Chapitre 1 - Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? PDF
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Ce document, extrait du cours de "Chapitre 1 - Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ?", détaille les sources et les défis de la croissance économique, mettant l'accent sur le PIB, les facteurs de production et le progrès technique. Il est important de comprendre les origines et les mécanismes de la croissance.
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Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Questionnement Objectifs d’apprentissage Quels sont les - Comprendre le processus de croissance économique et les s...
Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Questionnement Objectifs d’apprentissage Quels sont les - Comprendre le processus de croissance économique et les sources de la croissance : sources et les défis accumulation des facteurs et accroissement de la productivité globale des facteurs ; comprendre de la croissance le lien entre le progrès technique et l’accroissement de la productivité globale des facteurs. économique ? - Comprendre que le progrès technique est endogène et qu’il résulte en particulier de l’innovation. - Comprendre comment les institutions (notamment les droits de propriété) influent sur la croissance en affectant l’incitation à investir et innover ; savoir que l’innovation s’accompagne d'un processus de destruction créatrice. - Comprendre comment le progrès technique peut engendrer des inégalités de revenus. - Comprendre qu’une croissance économique soutenable se heurte à des limites écologiques (notamment l’épuisement des ressources, la pollution et le réchauffement climatique) et que l’innovation peut aider à reculer ces limites. Introduction La croissance semble être devenue l’alpha et l’oméga des politiques économiques dans la plupart des pays. Les gouvernements se félicitent lorsqu’elle accélère, s’inquiètent lorsqu’elle ralentit, et s’alarment lorsqu’elle disparaît. Mais mener une politique de croissance suppose au préalable de comprendre ses origines. D’où vient la croissance ? La croissance ne résulte-t-elle que de l’augmentation des facteurs de production, travail et capital ? Quel est le rôle du progrès technique dans la croissance ? Comment l’environnement institutionnel peut-il être source de croissance ? Si les gouvernements ont raison de s’inquiéter des crises économiques sévères, qui s’accompagnent en effet d’un développement du chômage et d’une baisse du niveau de vie, la croissance actuelle ne soulève-t-elle pas des « défis », pour ne pas dire des problèmes, en termes d’inégalités de revenu comme en termes de limites écologiques ? I – Croissance, de quoi parle-t-on ? La croissance économique est l’accroissement continu des quantités de biens et de services produites dans un pays sur une longue période. 1.1 – Comment mesure-t-on la croissance ? Vous l’avez déjà vu en SES les années précédentes, il existe justement un indicateur en économie chargé de mesurer la totalité des richesses produites dans une économie et pendant un laps de temps donné : il s’agit du PIB. Le PIB est un indicateur macroéconomique que l’on peut notamment calculer en additionnant l’ensemble des valeurs ajoutées crées par les unités de production résidentes sur un territoire économique donné. Vidéo du doc 1, La croissance économique, ce n’est ni plus ni moins que l’augmentation, pendant une jusqu’à 1’57’’, et période donnée, du PIB. doc 2 3 choses importantes : - L’accroissement d’une variable se mesure par un taux de variation1. (VA−VD) 1 x 100 , VA correspondant à la valeur d’arrivée, et VD à la valeur de départ VD Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 1/16 - Techniquement, selon l’INSEE, il faut que le PIB augmente pendant 2 trimestres consécutifs pour que l’on puisse parler de croissance économique. Sinon, on parlera d’expansion. - A l’inverse, lorsque le PIB diminue pendant au moins deux trimestres consécutifs, on parlera de récession. Cette dernière sera probablement évité de justesse en Europe en 2023 (voir ici) Le calcul du PIB peut être affecté par la variation des prix d’une période à l’autre Video du doc 1 (notamment l’inflation, qui correspond à l’augmentation généralisée du niveau des à partir de prix). C’est pourquoi les économistes, lorsqu’ils étudient l’évolution du PIB sur plusieurs 3’14’’, puis doc 3 périodes, vont procéder à des « corrections » statistiques afin de supprimer cet effet- prix (ils « déflatent » le PIB). Il existe alors 2 façons d’exprimer la valeur du PIB : avec ou sans effet prix. PIB avec effet-prix PIB sans effet-prix PIB nominal PIB réel PIB en valeur PIB en volume PIB en euros courants PIB en euros constants Interpréter des taux de croissance n’est pas forcément une chose facile. 