TD 1 : La police administrative PDF

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This document details police administration, including its nature, activities (and) distinction from police judiciaire. It also touches on the role of the state and the importance of law in maintaining public order, drawing reference to Rousseau and Montesquieu.

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TD 1 : La police administrative I- La notion L’administration a recours à divers moyens, outils juridiques, étudiés lors du 1er semestre : - Les actes administratifs unilatéraux - Les actes administratifs plurilatéraux Ces actes juridiques permettent à l’administration d’exercer des...

TD 1 : La police administrative I- La notion L’administration a recours à divers moyens, outils juridiques, étudiés lors du 1er semestre : - Les actes administratifs unilatéraux - Les actes administratifs plurilatéraux Ces actes juridiques permettent à l’administration d’exercer des missions, des finalités, des activités : - La police administrative (PA) - Le service public (SP) La PA renvoie à une activité et non aux agents. Cette acticité de PA ne doit pas être confondue avec la police judiciaire. En effet, la PA et la PJ poursuivent des objectifs différents. La PA symbolise la puissance publique, puisque l’État, pour assurer l’activité de PA, a recours aux actes unilatéraux visant à restreindre l’exercice des libertés publiques. Ainsi, la PA peut être perçue comme coercitive et liberticide. Toutefois, en réalité, la PA revêt une dimension libérale puisque la contrainte vise avant tout à garantir la liberté. Cette réflexion renvoie aux écrits de certains philosophes tels que ROUSSEAU et MONTESQUIEU qui considèrent qu’il n’y a pas de liberté sans lois et que la liberté ne signifie en aucun cas le pouvoir de faire ce que l’on veut. J. FOUCHE, ministre de la Police sous le Directoire, le Consulat, l'Empire et pendant les Cent- Jours, rédigea en 1815 une circulaire dans laquelle il exprime ce qu’est la police. Selon ce texte, la police « est instituée, ainsi que la justice, pour assurer l'exécution des lois et non pour les enfreindre, pour garantir la liberté du citoyen et non pour y porter atteinte, pour assurer la sécurité des hommes honnêtes et non pour empoisonner la source des jouissances sociales. Elle ne doit ni s'étendre au-delà de ce qu'exige la sûreté publique ou particulière, ni gêner le libre exercice des facultés de l'homme et des droits civils, par un système violent de précautions » (B. SEILLER, La notion de police administrative, RFDA, 2015) A- La distinction entre la PA et la PJ Les agents de PA et PJ ne sont pas différents. Un même agent peut agir en matière de PA et de PJ. Par exemple, le maire est à la fois OPJ et autorité de PA dans sa commune. Ainsi, ce qui distingue ces deux activités sont l’objectif poursuivi, l’ordre juridictionnel compétent et le droit qui régit la matière. En matière de PA La finalité poursuivie est la préservation de l’ordre public. Ainsi, la finalité de la PA est préventive. Elle vise à prévenir les troubles à l’ordre public et à garantir le bon ordre public au moyen d’activités de contrôle et de surveillance. 1 D’ailleurs, les définitions de la PA données dans les manuels de droit administratif font le lien entre PA et OP : - Selon R. CHAPUS, « exercer la police administrative, c'est assurer un service public : celui du maintien de l'ordre public » (Droit administratif général, t1, 2001). - Pour P.-L FRIER et J. PETIT, « la police administrative apparaît (...) comme la fonction de l'administration qui a pour but de faire régner l'ordre public, en imposant en amont aux membres de la société des restrictions à leurs libertés publiques, pour assurer la discipline qu'exige la vie sociale » (Précis de droit administratif, 2014) - Pour D. TRUCHET, la police « a pour objet d'empêcher que l'ordre public soit troublé » (Droit administratif, 2013) En assurant l’ordre public, les libertés sont protégées. En effet, la liberté ne consiste pas à faire tout ce que l’on veut, mais tout ce qui ne nuit pas autrui : - Article 4 DDHC : « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits » ; - Article 12 DDHC : « La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique ». Plusieurs auteurs ont d’ailleurs démontré que l’absence de limites était préjudiciable pour les libertés : - FENELON disait « la liberté sans ordre est un libertinage qui attire le despotisme » (Examen de conscience sur les devoirs de la royauté, 1838) - PEGUY affirmait : « L'ordre, et l'ordre seul, fait la liberté. Le désordre fait la servitude. Seul est légitime l'ordre de la liberté ». - J.-H.-N de FOOZ soulignait que « lorsque chacun jouit d'une liberté sans bornes, la liberté n'existe pour personne » (Le droit administratif belge) - E. PICARD : « l'ordre public ne doit pas être conçu comme le tombeau des libertés et des droits, mais comme leur abri même » (Dictionnaire de culture juridique) L’ordre juridictionnel compétent est le JA et le droit utilisé pour régir l’activité est le droit administratif. En matière de PJ La finalité poursuivie est la constatation d’une infraction et la recherche des auteurs de l’infraction. Ainsi, la finalité de la PJ est répressive. Contrairement à la PA qui est une activité administrative, en matière de PJ, il est question d’infractions et par conséquent, il s’agit d’une activité judiciaire. L’ordre juridictionnel compétent est le JJ et le droit utilisé pour régir l’activité est le droit privé. La finalité distincte de la PA et PJ a été soulignée dans la jurisprudence comme cela est démontré ci-après. Mais cette distinction avait déjà été consacrée plus tôt en doctrine. Selon de FOOZ : « La police judiciaire se dirige vers le passé. Elle s'attache à des individualités, soit de faits, soit de personnes. Elle n'atteint que des actions coupables et punissables. Elle est consécutive ; elle est répressive. La police administrative se préoccupe d'éventualités, soit qu'elle impose l'obligation de faire, soit qu'elle défende de faire ou bien qu'elle prescrive de souffrir ou de laisser faire. Elle dispose pour l'avenir et seulement pour l'avenir. Elle est essentiellement préventive, préservatrice » (Droit administratif belge). 