Chapitre 6 - La science PDF

Summary

Ce chapitre présente la science comme une démarche rationnelle, en distinguant les aspects commun et philosophique de la science. Il explore les notions d'induction, d'interprétation d'observation, et de raisonnement déductif au sein des sciences formelles, notamment la géométrie. Les approches méthodologiques variées des différentes sciences sont abordés.

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Chapitre 6 - La science **I - La science est une démarche rationnelle** **1. Définir la science** ------------------------- - La science désigne ce qui unit les sciences en une seule exigence. Cependant elle désigne deux acceptions : commune pour l'une, philosophique pour l'autre....

Chapitre 6 - La science **I - La science est une démarche rationnelle** **1. Définir la science** ------------------------- - La science désigne ce qui unit les sciences en une seule exigence. Cependant elle désigne deux acceptions : commune pour l'une, philosophique pour l'autre. - Au sens commun, la science est un savoir (au sens large, il existe donc une science de la pêche à la mouche, du jardinage ou des confitures) - Dans son sens philosophique, la science est un jugement qui porte sur le monde (la physique) ou sur un ensemble de propositions logiques (les mathématiques) et qui établit les lois de ce domaine par une méthode basée sur **la vérification ou/et la cohérence** des énoncés. - Parce qu'elle établit une connaissance, la science ne se confond pas avec le **savoir**, ni avec le **savoir-faire**. **Un savoir est particulier, une connaissance est générale et à portée universelle** ; un savoir ne fournit pas les causes de son efficacité, une connaissance est établie par un travail profond de** recherche des causes** ; une connaissance n'a pas forcément d'applications opératoires, un savoir est coordonné à un « agir » potentiel.\ Ainsi les Grecs, les Saxons et les Vikings **savaient** que les marées existent et, par habitude, ils pouvaient très partiellement les anticiper. Mais il faut attendre **Newton** et l'essor des mathématiques pour que l'on **connaisse la cause** des marées et que l'on puisse les prévoir avec suffisamment de **précision** pour établir un calendrier. - Difficile de trouver un dénominateur commun à toutes les sciences, tant leurs objets diffèrent. Il peut s'agir des êtres vivants (**biologie**), de la société (**sociologie**), de la structure du cosmos (**astrophysique**), des signes linguistiques (**linguistique**), ou de la quantification des répétitions et de leurs occurrences (**statistiques** et **probabilités**). Tant de diversité des objets d'étude se traduit par des approches méthodologiques variées, parmi lesquelles il est possible de trouver des cohérences dans la démarche rationnelle permettant de définir **la** science dans **sa variété**. **2. Induire et interpréter une observation** --------------------------------------------- - Induire consiste à observer des faits pour extraire une loi récurrente de comportement. Mais observer n'est pas voir, cela suppose de **s'extraire des particularités du sensible **pour ne prendre en considération que les éléments **communs et répétitifs**. - Ainsi la **sociologie** est une **science de l'observation des comportements récurrents des hommes dans la société**. Chacun de ces hommes est nié dans sa singularité au profit d'une prise en compte de cohortes. La sociologie, ainsi que l'exprime **Durkheim**, est une **science de l'observation et de l'hypothèse**. Mais les hypothèses ne peuvent pas être vérifiées par un protocole expérimental strict, car les faits humains reposent sur la **liberté des agents** et qu'ils ne sont pas reproductibles, donc non expérimentables. Il ne s'agit donc pas d'un protocole **hypothético-déductif**, mais d'**une démarche d'interprétation des répétitions de comportements** mesurées statistiquement. De nombreuses sciences humaines reposent sur des méthodes scientifiques d'enquête qui se soldent par une **interprétation des résultats**, naturellement soumise à un débat. **3. La logique : le raisonnement déductif** -------------------------------------------- - Le** raisonnement déductif **tire de principes ou de prémisses des **constats**, puis des **conclusions** reliés