2 principales erreurs à éviter : - un taux de croissance en baisse n’implique pas forcément que le PIB diminue Voir doc 4 - le taux de croissance est le plus souvent exprimé en pourcentage. Mais lorsque l’on mesure un écart entre 2 taux de croissance, on utilise comme unité le point de pourcentage ! Dernier point, les taux de croissance sont généralement annuels : c’est à dire que l’on mesure l’évolution du PIB d’une année à l’autre (par exemple entre 2021 et 2022). Mais on peut aussi calculer l’évolution moyenne du PIB entre 2 dates relativement distantes dans le temps (par exemple, entre 2010 et 2020). C’est ce que l’on appelle le taux de croissance annuel moyen (le plus souvent abrégé TCAM). Voici quelques données (pour la France) trouvées sur le site de l’INSEE : On voit qu’entre 2010 et 2020 le PIB français est passé de 2 056,3 milliards d’euros de 2014 à 2150,4 milliards d’euros, soit une augmentation de 85,1 milliards d’euros en 10 ans. On peut alors se demander de combien a augmenté le PIB français chaque année en moyenne. → On serait tenté pour répondre à cette question de calculer le taux de variation entre le PIB de 2010 et celui de 2020, et de diviser le résultat par 10 (le nombre d’années qui sépare 2010 de 2020) : - (1) Taux de croissance du PIB en France entre 2010 et 2020 : Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 2/16 ………………………………………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………………………………… ……………………………………………………………………………………………………………………………………….. - (2) Nombre d’années entre 2010 et 2020 : ………………………………………………………………………………………………………………………………………... - (1) / (2) : ………………………………………………………………………………………………………………………………………… ………………………………………………………………………………………………………………………………………... Problème : cette démarche est totalement fausse ! ⇒ A partir de là, j’ai une bonne une mauvaise nouvelle : - la mauvaise : la formule à utiliser est beaucoup plus compliquée que ça. Pour calculer le taux de croissance annuel moyen, on utilise en effet la formule suivante : 1 VA nombre d 'années entre VA et VD TCAM=(( ) x 100)−100 VD - la bonne : vous n’avez pas besoin de connaître et savoir manipuler cette formule. Vous devez en revanche être capable d’exprimer la signification d’un TCAM. C’est la fin de ce 1.1. Pour vérifier que l’ensemble des notions et savoir-faire on été bien compris, je vous invite à traiter les questions du doc 5 du dossier documentaire. Maintenant que nous savons ce qu’est la croissance et comment la mesurer, nous allons nous interroger sur les sources de la croissance : qu’est ce qui explique que le PIB augmente ? 1.2 Quelles sont les sources de la croissance ? Lorsqu’on observe le PIB sur longue période, on est frappés par 2 choses : Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 3/16 - Premièrement, la croissance économique, à l’échelle de l’histoire de l’humanité, est un phénomène récent ! Il apparaît dans le meilleur des cas au début du 19ème siècle, avec ce que les historiens appellent la Révolution Industrielle. - De plus, la croissance économique est un phénomène exponentiel : malgré quelques « accidents » (les récessions), la hausse du PIB est quasiment continue une fois que les pays ont amorcé leur décollage économique. Mais qu’est ce qui rend cette croissance économique possible ? Pour répondre à cette question, les économistes utilisent un outil que l’on appelle fonction de production. Une fonction de production est une relation mathématique qui formalise le lien qui existe entre les quantités de facteurs de production utilisées dans une économie, et la quantité de biens et de services (le PIB) que l’on va pouvoir produire grâce à ces facteurs de production. On note cette quantité d’output « Y » Les facteurs de production représentent l’ensemble des ressources utilisées dans la production et qui ne sont pas détruites durant ce processus (on exclut donc, par exemple, les consommations intermédiaires). Ils se composent : - du travail : ressources humaines mesurées par les effectifs de salariés employés ou le nombre d’heures de travail utilisées. On le note L (L comme « Labour », qui signifie « travail » en anglais) - du capital : biens et services de production utilisés durablement (machines, dépenses de recherche, locaux…). On le note « K » (Oui, je sais, on aurait dû le noter « C », puisque qu’en anglais, capital se dit… capital ! Sauf que « C » est déjà utilisé pour…. Consommation!) Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 4/16 La fonction de production s’écrit donc sous la forme : Y = f(K,L). Cela paraît compliqué, mais c’est en fait très simple : ce que nous dit cette fonction de production, c’est que les quantités de biens et services produites dans une économie (le PIB) dépend des quantités de facteurs travail et capital utilisées. → On tient donc un premier élément de réponse à notre question ! Pour qu’il y ait de la croissance économique, il faut que les quantités de facteur travail et capital augmentent. Une croissance qui repose sur une augmentation des quantités de facteurs de production s’appelle une croissance extensive. Reste à savoir maintenant comment augmenter les quantités de facteur travail et capital disponibles dans l’économie ! Pour le facteur travail, on peut : - augmenter la durée légale du travail (passer de 35h à 39h par semaine par exemple), favoriser les heures supplémentaires (par exemple, ………………………………………………………………………………………...) - repousser l’âge de départ à la retraite - augmenter le taux d’activité - avoir recours à l’immigration - diminuer le taux de chômage - favoriser la natalité pour augmenter la population Quant à l’augmentation du facteur capital, elle passe par ce que l’on appelle l’investissement, qui correspond aux dépenses visant à accroître le stock de capital. Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 5/16 Cependant, on voit bien que la croissance extensive rencontre rapidement des limites : - dans la pratique, les marges de manœuvre pour augmenter les quantités de facteur travail sont limitées. D’ailleurs, concernant la durée du travail, c’est même plutôt une tendance historique à la baisse qui est à l’œuvre dans le temps long ( 3000 heures de travail par an par travailleur en moyenne au début du 20ème siècle, 2 fois moins aujourd’hui) Voir doc 6 - la croissance permise par l’investissement se heurte au problème des rendements décroissants du facteur capital. Dans la pratique, les régimes de croissance extensive sont plutôt caractéristiques des pays en développement. En réalité, on peut parvenir à une augmentation des quantités produites (donc de « Y », donc du PIB ) sans augmenter les quantités de facteurs de production, mais en Voir doc 7 améliorant…. leur efficacité ! C’est ce que les économiste nomment la productivité. Le document 7 montre par exemple une élévation de la productivité du travail pour 4 pays entre 1969 et 2019. Mais comment savoir si l’augmentation de la productivité du travail repose uniquement sur le facteur travail (les travailleurs sont mieux formés, ou mettent plus d’ardeur au travail, ou sont en meilleure santé)… ou si elle augmente si ils sont par exemple mieux outillés ? Imaginons par exemple un travailleur qui doit couper des arbres avec une scie. Il ne coupe que très peu d’arbres en une journée, sa productivité du travail est donc faible. Supposons maintenant que l’on fournisse à ce travailleur une tronçonneuse : il va couper en une journée un nombre beaucoup plus élevé d’arbres. Sa productivité va considérablement augmenter. Pourtant, cette élévation de la productivité a été permise par une augmentation de la qualité du facteur capital mise à disposition de ce travailleur ! Pour résoudre ce problème, les économistes ne cherchent pas à isoler la productivité de chaque facteur de production, de façon isolée. Ils raisonnent plutôt à partir de ce Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 6/16 qu’ils appellent la productivité globale des facteurs (PGF), c’est à dire la productivité des facteurs de production pris dans leur ensemble. Dès lors, toute augmentation de la quantité produite qui ne peut s’expliquer par plus de facteurs de production s’explique par une plus plus grande efficacité du processus Voir Doc 8 productif, donc une élévation de la PGF. Les économistes sont capables de mesurer précisément quelle « partie » de la croissance est liée à une augmentation des quantités de facteurs de production utilisées, et quelle « partie » s’explique en revanche par une augmentation de la PGF. Et vous devez être capables de travailler vous-aussi avec ces données ! Les pays dont la croissance s’explique principalement par une augmentation de la