Virus et grossesse - PDF

Summary

Ce document traite des virus pendant la grossesse, incluant le VIH, le CMV et le virus Zika. Il décrit les risques et les diagnostics associés à ces infections pour la mère et l'enfant. Les informations essentielles pour les professionnels de la santé ou les futures mamans concernant les virus et la grossesse sont presenté.

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Pr Jacques IZOPET Virologie - n°9 & 10 LADOUSSE Hortense 05/02 8h-10h Ronéo n°5 SANTINON Flavia VIRUS ET GROSSESSE VIH : virus de l'immunodéfici...

Pr Jacques IZOPET Virologie - n°9 & 10 LADOUSSE Hortense 05/02 8h-10h Ronéo n°5 SANTINON Flavia VIRUS ET GROSSESSE VIH : virus de l'immunodéficience humaine HHV : Herpès virus humain CMV : Cytomégalovirus LCR : liquide céphalo-rachidien ZIKV : virus ZIka SA : semaine d’aménorrhée HPV : Papillomavirus humains HBV : virus de l’hépatite B IST : infection sexuellement transmissible HCV : Virus de l’hépatite C VLP : virus like particles HEV : virus de l’hépatite E INCA : Institut National du Cancer HTLV : virus T-lymphotrope humain IV : intraveineuse I.​ Généralités La grossesse est associée à une immunodépression relative. Cela confère une susceptibilité à des infections virales. Dans certains cas, cela peut mener à une réactivation de virus. En cas d’infection, il y a des périodes de virémie durables qui confèrent un risque de transmission à l’enfant. Le risque de transmission entraîne différents problèmes qui surviennent à différents moments selon si l’infection survient pendant la grossesse, durant ou après l’accouchement (transmission de certains virus par le lait). Pour la transmission virale in utéro, selon le moment de l’infection et le virus, il peut y avoir des avortements, des malformations (embryopathies ou fœtopathies), des retards de croissance. Les principales infections in utéro conduisant à des malformations sont le CMV et le virus de la Rubéole. Le virus Zika, qui est un argovirus, a été associé à des microcéphalies et d’autres anomalies. Plus récemment, un autre argovirus : le virus Oropouche (en Amérique du Sud) à conduit à certaines épidémies et entraîne aussi des embryopathies telles que des microcéphalies. Néanmoins, il reste encore très peu connu et nécessite donc une attention particulière. Pour les infections in utéro plus tardives, ne conduisant pas à des malformations, on retrouve le CMV et le virus de la rubéole, mais aussi le parvovirus B19 et, même s'ils sont relativement à part : le virus de la varicelle et du zona. Il y a aussi d’autres virus qui peuvent être impliqués et transmis à ce moment-là : HIV, virus du groupe Herpès, et le virus ZIKV. Page 1 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ Les infections transmises en première ligne au moment de l’accouchement sont : le virus de l'Herpès, le HBV, les entérovirus. Il y a aussi le HCV et le HEV (notamment le génotype 1 et 2 du HEV qui peuvent conduire à des formes particulièrement sévères pendant la grossesse). Tous les rétrovirus : VIH et le virus HTLV se transmettent par le lait. Le CMV, d’autres virus de la famille Herpès : EBV, HHV-6 et HHV-7 se transmettent aussi par le lait. II.​ Diagnostic 1)​ Diagnostic de l’infection maternelle Le diagnostic est orienté par l’anamnèse et l'histoire clinique. Il y a aussi des sérologies systématiques pendant la grossesse : - la sérologie VIH (après accord de la patiente) ; - le virus HBV pour lequel il y a une recherche systématique de l’antigène HBs en début de grossesse ; - le virus de la rubéole. 2)​ Diagnostic de l’infection foetale a)​ Diagnostic prénatal Il s’effectue dans le cadre d’un agrément spécifique du biologiste avec un consentement signé de la patiente. Il faut un contrôle de l’absence de virémie maternelle avant la ponction de liquide amniotique, et il est nécessaire de respecter un délai suffisant entre l’infection maternelle et le prélèvement : en règle générale 6 à 8 semaines sont nécessaires pour la contamination du fœtus et l’excrétion du virus dans le liquide amniotique. b)​ Circonstances échographiques Pendant la grossesse, il est important de surveiller la présence d’anomalies échographiques lors des examens systématiques réalisés après 12, 22 et 32 semaines d’aménorrhée. Les signes à chercher peuvent être indirects ou directs. Les signes indirects concernent le placenta ou le liquide amniotique : -​ des modifications du volume ou de l’épaisseur du placenta, -​ des modifications hydriques : oligoamnios, anamnios, hydramnios Les signes directs concernent le fœtus : -​ retard de croissance intra-utérin avec ou sans microcéphalie -​ une anasarque (des œdèmes