logiquement. - La déduction ne peut donc, au sens strict, être déployée que dans les **sciences formelles**, dites aussi s**ciences pures**, **sciences du symbole ou eidétiques** (du grec *eidos*, l'idée). Ainsi la géométrie déduit de **principes, postulats et axiomes** des **conclusions logiques**, mais elle n'a pas la prétention de **décrire le réel**. La science ici ne cherche qu'à établir la **cohérence interne** de ses propositions. - Dans le cadre de ces sciences, l'intuition n'a pas droit de cité, car c'est à partir d'un objet défini, et non découvert dans la nature, que le **raisonnement** se construit et se déploie. Ainsi, on ne peut vérifier la valeur d'une proposition qu'en utilisant la **démonstration**, dans le système construit par la raison que l'on nomme «** l'axiomatique** ». Par exemple, démontrer **le théorème de Pythagore** consiste à remonter toutes les étapes logiques qui ont prévalu à son établissement et pouvoir rendre raison de chacune, en établissant le **lien logique** qui la relie à la précédente, jusqu'aux **axiomes et postulats** de la **géométrie**. **4. La vérification : le raisonnement hypothético-déductif** ------------------------------------------------------------- - Les** sciences expérimentales**, dites aussi **sciences de la nature**, reposent sur une approche du réel par un **raisonnement hypothético-déductif**. - Cette démarche repose sur la **vérification expérimentale** d'une **hypothèse** formulée à propos des **causes** qui permettraient d'expliquer **l'enchaînement des phénomènes naturels** observés. - Il s'agit donc de prendre appui sur l'observation du réel --- d'où l'importance des moyens techniques disponibles --- pour s'en abstraire, en validant les hypothèses par un **protocole expérimental **et en les quantifiant par une **mathématisation** des données récoltées. - Les sciences expérimentales légifèrent sur la nature, elles émettent des **« lois de la nature » **considérées « vraies » tant qu'une observation contraire n'est pas réalisée. **1. L'évidence et l'universalité** ----------------------------------- - **L'évidence :** - « Démarrer » est probablement le point le plus délicat d'une science, il faut trouver un point fixe pour « soulever le monde » comme le dit métaphoriquement **Archimède** à propos du levier. - C'est le rôle de l'**axiome** d'être la pierre fondatrice de la démarche. Mais comme **Euclide** le remarque dans les ***Éléments***, si l'axiome est évident, **le postulat doit être admis** et ne s'impose en rien à notre entendement. - Il existe donc un doute initial sur les fondations de la science. En géométrie, les bases seront remises en cause, ce qui aboutira à des **géométries non euclidiennes**, différentes de celle qui est enseignée à l\'école, mais tout aussi cohérentes et parfois utiles pour s'approprier un réel complexe. Difficile donc de maintenir **le critère de l'évidence**, même dans les sciences eidétiques, à moins de miser sur des idées innées **« claires et distinctes »**, ainsi que le propose **Descartes**. - **L'universalité :** - Que vaudrait une science *hic et nunc* (de l'ici et du maintenant) ? Au contraire, le critère le plus **permanent** de la science est de **s'abstraire des conditions particulières** pour établir une loi valable de tout temps, en tous lieux, et pour tout homme, c\'est-à-dire une **loi universelle**. - La loi scientifique fixe bien sûr son contexte d'application, son domaine de définition, mais elle prononce aussi son **universalité** dans ce cadre. - Ce critère semble** inatteignable** non seulement pour les sciences humaines, mais aussi pour les sciences expérimentales. Ainsi, **la gravitation universelle de Newton** a-t-elle été intégrée comme une particularité locale à la théorie de **la relativité générale d'Einstein**. Il convient donc de parler d'une** visée universelle**, expression plus modeste, mais qui permet d'expliquer la dynamique du** progrès de la science** sans sanctifier idéologiquement ses conclusions. **2. La simplicité ou principe d'économie** ------------------------------------------- - Ce que l'on nomme souvent le **rasoir d'Occam** désigne un principe d'économie formulé par cet auteur. Il s'agit de toujours préférer l\'explication qui mobilise moins d'éléments, d'axiomes