Summary

This document discusses the collection of materials for sociological observation, focusing on the importance of understanding social practices and the contextual factors that shape them. The text outlines the nuances of observing social interaction, emphasizing the need to consider various aspects such as the actors' aims, the social context, and the available resources.

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Collecter les matériaux 3 L’observation sur le terrain porte d’abord sur les pratiques sociales qui s’y de ploient, qu’elles soient gestuelles ou verbales. Le sociologue n’en a pas le monopole. Le me decin du spo...

Collecter les matériaux 3 L’observation sur le terrain porte d’abord sur les pratiques sociales qui s’y de ploient, qu’elles soient gestuelles ou verbales. Le sociologue n’en a pas le monopole. Le me decin du sport observe aussi des pratiques corporelles : pour voir les muscles mobilise s, la succession de leur mise en tension, les centres de de cision et de transmission des ordres, la consommation d’e nergie, les temps de re cupe ration… De me me le couturier : avec le souci d’habiller les pratiques sans les ge ner, avec une attention a leurs autres onc- tions, symboliques, esthe tiques ; ou l’arbitre sporti, juge de l’orthodoxie des pratiques par rapport a la re gle ; ou bien encore l’ergonome pour optimiser la gestion du temps et de l’eort dans la manipulation des objets. Le linguiste est observateur des pratiques verbales pour les analyser comme situations de communication ; la secre taire aussi pour en garder la trace (en dressant le proce s-verbal d’une re union, en notant des messages te le phoniques). Dans l’observation du sociologue, il y a un peu de tout cela. C’est son intention qui en ait la spe cicite : rechercher ce que la pratique doit a l’immersion de son auteur dans un monde d’interactions sociales et ce qu’elle nous dit de son onctionnement institue et de ses marges de jeu. Cela passe par une observa- tion e largie aux cadres de l’action en socie te. 1. Observer Concre tement, il s’agit de rendre compte de pratiques sociales, de mettre au jour ce qui les oriente, ce qui ame ne les acteurs a leur donner telle orme. Cela passe par une pre sentation des dimensions normatives du contexte pesant sur les pratiques et de la mobilisation des ressources diverses que de ploient les acteurs pour s’en rendre matres ou pour s’en accommoder. 1.1 Sur quoi porter l’attention ? Du co te du cadre contraignant, normati de la situation, on trouve des re gles ormelles comme celles qui de nissent un poste de travail ou une politique publique. Mais tout aussi bien aut-il penser aux attentes de ro les 45 3 Collecter les matériaux qu’imposent des conventions : l’organisation de l’espace dans un tribunal ou le port de la robe par les proessionnels du droit, impressionnant les justi- ciables (Collecti Onze, 2013, p. 18-22) ; ou bien les asyme tries de statut entre employe de service et client ou usager, entre supe rieur et subordonne , entre homme et emme. Des ormes rituelles prescrivent aussi des manie res de aire sans qu’on ait besoin de s’interroger sur la le gitimite de la pres- cription, comme ce qui re git les salutations ou les ce re monies. Quant aux ressources que les acteurs mobilisent dans leur pratique, elles sont aussi bien verbales, pour ne gocier, pour justier ou pour brouiller le sens des actions, que biographiques, renvoyant a la socialisation, a ce que les expe - riences individuelles ont laisse en chacun et qui s’actualise comme re e rences dans l’action. Jouent aussi des ressources collectives, appuye es sur des liens anciens et re guliers entre acteurs, sur des ormes de solidarite. Pour restituer la cohe rence de la situation observe e et des actions qui s’y de veloppent derrie re un apparent de sordre ou a distance de ce qui est cense e tre, aut-il se priver de recueillir le sens que les acteurs donnent a leur pratique ? Si on le saisit tel qu’il se manieste dans la situation, il y a la des e le ments a ne pas ne gliger pour reconstituer la logique sociale de chaque acteur, son rapport ecace au monde institue , qui peut e tre re e re a la position sociale qu’il occupe. Voir et e couter sont donc deux dimensions inse parables du travail de collecte. La saisie des pratiques sociales par observation directe passe par l’examen de taille de sce nes de la vie sociale, par la de composition d’e ve nements singuliers, par le repe rage d’enchanements d’actions amenant les acteurs a utiliser des objets et a se mettre en relation avec d’autres acteurs dans des interactions. La saisie du sens que les acteurs donnent a ces pratiques sociales ne se ait pas seulement dans le temps et dans l’espace de la pratique. Le sens s’exprime bien su r dans des propos qui accompagnent la pratique, dans les attitudes d’engagement dans la pratique (le se rieux, la de contraction…), dans les signes des sentiments e prouve s par les acteurs en situation (la satis- action, la de ception…). Mais c’est aussi en paralle le de la pratique e tudie e, a l’occasion de commentaires en situation, qu’on peut souvent le saisir, en pre tant attention a ce qui est dit, a qui et sur quel ton. Il en va de me me de la perception du re gime de contraintes que les acteurs subissent et du releve des ressources qu’ils mobilisent pour y aire ace. Pour tenir ensemble pratique et a co te de la pratique, l’examen de l’occupation du temps et de l’occupation de l’espace en dehors de la pratique est une voie de cisive : on peut y distinguer le temps consacre a la pratique, le temps pris a la pre parer, 46 Collecter les matériaux 3 ou encore le temps passe a la commenter. De me me pour l’espace : parcouru dans la pratique, ordonne pour elle, mais aussi disponible pour d’autres usages, portant des marques d’appropriation par les pratiquants… Si l’expose de ce qu’on doit observer reste ici allusi alors que la ques- tion est de cisive, c’est que chaque projet d’observation, chaque objet d’e tude, chaque terrain re clament une de clinaison particulie re de ces pre conisations pour les adapter. Les exemples de veloppe s ulte rieurement sur des points particuliers seront l’occasion d’en ournir des illustrations. 1.2 Quelles facultés solliciter ? Le caracte re direct de l’observation suppose la mobilisation du cher- cheur sans autre instrument que ses aculte s propres. Il s’agit prioritaire- ment des cinq sens, a commencer par la vue et l’oue pour enregistrer les pratiques gestuelles et les propos en situation. Ils servent aussi a e tre attenti a la violence d’un e clairage ou au niveau sonore d’une ambiance. Dans cet ordre de perception du contexte, les autres sens ont leur place : l’odorat ou le toucher pour comprendre les conditions de travail dans un abattoir (Muller, 2008). C’est plus largement la personne sensible du chercheur qui est solli- cite e la. On peut e tre attenti a ses sentiments a l’e gard de tel ou tel acteur, a ses impressions ace a la situation comme la atigue e prouve e par N. Jounin (2009), embauche sur des chantiers pour e tudier les travailleurs du ba ti- ment, comme le de gou t puis la distance au de gou t pour F. Reyssat (2017), en immersion parmi des employe s de nettoyage, comme l’humiliation ou la cole re ace aux diculte s ressenties a tenir son poste et aux remarques des managers qui s’ensuivent pour D. Cartron (2003) embauche dans un ast- ood. Celui-ci note vite sa distance a ce « petit boulot ». Il l’impute d’abord a son exte riorite d’observateur, puis s’aperc oit peu a peu qu’elle est partage e par les « e quipiers » qui reusent de voir ce « petit boulot » comme un travail a part entie re. En me me temps, il observe son ort engagement dans l’action, sa aible distance a la situation, relevant a la ois son plaisir ace au de  que repre sentent les moments de rush et sa cole re ace aux ordres contradic- toires d’un manager. Les notes de terrain portant sur soi ne sont pas toujours destine es a e tre publicise es mais elles constituent une e tape ne cessaire a la maturation de la re fexion : dans cet exemple, pour se convaincre de l’em- prise d’une organisation qui mode le les comportements et abolit une part du discernement chez ses membres. 47 3 Collecter les matériaux E clairantes sur la situation, ces inormations sont diciles a saisir directement chez les acteurs qui les gardent souvent pour eux. Et s’ils en parlent, ils peuvent e tre soupc onne s de vouloir peser par la sur la situation a leur avantage sans qu’on sache, du coup, la re alite de ce qu’ils e prouvent. L’observateur doit cependant conronter ses propres sentiments a ceux qu’expriment les acteurs eux-me mes et les rapporter a la condition de chacun. N. Jounin ne s’appuie pas sur ses seules sensations pour mettre en avant la pe nibilite ou le danger du travail sur les chantiers. Il sait que cela pourrait tenir a « sa condition d’aspirant intellectuel soudainement plonge dans le travail ouvrier » (2009, p. 246). Il la compare a celle des ouvriers qu’il observe, dont certains sont novices comme lui, et dont la douleur lie e au port de la ceinture dorsale montre les « eets pathoge nes du chantier » (ibid.). Le recours aux sens n’est possible sur le terrain qu’une ois acquise une matrise minimale de la situation. En eet, concernant la vue, on ne voit souvent rien ou pas grand-chose dans les premiers temps, tout occupe qu’on est a tenir son ro le, a repe rer et a noter le cadre des actions. Il en va de me me de l’oue : l’attention au ton, aux variations de ton selon les circonstances, selon la cate gorie du locuteur ou du destinataire, ne vient pas d’emble e. On est d’abord concentre sur le seul contenu des conversations avec la crainte de ne pas arriver a les me moriser. Pour se orcer a voir ou a entendre davantage, on peut s’imposer de suivre des guides d’observation. En plus des sens, sont sollicite es pour cet exercice les qualite s de se rieux, de discipline, requises