sous-cutanés avec des épanchements séreux) avec parfois une hépatomégalie Page 2 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ -​ des anomalies du pôle céphalique : macrocéphalie, microcéphalie, calcifications intracérébrales -​ des calcifications dans les organes cibles de certains virus : cerveau, foie, yeux -​ embryopathies : malformations des membres, du coeur 3)​ Diagnostic virologique Dans un contexte d’anomalies échographiques on réalise des examens virologiques. Sur le liquide amniotique, on réalise des examens de diagnostic direct : on recherche de l’ADN du CMV, de l’ADN de B19, de l’ARN du virus de la rubéole. Sur le nouveau-né, on peut aussi faire des prélèvements (en fonction de la symptomatologie clinique) : sanguins, urinaires, cutanés, sur LCR, sur lesquels on va rechercher les IgM dirigés contre les virus susceptibles d'être impliqués. III.​ Infection par le Cytomégalovirus : CMV L’infection par le cytomégalovirus est la plus fréquente des infections materno-foetales. 40% des femmes en âge de procréer sont séronégatives. Néanmoins, la surveillance sérologique pendant la grossesse n’est pas recommandée, car il n’y a pas nécessairement un aspect péjoratif pour l’enfant si on fait un diagnostic d’une infection à CMV, et surtout, il n’y a pas de conduites particulières sur le plan thérapeutique. Mais depuis 2 ans un essai clinique randomisé montre qu'il est possible en cas d’infection de la mère de traiter par Valacyclovir pour prévenir le risque d’infection du fœtus, mais ces recherches sont encore en nombre restreint et sont donc encore sujets aux débats. 1)​ Infection à CMV Lors de primo-infection par le CMV pour la mère, le risque de transmission est de 30 à 50%, il est plus important qu'en cas de réactivation où le risque n’est que de 1 à 3%. Chez l'embryon et le fœtus : les infections sont asymptomatiques dans 90% des cas, mais pour 5 à 10% des cas, il peut y avoir des séquelles neurosensorielles. Les infections seront donc symptomatiques pour 10% des cas et elles peuvent entraîner : -​ des décès : pour 30% des cas -​ des séquelles neurosensorielles : pour 60% des cas : surdité progressive, retard psychomoteur -​ un développement normal pour 10% des cas Page 3 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ Cela illustre bien que faire le diagnostic du CMV pendant une grossesse peut être important et peut conduire à une intervention thérapeutique lorsque les choses seront plus claires pour les recommandations. Lors d’une infection à CMV, on observe des malformations différentes selon le moment de l’infection. Si l’infection est précoce, avant la 20ème semaine d’aménorrhée, on observe des embryopathies qui peuvent être : -​ oculaires : choriorétinite -​ auditives : surdité de perception -​ neurologiques : microcéphalies, microcalcifications, et un retard psychomoteur Les foetopathies, elles, sont caractérisées par la maladie des inclusions cytomégaliques qui est peu fréquente, estimée à moins de 1% mais c’est une forme particulièrement grave correspondant à une infection généralisée à CMV. Les différents symptômes de la maladie sont : hépatosplénomégalie, ictère, pétéchies, microcéphalie, retard de croissance, choriorétinite, thrombopénie, anémie. Il existe aussi des complications tardives : il n’y a rien au moment de la naissance, mais peut apparaître plus tard un retard mental, des surdités ou des atteintes visuelles. 2)​ Diagnostic Quand on retrouve des signes à l’échographie, on doit objectiver une primo-infection qui va se traduire par la présence d’IgM. Dans certains cas, lorsque les IgM sont en concentration faible, pour être certains qu'il n’y a pas d'infection récente, on va être amenés à rechercher l’avidité des anticorps. Une avidité faible témoigne d’une infection récente, et dans ce cas-là, on considère qu'il y a une infection récente de la mère qui nécessite une vigilance particulière. IV.​ Infection par le virus de la rubéole Le virus de la rubéole appartient à la famille des Togaviridae et au genre Rubivirus. Dans les pays industrialisés, seulement 5% des femmes adultes ne sont pas immunisées. Dans les pays à ressources limitées en revanche 55% des femmes sont séronégatives. Cette différence s’explique par la vaccination qui est systématique dans les pays industrialisés. Il existe une surveillance sérologique pendant la grossesse de la rubéole, car il existe une prise en charge en cas d’infection de la mère. Page 4 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ 1)​ Rubéole a)​ Clinique Chez l’adulte et l’enfant, elle est le plus souvent asymptomatique (65 à 85% des cas) mais elle peut se traduire par une éruption : un