Détermination du débit de filtration glomérulaire (SUITE) PDF

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Toulouse III - Paul Sabatier University

Ivan Tack, Rayan Zazoua, Tom Ribis

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physiologie rénale créatinine médecine

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Ce document aborde la détermination du débit de filtration glomérulaire (DFG). Il explique l'utilisation de la créatinine comme traceur endogène pour estimer la fonction rénale et présente la mesure de la clairance urinaire. Le document souligne les limites de ces méthodes dues à la sécrétion tubulaire de la créatinine et aux variations inter-essais.

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Pr. Ivan Tack Physiologie NUG - n°3 Rayan Zazoua 7/01 - 10h-11h Ronéo n°1 Tom Ribis DÉTERMINATION DU DÉBIT DE FILTRATION GLOMÉRULAIRE (SUITE) DFG = D...

Pr. Ivan Tack Physiologie NUG - n°3 Rayan Zazoua 7/01 - 10h-11h Ronéo n°1 Tom Ribis DÉTERMINATION DU DÉBIT DE FILTRATION GLOMÉRULAIRE (SUITE) DFG = Débit de filtration glomérulaire IRA = Insuffisance rénale aiguë IRC = Insuffisance rénale chronique MRC = Maladie rénale chronique I. Estimer le débit de filtration glomérulaire La mesure du DFG est techniquement contraignante en termes de temps et de coût. Elle ne fera pas partie de notre pratique clinique. En pratique, nous réaliserons des estimations du DFG avec pour objectifs d’éviter l’administration d’un traceur exogène, d’éviter un recueil urinaire (souvent peu fiable : dans les services spécialisés, comme la néphrologie, un tiers des recueils sont erronés) et d’éviter l’immobilisation prolongée du patient (afin de mobiliser moins de moyens médicaux qui pourraient coûter plusieurs centaines d’euros). 1) Mesures de la fonction rénale a) Un traceur endogène : la créatinine La créatine phosphate sert de substrat énergétique aux cellules musculaires. Elle est ensuite transformée en créatine déphosphorylée, puis libérée dans le milieu extracellulaire sous forme de créatinine. Cette dernière est utilisée comme « traceur endogène » pour estimer la fonction rénale, car elle est éliminée par le rein. Autrefois, le dosage de la créatinine reposait sur la méthode de Jaffé, une technique colorimétrique. Aujourd’hui, on privilégie une méthode biochimique plus simple, basée sur une réaction enzymatique (dégradation de substrat). Le coût unitaire du dosage est de 2,7€ ce qui représente un coût annuel total de 50 millions d’€ pour la sécurité sociale : la créatinine n’est pas le traceur parfait mais possède le meilleur rapport qualité (fiabilité)/prix. La fiabilité de la mesure est moyenne : on observe 20% de variations inter-essais et la reproductibilité inter-laboratoire a longtemps été catastrophique. Certains laboratoires étaient même réputés chez les patients pour fournir des valeurs systématiquement plus basses que d’autres. Ce problème a été corrigé grâce à l’introduction d’une calibration internationale (IDMS), qui a considérablement réduit ces écarts. Le dosage reste cependant sujet à certaines interférences. Par exemple, en cas d’ictère important, la couleur jaune de la bilirubine peut perturber la mesure. De plus, certaines céphalosporines peuvent artificiellement baisser la créatinine : ainsi, un adulte de 30 ans sous céphalosporine pourrait avoir des résultats comparables à ceux d’un nourrisson de 6 mois. Un marqueur parfait est librement filtré, ni sécrété ni réabsorbé, ni métabolisé ni produit par le tubule rénal et est sans effet sur la fonction rénale. La créatinine n’en est pas un : bien qu’elle soit librement filtrée et non réabsorbée, elle est sécrétée à hauteur d’environ 20 % de la quantité filtrée. Cela signifie que la quantité de créatinine mesurée dans les urines représente 120 % de la quantité réellement filtrée. Cette sécrétion tubulaire (proximale) est assurée par des transporteurs spécifiques. Elle peut donc être perturbée par la présence d’autres molécules, comme certains médicaments, qui utilisent les mêmes transporteurs pour leur excrétion. La créatinine est un estimateur globalement efficace de la fonction rénale, mais il ne faut pas utiliser directement sa valeur brute (en mmol/L) pour qualifier la fonction rénale. Par le passé, cette pratique était courante, mais l’analyse de la relation entre la créatininémie et la mesure exacte de la fonction rénale (clairance de l’inuline) révèle une hyperbole. Ainsi, de faibles variations de la créatininémie peuvent passer inaperçues malgré une altération de la fonction rénale : par exemple, une créatininémie de 9 peut correspondre à un DFG de 140, tandis qu’une créatininémie à 11 peut indiquer un DFG de 100 (valeurs données à titre d’exemple). Inversement quand la créatininémie augmente on peut avoir une mesure à 40 mmol/L le lundi et de 50 mmol/L le lendemain alors que le DFG a seulement baissé de 5mmol/L (ce qui est insignifiant). À cause de cette relation non linéaire il est très compliqué d’avoir une idée exacte du DFG à partir d’un simple chiffre de créatininémie. C’est pourquoi il a été nécessaire de trouver un paramètre mathématique tenant compte de l’hyperbole. b) Mesure de la clairance urinaire Des gens ont proposé de mesurer la clairance urinaire de la créatinine en réalisant un recueil sur 24 heures, accompagné d’une mesure sanguine à la mi-journée, afin d’estimer le DFG. Or la créatinine est aussi sécrétée (environ 20mL/min). Cette méthode conduit à une valeur erronée par rapport au DFG réel (mesuré par la clairance de l’inuline). Ainsi, pour un DFG réel de 50 mL/min, l'estimation obtenue par cette méthode serait de 70 mL/min, soit une erreur d’un facteur de 1,4. Page 2 sur 18 La clairance urinaire tend donc à surestimer la fonction rénale d’autant plus qu’elle se dégrade (car le tubule sécrète toujours la même quantité de créatinine tandis que la filtration diminue). C’est un réel problème car pour un sujet en bonne santé l’erreur n’est pas grave mais quand un patient est en moins bonne santé c’est différent : cette méthode donnerait un DFG estimé à 60 à un patient ayant un DFG réel à 40 or le pronostic associé à ces deux valeurs est différent. On utilise néanmoins cette mesure dans certaines circonstances. c) Estimations calculées à partir de la créatininémie Dans les années 80 la formule de Cockcroft-Gault a permis de quantifier numériquement la courbe hyperbolique afin d’obtenir une estimation du DFG en tenant compte de l’âge, du poids et de la valeur de la créatinine. Elle a été déterminée à partir d’une population de patients hospitalisés ayant fourni des recueils urinaires fiables. Cependant c’étaient tous des hommes et il a fallu inclure un facteur de correction pour adapter la formule aux femmes. Cette formule n’est cependant pas très représentative car elle ne correspond en réalité pas à une hyperbole. De plus, elle surestime la diminution du DFG avec l'âge, ce qui la rend peu fiable après 60 ans. Elle devient également moins précise lorsque le poids du patient est trop élevé. Elle prédit donc mal le DFG si le sujet n’est pas jeune et en bonne santé or on veut l’utiliser chez des patients qui ne le sont pas forcément. En 1999, une formule mathématiquement plus pertinente a été développée : le MDRD simplifié. Celui-ci s’affranchit du poids, ce qui résout un problème du Cockcroft-Gault, car peser chaque patient était trop chronophage et l'utilisation de données déclaratives augmentait l’erreur. Cette formule a été conçue pour les États-Unis, où 15 % de la population est noir. Les Afro-Américains ayant une masse musculaire plus élevée pour une masse corporelle identique, ils présentent une créatininémie plus élevée. C'est pourquoi un facteur de correction a été