2 CE, Baud, 1951 Lors d’une opération de police visant à appréhender des individus signalés comme faisant partie d’une bande de malfaiteurs, un homme a été tué accidentellement. Les requérants ont formé une demande d’indemnité auprès du ministre de l’Intérieur qui a rejeté la demande. Les requérants saisissent le CE pour contester la décision de rejet. Le CE se reconnaît incompétent et rejette la requête car il s’agit d’une opération relevant de la PJ et que seuls les tribunaux de l’ordre judiciaire sont compétents. TC, Consorts Noualek, 1951 Exemple de fiche d’arrêt : Faits Lors d’une opération de police visant à effectuer une visite domiciliaire, une femme vivant dans un immeuble voisin a été blessée par un coup de feu (considérant 1). Procédure Les requérants ont engagé la responsabilité du représentant de l’Etat au niveau départemental devant le tribunal civil de Clermont- Ferrand. Un appel a été interjeté devant la Cour de Riom qui s’est reconnue compétente pour statuer sur la demande dont elle était saisie. Le représentant de l’Etat élève le conflit devant le TC (considérant 2). Moyens des parties Aucun en l’espèce Problème de droit Quelle est la nature de l’opération de police ? Est-ce que l’opération de police est de nature judiciaire ? Solution L’opération n’avait pas pour objet la recherche d'un délit ou d'un crime déterminé. Il s’agit par conséquent d’une opération de police administrative, exclusive des règles protectrices du domicile privé des citoyens. Les tribunaux judiciaires sont incompétents pour se prononcer sur la responsabilité civile de l'Etat (considérant 3). CE, 1960, Sté Frampar La saisie de certains journaux pour éviter des troubles à l’OP est une opération de PA. TC, Consorts Tayeb, 1968 Un individu a un comportement qui est de nature à laisser penser qu’il va commettre un délit. L’officier de police l’interpelle mais l’individu prend la fuite. L’officier le poursuit et le tue en faisant usage de son arme. Le TC considère qu’il s’agit d’une opération de PJ et que ce sont donc les tribunaux judiciaires qui sont compétents. CE, Consorts Ferran, 1981 La mise en fourrière d’un véhicule est une opération de PJ. Seul le JJ est compétent pour connaître des actions en responsabilité fondées sur les irrégularités dont serait entachée la mise en fourrière. TC, Chauvel, 2005 Une zone du centre-ville de Bayonne était interdite à la circulation en raison de festivités. Des agents de police ont donc empêché un conducteur de pénétrer dans cette zone. Le conducteur 3 en question a commis un outrage à agent. Pour ces raisons, les policiers ont interpellé le conducteur et l’ont immobilisé. Dans le cadre de l’opération, l’un des agents a donné un coup de poing au conducteur lui provoquant divers préjudices. Le TC considère que l'opération consistant à interpeller et appréhender un individu relève de l’exercice de la PJ. Compétence du JJ. En théorie, il est aisé de distinguer ces deux activités de police qui sont différentes. Toutefois, en pratique, la distinction des deux activités peut être plus complexe dans la mesure où d’une part, les agents de PA et de PJ sont identiques et d’autre part, une opération de PA peut se transformer à un moment précis (plus ou moins difficile à déterminer) en une opération de PJ. Néanmoins, en raison de la complexité des évènements qui s’enchaînent, il peut être difficile d’effectuer une distinction claire dans la caractérisation des différentes activités et de déterminer le « moment précis » où le basculement s’opère. TC, Demoiselle Motsch, 1977 Pour prévenir les actes de banditisme, des opérations de contrôle sont menées par la police (opération de PA). Dans le cadre d’un contrôle, un conducteur force le barrage, refuse de s’arrêter malgré la sommation, emprunte une voie en sens interdit et dirige le véhicule sur un agent. L’un des agents poursuit le véhicule et blesse la passagère en faisant usage de son arme. Le TC a considéré que plusieurs infractions avaient été commises et que par conséquent, l’opération visant à poursuivre l’individu relevait de la PJ. TC, Mlle Morvan, 1990 (affaire similaire à la précédente) Des agents de police assurent une mission de surveillance générale dans une voiture de patrouille. Lors de cette activité, ils reçoivent la consigne d'intercepter et d'interpeller des individus qui avaient provoqué une rixe dans un débit de boissons et s'étaient enfuis dans une voiture. Les agents prennent en chasse le véhicule. Le conducteur commet plusieurs infractions. Les agents parviennent à arrêter le conducteur et fouillent tous les individus. Au cours de l’opération, un coup de feu est tiré accidentellement et blesse une passagère. Opération de PJ, compétence du JJ. CAA Douai, 18 juin 2002, M. et Mme Mahmoun Inssi Un homme est victime d’un accident de la circulation. Il est pris en charge par les sapeurs- pompiers, aidés par les agents de la police municipale qui se trouvaient sur les lieux de l’accident pour effectuer une ronde de surveillance (opération de PA). L’homme s’enfuit du véhicule de secours. Les agents de police le poursuivent mais ne parviennent pas à le rattraper. L’homme se noie alors dans le fleuve à proximité. Les requérants souhaitent obtenir réparation du préjudice. La Cour considère qu’aucun élément ne permet de considérer que le comportement de la victime a été de nature à modifier le caractère de l'opération dans laquelle étaient alors engagés les agents de la police municipale. Opération de PA = compétence du JA. La caractérisation des activités de police est déterminante puisque c’est de cette caractérisation que découlent la saisine du juge compétent et l’application du droit. En guise de simplification et pour éviter à la victime de saisir deux juges différents, le TC a pu de façon étonnante ne reconnaître qu’un seul type d’opération de police alors même qu’il était possible de distinguer d’une part une activité de PA et d’autre part une activité de PJ. Exemple révélateur de cette simplification : 4 TC, Sté Le Profil, 1978 Dans cette affaire, des policiers escortent un convoyeur de fonds pour éviter des vols (opération de PA). Le convoyeur de fonds est attaqué par des voleurs. Les agents de police se lancent en vain à la poursuite des malfaiteurs (opération de PJ). La société lésée souhaite engager la responsabilité de l’Etat qui n’est pas parvenu à mettre en place un dispositif de protection adéquat et n’a pas fait obstacle aux agissements des agresseurs. En principe, la victime devrait saisir les deux ordres de juridictions. Néanmoins, le TC considère que l’intégralité des évènements relève d’une opération de PA car le préjudice trouve son origine dans les défaillances de la mission de protection. Or, une telle mission relève de la PA. Outre, la PA et la PJ, PICARD a également expliqué dans sa thèse qu’il existe une police législative. En effet, le législateur est compétent pour limiter les libertés, comme cela est souligné par la DDHC (article 4 : « … Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi »). Après avoir distingué PA et PJ il faut désormais parler des polices administratives spéciales (PAS). Au sein de la PA, il faut faire la distinction entre la PA générale et les PA spéciales. B- La distinction entre PAG et PAS La PAG se définit par son but, la préservation de l’OP, sachant que les atteintes à l’OP peuvent être diverses et variées. Pour qu’une autorité de PAG intervienne, elle n’a pas besoin de se fonder sur un texte prévoyant expressément son intervention. Il suffit qu’il y ait un risque d’atteinte à l’OP pour qu’elle puisse intervenir. Les PAS se distinguent de la PAG de différentes façons. Plusieurs critères sont avancés pour caractériser la PAS. Toutefois, la critériologie qui permet de démontrer la spécificité des PAS est variable. En effet, la doctrine ne s’accorde pas toujours sur les critères d’identification des PAS. La plupart des auteurs, comme le Doyen VEDEL, ont montré que la distinction PAG/PAS reposait essentiellement sur l’absence ou l’existence d’un texte spécial. 