Religion et Politique: 2023-2024 (PDF)

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UCLouvain Saint-Louis Bruxelles

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political doctrines religious doctrines history political philosophy

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Ce document explore les liens entre les doctrines religieuses et politiques, en se concentrant sur l'évolution de la pensée politique moderne et ses racines dans les doctrines religieuses. Il analyse des sources historiques et philosophiques, notamment les liens conceptuels entre les idées de hiérarchie, d'autorité et de pouvoir absolu. Le document discute aussi l'impact de la religion sur l'idée de souveraineté, de représentation et de personne.

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1ère partie: Aux « origines » des doctrines politiques contemporaines (fin) 3. Des liens entre doctrines religieuses et doctrines politiques Plan Introduction: les modernes et la religion 3.1. Un lien historique 3.2. Un lien conceptuel 3.3. L’arrière-plan théologique de la pensée démocrati...

1ère partie: Aux « origines » des doctrines politiques contemporaines (fin) 3. Des liens entre doctrines religieuses et doctrines politiques Plan Introduction: les modernes et la religion 3.1. Un lien historique 3.2. Un lien conceptuel 3.3. L’arrière-plan théologique de la pensée démocratique contemporaine: la question de la souveraineté et de la représentation 2023-2024 1 Introduction: les modernes et la religion 1. La politique moderne est souvent vue comme une émancipation par rapport au religieux, liée: - À la Renaissance et à la redécouverte de l’Antiquité (Quattrocento) - à la Réforme protestante (XVIe; Luther 1483-1576), qui sape le pouvoir de l’Eglise, « dé-magifie » la religion, favorise l’individualisme, la rationalisation – le « désenchantement du monde » (Max WEBER, 1904) - aux guerres de religion: le politique doit être au-dessus de la mêlée et y mettre fin; - aux « révolutions » scientifiques aux XVI et XVIIe s. (Copernic, Galilée, essor des sciences expérimentales MAIS 2. C’est plus compliqué: la politique moderne conserve l’idée de « souveraineté » (= pouvoir absolu, plenitudo potestatis). Le souverain politique ne sera plus Dieu/le Pape, mais l’Empereur/le Roi, Et finalement l’Etat, « figure moderne de la politique » (S. GOYARD-FABRE). 2 Introduction: les modernes et la religion 3. Ce n’est pas une « séparation » Olivier ROY: le politique contrôle le religieux, l’Etat décide de la place du religieux dans la société (pour mettre fin aux guerres de religion) MAIS c’est le religieux qui légitime les souverains, les sociétés européennes restent chrétiennes, les populations croyantes et pratiquantes jusqu’aux XIXe-XXe s. = « demi-sécularisation » / « christianisme sécularisé » (aujourd’hui en crise). C’est pour ça qu’on dit que « le christianisme est la religion de la sortie de la religion » (M. GAUCHET) Au plan des doctrines, la question des liens et des ruptures se pose : des liens historiques et conceptuels existent: entre les doctrines politiques modernes & contemporaines et les religions monothéistes et théocentriques, selon lesquelles Dieu a créé le monde et commande aux hommes. 3 3.1. Le lien historique doctrines religieuses/doctrines politiques 1) Les doctrines religieuses sont apparues plus tôt mais ça ne suffit pas… 2) La doctrine chrétienne et l’Islam ont la particularité d’être constituées de règles valant pour tous les croyants (égalité) et tous les aspects de la vie. 3) Dimension individuelle et collective, éthique et politique, axiologique (valeurs) et organisationnelle (pratiques). D’où leur potentiel politique. 4) Il y a un par ex. un « lien historique » entre les « règles » des communautés monastiques du début de la chrétienté, et les « constitutions » des sociétés politiques au sens moderne et contemporain. 2023-2024 3 3.1. Le lien historique doctrines religieuses/doctrines politiques Illustration: les premières communautés chrétiennes sous l’Empire romain (1er s.): - pas de théorie du « bon gouvernement » comme chez Thomas d’Aquin plus tard (XIIIe) mais chacune avait sa « Règle » = sa « constitution », organisant les relations et les pouvoirs dans la communauté et vis-à-vis de l’extérieur - cf. la Règle de saint Benoît (VIe s.); - Ne contestent pas les lois de l’Empire: « rendre à César ce qui appartient à César » (principe de subsidiarité) - Communautés fondées sur valeurs chrétiennes: l’amour ET l’obéissance, la charité ET la discipline, l’égalité ET la hiérarchie, etc.; - et sur le partage des tâches, l’équité dans la redistribution, l’hospitalité, etc. - les chefs, élus par la communauté et soumis à ses règles, étaient tenus pour « responsables »; - une communauté́ était libre de choisir sa constitution; - l’individu avait le devoir de « résister moralement » (liberté de conscience) 5 3.2. Le lien conceptuel doctrines religieuses/doctrines politiques Un lien conceptuel implique des éléments communs « de sens » entre doctrines chrétienne et (certaines) doctrines politiques modernes voire contemporaines: - les idées de hiérarchie, d’autorité, de pouvoir absolu, etc., comme chez les chrétiens; mais aussi les valeurs chrétiennes de « paix », d’ « égalité », ou de « fraternité »… - Et les notions de « personne », de « sujet », de « souveraineté », de « représentation »… 5 3.2. Le lien conceptuel doctrines religieuses/doctrines politiques Ce lien entre doctrines chrétiennes et doctrines politiques modernes et contemporaines s’explique: 1) Par la « séparation » tardive (et incomplète) Eglise/Etat, la « sécularisation du christianisme » ou « demi-sécularisation », le fait que les penseurs et personnages politiques restent chrétiens, 2) Par le rôle médiateur de la philosophie: - les penseurs chrétiens s’approprient l’héritage des Grecs, les « récupèrent »; - la « scolastique » (développement de la théologie, étude des textes) puis la « métaphysique » (s’intéresse à d’autres choses) font lien entre religion et philosophie; - la philosophie elle-même fait lien entre les doctrines religieuses et les doctrines politiques « modernes » (la philosophie « critique »). 