exanthème maculo-papuleux rose pâle, sans prurit, qui débute classiquement au niveau de la tête puis se généralise et disparaît en 3 jours. Elle peut parfois être différente, c'est-à-dire morbilliforme ou scarlatiniforme, voire purpurique. C’est l'éruption qui permet de faire le diagnostic différentiel, elle est accompagnée de fièvre modérée (38,5°c). La guérison s’effectue sans séquelles en quelques jours mais il peut y avoir des complications avec des thrombopénies ou des encéphalites aiguës, qui restent rares (1/10 000) mais pouvant tout de même être graves (20% de décès). b)​ Diagnostic Le diagnostic est fait par la recherche d’anticorps. La primo-infection se caractérise par la détection d’IgM. En cas de réinfection ou de réactivation les IgM sont produits à un niveau très faible, donc pour faire le diagnostic être certains qu’il ne s’agit pas d’une infection récente, on va mesurer l’avidité des anticorps. Si l’avidité est faible cela veut dire que l’infection est récente. 2)​ Rubéole congénitale a)​ Clinique La rubéole congénitale a été décrite par Gregg en 1941. Lorsque l’infection survient avant la 10ᵉ semaine d’aménorrhée, elle entraîne des embryopathies avec : -​ atteintes oculaires : cataracte bilatérale irréversible, parfois un glaucome ou des microphtalmies ; -​ atteintes auditives : surdités uni ou bilatérales ; -​ atteintes neurologiques : retard psychomoteur qui s’observe souvent entre 3 et 6 ans, hydrocéphalies ; -​ atteintes cardiaques : persistance du canal artériel, communications intra-auriculaires, communications intra-ventriculaires, des sténoses de l’artère pulmonaire. Entre la 10ème et la 20ème SA on peut avoir des embryopathies qui peuvent conduire à des surdités. Page 5 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ Les infections plus tardives, après la 20ème SA, entraînent des foetopathies avec souvent des formes asymptomatiques, et parfois des rubéoles congénitales actives qui sont des formes plus graves (30% de décès). La rubéole congénitale active est caractérisée par : -​ un retard staturo-pondéral -​ des lésions osseuses -​ une hépatosplénomégalie -​ une pneumopathie interstitielle -​ un ictère -​ un purpura thrombopénique -​ une méningo-encéphalite fréquente (70% cas) -​ une myocardite (les mots en italique apparaissent sur le diaporama mais n’ont pas été cités par le prof) b)​ Diagnostic La courbe bleue du schéma illustre le fait que la transmission à l’enfant va dépendre du moment où se déroule l’infection, en début de grossesse il y aura un risque très important de transmission à l’enfant (90 à 100%). Entre la 16ème SA et la 32è SA il y a un creux, le risque de transmission du virus est plus faible et puis, plus proche de l’accouchement, il peut y avoir une fréquence plus importante de la transmission. Ce qu’il faut surtout retenir c’est que plus l’infection est précoce plus les formes graves sont importantes : les anomalies les plus sévères, les embryopathies, s’observent en début de grossesse. Le diagnostic est fait sur le liquide amniotique, prélevé après la 18ᵉ SA, dans lequel on recherche le génome du virus par PCR, où mettre en évidence des IgM. On peut aussi envisager un diagnostic sur du sang fœtal, cette ponction de sang fœtal peut être faite après la 22ᵉ SA. 3)​ Vaccin Il existe un vaccin contre la rubéole et est inclus avec d’autres virus, vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole) qui est systématique à partir de l'âge de 12 mois, avec rappel entre 3 et 6 ans. Il est basé sur des souches de virus atténués RA27/3. Page 6 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ Il s’effectue sous contraception pour la femme, car étant atténué, il peut se répliquer, ce qui représente une contre-indication en cas de grossesse. Son efficacité est très bonne : 97%. À l’occasion d’une vaccination, si une sérologie est réalisée, il peut y avoir une persistance d’IgM mais qui ne traduit pas une infection au virus de la rubéole, mais simplement la stimulation antigénique liée au vaccin. V.​ Infection par le virus B19 Ce virus appartient au genre des Erythrovirus et à la famille des Parvoviridae. 50% des jeunes femmes sont séronégatives à ce virus. Il n’y a pas de surveillance sérologique pendant la grossesse. 