1er critère : l’existence d’un texte particulier è les PAS (la police de l’affichage, des immeubles menaçant ruine, de la chasse, de la pêche…) se fondent sur des textes particuliers contrairement à la police générale. 2ème critère : la poursuite d’un but particulier è la finalité des PAS peut être rattachée à l’un des buts de l’OP général (éléments matériels et immatériels) mais peut également être rattachée à un but extérieur à l’OP général (ex : l’écologie ; la préservation de l’esthétique…). Ainsi, la finalité des PAS peut être différente de la finalité poursuivie par la police générale. 3ème critère : les autorités compétentes en matière de PAS è les autorités sont désignées par le texte qui prévoit la PAS. - Une autorité de PAG peut également être compétente en matière de PAS (cumul de qualités) : le préfet départemental est également une autorité de PAS (les étrangers, les raves parties, immeubles insalubres) ; le maire est également une autorité de PAS (les funérailles et lieux de sépulture, les baignades, les édifices menaçant ruine). 5 - Il existe des autorités de PAS qui ne détiennent pas de compétence en matière de PAG : ministres (ministre de l’Intérieur, ministre de la Culture…) ; les présidents d’université… 4ème critère : les pouvoirs renforcés et étendus des autorités de PAS è certains auteurs se fondent sur le critère des moyens particuliers mis en œuvre. D’après RIVERO, il s’agit de moyens plus précis, techniquement adaptés à un domaine et plus rigoureux. Ex : la police de l’affichage publicitaire et des enseignes dans un but esthétique (possibilité d’ordonner la suppression, la mise en conformité, la remise en état des lieux, astreinte). Au lieu d’opposer police générale et polices spéciales, le professeur PICARD, dont la thèse porte sur la notion de la police administrative, propose une distinction entre OP général et OP spécial. Cette distinction rejoint également l’analyse effectuée par le professeur PRIEUR au sujet de l’OP écologique. D’après le professeur PICARD, les OP spéciaux apparaissent pour pallier l’insuffisance ou l’inadaptation de l’OP général. Quel est l’intérêt de créer une PAS ? Une PAS est créée dès lors que le législateur se rend compte qu’un secteur particulier nécessite une réglementation spécifique et que la PAG est insuffisante en la matière. C’est pourquoi, les PAS concernent en général des domaines très précis et techniques ; disposent de pouvoirs plus étendus et poursuivent des buts qui approfondissent les buts de l’OP général. En effet, la PAG : « en vertu de son inspiration libérale, peut seulement procéder à des interdictions et non soumettre des activités à une autorisation préalable. La création d'une police spéciale permet de surmonter cette incapacité. L'impuissance de la police administrative générale peut ensuite être structurelle, en ce sens qu'elle est liée à la limitation stricte des composantes de l'ordre public général. Celui-ci ne recouvre en principe que la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. Or la recherche de l'état dans lequel les libertés s'exercent au mieux peut inciter à prendre en considération d'autres buts et donc à enrichir la composition de l'ordre public. Il est alors nécessaire de créer une police spéciale pour donner aux autorités publiques la compétence et les moyens de poursuivre ces buts nouveaux » (B. SEILLER). Plusieurs exemples de jurisprudences qui illustrent le propos : CAA Bordeaux, 2006, M. Philippe Le préfet départemental dispose d’un pouvoir de PAS reconnu à l’art L.17 du Code de la santé publique et selon lequel, le préfet en cas d’urgence, c'est- à-dire en cas d'épidémie ou d'un autre danger imminent pour la santé publique peut ordonner l'exécution immédiate, tous droits réservés, des mesures prescrites par les règlements sanitaires. CE, 26 octobre 2011, Cne de Saint-Denis c. Société française du Radiotéléphone Selon le Code des postes et des communications électroniques, le ministre chargé des communications électroniques, l’ARCEP, l’ANFR disposent d’une police spéciale des communications électroniques visant à assurer d’une part un niveau élevé et uniforme de protection de la santé publique contre les effets des ondes électromagnétiques émises par les réseaux de communications électroniques et d’autre part visant à assurer un fonctionnement optimal de ces réseaux notamment par une couverture complète de ce territoire. Ainsi, seules ces autorités doivent déterminer les modalités d'implantation des stations radioélectriques sur l'ensemble du territoire ainsi que les mesures de protection du public contre les effets des ondes qu'elles émettent. 6 CE, Cne de Valence, 2012 Selon le Code de l’environnement, le ministre de l’Agriculture dispose d’une police spéciale de la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés visant à prévenir les atteintes à l’environnement et à la santé publique pouvant résulter de l’introduction intentionnelle de tels organismes dans l’environnement. Les autorités compétentes doivent apprécier s’il y a lieu d’autoriser la dissémination d’organismes génétiquement modifiés par leur culture en plein champ. CE, 2015, Cne Hébuterne Selon le CGCT, le maire, outre son pouvoir de PAG, dispose de pouvoirs de police spéciale en matière de contrôle des installations d'assainissement non collectif. CE, Ord., 2020, Cne de Sceaux Selon le Code de la santé publique, le législateur a institué une police spéciale donnant aux autorités de l'État mentionnées aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 la compétence pour édicter, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les mesures générales ou individuelles visant à mettre fin à une catastrophe sanitaire telle que l'épidémie de covid-19, en vue, notamment, d'assurer, compte tenu des données scientifiques disponibles, leur cohérence et leur efficacité sur l'ensemble du territoire concerné et de les adapter en fonction de l'évolution de la situation. Si la PAG est d’inspiration libérale, vles PAS le sont moins pour certains auteurs. J. PETIT considère que « Le pullulement de polices spéciales [traduit], sur le plan juridique, le développement de l'interventionnisme public de direction des activités privées » (Traité de droit administratif). II- Le régime A- Les autorités de police Nous avons vu qu’il existe à la fois des autorités de police générale et des autorités de police spéciale. La différence essentielle entre les deux c’est que les autorités de police générale n’ont pas besoin d’une habilitation législative spéciale contrairement aux autorités de police spéciale. 