIONNELLE DE LA REPRESSION OU L’AMENDE PAYEE AVANT JUGEMENT Elle est la voie de droit également appelée amende payée avant jugement qui consiste dans le paiement d’une somme d’argent au profit du trésor public par l’auteur d’une infraction mineure, sur proposition du ministère public, titulaire de l’action publique ou de son délégué, l’officier de police judiciaire, en vue d’éteindre l’action publique. H. LA VOIE JURIDICTIONNELLE Elle est la voie de droit qui consiste pour les parties litigantes à soumettre leur litige à l’autorité d’une juridiction légalement établie. Mais pour que la juridiction soit parfaite, trois conditions sont requises : 1. Il faut que la voie juridictionnelle soit obligatoire ; 2. Il faut que la constatation des faits retenus pour vrais et l’énoncé du droit applicable à ces faits ne soient pas indéfiniment remis en cause ; 3. Il faut que la décision prise en conséquence en vue de maintenir ou de rétablir le droit soit exécutée au besoin par la force. 17 - 18 - En définitive, il faut donc une autorité qui domine les parties pour pouvoir leur imposer des juges et pour assurer l’exécution de leurs décisions. 18 - 19 - CHAPITRE DEUXIEME LES PRINCIPES REGISSANT L’ORGANISATION JUDICIAIRE 1. Principe de la répartition des fonctions judiciaires Les fonctions judiciaires se répartissent entre quatre (4) organes : 1. Les cours et les tribunaux qui, ont le pouvoir judiciaire (en vérité l’expression judiciairement adéquate est le pouvoir juridictionnel, consistant à dire le droit) ; 2. Les parquets qui exercent l’action publique et sont les gardiens de la loi et de l’ordre public ; 3. Les greffes qui sont les conservateurs des archives des tribunaux ; 4. Le barreau qui est l’organe chargé d’assurer les droits de la défense. 2. Principe de l’indépendance des organes judiciaires Le bon fonctionnement de la justice requiert que les quatre organes qui, chacun dans sa sphère, concourent à l’administration de la justice, soient indépendants. L’article 149 de la constitution du 18 février 2006 garantit l’indépendance des cours et tribunaux vis-à-vis d’autres pouvoirs, en effet l’article précité dispose que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ; l’article 150 de la même constitution renchérit en son alinéa 2 que les juges ne sont soumis dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi ; de même que l’alinéa 4 de l’article 149 précité affirme qu’il ne peut être créé des tribunaux extraordinaires ou d’exception sous quelque dénomination. L’indépendance du pouvoir judiciaire ne signifie pas « séparation », car la justice doit compter sur la coopération avec les autres pouvoirs : l’indépendance ne doit donc pas être absolue, car ce qui importe est qu’il n’y ait ni entrave, ni pression dans la mission propre de l’organe juridictionnel. La même affirmation peut valoir pour les autres organes judiciaires. Les organes judiciaires doivent s’abstenir d’empiéter sur les prérogatives des pouvoirs de l’exécutif et du législatif. 19 - 20 - A. Relations entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir législatif Ces relations se caractérisent par les éléments suivants : a) Le référé législatif n’existe pas : quand un juge, est saisi d’une contestation et qu’il y a lacune de la loi, il ne peut surseoir à statuer et demander au parlement de prendre une loi pour permettre la solution à cette contestation ; b) Le parlement peut adopter une loi interprétative : cette loi donne à un texte de loi un sens déterminé et différent de celui que le juge va vraisemblablement lui reconnaître ou lui a déjà donné, cette loi a un effet rétroactif ; Si la loi interprétative intervient en cours d’instance, en fausse totalement le débat dont elle renverse la solution prévisible. Il s’agit là manifestement de l’ingérence du parlement dans le pouvoir judiciaire (1). c) Le législateur ne peut adresser des ordres aux juridictions que ce soit pour leur ordonner ou pour leur interdire un certain comportement ; d) Le principe de l’interdiction au juge de se prononcer par voie des dispositions générales ou réglementaires sur les causes qui leurs sont soumises (2) ; Cette interdiction des arrêts du règlement s’applique en droit congolais en tant que principe général de droit (3). e) Le juge a l’obligation d’appliquer la loi mais il ne peut tirer prétexte des lacunes ou des imperfections de la loi pour refuser de statuer à peine de déni de justice. Cependant, le juge a le pouvoir d’interpréter des textes des lois obscurs par la recherche de la volonté du législateur à travers l’analyse des débats parlementaires ; f) Le juge n’exerce pas le contrôle juridictionnel de la constitutionnalité des lois. Au Congo, c’est la cour suprême de justice, toutes sections réunies, qui exerce le contrôle (4), ce contrôle peut aussi s’exercer par voie (1) VINCENT (J), GUICHARD (S), MONTAGNIER (G) et VARINAND (A), La justice et les institutions, 3émz édition, Dalloz, Paris, 1991, N° 69 (2) Idem, N° 70 (3) LAMY (E), Op. Cit., p. (4) Article 131 du code de procédure devant la cour suprême de justice 20 - 21 - d’exception d’inconstitutionnalité ou d’illégalité soulevée par un plaideur devant tout tribunal (1). B. Relations entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif Ces relations se caractérisent par les éléments suivants : a) Au Congo, la cour suprême de justice, section administrative, ne contrôle pas les actes législatifs (2) ; b) Les actes du gouvernement échappent au contrôle du pouvoir judiciaire : il s’agit des actes chargés d’un trop fort potentiel politique ; Exemple : Actes relatifs aux relations internationales : exercice de la fonction diplomatique (3). En droit congolais, la cour suprême de justice, section administrative apprécie souverainement quels sont les actes du gouvernement qui échappent au contrôle (4). c) Il y a interdiction pour les juges de faire acte d’administration : les juges ne peuvent pas empiéter sur le rôle de l’administration en se substituant à elle, en accomplissant à sa place des actes d’administration ou en lui ordonnant de prendre une mesure juridique ou matérielle ; d) L’indépendance fonctionnelle du juge doit être assurée par un aménagement de son statut particulier, c’est ainsi que sa promotion professionnelle ne peut pas dépendre du gouvernement : il est nommé et promu