1)​ Pouvoir pathogène Le virus B19 est responsable chez l’enfant du mégalérythème épidémique ou 5ème maladie, il s’agit d’un rash maculo-papuleux débutant au niveau du visage assez caractéristique. Chez l’adulte il peut y avoir des manifestations articulaires à type de polyarthrite bilatérale, et parfois aussi des manifestations hématologiques, en particulier des crises d'érythroblastopénie qui surviennent chez les personnes ayant des anémies chroniques. Ces crises d’érythroplastopénies se traduisent par des cytopénies notamment chez les personnes immunodéprimées. Cela s’explique par l’affinité du parvovirus pour les cellules de la lignée des globules rouges. L’infection materno-foetale correspond à un passage de la barrière placentaire par le virus et survient dans 30% des cas lors de primo-infections. Les conséquences pour le foetus peuvent être : -​ Si l’infection est précoce, au 1er trimestre, risque de mort foetale ; -​ Infection plus tardive : 2ème trimestre : anasarque foeto-placentaire et une possibilité de myocardite. Le mécanisme de l'anasarque est expliqué par l’affinité du parvovirus pour les cellules érythroïdes qui conduit à une anémie, qui aggrave l'insuffisance cardiaque (liée aussi à une atteinte des cellules myocardiques). Cela conduit à un œdème généralisé qui traduit l’anasarque. Sur l’échographie, on peut visualiser des œdèmes à différents endroits : au niveau de la plèvre, du scalp, mais aussi de l’ascite. Page 7 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ VI.​ Infection par le virus HSV La contamination par le virus de l’Herpès peut s’effectuer au moment de l’accouchement ou lors du post-partum. L’incubation est en règle générale de 1 à 2 semaines. 1)​ Pouvoir pathogène Le pouvoir pathogène en cas d’infection peut conduire : -​ à des formes disséminées : 25% des cas : avec atteinte polyviscérale, neurologique et cutanée. La mortalité est très élevée malgré le traitement (30%). -​ à des formes strictement neurologiques : 30% des cas : avec des méningo-encéphalites. La mortalité est très importante sans traitement (50%) et avec traitement (6%). -​ à des formes cutanées : 45% : atteinte de la peau, la bouche, oculaire. La guérison est habituelle pour cette forme : 85% si traitement. 2)​ Diagnostic a)​ Chez la mère Le diagnostic se fait avant tout chez la mère avant 34 semaines d'aménorrhée s'il y a une primo-infection génitale ou orale, une infection génitale ou en cas d’atteinte neurologique. Le diagnostic peut aussi se faire au moment de l’accouchement s'il y a des lésions dans la semaine qui précède le terme, et des lésions au moment de l’accouchement. Le prélèvement s’effectue au niveau des lésions. Page 8 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ b)​ Chez le nouveau-né Des prélèvements sont effectués chez le nouveau-né dans les premières heures de vie et à J3 et souvent à J10.On effectue des tests en cas de primo-infection chez la mère, de présence de lésions au moment de l’accouchement et (même si ces diagnostics sont plus discutés) lorsqu'il y a des antécédents d’herpès génital chez la mère, ou des antécédents d'herpès chez le partenaire. Les prélèvements s'effectuent systématiquement au niveau des orifices : oropharynx, œil et de la vulve, mais aussi en fonction de la symptomatologie et notamment sur les vésicules si elles sont présentes. 3)​ Traitement Le traitement chez la mère pendant la grossesse repose sur l’Aciclovir, l’administration peut être locale ou générale et la molécule clé est le Zovirax qui peut être utilisé en intraveineuse dans les formes graves. Le nouveau-né est traité par voie IV par Acyclovir, le traitement est normalement de 20 mg/Kg toutes les 8 heures durant 21 jours. Le traitement sera réalisé pendant 14 jours si la mère a présenté un HHV près du terme, même si l’atteinte n’est pas évidente chez le nourrisson. La prévention pour le HHV peut être dans certains cas une césarienne pour éviter la transmission néonatale à l’enfant. On peut aussi mettre en place des prophylaxies des récurrences avec de l’Aciclovir, administré en fin de grossesse, cela permet de diminuer l'incidence des récurrences, mais aussi de diminuer l'excrétion asymptomatique. VII.​ Prévention ​ HIV : la prévention du virus HIV repose sur le dépistage, en cas d’infection la mère sera traitée par des antirétroviraux à partir du 6ème mois (qui seront intensifié au moment de l'accouchement) puis l’enfant sera, lui aussi, traité pendant 6 semaines. L’allaitement est contre-indiqué en cas d’infection. ​ Virus HTLV : la prévention de l’autre rétrovirus humain passe par le dépistage, et une contre-indication pour l’allaitement. ​ Hépatite B virus : la prévention passe par un dépistage systématique de l’antigène HBs durant la grossesse, en cas de positivité, il y aura une séro-vaccination du nouveau-né : administration d’immunoglobulines spécifiques et le vaccin. Le recours au Ig spécifique est réalisé lorsque le risque est important, en fonction de la charge virale chez la mère. Il existe aussi une possibilité de traiter par des antirétroviraux la mère pour diminuer le risque de transmission. Page 9 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ PAPILLOMAVIRUS HUMAINS I.