3) Par l’importance de l’éthique communautaire: les hommes sont « frères » car « fils de Dieu » 4) Idée qu’on trouve dans les conceptions traditionnelles et absolutistes du pouvoir (importance du travail, de l’obéissance, de la famille, de l’ordre, etc.) MAIS AUSSI 5) Dans certaines doctrines contemporaines de la démocratie, le socialisme et même l’anarchisme: importance de l’égalité, de la solidarité, de l’amour – 1er Commandement –, de la paix universelle, voire de la conscience critique (cf. le socialisme éthique de G. ORWELL, XXe s.) 7 3.3. L’arrière-plan théologique de l’imaginaire démocratique: « souveraineté » & « représentation » 1. La question de la souveraineté du peuple est un problème commun à presque toutes les doctrines politiques modernes et contemporaines (jacobines et libérales, socialistes et anarchistes) qui montre les origines théologiques des doctrines politiques modernes et contemporaines. 2. La question de la souveraineté populaire: Comment traduire concrètement le principe (démocratique) qui fait du peuple (=d’une multitude) la source unique du pouvoir (=le souverain)? ou Comment faire pour que le peuple soit en même temps à la source du pouvoir et l’exerce? 3. Cette question est liée à celle de la représentation: Le peuple souverain peut-il être représenté? Si oui, qui va représenter le peuple, i.e. agir et parler pour « lui », en son nom? Et comment? Car le peuple n’est pas « une » personne, il n’a pas « une seule volonté » 4. Les deux notions, souveraineté et représentation ont des origines historiques et conceptuelles communes à travers la notion de personne, qu’on trouve à la fois chez les Grecs et dans la pensée chrétienne. 8 3.3.1. La personne et le sujet: origines pré-modernes 1) Chez les Grecs et en latin: - Le mot prosopon ou « persona » signifie d’abord le « visage », puis désigne le « masque », le « rôle », enfin le « personnage »: un individu public doté de caractères marquants (cf. le théâtre) - La « personne » finit par définir un être humain avec un nom propre, un statut juridique, des traits de caractère (rem. pas de nom propre pour les femmes dans l’Antiquité…). - Plus tard, l’idée renverra à la fois au « masque », à l’apparence (au personnage), et à la personnalité, à l’identité profonde (à la personne au sens actuel: un individu, un corps et une personnalité). 2) Pour les chrétiens, le problème est de rendre compte de la « divinité du Christ » (l’Incarnation) et du « mystère de la Trinité » (3 personnes en une!) De débats théologiques intenses naît une philosophie de la personne (divine et humaine), qui va influencer les penseurs modernes (dont HOBBES): la personne est à la fois une « essence » commune aux êtres doués de raison et une « existence » particulière (un individu singulier). 3) D’où la définition de la personne comme une nature individuelle de caractère raisonnable et subsistant par soi-même qui influence les modernes 9 3.3.2. Le problème de la représentation politique 1) Chez les chrétiens (Saint Paul, 1er s.) et chez les Modernes, la société (= le « corps social », moral et politique) puis l’Etat sont pensés sur le modèle de la « personne » humaine: individuelle, incommunicable, auto-consistante (Thomas d’Aquin), et raisonnable. 2. Mais problème: si la société est considérée comme un corps, une « personne », qui va agir, parler au nom de la « multitude » de « personnes », plus ou moins liées mais aux opinions et intérêts divergents, qui composent cette personne, ce corps? C’est la question de la représentation, qui se pose aussi bien quand le roi est souverain que quand le peuple est souverain. 3. D’où 3 positions/ « réponses »: Thomas HOBBES (1588-1679): le Léviathan est souverain et représente la multitude suite à un contrat. Absolutisme… et représentation! Le représentant est le représenté. John LOCKE (1632-1704) distingue la source du pouvoir (le souverain, le peuple, le « représenté ») de l’exercice du pouvoir ( par le représentant). Doctrine libérale. Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778): le peuple est souverain et ne peut donc pas être représenté (par un autre que lui); la démocratie ne peut pas être représentative. 2023-2024 10 2023-2024 11 Références J.-M. Ferry, J. Lacroix, La penseée politique contemporaine, Bruxelles, Bruylant, 2000 (p. 241-261). Marcel Gauchet, Un monde désenchanté ?, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 2004. Gérard Mairet, Les grandes œuvres politiques, Paris, LGF, Livre de Poche, « Références », 1993. Gérard Mairet, Le principe de souveraineté, Paris, Gallimard, « Folio », 1997. Règle de Saint-Benoît (VIe siècle), Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, 1987. Olivier Roy, L’Europe est-elle chrétienne?, Paris, Seuil, 2019. 2023-2024 10

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