sur proposition du conseil supérieur de la magistrature, par le président de la république. L’indépendance fonctionnelle du juge est également assurée par l’inamovibilité qui veut que le juge ne peut, sans son consentement, recevoir une affectation nouvelle même en avancement (5). Au Congo, le principe de l’inamovibilité du juge, qui avait été reconnu dans la loi fondamentale du 19 juin 1960 relative aux structures de l’Etat et par la constitution du 1er Août 1964, a été abrogé pour des raisons pratiques de fonctionnement de la justice dans la constitution du 24 juin 1967. (1) Article 133 du code de procédure devant la cour suprême de justice (2) Article 87 du code de procédure devant la cour suprême de justice (3) VINCENT (J), GUICHARD (S), MONTAGNIER (G) et VARINAND (A), Op. Cit., N° 78 (4) Article 87 du code de procédure devant la cour suprême de justice (5) constitution, article 150, alinéa 4 ; Statut des magistrats, article 2, alinéa 4. 21 - 22 - 3. Principe du monopole des organes judiciaires Le monopole du pouvoir judiciaire est garanti par la constitution. En effet, celle-ci est hostile à la création de toute juridiction en dehors de l’hiérarchie unique des cours et tribunaux. L’article 149 alinéas 4 de la constitution du 18 février 2006 dispose en effet qu’il ne peut être créé des tribunaux extraordinaires ou d’exceptions sous quelconque dénomination que ce soit ; la même disposition confère expressément à la loi le pouvoir de créer des juridictions spécialisées. Le monopole du parquet n’est pas garanti par la constitution, mais il ne fait pas de doute que le Ministère Public a bien le monopole de l’exercice de l’action publique. En procédure pénale, on étudiera cependant que dans certains cas, le Ministère Public est limité, parfois empêché d’exercer l’action publique, qui peut être dévolue à d’autres organes. Le monopole du greffe est évident. Le monopole du barreau est affirmé par l’article 6 de l’ordonnance loi N° 79/08 du 28 septembre 1979, mais ce même article prévoie que la loi peut dans des cas et selon les modes prévus, déroger à ce monopole. Par ailleurs, les parties ont toujours le droit de se défendre elles-mêmes. Il nous faut ajouter que le monopole du barreau et du corps des défenseurs judiciaires en matière d’assistance et de représentation se trouve remis en cause par l’article 19 alinéas 4 de la constitution du 18 février 2006 qui prévoit le droit pour toute personne poursuivie d’être entendue en présence de son avocat, de son défenseur judiciaire ou de toute personne de son choix. 4. Principe de l’égalité de tous les congolais devant la loi Cette égalité se trouve garantie par la constitution du 18 février 2006 en son article 12. Dans le domaine judiciaire, l’égalité devant la loi se traduit par la règle de l’égalité devant la justice, qui exige que tous les justiciables se trouvant dans la même situation soient jugés par les mêmes tribunaux, selon les mêmes règles de procédure et de fond ; mais cette égalité connaît des limites de droit et des limites de fait. 22 - 23 - - Au titre des limites de droit, nous citerons le privilège de juridiction, les immunités et le principe de l’inexécution forcée contre l’Etat et les autres personnes de droit public (Sociétés paraétatiques et établissements d’utilité publique). Le privilège de juridiction est une dérogation aux règles de compétence matérielle répressive, qui fait que certaines catégories de personnes doivent être jugées par des juridictions bien déterminées, à l’exclusion de toutes les autres et ce dans le noble souci d’empêcher que ces personnes ne puisse influencer ces juridictions. Les immunités constituent également des dérogations aux règles de compétence matérielle prévue par la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur le droit des Traités. Elles ont pour effet d’empêcher toute poursuite à l’égard des diplomates en fonction quelle que soit l’infraction qu’ils adviendraient à commettre sur le territoire de l’Etat hôte sauf levée de ces immunités par l’Etat d’affectation. En matière d’exécution de jugement, normalement la partie gagnante du procès, par exemple si elle bénéficie d’un jugement qui a condamné son adversaire à des dommages intérêts, peut procéder à ce qu’on appelle « l’exécution forcée » qui peut revêtir plusieurs formes : saisie-exécution, saisie conservatoire, saisie-arrêt ou saisie immobilière. Lorsque c’est l’Etat ou une personne morale de droit public qui est condamné à payer ces dommages intérêts un principe général de droit veut qu’on ne puisse pas exécuter le jugement par la force ; la raison de principe invoqué est qu’on ne peut pas concevoir que l’Etat puisse retourner contre lui- même la force publique qu’il utilise pour assurer le maintien de l’ordre public. Mais la raison pratique fondamentale réside, à notre sens, dans le souci de ne pas voir perturber, pour la satisfaction des intérêts individuels, le fonctionnement de l’Etat ou d’une personne morale de droit public, qui poursuit la satisfaction de l’intérêt général. Il nous faut cependant noter qu’un acte de la conférence nationale souveraine avait en son temps décidé qu’on peut exécuter par la force contre une personne morale de droit public sauf contre l’Etat et les établissements publics à caractère scientifique et social. - Au titre des limites de fait, il y a lieu de noter les inégalités économiques ou sociales. Bien souvent les ressources financières des parties en présence peuvent permettre à la partie qui a plus de moyens financiers, d’user des manœuvres dilatoires ; bien entendu, la loi a imaginée des mécanismes qui 23 - 24 - tendent à réduire ce genre d’inégalité. C’est ainsi que ont été créés l’aide juridique et la procédure du « pro deo » d’un conseil. La constitution du 18 février 2006 ne garantie pas l’égalité des étrangers devant les juridictions du Congo ; mais cette égalité ne fait pas de doute, car elle relève des règles de notre hospitalité (1). 