Cultures politiques en Europe Occidentale 1870-1980 PDF

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Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

Serge Berstein

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Ce document traite de l'évolution des cultures politiques en Europe occidentale entre 1870 et 1980, en s'appuyant sur des analyses de l'organisation politique et des institutions. Il aborde les concepts de libéralismes, de parlementarisme et de monarchies, ainsi que leurs évolutions et interactions.

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INTRODUCTION Cultures politiques en pratique en Europe occidentale ( années 1870-années 1980) Serge Berstein « Les cultures politiques », L’Histoire culturelle en France et en Espagne, Madrid, Casa de Velázquez, 2008 (disponible sur Openbooks) Le propos du cours est d’aborder l...

INTRODUCTION Cultures politiques en pratique en Europe occidentale ( années 1870-années 1980) Serge Berstein « Les cultures politiques », L’Histoire culturelle en France et en Espagne, Madrid, Casa de Velázquez, 2008 (disponible sur Openbooks) Le propos du cours est d’aborder le politique par le biais du culturel donc l’organisation du pouvoir donc comme le président comme de ceux qui aspirent entre les pouvoirs et les sociétés Culturel = au représentation matériels et symboliques, porteuse de normes, valeurs de valeurs qui parcourent des familles idéologiques et définissent des traditions politiques Une idée qu’il a une lecture du passé qui distinct de grandes période du passé ou de périodes de déclin. Une vision partagée de l’organisation politique de l’Etat nourrie de données philosophiques ou doctrinale partagées. Une conception également partagé du futur comme une société idéale ou fin des temps Les enjeux : filiation, construction de traditions et évènement et périodes, de se projeter dans l’avenir. Insister sur les formes dans lesquelles ces cultures politiques s’incarnent et avec quels acteurs Prendre en compte la dimension symbolique comme l’emblématique logique d’exhibition. Puis le monumental. Logique d’inscription dans l’espace public. Et enfin le rituel SEANCE 1 : Libéralismes, parlementarismes et monarchies I. Ancrage des cultures politiques libérales a. Une philosophie politique Une philosophie politique libérales, dominent depuis le 19 , reposent sur du libéralisme Econo et politique. Liberté ème = au centre de tout, liberté avant l’état donc prime de la liberté. 19 libérale, à gauche dans la politique, comme à la ème restauration les libéraux sont de gauche, depuis la bourgeoisie libérale, le libéralisme depuis de droite. De nouveaux partie libérales deviennent dans la politique de droite. Cette philo polit, origine = théorie des droits naturel, les droits sont pour les conditions de l’Homme, donc des droits naturels, puis 17 18 , ont parle de droit naturel (pluriels). ème ème Dans ces droits = droit de propriété, sureté, tolérance religieuse. Une pensé de contrat sociale, puissance politique droit à un accord = contrat social Des penseurs importants comme Thomas Hobbes (1588-1679) puis John Locke (1632-1704). Ils viennent de la Gb ou de France comme les lumières. Montesquieu (1689-1755), Voltaire (1694-1778), Rousseau (1712-1778). Des penseurs au 19 penseurs libérales comme Benjamin Constant (1767-1830), Alexis de Tocqueville (1805-1859). ème La limite du pouvoirs exécutif, législatif et judicaire, grande importance aux lois, garantissent la liberté des citoyens, attacher aux institutions administratives, et le consentement des impôts. Réclament des régimes constitutionnelle et parlementaire à 2 chambres qui se contrôle mutuellement donc le bi-parlementarisme ? b. Le modèle britannique Le régime libérale Gb, garantis les principales (Bill of Rights de 1689). Droit de propriété est garantie aux propriétaires. Habeas Corpus 1679 = sur la sureté de la personne donc ne peu pas être emprisonné sans motif et sans juge. Les libertés sont de paroles et d’expression, qui s’incarne dans la liberté de la presse, comme VH qui combat pour la liberté de la presse. Edmond Burke parle de 4 pouvoir. La tolérance religieuse en Gb, l’église ème anglicane = impose leur privilège. Les droits religieux, ne sont pas garantit et donc motif de combat pour les minorités religieuses. II. Essor d’une culture parlementaire en Europe Occidentale a. La GB, berceau du parlementarisme Organisation ancienne, la monarchie Gb remonte de Guillaume de Conquérant. La monarchie doit concéder des droits et notamment la Grande Charte de 1515, les barons révolter à demander des droits, donc le roi à dû rendre des droits du parlement, et des le 14 il y a 2 chambres, chambre des Lords et des communes, les actes sont les lois ème qui viennent des parlements, donc bicamérales, chambre des L = paires, présider par le Lords chancelier avec 300 personnes, ce sont de grands seigneurs qui sont choisi par le roi et siège jusqu’à leur mort, représentation de l’aristocratie foncière donc possèdent des biens. Chambre des C : chambre basse, représente la nation, présider par un spike donc initiative des lois, droit exclusive sur la finance donc c’est la chambre qui choisit, font les lis, les traités, et contrôle les actes du gouvernement. Un régime parlementaire sert à…. François-Charles Mougel : le Westminster Model ; la force des « élites ». Westminster Model : approche fonctionnelle = incarne un régime monarchique, constitutionnel et parlementaire. Mais aussi une approche sociale = définit par l’importance des élites. 1890 il montre que le système élitaire, ont un grand privilège donc les ils pensent qu’ils sont les meilleurs, donc comme un héritage national, donc les élites doivent bien gérer le pays. Différence nobiliaire, les élites pense incarner l’aristocratie, donc « né pour gouverner », ils sont de la « haute société ». b. Le poids du bipartisme Les députés des communes ainsi que les lords se divisent en partie ou en groupe. Les tories ou les conservateurs = fondée en 1834 à partir d’association, héritières de tories au 17 18 , rejoint par les unionismes (veulent rester ème ème dans la Gb), fortement soutenue par l’aristo qui possède des biens. Forte concentration de foncinière, l’économie de l’aristocratie touche l’agriculture, donc ils ne sont menacés à la fin du 19 , 1906 il incarne de rôle de tories, avec ème Edouard 7 les lords diminuent dans leur fonctions et rôle, donc l’aristo perd sont de + en + son statut politique. Grand conservateur 1804 1881 BENJAMIN DISRAELI = 1 ministre en 1868, 1874 – 1880. Incarne un programme de er conservateurs de modernité, et une politique impériale Les whigs ou les libéraux : donc opposant des conservateurs. 1688 =hostile, prérogative, et royal, libre échange, et souligne, l’importance de la paix entre les peuples, respect le pouvoir, mais combatte les pouvoir de l’aristocratie, peuvent compter sur les églises autres que celle de l’Angleterre. Privilège sur les plus riche du pays, longtemps sur la démocratisation de la vie politique. Changement dans les années 1890, pensent que l’état doit jouer dans la santé. Les libéraux USA ne pensent plus aux pouvoir de l’état. William Gladstone (1809-1898) : ancien conservateur, il a développé l’anciennement en primaire, secret du vote et grande réforme électorale. Commotion parlementaire de 1906, travailliste, les militants adhèrent au syndicat, mais s’inscrive pas dans le parti, aux élections de 1910 ont 7% des suffrages. Devient dur e 1914 soir 1M de personnes, 94% sont dans les syndicats. Le travailliste s’implante dans l’industrie et les zones rurales. c. L’âge d’or de la culture parlementaire en Europe et ses limites En Europe Occidentale = les usages parlementaire Gb sont adoptée, donc matrice parlementaire. Les assemblés sont de règlement de président, bureau, commission. Aussi des règles du j comme des débats, droit de parole organisé, les président dans les parlements gère le droit de parole. Prépare les lois, et les rapporteurs donc ceux qui prépare les lois, auditionnes les ministres mais il ne peut pas être députer. Le travaille parlementaire travaille énormément. Possèdent des secrétariats. Gb = Shadow cabinet donc ministre d’éducation par exemple. Cérémoniales parlementaire = donc discours de politique générale par des chefs de gouvernement donc le discours du trône. Les parlementaires approuvent leur approbation au gouvernement. Culture parlementaire peut avoir des coupures, mentions. Ils obéissent aux discours, donc des applaudissements. La presse se fait égaux des débats. Une civilité parlementaire inspirer de la Gb. Une mise en place progressive de pratiques démocratiques = le parlementaire n’est pas une démocratie, donc celui ou l’ensemble de la popu est représenté, sauf dans le libéral, un suffrage universel se met en place. Bulletins secrets en Gb en 1872, la Belge en 1877, Norvège 1864, All 1903, Fr 1913. Fr 1848 pour indemnité parlementaire, all 1906, Gb 1911, Italie 1911. Suffrage universel = la démocratisation de la république passe par la mise en place du Suffrage Universel, Norvège et Danemark avant la 1ère GM. La Gb marche très progressive, 1832 Ian sous les libéraux, droit de vote passe de 1/5 pour les hommes, le corps électoral passe de 1M a 2M d’homme, nouvelle lois 1872 donc on diminue le sens donc le droit d’entrée. 1884 = Sir.réformate, abaisse le sens et 60% des hommes votes, 1918 = libérales lord Georges donc plus de 21 ans vote et femme + 30 ans. 1928 = représentateur du peuple passe les femmes sans conditions pour les votes. Evolution Gb vers une démocratie d1 siècle. La Gb joue un rôle de pionnier dans les revendications féminines avant le tiers du 19 siècle, vient des libéraux, et tout le résonnement pense que l’émancipation des femmes par les ème votes donc civique et civiles 1866 = réformes, donc comités, et syndicat féministe. Le mouvement suffragiste, donc monter les femmes, donc les suffragettes. Utilisation de manifestation comme KEIR HARDIE pour le droit des femmes, aussi CHRISTABEL PANKHURST, elles se font emprisonner. Arrestation de MARY RICHARDSON. Fondation de la national young suffrage sociétis en 1890 ? grève de l’impôts, manifestation, vandalisme, stand de suffragettes (affiche !!!). Mobilisation religieuse. EMILY DAVISON se jette sous les chevaux de Georges V. En Fr c’est compliqué, dans plusieurs pays il faut attendre la fin de la 1 GM, dans des pays Européen qu’étranger. ère 1920 = proposition de vote Femme, dans la chambre des débiter sont dominer par les anciens combats donc chambre bleu, mai 1919 mais le sénat craint le vote des femmes, ils pensent que le vote des femmes va pour les conservateurs. Citation : Les mains des femmes sont-elles bien faites pour le pugilat de l’arène publique ? Plus que pour manier le bulletin de vote, les mains de femmes sont faites pour être baisées, baisées dévotement quand ce sont celles des mères, amoureusement quand ce sont celles des femmes et des fiancées [...] Séduire et être mère, c’est pour cela qu’est faite la femme ALEXANDRE BERARD, RAPPORT DU SÉNATEUR SUR PLUSIEURS PROPOSITIONS DE LOI TENDANT À ACCORDER AUX FEMMES L'ÉLECTORAT ET L'ÉLIGIBILITÉ. (RAPPORT N ° 561, ANNEXÉ AU PROCÈSVERBAL DE LA SÉANCE DU SÉNAT DU 3 OCTOBRE 1919) III. 1870 – 1914, une Europe dominée par la monarchie a. Le cas Britannique Prestige de la fct monarchique, le roi est inviolable et sacré, le monarque est le chef de l’église anglicane, nomme les offices de l’armée, dirige l’arme, droit de grâce, anoblissement, dissous la chambre des communes mais pas des pairs, mais peut créer des pairs. Liste civile = vote / an donc assume les offices. La monarchie est réduite aux prérogatives reconnues dans l’inglish