1- Une pluralité d’autorités de police générale Les autorités nationales De façon générale c’est le pouvoir exécutif qui est compétent en la matière. Sous la IIIe Rép, le PRD de la République, titulaire du pouvoir réglementaire général, exerçait le pouvoir de police général au niveau national. CE, Labonne, 1919 : « si les autorités départementales et municipales sont chargées par les lois, notamment par celle des 22 décembre 1789-janvier 1790 et celle du 5 avril 1884, de veiller à la conservation des voies publiques et à la sécurité de la circulation, il appartient au Chef de l'Etat, en dehors de toute délégation législative et en vertu de ses pouvoirs propres, de déterminer celles des mesures de police qui doivent en tout état de cause être appliquées dans l'ensemble du territoire, étant bien entendu que les autorités susmentionnées conservent, 7 chacune en ce qui la concerne, compétence pleine et entière pour ajouter à la réglementation générale édictée par le Chef de l'Etat toutes les prescriptions réglementaires supplémentaires que l'intérêt public peut commander dans la localité ». Sous la Ve Rép, il s’agit du PM qui, en tant que titulaire du pouvoir réglementaire général, exerce le pouvoir de police générale au niveau national, sous réserve de l’article 13 et 16 de la Constitution. CE, 1960, SARL, Restaurant Nicolas ; CE, 1973, Association cultuelle des israélites nord- africains de Paris : « il appartient au premier ministre, en vertu de ses pouvoirs propres, d'édicter des mesures de police applicables à l'ensemble du territoire et tendant à ce que l'abattage des animaux soit effectué dans des conditions conformes à l'ordre public, à la salubrité et au respect des libertés publiques ». Toutefois, la JP Labonne est toujours d’actualité puisqu’elle attribuait le pouvoir de police général au chef de gouvernement qui sous la IIIe Rép était le chef de l’Etat. Désormais, le chef de gouvernement est le PM. Les ministres, en revanche, ne disposent d’aucun pouvoir de police générale. Les autorités locales Au niveau départemental, c’est le préfet de département qui est l’autorité de police générale. Il est compétent dans deux situations : - Lorsque le trouble à l’OP excède le territoire d’une commune - Lorsque le maire est passif Art L 2215-1 CGCT : « Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques ». Au niveau communal, c’est le maire qui est l’autorité de police générale. Sa compétente est toutefois bornée aux limites de son territoire. Art. L 2212-2 CGCT : « La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». Art. L 2215-1 CGCT : « La police municipale est assurée par le maire ». ATTENTION, A Paris, le pouvoir de police est partagé entre les mains du maire et du préfet de police. Le principe est celui des prérogatives de PAG détenue par le maire à l’échelon communal. Toutefois, dans certaines communes, le maire perd certaines de ses prérogatives au profit du préfet de département. Ce sont des communes à « police étatisée » art 2214-1 CGCT. Les communes concernées sont celles qui sont : Le chef-lieu du département (qui abrite la préfecture départementale) Les communes qui en période touristique voient leur population augmentée et surtout faire face à des formes de délinquance ou d’incivilité comparables à celles de grandes communes. 8 2- La délégation des pouvoirs de police Le principe est que le pouvoir de police ne se délègue pas à des personnes privées. Principe consacré dans l’arrêt CE, Ville de Castelnaudary, 1932 : « Le service de la police rurale, par sa nature, ne saurait être confiée qu’à des agents placés sous l’autorité directe de l’administration ; qu’en confiant la charge de ce service à une fédération de propriétaires privés, le conseil municipal de Castelnaudary a excédé ses pouvoirs ». Mais l’augmentation de la demande sociale de sécurité et du nombre des incivilités interrogent sur la privatisation de la police. Une distinction doit être faite selon la nature de l’activité. Certaines activités ne peuvent pas être déléguées Les activités de surveillance des voies publiques et des bâtiments publics : - CE, 1997, Cne d’Ostricourt : une collectivité territoriale ne peut charger une personne privée d’assurer une mission de surveillance des voies publiques ; - TA Montpellier, 2016, préfet de l’Hérault : le conseil municipal ne peut décider de créer une garde composée de citoyens volontaires bénévoles chargés de surveiller la voie publique et les bâtiments publics. Les activités impliquant le recours à la force publique : - CC, n°2011-625 DC, 10 mars 2011 : le CC a jugé contraire à la Constitution, les dispositions législatives rendant « possible la délégation à une personne privée des compétences de PAG inhérentes à l’exercice de la force publique nécessaire à la garantie des droits ». Les activités de contrôles d’identité ; Les activités de vidéosurveillance des voies publiques et le visionnage des images : - CC, n°2011-625 DC, 10 mars 2011 : le CC a censuré des dispositions législatives qui permettaient à des opérateurs privés de surveiller la voie publique par des caméras et de visionner les images pour le compte de personnes publiques En revanche, selon le Code de la sécurité intérieure, les commerçants peuvent mettre en œuvre sur la voie publique un système de vidéoprotection pour assurer la protection des abords immédiats de leurs bâtiments notamment dans les lieux particulièrement exposés à des risques de vol. Certaines activités peuvent être déléguées Les activités matérielles de secours ; Les activités de terrain qui ne comportent pas de vérification d’identité ou de mesure de contrainte. Ex : vérification des bagages dans les aéroports. Vigiles privés au sein de lieux ouverts au public. 9 Néanmoins, une précision a été apportée par le CC. Les agents privés peuvent réaliser des palpations de sécurité, des fouilles de bagages, des inspections dès lors qu’ils restent sous le contrôle effectif et continu des officiers OPJ et que cette mission s’exerce dans le périmètre de protection institué par le préfet (CC, QPC, 2018, M. Rouchdi B. et autres). 3- Les concours de compétences Cela renvoie à la situation dans laquelle plusieurs autorités de PA sont compétentes (cumul/concours de compétences). 