PGF ont un régime de croissance que l’on qualifie de croissance intensive. C’est souvent le cas pour les pays développés. Au passage, on note que l’investissement conserve un rôle très important dans la croissance économique : lorsqu’une entreprise investit, elle peut acheter de nouveaux biens de production, mais elle peut aussi en remplacer d’anciens par de nouveaux, plus performants, qui permettent à la PGF de s’accroître ! II - L’importance du progrès technique dans la croissance 2.1 Le progrès technique génère de la croissance économique Reste maintenant à expliquer l’origine de l’élévation de la PGF, source de croissance économique. Les économistes vont considérer que cette amélioration de l’efficacité du processus productif s’explique par le progrès technique. Le progrès technique est un processus général de développement et de perfectionnement des méthodes et des moyens de production. Il découle d’inventions appliquées au processus de production, on parle alors d’innovations. Par exemple, mettre en évidence l’existence d’un courant électrique est une découverte scientifique. Parvenir a recréer ce courant en laboratoire, parvenir à le mesurer, etc. est une invention. Mais parvenir à utiliser ce courant comme une source d’énergie qui va pouvoir alimenter des machines (du capital) qui servent à produire des biens et services fait passer cette invention au stade d’innovation. L’électricité : un long chemin vers l’innovation En 1800, l’italien Alessandro Volta invente une batterie et produit pour la première fois du courant électrique (=invention). Mais l’électricité ne deviendra une innovation que bien plus tard. En 1879, T.Edison et au point une ampoule (= possibilité pour les ménages de s’éclairer grâce à l’électricité : application commerciale d’une invention). Puis, il construit la première centrale électrique à Manhattan (une turbine au charbon faisant tourner un alternateur). L’électricité va alors pouvoir être utilisée comme source d’énergie pour produire (application industrielle d’une invention). Un économiste a en particulier consacré une grande importance au phénomène des innovations et du progrès technique : il s’agit de J.A. Schumpeter (1883-1950). Doc 9 Selon Schumpeter, l’économie capitaliste est caractérisée par la nécessité d’innover pour les entreprises, afin de dégager un monopole temporaire lié au monopole d’exploitation de l’innovation. […] Les innovations peuvent être de nature très variées, et Schumpeter en distingue 5 types : - l'innovation de produit correspond à la mise au point et/ou la commercialisation d'un produit nouveau (bien ou service) ou d'un produit existant mais incorporant une Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 7/16 nouveauté. Ex : l'automobile, l'ordinateur ont été des innovations de produit. La conséquence d'une telle innovation est l'augmentation de la demande. - L'innovation de procédé, quant à elle, correspond à la mise au point ou à l'adoption de méthodes de production ou de distribution nouvelles ou considérablement améliorées. Ex : la chaîne de montage, la production assistée par ordinateur (P.A.O.), la vente sur internet ou la vente par correspondance ont été des innovations de procédé. L'idée est d’accroître la productivité. - L'innovation organisationnelle traduit la mise au point ou l'adoption d'une nouvelle organisation du travail ; elle s'apparente à l'innovation de procédé dans la mesure où elle contribue à modifier la méthode de production et/ou de distribution pour améliorer l’efficacité de la production et la productivité. Ex : l'OST, l'organisation du travail à flux tendus, l'invention des grands magasins (19ème siècle), le self-service dans la restauration. - L’utilisation de nouvelles sources d’énergie : le déploiement de l’électricité, la machine à vapeur, le moteur thermique ont par exemple entraîné des développements industriels majeurs - Enfin, la découverte de nouveaux marchés pour un produit existant constitue une dernière innovation pour Schumpeter. Nous verrons l’impact de cette dernière sur la croissance économique lorsque nous étudierons le chapitre portant sur le commerce international. Les innovations apparaissent rarement de façon isolée, mais au contraire sous forme de grappes d’innovations : après une innovation majeure, souvent une innovation de rupture due à un progrès technique, voire scientifique (par exemple : la vapeur, les circuits intégrés, l'informatique, l'internet, les nanotechnologies) d'autres