institues, consulter, formuler et les mettre en garde, le vrai pouvoir appartient aun1er ministre. Le roi est associé au prestige de la fonction donc la monarchie est très populaire. Reine Victoria 1819 règne de 1837 – 1901 donc l’aire victorienne. Popularisation de l’image du roi renne, donc impératrice de Inde en 1876 aussi renne du canada et Australie. Pouvoir symbolique et religieux contribue de la grandeur de la Gb. Train du jubilé 1887, 1897 = fête royale. b. Le Kaiser Reich, un régime parlementaire Empire allemand donc le Reich, 1871 – 1918. Le kaiser Reich proclamée 1871 dans Versailles. Le ministre Otto Von Bismarck = ministre donc chancelier jusqu’en 1890, Guillaume 1 et puis 2. Suffrage universel masculins, deux chambres, reichstag. Système fédérale éloigner d’un régime parlementaire, forme de monarchie absolue. Une prussification de l’empire donc l’empire s’aligne dans le système politique de la Prusse depuis 1871, donc importance des élites traditionnel comme les propriétaires foncier, une langue allemande qui est impose même dans les territoires non allemands. c. L’ancrage de la monarchie parlementaire en Italie 1848 = 7 états, 1871 Italie unifier donc Rome capitale. Monarchie parlementaire, donc la famille de Savoa, 1 er ministre Cavour, la monarchie est un puissance facteur d’intégration national, réécriture de l’histoire de l’unité Italienne que la solution est le seul valable. Le pouvoir du roi important, sur le modèle du Piedmont de 1848 donc unification de l’Italie, deux chambres, et du suffrage censitaire, la monarchie libérale est régime parlementaire, mais repose sur base social et politique très étroite, donc les élites bourgeoises sont méfiantes des classe populaire et urbaine, il faut attendre 1919 pour le suffrage universel masculin. Dans le cadre la monarchie le roi est sacrée et inviolable donc placée de médiateur. La maison de Savoie doit affirmer ça légitimité donc multiplie les fait monarchies Donc attire les foules et s’affirme comme roi tous les italiens. Mais défaite religieuse, donc paradoxe. Conduit à une lourde responsabilité Conclusion : Un « modèle » britannique sui se répand à la fin du XIXe en Europe, soit un régime parlementaire lié au bipartisme. Large octroi des libertés publiques Sans que soient remis en cause les principes du libéralisme, une montée en puissance de la volonté de réforme sociale. Une démocratisation à petits pas, notamment en matière de suffrage universel. Une Europe dominée par les monarchies pour lesquelles la Grande-Bretagne fait figure là aussi d’exemple SEANCE 2 : Culture républicaine et démocratique (France) République désigne stricto sensu = “chose publique”, qui désigne : 1. un idéal républicain, modèle républicain, nourris de principes démocratiques (importance de la morale) 2. un système de gouvernement/ pouvoir d’un Etat régis par le vote 3. une culture républicaine (de la IIIe république = tertio républicaine), en France à partir de 1870 (voire avant) à travers des acteurs, événements symbole, etc I. Les premières années glorieuses et contrariées de la troisième République a. 4 septembre 1870 : la République est proclamée Proclamation de la république est marquée par la guerre : le 2 septembre Napoléon III est capturé à Sedan par les prussiens => marque la chute du Second empire. Cette proclamation se fait sur la place de l'hôtel de ville => citoyens ont envahi le palais bourbon (où se tenait les députés) avec des députés républicains => Gambetta. Un gouvernement de défense nationale immédiatement créé par des députés républicains où se retrouvent les piliers de la “république des Jules” (opposants de Napoléon III), présidence confié au gouverneur militaire de Paris (Trochure) le 5 septembre, Victor Hugo qui était en exile à Bruxelles rentre en France (après 20 ans d'exil) b. La continuation de la guerre et l’épisode de la commune Deux difficultés initiales : continuation de la guerre et épisode de la commune : les armées prussiennes (puis allemandes) font le siège de Paris entre septembre 1870 et janvier 1871 => capitulation militaire élections souhaitées par le chancelier Bismarck sont exigés mais la majorité des députés à la suite de ces élections sont monarchistes (puisqu’ils appelaient à la paix immédiates) conditions de paix draconiennes imposées à la France par le traité de Francfort (perd l’Alsace Moselle) indemnité occupations militaires partielles insurrection parisienne : Thiers avait élu dans 26 départements et était désigné chef de l'exécutif mais il est considéré par une partie de la population des grandes villes comme l’émanation d'une assemblée monarchiste. Face à lui, des parisiens créent des organisations, des comités, des associations pour assurer la vie quotidienne. Ces bataillons se transforment en garde nationale => le 18 mars 1871 marque le début de l'insurrection est les insurgés s'installent à la commune et prennent l'hôtel de ville le 28 mars. Ils refusent le gouvernement conservateur de Thiers. Cette insurrection à des équivalents à Lyon et à Marseille. => projet de la Commune : projet de démocratie directe => clubs, comités de quartiers (femmes et hommes) qui forment des lieux de discussions, journaux comme celui de Jules Vallès : le cris du peuple. Programme : vote budget de la ville, organisation de la police, adoption du drapeau rouge, séparation entre l’Eglise et l’Etat, veulent une “république sociale”. La Commune s’inscrit dans la tradition d'une république sociale avec une très grande importance donnée à l'association, notamment avec une chambre syndicale, dure 70 jours et est marqué par l’édification de barricades (qui sont beaucoup photographiées) jusqu'à ce qu'on a appelé la semain sanglante du 21 au 28 mai = très forte répression par le gouvernement Thiers qui s’appuis sur l’assemblée + la bourgeoisie et les ruraux contre les “rouges” de Paris. Les villes qui voulaient aider Paris sont désarmées par le gouvernement Thiers => 25 à 30 milles morts, arrestations, déportations notamment en Nouvelle Calédonie (en Algérie aussi) 1880 : amnistie pour le retour des insurgés (+installe la république) c. Le long chemin vers la République Thiers = orléanistes (ce sont les monarchistes pour une monarchie parlementaire, plus libérale), il se range plus tard (1872) derrière la république parce qu’il la considère comme le régime qui divise le moins, il est mis en minorité par la majorité royalistes,ce qui le pousse à se démettre de la présidence de la république => jour rôle de mobilisation pour que les républicains connaissancent un succès pour les prochaines élections. Les lois constitutionnelles de 1875 sont le fruit d'une alliance provisoire entre les républicains et les orléanistes parce que ces deux mouvements sont effrayés du retour possible des bonapartistes. L’amendement Wallon du 30 janvier 1875 = le président de la république est élu à la majorité absolue des suffrages par le sénat et la chambre des députés, rassemblés en assemblée nationale, le président de la république est nommé pour 7 ans et est rééligible => repose sur plusieurs piliers, fondé sur la séparation des pouvoirs tandis que la chambre des députés et sénat ont des pouvoirs forts. Les républicains à la suite de ces lois voient plusieurs élections victorieuses divisées entre orléanistes et légitimistes. Les républicains gagnent progressivement les élections => Le mouvement des “républicains modérés” gagnent beaucoup de sièges. L’union républicaine mené par Gambetta La gauche républicaine de Jules Ferry Ce cheminement est marqué par la crise du 16 mai 1877 => entre président de la république Mac Mahon (conservateur, favorable au rétablissement de la monarchie) et Jules Simon, chef du gouvernement et président du conseil.Cette crise aboutit à la dissolution de la chambre des députés => très fort campagne, notamment par Gambetta qui lance un défit à Mac Mahon “se soumettre ou se démettre” => se soumettre au vote des électeurs, le 25 juin, des élections ont lieu et mac mahon perd puisque les républicains emporte la majorité, Mac Mahon part en 1879 et est remplacé par Jules Grévy, autres élections 1879 Loi constitutionnelle du 14 août 1884 : la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d'une proposition de révision + les membres des familles ayant régné sur la france sont inéligible à la présidence de la république II. Acteurs, pratiques, moments a. Acteurs les “Pères fondateurs de la république”, : Jules Simon, Jules Grévy, Jules Ferry, Léon Gambetta => façonner par leur oppositions au second empire, haïssent le régime impériale mais n’apprécie pas non plus les républicains de 1848 ni les représentants du catholicisme qui ont montré leur soutien au seconde empire. Ils sont porteur d’un projet d'émancipation de l’individu Gambetta (1838-1882) : candidat aux élections législatives de 1869 avec un programme republicain : programme de Belleville : liberté de la presse, séparation Eglise Etat, impôt sur le revenu, suppression des armés permanentes, elections des fonctionnaires se fait défenseur de la nation = episode du ballon réformateur lorsqu'il est nommé président du conseil 1881 : le “commis voyageur de la république” pour conquérir les “nouvelles couches sociales” = convainque les hommes des campagnes que la république est une bonne chose nom de rue, statuaires, panthéon Jules Ferry est président du conseil 2 fois : entre 1880 à 1881 et de 1883 à 1885. Il est le principal dirigeant de la politique “opportuniste”. Il y a également eu deux radicaux qui sont restés aussi longtemps : Emile Combes de 1902 à 1905 et Georges Clemenceau de 1906 1909 => la IIIe république se manifeste par une grande instabilité ministérielle => le centre du pouvoir est le palais bourbon et non l’élysée + autorité du président du conseil est fondé sur l’autorité parlementaire => durée moyennes des ministères 1879 et 1914 est environ 1 années Les présidents de la république ont peu de prérogatives même s'ils sont respectés (beaucoup de pouvoir leur sont donnés dans les lois constitutionnelles mais depuis l’épisode Mac Mahon le président doit renoncer à avoir trop de pouvoir). Clémenceau dit que le président de la république “inaugure les chrysanthème” (le seul rôle du président est aux enterrements) Jules Grévy devient président de la république en 1879, il est réélu en 1885 mais en 1887 il tombe dans le scandale d'un membre de sa famille b. Pratiques politiques La IIIe république est caractérisée par les élections : conseillers municipaux, conseillers d'arrondissement, conseillers généraux, députés. Mais il n’y a pas d'élections pour les fonctionnaires publiques : la méritocratie élective s'élargit avec la IIIe république, mais les républicains ne multiplient pas les expériences d'élections directes notamment celle de la présidence de la république. Les tendances et les groupes => on parle pas de partis mais d’abord de “républicains de gouvernement” ou les “républicains modérés” qui sont divisés pendant la première décennie de la IIIe république entre l’union républicaine de gambetta et la gauche républicaine de jules ferry = ces deux groupes de républicains dominent la vie politique en 1876 et jusque dans les années 1890. En 1885, le gouvernement de défense républicaine, leurs opposants les qualifie “d’opportunistes” mais ils commencent à s'approprier le terme => désigne leur tactique : préconisée des réformes prévu par le programme republicain de manière progressive => saisir le moment opportun => léon gambetta devient le théoricien de cet opportunisme. Clémenceau et les républicains radicaux s'opposent à cette tactique et rompent dès 1876 avec les gouvernements en place. Des années 1880 aux années 1910 on observe une forte progression des républicains radicaux ou radicaux socialistes qui se transforment ensuite en socialistes. Les républicains modérés se retrouvent à droite. 