introduit pour cette les afro-américains. Cependant, cette approche est problématique : d’une part, il n’existe pas de définition précise d’ « Afro-Américain », et d’autre part, lorsqu'on l’applique à des africains ça ne marche pas (car les gabarits sont différents). Ce facteur de correction induit donc un biais. De plus, en France, il est illégal de mentionner l'ethnie d’un patient, ce qui empêche l’utilisation de cette correction. Page 3 sur 18 Cette formule était cependant assez fiable hormis chez les gens maigres avec un IMC 60 alors le DFG était sous-estimé) pour qui la formule dérivait. En 2009 est arrivé le CKD-Epi qui est encore utilisé aujourd'hui : la formule garde l’ethnie, la créatininémie et l’âge et donne une estimation fiable du DFG pour des valeurs jusqu’à 120-140. C’est la seule formule que les laboratoires ont le droit d’utiliser. Il est illégal de rendre un résultat calculé avec un MDRD ou un Cockcroft-Gault. En 2021 est sortie une version corrigée du CKD-Epi qui s’affranchit de l’ethnie pour prendre en compte le monde entier au dépend d’une plus grande variance et d’une moindre fiabilité de l’estimation (en France le CKD-Epi de 2009 est plus fiable est toujours celui recommandé par la HAS). Ces formules ont des limites terribles : - La principale est que le précurseur de la créatinine est généré dans le rein puis modifié dans le foie pour donner de la créatine avant sa transformation finale dans le muscle. Ce qui signifie que si le sujet a une masse musculaire anormale ou une fonction hépatique anormale sa créatininémie sera anormalement basse ce qui conduira à une surestimation du DFG en utilisant les formules. On a l’impression que les reins filtrent moins mais la réalité est qu’ils ont juste moins à filtrer. - L’alimentation est aussi une source de créatinine : la consommation de viande (terrestre ou marine) représente un apport de créatine qui sera transformée en créatinine par notre corps ce qui augmente la créatininémie indépendamment de notre masse musculaire. On ne devrait ainsi pas la mesurer dans les 2 à 3 heures suivant un repas contenant de la viande. Or cette précaution n’est pas prise dans les laboratoires. Une équipe anglaise a démontré que la prise d’un repas hospitalier conduit à une erreur de 15 à 20% sur les valeurs de créatininémie et du DFG quand la mesure est effectuée 2 heures après le repas : quelqu’un à 80 de DFG aura un résultat à 60. - C’est pareil pour les sportifs consommant de la créatine : leurs créatininémies augmentent artificiellement ce qui fait artificiellement baisser le DFG. Mais c’est une erreur de dire que la créatine rend insuffisant rénal comme certains articles avaient pu le dire par le passé. Page 4 sur 18 - L’ethnie joue aussi : il faut augmenter de 12% la valeur de la fonction rénale si le patient est noir par exemple. En revanche pour les asiatiques la marge d’erreur est de moins de 10% donc on n’ajuste pas la formule. - Il faut se méfier des gens qui prennent des anabolisants car ils ont une masse musculaire anormale. Il faut aussi se méfier des danseuses professionnelles qui sont très minces mais très musclées et qui ont donc une créatininémie haute. - Les patients amputés ont une masse musculaire abaissée ce qui conduira à surestimer le DFG si on ne corrige pas les formules. On peut ainsi avoir des DFG faussement rassurants chez un diabétique amputé par exemple. C’est pareil en cas de myopathie, d’amyotrophie, de dénutrition (kwashiorkor) ou de perte musculaire liée à l’âge. - Il faut enfin faire attention aux médicaments supprimant la sécrétion tubulaire de créatinine car 20% de l’élimination est supprimée ce qui fera baisser le DFG artificiellement. On retrouve parmi eux : le Bactrim : il est utilisé pour traiter les infections urinaires mais a un effet néphrotoxique. Il faut donc se demander si la baisse du DFG est liée