​ Généralités Les papillomavirus humains font partie de la famille des Papillomaviridae. Il existe une grande variété de genres dans cette famille dont le principal, sur le plan médical, est Alphapapillomavirus. Dans ce genre, on regroupe plus de 200 espèces (que nous appellerons “types” dans le cours) avec une homologie importante entre elles notamment sur les gènes codant les protéines E6, E7 et L1 (90% d’homologie). Ces virus sont considérés comme ubiquistes, car largement répandus et peuvent avoir, ou non, un pouvoir pathogène dont on parlera plus spécifiquement plus tard. L’infection à HPV est un véritable problème de santé publique puisque certains types peuvent être responsables de cancer du col utérin dont on estime qu’il concerne 3000 cas/an en France et ce type d’infection conduit à plus de 1100 décès/an. II.​ Structure Les Papillomavirus humains sont des virus nus de 55 nm composés d’une capside icosaédrique. 1)​ Génome Le génome est composé d’un ADN double brin circulaire de 8 Kb. Certains gènes ont une importance particulière sur le plan médical : -​ les gènes L1 et L2 : codent pour les protéines L1 et L2 utilisées pour la capside (également utilisées pour la vaccination VLP que l’on verra par la suite) ; -​ les gènes E1 à E4 : permettent la production de protéines de réplication ; -​ les gènes E5 à E7 : confèrent le pouvoir oncogène aux virus. Page 10 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ Si on reprend l’ensemble des protéines produites, nous pouvons les classer en 2 catégories : 6 protéines précoces et 2 protéines tardives. Les protéines précoces sont traduites plus rapidement lors du cycle de réplication du virus, d’où leur nom. Les 6 protéines précoces sont donc : -​ E1 : correspond à une hélicase -​ E2 : permet la réplication et transcription virale -​ E4 : permet l’encapsidation et la réplication -​ E5 : EGF-like (agit comme un facteur de croissance) et participe à la transformation cellulaire -​ E6 : se lie à p53 et joue un rôle dans la transformation cellulaire -​ E7 : se lie à p105Rb (protéine du rétinoblastome) et joue également un rôle dans la transformation cellulaire Les 2 protéines tardives sont : -​ L1 : protéine de la capside virale -​ L2 : protéine de la capside virale III.​ Cycle viral Premièrement, le virus est internalisé par endocytose via un système clathrine-dépendant pour les HPV-16 et 58 ou via un système cavéoline-dépendant pour le HPV-31. S’ensuit un trafic cytosolique actif jusqu’au noyau avec une décapsidation du virus en parallèle. Une fois le virus dans la noyau, il effectue sa réplication et une étape d’assemblage avant que les virions soient libérés par lyse cellulaire. On parle donc de virus lytique. (le prof n’est pas entré dans les détails concernant cette partie) IV.​ Physiopathologie 1)​ Généralités Le virus infecte les cellules basales des épithéliums pavimenteux cutanéo-muqueux pour se répliquer puis 2 voies sont possibles : l’infection latente ou l’infection productive. Il est important de noter que quelle que soit la voie, celle-ci n’est pas définitive puisqu’on peut observer une régression (passage de l’infection productive à l’infection latente) ou une réactivation (passage de l’infection latente à une infection productive). Dans la majorité des cas, le virus suit la voie de l’infection latente puis il se réactive. L’infection productive peut se poursuivre par une phase de carcinogénèse aboutissant à la formation de cellules malignes et donc d’un cancer. Le risque de carcinogénèse dépend des caractéristiques du virus, c'est-à-dire de l’espèce virale, de la potentielle intégration du génome HPV au génome cellulaire et de la surexpression des protéines oncogènes E6 et E7. En effet, l’espèce virale a une importance étant donné que tous les papillomavirus n’ont Page 11 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ pas de potentiel d’évolution oncogène, HPV-16 et HPV-18 sont ceux avec un pouvoir oncogène extrêmement fort (à retenir ++). Le risque d’évolution vers un cancer dépend aussi de cofacteurs tels que le tabac, l’immunodépression et l’environnement. La réplication du virus HPV au sein des cellules basales peut être très importante. Aussi, plus les cellules sont superficielles, plus la quantité de virus produite est grande. 