1899-1914 de la république radicale naît le gouvernement de défense et d'actions républicaines contre les nationalistes, met fin à république opportunistes. Waldeck Rousseau Les républicains modérés se transforment en deux partis : aile gauche = alliance républicaine démocratique de 1901 à 1940, Raymond Poincaré aile droite = fédération républicaine de 1903 à 1940 A la faveur de la guerre est déclarée une Union sacrée censée rassembler les français deux socialistes entrent au gouv sociabilités républicaines = banquets Un grand banquet à lieu au moment de la révolution française au souvenir des banquet royaux, juste avant la proclamation de la llle république, cependant sous la IIIe république un grand nombre de banquets servent d'abord à promouvoir les républicains contre les monarchistes et progressivement à glorifier la république. exemple de banquet : “banquet des maires” dirigés par Emilie Loubert le 22 septembre 1900, plus de 20 milles maires qui se réunissent => permette ancrage de la république =>banquets adulés mais aussi moqués = > ils ont tout de même eu une grande importances, en réunissant non seulement des membres du gouvernement mais également des instituteurs, des libres penseur, et souvent en étant organisés par des associations ou des syndicats. c. Des moments 1873-79 : politique “d'Ordre moral” = grande souscription pour construction du sacré coeur => moment non républicain le temps des lois libérales entre 1881 et 1884 (moment des opportunistes) => dans l’objectif d'éclairer l’opinion et le suffrages universel droit de réunion de 1881 29 juillet 1881 : grand loi libérale sur la liberté de la presse Les républicains se méfient des pouvoirs intermédiaires => les syndicats ont donc été reconnu tardivement : 1884 : loi waldeck rousseau et la liberté d’association : 1901 lois ferry, 1881, 1882 qui institute l'école primaire gratuite laïque obligatoire au coeur du projet républicain => école est un lieu où s'enracine la république enseignement primaire pour tout le monde mais enseignement secondaire bouleversé par création de lycée de jeunes filles + enseignement secondaire est payant, moins de deux pour cent d'une classe d'âge masculine emporte le baccalauréat systèmes parallèles (différents entre bourgeoisie et peuple) = ne remet pas en cause les hiérarchies sociales existantes la crise boulangiste (1886-89) => cf séance 3 scandales financiers => remise en cause du système vertueux + ont alimentés un très fort antiparlementarisme à l’extrême droite comme à l’extrême gauche ; ex : scandale de panama 18891-93 = liait des politiques, industries, trafiquants attentats anarchistes 1892-94 : ex : auguste vaillant bombe à chambre des députés affaire Dreyfus => cf séance 3 manifeste puissance de l’antiféministe + a divisé le pays (dreyfusards et anti-dreyfusard) ; la IIIe rep réagis et un gouvernement de défense est institué en juin 1899 : gouvernement Waldeck rousseau la crise de la Séparation des Eglises et de l’Etat (1901-06) III. Principes et symboles a. Principes, traditions, valeurs la IIIe république s’inscrit dans le sillage des Lumières = la france se considère comme la patrie de la démocratie et de la liberté inscription dans la tradition révolutionnaire Etat centralisée : la république assume l'héritage jacobin, se méfie de la reconstitution des anciennes provinces importance de l’articulation de la politique et de la science = pour Auguste Comte, la politique doit être “expérimentale” pour être guidée par la raison, Pasteur est le premier hero scientifique nationale la cohésion de l'ensemble de ces valeurs est lié par la croyance partagée du progrès sociale = solidarité, au début XXe : “solidarisme” théorisé par Léon Bourgeois = l’Etat doit intervenir dans les politiques sociales ex : grande loi sur les accidents du travail 1898 b. Politiques symboliques architecture ex : statue place de la république des frères morice inaugurée le 14 juillet 1883 1879 : la marseillaise devient l’hymne national 1880 : 14 juillet est la fête nationale “esprit publique” funérailles nationale : ex Victor Hugo le 31 mai et le 1 juin 1885 livres : ex le petit larousse illustré le modèle republicain = grand prestige L’adhésion au modèle republicain passe par les ralliement des socialistes à l’idée de républiques au début du XX qui voit le régime le plus amène de faire justice et démocratie SEANCE 3 : Nationalismes, patriotismes, impérialisme Introduction : L’usage du mot nationalisme est un usage tardif, avant, on parle de nationalité : dernier quart du XIXe siècle, mot présent dans plusieurs langues = pas seulement un mouvement français En allemand autre terme qui existe, formé à partir de la racine volk qui veut dire peuple = adjectif “völkisch” Formule barisienne : Maurice Barrès, « La querelle des nationalistes et des cosmopolites », LeFigaro, 4 juillet 1892, arrache le terme de nationalisme aux chroniqueurs de la politique étrangères, le mot prend alors une dimension nouvelle => tente alors à designer un système cohérent de penser, sentiment, d’émotions accès sur la défense et l’exaltation de la nation, de l’idée nationale. Le nationalisme se définit par une exaltation du patriotisme ou une exaltation d’un sentiment national la culture nationalisme s’oppose à : l’universalisme des lumières définie au XVIIIe siècle, l'ouverture internationale des mouvements des nationalités, l’internationalisme du mouvement ouvrier, socialiste divise les intérêts des nations A la fin du XIXe siècle : idée d'affrontement entre les nations darwinisme social ; théorie de Darwin qui a observé ce qu'on appelle “the struggle for life” : théories appliquées en zoologie qui sont transférées à l’analyse des sociétés = chez les animaux, seules les espèces les plus fortes survivent, présence d’une différence entre les “races inférieures” et les “races supérieures” => la guerre est envisagée comme une modalité du nationalisme, recours des hommes à la violence entre les nations Avant 1914, le nationalisme ne constitue pas de force puissante (dans les pays étudiés en tout cas) mais il existe avant la grande guerre comme culture politique, porté par des régimes qui haïssent les partis nationalistes. Quels sont les principaux termes du nationalisme ? Comment ces termes se diffusent jusqu’a constituer une culture politique ? Comment le nationalisme s’est imposé dans ce que Anderson appelle le “Nation building” ? => analyse des nationalismes étatique et exclusives (xénophobie) jusqu’aux impérialistes I. Nationalismes avec et sans États a. Le renforcement des Etats-nations George Mosse parle de “la nationalisation des masses” = Étape supplémentaire dans la création de nouveaux Etats et dans l'ancrage politique des anciens Etats. La nationalisation des masses par : La constitution d’espaces politiques homogènes (lois communes, cadres réglementaires), La constitution d’espaces monétaires douaniers et économiques communs (partage d’une monnaie commune au sein d’un État-nation). A la fin du XIXe siècle, les Etats ont des politiques protectionnistes = érigent barrières douanières (excepté la grande-bretagne), La constitution d’espaces militaires (rôle intégrateur de l’armée mais conscription n’est pas partagée dans tous les pays = En Grande-Bretagne : armée de métiers, en Allemagne ont se méfie de la classe ouvrière donc pas de circonscription généralisé, en France : deux lois militaire 1872 et 89, Italie loi de 1975 : les jeunes hommes doivent deux ou trois ans de service militaire) en France, l'armée est le prolongement de l'école, espaces culturels (langue partagée, en France = lutte contre les langues régionales , enseignement primaire obligatoire : Angleterre (loi Forster, 1870), Italie (loi Coppino, 1877), France (lois Ferry) 1881-1882, espace informatif (informations nationales = presse quotidienne qui devient presse de masse dans dernières décennies du XIXe siècle, actualité filmée d'après 1895 qui sont articulés sur actualités nationales ou internationales mais en étant distinguées, symboles (drapeau, hymne national, devise fêtes nationales, statues et monuments, timbres etc) La nationalisation des masses passe par différents vecteurs, au-delà des vecteurs institutionnelles. b. Le nationalisme irlandais Au milieu du XIXe siècle l'Irlande est soumise à une grande famine. De cela, s’est développé quatre “branches” de nationalistes : une forme de nationalisme autour du bloc catholique incarné par le cardinal Cullen qui s’oppose à la domination anglaise et protestante. Le Cardinal Cullen cherche à construire la société irlandaise dans ce qu’il appelle une “renaissance irlandaise” dans une “société chrétienne”. Ce mouvement est encadré par le clergé mais n'est pas opposé à la couronne britannique. Ils sont méfiants des mouvements nationalistes républicains notamment des insurrections. Sont aussi hostiles au mouvement “Home Rule Party” incarné par Charles Parnell (1846-1891) passe par la loi du groupe nationaliste et révolutionnaire : Sinn Fein (« nous-mêmes »), Arthur Griffiths, 1902 = ne pas hésité à avoir recours à la violence pour parvenir à ses objectifs + Irish Republican Army, IRA, à partir de 1913-1914 L’épisode des Pâques sanglantes de Dublin (Patrick Connolly, 1916) est caractérisée par une sévère répression qui conduit à la partition de l’Irlande en 1921 : 26 comtés qui forment l'Irlande à majorité catholique 6 comtés qui forment l’Ulster qui reste dans le royaume uni et qui conduit à la Guerre civile irlandaise de 1921- 1922. c. Le sionisme Une des déclinaison du nationalisme de la fin du XXe siècle = populations juives forment 2% de la population dans les pays du programme mais dans certains pays hors programme, elles forment des minorités beaucoup plus nombreuses. La situation des pop juive est une situation d’intégration forte Cependant, à la fin du XXe siècle à lieu des pogromes en Europe centrale et orientale à cause de l’antisémitisme fort. A cela s’ajoute l’affaire Dreyfus qui conduit dans un journal génois : Theodor Herzl (1860-1904) à préconiser la création d’un Etat juif pour en finir avec l’antisémitisme “recherche dune solution moderne pour la question juive” : en Palestine qui a l’époque est sous domination ottomane, dans des territoires majoritairement peuplés par des populations arabes = nationalisme qui se développe en fonction de ce qui se passe en europe occidentale, Herzl fondement le sionisme a la fois politique et religieux sur le modèle du nationalisme européen avec l’idée d’un programme national, hymne, drapeau = influence en europe occidentale qui entraine des installations sionistes en Palestine. En pleine première guerre mondiale, une déclaration destinée à rallier les populations juives à la cause des alliés : « déclaration Balfour » le 2 novembre 1917. Création d'un Etat juif en 1848. II. Surenchère et dérives patriotiques : le cas de la France a. Etapes Le nationalisme français surgit par vague dans les années qui suivent l’établissement de la IIIe république : La crise boulangiste, 1886-89 : nom qui vient de Boulanger, un homme qui devient ministre de la guerre à 42 ans, et veut faire la revanche contre les allemands => multiplie les déclarations patriotiques et les provocations vis à vis de l’allemagne ce qui le mène à perdre son ministère en 1887. Il se présente à une série d'élections en 1888-89 et gagne. Ces principaux arguments sont sur le thème de la révision de la IIIe République en disant qu’elle est trop faible, et qu’il faut un Etat fort pour gagner contre l’Allemagne => se développe un fort courant anti parlementaire => permet la structuration