innovations sont portées par ces découvertes. Par exemple, les smartphones sont une ramification des bouleversements technologiques qui ont lieu dans le domaine de l’informatique depuis les années 1980- 1990 : miniaturisation des composants, augmentation de la puissance de calcul, développement de l’Internet… Et les smartphones sont eux-mêmes à l’origine d’autres innovations (l’essor de la livraison de repas à domiciles n’aurait par exemple pas été possibles sans eux). Le fait que les innovations surviennent par grappes contribue à expliquer pourquoi le progrès technique génère de la croissance : une innovation ne survient pas seule et de manière isolée, elle arrive au contraire par vagues. C’est donc le système économique dans sa globalité qui est affecté par le progrès technique et par les gains de productivité qui en découlent. Or des gains de productivité globaux se traduisent par de la croissance économique si l’augmentation de l’offre s’accompagne d’une augmentation de la demande ! En revanche, on voit que le smartphone a rendu certains produits ou activités obsolètes : - les GPS - les appareils photo - les baladeurs MP3 - les cabines téléphoniques - les services de renseignement téléphoniques….. Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 8/16 Schumpeter parle de destruction créatrice ce processus lors duquel les vagues d’innovations tendent à détruire d'anciennes activités devenues obsolètes. Le marché de la vidéo illustre par exemple ce phénomène. On devine donc que le progrès technique, à travers le phénomène de destruction créatrice, va engendrer des bouleversements potentiels de la structure des emplois : certains emplois vont apparaître, mais d’autres vont disparaître ! Ce lien entre progrès technique et emploi sera exploré plus profondément dans la suite du chapitre. 2.2 Les facteurs à l’origine du progrès technique Longtemps, les économistes ne se sont pas intéressés à l’origine du progrès technique. En effet, ce dernier apparaît d’abord dans leur travaux sous forme d’un « résidu » statistique, c’est à dire une partie inexpliquée de la croissance économique (ou du moins, qui ne s’expliquait pas par l’augmentation des quantités de facteurs de production). Pour éviter d’avoir à expliquer d’où venait ce résidu, ils ont donc fait comme si le progrès technique « tombait du ciel ». Il existe un mot un peu savant pour désigner cette conception du progrès technique : on parle de progrès technique exogène. Cette conception du progrès technique n’est bien sûr pas satisfaisante : déjà Schumpeter expliquait en son temps que les innovations étaient le fruit d’entrepreneurs « aventuriers », qui parfois s’appuyaient eux-même sur des avancées scientifiques produites par leurs contemporains. Le progrès technique est la conséquence de décisions prises par certains agents économiques : on va alors parler de progrès technique endogène. Cette notion signifie que le progrès technique résulte de certaines décisions d’investissement qui vont être prises par les acteurs économiques : - en capital physique bien sûr (le facteur capital tel que vous le connaissez déjà). En effet, lorsqu’une entreprise investit, elle acquiert bien souvent du capital physique plus récent que celui qu’elle possédait déjà (c’est ce que l’on appelle le progrès technique incorporé), et qui est donc souvent plus efficace, ce qui contribue à accroître la PGF (un ordinateur de 2023 est beaucoup plus puissant et plus rapide qu’un ordinateur du début des années 2000 par exemple). Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 9/16 - les dépenses en recherche et développement (R&D) vont permettre d’accroître le stock de capital technologique (l’ensemble des savoirs et connaissances nécessaires pour produire), ce qui accroît la probabilité pour les entreprises de découvrir et de mettre en vente un nouveau produit, ou de réaliser une production avec une nouvelle technique de production permettant d’augmenter la productivité. - Les dépenses en formation (telles que l’éducation notamment), le plus souvent réalisées par l’État, permettent d’augmenter ce que les économistes nomment le capital humain. Or, des travailleurs plus et mieux formés sont plus productifs, et ils sont aussi davantage capables de s’adapter à de nouvelles techniques de production. - Enfin, les dépenses réalisées pour financer des infrastructures publiques permettent d’augmenter le capital public : infrastructures de transports (autoroutes, ports, aéroports), réseaux