2)​ Pouvoir pathogène Plusieurs manifestations cliniques peuvent apparaître avec une infection HPV parmi lesquelles des lésions cutanées. Cela peut correspondre à des verrues plantaires, vulgaires ou planes (principalement pour HPV-1, 2 et 4) ou à des épidermodysplasies verruciformes (HPV-5 et 8). Ces dernières se manifestent sur un terrain génétique particulier non détaillé dans le cours. Le virus peut également entraîner des lésions muqueuses anogénitales avec des condylomes acuminés vénériens (voir photos) pour HPV-6 et 11 ou des lésions du col. Le virus HPV étant considéré comme une IST, les infections sont acquises très tôt avec le début de la vie sexuelle et peuvent créer des lésions du col qui sont, le plus souvent, résolutives. En effet, 50% des infections auront disparu après 1 an et 90% après 3 ans. La résolution correspond à la guérison spontanée sans processus oncogène, elle est importante dans le cas des infections à HPV et à prendre en compte lors de la surveillance et du dépistage. Enfin, une autre manifestation clinique correspond aux lésions muqueuses des voies aériennes et digestives supérieures dont la papillomatose laryngée de l’enfant pour HPV-6 et 11 ou des infections ORL. Lésions cutanées Lésions muqueuses anogénitales Lésions muqueuses des voies aériennes et digestives supérieures - verrues : HPV 1, 2 et 4 - condylomes acuminés - papillomatose laryngé de - épidermodysplasies vénériens : HPV 6 et 11 l’enfant : HPV 6 et 11 verruciformes : HPV 5 et 8 - lésions du col utérin - infections ORL Page 12 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ V.​ Cancers génitaux Les virus HPV peuvent être responsables de différents cancers selon leur espèce : -​ cancer du col utérin : HPV-16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 66, 68 (et non ce n’est pas un tirage loto mais bien les types de HPV impliqués dans le cancer du col utérin… heureusement pour toi, tu ne dois retenir que le 16 et le 18) -​ cancer de la vulve et du vagin -​ cancer du pénis -​ cancer de la marge anale -​ cancer ORL À savoir que TOUS les cancers du col utérin sont dus à une infection à HPV contrairement aux cancers ORL par exemple puisque 50-80% d’entre eux s’expliquent par une infection HPV, le reste correspondant à d’autres étiologies souvent avec un pronostic plus défavorable. 1)​ Classification des HPV selon leur oncogénicité Comme dit précédemment, tous les HPV n’ont pas un pouvoir oncogène et même lorsque celui-ci existe, il peut être plus ou moins fort. Un niveau de risque oncogène noté 1 correspond à un risque élevé tandis que le niveau 3 correspond à des formes non oncogènes. Les types HPV-6 et 11 n’ont pas de pouvoir oncogène et sont les plus fréquents. Le prof a surtout insisté sur l’importance des types HPV-16 et 18 (oui encore eux). 2)​ Oncogénèse Pour rappel, l’évolution vers un cancer dépend de co-facteurs et de facteurs viraux transformants tels que l’intégration du génome viral, la surexpression de E6 et E7 et l’expression de E5. Les co-facteurs comprennent le tabac, l’immunodépression et l’environnement. En théorie, le système immunitaire permet de protéger l’organisme des cellules qui présentent des anomalies donc l’immunodépression et l’évasion immune correspondent à un échappement du système immunitaire où la transformation cellulaire est moins contrôlée. Lors d’une infection à HPV, on peut décrire 2 phases : l’infection transitoire et l’infection permanente. On parle d’infection permanente à partir du moment où les lésions précancéreuses apparaissent. Page 13 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ Pour récapituler, on part d’un col utérin sain et celui-ci va se faire infecter par HPV. Cette infection peut se poursuivre ou non par des lésions précancéreuses qui pourront ou non évoluer vers un cancer avec une phase d’invasion. Mais des “retours en arrière” sont possibles avec une régression des lésions précancéreuses en infection et/ou avec la clairance de l’infection. 3)​ Protéines oncogènes Dans cette sous-partie, on va reprendre le rôle de chaque protéine oncogène une par une (E6, E7 et E5). Protéine E6 Elle interagit et dégrade la protéine anti oncogène p53 via le processus d'ubiquitination. Cela a donc pour effet de diminuer l’apoptose et d’augmenter la réplication des cellules transformées. La protéine E6 permet également une activation de la télomérase (hTERT) et interagit avec la paxilline qui a un rôle dans la transduction du signal. Protéine E7 Cette protéine établit des interactions et dégrade des protéines anti oncogènes du rétinoblastome (RB1, RBL1 et RBL2). Elle permet également la libération et l’activation du facteur de transcription E2F entraînant l’expression des gènes de la phase S (augmentation des cyclines A et E). Protéine E5 Elle est associée au Golgi, au réticulum endoplasmique rugueux et à la membrane nucléaire. E5 permet l’activation du facteur de croissance EGFR et effectue une inhibition du gène suppresseur de tumeur p21. Cependant, elle n’est souvent plus exprimée après intégration du génome viral, c’est une protéine oncogène précoce. VI.