Airbnb et les Jeux Olympiques de Paris 2024 - Article Le Monde - PDF
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Alliance Française
2024
Jessica Gourdon
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Cet article du Monde décrit l'impact des Jeux Olympiques de Paris 2024 sur le marché de la location Airbnb à Paris. Les propriétaires parisiens ont expérimenté des prix élevés, mais les taux d'occupation n'ont pas toujours été à la hauteur des attentes. L'article examine la situation des particuliers et des investisseurs.
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« On a tenté un prix très élevé, 800 euros la nuit » : le rêve persistant d’un « jackpot Airbnb » pour les propriétaires parisiens pendant les Jeux olympiques L’Ile-de-France compte désormais 134 000 annonces actives sur la plate-forme, contre 58 000 au mois de février 2023. Parmi les centaines de m...
« On a tenté un prix très élevé, 800 euros la nuit » : le rêve persistant d’un « jackpot Airbnb » pour les propriétaires parisiens pendant les Jeux olympiques L’Ile-de-France compte désormais 134 000 annonces actives sur la plate-forme, contre 58 000 au mois de février 2023. Parmi les centaines de milliers de personnes qui ont mis leur bien en sous-location, avec des prix parfois élevés, certains n’ont pas trouvé preneurs. Par Jessica Gourdon Publié le 23 juillet 2024 Façades d’immeubles haussmanniens près de la tour Eiffel, à Paris le 13 février 2024. IAN LANGSDON / AFP A quelques jours de l’arrivée de ses locataires, Romain (son prénom a été changé), qui vit à Pantin (Seine-Saint-Denis) avec sa compagne et leurs deux enfants, le reconnaît : il n’est pas « totalement serein ». « Cela fait un peu peur d’avoir des inconnus chez soi, on se dit : est-ce qu’ils ne vont pas tout saccager1 ? » Sans les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), cet avocat de 36 ans n’aurait jamais franchi le pas. Mais la promesse était trop belle. Alors, en septembre 2023, il a mis son appartement sur la plate-forme de location Airbnb. « A la Toussaint, on a loué à une famille bretonne, pour se faire la main2 et avoir au moins un commentaire. » Quelques semaines plus tard, quatre Canadiens réservent pour deux semaines pendant les Jeux : 400 euros par nuit, pour ce trois-pièces avec vue sur le canal. Avec ce petit pactole3, Romain et sa famille ont loué cet été une maison sur la côte Atlantique – sur Airbnb – à un tarif « au-delà de [leur] budget vacances habituel ». Depuis quelques mois, Paris bruisse d’histoires comme celle-là. Jamais Airbnb n’a compté autant d’annonces dans la capitale. En un an, à Paris, le nombre d’appartements a bondi de 1 détruire 2 s’exercer, s’entraîner 3 grosse somme d’argent 1/4 85 %, selon une étude de l’Institut Paris Région (IPR) parue jeudi 18 juillet. En proche banlieue, la progression a été encore plus forte, avec un volume d’annonces qui a doublé en l’espace de douze mois. « Il y a eu un effet boule de neige, avec des prix à la nuit incroyables relayés par les médias et les réseaux sociaux. Cela a convaincu des tas de gens de se lancer », observe Emmanuel Trouillard, chercheur qui a coordonné l’étude pour l’IPR. « On s’est dit : nos vacances sont payées ! » L’Ile-de-France compte ainsi 134 000 annonces actives sur Airbnb, contre 58 000 au mois de février 2023. Et les clients sont au rendez-vous : malgré la cherté des offres, le nombre de nuits réservées pendant les Jeux est, à ce jour, plus de deux fois plus élevé que celui de 2023 à la même époque (+ 133 %), selon le cabinet AirDNA, mercredi 17 juillet. Pour Airbnb, qui se rémunère grâce à un pourcentage sur le prix des locations, les JOP à Paris sont un vrai jackpot. Les Franciliens, qui ont fait les meilleures affaires, s’y sont pris tôt, avant l’explosion du nombre d’annonces. C’est le cas de la famille Grenade, qui vit dans une résidence des années 1950, proche du parc André-Citroën (15e arrondissement de Paris). Trois chambres, un balcon, un appartement très classique. « On a ouvert notre calendrier en mai 2023, en tentant un prix très élevé, à savoir 800 euros la nuit. » C’est trois fois plus que ce qu’ils proposaient d’habitude. En deux jours, l’appartement est réservé par deux familles d’Américains, qui se succèdent pour douze nuits au total. Le tout, avec une option qui implique que le séjour n’est pas remboursable en cas