ou de principes à une autre théorie, quand bien même cette dernière serait tout aussi efficace pour décrire, mais moins économe. - C'est aussi en ce sens que l'on utilise la notion de **simplicité** en science : elle ne désigne jamais la facilité à établir une loi ou à la comprendre, mais toujours le principe suivant lequel une économie dans la formulation peut permettre de déployer une grande** intelligibilité**. Ainsi, E = MC2 est une formule très simple, puisque trois variables (la masse, la célérité et la notion mathématique de carré) permettent de définir l'énergie et de mesurer la correspondance masse/énergie dans l'univers. Par contre, personne ne prétend que la formule soit facile ni à établir ni à comprendre. **3. Méthode et protocole** --------------------------- - La **raison scientifique** n'est pas discursive et contradictoire, elle cherche à conduire ses recherches avec **rigueur**, pour aboutir à des **certitudes**. Cette double quête amène les sciences pures à établir une **méthode de raisonnement**, et les sciences de la nature à suivre un **protocole expérimental**. La méthode a notamment été exposée par **Aristote** dans son traité de logique, ***L'Organon***, ainsi que par **Descartes** dans le ***Discours de la méthode***. (voir le cours sur la raison) - Le protocole expérimental repose sur un ensemble d'étapes décrites par le physiologiste **Claude Bernard** dans le cadre du **raisonnement hypothético-déductif** : - Faire l'expérience du monde, observer la nature ; - Faire l'hypothèse d'une loi qui expliquerait l'observation ; - Faire l'expérimentation de l'hypothèse en « forçant » le réel à répondre ; - Faire une autre hypothèse si la première est invalidée ; - Faire une contre-expérimentation si l'hypothèse est validée. - Il faut bien noter que **l'expérience** est présente au début du protocole, puis elle est remplacée par **l'expérimentation**, qui est un **réel contrôlé et encadré**. Enfin, la loi n'appartient plus au réel, mais à la **rationalité humaine appliquée au réel**. Il ne s'agit donc pas de se satisfaire de **l'empirisme**, c'est-à-dire de ce que l'expérience permet d'**induire** . Claude Bernard déclare ainsi dans son *Introduction à l'étude de la médecine expérimentale* : « L'empirisme est un donjon étroit et abject d'où l'esprit emprisonné ne peut s'échapper que sur les ailes d'une hypothèse ». - Le protocole expérimental est utilisé dans de nombreux domaines, notamment dans l\'industrie pharmaceutique. Lorsqu\'on teste un médicament, on fait le pari -- **hypothèse** -- qu'une molécule aidera l'organisme à se défendre, puis on l'administre à un panel de patients -- échantillon représentatif -- et on observe les résultats -- en quelque sorte, on « force » le réel à répondre. Si les résultats sont positifs, on administre à un panel de patients un placebo (un traitement sans aucun principe actif) et on soustrait l'efficacité du placebo à celle du médicament -- **contre-expérimentation**. Ainsi, admettons que le médicament se montre efficace pour 60 % des patients et que le placebo est efficace pour 20 % des patients atteints de la même affection, on en déduit que le médicament est plutôt inefficace, puisqu'il est efficace à 40 % (60 - 20). **4. La falsifiabilité** ------------------------ - L'étape la plus importante du protocole expérimental est celle qui est souvent négligée par le grand public : la **contre expérimentation**. Sans elle, impossible de savoir si une hypothèse n'est pas **infirmée **par des mesures réalisées, donc aucune conclusion, serait-elle issue d'une expérimentation, ne **fait loi**. - C'est en suivant cette même idée que **Karl Popper** théorise le concept de **falsifiabilité**. Une loi n'est **scientifique** que si elle peut fournir une expérimentation susceptible de l\'**infirmer**. **1. Connaissance ou modèle ?