5. Principe de la Gratuite de la Justice La gratuité de la justice est une garantie démocratique qui permet aux plus humbles d’obtenir le respect de leurs droits ; c’est le corollaire de l’égalité devant la justice. Le système de la gratuité s’oppose au système des épices qui existe là où les justiciables doivent payer leurs juges. C’était le régime qui était en vigueur en France jusqu’en 1970 ; c’était également le même système que connaissent bon nombre des coutumes congolaises. Aujourd’hui, les parties payent encore leurs arbitres (juges privés), mais les magistrats et les greffiers sont payés par l’Etat, il en est de même de l’huissier. La gratuité de la justice n’exclut pas le payement des honoraires des avocats ou des défenseurs judiciaires ni le payement des frais de justice. C’est cela qui fait que la justice est gratuite mais elle est onéreuse de sorte que la conduite d’un procès peut être très onéreuse, même pour la partie qui a gagné le procès car tous les frais ne sont pas compris dans les dépens lesquels se récupèrent sur la partie perdante. Une telle situation est de nature à empêcher les indigents de faire valoir leurs droits en justice, en dépit du principe de la gratuité de la justice. C’est pour écarter ce danger et assurer le respect absolu de ce principe que la loi a organisée l’assistance judiciaire gratuite. L’assistance judiciaire gratuite peut se présenter sous quatre aspects : a) L’assistance judiciaire gratuite peut consister en le bénéfice gratuit d’un conseil (avocat ou défenseur judiciaire). En matière de droit privé, le bénéfice gratuit d’un conseil est prévu par l’article 8 du code d’organisation et de compétence judiciaires qui dispose en son alinéa 3 que les officiers du ministère public, peuvent par voie de requête écrite, demander au président de la juridiction, la désignation d’un conseil chargé d’assister les personnes physiques lésées qui seraient inaptes à ester en justice, à assurer leur défenses ou à y pourvoir. (1) VINCENT (J), GUICHARD (S), MONTAGNIER (G) et VARINAND (A), Op. Cit., N° 82-85 24 - 25 - Remarquons qu’ici la loi a voulu venir en aide non seulement aux personnes dépourvues des moyens financiers mais aussi aux personnes inaptes à agir en justice ou à assurer leur défense c'est-à-dire des personne qui, culturellement parlant, ne maîtrisent pas le fonctionnement de l’appareil judiciaire (c’est la grande majorité des congolais). En matière répressive, la désignation d’office du conseil en faveur des inculpés ou des prévenus indigent ne trouve à l’heure actuelle aucune base légale. b) L’assistance judiciaire gratuite peut aussi consister en le bénéfice de la dispense de consignation des frais : lorsqu’une partie veut agir en justice, elle se présente devant le greffier ; ce dernier, avant d’effectuer tout acte quelconque que la partie veut faire accomplir (recevoir une assignation, acter une déclaration d’appel, d’opposition ou du pourvoi en cassation, etc.) va exiger que la partie consigne les frais : il s’agit en quelque sorte de payer à l’Etat, un somme d’argent à titre d’acompte, sur les frais judiciaires. Lorsque la partie est indigente, elle peut être dispensée de la consignation par une ordonnance du président ; l’indigence est constatée par le juge ou le président de la juridiction devant laquelle l’action est ou doit être intentée ; ceci est valable en matière civile, et même devant la cour suprême de justice (1). c) L’assistance judiciaire gratuite peut également consister en la délivrance en débet des pièces de procédure ; normalement le greffier ne peut délivrer, sauf au ministère public, grosse, expédition, extrait ou copie d’un jugement, portant condamnation à des dommages intérêts, avant que le droit proportionnel n’ait été payé (2). Mais en cas d’indigence constatée par le juge ou par le président de la juridiction qui a rendu le jugement, la grosse, une expédition, un extrait ou une copie de jugement peut être délivrée en débet c'est-à-dire que les frais sont supportés par le Trésor Public, la partie indigente bénéficiaire ne débourse aucune somme d’argent (3). d) L’assistance judiciaire gratuite peut enfin revêtir la forme de consultation gratuite. A l’heure actuelle l’article 43 de l’ordonnance loi N° 79/08 du 29 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des mandataires de l’Etat a confiée au Conseil de l’Ordre, le soin d’organiser un bureau de consultation gratuite en faveur des indigents en déterminant les conditions de (1) Article 123 du code de procédure pénale, article 157 du code de procédure civile. (2) Article 134 du code de procédure pénale, article 157 du code de procédure civile. (3) Article 135 du code de procédure pénale, article 158 du code de procédure civile et 33 du code de procédure devant la cour suprême de justice 25 - 26 - son fonctionnement. Nous déplorons pour notre part, qu’une matière aussi importante soit laissée à la discrétion du Conseil de l’Ordre ; compte tenu de l’ignorance aggravée par le fait que bien souvent le droit congolais se trouve en porte-à-faux avec les réalités socioculturelles de notre pays, la solution idéale, selon nous, est de voir la loi elle-même organiser entièrement le fonctionnement du bureau de consultation gratuite en faveur des indigents. 6. Principe de l’Impartialité du Juge L’impartialité du juge est garantie par le code d’organisation et de compétence judiciaires ; en effet, les articles 71 et 79 de ce code régissent la récusation et le déport du juge, tandis que les articles 83 et 83 réglementent le renvoi pour cause de sûreté publique ou de suspicion légitime. Puisque l’impartialité du juge n’est garantie que par une simple loi, une autre loi peut y déroger. C’est cela qu’a fait le code judiciaire militaire à l’article 235 en permettant à toute juridiction militaire de condamner sur le champ toute personne qui, à l’audience, se rend coupable envers le tribunal, ou envers l’un des membres, des voies de faits, outrages ou des menaces par propos ou par gestes. La constitution du 18 février 2006 en son article 149 alinéas 1 proclame l’impartialité du Tribunal. 7. Principe de la Collégialité Ce principe exige que l’œuvre juridictionnelle soit celle de plusieurs juges, appelés à siéger dans une affaire, ils doivent être au moins trois. La collégialité est de règle en toute matière pénale, sauf, devant le tribunal de paix qui siège à juge unique (Article 24 du code d’O.C.J). En matière civile, c’est le principe de juge unique qui s’applique au premier degré mais la collégialité s’impose au niveau d’appel (Article 33, 40, 48 et 54 du code d’O.C.J). La collégialité s’impose devant le tribunal de paix lorsqu’il statue en application de la coutume (Article 24 du code d’O.C.J). La collégialité présente l’avantage de fournir une meilleure justice en ce sens qu’elle permet de mieux peser les arguments, de mieux motiver les décisions et de garantir une haute impartialité sans compter qu’elle 26 - 27 - protège chaque membre contre les pressions et assure une plus forte indépendance à tous (1). 