d'un mouvement anti parlementarisme et qui marque l'entrée du nationalisme anti parlementarisme dans la culture française. Des scandales politico-financiers : quelques hommes politiques impliqués dans des scandales financiers et des scandales politique entre 1891-93 => toute une presse nationaliste condamne, nourrie l’anti parlementarisme voire des fois un mouvement anti républicanisme L’affaire Dreyfus = Dreyfus est un officier juif d'origine alsacienne qui fut condamné pour espionnage. La famille d’Alfred Dreyfus avait choisi la France. En 1894, Dreyfus est accusé d'avoir espionné pour le compte de l'allemagne. Le conseil de guerre le condamne pour haute trahison, il est publiquement dégradé, et est condamné à la déportation en Guyane. En début 1895, sa famille cherche à le défendre, un lieutenant colonel développe l’idée qu’il a été condamné pour antisémitisme (pas assez de preuve pour le faire accuser, un autre officer a rellement espionné pour l’Allemagne mais il est défendu par sa hiérarchie). En 1897, un certain nombre d'hommes politiques (et de journalistes dans une moindre mesure) rallient la cause de Dreyfus. Se crée alors le mouvement dreyfusard (un certain nombre d'hommes de gauche) et du camp anti- dreyfusard = ces divisions recouvrent des questions juridiques, militaires et politiques. Le vrai démarrage est quand Zola publie un article dans l’aurore le 13 janvier 1898 : “J’accuse”. Dedans, Zola explique que l’armée est responsable et démonte l’engrenage qui a conduit à sa condamnation. Les dreyfusard = idées de liberté; justice/ anti-dreyfusard = idées d’ordre et de loyauté à l’armée => innocent à été condamné => Dreyfus est rejugé mais de nouveau condamné, gracié quelque jour après => réhabilité en 1906 L’intervention de Zola à mise l'affaire au coeur de la politique => création de la ligue des droits de l’homme (1998), crée de la ligue de la patrie française anti-dreyfusard => permet à la gauche républicaine de se structurer mais à également permis à toute une droite antisémite de se structurer. b. Des traits communs Sentiment de décadence : Le sentiment de décadence est un thème récurrent dans la pensée de Maurice Barrès et plus largement dans les courants nationalistes de la fin du XIXᵉ et du début du XXᵉ siècle. Il repose sur l’idée que la France, jadis grande et puissante, serait en train de perdre son identité et son influence en raison de multiples facteurs : la modernité, l'industrialisation, la montée de l'individualisme et l'influence étrangère. Barrès perçoit cette décadence comme une érosion des valeurs traditionnelles et un détachement des Français de leurs racines, qu'il appelle « la terre et les morts ». Selon lui, ce déclin moral et culturel affaiblit la cohésion nationale et expose le pays à des menaces intérieures et extérieures. Ce sentiment est exacerbé par les événements de son époque, notamment la défaite de 1870 contre l’Allemagne et l'instabilité politique de la Troisième République. Barrès appelle donc à une renaissance nationale fondée sur un retour à l’histoire, aux traditions et à la spiritualité collective. Rêve de l’unité du peuple et critique du parlementarisme : Maurice Barrès rêve d'une France unifiée, où les divisions politiques et sociales seraient surmontées par un sentiment d’appartenance commune. Cette unité repose sur un patriotisme enraciné, dans lequel chaque individu serait attaché à son territoire, à son histoire et à sa culture. Il voit dans le peuple une entité organique, où chaque membre joue un rôle dans la préservation de l’héritage national. Cependant, Barrès critique fortement le parlementarisme, qu’il accuse d’être la cause principale de la fragmentation et de l’impuissance de la nation. Dans sa formule célèbre, « ce parlementarisme dont notre patrie se meurt », il exprime son rejet d’un système politique qu’il juge inefficace et corrompu. Selon lui, le parlementarisme favorise les querelles partisanes, les intérêts privés et le manque de décision ferme. Cette critique s’inscrit dans une tradition antiparlementaire partagée par d’autres intellectuels nationalistes, qui prônent un pouvoir exécutif fort, capable de rassembler la nation autour d’objectifs communs et de contrer les menaces intérieures. Anti-individualisme : unité spirituelle de la nation : Pour Barrès, l’individualisme est l’un des grands maux de la modernité, car il affaiblit le lien entre les citoyens et leur communauté nationale. L’individualisme pousse chacun à poursuivre ses propres intérêts au détriment du bien commun, ce qui fracture la société et menace l’unité spirituelle de la nation. Barrès prône un anti-individualisme basé sur la solidarité nationale et l'attachement aux traditions. Cette unité spirituelle repose sur un patriotisme enraciné dans les valeurs collectives : la terre, le sang, la culture et la mémoire des ancêtres. Il s'agit d’un idéal où chaque individu subordonne ses aspirations personnelles à la préservation de l’identité nationale. Barrès valorise donc un modèle organique de la société, où l’individu trouve sa place dans un tout plus vaste et sacré, en harmonie avec les « racines » de la nation. Cette perspective anti- individualiste s'oppose aux valeurs de la Révolution française, comme l'universalisme et l'émancipation individuelle. Xénophobie et antisémitisme : un nationalisme exclusif : Le nationalisme de Barrès se distingue par son caractère exclusif, reposant sur une méfiance envers les étrangers et les populations considérées comme « différentes ». Il critique les « métèques » (étrangers, souvent venus des colonies ou d'Europe de l'Est) et voit en eux une menace pour l’unité et la pureté de la nation française. L’antisémitisme occupe une place importante dans sa pensée, en particulier dans le contexte de l’affaire Dreyfus, où Barrès s’oppose violemment aux défenseurs de Dreyfus. Il considère les Juifs comme des « ennemis intérieurs », accusés de ne pas partager l’esprit français et d’affaiblir le pays par leur supposée loyauté à des intérêts étrangers. Barrès reprend des stéréotypes antisémites de son époque, affirmant que les Juifs seraient incompatibles avec l’identité française, qu'il perçoit comme homogène et chrétienne. Son nationalisme, basé sur l’exclusion, oppose la France « authentique » (catholique, rurale, enracinée) aux influences qu’il considère étrangères et nuisibles. Pour Barrès, la France est non seulement menacée par des puissances extérieures, mais aussi par des forces internes qu’il assimile à une trahison de l'esprit national. c. Des voix différentes Le mouvement nationaliste s’inscrit dans une logique jacobine, logique républicaine autour de l’ordre et de l’autorité la Ligue des Patriotes notamment autour de Paul Déroulède (président) = compte sur l’union du peuple et de l’armée Maurice Barrès “autour de la terre et de ses ancêtres” = instinct national Charles Maurras = pas du tout républicain ni sur l’idée de l’instinct = monarchiste “nationalisme intégral”. Camelots du roi, la conclusion nécessaire du nationalisme est la restauration monarchique = dénoncer un certain nombre d’ennemis extérieures mais notamment intérieures “quatres Etats confédérés” : les francs maçon, les protestants, les juifs et les métèques. La nation comme corps, comme communauté est attaquée = condamne la république, le parlementarisme mais pas forcément le suffrage universel, pense que la restauration monarchique permet d'éviter les prétendus ordres républicains. Pour Charles Maurras, la monarchie est seulement catholique = instrumentalisation (lui-même n’est pas croyant) pour lui le catholicisme est garant de l’ordre et de l’autorité. développement de ligues de mouvements nationalistes après la première guerre mondiale autour des anciens combattants = contestations du modèle parlementaire ex : bonapartiste = les jeunesse patriotes, 1924 pour raffermir la république et combattre les communistes, éphémère mouvement fachiste = le faisceau de valois et les croix de feu du colonel de la Rocque à partir de 1931 (ligue d'ancien combattant transforme en mouvement structuré autour du lien de défense de la république et nationalisme de droite)=> fond idéologique commun mais différentes branches III. Impérialismes : déclinaisons nationales La formation des empires coloniaux fait de la colonisation et de l'impérialisme des facteurs supplémentaires de tensions entre les Etats-nations les plus puissants d’Europe, l’impérialisme est essentiel pour comprendre cette puissance des nationalismes. Les européens contiennent le tiers des terres émergées de la planète en 1914 (Afrique, conférence de berlin 1885, à part le Libéria et l’Ethiopie, Océanie, Asie excepté chine, japon, philippines, l’empire perse, Afghanistan et le cyan sont sous influence européenne). Le nouvel empire colonial de la France est essentiellement en Afrique du nord à partir de 1830, grande partie de l’Afrique notamment à l'ouest, et présence en Asie : péninsule indochinoise qui s'ajoute aux anciennes colonies notamment dans les Antilles. b. Les Empires coloniaux portugais, néerlandais, espagnols + puissance coloniales arrivé tardivement : Allemagne, Italie, belgique + après première guerre mondiale = apogée des empires parce que les vainqueurs de la Première Guerre mondiale récupèrent des territoires de l'empire ottoman et notamment la Palestine et l’Irak pour la Grande-Bretagne, le Liban et la Syrie pour la France. Les empires coloniaux contribuent à nourrir les antagonismes coloniaux notamment parce que les puissances les plus puissantes comptent beaucoup sur les ressources de leurs empires coloniaux. a. Le cas britannique Le développement du nationalisme impériale est poussé à son paroxysme pendant Guerre des Boers qui opposent les anglais aux hollandais de 1899-1902 = opposent impérialismes pour marquer la prétendue supériorité de la “race britannique” qui se traduit par le mouvement Jingoïsme - « By Jingo » (1877) + porté par le plus haut niveau de l’Etat que la Grande-Bretagne doit s’étendre (jugé comme supérieure) = « Greater Britain », Charles Dilke en 1867, volonté de suprématie nationale au delà des frontières b. Le cas français Le contexte de l'époque : La consolidation de la République et l'impérialisme Dans les années 1880, la Troisième République cherche à asseoir sa légitimité après une période d’instabilité politique. La colonisation devient un moyen de renforcer le sentiment d’unité nationale et d’affirmer la place de la France dans le monde. La colonisation est alors soutenue par différents acteurs (politiques, intellectuels, économistes) et justifiée par des discours idéologiques. Les motifs économiques : L'enjeu de l'expansion commerciale : Avec la révolution industrielle, la France fait face à une saturation de ses marchés intérieurs. Les colonies sont alors perçues comme des zones de débouchés pour écouler les produits manufacturés. Les colonies fournissent des matières premières (caoutchouc, coton, bois précieux, etc.) essentielles pour les industries françaises. Les infrastructures (ports, chemins de fer, routes) construites dans les colonies ne servent pas les populations locales mais facilitent le commerce et l’exploitation des ressources au profit de la métropole. La mission civilisatrice : une idéologie paternaliste : Cette idée repose sur une vision eurocentrique, où les sociétés colonisées sont jugées "arriérées" et où la France se donne pour mission de les "éduquer". Les institutions comme l'école ou l'église catholique jouent un rôle central dans la diffusion des valeurs françaises. Cependant, cette "mission civilisatrice" masque souvent des formes d’oppression : imposition de la langue française, destruction des cultures locales, exploitation