** ------------------------------- - La science **légifère** et son progrès permet d\'accroître nos connaissances. Cette thèse rassurante et naïve se heurte à la réalité historique des sciences et à la complexité des objets. Il faut alors penser la science elle-même et non pas seulement ses objets de recherche. Tel est le rôle de l'**épistémologie** : enquêter et interroger les modes d'élaboration de la connaissance. - **Heidegger** notait que la science ne fait pas retour sur ses propres protocoles. De façon polémique, il déclarait ainsi : « **la science ne pense pas** ». Autrement dit, elle raisonne, elle établit des protocoles, elle suit des méthodes, mais elle ne ***se*** pense pas. On peut comprendre facilement la nécessité d'une épistémologie dans le domaine des **sciences du vivant**. - Contrairement à la physique ou aux mathématiques, dont les objets peuvent être distinctement définis, la **biologie** étudie une matière **animée**, sans cesse en changement et en réaction avec son milieu. Elle semble donc relever d'une certaine **exception**. C'est la raison pour laquelle le vivant semble **exclure toute règle générale**, car il est par essence marqué d'une **originalité irréductible**. **Canguilhem** soutient ainsi que « l'intelligence ne peut s'appliquer à la vie qu'en reconnaissant l'originalité de la vie. La pensée du vivant doit tenir du vivant l'idée du vivant ». Avec **l'exemple du hérisson** traversant les routes, **Canguilhem** montre que le vivant qu'est le hérisson ne perçoit pas la route construite par des hommes comme construite par et pour des hommes, car elle lui est étrangère, elle n'appartient pas à son monde de hérisson. Sans une réflexion sur la manière dont la science pense son objet, en l\'occurrence le vivant, ce dernier reste **insaisissable** par la science comme la route l'est pour le hérisson. - Pour établir une science du vivant, il pourrait être nécessaire, comme dans toute science, de penser en termes de méthode : or, s'agissant du vivant, **la méthode est précisément ce qui pose problème**. Par une boutade, **Canguilhem** fait remarquer : « Nous soupçonnons que, pour faire des mathématiques, il nous suffirait d'être anges, mais pour faire de la biologie, même avec l'aide de l'intelligence, nous avons besoin parfois de nous sentir bêtes ». Autrement dit, il faut d'abord **refuser d'appliquer des concepts figés au vivant du fait de son caractère unique.** - On préférera alors à la notion de « **loi », figée, universelle et certaine**, celle de « **modèle », évolutif et laissant une place à l'indétermination**. Ainsi la **théorie fixiste**, qui considère que toutes les espèces sont créées par Dieu de manière définitive et fixe, est remplacée par le **modèle évolutionniste de Lamarck**, lui-même supplanté par le **modèle de Darwin**, lui-même nuancé et intégré dans le **modèle phylogénétique** contemporain. **2. Progrès ou révolution ?** ------------------------------ - Le scientisme du XIXe siècle, qui pose que les sciences expérimentales sont les seules connaissances fiables et qu'elles parviendront à rendre compte du tout de la réalité, était bercé par un **espoir primitif : le progrès continu et cumulatif des connaissances**. - Cette conception de la science néglige la réalité de son évolution. On doit au philosophe et épistémologie **Thomas Kuhn** un démenti érudit de cette **superstition**. Il démontre, en s'appuyant sur des exemples tirés de l'histoire des sciences, qu'**il n'y a pas de progrès en science, mais des révolutions**. **Une science évolue donc par des « sauts »**, et chacun d'eux implique un **changement de regard** sur le monde. - La communauté scientifique commence par établir une première unification des connaissances dans un **paradigme** initial qui définit **« la science normale »**, c'est-à-dire communément acceptée par le plus grand nombre. Mais des **faits discordants**, des **anomalies**, sont observés, qui **remettent en question le paradigme initial**, pourtant maintenu tant qu'il est efficace. Ces anomalies sont explorées sous la pression d'enjeux souvent extérieurs à la science (philosophie, religion, économie). Cela conduit à la **remise en cause** du paradigme ancien et à la **l\'émergence d'un nouveau paradigme** qui, lui-même, génère un **champ expérimental** nouveau ou/et repose sur des instruments récemment disponibles (lunette astronomique, microscope). - La confrontation des deux paradigmes (ancien et nouveau) crée **la crise** de la science, et lorsque le **paradigme extraordinaire** (c\'est-à-dire nouveau) remplace celui de **la science normale** (c\'est-à-dire ancien), nous assistons à une **révolution scientifique** : le paradigme extraordinaire est