​ Diagnostic Pour le diagnostic, différents types d’examen sont mis en place parmi lesquels l’examen clinique avec colposcopie et test à l’acide acétique, l’examen cytologique avec le frottis, l’examen anatomopathologique avec la biopsie et des examens virologiques. L’acide acétique utilisé en examen clinique permet de mieux visualiser les lésions du col. Page 14 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ 1)​ Cytologie L’examen cytologique repose sur un frottis cervico-vaginal avec un recueil de cellules de la jonction endocol-exocol qui peut être prélevé avec une cytobrosse chez un spécialiste ou avec un autoprélèvement. Ce dernier a été mis en place pour développer le dépistage auprès des patients qui ne consultent pas de gynécologue. La cytologie classique est réalisée avec coloration au Papanicolaou tandis que la cytologie monocouche dans un milieu liquide bénéficie d’un processus automatisé permettant de standardiser et de simplifier l’examen (la cytologie en monocouche est donc de plus en plus utilisée). La classification cytologique des lésions se fait grâce au score Bethesda 2001. On distingue alors les lésions suivantes par ordre croissant de sévérité : ASC-US, LSIL, HSIL et carcinome. - acronyme ASC pour Atypical Squamous Cells (cellules atypiques) - acronyme US pour désigner les lésions de type indéterminé - lésions ASC-H pour lesquelles on ne peut pas exclure un haut grade de malignité - acronyme SIL pour Lésions Intraépithéliales Superficielles et devant on ajoute un L pour low grade (bas grade) ou un H pour high grade (haut grade) Dans certains cas, l’examen peut être complété par de l’immunocytochimie avec la recherche de marqueurs spécifiques comme p16 et Ki67. Avec ces techniques de cytologie, on peut mettre en évidence des cellules appelées koïlocytes c’est-à-dire des cellules épithéliales du col utérin infectées par HPV. 2)​ Anatomopathologie On effectue des examens anatomopathologiques en cas de lésions cytologiques. Les biopsies seront colorées ou marquées par des techniques d’immunohistochimie avec parfois une hybridation in situ. On peut aussi fixer des tissus au formol puis faire une inclusion en paraffine avant analyse. Ces techniques permettent de classer les lésions dans une des trois catégories suivantes : dysplasie, cancer in situ ou cancer invasif. La classification histologique s’effectue avec le système CIN (néoplasie cervicale intraépithéliale) ayant 3 stades en plus du stade carcinome avec : CIN 1 pour les lésions les plus faibles, puis CIN 2, CIN 3 et carcinome. Page 15 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ 3)​ Examens virologiques Ces examens consistent à déterminer et à typer le génome viral par hybridation moléculaire avec une PCR ou une TMA (technique isotherme d’amplification d’ARN). C’est une détection multiplex permettant de détecter différents HPV à potentiel oncogène. En plus de l’hybridation, on pourra effectuer un typage avec des techniques d’hybridation inverse, par des systèmes de biopuce ou par des séquençages. Enfin, d’autres outils existent, mais ils sont plutôt utilisés dans les recherches cliniques : la quantification ADN HPV ou ARNm des gènes E6/E7, la détection des formes intégrées ou la méthylation des gènes viraux et cellulaires. 4)​ Indications de l’ADN HPV La quantification de l’ADN HPV fait donc partie des examens virologiques et correspond à la technique utilisée pour le dépistage primaire chez les femmes de plus de 30 ans. On peut également réaliser ce test après un traitement CIN2 ou 3 pour vérifier l’efficacité de la thérapie. Enfin, si des anomalies cytologiques comme ASC-US ou LSIL ou des anomalies d’origine glandulaire (AGC) ont été découvertes lors de frottis, la quantification de l’ADN HPV pourra permettre le suivi. Il en est de même pour le suivi de colposcopie et de lésions histologiques de bas grade CIN1. Donc le test à ADN HPV est indiqué pour : le dépistage primaire, le suivi de lésions ou le suivi de traitement. Rappel : LSIL correspond à la classification cytologique et CIN à la classification d’anatomopathologie VII.​ Préventions Les virus HPV peuvent être transmis sexuellement donc un moyen de prévention possible est le préservatif mais celui-ci a une efficacité incomplète de 70%. La réalisation de dépistage systématique du cancer du col permet de détecter le plus tôt possible des lésions qui seront traitées ou surveillées pour améliorer la santé des patientes. Avant, le frottis cervico-utérin était l’examen de référence pour le dépistage quel que soit l’âge des femmes mais maintenant le test HPV est utilisé en dépistage primaire selon les nouvelles recommandations de la HAS en France depuis 2019 dans le cadre du Programme National de Dépistage Organisé (PNDO). 