8. Principe de l’itinérance Les juridictions ne sont pas obligées de tenir les audiences judiciaires à leur siège ordinaire, elles peuvent tenir des audiences judiciaires en dehors de ce siège en se déplaçant à l’intérieur de leur ressort, selon les besoins de service, cela permet de rapprocher la justice des justiciables ; mais l’on doit veiller à ce que l’itinérance ne puisse pas empêcher le fonctionnement de la justice au siège ordinaire (Article 67 et 69 du code d’OCJ) d’où l’expression audience foraine, pour parler d’une audience qui se tient en dehors du siège ordinaire du tribunal. 9. Principe du Double Degré de Juridiction Ce principe garantit le droit pour toute affaire soumise aux cours et tribunaux de faire l’objet d’examen quant au fond, à deux niveaux :  Au premier degré et  En appel. Le code de l’organisation et de compétence judicaires (article 89, 93 et 95) consacre le principe du double degré de juridiction. Ce principe se trouve garanti par la constitution du 18 février 2006 en son article 21 alinéas 2 sans préjudices de son application à l’endroit des justiciables de la cour constitutionnel, de la cour de cassation et du conseil d’Etat. Deux raisons justifient le principe du double degré de juridiction : il s’agit tout d’abord de veiller à ce que les décisions des tribunaux, qui peuvent être entachées d’insuffisance ou d’erreurs, voire d’injustice, fassent l’objet d’un second examen. En suite, du seul fait de savoir que sa décision pourrait être réformée en appel, le juge du premier degré sera incité à redoubler de zèle et de conscience professionnelle, car, en plus de son rôle réformateur, la juridiction d’appel joue, indirectement un rôle de surveillance et d’appréciation de la compétence technique et morale du juge de juridiction inférieure. En droit privé congolais, l’appel n’est pas exclu en ce qui concerne les litiges simples ou peu importants car une cause peu importante peut avoir une grande répercussion sur le plan social et psychologique; toutefois, il existe des cas d’interdiction d’appel. (1) MERLE (R) et VITU (A), Op. Cit., N° 569 27 - 28 - Une cause ne peut être examinée que deux fois par les tribunaux quant au fond ; il n’y a pas de troisième degré de juridiction pour statuer sur le fond. 10. Principe de la Cassation Toute décision pénale ou civile rendue en dernier ressort par un tribunal ou une cour et qui viole la loi ou la coutume, est susceptible d’être attaquée au moyen d’un pourvoi en cassation formé devant la cour de cassation. Le terme « décision » est de large compréhension ; il faut y inclure aussi les ordonnances qui statuent en dernier ressort en matière de détention préventive. A l’heure actuelle, les décisions des juridictions militaires sont soumises au même sort. 11. Principe de Juge Naturel En matière pénale, l’expression « juge naturel » désigne le juge devant lequel le prévenu doit comparaître pour être jugé et déterminé soit la gravité de la peine qui doit sanctionner l’infraction commise. (C’est le principe de fixation de la compétence matérielle), c'est-à-dire le juge compétent désigné par loi en fonction de la gravité de l’infraction prévue et de la personne du délinquant, soit selon le rang social ou la qualité du prévenu (c’est le principe de la fixation de la compétence personnelle). En matière de droit privé, le juge naturel est également désigné par les règles de l’organisation judiciaire. Ainsi le tribunal de paix est reconnu compétent pour connaître des titres portant sur le droit de la famille. Les successions, les libéralités et les conflits fonciers collectifs ou individuels régis par la coutume ; il connaît également de toutes les autres contestations susceptibles d’évaluation pour autant que leur valeur ne dépasse pas cinq milles francs (article 110 du code d’OCJ) ; le tribunal de grande instance connaît de toutes les contentions qui ne sont pas de la compétence du tribunal de paix (article 111 du code d’OCJ). 28 - 29 - CHAPITRE TROISIEME LA FONCTION JURIDICTIONNELLE 1. LES ORGANES DE LA FONCTION JURIDICTIONNELLE Ainsi que nous venions de la dire, l’exercice de la fonction juridictionnelle suppose une tierce autorité qualifiée pour dire le droit de façon certaine et pour prendre, en conséquence, une décision exécutoire protégeant ou restaurant le droit. Si les voies de droit non juridictionnelles (la voie de la justice privée, la cause résolutoire, la voie parée, les voies du palabre, la voie de l’injonction judiciaire) sont licites elles ne s’exercent pas cependant à l’abri de tout contrôle judiciaire : soit que l’intervention gracieuse du juge est requise notamment en cas de clause résolutoire, soit que l’exercice abusif du pouvoir exécutif ouvre une action en annulation d’un acte réglementaire. C’est ainsi donc la voie juridictionnelle qui est la voie normale et souveraine pour le maintien de l’ordre juridique. C’est l’Etat, responsable de la paix, de la sécurité publique et du bien commun de ses administrés, qui a l’obligation de réglementer le fonctionnement des juridictions publiques afin d’éviter le recours à la justice privée anarchique. 2. LA MISSION JURIDICTIONNELLE DE L’ETAT L’exercice de la fonction juridictionnelle est une mission essentielle de l’Etat souverain. Pour cela, l’Etat peut créer des organes juridictionnels spécialisés et indépendants entre lesquels il répartit la compétence suivant la nature du contentieux traité, répressif, social, administratif etc. ou il peut réunir en une seule organisation judiciaire hiérarchisée et subdivisée, la totalité du pouvoir juridictionnel. 