finalement admis comme **normal**. **3. La notion de vérité scientifique** --------------------------------------- - Il existe deux grandes définitions de la vérité en science. Les **sciences pures** établissent qu\'un énoncé est **vrai** s\'il est **décidable **et **conforme à la cohérence du système**, c'est donc une **vérité de cohérence**. Les **sciences expérimentales** considèrent qu'une loi de la nature est **vraie** lorsqu'elle est **établie par une expérimentation** et n'est pas **contradictoire** avec les observations du réel, c'est donc une **vérité de conformité**. - Mais cette notion de vérité est **figée** ; or ce que montre **Thomas Kuhn**, c'est que tout paradigme scientifique sera « **révolutionné** » et avec lui, les vérités qu'il a générées. Ainsi plutôt que de parler de vérité en science, peut-être vaudrait-il mieux adopter le concept qu'utilise **Popper** à la suite de **Leibniz** : la **vérisimilitude**. Une **théorie vérisimilaire** est une théorie qui est **falsifiable**, qui est testée, et qui résiste efficacement à la contradiction. Son degré de vérisimilitude augmente à chaque tentative de mise en cause qui échoue. Cette vérisimilitude à l'avantage de proposer une définition de la vérité scientifique qui prend en compte son élaboration historique, sans aboutir au **scepticisme** ou à une ère stérile de **post-vérité**. **4. Former un esprit scientifique** ------------------------------------ - Plutôt que d'aborder la science comme un** champ de connaissances constituées, de méthodes et de lois**, on peut tenter d'approcher l'élaboration de ses connaissances en étudiant le fonctionnement psychologique des scientifiques, et tout particulièrement la manière dont ils sont formés. - **Bachelard**, dans *La formation de l'esprit scientifique*, expose l'objectif essentiel de la science et de la formation de l'esprit du scientifique : **combattre l'opinion**. L'opinion ne pense pas, elle pense mal, et s'il lui arrive d'aboutir à un résultat vérifiable, c'est sans construction rationnelle et sans valeur explicative. - Les scientifiques sont pourtant souvent sujets à l'opinion qui, dans le cadre de leur recherche, est un **obstacle épistémologique** majeur. Il s'agit d'abord d\'affirmer que l'on ne peut connaître que **contre une connaissance antérieure**. Ensuite, une connaissance est une réponse à une question : sans cette phase de questionnement, la pensée démissionne au profit du** dogmatisme**. Il ne s'agit donc pas de privilégier **l'instinct *conservatif***, mais de faire prévaloir **l'instinct *formatif ***des jeunes scientifiques. **Bachelard** parle d'« **instinct** » car il lui semble que l'idée scientifique est toujours, primitivement, chargée d'affects qui gênent sa « fine pointe abstraite ». **1. Science sans conscience** ------------------------------ - Si **Rabelais** rappelait déjà que « science sans conscience n'est que ruine de l'âme », c'est surtout à partir du XXe siècle que la question de **la limite éthique de la science** se pose. - C'est tout d'abord dans le cadre de la biologie qu'une limite éthique a semblé nécessaire, mais depuis que la connaissance de l'atome a rendu possibles Hiroshima, Tchernobyl, et Fukushima, **la question de la responsabilité morale concerne toutes les sciences de la nature**. Les sciences pures sont aussi concernées, à travers les **algorithmes de traitement des données**, le croisement des *Big data*, ainsi que l'accroissement de la surveillance qu'ils permettent. - Dans son sens philosophique, la science est un jugement qui porte sur le monde (la physique) ou sur un ensemble de propositions logiques (les mathématiques) et qui établit les lois de ce domaine par une méthode basée sur **la vérification ou/et la cohérence** des énoncés. - On le voit, ce n'est pas tant la science, en tant que **puissance de connaître** qui est soumise au jugement moral, que la **technoscience**, définie comme **l'unité entre la connaissance et le développement de techniques** qui modifient la nature et la société, sans que **l'assentiment **du citoyen ne soit systématiquement interrogé. **2. Le principe de responsabilité** ------------------------------------ - Il peut alors apparaître urgent de pouvoir suivre **un principe directeur** qui fixe des **limites