1)​ Dépistage Les recommandations de la HAS pour le dépistage du cancer du col utérin concernent les femmes asymptomatiques de 25 à 65 ans. Page 16 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ Entre 25 et 30 ans, on pratique un examen cytologique en milieu liquide selon les règles suivantes : 2 examens cytologiques à 1 an d’intervalle puis 3 ans après si les 2 premiers sont normaux. Après 30 ans, on réalise le test HPV avec la quantification d’ADN en faisant un premier test 3 ans après le dernier examen cytologique normal puis tous les 5 ans si les résultats sont négatifs. Le test HPV permet donc d’espacer la surveillance et correspond à un dépistage regroupé puisqu’il permet de détecter tous les types de HPV responsables du cancer du col utérin (rappel toi le tirage loto du dessus…). Si on essaie de résumer tout ça : une femme qui suit les récommandations de la HAS à la lettre fera un examen cytologique à 25 ans puis un autre à 26 ans et si les résultats sont normaux elle fera un autre examen cytologique à 30 ans. Puis, elle fera un test HPV à 33 ans (3 ans après le dernier examen cytologique) et si le résultat est normal, elle fera des tests HPV tous les 5 ans (donc à 37 ans, à 42 ans … jusqu’à 65 ans). Les tests en autoprélèvement sont proposés aux femmes à partir de 30 ans ainsi qu’aux femmes non dépistées ou insuffisamment dépistées. Le programme de dépistage systématique ayant une efficacité sous optimale avec seulement 60% des femmes bénéficiant du suivi, ces tests permettent d’élargir la surveillance. Le dépistage des femmes entre 25 et 30 ans se fait par examen cytologique et non par test HPV, car ce dernier a une trop grande sensibilité et revient trop souvent positif dans cette tranche d’âge alors qu’on sait que beaucoup de femmes vont éliminer les infections de manière spontanée et que le frottis avec examen cytologique suffit à détecter des lésions. 2)​ Triage Lorsque les résultats du dépistage sont anormaux, il faut prendre en charge la patiente. Si c’est l’examen cytologique qui est anormal (pour des femmes de 25 à 30 ans donc), les recommandations INCA de 2016 préconisent de réaliser une colposcopie, une cytologie cervico-utérine à 6 mois et un test HPV avec marqueurs p16 et Ki67. Si c’est le test HPV qui revient positif (donc anormal), il faut faire un examen cytologique réflexe. Puis, si la cytologie est normale on ne fait que contrôler avec un test HPV 1 ans plus tard. En cas de cytologie avec lésions ASC-US ou des anomalies plus sévères alors on fait une colposcopie. (l’algorithme reprend le processus de soin) Page 17 sur 18 ​ ​ ​ ​ ​ ​ ​ 3)​ Vaccins La vaccination fait partie des moyens de prévention face aux complications de l’infection HPV. Il est possible de faire la vaccination sur des jeunes filles ET des jeunes garçons (même si non écrit sur le diapo, le prof s’en excuse) de 11 à 14 ans avec un rattrapage possible jusqu’à 19 ans. Pour les personnes immunodéprimées, la vaccination peut se faire jusqu’à 19 ans et pour les hommes ayant des relations avec des hommes la vaccination est possible jusqu’à 26 ans. Plusieurs vaccins VLP (virus like particles, correspondant à des capsides sans génome) ciblant la protéine L1 existent selon les cibles HPV que l’on souhaite viser : -​ Cervarix* : HPV 16 et 18 -​ Gardasil* : HPV 6, 11, 16 et 18 -​ Gardasil9* : HPV 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52, 58 Ces vaccins nécessitent 3 injections. De nouveaux vaccins induisant des anticorps neutralisants ciblant la protéine L2 viennent d’être mis en place. Ces derniers ont des propriétés immunogènes plus puissantes et permettent une protection croisée contre différents types de HPV. Pour l’instant la vaccination contre HPV n’est pas très répandue puisque seulement 45% des femmes sont vaccinées et 55% des femmes ont reçu au moins une dose (couverture vaccinale incomplète pour certaines , puisqu’il faut 3 doses). VIII.​ Traitements Il n’existe pas d’antiviraux spécifiques pour les infections à HPV donc les traitements reposent sur l’exérèse chirurgicale, la cryothérapie, la vaporisation laser (plutôt pour les condylomes) ou des produits à administration locale comme la podophylline ou imiquimod (Aldara*). (pas plus de précisions dans cette partie) Page 18 sur 18

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