29 - 30 - 3. LES JURIDICTIONS DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO En République Démocratique du Congo, il n’existe pas jusque là un partage du pouvoir judiciaire entre la République (pouvoir central) et les provinces. En effet, depuis la création des premiers organes judiciaires de l’Etat Indépendant du Congo, en passant par ceux du régime colonial, de la constitution de 1967, de la constitution de transition du 04 Avril 2003 jusqu’à la constitution du 18 février 2006, le pouvoir judiciaire a toujours été une émanation de la souveraineté. Le constituant du 18 février 2006, dans son exposé des motifs, au point 3 relatif à l’organisation et à l’exercice du pouvoir judiciaire a estimé nécessaire, pour plus d’efficacité, de spécialité et de célérité dans le traitement des dossiers, d’éclater en trois ordres juridictionnels les cours et tribunaux congolais, à savoir : - Les juridictions de l’ordre judiciaire placées sous le contrôle de la Cour de Cassation ; - Celles de l’ordre Administratif coiffées par le Conseil d’Etat et - L’ordre Constitutionnel incarné par la Cour Constitutionnelle (1). La constitution dit qu’ « il ne peut être créé de commission ni de tribunaux extraordinaires sous quelque dénomination que ce soit ». Cette interdiction vise la création de « juridictions à caractère politique » qui serait uniquement chargées de juger des personnes visées à titre individuel, pour des infractions politiques. Par conséquent, cette interdiction ne vise pas les juridictions spécialisées ou spéciales dont la constitution elle-même fait mention : les juridictions militaires, le conseil supérieur de la magistrature. Retenons que la constitution du 18 février 2006 a crée plusieurs juridictions dont : la cour constitutionnelle, la cour de cassation, le conseil d’Etat (ces trois juridictions ne sont autres choses que l’éclatement de la cour suprême de justice), la cour des comptes, la haute cour militaire, les cours et tribunaux militaires ainsi que les parquets rattachés à ces juridictions. (1) LUZOLO (B.L), Op. Cit., p. 25 30 - 31 - 4. LA SPECIFICITE DE LA FONCTION JURIDICTIONNELLE Ce qui distingue la voie juridictionnelle des autres voies de droit est le recours, avons-nous dit, à l’autorité d’un tiers pour constater les faits, pour dire le droit qui leur est applicable, pour donner la solution qui rétablira le droit et pour s’assurer que le dite solution sera appliquée, au besoin par la force. 5. LA DEFINITION DE LA FONCTION JURIDICTIONNELLE La fonction juridictionnelle est l’exercice du pouvoir délégué par l’autorité souveraine ou par les parties litigantes en vue du règlement pacifique de l’affrontement des prétentions de droit, en constatant la vérité légale quant aux faits allégués, en déclarant irréfragablement le droit applicable, en prenant irrévocablement la décision qui protégera, maintiendra ou restaurera l’ordre juridique et en donnant force exécutoire à sa décision. Il faut retenir qu’en droit congolais, la fonction juridictionnelle ou judiciaire appartient indivisiblement aux Cours et Tribunaux. 31 - 32 - CHAPITRE QUATRIEME LA SEPARATION DES POUVOIRS Il existe un principe philosophique suivant lequel il faut distinguer dans l’exercice de la souveraineté de l’Etat, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. (1) Ce principe fut formulé par Montesquieu qui lui-même, l’avait emprunté au philosophe Locke (2). La pensée de ces philosophes était que les abus de pouvoir devenaient impossibles si un pouvoir marquait la limite de l’autre. 1. LE DROIT JUDICIAIRE CONGOLAIS ET LA SEPARATION DES POUVOIRS La constitution de la 3 éme République du 18 février 2006 prévoit la séparation dans l’exercice de la souveraineté de l’Etat, le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Cette séparation est d’autant renforcée que le même texte fondamental déclare que « le pouvoir judiciaire est indépendant des pouvoirs législatif et exécutif ». Toutefois, dans le but de favoriser, pour chaque pouvoir, la réalisation de ses fins propres, de nombreuses dispositions constitutionnelles déterminent leurs relations et interférences. 2. LES RAPPORTS DU POUVOIR JUDICIAIRE ET DU POUVOIR LEGISLATIF Le pouvoir judiciaire fait application de la loi mais le législateur ne peut pas se substituer au tribunal pour juger un litige ni amender un jugement rendu. D’un autre côté, les magistrats ne peuvent pas empiéter les prérogatives du législateur en statuant par voie de règlement à portée générale, ni se livrer, à l’occasion de l’exercice de leur mission juridictionnelle, à des critiques du législateur. (1) MONTESQIEU, De l’esprit des lois, livre xi, chap, Paris, 1748 (2) LOCKE, Essai sur le gouvernement civil, I ère édition, Londres, 1690 32 - 33 - 3. LES RAPPORTS DU POUVOIR JUDICIAIRE ET DU POUVOIR EXECUTIF Les cours et tribunaux judiciaires ordinaires connaissent des actions patrimoniales des particuliers contre les pouvoirs publics ; certaines juridictions connaissent des actions en annulation des actes réglementaires pour violation de la loi. Par contre, les juges ne peuvent jamais apprécier l’opportunité des actes de l’administration ni faire des injonctions aux fonctionnaires. D’un côté, la constitution prévoit un pouvoir exceptionnel donné au président de la république en vue de retirer aux juridictions répressives ordinaire leur pouvoir juridictionnel et de confier aux juridictions militaires pendant l’Etat de siège ou d’urgence ou pendant la guerre ; mais le droit d’appel ne peut être suspendu. La constitution donne également au président de la république le pouvoir de nommer et de révoquer les magistrats (bien entendu sur proposition du conseil supérieur de la magistrature), elle prévoit aussi les arrêt et les jugements sont rendus exécutoires au nom du président de la république, mais le justice est rendue au nom du peuple. Le droit de grâce que la constitution attribue au président de la république est, sans doute, un pouvoir judiciaire mais non pas un pouvoir juridictionnel, dans la mesure où le président de la république est considéré comme un magistrat par fiction juridique (magistrat suprême), mais n’est pas une juridiction. L’indépendance des organes judiciaires nécessaire à l’exercice de leur mission juridictionnelle ne fait pas obstacle à leur collaboration avec les services administratifs. Par ailleurs, le budget, la dotation en bâtiments publics, les fournitures, les moyens de transport qui permettent au pouvoir judiciaire de fonctionner lui sont servis par le pouvoir exécutif puisque c’est lui qui a dans ses attributions l’exécution du budget national ou la loi budgétaire votée par le parlement. 