d’ordinaire dans tout travail scientique. Certains manuels les mettent au premier plan en pre conisant des inventaires syste - matiques1. Ce peut e tre un auxiliaire utile de la me moire mais il comporte le risque de mettre en conge , dans le temps du recueil, l’ambition de compre hension imme diate qui ame ne a tirer le meilleur parti de l’enque te de terrain : l’observation directe est bien su r avorable a l’objectivation des pratiques mais elle se me ne aussi dans une situation propice a l’e coute des acteurs pour entendre leurs commentaires sur leur action et pour e tendre l’objet d’e tude dans telle ou telle direction qu’ils peuvent sugge rer, ce qu’un usage trop servile de grilles risque d’empe cher. A condition donc de ne pas en aire une n en soi, l’exercice d’observation syste matique permet au 1. Ainsi M. Mauss (1967) recense-t-il l’ensemble des inormations a recueillir pour de crire une socie te , tandis que M. Maget (1950) propose des plans d’inventaires pour la description des groupes domestiques, des exploitations agricoles ou des entreprises artisanales, etc. 48 Collecter les matériaux 3 regard de s’e largir et d’en venir a s’arre ter a ce qui n’est pas a sa place, a ce qui surprend a tel endroit, dans telle circonstance, a ce qui sert aux acteurs pour se repe rer et classer les situations… Parmi les aculte s mentales mobilise es, la principale est la me moire, le souci de retenir jusqu’au de tail : en pre lude a la prise de notes mais aussi en comple ment de celle-ci quand on songe qu’elle ne saurait porter sur tout. C’est a la me moire qu’on en appelle quand vient a l’esprit telle piste interpre - tative qui combine des ordres de aits qu’on n’avait pas rapproche s jusque- la et qu’on cherche a lui donner de l’e paisseur en la mettant a l’e preuve de sce nes de ja observe es pour lesquelles on ne dispose pas de notes e crites susantes dans la mesure ou l’on n’avait pas encore senti l’e ventuel lien entre des e le ments e loigne s. La me moire ne cesse de se de velopper a mesure qu’on la sollicite. Surtout que son exercice se trouve e tre de plus en plus acile a mesure qu’on pe ne tre davantage dans la situation. Les premiers e le ments recueillis apparaissent en eet inde pendants les uns des autres et chacun re clame un eort propre de me morisation. A mesure que des ls se nouent, la me moire devient capable de conserver la trace de aisceaux d’e le ments imbrique s. L’exercice de la me moire est donc couple avec la que te permanente de cohe rence, de compre hension et d’interpre tation. Celle-ci interdit de recevoir les inormations de ac on passive et incite a les agencer dans des explications cohe rentes, sous re serve touteois d’accepter de remettre en doute les certitudes d’un jour au regard d’e le ments contradictoires recueillis le lendemain. L’exercice de la me moire est couple aussi a la aculte d’e tonne­ ment du chercheur qui accroche ses sens a des e le ments parois marginaux. La encore, c’est un ressort de l’acuite de la me moire mais aussi de la capa- cite d’analyse (c. chap. 4). Ainsi, l’e veil, la disponibilite d’esprit, l’ouver- ture, la curiosite orientent vers tel e le ment dont l’examen pousse montrera peut-e tre qu’il est structurant d’un certain nombre de pratiques. Inte resse par le travail contraint du ait de la pre sence de dangers d’irradiation dans l’industrie nucle aire, P. Fournier (1996a, p. 109) sent son enque te parasite e par un confit entre deux de ses inormateurs. Cela lui impose de porter son attention vers les dynamiques proessionnelles dans l’entreprise et lui ait s’apercevoir que les redoutables dangers d’irradiation constituent aussi, pour certains, des ressources sollicitables dans des argumentations visant un contro le de la proession par ses membres. 49 3 Collecter les matériaux 1.3 Quelle forme donner aux informations recueillies ? Si l’observation directe comporte un travail d’impre gnation, si les impres- sions ressenties par l’observateur ont un inte re t heuristique, si des interpre - tations e mergent dans le temps me me de l’observation in situ, l’analyse ne s’arre te pas quand l’observateur quitte le terrain ni ne se limite a ce qui a marque sa me moire au point qu’il l’a toujours en te te apre s des semaines d’investigation. L’analyse se pre cise, se syste matise apre s coup. Mais, pour e tre exploitables a ce moment-la , les donne es d’observation doivent avoir e te mises en orme avec pre cision. La orme la plus e vidente est la description de taille e de ce que l’observateur a vu ou entendu. De crire les e le ments de la sce ne, les ve tements des acteurs, les objets qu’ils manipulent, l’organisation spatiale de leur rencontre et de leur interaction. De crire aussi les enchane- ments d’actions qui ont la situation observe e, le de tail des gestes, les de pla- cements, l’ordre des prises de parole, les arguments sollicite s. Aussi souvent que possible, les constats doivent prendre la orme de comptages (Pene, 1995). Pensons au nombre de portes ouvertes et erme es par un surveillant de prison, au nombre d’appels te le phoniques rec us par une employe e de bureau en une journe e… Les plus coope ratis des enque te s ne sont pas toujours en mesure de ournir pareille inormation si cette objec- tivation de leur pratique ne pre sente pas d’inte re t pour eux, que ce soit pour organiser leur travail ou pour en rendre compte a des tiers. Elle est parois inaccessible et cette diculte est une inormation en soi, comme sur les chantiers ou le fou des espaces et l’e cran des statuts empe chent de connatre pre cise ment l’eecti pre sent (Jounin, 2009, p. 244-245). Elle est en revanche utile pour comparer des postes de travail entre eux. Ce type de statistique descriptive a la charge de l’observateur ne re clame pas de compe tences tre s pousse es. Les de nombrements requie rent en revanche une pre cision et une vigilance extre mes, notamment pour des phe nome nes se de veloppant sur une longue pe riode, de ac on a ne relever que des aits homoge nes et a tenir compte des variations de l’activite au cours du temps (Roy, 2006, p. 37-43). La disposition imme diate de comptages de traces nume riques comme dans l’exemple de l’e coute de la musique en streaming2 re clame un vrai travail de re fexion sur les cate gories pour savoir a quelles conditions s’en servir. 2. Jean-Samuel Beuscart, Samuel Coavoux, Sisley Maillard, « Les algorithmes de recomman- dation musicale et l’autonomie de l’auditeur. Analyse des e coutes d’un panel d’utilisateurs de streaming », Re seaux, n° 1, 2019, p. 17-47. 50 Collecter les matériaux 3 Ce souci de syste maticite dans les constats se retrouve dans les objec- tivations de l’occupation du temps et de l’espace e voque es plus haut. Les chroniques d’activite montrent, par exemple, que l’activite du chirurgien se partage entre l’ope ration au sens strict et tout un travail d’organisa- tion pour pre parer l’ope ration et en ge rer les suites, ne serait-ce qu’en se lectionnant les malades a ope rer ou en tenant inorme s apre s coup les me decins qui les ont dirige s vers lui (Pene, 1997). Les cartes de de ambulation permettent de mettre en e vidence un usage die rencie de l’espace, par exemple celui du muse e, parcouru par certains de manie re se lective pour s’arre ter devant des œuvres particulie res, et par d’autres de manie re syste matique, avec un inte re t plus ou moins marque pour les inormations associe es aux œuvres3. Pour restituer la cohe rence de la situation et pour mettre au jour les logiques d’acteurs qui s’y rencontrent, il aut disposer d’inormations sur ces acteurs, sur les ressources dont ils disposent, sur les conditions de leur acquisition, de leur accumulation. Il ne s’agit pas orce ment d’utiliser un questionnaire ni de mener des entretiens biographiques, ce qui paratrait incongru dans le cas de l’observation incognito, et me me dans l’observation a de couvert, comme en ait l’expe rience C. Avril (2014, p. 57) aupre s des aides a domicile, tre s loquaces pendant leur travail et les conversations inormelles avec l’enque trice, mais peu enclines a se pre ter a la verbali- sation de leurs ta ches centre es sur le me nage dans le cadre d’entretiens enregistre s. Le sexe, l’a ge, le statut dans la situation sont quasi imme diate- ment disponibles. La pre sentation de soi, l’hexis corporelle, les choix vesti- mentaires, les pratiques langagie res constituent des pistes pour pre ciser le portrait. Les inormations biographiques circulant dans la situation au hasard des conversations apportent des comple ments, et tenir a jour des sortes de ches biographiques permet de reconstituer des portraits complets a partir de ces e le ments disparates. N. Renahy (2010) consigne ainsi les indices d’appartenance locale des jeunes ouvriers d’une PME rurale, la voie de recrutement de chacun, le ro le e ventuel de relais ami- liaux… pour comprendre le mode de perpe tuation de l’ordre ouvrier dans cet espace. Le recueil des paroles e change es en situation ouvre sur plusieurs usages. Un lexique indige ne peut consigner, outre les expressions 3. Coavoux Samuel, « Planier et se lectionner. Rapports au temps des visiteurs de muse es et le gitimite culturelle », Actes de la recherche en sciences sociales, 2019, n° 226-227, p. 31-47. 