des populations indigènes. Les arguments politiques : Prestige et concurrence européenne : La colonisation devient un outil diplomatique pour renforcer l’image de la France sur la scène internationale. L’expansion coloniale s'inscrit dans une logique de rivalité avec d'autres puissances européennes, notamment l’Empire britannique. Cette période correspond à l’intensification de la "course aux colonies" (conférence de Berlin, 1884-1885). - Les manifestations culturelles et idéologiques en métropole Les expositions coloniales : Ces événements spectaculaires, organisés dans les grandes villes (notamment Paris), mettent en scène les colonies pour éblouir le public. Par exemple, l’Exposition coloniale de 1931 attire des millions de visiteurs. Ces expositions visent à justifier la colonisation en montrant les "progrès" apportés par la France. Les reconstitutions de villages indigènes : Ces mises en scène recréent des environnements "exotiques" pour divertir les visiteurs. Elles sont souvent biaisées, simplifiant ou caricaturant les cultures locales pour les adapter aux attentes du public. Les zoos humains : Ces pratiques, choquantes aujourd’hui, étaient courantes au XIXᵉ siècle. Des hommes, femmes et enfants des colonies étaient exposés dans des enclos, assimilés à des "curiosités". Ces spectacles renforçaient l’idée d’une supériorité des Européens sur les colonisés, légitimant ainsi la domination. Les critiques et les résistances : Bien que la colonisation ait été soutenue par une majorité en France, certaines voix critiques émergent dès cette époque : Les intellectuels et militants anticolonialistes : Des figures comme Georges Clemenceau ou Victor Schoelcher dénoncent les violences de la colonisation. Les résistances dans les colonies : Partout dans l’empire, des révoltes éclatent face à l’exploitation et à l’oppression (par exemple, la révolte de la Grande Kabylie en Algérie en 1871). La colonisation, telle qu’elle se développe dans les années 1880, est à la fois un projet économique, politique et idéologique. Si elle contribue à renforcer l’identité nationale en métropole, elle repose sur des mécanismes de domination et d’exploitation. Les pratiques comme les expositions coloniales ou les zoos humains témoignent d’une vision profondément inégalitaire des relations entre la France et les peuples colonisés. Ces pratiques auront des conséquences durables, encore visibles aujourd’hui dans les débats sur le passé colonial français et ses répercussions. c. Le cas allemand Après l’unification de l’Allemagne en 1871 sous l’impulsion de Bismarck, le Reich connaît une montée en puissance du nationalisme, particulièrement sous le règne de Guillaume II. Ce nationalisme est étroitement lié au militarisme prussien et s'accompagne d’une idéologie expansionniste qui se développe avant la Première Guerre mondiale. - Le nationalisme du Reich et son fondement militariste Le militarisme prussien : une base pour l’unité nationale : L’armée prussienne, vue comme l’incarnation de la discipline et de la puissance, devient un symbole de l’identité nationale allemande. Sous Guillaume II, cette militarisation s'intensifie avec une politique étrangère agressive, favorisant les tensions internationales. Guillaume II et l’expansion impériale : L’empereur théorise et encourage une politique d’ouverture vers le monde, ambitionnant de faire de l’Allemagne une puissance mondiale. Cette ambition se traduit par une rivalité croissante avec d’autres puissances européennes, notamment la France et le Royaume-Uni. - Les grandes idées nationalistes et expansionnistes avant 1914 L'idée de l’espace vital : Lebensraum : Cette idée repose sur la conviction que l'Allemagne doit s’étendre pour garantir son développement économique et assurer son rayonnement culturel. Le concept est souvent orienté vers l’Est (Mitteleuropa), avec une volonté de conquérir des territoires dans les régions slaves. Le pangermanisme : Unir les peuples germaniques : Le pangermanisme vise à rassembler les populations de langue ou de culture allemande dans un seul espace politique, notamment en Autriche-Hongrie et dans les Balkans. Cette idéologie est à la fois nationaliste et expansionniste, cherchant à justifier l’expansion territoriale en invoquant une unité culturelle germanique. La politique coloniale et les tensions internationales : Guillaume II veut élargir l’empire colonial allemand, déjà implanté en Afrique (Togo, Cameroun, Namibie, Tanzanie). Cette politique se heurte à la France lors de la crise de Tanger (1905) et de la crise d’Agadir (1911), où l’Allemagne conteste l’influence française au Maroc. Ces crises illustrent les rivalités impérialistes croissantes en Europe. - Les manifestations idéologiques et culturelles La place de l’idéologie nationaliste dans la société allemande : La culture allemande avant 1914 glorifie l’unité nationale, le rôle de l’armée et la supériorité de la civilisation allemande. Des penseurs et des écrivains comme Heinrich von Treitschke défendent une vision agressive de la puissance allemande, considérant la guerre comme un moyen légitime d’atteindre les objectifs nationaux. Le rayonnement international du Reich : Guillaume II promeut une flotte de guerre puissante pour rivaliser avec la Royal Navy britannique, ce qui intensifie la course aux armements. Les ambitions coloniales et militaires du Reich alimentent un sentiment de fierté nationale, tout en exacerbant les rivalités avec d’autres grandes puissances. - Crises coloniales et rivalités internationales La crise de Tanger (1905) : L’Allemagne conteste la domination française au Maroc, affirmant son droit à une influence égale dans la région. Cet affrontement diplomatique s’inscrit dans une stratégie de "politique mondiale" (Weltpolitik), qui vise à renforcer le statut de l’Allemagne sur la scène internationale. La crise d’Agadir (1911) : En réponse à l’installation française au Maroc, l’Allemagne envoie un navire de guerre, le Panther, dans le port d’Agadir, provoquant une confrontation. Cette crise aggrave les tensions entre la France et l’Allemagne, contribuant à la montée des antagonismes qui mèneront à la Première Guerre mondiale. Le cas allemand avant 1914 illustre un nationalisme imprégné de militarisme et d’idéologies expansionnistes. La volonté d’unir les peuples germaniques (pangermanisme), de conquérir un Lebensraum vers l’Est, et de renforcer la présence coloniale place l’Allemagne dans une position de confrontation constante avec ses voisins. Ces tensions exacerbées sur les plans idéologique, militaire et colonial contribuent directement à l’instabilité qui mènera au déclenchement de la Première Guerre mondiale. SEANCE 4 : Socialismes et internalionalisme Certains évoquent la notion de “classe laborieuse, classe dangereuse”. C’est le titre d’un livre à succès de l’historien Louis Chevalier, publié en 1958. Ce terme fait référence aux ouvriers, qui étaient considérés par certains comme une classe dangereuse, une menace sociale. D’autres, cependant, théorisent cette classe ouvrière en tant que catégorie sociale à part entière, bien que la plupart des théoriciens ne viennent pas eux-mêmes du milieu ouvrier. Enfin, un troisième cas de figure voit les ouvriers, vers la fin du XIXe siècle, se rattacher à des figures emblématiques comme celle du ‘’métallo’’ (ouvrier de la métallurgie) ou du mineur. Que ce soit la classe laborieuse perçue comme dangereuse, la classe ouvrière théorisée, ou la figure du métallo ou du mineur, tout cela montre l’importance croissante des ouvriers en Europe occidentale avant la Première Guerre mondiale. L’idée à retenir, quelle que soit leur qualification, est la montée en puissance de cette classe ouvrière. Cela marque les esprits à la fin du XIXe et au début du Xxe siècle, période où se structure le mouvement ouvrier. Nous nous intéressons ici à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, une période cruciale pour la structuration du mouvement ouvrier, qui s’organise autour de deux types d’organisations : les syndicats et les partis politiques. Ces deux formes d’organisation sont essentielles pour comprendre l’évolution de ce mouvement. Les syndicats sont des formes d’auto-organisation des travailleurs qui se réunissent pour défendre et promouvoir leurs intérêts. Ils sont donc axés sur la protection des droits des travailleurs. En revanche, les partis politiques sont des groupements de personnes unies autour d’un projet ou d’un programme politique. Ainsi, les syndicats se concentrent sur les intérêts des travailleurs, tandis que les partis poursuivent des objectifs politiques plus larges. Les liens entre les syndicats et les partis varient selon les pays. Nous allons nous concentrer sur trois pays principaux : l’Allemagne, la France, et, dans une moindre mesure, l’Italie. L’objectif de ce cours est de comprendre comment s’est structuré le mouvement ouvrier socialiste, entre la construction internationale et les enjeux nationaux. I. Mouvement ouvrier et socialiste : jalons européens a. Premiers socialismes Le terme “socialisme” s’affirme véritablement en 1831 sous la plume de Pierre Leroux, l'un des socialistes de l’époque. Dans les années 1840, en Europe occidentale, le socialisme se définit progressivement, bien que sa définition varie en fonction des époques. À cette période, le socialisme s’affirme face au libéralisme comme une idéologie alternative. Le premier principe fondamental du socialisme est l'opposition entre l'association collective et la propriété individuelle, ce qui remet en question l'un des piliers du libéralisme. Le deuxième principe est le combat pour les droits sociaux, perçus comme un prolongement des droits naturels. Les droits naturels incluent des notions comme la sûreté et la propriété, et les droits sociaux apparaissent comme une extension de ces principes fondamentaux. Une fois cela établi, on peut distinguer trois grandes orientations du socialisme. La première concerne l'idée que la société doit être ordonnée selon l’égalité des chances, avec une reconnaissance des capacités de chacun. Cette orientation se retrouve notamment en Grande-Bretagne avec Robert Owen ou en France avec des figures socialistes telles que Saint-Simon et Charles Fourier. Ces socialistes sont critiques envers le libéralisme économique et politique, particulièrement en Angleterre, où ils dénoncent l’exclusion des ouvriers des droits fondamentaux et l’absence de protection sociale. Robert Owen, par exemple, a imaginé des colonies socialistes pour mettre en pratique ces idées. La deuxième orientation considère que l’égalité des chances est insuffisante et qu'il faut inventer des formules plus coopératives. C’est ce qu’on appelle le “socialisme communautaire”, dont Louis Blanc est un représentant important avec son ouvrage Organisation du travail, dans lequel il affirme : « Que chacun produise selon ses aptitudes et ses forces, que chacun consomme selon ses besoins. » Cette forme de socialisme va au-delà de la simple production et introduit l'idée d'une consommation basée sur les besoins. Ces théories peuvent être résumées sous l’appellation de “socialisme utopique”, où des auteurs comme Étienne Cabet, avec son Voyage en Icarie, imaginent des sociétés où l’égalité des chances et des besoins serait réalisée dans des lieux spécifiques. Pierre-Joseph Proudhon, dans son ouvrage Qu’est-ce que la propriété ? (1840), développe une troisième orientation qui s’intéresse davantage aux coopérations de métiers et aux systèmes d’entraide, particulièrement dans le milieu des canuts lyonnais. Il est le premier théoricien à formuler la célèbre phrase : « La propriété, c’est le vol. » Les premiers socialismes, bien qu’animés par une espérance