de communication (internet haut débit), mais aussi écoles et hôpitaux… permettent de fournir un cadre économique aux entreprises propice au développement de leur productivité. Le principal apport de la théorie du progrès technique endogène, c’est qu’elle permet de comprendre que la croissance est un phénomène cumulatif. En effet, le progrès technique favorise la croissance, qui elle-même permet de financer les investissements à l’origine du progrès technique. On va maintenant se demander quels sont les facteurs susceptibles Voir de favoriser le développement du progrès technique : innover est une opération cette vidéo risquée. Pour que les agents acceptent de prendre ce risque, il faut que le niveau de confiance soit le plus élevée possible dans l’économie. Cela est d’ailleurs valable pour les échanges économiques en général : sans confiance, pas d’échange, et donc pas de production/consommation. Ce sont les institutions qui vont contribuer à ce que le niveau de confiance dans l’économie soit élevée. 2.2.1 Le rôle des institutions Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 10/16 On peut définir les institutions comme des règles, formelles et informelles qui encadrent et favorisent les relations entre les agents économiques. On distingue généralement 4 types d’institutions : - les institutions créatrices de marché, qui protègent les droits de propriété et garantissent l’exécution des contrats Voir les - les institutions de réglementation des marchés, qui réglementent les marchés en docs 10 à particulier pour que la concurrence puisse s’exercer, et pour les limiter les effets des 13 externalités négatives - les institutions de stabilisation des marchés, qui limitent l’inflation, les déséquilibres macroéconomiques et évitent les crises financières - les institutions de légitimation des marchés, qui légitiment les résultats de l’activité économique, en fournissant une protection sociale et en redistribuant les richesses 2.2.2 L’importance des brevets Parmi les institutions créatrices de marché, il convient de s’arrêter sur une variante particulièrement importante : les brevets. Un brevet est un dispositif légal permettant de protéger une innovation technique, c'est-à-dire un produit ou un procédé qui apporte une nouvelle solution technique à un problème technique donné. Elle permet alors à l’entreprise à l’origine du dépôt de brevet de détenir un monopole (temporaire) d’exploitation. Ce système de protection de la propriété intellectuelle favorise l’accumulation du progrès technique pour deux raisons : - Cela incite donc les entreprises à investir en Recherche et Développement (R&D), dans l’espoir de mettre au point une innovation qui leur permettra de réaliser des profits grâce à la rente d’innovation. Or, les connaissances de ces activités de R&D ne sont pas forcément toutes protégées par un brevet mais sont susceptibles d’être utilisées par d’autres, ce qui contribue donc à la diffusion des idées et contribue positivement à l’innovation dans l’ensemble du système économique - de plus, contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, les brevets permettent aux connaissances de se diffuser, car il est nécessaire pour une entreprise qui souhaiterait protéger une innovation de révéler précisément les nouvelles connaissances produites. Les autres firmes peuvent alors choisir d’acheter le brevet, ou attendre que celui-ci tombe dans le domaine public. Pour que le brevet ne soit pas un frein à la diffusion des connaissances, il est donc nécessaire que la protection qu’il apporte ne soit que temporaire : c’est pourquoi cette durée est généralement de 20 ans. Nous avons vu quelles étaient les sources de la croissance économique. Plus particulièrement, nous avons mis en évidence l’importance capitale du progrès technique dans la croissance. Nous allons maintenant changer d’optique et nous demander quelles peuvent être les limites, les défis que posent la croissance et le progrès technique dans nos économies modernes. III – Quels sont les défis de la croissance ? 