51 3 Collecter les matériaux originales (relevant d’un jargon technique), les choix d’images retenus pour cate goriser certains publics, comme les pompiers le ont avec les « pseudo-comateux », jeunes alcoolise s d’une e cole de commerce, ou les « assiste s » qui de signent ceux qui appellent abusivement a leur secours (Pudal, 2016). Ils disent quelque chose du rapport des acteurs a la pratique et au me tier : ici le souci d’un service public que certains appels de voient, conduisant a une de sillusion au l du temps. Au-dela , ce sont parois directement des conversations entendues dans la situation dont dispose l’observateur. Il s’agit alors non pas tant d’une parole inormative sur les pratiques sociales que de la parole comme pratique sociale, justiciable par la d’observation directe pour saisir les eets vise s par cette action dans la situation. Les blagues et autres traits d’humour, qui peuvent e tre parois non verbaux, en ont partie. Pour le chirurgien, ils maniestent sa distance au ro le lors de l’ope ration de ac on a en atte nuer le poids moral pour l’e quipe en me me temps qu’il l’autorise a assumer son ro le de contro le des gestes de ses subordonne s sans que ceux-ci aient a prendre ses remarques comme des sanctions qui les aecteraient et les de solidariseraient du travail d’e quipe (Goman, 2002). Le cynisme ou la violence verbale sont du me me ordre : caracte risant certains rapports sociaux au sein des cabinets d’audit ou de conseil (Stenger, 2017, p. 23), ils ne peuvent e tre saisis que par observa- tion, n’e tant pas toujours revendique s en entretien. Toutes ces inormations recueillies par observation directe sur le terrain n’ont d’inte re t pour l’analyse qu’a condition d’avoir e te note es ou enregistre es de ac on a e tre exploitables et ce sont ces e le ments qui distinguent le travail d’enque te de terrain des tentatives d’ine rence qui peuvent e tre aites dans le cadre du data mining sur la seule oi des traces de pratiques d’acteur telles qu’enregistre es sur le net et du « prol » d’acteur tel qu’e tabli a partir du rapprochement d’autres traces nume riques de pratiques. 2. Noter, enregistrer Outre la question du choix de ce qui me rite d’e tre observe et consigne , se pose la question de la orme que doivent prendre ces notes qui ont l’essentiel du mate riau concret servant d’appui a l’analyse. 52 Collecter les matériaux 3 2.1 Trouver le temps de noter Une caricature du chercheur de terrain pourrait le montrer de ambu- lant avec un petit carnet a la main. Prendre des notes n’est pourtant pas toujours possible sur le terrain proprement dit. On le comprend bien en ce qui concerne l’observation incognito : la prise de notes re ve lerait l’iden- tite du sociologue, du moins si le ro le qu’il occupe ne pre voit pas d’acti- vite d’e criture. C’est le cas pour l’observateur en milieu industriel : d’une part, le travail s’y exerce souvent sous contrainte de temps ; d’autre part, il n’est pas toujours d’usage d’e tre muni d’un carnet de notes dans ces univers. Cependant, l’usage re quent du te le phone mobile par les acteurs autorise le sociologue a se servir du sien pour quelques notes en situation. Ces notes sont importantes pour des de tails parois cruciaux mais elles ne peuvent souvent e tre que tre s limite es. L’observateur a de couvert rencontre les me mes obstacles a la prise de notes s’il a choisi de prendre part a un ro le existant avec une orte implication ou lorsque la prise de notes le stigmatise comme « envoye de la hie rarchie » et me me « pe de » dans le milieu viriliste des ociers de gendarmerie tel qu’observe lors d’une ormation aux actions de pre vention de la toxicomanie (Selponi, 2018). En conse quence, le temps de la prise de notes s’e tend bien au­dela du temps de pre sence sur le terrain. A l’issue de chaque phase continue d’observation, d’une journe e par exemple, il est ne cessaire de consacrer du temps a la re daction d’un compte rendu de ce qui a e te observe : a partir de ses souvenirs et des e ventuelles bribes note es au cours de la journe e. Cela revient, lorsque l’observation se ait a temps plein avec prise en charge d’un ro le existant, a assumer une double journe e de travail. Et si cette deuxie me journe e n’est pas susante, il aut pre voir du temps pour poursuivre la prise de notes au-dela du temps de l’enque te sur le terrain. Quand les souvenirs s’e puisent et que ne revient a l’esprit qu’un e ve ne- ment de temps en temps, ce n’est pas pour autant la n de l’activite de noter. D’autres types de notes succe dent a la chronique minutieuse de ce qui a e te observe sur le terrain. On commence a analyser, a rapprocher tel et tel e ve ne- ment, parois en relisant ses notes. Il aut avoir conscience des particularite s de ce mode d’investigation qui conduit a disposer, a l’issue de l’enque te, de die rents types de notes. 53 3 Collecter les matériaux 2.2 Reprendre ses notes plusieurs fois Les premie res notes, prises sur le vi, ne servent souvent que d’appui, lors de la re daction du compte rendu de taille , pour se reme morer quelques e ve nements singuliers, tel comptage ou telle parole entendue. On se propose de de signer ces notes comme notes repe res. Ainsi, on trouve sur un des carnets tenus lors d’une enque te ou sont observe s des oraux de validation des acquis de l’expe rience (VAE) en vue d’obtenir le diplo me d’aide-soignante, la simple mention : « 7 h 55-8 h 11. Appel des candidates. 