3 situations : Le concours entre deux autorités de police générale (ex : le PM et le maire) Laquelle doit agir ? L’autorité de police générale nationale ou locale ? En principe, c’est le lieu de réalisation du trouble qui détermine l’autorité compétente. Ainsi, lorsque le risque de trouble n’existe qu’au sein d’une commune, c’est le maire qui est compétent. Qu’en est-il lorsqu’une menace affecte le territoire national ? Est-ce que l’autorité locale peut intervenir lorsque l’autorité nationale a déjà pris des mesures ? En principe non, dans la mesure où les décisions prises au niveau national s’imposent aux autorités locales (CE, Labonne, 1916). Toutefois, si des circonstances locales particulières le justifient, l’autorité locale peut compléter les mesures nationales en les rendant plus strictes. Elle ne peut donc pas alléger les mesures de police nationales : - CE, Cne de Néris les bain, 1902 : « aucune disposition n’interdit au maire d’une commune de prendre sur le même objet et pour sa commune, par des motifs propres à cette localité, des mesures plus rigoureuses ». Le concours entre une autorité de police générale et une autorité de police spéciale 2 situations : o Une seule autorité exerce à la fois une PAG et une PAS (ex : le maire) Ex : le maire souhaite intervenir pour réglementer les funérailles. Il détient en la matière des compétences de PAS. Doit-il intervenir en tant qu’autorité de PAG ou en tant qu’autorité de PAS ? Lorsqu’une même autorité exerce la PG et la PS, elle doit utiliser ses pouvoirs de PS car les lois spéciales dérogent au général. o Conflit entre une autorité de police spéciale nationale (ex : un ministre) et une autorité de police générale locale (ex : un maire) 10 Selon la JP Les films Lutétia, il était prévu que l’exercice d’une PS nationale (le ministre en l’espèce) n’empêchait pas le maire d’exercer ses pouvoirs de PG si des circonstances locales particulières le justifiaient. Désormais, les polices nationales spéciales sont exclusives ce qui signifie que le maire ne peut pas exercer ses pouvoirs de PG dès lors qu’il existe en la matière une PAS : - L’institution d’une police spéciale nationale en matière d’installation d’antennes de téléphonie mobile prive les maires des possibilités d’action dont ils disposaient comme autorités de police générale envers les activités concernées (CE, 2011, Cne de Saint- Denis). - Le législateur a organisé une police spéciale de la dissémination volontaire d’OGM, confiée à l’État, dont l’objet est, conformément au droit de l’Union européenne, de prévenir les atteintes à l’environnement et à la santé publique pouvant résulter de l’introduction intentionnelle de tels organismes dans l’environnement. S’il appartient au maire, responsable de l’ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait en aucun cas s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale par l’édiction d’une réglementation locale (CE, 2012, Cne de Valence). En revanche, s’il existe un « péril grave et imminent », le maire en tant qu’autorité de police générale peut s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale (CE, 2003, Cne de Saint-Avold). Position réaffirmée dans l’arrêt CAA Bordeaux, 17 octobre 2006, M. Philippe X : l'existence de pouvoirs de police spéciale, reconnus au préfet en application de l'article L. 17 du code de la santé publique, ne fait pas obstacle à ce que le maire, en présence d'un « péril grave et imminent », use de ses pouvoirs de police générale pour assurer le maintien de la sécurité publique. Dans le cadre de la crise sanitaire, il a été affirmé que le maire en tant qu’autorité de police générale peut s’immiscer dans l’exercice de la police spéciale en cas de « raisons impérieuses liées à des circonstances locales » qui rendent l’édiction des mesures indispensable. Ordonnance CE, 17 avril 2020, Cne de Sceaux : « le législateur a institué une police spéciale donnant aux autorités de l'État mentionnées aux articles L. 3131-15 à L. 3131-17 la compétence pour édicter, dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les mesures générales ou individuelles visant à mettre fin à une catastrophe sanitaire telle que l'épidémie de covid-19 la police spéciale instituée par le législateur fait obstacle, pendant la période où elle trouve à s'appliquer, à ce que le maire prenne au titre de son pouvoir de police générale des mesures destinées à lutter contre la catastrophe sanitaire, à moins que des raisons impérieuses liées à des circonstances locales en rendent l'édiction indispensable ». Le concours entre plusieurs autorités exerçant des PAS différentes (ex : deux ministres) Application du principe de l’indépendance des législations => chaque PAS s’applique. B- L’ordre public La finalité de la PA est la préservation de l’ordre public. Nous avons vu que certains auteurs opposent OP général et OP spécial. Autrement dit, vous l’avez compris, la notion d’OP est essentielle et fondamentale en matière de PA. Encore faut-il savoir de quoi nous parlons. 11 Le maintien de l’OP a été érigé au rang d’OVC par le CC en 1982 dans la décision communication audiovisuelle. Le législateur doit donc trouver un compromis entre le maintien de l’OP et la sauvegarde des libertés publiques. En l’espèce, il appartient au législateur de concilier l’exercice de la liberté de communication avec les OVC que sont la sauvegarde de l'ordre public, le respect de la liberté d'autrui et la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression socioculturels. Au même titre que la notion d’IG en droit administratif, la notion d’OP est une notion à contenu variable dans la mesure où il ne s’agit pas d’une notion figée dans le temps. Au contraire il s’agit d’une notion évolutive selon le temps et le lieu. Par conséquent, l’IG et l’OP du début du XXe siècle ne sont pas l’IG et l’OP d’aujourd’hui. Et l’IG et l’OP de Paris ne sont pas l’IG et l’OP de Nice. C’est pour cette raison que certains auteurs considèrent que l’OP est un standard composite constitué par un certain minimum de conditions essentielles à une vie sociale convenable. Ces conditions ne peuvent donc qu’évoluer au gré de ce que la société tient pour convenable. Selon Etienne PICARD, l’OP général est par vocation une notion souple, contingente et évolutive dans son contenu et les OP spéciaux apparaissent pour pallier l’insuffisance ou l’inadaptation de l’OP général considéré. Ainsi, l’OP spécial est logiquement une notion tout autant relative que l’OP général et relative dans le temps. Toutefois, contrairement à l’IG qui n’est caractérisé par aucune composante et qui ne fait l’objet d’aucune définition, l’OP en revanche renvoie à des composantes, à des éléments. Certains de ces éléments sont matériels et sont qualifiés de traditionnels car ils sont prévus par des textes anciens. A l’origine, les composantes de l’OP étaient exclusivement matérielles. Par la suite, de nouveaux éléments ont été consacrés par la JP et sont cette fois-ci immatériels. Le caractère matériel de l'ordre public (1) tient à « l'appréhension d'éléments palpables », autres que « purement intellectuels ». L'extériorité est étrangère au ressenti des individus et est liée à la perception de l’atteinte (l’atteinte est visible, observable). L’OP matériel se fonde sur la trilogie classique (sécurité, salubrité, tranquillité). D’ailleurs, pour le doyen HAURIOU, « L'ordre public, au sens de la police, est l'ordre matériel et extérieur considéré comme un état de fait opposé au désordre, l'état de paix opposé à l'état de trouble » (Précis de droit administratif, 1933). Le caractère immatériel de l’OP renvoie en revanche à des « exigences collectives » (2). 