d’annulation. « On s’est dit : nos vacances sont payées ! », résume au téléphone Thierry Grenade, qui, en ce moment, visite l’Argentine avec sa femme et ses filles de 8 et 14 ans. 2/4 Partis très hauts, les prix pendant les JO ont néanmoins baissé. Natan di Natale, journaliste de 32 ans qui possède un deux-pièces dans le 15e arrondissement, a commencé par tenter « 350 euros la nuit », en janvier. Faute de réservation, il a baissé à 220 euros pour trouver preneur pendant les Jeux – un tarif tout de même deux fois plus élevé que celui qu’il propose le reste de l’année, lorsqu’il part en vacances ou en week-end. « Je voulais que cela vaille vraiment le coup » Malgré tout, l’offre est restée supérieure à la demande, et nombre d’annonces n’ont pas trouvé preneurs. Le cabinet AirDNA a calculé que, pour la période des Jeux, le taux d’occupation des logements sur Airbnb est seulement de 46 % à Paris, contre 59 % en 2023 à la même époque. Ceux qui n’ont pas baissé leurs prix se retrouvent le bec dans l’eau4. C’est le cas de Marie, qui n’a pas souhaité donner son nom, productrice dans l’audiovisuel, qui vit à Pantin : fin février, elle a mis son annonce en ligne, avec un tarif de 400 euros la nuit. A ce jour, elle ne l’a toujours pas loué. « Je n’ai pas baissé le prix, car je voulais que cela vaille vraiment le coup. Mais mon annonce a enregistré très peu de vues », reconnaît-elle. Sur les forums, des propriétaires se plaignent de leur difficulté à rendre visible leur annonce sur Airbnb, dans un contexte concurrentiel accru. Une start-up spécialisée dans les recours des consommateurs, Zorrooo, a rassemblé une soixantaine de réclamations et des centaines de témoignages, dont une bonne partie en Ile-de-France. « Airbnb n’est pas transparent sur les critères de visibilité d’une annonce. Nous avons aidé bénévolement de nombreux propriétaires à améliorer leur situation, en jouant sur certains mots-clés, le type de photos, les services. Tout se passe comme si Airbnb voulait privilégier les annonces de professionnels », regrette Capucine Berr, fondatrice de Zorrooo. 4 n’ont rien obtenu 3/4 Selon elle, des changements dans l’algorithme de recherche ont déclassé toute une série d’annonces, autrefois mieux visibles. « Ces allégations sont fondées sur des spéculations inexactes concernant le fonctionnement de notre plate-forme », répond par courriel Airbnb, qui rappelle que les résultats des recherches sont façonnés par les paramètres des voyageurs. « Une bonne proportion va rester » Ces nouvelles annonces vont-elles persister après les JO ? « Une bonne proportion va rester », prédit, dans le rapport trimestriel d’Airbnb pour la période janvier-mars, Ellie Mertz, la directrice financière, forte de son expérience dans d’autres contextes d’événements internationaux. Avec, à la clé, un effet durable sur le marché hôtelier, mais aussi sur celui de l’immobilier locatif, alors que les résidents connaissent des difficultés croissantes pour se loger. Car ces annonces ne sont pas seulement celles de Franciliens qui louent leurs appartements pendant qu’ils partent à la plage. Une partie relève d’investisseurs, dans des logements réservés à cet usage. Difficile d’en connaître la proportion : l’Institut Paris Région souligne seulement qu’à Paris 38 % des annonces sont issues de multi-annonceurs (agences, conciergeries ou personnes multipropriétaires). Ce chiffre est encore plus important en Seine-et-Marne (53 %), où le secteur est moins régulé qu’à Paris. Dans la capitale, il n’est plus possible de louer en meublé touristique un appartement qui n’est pas une résidence principale ni de dépasser cent vingt jours de location par an. Mais ces règles sont régulièrement détournées, par l’utilisation de plusieurs plates-formes locatives, par des arrangements informels entre touristes et loueurs, par des déclarations erronées… « En Ile-de-France, une part significative des biens sur Airbnb sont des résidences secondaires. En outre, certains locataires sous-louent leur appartement, alors qu’ils n’en ont pas le droit sans autorisation de leur propriétaire. On voit là les limites des dispositifs d’encadrement », observe Nicolas Louvet, directeur du bureau de recherche 6T, qui publie, mardi 23 juillet, une étude sur les locations saisonnières. Une chose est sûre : sur Airbnb, il y aura un « avant » et un « après » les JO de Paris. 4/4