16 (1 homme). – 1 renvoye e : sans timbre = VN. +1 qui revient a temps avec timbre (poste ? tabac ?). Retard = VN. “Quand me me un diplo me d’E tat”. » Ces notes repe res, prises au moment d’une pause dans la journe e, ne deviennent explicites que lorsqu’elles s’e toent, a l’issue de la journe e, en un re cit de taille des e ve nements auxquels elles renvoient : « 7 h 15. Quelques voitures stationnent de ja dans le parking, immatricu- le es dans toute la re gion. Des personnes ument devant le centre d’examen, seules ou bavardant avec d’autres. Les autres restent dans leur voiture : une d’elles est seule, le livret pose sur le volant ; une autre, la portie re ouverte, le lit sur ses genoux, le dos tourne au chaueur qui attend sans rien aire. Deux ou trois sont assises dans le hall du centre d’examen. On dirait un hall d’ho tel. Je croise C. [la responsable] qui sort pour umer. Elle en prote pour interpeller les candidates qu’elle croise en leur demandant de ve rier qu’elles ont bien la photocopie de leur carte d’identite et leur timbre [pour l’envoi de leurs re sultats en recommande ]. Des aches appose es au mur le leur rappellent aussi. L’une d’elles s’aperc oit ainsi qu’elle a oublie le timbre : C. lui dit de s’en occuper et de revenir avant 8 h 05, sans quoi elle sera conside re e comme absente : elle semble panique e et part en courant dans ce quartier qu’elle ne connat sans doute pas. Je me demande s’il y a une poste ou un tabac ou on peut trouver des timbres a cette heure-ci. C. me propose de venir assister a l’appel qui serait “inte ressant” pour moi : je la suis autant pour voir ce qu’elle entend par la que pour montrer ma bonne volonte [les notes de crivent ensuite les interactions avec C. et les premiers membres du jury qui arrivent et bavardent autour d’un cae ]. 7 h 55. C. rejoint le hall et se place debout pre s d’une table place e en travers du couloir d’acce s aux salles d’examen. Elle commence par renvoyer tous les accompagnateurs : une dizaine de personnes sortent du ba timent 54 Collecter les matériaux 3 pour rejoindre leur voiture ou le bar qu’elle leur a indique. Il ne reste plus que 16 personnes. “Je vais vous appeler par ordre alphabe tique. Pre parez vos pie ces d’identite , photocopie et timbre.” Elle appelle chaque nom pre ce de de Madame (et monsieur pour le seul homme du groupe). Chacune re pond “pre sente” et s’approche de la table avec ses documents. Lorsque tout est en re gle, la candidate passe de l’autre co te de la table. C. s’agace ace a l’une d’elles qui n’a pas les documents en main et ouille dans son sac pour un temps que C. juge superfu. Une candidate (premie re candidature ?) se pre sente sans le timbre. C. ne s’e nerve pas vraiment mais lui montre les aches et lui ait relire sa convocation ou les documents obligatoires sont mentionne s. Elle la renvoie et me dit : “elle, c’est validation nulle”. Elle surligne son nom en vert. Les autres passent. Celle qui e tait partie a la recherche de timbres arrive essoufe e : C. l’accepte. Je me sens soulage e qu’elle ait re ussi apre s l’avoir vue partir les larmes aux yeux. 8 h 11. Tout le monde est passe. Une candidate arrive un peu plus tard et C. la renvoie : “Regardez l’heure sur votre convocation. C’est quand me me un diplo me d’E tat” ! » Ce re cit rele ve du journal de terrain proprement dit, document ou sont consigne es les observations aites sur le terrain au jour le jour, au soir le soir devrait-on dire. Le travail doit e tre re pe te si la sce ne se re pe te le lende- main. C’est ne cessaire pour pouvoir s’attacher aux e ventuelles variations rencontre es et parce que l’attention se porte peu a peu sur des de tails qui ne pouvaient e tre releve s en une seule ois. Par exemple, ici, l’observation est centre e sur C. Les re actions des candidates ne sont pas pre cise es, a part pour la candidate qui part a la recherche d’un timbre et dont l’observateur remarque les larmes : les autres acceptent-elles passivement le traitement qui leur est re serve ? N’y a-t-il aucune marque d’indignation ace a l’exclusion de l’une d’entre elles ? Ce type d’inormations gurera dans le journal mais a l’occasion de sce nes ulte rieures. Le journal peut prendre une orme e crite : son support mate riel est un carnet, un cahier, des euilles nume rote es, un chier e lectronique. Il peut aussi prendre une orme orale et e tre enregistre : c’est une ac on de gagner du temps en se reme morant imme diatement un maximum d’inorma- tions, gain particulie rement important lorsqu’on assiste a des interactions tre s nombreuses ou tre s denses. Cette technique re duit touteois l’eet de reme moration patiente qui se joue dans la re daction manuscrite quand on se donne pour consigne de suivre le l chronologique de l’observation. En 55 3 Collecter les matériaux outre, les suggestions interpre tatives qui ne manquent pas de venir a l’occa- sion de ce travail d’e criture arriveront trop tard pour e tre mises a l’e preuve du terrain si la retranscription de l’enregistrement est tre s de cale e dans le temps. Le journal de terrain n’est pas destine a e tre utilise tel quel dans le compte rendu nal de l’enque te