1- Les éléments matériels de l’ordre public Ces éléments ont été consacrés à l’origine dans des lois révolutionnaires (1789-1790) mais également dans une loi du 5 avril 1884 et ont été finalement repris à l’article L 2212-2 du CGCT. D’après cet article, l’OP est défini comme « le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ». L’article fait également référence à la tranquillité publique. Cet article donne des exemples non exhaustifs (« notamment ») de ce qui relève de la police municipale : la propreté des voies publiques ; les attroupements ; les troubles de voisinage ; les rassemblements ; les accidents et fléaux calamiteux (incendies, inondations, avalanches, maladies etc.). 12 Plus communément, l’OP correspond à la trilogie : sécurité, salubrité et tranquillité publiques. La sécurité publique vise à prévenir notamment les risques d’accident et les dommages aux personnes et aux biens. Ex : assurer la sécurité de la circulation sur les routes. La tranquillité publique : - Le sens classique : elle se rapporte à l’absence de troubles. Les pouvoirs de police sont destinés à éviter les émeutes afin que les habitants ne soient pas perturbés dans leur activité. - Le sens moderne : elle vise à protéger contre le bruit et ses inconvénients (cf : CE, 1997, Bricq : le maire d’une commune peut limiter l’usage des tondeuses à gazon certains jours). La salubrité publique : les autorités de polices doivent garantir l’hygiène et la santé publique. Ex : Le maire est tenu de faire contrôler la qualité des produits vendus dans les marchés. 2- Les éléments immatériels de l’ordre public D’après Jean-Eric SCHOETTL, l’OP immatériel se fonde sur des « exigences collectives » qui « renvoient à l'image qu'une société veut se donner d'elle-même, à sa conception de l'être humain, à ses idéaux-type, à ses valeurs collectives fondatrices ». D’ailleurs, il dresse une liste non exhaustive des situations qui relèvent de l’OP immatériel : - La protection de la moralité publique - L’OP esthétique - L’outrage à la pudeur, devenu délit d'exhibition sexuelle - L’outrage au drapeau - L’indisponibilité et la non-commercialité du corps humain Ces exigences collectives sont notamment constituées : - Du statut social du corps humain ; - De la place de la femme et de l’homme dans la société ; - De la nation … La JP a pu admettre l’élargissement de l’OP à des composantes immatérielles. Une thèse a également été réalisée par Marie-Odile Peyroux-Sissoko sur l’OP immatériel afin de mieux appréhender le contour de la notion et son régime juridique. L’esthétique Pour le professeur CHARLIER, l’esthétique est créatrice d’ordre et d’harmonie ; et peut être un facteur de paix humaine et de puissance. C’est pour cette raison que d’après lui, l’esthétique est une finalité du droit public. Les juges ont pu considérer que la préservation de l’esthétique visant à éviter l’enlaidissement d’une ville était un élément de l’OP : - CE, 1936, Union parisienne des syndicats de l’imprimerie : le préfet de police peut prendre au nom de ses pouvoirs généraux des mesures visant à maintenir l’ordre, la tranquillité, l’hygiène et l’esthétique. 13 - CE, 1938, Sté des usines Renault : ici il est question des enseignes pour lesquelles les autorités de polices doivent concilier l’intérêt de l’esthétique et la liberté du commerce et de l’industrie. D’ailleurs, certains auteurs ont pu s’interroger sur la signification de la notion de « bon ordre ». Doit-elle être interprétée extensivement comme un « bel ordre » permettant ainsi aux autorités de police de protéger l’esthétique ? Au regard de certaines décisions de justice, la sauvegarde de l’esthétique participe au maintien du bon ordre ce qui permet de dire que le bon ordre équivaut à un bel ordre. Néanmoins, L’inclusion de l’esthétique en tant que composante de l’OP général a été écartée (CE, 1972, Chambre syndicale des entreprises nationales du bâtiment de la Haute- Garonne). L’exclusion de l’esthétique en tant que composante de l’OPG se justifie dans la mesure où d’une part aujourd’hui il existe une pluralité de PAS destinées à la protection de l’esthétique et d’autre part, l’esthétique ne peut faire l’objet d’un consensus puisqu’il s’agit d’une notion subjective et qu’il existe une pluralité d’esthétiques possibles. Ainsi, la notion de bon ordre n’aurait plus à être interprétée de façon extensive puisqu’il existerait un OP spécial ayant pour finalité la préservation de l’esthétique. La moralité publique Dès la décision CE, 1924, Club indépendant chalonnais, la composante de la moralité publique est énoncée : en l’espèce, le maire de Châlons sur Marne a interdit sur le territoire communal les combats ou exhibitions de boxe en se fondant sur le caractère brutal et parfois sauvage de ces combats, contraire à l’hygiène morale. Le CE considère que ces motifs ne sont pas étrangers à l’OP. Par la suite, d’autres décisions similaires sont adoptées mais ces décisions mettent en avant la notion de « circonstances locales » : - CE, 1959, Sté Les Films Lutétia : la représentation d'un film cinématographique est subordonnée à l'obtention d'un visa ministériel. Toutefois, « le maire, responsable du maintien de l'ordre dans sa commune, peut interdire sur le territoire de celle-ci la représentation d'un film auquel le visa ministériel d'exploitation a été accordé mais dont la projection est susceptible d'entraîner des troubles sérieux ou d'être, à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciable à l'ordre public ». Autrement dit, l’autorité de police locale peut adopter au nom de la moralité publique des mesures de police plus contraignantes au niveau communal (interdiction de la projection du film « Le feu dans la peau » alors qu’il est autorisé au niveau national) dès lors que les circonstances locales le justifient. En l’espèce, le CE affirme que : « considérant que le caractère immoral du film n’est pas contesté ; qu’il résulte de l’instruction que les circonstances locales (…) étaient de nature à justifier légalement l’interdiction de la projection dudit film sur le territoire de la commune ». - CE, ord, 2005, Cne de Houilles : la décision municipale visant à interdire l’ouverture d’un sex-shop ne porte pas d’atteinte manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue la liberté du commerce et de l'industrie dans la mesure où la décision repose sur des motifs légaux tels que « la tranquillité de la population » et « la protection de la jeunesse ». En l’espèce, des établissements scolaires et liés à la jeunesse se trouvent à proximité du commerce litigieux. 