3.1 Le progrès technique peut engendrer des inégalités de revenus L’apparition du progrès technique offre des opportunité d’enrichissement pour une minorité d’entrepreneurs, visionnaires ou opportunistes, qui sont à l’origine de Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 11/16 l’innovation ou bien qui savent en tirer profit pour créer des activités hautement lucratives comme l’illustre la montée en puissance des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) dans l’industrie numérique et leurs patrons multimilliardaires. Mais leur enrichissement démesuré contraste avec les poches importantes de pauvreté qui subsistent dans nos sociétés développées, et souvent composées des « exclus du progrès ». Voir doc 14 Le progrès technique a un effet de polarisation sur la société, provoquant une forte montée des inégalités de revenu. En effet il : - accroît la demande de travailleurs très qualifiés dont les compétences sont requises pour utiliser les nouvelles technologies (programmateurs informatiques, designers…) ce qui provoque une hausse de leurs salaires, - réduit la demande des travailleurs peu qualifiés (souvent dans l’industrie) dont les tâches manuelles routinières (ouvriers spécialisés) sont remplacées par les innovations technologiques (caissier(e)s, guichetier(e)s…) ce qui provoque une baisse de leurs salaires, - maintient la nécessité de travailleurs peu qualifiés dans les services produisant des tâches manuelles non routinières (serveurs ou aides-soignants). Mais puisque ces travailleurs sont en très grand nombre, leurs salaires demeurent très faibles. 3.2 Les limites écologiques de la croissance Les politiques économiques ont pour but de maximiser la croissance économique, car cette dernière est notamment perçue comme un moyen de faire diminuer le chômage. Mais à l’heure où les effets du dérèglement climatique se font de plus en plus sentir, la croissance économique est aussi critiquée, notamment pour ses conséquences écologiques. On peut en citer 3 principales : 3.2.1 L’épuisement des ressources naturelles En économie, on distingue généralement entre : - les ressources renouvelables, c’est-à-dire des ressource naturelles dont le stock peut se reconstituer sur une période courte à l'échelle humaine de temps, en se renouvelant au moins aussi vite qu'elle est consommée. Par exemple l’énergie solaire ou éolienne bien sûr, mais aussi les ressources halieutiques. - et les ressources non renouvelables (des ressource naturelles dont le stock ne peut se reconstituer sur une période courte à l'échelle humaine de temps, comme par exemple certains minerais ou métaux précieux (« terres rares », uranium, pétrole et gaz…). Il est intéressant de remarquer que certaines ressources qui apparaissent renouvelables à un moment donné de l’humanité) peuvent devenir non renouvelables plus tard (l’eau par exemple). Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 12/16 Or, la croissance économique implique de produire plus, et donc d’opérer des Voir docs prélèvements croissants de ressources naturelles, ce qui se traduit par un risque 15 et 16 d’épuisement de ces ressources naturelles. Si les ressources naturelles non renouvelables sont évidemment les premières touchées, les ressources naturelles renouvelables sont aussi exposées au risque d’épuisement. La « tragédie des communs » permet d’illustrer ce phénomène : si certaines ressources naturelles sont menacées de surexploitation, c’est parce qu’elles sont disponibles gratuitement, mais en quantités limitées. 3.2.2 Le problème de la pollution Produire davantage implique aussi émettre davantage de pollutions, sous différentes formes (pollution de l’air, de l’eau, des sols), pour deux raisons : - produire implique de consommer de l’énergie. Or les énergies fossiles occupent une place importante dans le mix énergétique aujourd’hui. Le problème, c’est qu’en brûlant, ces énergies fossiles rejettent plusieurs composés chimiques dans l’atmosphère (des gaz à effet de serre notamment, GES). - de plus, la plupart des produits que nous consommons à l’échelle mondiale ne sont pas ou peu recyclés. Ils sont donc majoritairement incinérés (pollution de l’air) ou stockés dans des décharges, encore trop souvent à ciel ouverts (pollution des sols et des nappes phréatiques). La pollution représente une menace directe pour la biodiversité ainsi que pour la santé des humains (Selon l’OMS, 9 personnes sur 10 respirent un air pollué dans le monde, et 35 % des cancers du poumon seraient imputables à la pollution de l’air). De plus, les GES alimentent un le phénomène du dérèglement climatique. 