33 - 34 - CHAPITRE CINQUIEME LE DROIT JUDICIAIRE 1. DEFINITION DU DROIT JUDICIAIRE Au sens strict, nous pouvons définir le droit judiciaire comme l’ensemble des règles suivant lesquelles les organes juridictionnels sont constitués et exercent leurs pouvoirs. Ainsi, le droit judiciaire régit l’organisation judiciaire (institution des cours et tribunaux), la compétence judiciaire (répartition du pouvoir juridictionnel entre les cours et tribunaux), la procédure (modalités suivant lesquelles les causes sont introduites, instruites et jugées) les voies de recours et les voies d’exécution (modalités suivant lesquelles les pouvoirs publics pourront, éventuellement par la force, imposer les décisions juridictionnelles). Le droit judiciaire régit aussi la fonction de l’accusation publique confiée au ministère public ; l’exercice et le fonctionnement de greffes qui sont des offices ministériels chargés de garantir l’authenticité et la conservation des actes des juridictions ; le fonctionnement de la police judiciaire chargée de renseigner le parquet en vue de l’accomplissement de sa mission ; le fonctionnement des huissiers chargés d’exécuter, avec toutes les garanties de la légalité, les actes des greffiers, des parties (particuliers) et des juges. Enfin, le droit judiciaire régit les actes de juridiction gracieuse c'est-à-dire des actes pour lesquels la loi rend nécessaire l’intervention du juge ou du tribunal afin qu’ils acquièrent le caractère légal afin qu’ils soient valables ou sortent des effets juridiques sans qu’il y ait contestation ou litige. 2. LA SPECIALITE DU DROIT JUDICIAIRE Cette spécialité réside principalement dans le fait que ce dernier ne traite pas du fond du droit, mais des modalités suivant lesquelles le droit est protégé, restauré ou rétabli par l’exercice du pouvoir juridictionnel ou plus formellement par l’activité des organes judiciaires de l’Etat. 34 - 35 - Le droit judiciaire régit, avons-nous dit, le fonctionnement d’un service public de l’Etat et se rattache donc en raison de cela, au droit public, c’est-à-dire appartient au droit public ou est une branche du droit public. Il se distingue du droit administratif qui a pour objet de réglementer l’activité administrative des personnes publiques (1). 3. LES CARACTERES DU DROIT JUDICIAIRE CONGOLAIS Le droit judiciaire congolais a les caractères suivants: - Le caractère réglementaire Ce caractère résulte du fait que les institutions judiciaires sont créées par les pouvoirs publics et obéissent à une procédure imposée pour le fonctionnement d’un service public. - Le caractère impératif Il est une conséquence du caractère réglementaire et signifie que les règles du droit judiciaire font partie du droit public et sont, à ce titre, d’ordre public ; leur violation trouble l’ordre public, inversement, leur respect assurent l’ordre public. - Le caractère formaliste Il signifie que les règles du droit judiciaire congolais doivent être respectées de façon rigoureuse afin de préserver et de garantir le justiciable contre l’arbitraire du juge et l’insécurité juridique. 4. L’UNITE FONDAMENTALE ET LES RAMIFICATIONS DU DROIT JUDICIAIRE CONGOLAIS Comme l’avions dit plus haut, le droit judiciaire est une branche du droit public parce qu’il organise l’exercice d’un service public, la justice étatique. Mais le droit judiciaire se divise en plusieurs ramifications : a) Suivant l’objet formel de la réglementation et (1) RIVERO (J), Droit administratif, Paris, 1960, No16, p. 17. 35 - 36 - b) Suivant l’objet matériel c'est-à-dire suivant la nature du contentieux à soumettre aux juridictions,. 36 - 37 - CHAPITRE SIXIEME LES DIFFERENTS SYSTEMES PROCEDURAUX 1. LES OBJECTIFS DE LA PROCEDURE Il importe de rappeler ici que le droit judiciaire fixe les règles suivant lesquelles les causes sont introduites, instruites et jugées et doit en même temps assurer d’une part l’efficacité de l’organe juridictionnel et garantir d’autre part la sécurité juridique des parties en particulier et de la société en général. Différents systèmes de procédure ont été imaginés dans le but d’assurer cet équilibre difficile : les uns donnant des pouvoirs extensifs aux magistrats, les autres circonscrivant étroitement leurs pouvoirs aux fins de protéger les justiciables. Ainsi, il existe des systèmes de procédure où l’initiative des actes procéduraux appartient aux seules parties, les juges n’étant que les contrôleurs de la légalité ; il en est d’autres où les juges ont mission d’exécuter le programme politique du gouvernement tel que défini par les lois. Dans le développement qui suit, nous examinerons les principaux systèmes de procédure qui existent et indiquerons ensuite le système procédural congolais. 2. LA PROCEDURE ACCUSATOIRE PAR OPPOSITION A LA PROCEDURE INQUISITORIALE La procédure accusatoire est celle où les juges adoptent une attitude purement passive, ils ne sont saisis que si les parties ont introduit leurs prétentions en bonne forme devant leurs juridictions, ils attendent que les parties elles-mêmes apportent la preuve du bien-fondé de leurs prétentions ou des exceptions qu’elles opposent à leurs adversaires ; ils ne prennent aucune initiative pour arriver à la manifestation de la vérité, ils ne prennent pas la direction de la marche du procès qu’ils abandonnent entièrement aux parties en se bornant à trancher suivant le droit chaque fois que les parties opposent des prétentions contraires tant sur le fond que sur les incidents. Au contraire, la procédure inquisitoire est celle où les juges prennent l’initiative de rétablir le droit partout où ils le voient violé et de le protéger chaque fois qu’ils le savent menacé. Dans la procédure inquisitoriale, les juges se saisissent d’office des litiges de leur compétence pour y apporter la 37 - 38 - juste solution, ils recherchent, de leur propre initiative, la vérité au sujet des faits sous examen, recourant d’office aux moyens de preuve susceptibles de les éclairer ; ils prennent en main la direction des opérations de la procédure, règlent d’autorité tous les incidents qui peuvent surgir pour faire aboutir le procès à un jugement. 