14 Ainsi, en l’absence de circonstances locales particulières, l’autorité de police locale ne peut adopter des mesures de police visant à préserver la moralité publique. CE, 1997, Cne d’Arcueil : un maire souhaite interdire sur le territoire de sa commune l’affichage publicitaire en faveur des messageries roses en raison de leur caractère immoral. Toutefois, en l’absence de circonstances locales particulières, le caractère immoral des messageries ne peut légalement fonder une interdiction. Ces décisions faisant de la moralité publique une composante de l’OP insistent sur la dimension de circonstances locales. Autrement dit, cela signifie qu’en l’absence de circonstances locales particulières, les autorités de police ne peuvent pas intervenir au nom de la moralité publique. Ainsi l’OP n’englobe pas de façon automatique la moralité publique. Les autorités de police n’ont pas en principe à se préoccuper de l’immoralité d’une activité humaine. En revanche, la moralité publique devient une composante de l’OP dès lors qu’il existe des circonstances locales particulières qui justifient l’intervention des autorités de police. Les circonstances locales constituent un paramètre-cadre de l’intervention des pouvoirs publics au nom de la moralité publique. La dignité de la personne humaine Cette composante a été consacrée dans deux décisions rendues le même jour CE, 1995, Cne de Morsang sur Orge ; Ville d’Aix en Provence. Dans ces affaires, il est question d’un nain qui accepte, dans le cadre de spectacles, d’être lancé le plus loin possible par les clients et invoque pour cela la liberté du travail et la liberté du commerce et de l’industrie. Pourtant, le maire interdit le spectacle. Le CE doit se prononcer sur la légalité de cette mesure. A l’époque, la dignité de la personne humaine n’est pas une composante de l’OP. Le CE a donc dû élargir la notion d’OP en y ajoutant la composante de la dignité humaine. Ici, la mesure de police est prise pour protéger l’individu contre lui-même et non pour protéger les tiers. Toutefois, cette composante est délicate. C’est pourquoi, elle a été critiquée par la doctrine. En effet, l’OP n’est plus réservé à des composantes matérielles et extérieures d’une part, et l’autorité de police peut porter atteinte à des libertés individuelles même en l’absence de circonstances locales particulières d’autre part. Au regard de la décision précitée, la dignité humaine pourrait être invoquée pour justifier diverses mesures de police visant à interdire certaines professions (travailleurs du sexe par ex). Et pourtant, plusieurs décisions ont démontré que le caractère érotique et pornographique de certaines activités n’était pas de nature à porter atteinte à la dignité humaine : - CE, 1997, Cne d’Arcueil : annulation d’un arrêté municipal interdisant l'affichage publicitaire en faveur des messageries roses ; - CE, 2002 et 2004, Association Promouvoir : validation des visas d’exploitation délivrés par le ministre de la culture et de la communication aux films « Baise-moi » et « Ken Park ». « La notion semble conceptuellement insaisissable. Le contenu apparaît extrêmement difficile à déterminer » (O. BONNEFOY, « Dignité de la personne humaine et PA. Les noces de porcelaine d’un mariage fragile », AJDA, 2016). 15 En raison de la controverse autour de cette nouvelle notion et de ses conséquences liberticides, le JA en a retenu une interprétation restrictive pendant vingt ans. C’est pourquoi, cette notion a été rarement utilisée pour justifier des mesures de police. Elle avait été néanmoins utilisée en 2007 dans l’ord. CE, Association « solidarité des français » en raison de la distribution de la soupe au cochon. Distribution interdite au nom de la dignité de la personne humaine puisque l’objectif de cette distribution était d’exclure les personnes de confession musulmane. Toutefois, c’est cette composante si délicate de l’OP qui a été utilisée pour justifier l’interdiction des spectacles de Dieudonné, humouriste très controversé qui a fait l’objet de nombreuses censures en raison de propos qualifiés d’antisémites et incitant à la haine raciale (Ordo de 2014, Sté les productions de la Plume ; CE, Ord., 6 février 2015, Cne de Cournon d’Auvergne). Dieudonné a exercé une requête en référé contre les décisions interdisant son spectacle. Requête rejetée par le juge des référés du fait du risque sérieux que soient de nouveau portées de graves atteintes à la dignité de la personne humaine. à Dans cette affaire, il n’est pas question d’actes mais de propos qui portent atteinte à la dignité humaine. Élargissement de la composante. Est-ce que la dignité de la personne humaine doit être une composante de l’OP ? Est-ce que les atteintes à la dignité de la personne humaine peuvent justifier l’intervention de la PA ? à J. LANG, professeur de droit et ancien ministre, dans « La décision du CE est une profonde régression », Le Monde, 13 janvier 2014, s’exprimer en ces termes : « Sous prétexte que les autorités judiciaires n’étaient pas parvenues à faire rendre gorge à Dieudonné, on a voulu donner à la PA un pouvoir de répression morale et pénale qu’elle ne détient pas (…) L’autorité administrative doit veiller au respect de la tranquillité, de la salubrité et de la sécurité. Selon une JP qui remonte aux années 1930, elle ne peut interdire une manifestation, un spectacle ou une œuvre qu’en raison d’un trouble matériel à l’OP (…) Aucun élément sérieux ne donnait à penser que la menace était irrésistible (…) L’atteinte à l’OP, c’est quelque chose de matériel, on est sur un terrain balisé. L’atteinte à la dignité humaine, c’est une notion beaucoup plus floue : on navigue dans des eaux plus incertaines où s’entremêlent des considérations philosophiques et politiques beaucoup plus que juridique (…) Le principe constitutionnel de dignité ne regarde en rien la PA. Sa protection relève du JJ (…) Cette ordonnance marque un retournement de jurisprudence. Par rapport à l’histoire du CE qui a toujours été un gardien des libertés, c’est une profonde régression qui tend à instaurer une sorte de régime préventif, voire de censure morale préalable à la liberté d’expression. La boîte de Pandore aux dérives et aux abus est ouverte ». à J.-M SAUVE, vice-président du CE, « Affaire Dieudonné : le CE réplique aux critiques », Le Monde, 11 janvier 2014 : « Dans ces affaires, (le juge) s’est situé dans la continuité de sa JP, qui est protectrice des libertés, mais qui a aussi intégré la dignité humaine comme composante de l’OP. Lorsqu’il se prononce, il le fait aussi au regard de la CEDH dont les articles 10 et 11 assortissent les libertés d’expression et de réunion de restrictions nécessaires et proportionnées ». Les décisions JP qui se sont fondées sur l’atteinte à la dignité humaine rapprochent cette notion du principe de non-discrimination (l’interdiction des lancers de nains ; l’interdiction de la distribution de la soupe au cochon ; l’interdiction de spectacles dans lesquels des propos antisémites sont tenus). 