3.2.3 Le danger du réchauffement climatique On l’a vu, la croissance implique de produire davantage de biens et services, ce qui se traduit par une hausse des dépenses d’énergie. Or la plupart des énergies utilisées aujourd’hui sont des gaz à effet de serre. Leur concentration dans l’atmosphère augmente donc, ce qui accroît l’effet de serre et contribue au réchauffement climatique, qui est donc directement relié aux activités humaines. Les conséquences de ce réchauffement climatiques sont multiples : - montée des eaux (or la majeure partie de la population mondiale se trouve dans des zones littorales), - sécheresses, perturbation des récoltes (et donc famines), ce qui entraîne des Voir déplacements de population et donc des tensions géopolitiques notamment cette vidéo - incendies (« méga-feux ») - inondations (cela peut sembler paradoxal, mais le réchauffement climatique accroît bien le risque naturel lié aux inondations) - hausse de la fréquence et de la puissance des tempêtes / cyclones / ouragans… Toutes ces limites nous montrent que la croissance, aujourd’hui, n’es pas soutenable au sens économique du terme. En économie, on parle de croissance soutenable si le régime de croissance actuel, qui vise à satisfaire les besoins des générations présentes, Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 13/16 n’hypothèque pas la possibilité pour les générations futures de satisfaire elles-aussi leurs besoins. 3.3 Des innovations pour faire reculer les limites écologiques de la croissance ? Certains économistes avancent l’idée que les innovations permettraient de repousser les limites écologiques. En effet, certaines innovations permettent de réaliser des économies d’énergie et/ou de ressources naturelles, et donc de limiter l’émission de GES et la pression sur les ressources naturelles. On peut par exemple penser au remplacement des énergies fossiles par des énergies Voir doc 17 renouvelables, ou au remplacement des moteurs thermiques (qui utilisent donc des dérivés de pétrole) par des moteurs électriques ou à hydrogène C’est notamment une lecture que propose courbe environnementale de Kuznets. Cependant, cette vision « optimiste » du progrès technique permettant à la croissance d’être compatible avec l’urgence écologique se heurte tout d’abord à l’évolution empirique du PIB et des GES. Certains pays développés, comme la France, sont bien parvenus à opérer un découplage absolu entre l’évolution du PIB et celle des émissions de GES. Cela signifie que bien que le PIB de la France continue à augmenter, les émissions de GES de ce pays sont, elles en diminution : Graphique - Évolution des émissions de gaz à effet de serre et du PIB en France, comparé à la baisse souhaitée des émissions à partir de 2015 (-7,6%/an) | 1995 - 2020 (base 100 en 1995) Source : https://www.carbone4.com/publication-decouplage, d’après Banque mondiale (2020), SDES (2020) Le problème est double : - tout d’abord, cette diminution des émissions de GES est trop lente par rapport aux recommandations des Nations Unies - ensuite, ce découplage en vigueur dans certains pays riches ne s’étend pas au niveau mondial : Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 14/16 Graphique – Évolution de la consommation d’énergie primaire, des gaz à effet de serre et du PIB l’échelle mondiale | 1980 - 2018 (base 100 en 1980) - Enfin, cette vision optimiste du lien entre innovations et croissance se heurte au Pour problème de l’effet rebond : les économies d’énergies permises par le progrès approfondir technique sont susceptibles d’être annulés par une plus grande utilisation de l’énergie la question de la en question. Par exemple, la voiture électrique permet de réduire les émissions de GES voiture de 30 à 80 % par rapport à une voiture thermique (ce chiffre varie en fonction du lieu de électrique, production des batteries, mais aussi du lieu de production de l’électricité qui alimente voir ces voitures électriques). Toutefois certaines projections prévoient que le nombre de cette vidéo voitures en circulation dans le monde devrait être multiplié par 2 d’ici 2040. Dans ce cas, il n’est pas certain que les émissions de GES liées à la voiture individuelle diminuent. L’aviation fournit un autre exemple d’effet rebond : Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 15/16 Les avions sont plus propres aujourd’hui qu’en 1973 (cf la courbe rouge de ce graphique), mais comme le trafic aérien a explosé (courbe bleue), les émissions de CO2 liées au secteur aérien ont augmenté (courbe blanche)... En conclusion de ce chapitre, je vous invite à visionner cette vidéo : Seuls les fous (et les économistes) croient à une croissance sans fin Chapitre 1 – Quels sont les sources et les défis de la croissance économique ? Cours Page 16/16