3. LA PROCEDURE CONTRADICTOIRE PAR OPPOSITION A LA PROCEDURE UNILATERALE La procédure est dite contradictoire lorsque chaque partie au procès doit être avertie dès que les organes de la justice sont saisis d’un litige qui la concerne ; si chaque partie a le droit de connaître et de contredire toute prétention de son adversaire ainsi que tout argument invoqué et toute pièce versée au débat ; si chaque partie a le droit de suivre et de discuter chaque acte de la procédure. La procédure est dite unilatérale si une partie peut saisir le tribunal, y développer ses arguments, y rapporter les preuves, y soutenir ses prétentions de droit sans que la partie adverse ne puisse en connaître ou y répliquer ; si le tribunal procède d’office à certaines opérations de procédure sans que les parties ou l’une d’elles n’aient la possibilité d’y contredire. La procédure est dite par défaut lorsque les parties ont bien eu le droit et l’occasion d’assister à la procédure, mais qu’en fait, l’une d’elles n’y a pas assisté. En d’autres termes, la procédure par défaut signifie que la procédure était de droit contradictoire mais qu’en réalité une partie n’a pas pris part au procès : dans ce cas le jugement sera appelé « jugement par défaut » tandis qu’un jugement est qualifié de « jugement contradictoire » lorsque, de fait ou en réalité, les parties ont usé de la faculté de prendre part au procès. 4. LA PROCEDURE ORALE PAR OPPOSITION A LA PROCEDURE ECRITE La procédure est orale lorsque les actes de procédure entraînant des effets juridiques sont les paroles prononcées par les parties, ou par les officiers ministériels ou par les juges, même si la preuve du prononcé de ces paroles résulte, en fait ou en droit, d’un écrit qui en rend compte. Au contraire, la procédure est dite écrite lorsque l’acte procédural qui sort des effets juridiques est l’écrit, même s’il est d’usage ou de droit d’en donner lecture à haute voix au cours d’une audience. 38 - 39 - 5. LA PROCEDURE SECRETE PAR OPPOSITION A LA PROCEDURE PUBLIQUE La procédure est dite secrète si le public, c'est-à-dire les personnes qui ne sont pas parties au procès, ne peuvent pas y assister. Le caractère secret peut être plus ou moins absolu selon qu’il ne s’applique qu’à certaines phases de la procédure ou que l’assistance de tiers est au moins limitée. Il faut noter que le secret le plus absolu s’attache aux procédures qui se déroulent en chambre du conseil. Toutefois, il faut distinguer les séances où seuls les juges sont admis par exemple aux délibérés, les séances où les parties comparaissent seules sans leurs conseils par exemple pour tentatives de réconciliation préalable à la procédure en divorce et enfin les séances où les avocats peuvent assister leurs clients par exemple lors de de l’autorisation ou de la confirmation de la détention préventive. Quand au huit clos, il a pour effet d’interdire la salle d’audience au public, mais non aux avocats et défenseur judiciaires, ni aux membres du parquet ou du personnel judiciaire. La procédure est publique si le public peut assister au déroulement du procès. Toutefois, la publicité de la procédure va de pair avec l’oralité des débats ; en effet, le public ne peut prendre connaissance des actes de procédure en assistant aux audiences que dans la mesure où ceux-ci sont oraux. Mais la publicité de la procédure écrite peut être réalisée par la communication publique des archives, des dossiers et des registres ou par la publication des actes de procédure. 6. LE SYSTEME MIXTE DES REGIMES PROCEDURAUX CONGOLAIS La procédure congolaise est mixte puisqu’elle est à la fois accusatoire, contradictoire, orale, publique et secrète, mais ces caractères connaissent quelques atténuations. Le caractère accusatoire : en droit congolais, n’impose pas au juge une attitude purement passive et ne s’oppose pas à ce que le juge vérifie d’office sa saisine, sa compétence et la recevabilité de l’action ; il n’empêche pas le juge de prendre des initiatives en matières de preuves ni d’allouer d’office des dommages-intérêts aux victimes des infractions, enfin il permet même au 39 - 40 - Juge de Paix d’exercer les fonctions du ministère public devant son propre Tribunal. Le caractère contradictoire de la procédure est bien sûr une garantie essentielle des droits de la défense et est respectée de manière rigoureuse. Cependant, en droit congolais, la contradiction n’est requise que devant la juridiction de jugement alors que la procédure unilatérale est suivie pendant l’instruction pénale préparatoire, pendant l’instruction du contentieux administratif ou encore en matière gracieuse. La publicité de la procédure congolaise est une garantie de l’objectivité et un moyen de participation du peuple à l’exercice du pouvoir judiciaire. Toutefois, dans l’intérêt d’un fonctionnement correct de la justice, cette publicité connaît différents degrés : - La publicité du prononcé des jugements est imposée par la constitution elle-même (1) ; - La publicité des audiences est également requise. La constitution prévoit que les audiences des cours et tribunaux sont publiques, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l’ordre public et les bonnes mœurs ; dans ce cas, le tribunal ordonne le huis clos par un jugement motivé et écrit (2). Il faut se rappeler que le droit judicaire congolais connaît aussi les séances en chambre du conseil qui se tient ordinairement dans le cabinet du juge, les parties et leurs défenseurs étant seuls admis à l’audience. En matière de divorce, l’audience en chambre du conseil en vue de tenter la réconciliation des parties est plus secrète puisque leurs défenseurs n’y sont pas admis. La procédure congolaise connaît le secret de l’instruction pénale préjuridictionnelle et le secret du délibéré. L’oralité de la procédure congolaise est une condition de sa publicité. Lorsque la nature de certains actes de procédure exige qu’ils soient écrits (procès-verbaux, rapports d’experts, conclusions), il est généralement requis qu’ils soient lus pour sacrifier à la forme orale. (1) Article 21 de la constitution du 18 février 2006 (2) Article 20 de la constitution du 18 février 2006 40 - 41 - Toutefois, il est à noter que le caractère oral de la procédure congolaise ne dispense pas de l’établissement des traces écrites de tous les actes : c’est pourquoi les jugements prononcés sont minutés et les déclarations d’opposition ou d’appel sont actées par le greffier. 