16 Seulement, toute discrimination ne caractérise pas une atteinte à la dignité de la personne humaine. Ces deux notions ne se recoupent pas exactement, elles ne se confondent pas. Ainsi, le CE a refusé de sanctionner sur le terrain de la dignité humaine l'exposition de « pâtisseries figurant des personnages de couleur noire présentés dans une attitude obscène et s'inscrivant délibérément dans l'iconographie colonialiste ». En effet, « l'abstention puis le refus du maire de Grasse de faire usage de ses pouvoirs de police pour y mettre fin ne constituent pas en eux- mêmes une illégalité manifeste portant atteinte à une liberté fondamentale qu'il appartiendrait au juge administratif des référés de faire cesser » CE, ord. 2015, Sté Grasse Boulangerie. La dignité de la personne humaine ne saurait recevoir de définition objective dans la mesure où sa signification est susceptible de varier selon les lieux, les époques ou encore les appréciations subjectives de chacun. C- Le contrôle des mesures de police Lorsqu’il existe une menace de trouble sérieux à l’OP et que l’autorité compétente en a la connaissance elle est contrainte d’intervenir. L’autorité de PA a l’obligation d’édicter un règlement de PA pour faire cesser un trouble à l’OP (CE, 1959, M. Jacques Doublet). A défaut, la responsabilité de la commune est engagée si aucune mesure permettant de mettre un terme au trouble à l’OP n’a été adoptée (CE, 1962, Doublet). Toutefois, une mesure de police peut avoir des conséquences liberticides. En effet, une mesure de police, en visant à sauvegarder l’OP, peut restreindre une liberté publique (liberté d’expression, de réunion, de manifestation …). Or, le commissaire du gouvernement CORNEILLE sur l’arrêt Baldy de 1917 affirme que « la liberté c’est la règle, la restriction de police l’exception ». C’est pourquoi, il existe un contrôle juridictionnel des mesures de police afin de s’assurer de leur légalité. Une conciliation entre OP et libertés publiques doit être opérée. Le contrôle juridictionnel s’effectue en 3 étapes : - Tout d’abord, le juge vérifie que l’intervention de l’autorité de police a bien pour finalité la préservation de l’OP et non un autre but. Autrement dit, l’adoption de la mesure de police doit être justifiée par la recherche du maintien de l’OP. Si ce n’est pas le cas, l’autorité de police effectue alors un détournement de pouvoir qui entache d’illégalité la mesure. CE, 1909, Abbé Olivier : un maire a réglementé les convois funèbres et a interdit aux membres du clergé, revêtus de leurs habits sacerdotaux, d’accompagner à pied ces convois conformément à la tradition locale. Pour adopter cette mesure, le maire s’est fondé sur le maintien de l’ordre dans la commune. Or, le CE considère que les dispositions ont été adoptées dans un autre but que celui de préserver l’OP : « Les dispositions dont il s’agit ont été dictées par des considérations étrangères à l’objet en vue duquel l’autorité municipale a été chargée de régler le service des inhumations ». - Ensuite, le juge vérifie qu’il existe bien un risque de trouble à l’OP (vérification in croncreto des circonstances). - Enfin, le juge contrôle le caractère adapté, nécessaire et proportionné de la mesure de police. La mesure doit être adaptée au trouble à l’OP et proportionnée à ce qui est nécessaire. Si une mesure plus souple avait pu maintenir l’OP, alors la mesure adoptée ayant un caractère plus strict est illégale. (Ex : l’autorité de police a préféré interdire une manifestation alors qu’une mesure de police moins contraignante aurait été suffisante). 17 Par conséquent, la mesure ne doit être ni excessive ni insuffisante. Le caractère adapté et proportionné de la mesure de police est consacré dans la décision Benjamin de 1933 : « l’éventualité des troubles ne présentait pas un caractère de gravité tel qu’il n’ait pu, sans interdire la conférence, maintenir l’ordre en édictant les mesures de police qu’il lui appartenait de prendre ». Le contrôle juridictionnel des mesures de police est synthétisé dans l’ordonnance du CE de 2016, Ligue des droits de l’homme et a. - association de défense des droits de l’homme collectif contre l’islamophobie en France, relative à l’affaire du burkini. Dans cette affaire, un maire adopte un arrêté visant à interdire l’accès à la baignade à toute personne ne disposant pas d'une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et du principe de laïcité, et respectant les règles d'hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime. Le CE rappelle dans son considérant 5 que : « Les mesures de police que le maire d'une commune du littoral édicte en vue de réglementer l'accès à la plage et la pratique de la baignade doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées au regard des seules nécessités de l'ordre public, telles qu'elles découlent des circonstances de temps et de lieu. Il n'appartient pas au maire de se fonder sur d'autres considérations et les restrictions qu'il apporte aux libertés doivent être justifiées par des risques avérés d'atteinte à l'ordre public ». Le CE affirme qu’en l’espèce, il n’y avait aucun risque avéré de trouble à l’OP. En outre, l’attentat terroriste commis à Nice en 2016 ne saurait justifier légalement la mesure de police. Atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d’aller et venir, de conscience et personnelle. Les interdictions générales et absolues sont en principes prohibées. CE, 1993, Carzola : en l’espèce, le maire a interdit la vente, de 22 heures à 6 heures du matin, à la boulangerie-croissanterie afin de lutter contre le bruit provoqué par l’afflux de clients en pleine nuit. L’interdiction ne porte que sur une tranche horaire déterminée. Ainsi, elle ne présente pas le caractère d’une interdiction générale et absolue. CE, 1951, Daudignac : le maire a soumis à une autorisation l'exercice, même temporaire, de la profession de photographe sur la voie publique. Le CE a considéré que cet arrêté portait atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie. Ainsi, L’interdiction générale d’exercer l’activité de photographe filmeur est illégale. En revanche, l’interdiction générale peut être légale dès lors qu’elle est justifiée par les circonstances. L’interdiction générale d’exercer l’activité de photographe filmeur n’est pas illégale sur la route conduisant au Mont-Saint-Michel durant la saison touristique en raison de l’affluence exceptionnelle des touristes pendant l’été et de l’encombrement de la voie concernée (CE, Epoux Leroy, 1968). 18

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