commune, se sont développés dans des directions différentes. D’un côté, il y a les socialistes utopiques, et de l’autre, des penseurs comme Proudhon qui se concentrent davantage sur les formes concrètes de coopération. En Grande-Bretagne, dès les années 1820, les premières organisations ouvrières prennent la forme de sociétés mutuelles ou de trade unions, qui ont pour objectif de soutenir leurs membres en cas de maladie ou de chômage, mais aussi de défendre les salaires et les conditions de travail. Ces organisations, bien que réprimées au début, sont reconnues légalement en 1824. Toutefois, elles concernent essentiellement les ouvriers qualifiés (les “skilled workers”). Robert Owen tente de les fédérer en une organisation nationale, mais échoue en raison d’une grève générale. Friedrich Engels, dans son ouvrage La Situation de la classe laborieuse en Angleterre (1845), qualifie ces trade unions de premières étapes vers la structuration du mouvement ouvrier. Dans les années 1830-1840, un autre mouvement émerge en Grande-Bretagne : le chartisme. Ce mouvement, qui s’organise autour de la Charte du Peuple (1838), revendique la participation politique des ouvriers et organise des manifestations massives, ainsi que des pétitions populaires. Cependant, le chartisme est réprimé en 1847-1848. En France, on voit également apparaître des sociétés mutuelles ouvrières dans les années 1830, qui se concentrent sur des assurances contre la maladie et le chômage. Toutefois, contrairement à l’Angleterre, la France connaît aussi des révoltes ouvrières, notamment celle des canuts à Lyon en 1831, 1834, et plus tard en 1848. Ces révoltes, durement réprimées par l’armée, marquent l’imaginaire ouvrier de l’époque. Les utopies socialistes rencontrent des difficultés à se réaliser. Par exemple, Étienne Cabet tente de mettre en œuvre son projet aux États-Unis, mais échoue. Le saint-simonisme, qui influença une partie des théoriciens socialistes, est absorbé par le tournant libéral du Second Empire sous Napoléon III. Les exils de figures comme Louis Blanc ou Pierre Leroux affaiblissent également le mouvement socialiste. Le mouvement ouvrier et socialiste mettra encore du temps à se structurer pleinement, notamment avec l’apparition de la Première Internationale, mais les bases sont posées au cours de cette période. b. Des principes renouvelés À partir de la décennie 1850, une autre forme de socialisme se développe, distincte des socialismes utopiques, et même en opposition à ces derniers. Les socialistes de cette époque considèrent les socialismes utopiques comme romantiques et irréalistes. Un certain nombre de théoriciens, en particulier les socialistes allemands, expriment leur vision d'une société égalitaire, mais de manière différente. Cette évolution se résume notamment dans un texte fondateur : Le Manifeste du Parti communiste, rédigé par Karl Marx et Friedrich Engels en 1848. Ce texte est peu connu à l'époque, mais il contient la célèbre formule : « Prolétaires de tous les pays, unissez- vous ! ». Il introduit également l'idée d'une organisation internationale nécessaire pour mener à bien la révolution prolétarienne. Ce qui distingue ce nouveau socialisme des utopies précédentes, c'est qu'il interprète l'histoire comme une lutte des classes. Selon Marx, dans le cadre du mode de production capitaliste, la lutte entre bourgeoisie et prolétariat doit aboutir au triomphe du prolétariat et à l'avènement du socialisme. Cette vision est fondamentalement différente de celle des communautés de producteurs et consommateurs prônées par les socialistes utopiques. En 1867, Marx publie son œuvre majeure, Le Capital, qui est rapidement traduit en plusieurs langues. Dans ce texte, Marx développe une critique plus approfondie de l'économie politique. Il explique comment le capitalisme industriel conduit à une concentration toujours plus grande des richesses au détriment du prolétariat, c'est-à-dire des travailleurs. Marx souligne également que les crises économiques sont inhérentes au capitalisme, ce qui, selon lui, conduit à un monde de plus en plus inégalitaire. Ces analyses se diffusent dans un contexte de dépression économique prolongée, qui touche l'Europe occidentale de 1873 à 1896, connue sous le nom de Grande Dépression. L'influence de Marx se renforce à cette période, en particulier avec la publication de l'ouvrage d'Engels en 1880 intitulé Socialisme scientifique et socialisme utopique. Dans ce texte, Engels rejette les socialismes utopiques, les qualifiant de romantiques et irréalistes, et revendique un caractère scientifique pour le socialisme moderne. L'autre élément clé de cette nouvelle phase du socialisme est la nécessité d'une organisation révolutionnaire internationale pour renverser le capitalisme industriel et financier. Engels affirme que le socialisme doit être scientifique, ce qui implique une organisation révolutionnaire structurée. L'objectif ultime du mouvement ouvrier est donc la conquête de l'État afin de créer une société sans classes, une société communiste. Les moyens pour y parvenir peuvent être l'insurrection populaire ou la voie électorale. c. Syndicats et conflits sociaux Pour comprendre les évolutions de cette période, il est essentiel de se pencher sur le développement des syndicats et les conflits sociaux après les années 1870. Les syndicats, héritiers des anciennes corporations et du syndicalisme de service, commencent à se structurer autour des métiers, en particulier dans les secteurs du bâtiment et du textile. Ils témoignent de la persistance de formes d’organisation collective par métier, ce qui est favorisé par le Factory system (système d'usines), qui contribue à la concentration ouvrière. En Grande-Bretagne, par exemple, les syndicats s’organisent non seulement autour des métiers, mais aussi autour de la consommation et des loisirs. Les Friendly Societies (sociétés fraternelles), qui comptent environ 6,8 millions de membres en 1913 (soit 13 % de la population), permettent aux ouvriers de s’organiser au-delà de leurs métiers spécifiques. Ces sociétés s'étendent également aux ouvriers non qualifiés, ce qui marque une évolution par rapport aux premiers syndicats qui concernaient surtout les ouvriers qualifiés. En France, un système similaire émerge, avec des associations, des coopératives, et des mutuelles comme La Bellevilloise, qui comptait trois millions d’adhérents en 1914. Toutefois, la reconnaissance du droit syndical en France arrive plus tardivement qu’en Grande-Bretagne. Ce n’est qu’en 1864 que la loi autorise les coalitions et grèves, et en 1884 que la loi Waldeck-Rousseau reconnaît officiellement l’action syndicale. Malgré cela, le taux de syndicalisation reste faible en France avant la Première Guerre mondiale, avec seulement 3 % des ouvriers syndiqués et de faibles cotisations (moins de 1 %). Un aspect important du syndicalisme français est son orientation révolutionnaire. En effet, le syndicalisme en France se construit sur des bases d’action directe, en particulier à travers les Bourses du travail, qui aboutissent en 1895 à la création de la Confédération générale du travail (CGT). Ce syndicalisme révolutionnaire, également appelé anarcho-syndicalisme, se caractérise par l’idée que la transformation sociale doit venir d’une grève générale. Cette conception est soutenue par des figures comme Victor Griffuelhes, secrétaire général de la CGT, et Émile Pouget, qui participent à l’élaboration de la Charte d’Amiens en 1906. La Charte d’Amiens est un texte fondateur pour le syndicalisme français, car elle affirme l’indépendance des syndicats vis-à-vis des partis politiques. Elle prône également la lutte des classes et la grève générale comme moyens d’action pour abolir le salariat et le patronat. Ce texte devient un pilier du syndicalisme français en consacrant l’autonomie du mouvement ouvrier face aux organisations politiques. Cette période est également marquée par une forte conflictualité sociale, avec de nombreuses grèves en France et en Grande-Bretagne. En France, les grèves défensives (contre le patronat) des années 1880 laissent progressivement place à des grèves plus offensives, comme en 1905-1907, où la revendication salariale devient la principale cause de grève. À la fin du XIXe siècle, 75 % des grèves en France portent sur des questions salariales, ce qui reflète l’évolution du marché du travail vers une relation de subordination salariale. Les grèves ne sont pas toujours pacifiques et sont souvent réprimées. Un exemple notable est la grève de Fourmies en 1891, dans le nord de la France, où l’armée a tiré sur des manifestants réclamant la journée de 8 heures, faisant neuf morts. Cette répression violente illustre la dureté des conflits sociaux de l'époque. En parallèle, d’autres mouvements comme les grèves des allumettières en Grande-Bretagne ou celles du Midi Rouge des viticulteurs français en 1907 montrent que la mobilisation sociale ne se limite pas aux ouvriers de l'industrie, mais concerne aussi des secteurs comme l’agriculture ou les femmes travailleuses. II. Internationalismes et anarchismes a. La première internationale Je vais commencer en évoquant l'origine de l'hymne « L'Internationale », écrite en hommage à la Commune de Paris. Ce chant symbolise bien l'esprit des internationales ouvrières, qui ne sont pas opposées aux nations, mais se construisent de manière transnationale, à travers la collaboration entre les nations. Il ne faut donc pas faire de contresens en pensant que les luttes internationales sont antinationales. L'objectif est plutôt de coordonner les combats à une échelle internationale. La première internationale, aussi appelée Association internationale des travailleurs (AIT), est fondée en 1864 à Londres, le 28 septembre. Cette réunion de délégués ouvriers avait déjà été envisagée dans les années 1850, mais ce n'est qu'en 1864 que l'idée prend véritablement forme. Karl Marx, qui joue un rôle central dans cette organisation, rédige les statuts de l'AIT. Au départ, son développement est assez lent, mais à la fin des années 1860, le nombre de ses adhérents augmente et des sections sont créées dans plusieurs pays européens et aux États-Unis. Les principales revendications de la première internationale concernent la journée de travail de huit heures et l'interdiction du travail des femmes dans les usines. La première internationale prend de l'importance à deux moments clés : d'une part, lors de la Commune de Paris en 1871, où elle soutient la cause des ouvriers français, et d'autre part, en affirmant la solidarité internationale avec les communards, malgré les réticences de certains dirigeants, dont Marx, qui recommandait plutôt la prudence. La première internationale est au départ influencée par une tradition mutualiste, héritée des sociétés ouvrières de l'époque, mais elle se divise rapidement en deux courants majeurs : Les partisans de Marx, aussi appelés collectivistes, qui considèrent que le socialisme doit être acquis par la révolution et la conquête de l'État. Selon eux, les syndicats doivent servir d'organes de résistance pour organiser la classe ouvrière et préparer la révolution. Les partisans de Bakounine, héritiers de la pensée de Proudhon, qui prônent l'anarchisme. Contrairement à Marx, ils sont contre l'État et toutes les institutions politiques et religieuses. Leur devise, inspirée de la célèbre phrase d'Auguste Blanqui, est : « Ni Dieu ni maître. » Ils aspirent à créer une société libertaire basée sur l'association libre des travailleurs, sans passer par l'État. Ces deux courants reflètent des différences dans l'organisation du mouvement ouvrier. Marx, exilé en Grande-Bretagne, analyse la situation du prolétariat industriel, tandis