mais constitue un mate riau de base pour l’analyse. Il vise donc le recueil le plus pre cis possible d’un maximum d’inormations, sans que cela passe toujours par une re daction comple te. S’il est plus expli- cite que les notes repe res, il reste de l’implicite, ne serait-ce que sous orme de termes indige nes qu’un lecteur exte rieur ne peut comprendre : la « vali- dation nulle » de signe ici le cas ou la candidate n’acquiert aucun des huit domaines de compe tence du diplo me qu’elle vise. Ces termes e vitent de longues pe riphrases. Le journal devra ne cessairement e tre comple te : laisser de l’espace a cette intention est donc important, par exemple en remplissant seulement une page du carnet sur deux. Le journal tenu sur ordinateur aci- lite les comple ments de notes et permet de disposer ensuite de moyens de recherche en plein texte. Si on veut garder la trace du caracte re progressi de la prise de notes, on peut utiliser des outils de suivi des modications du chier. La prise de notes continue au-dela de l’enque te sur le terrain. On se propose de de nommer le document re dige a ce moment-la le journal d’apre s­journal. Cette de nomination rend compte du moment ou celui-ci est re dige , apre s le journal de terrain, mais aussi de la ac on de le tenir : c’est en relisant le journal de terrain, donc d’apre s celui-ci, qu’un certain nombre de souvenirs reviennent et que de nouvelles re fexions surgissent. Ce journal, poste rieur mais rattache au pre ce dent par sa chronologie, est e crit « sur le vi » non pas du terrain mais du premier retour aux notes de terrain : avec le souci de pre ciser, d’e claircir les premie res ormulations consigne es, de quali- er de re currents certains e ve nements, de signaler telle incongruite... S’il est e crit en marge du journal de terrain proprement dit, mieux vaut utiliser une couleur die rente pour distinguer ce qui a e te e crit au moment de l’enque te de ce qui est rajoute , a un moment ou on est autrement inorme sur la re alite de crite4. Voici un extrait correspondant a la relecture du journal cite pre ce - demment, environ un an apre s la n de l’enque te : 4. On reviendra, dans le chapitre 5, sur l’inte re t qu’il y a a conserver intactes les traces chrono- logiques des premie res compre hensions que le chercheur manieste ace a la situation. 56 Collecter les matériaux 3 « Les oraux me ritent d’e tre observe s en dehors des temps pre cis d’inter- action entre les candidates et les jurys. J’ai d’abord pense que le moment de l’appel en de but de session n’e tait qu’un moment de ormalite sans inte re t, qu’il valait mieux que je reste bavarder autour d’un cae avec les membres du jury qui arrivaient peu a peu et que les choses importantes commenc aient vraiment avec la re union ou C. accueille les candidates pour leur expliquer le de roulement de la journe e. En ait, malgre son apparente routine et sa courte dure e – 10 a 15 minutes –, la proce dure d’appel apparat comme posant un rapport de solennite a l’exercice par-dela l’enjeu premier d’acce s a l’examen. La re ussite de cette e preuve qui ne dit pas son nom est mate rialise e par le passage de l’autre co te de la table qui barre l’acce s aux salles d’examen. Les conditions de ce passage peuvent sembler triviales : il aut arriver a l’heure et disposer de tous les documents demande s. Les sanctions sont explicite es dans le euillet annexe intitule “Modalite s d’enregistrement” : l’absence de pie ce d’identite ou de timbres empe che de passer l’examen. Celles qui s’en aper- c oivent a temps peuvent rattraper leur oubli (un tabac a environ 10 minutes a pied ouvre vers 7 h 15). Le retard est aussi dirimant. C. distingue ces cas de ceux des candidates qui se sont de siste es a l’avance et qui, elles, ne devront pas reaire toutes les de marches pour e tre convoque es lors d’une prochaine session. Je suis surprise a la ois par la violence de la sce ne et par la re quence des oublis de documents et des retards. En ait, en dehors des cas d’embou- teillages de mesure s, l’e limination par retard ou de aut de documents a ce stade vaut seulement pour des primo-candidates : savoir que cette e preuve est e liminatoire et que C. applique la re gle sans concession change les choses. Je n’ai pas releve ici de marques de contestation ace aux sanctions mais il y en a parois : des candidates exclues partent en soufant ou en aisant du bruit, des candidates proposent des timbres a celle qui en manque. Un jour ou j’ai des timbres sur moi, je dis a C. que je peux les passer a une candidate dont je vois qu’elle n’aura pas le temps de revenir mais C. m’enjoint de ne pas le aire. Son extre me rigueur est assortie d’un souci constant d’explicitation de ces re gles – courriers, achage –, d’alerte – conversations le matin pour e viter d’avoir a sanctionner – et de justication – “c’est un diplo me d’E tat”. Elle interpre te les manquements comme un de aut de compe tence proessionnelle qui justie de ne pas acce