éthiques au développement technoscientifique**. **Hans Jonas** le nomme **« principe de responsabilité »**. Il consiste d'abord à **distinguer le champ du possible et le champ du réalisé** : tout ce qui ***peut*** être créé ne doit pas ***nécessairement*** l'être. Cela constitue une réelle **mutation de notre rapport à l'agir humain**. En effet, au lieu d'avoir une foi inconsidérée dans le progrès, il s'agit de **critiquer les conditions de possibilité** d'un tel progrès pour que l'humain cesse d'être « son pire ennemi », suivant le mot de **Jonas**. - La formulation du principe de responsabilité est corrélée à **l'impératif catégorique de Kant **et reçoit plusieurs itérations : « **Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre** » ou « inclus dans ton choix actuel l'intégrité future de l'homme comme objet secondaire de ton vouloir ». - Au fond, il s'agit toujours de juger la **valeur** de la technoscience dans ce qu'elle peut produire de **pire** dans le futur. On utilise souvent le principe de responsabilité comme fondement du **principe de précaution**, qui consiste à dire que le pire étant possible, en cas de doute, mieux vaut s'abstenir. Pourtant il s'agit plutôt de **sacraliser le droit des générations futures**. Il faut donc admettre que **la limite de la science**, dans ses applications pratiques, est **une métaphysique, une idée du sacré**, qui se distingue pourtant du religieux. **3. Religiosité scientifique** ------------------------------- - La **religiosité **n'est pas absolument absente de la science comme pourrait le laisser penser la **distinction entre croire et savoir.** Mais la religiosité peut prendre d'autres significations. Ainsi **Einstein** considère que le scientifique doit **croire** pour pouvoir établir une connaissance. Il porte donc la **responsabilité de cette croyance primitive** nécessaire à sa démarche. - La religiosité dont il est question n'est pas liée au respect ou à la pratique de rites, ni à l'observation stricte de préceptes de vie conformes à une révélation, ni à l'appartenance à une église. Elle consiste dans la **foi en un ordre cosmique, un principe organisateur du monde**. Le scientifique est pénétré par « l'admiration extasiée de **l'harmonie des lois de la nature** ». Pourtant, l'idée même d'un ordre, d'une harmonie ou d'un cosmos n'est pas indifférente à l\'histoire des valeurs occidentales. Ainsi le chercheur **croit **dans la vérité comme **Nietzsche** s'est attaché à le révéler. Exemples Repères - Un **exemple** est un cas particulier observé dans des circons- tances particulières ; il peut s'agir de l'application d'une règle. - Une **preuve** est un outil pour la démonstration : elle peut servir d'argument, alors que l'exemple n'est qu'une illustration. - Dans les premiers, l'entendement n'apporte aucune connaissance nouvelle ; il ne fait que développer ce qui est déjà contenu dans un concept.\ *Exemple* : « tout célibataire n'est pas marié ». - Au contraire, les seconds requièrent un travail de synthèse de l'esprit qui doit relier entre eux deux concepts hétérogènes.\ *Exemple* : les concepts « beige » et « table » dans la proposition « la table est beige ». - **Expliquer**, c'est remonter aux causes d'un événement.\ Expliquer un fait social, c'est considérer qu'il y a des causes qui produisent des comportements humains.\ *Exemple* : on explique un tremblement de terre, mais on comprend les intentions d'un écrivain. - **Comprendre** revient à étudier les facteurs qui éclairent un évènement. Les facteurs ne sont pas des causes, mais des éléments sélectionnés pour rendre compte d'un événement ; toutefois, ils ne doivent pas être considérés comme des causes mécaniques de ce dernier. Glossaire Prévision / Prédiction La prévision est une **projection dans le futur à partir d'une situation initiale** ; elle repose sur une loi ou théorie scientifique. Il existe différents types de prévisions, notamment la prévision déterministe (une seule prévision en fonction d'une situation initiale) et la prévision probabiliste (ensemble de prévisions associées à des probabilités). La prédiction caractérise tout type de projection dans le futur, quand bien même elle n'est qu'intuitive et non scientifique.

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