41 - 42 - CHAPITRE SEPTIEME LA THEORIE DE L’ACTION EN JUSTICE 1. LA DEFINITION DE L’ACTION EN JUSTICE Nous avons dit que le droit congolais applique aussi bien la procédure accusatoire et que dans cette procédure accusatoire, le Tribunal ne peut jamais prendre l’initiative de se saisir d’un litige : il doit donc attendre qu’un agent extérieur, public ou un particulier, le saisisse par voie d’une action. Ainsi, nous pouvons définir l’action en justice ou l’action judiciaire comme étant le pouvoir légal, en vertu duquel un agent public (par exemple le ministère public) ou un particulier peut saisir une autorité juridictionnelle (le tribunal), à l’effet d’obtenir que la prétention de droit qu’il soutient soit reconnue avec force légale et qu’une décision exécutoire soit prise aux fins de protéger ou de restaurer le droit (1). Comme nous le constatons, le système accusatoire est de règle en matière de saisine des tribunaux congolais puisqu’il y a donc normalement une personne, autre que le juge, qui possède l’action c'est-à-dire le pouvoir de saisir la juridiction. 2. LE TITULAIRE DE L’ACTION EN JUSTICE Ainsi, en droit judiciaire congolais, l’action judiciaire ou le pouvoir de saisir la juridiction appartient aux personnes suivantes : a) En matière pénale, l’action publique appartient exclusivement au parquet, encore que par l’exercice de l’action civile, la victime agissant par citation directe force la main au parquet, le contraint à l’exercice de l’action publique ; b) En matière de contentieux électoral, l’action judiciaire appartient à tout candidat évincé ; c) En matière de contentieux en annulation des actes réglementaires illégaux, l’action en justice appartient à toute personne intéressée ; d) En matière de contentieux administratif, l’action judiciaire appartient aux personnes lésées ; e) En matière civile, l’action privée appartient au créancier du droit ou à la personne lésée par la violation du droit. (1) RUBBENS (A), Le droit judiciaire Zaïrois, Tome I, Le pouvoir, l’organisation et la compétence judiciaires, Kinshasa, Bruxelles, Larcier, 1970, N° 39, p. 65 42 - 43 - En résumé, nous retiendrons que l’action en justice ou l’action judiciaire est le pouvoir légal que possède un agent de saisir une juridiction en vue de recouvrer ses droits. 3. LA DISTINCTION ENTRE L’ACTION EN JUSTICE ET LE DROIT SUBJECTIF L’action en justice diffère du droit subjectif dont il est question ici. En effet, alors que l’action en justice est le pouvoir légal reconnu aux sujets de droit subjectif de s’adresser à la justice pour obtenir le respect de leur droit ou de leurs intérêts légitimes (1) ; le droit, entendu comme droit subjectif, est une prérogative attribuée à un individu par le droit objectif dans son intérêt et qui lui permet de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation (2). 4. LA DISTINCTION ENTRE L’ACTION EN JUSTICE ET LA DEMANDE EN JUSTICE Sans revenir à la définition de l’action en justice, nous définissons la demande en justice comme étant la voie par laquelle une personne soumet au tribunal une prétention ; elle est la voie par laquelle s’exerce l’action en justice. La demande en justice émane du demandeur. 5. L’IMPORTANCE DE LA DISTINCTION ENTRE L’ACTION EN JUSTICE, LA DEMANDE EN JUSTICE ET LE DROIT SUBJECTIF Comme nous pouvons nous en rendre compte, la distinction entre l’action en justice, le droit subjectif et la demande en justice qui est l’exercice de l’action est nécessaire. - La demande en justice peut revêtir des formes diverses : Assignation, citation, sommation, requête, conclusions, réquisition etc. - La demande en justice peut être nulle tandis que l’action en justice subsiste ; - La demande en justice produit des effets juridiques qui lui sont propres en modifiant la situation des parties quant au fond et en faisant naître entre elles un lien juridique d’instance. (1) GUILLIEN (R) et VINCINT (J), Op. Cit., p. 49 (2) GUILLIEN (R) et VINCINT (J), Op. Cit., p.49 43 - 44 - 6. L’OCTROI DE L’ACTION EN JUSTICE AUX ETRANGERS QUI HABITENT LA R.D.C. Nous avons vu le titulaire de l’action en justice dans les différents contentieux. Mais la question se pose si les étrangers possèdent eux aussi l’action en justice en droit congolais. La réponse est qu’en R.D.C. les étrangers peuvent soutenir leurs prétentions de droit devant les juridictions congolaises dans les mêmes conditions que les nationaux. 7. LES CONDITIONS DE L’EXERCICE DE L’ACTION EN JUSTICE. La théorie classique des civilistes toujours valable mentionne quatre conditions d’exercice de l’action en justice ci-après : 1o Le droit subjectif : La juridiction a pour mission de vérifier si les prétentions des parties sont ou non conformes au droit, l’action qui ne s’appuie pas sur le droit mène à l’échec, au débouté ; d’où ou soutient que « il n’y a pas d’action sans prétention de droit ». 2o La capacité : Pour que l’action en justice aboutisse, il faut que son titulaire ait la faculté de l’exercer 3o La qualité : Pour que l’action en justice aboutisse, il est nécessaire que son titulaire possède le titre en vertu duquel il agit c’est-à-dire la qualité 4o L’intérêt : C’est une condition d’exercice valable de l’action en justice ; il est donc requis pour justifier de la recevabilité de l’action ; il doit être direct et personnel. En matière civile, par exemple, le créancier doit justifier de son intérêt personnel pour agir en justice ; en matière pénale, l’action publique est exercée par un magistrat du parquet dans l’intérêt du respect de la loi. Ce qui reste universellement vrai est que « la règle : pas d’intérêt pas d’action est une règle d’ordre public destinée à ménager le temps des juges, les deniers de l’Etat et à empêcher (de naître) des contestations inutiles ou vexatoires » (1). (1) MOREL (R), Traité élémentaire de procédure civile, 2è édition, Paris, 1949, NO 27, P 3O. 44 - 45 - 8. LE CARACTERE IMPERIEUX OU FACULTATIF DE L’ACTION EN JUSTICE. L’action en justice étant un pouvoir, il se pose la question de savoir si le titulaire de ce pouvoir est tenu de l’exercer ou a la faculté de s’abstenir. Pour répondre à cette question, il y a lieu de distinguer l’action en matière pénale et en matière de droit privé. En matière répressive, l’exercice des poursuites est la mission propre des magistrats du parquet qui ne peuvent jamais renoncer à l’action publique ; toutef

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