der au diplo me, comme une orme de de ni de la valeur du diplo me et, par suite, comme une orme de me pris pour son propre travail d’organisation. L’application stricte des re gles lui parat re pondre a son devoir inculquer la rigueur a ces travailleuses d’un univers tre s re gle. » 57 3 Collecter les matériaux La sce ne de base n’est pas vraiment reprise mais sert de pre texte pour de velopper quelques pistes d’analyse et pour se reme morer d’autres sce nes. Dans le journal de terrain, l’appel apparat comme un moment de ormalite s administratives qui donne lieu a un premier tri des candidates. Sa relecture ait mieux voir comment C. en ait aussi un test de leur motivation et de leurs capacite s a suivre des consignes. Le journal d’apre s journal comprend davantage d’analyses explicites que les autres e crits, notamment par rappro- chement de die rentes sce nes observe es, note es apre s coup. Il est plus qu’un simple enrichissement du journal de terrain. 2.3 Laisser se mêler différents types de notes Les notes repe res sont actuelles : elles se pre sentent sous la orme de listes. Dans chacun des autres documents s’entreme lent en revanche die - rents types de notes. Des notes descriptives pre sentent les lieux et les personnes, livrent des re cits d’e ve nements, d’interactions, comme entre C. et les candidates. Des re fexions personnelles rendent compte des impres- sions de l’observateur, comme ici la surprise ace a la violence de la sce ne. Elles permettent de garder la trace du de roulement pre cis de l’enque te et des rapports entre enque teur et enque te s qui servira au moment de l’analyse (c. chap. 5). Elles contribuent a e clairer les choix aits par le chercheur pour mieux s’inse rer sur le terrain – comme lorsqu’il suit la proposition de C. de venir observer l’appel. Le compte rendu d’une journe e suscite aussi des ide es sur la ac on de se comporter le lendemain, sur les choses a observer ou a ve rier (ici, le ait que les candidates exclues se pre sentent pour la premie re ois ou non, la proximite de la poste), sur des textes sociologiques a lire (par exemple des comptes rendus d’enque tes sur d’autres examens oraux (Gautier, 2014) ou sur les classes populaires ace a l’administration (Siblot, 2006). Il aut rassembler ces notes prospectives entre chaque phase d’observation pour les avoir bien en te te avant de retourner sur le terrain. Enn, le journal de terrain comporte des notes d’analyse (comme ici sur la solennite et la rigueur impose es par C. a la ois comme le gitimation du tri entre candi- dates et comme rappel de la valeur du diplo me vise , avec pour eet de re as- surer sa propre position), me me si ces analyses ne sont que provisoires et pas encore onde es sur l’exploitation syste matique des e le ments recueillis : elles sont proches des notes prospectives en ce qu’elles appellent validation sur le terrain. 58 Collecter les matériaux 3 Ces die rents types de notes se trouvent en proportions variables selon le type de situation dont on veut rendre compte mais aussi selon l’avance e du travail de terrain : les notes repe res ont l’essentiel des premie res pages du carnet d’enque te, tandis que l’analyse croit jusqu’a e tre pre ponde rante dans le journal d’apre s journal. Il semble illusoire et inutilement contraignant de chercher a re diger de ac on clairement se pare e, sur des euilles die rentes, ces die rents types de notes, du moins pendant le temps de l’enque te. Le meilleur premier classement des notes reste celui de la chronologie qui con- cide avec la progression dans la conversion du chercheur en analyste inorme de la situation. En ge ne ral, on ne dispose pas d’autre ide e de classement au de but de la recherche. Puis s’imposent des regroupements. C’est ainsi que W. F. Whyte dit avoir proce de , classant ses ches selon les groupes auxquels elles se rapportaient lorsque le classement chronologique lui apparut insu- sant, au-dela de la premie re phase d’exploration (2007, p. 336). L’ordre chronologique sert alors de repe re pour organiser des ches the matiques comme on a re alise des ches biographiques : elles renvoient a des jours et a des pages des carnets d’enque te auxquelles il sut de se reporter. La sce ne de crite plus haut e tait ainsi mentionne e paralle lement dans les ches « compe tences valorise es », « rapport aux re gles proessionnelles », et « mise en sce ne de l’e preuve ». Au terme de ce chapitre, le travail d’observation peut apparatre comme une « occupation industrieuse et obsessionnelle », qui rele ve d’un « geste artisan, lent et peu rentable », qui, tout comme le travail d’archives pour l’historien, « ait parois mal a l’e paule en tiraillant le cou » (Farge, 1989, p. 24-26). L’obstination, la patience ne sont-elles pas aussi des qualite s pour l’observateur sur le terrain ? Il lui aut s’accommoder d’une certaine lenteur car c’est cette lenteur qui est cre atrice (p. 71). 59

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