que Bakounine réfléchit davantage à partir de la situation des ouvriers d'Europe centrale et orientale, qui travaillent encore majoritairement dans des secteurs artisanaux. La tension entre ces deux courants aboutit à l'exclusion des anarchistes en 1872. Cette exclusion, ajoutée à l'échec de la Commune de Paris et à l'éloignement des syndicats britanniques de l'internationale, affaiblit grandement l'organisation. En 1873, le Conseil général de l'AIT est transféré à New York, marquant le début de son déclin. La première internationale est dissoute en 1876, après avoir été marquée par des divisions internes et des tensions entre marxistes et anarchistes. b. Fondation de la seconde internationale ouvrière à Paris en 1889 En 1889, lors de l’Exposition universelle à Paris, la seconde internationale ouvrière est fondée. Cette internationale se base sur la fédération des partis ouvriers, à un moment où les ouvriers occupent une place de plus en plus importante dans les sociétés européennes, notamment en Europe occidentale. Par exemple, en France, en 1889, il y a environ trois millions d’adhérents à cette seconde internationale, contre seulement 150 000 pour la première. L’objectif de cette seconde internationale est de définir un programme pour le socialisme en Europe. Il est important de noter que cette internationale rassemble des partis socialistes de sensibilités variées. On y trouve notamment des personnalités comme Jean Jaurès, qui occupe à ce moment un statut particulier dans la vie politique française, ainsi que des représentants de minorités nationales. Un exemple notable est le Bund, l’Union générale des travailleurs juifs, fondée en 1887 en Lettonie, Lituanie, Pologne et Russie. L’une des grandes différences avec la première internationale est que cette seconde internationale met davantage l’accent sur la lutte politique et la conquête du pouvoir via les élections, en collaboration avec les syndicats et les coopératives. Cette approche tranche avec celle de la première internationale, qui avait une vision plus révolutionnaire. En parallèle, une forte dimension théorique se développe au sein de cette seconde internationale, notamment en opposition aux courants idéologiques libéraux et républicains, qui restent marqués par une logique nationale. Le socialisme, quant à lui, affirme une culture politique internationaliste, ancrée dans une vision théorique du monde. Cependant, cela ne signifie pas que la seconde internationale aborde toutes les questions internationales de manière unanime. Un exemple est celui du colonialisme. Jaurès, par exemple, vante les mérites de la “civilisation marocaine” à une époque où les Européens convoitent ce territoire, ce qui montre que l’internationalisme ne s’applique pas à toutes les situations. Un débat central qui émerge au sein de cette seconde internationale est celui de la stratégie à adopter pour conquérir l’État : doit-elle se faire par la réforme ou par la révolution ? Ce débat n’avait pas été posé en ces termes dans la première internationale. Eduard Bernstein, un théoricien socialiste, lance ce débat en affirmant que le pessimisme économique de Marx n’est plus adapté à la nouvelle conjoncture. Il estime que le capitalisme peut, sous certaines conditions, améliorer la condition des ouvriers. Par conséquent, Bernstein défend l’idée que les socialistes pourraient collaborer avec les partis bourgeois pour faire passer des réformes. Cette position est farouchement contestée par des marxistes révolutionnaires comme Rosa Luxembourg et Lénine, qui s’opposent à toute collaboration avec des partis non socialistes. Ce débat entre réformistes et révolutionnaires demeure non résolu au sein de la seconde internationale, où coexistent différentes perspectives sur la manière de conduire le changement social. Un autre sujet important au sein de la seconde internationale est celui de la paix. Alors que le mouvement ouvrier se revendique internationaliste, avec le slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! », il est tiraillé entre ses idéaux de solidarité internationale et les rivalités nationales qui se renforcent à la veille de la Première Guerre mondiale. Cette contradiction affaiblit la seconde internationale, qui sera mise à l’épreuve lors de la guerre de 1914-1918. c. Anarchismes L’internationalisme et l’anarchisme sont difficiles à concilier au sein de la famille socialiste. Les anarchistes sont souvent considérés comme des éléments perturbateurs du socialisme organisé, car ils refusent l’idée d’une structuration et d’une organisation du mouvement ouvrier. Ils finissent d’ailleurs souvent par être exclus des organisations socialistes. De plus, l’anarchisme ne possède pas de doctrine unique, contrairement au marxisme par exemple. L’anarchisme s’oppose à toute forme d’autorité et de domination, et se caractérise par un anti- autoritarisme, une volonté de libre association (liée à l'idéal libertaire), et un refus de toute organisation centralisée. Ces caractéristiques font de l’anarchisme un mouvement difficile à intégrer dans des structures organisées comme celles du socialisme marxiste. L’anarchisme, cependant, ne date pas du dernier tiers du XIXe siècle. Proudhon, dans les années 1850, était déjà un penseur anarchiste, même avant l'essor du mouvement anarchiste proprement dit. Cet essor, à la fin du XIXe siècle, se manifeste notamment par une série d’attentats que l’on qualifie d’attentats anarchistes. En France, ces attentats sont particulièrement marquants entre 1892 et 1894. Ravachol, par exemple, organise des attentats à Clichy et à Lyon avant d'être arrêté et guillotiné en 1892. D’autres attentats, comme celui du café Terminus près de la gare Saint-Lazare en 1894, révèlent l’importance de l’action directe dans la stratégie anarchiste. Auguste Vaillant, qui commet cet attentat, est guillotiné en février 1894. Les attentats ne se limitent pas à la France. En Italie, par exemple, le président de la République, Sadi Carnot, est assassiné à Lyon le 24 juin 1894 par Sante Caserio, un anarchiste italien. D'autres figures publiques en Italie et en France sont visées par des attentats anarchistes, souvent orchestrés par des individus convaincus que seule l’action violente peut mener à une société égalitaire, sans propriété ni domination. Cependant, il serait réducteur de limiter l’anarchisme à ces attentats. Il existe également une presse anarchiste très active, avec des journaux et des caricatures diffusées largement, ainsi que des cercles d'anarchistes qui se réunissent autour d’idées comme l’antimilitarisme, l’anti-autoritarisme, et même des conceptions alternatives de la morale, comme l’amour libre. Après la vague d’attentats des années 1890, le terme « libertaire » tend à remplacer celui d’« anarchiste », car ce dernier est trop associé à la violence et aux attentats. Ces attentats anarchistes ont conduit à la mise en place des lois scélérates, adoptées sous la Troisième République, qui visaient à réprimer les attentats anarchistes et à contenir la violence. Ces lois, en grande partie, réussissent à faire cesser les attentats. À la veille de la Première Guerre mondiale, le mouvement anarchiste perd de son influence, notamment en France, sauf en Italie et en Espagne où il reste plus actif. Ce déclin peut s’expliquer par plusieurs raisons, notamment le refus des anarchistes de s’organiser, leur penchant pour des actions individuelles comme le vol (certains anarchistes justifiant cette pratique par la célèbre formule de Proudhon, « La propriété, c’est le vol »), ainsi que la montée en puissance des mouvements socialistes plus structurés. Ce retour à des actions individuelles contribue à marginaliser le mouvement anarchiste, qui peine à rivaliser avec les autres courants révolutionnaires. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer le rôle historique important que les anarchistes ont joué à une certaine époque. En résumé, bien que le mouvement anarchiste ait connu un essor à la fin du XIXe siècle, notamment en France et en Italie, il n’a jamais réussi à se structurer à l’échelle internationale, contrairement aux autres mouvements socialistes. Les anarchistes restent principalement actifs dans des espaces nationaux, avec une influence particulièrement marquée en Italie et en Espagne avant la Première Guerre mondiale. III. Des configurations nationales diverses Nous allons maintenant nous pencher sur les différentes configurations nationales du socialisme, qui sont extrêmement variées. Pour l'instant, nous mettons de côté les internationales et les syndicats pour nous concentrer sur les partis politiques. Comme je l’ai mentionné en introduction, pour comprendre la structuration du mouvement socialiste, il faut prendre en compte à la fois les syndicats, les mutuelles, les internationales, mais aussi la dimension nationale des partis. Dans les différents pays, les partis socialistes s'organisent de manière distincte. Nous allons examiner des partis socialistes en Allemagne, en Grande-Bretagne, en France, en Italie, mais aussi dans d'autres pays comme l'Autriche, les Pays-Bas, la Belgique et les pays scandinaves. Quelques chiffres permettent de mesurer l'ampleur du phénomène avant la Première Guerre mondiale : Le parti social-démocrate allemand (SPD) compte plus d'un million d’adhérents. Le parti travailliste britannique (Labour Party) regroupe 1,6 million d'adhérents. En France, la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) compte environ 90 000 adhérents. Concernant l’influence électorale des socialistes, en 1914, la SFIO recueille 1 400 000 voix aux élections législatives. En Allemagne, le SPD devient le premier parti du Reichstag, obtenant un tiers des suffrages exprimés. Ces partis ne se limitent pas à leur nombre d’adhérents ou aux votes qu’ils obtiennent. Ils participent aussi à l’émergence d'une culture politique socialiste, symbolisée par trois éléments communs : 1. Le drapeau rouge, symbole de la lutte ouvrière. 2. L'importance accordée à la journée internationale des travailleurs, le 1er mai, instituée par la deuxième internationale en 1889 en hommage à un massacre survenu aux États-Unis. Cette journée revendique la journée de travail de huit heures. 3. Une culture de l'adhésion au parti, qui est souvent marquée par des symboles forts. Par exemple, au début du XXe siècle, être socialiste impliquait généralement d’adhérer à un parti. Chaque année, les militants collaient des timbres sur leur carte d’adhésion pour montrer leur appartenance au mouvement. Ces timbres étaient souvent ornés de symboles optimistes, comme un soleil radieux, représentant un avenir meilleur. Cependant, cette structuration et cette culture politique ne se manifestent pas de manière uniforme dans tous les pays. En fonction des contextes nationaux, les mouvements socialistes peuvent varier considérablement. a. La social-démocratie allemande En Allemagne, on observe la formation d’une véritable contre-société ouvrière. Pour illustrer ce phénomène, on peut donner quelques chiffres : environ 2,5 millions de syndiqués en Allemagne à cette époque. Ce contexte se caractérise par la montée en puissance des syndicats, des coopératives de consommation, ainsi que par des organisations de jeunesse, d’ouvrières, et des structures comme les Volkshäuser (maisons du peuple), où les ouvriers se réunissent pour échanger et consommer. Ces espaces remplissent à la fois une fonction sociale et politique, et témoignent de la force des organisations ouvrières. Un autre élément à mentionner dans ce contexte est la présence de théâtres du peuple (Volksbühnen), qui se multiplient à travers l'Allemagne. Ces théâtres populaires permettent également aux ouvriers de se rassembler autour d’activités culturelles. C'est dans ce cadre qu'est fondé le parti social-démocrate allemand (SPD). Ce parti est issu du Congrès de Gotha en novembre 1875, où est adopté le fameux programme de Gotha, inspiré des idées de la première internationale. Ce programme prône le recours aux élections, bien que cela soit critiqué à l’époque. Le parti, à ses débuts, ne s’appelle pas encore le SPD, mais le SAP (Sozialistische Arbeiterpartei Deutschlands). Ce n'est qu’en 1890 que le parti prend le nom de SPD (Sozialdemokratische Partei Deutschlands). Une des caractéristiques marquantes du SPD est son attachement à un socialisme scientifique, théorisé et basé sur des idées rigoureusement définies. Le SPD joue un rôle important au sein de la seconde internationale, notamment lors du congrès d’Amsterdam en 1904, où des figures telles que Rosa Luxembourg et Victor Adler participent activement. Le SPD est un parti à la fois révolutionnaire dans ses aspirations, tout en étant également marqué par des débats internes sur la stratégie à adopter. Parmi les courants importants au sein du SPD, on trouve le révisionnisme d'Eduard Bernstein, qui remet en question certaines idées marxistes, notamment l’idée que le capitalisme s'effondrerait de lui-même. Cette division interne, entre révolutionnaires et réformistes, marque l’évolution du SPD à cette époque. Un autre point crucial pour comprendre le succès du SPD est son lien étroit avec les syndicats allemands. Ce lien entre l’appartenance syndicale et l’adhésion au parti est décisif pour expliquer l'influence grandissante du SPD. En 1890, avant sa transformation officielle en SPD, le SAP obtient déjà 9,2 % des voix, un chiffre révélateur de son implantation dans la classe ouvrière. En conclusion, le SPD se distingue par sa forte organisation, sa base théorique rigoureuse, et ses liens profonds avec le mouvement syndical, ce qui en fait un modèle particulier au sein du mouvement ouvrier international. b. En Grande-Bretagne, une émancipation politique tardive En Grande-Bretagne, l’émancipation politique des travailleurs est plus tardive que dans d'autres pays. Il existait bien des organisations socialistes, comme la Société Fabienne, fondée en 1884, mais ces organisations n’étaient pas de véritables partis politiques. La Société Fabienne était surtout un lieu de réflexion et de formation, principalement destiné aux intellectuels et aux syndicalistes. D'un côté, il y avait donc ces sociétés de réflexion, la plus importante étant la Société Fabienne. De l’autre, il existait un parti, fondé en 1893, l’Independent Labour Party (ILP), sous la direction de Keir Hardie. Cependant, le Labour Party lui-même n’est pas directement issu de l’une ou l’autre de ces organisations. Alors, de quoi est-il issu ? Le Labour Party trouve ses origines dans une demande croissante de représentation ouvrière au Parlement. Cette demande conduit à la formation d’une commission parlementaire qui regroupe des membres de l’Independent Labour Party, de la Société Fabienne, et d’autres organisations. C’est ainsi qu’en 1906, cette commission se transforme en Labour Party, devenant un parti officiellement représenté à la Chambre des communes. Au début, le Labour Party a un lectorat relativement modeste, mais dès 1906, il parvient à faire élire une centaine de députés. En 1914, le parti compte 1 600 000 membres, ce qui montre une croissance rapide. Comment expliquer ce succès ? De manière assez similaire au SPD en Allemagne, les adhésions au Labour Party passent souvent par l’appartenance à un syndicat. En Grande-Bretagne, être membre d’un syndicat signifiait souvent adhérer indirectement au Labour Party, sans y être membre directement. Ce lien entre syndicalisme et parti politique est extrêmement fort en Grande-Bretagne, et il demeure encore très important aujourd’hui. Toutefois, cela ne signifie pas que tous les ouvriers votaient forcément pour le Labour Party ; certains pouvaient voter pour des candidats libéraux s’ils pensaient que cela servait mieux leurs intérêts. Avant la Première Guerre mondiale, il y a un débat important sur la participation des travaillistes au gouvernement. Ce débat conduit à une première expérience d’alliances entre les libéraux et les travaillistes, ce qu’on appelle le Lib-Lab. Cette alliance conduit à des avancées sociales majeures avant la guerre. c. Le cas Français Il existe une différence majeure en France : le mouvement syndical s’est développé de manière indépendante vis-à-vis des partis socialistes, comme le montre la charte d’Amiens. Cependant, les choses se compliquent car, au départ, le mouvement socialiste français est très divisé. Dans les années 1890, on observe l'existence de quatre partis socialistes rivaux : Les blanquistes et vaillantistes, héritiers de la tradition révolutionnaire. Les guesdistes, partisans de Jules Guesde, très implantés dans le nord de la France, où ils défendent un socialisme collectiviste. Les broussistes, partisans d’un socialisme réformiste. Les allemanistes, favorables à la grève générale. À cela s’ajoutent les socialistes indépendants, souvent issus de la bourgeoisie, comme Jean Jaurès, qui souhaitent participer au gouvernement et, qui finira par être élu président de la République française. Cette division rend la situation complexe, car non seulement les syndicats sont séparés des partis socialistes, mais ces derniers sont eux-mêmes fragmentés. La Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO) est finalement créée en 1905 pour réunir tous ces mouvements. Comment cette unification a-t-elle eu lieu ? L’un des facteurs clés est l’influence de la seconde internationale, qui, lors du congrès de 1904, a exhorté les socialistes français à s’unir. Un autre facteur est le rôle central joué par Jean Jaurès, qui a fondé le journal L’Humanité en avril 1904. Jaurès, bien qu’indépendant au départ, a joué un rôle crucial dans l’unification des socialistes. Jean Jaurès n’était pas seulement un théoricien du socialisme, mais aussi un militant très engagé dans les revendications sociales concrètes, comme le soutien aux ouvriers grévistes. Il incarne un socialisme à la fois intellectuel et pratique. La SFIO, créée en 1905, adopte des symboles forts, tels que le soleil radieux, qui symbolise un avenir meilleur sous le socialisme. Ce symbole, emprunté à un ancien parti socialiste, se retrouve sur les cartes d’adhésion et d’autres supports, montrant l’importance de ces signes dans la culture politique socialiste. La SFIO devient rapidement un parti de masse, gagnant en popularité et en suffrages avant la Première Guerre mondiale. Cependant, elle se heurte à un dilemme à la veille de la guerre. Jean Jaurès, qui avait averti du danger de la guerre dans un discours prononcé à Lyon en 1913, milite activement pour la paix. Mais le 31 juillet 1914, il est assassiné au café du Croissant à Paris par un nationaliste nommé Raoul Villain, à la veille du déclenchement de la guerre. Cet assassinat illustre l'incapacité de la seconde internationale à prévenir le conflit. SEANCE 5 : Cultures politiques de sorties de guerre. Pacifismes, communisme, fascisme La Première Guerre mondiale, également appelée Grande Guerre, a donné lieu à l'essor de trois cultures politiques particulières : le pacifisme, le communisme et le fascisme. Avant d'entrer dans le détail, il est important de préciser que ces trois cultures politiques ont des racines antérieures à la guerre. Comme le soulignent les historiens, le pacifisme n'a pas vu le jour en 1918 ou 1919. Il s'est développé au fil des décennies précédentes au sein de milieux intellectuels variés. Le terme « pacifisme » lui-même aurait été proposé par un juriste, Émile Arnaud, en 1901, au sein de la Ligue internationale pour la paix et la liberté. Cela montre que le pacifisme existait bien avant la Première Guerre mondiale, mais qu'il prend une ampleur particulière après celle-ci. Concernant le communisme, il apparaît dans le “Manifeste du Parti communiste” de 1848, rédigé par Karl Marx et Friedrich Engels. Le communisme se définit notamment par l'accession au pouvoir de la classe ouvrière à travers la lutte des classes et la mise en place d'une société sans classes, où chacun reçoit selon ses besoins. Bien que cette idéologie soit antérieure à la Grande Guerre, c'est dans les années 1920 que le communisme devient véritablement une culture politique dominante. Enfin, le fascisme, en tant que tel, n'existait pas avant la guerre. Il prend forme après 1918, notamment avec la création des Fasci italiani di combattimento en 1919, un groupe qui donnera son nom au fascisme. Ces groupes paramilitaires sont composés de combattants italiens et sont influencés par des courants nationalistes et bellicistes qui existaient déjà avant 1914. En conclusion, la guerre a agi comme un catalyseur : elle a accéléré, transformé et cristallisé des phénomènes politiques antérieurs, tout en permettant la mise en place de mouvements, partis et régimes nouveaux. La guerre est donc perçue comme un moment d'accélération, de transformation et de cristallisation de phénomènes politiques antérieurs, ainsi qu'un terreau fertile pour la mise en place de nouveaux mouvements, partis et régimes. I. Pacifismes a. Orientations d’avant-guerre Le terme « pacifisme » a été identifié vers 1901, bien qu’il existe des formes de pacifisme qui se développent dès les dernières décennies du XIXe siècle autour de trois grandes orientations. Ces orientations sont les suivantes : 1. Pacifisme juridique : Il s’agit de l’idée qu’il faut mettre en place un droit international de la guerre. Ce pacifisme se manifeste à travers des ligues et des associations, généralement composées de quelques centaines ou milliers de membres. Ce ne sont pas des mouvements de masse, mais ils gagnent en importance à partir des années 1880, notamment sous l’effet de l’affaire Dreyfus (1894) et de la première conférence internationale de la paix, tenue à La Haye en 1899. L'une des figures marquantes de ce pacifisme juridique est Léon Bourgeois, un radical solidariste. Il propose l’idée d’une « société des nations civilisées », qui préfigurerait la future Société des Nations (SDN). Cette idée émerge dès 1889 avec la création d'une Cour internationale de justice, confirmée en 1907. Cependant, malgré ces initiatives, il n’y a pas de réalisations concrètes à ce stade. Une des principales associations de ce courant est « La paix par le droit », qui incarne l’approche juridique du pacifisme. Il est également intéressant de noter que la France abritait plus de sociétés de paix que d’autres pays à la même époque. Par exemple, la Ligue des droits de l'homme et le mouvement coopératif, évoqués lors du cours précédent, sont influencés par ces idées pacifistes. Toutefois, malgré leur présence dans certains milieux, comme le montre l’ouvrage d’Émile Faguet, Le Pacifisme (1908), ce mouvement est souvent moqué et considéré comme une « illusion d’esprit ». 2. Pacifisme antimilitariste et révolutionnaire : Ce courant repose sur une critique radicale de l’armée, de son rôle dans les États et de son lien avec le capitalisme impérialiste. Ce pacifisme est souvent associé au socialisme et à l’anarcho-syndicalisme. Parmi ses figures notables, on peut citer Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg en Allemagne, ainsi que Gustave Hervé en France, qui prône un pacifisme radical et antimilitariste, incarnant l’antimilitarisme du syndicalisme ouvrier révolutionnaire. Ce pacifisme appelle également à la grève générale en cas de déclaration de guerre, comme cela est apparu lors des crises marocaines ou des guerres balkaniques. Le slogan «

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