à cet effet ou à la suppression de la sécrétion uniquement; la cimétidine : anti-H2 autrefois utilisé pour les ulcères gastriques (diminution de la sécrétion acide gastrique) mais éliminé par la même transporteur que la créatinine; le cobicistat : booster des antirétroviraux. Or ces derniers sont néphrotoxiques ce qui mène là aussi à se demander si la baisse du DFG est liée à cet effet ou à la suppression de la sécrétion uniquement. En résumé, le Cockcroft et le MDRD ne sont pas recommandés contrairement au CKD-Epi qui utilise le genre, l’âge, l’ethnie et la créatininémie. Cette dernière formule est cependant mal adaptée après 70 ans et chez les sujets maigres ou obèses. Il est nécessaire de se rappeler que la précision est moyenne et que différents facteurs (que l’on recherche à l’anamnèse) peuvent faire varier la créatininémie. Page 5 sur 18 Il est aussi très important de savoir qu’on n’a pas le droit d’utiliser ces formules dans l’IRA car la créatinine s’accumule et diminue dans le sang avec une certaine inertie : lors de la phase d’attaque de l’IRA la créatininémie va mettre du temps à augmenter induisant une sous-estimation de l’intensité de l’insuffisance alors qu’elle diminuera ensuite lentement après le traitement induisant une sous-estimation de la récupération. L’IRA indique donc de mesurer la fonction rénale avec une méthode de référence (mais c’est coûteux et chronophage donc on le fait peu) ou de l’estimer via la clairance urinaire (en prenant garde à corriger la surestimation de 20mL/min liée à la sécrétion). - Question d’un étudiant : peut-on se servir du CKD-Epi pour statuer sur le statut d’une IRA ? - Réponse du professeur : Si ton CKD-Epi te montre un DFG à 30 tu peux dire qu’il y a une insuffisance rénale. Mais si tu dois prendre une décision en fonction de l’aggravation ou de l’amélioration de l’IRA tu ne peux pas te servir de la formule. Ainsi un DFG de 30 avec un CKD-Epi à 24 ans permet de dire qu’il y a une insuffisance rénale et c’est l’anamnèse qui nous dit si elle est aiguë ou chronique. Si elle est aiguë on ne pourra pas l’utiliser pour qualifier son évolution. Est-ce que ces formules ont une bonne valeur prédictive individuelle ? Les premières formules avaient un ordre d’erreur de 30mL/min quand on estimait 90 de DFG ce qui n’était pas très satisfaisant. Le CKD-Epi moderne a une valeur prédictive nettement meilleure : 90% des patients ont une prédiction juste à plus ou moins 30% ce qui n’est toujours pas parfait mais quand même mieux. Dans quelles situations l’estimation par la clairance mesurée de la créatinine doit-elle être préférée au CKD-Epi ? Lorsque la production de créatinine est anormale : une personne musclée produit plus de créatinine et en excrète davantage dans ses urines qu’une personne moins musclée mais le calcul de la clairance (C = V/P) corrige cela. De même, on préfère utiliser la clairance quand l’excrétion rénale de créatinine change rapidement, par exemple dans l’IRA. Les recommandations américaines considèrent qu’une mesure et non pas une estimation est nécessaire dans ces cas là : - Âges et tailles extrêmes - Malnutrition et obésité - Paraplégie, tétraplégie, amputation - Régime végétarien et surtout végétalien (car si la complémentation en acides aminés est mauvaise il y aura une réduction de la masse musculaire) - Variations rapides du DFG - Avant un traitement par médicament néphrotoxique Page 6 sur 18 - Avant un don de rein (pour être sûr que la fonction rénale résultante sera viable) - Dans les projets de recherche clinique dont l’objectif principal est le devenir du DFG (sauf si on a de grandes populations car le CKD-Epi est très fiable à l’échelle populationnelle mais peu à l’échelle individuelle) 2) Maladie rénale chronique a) Définition L’objectif, en mesurant la fonction rénale, est bien souvent de dépister la maladie rénale chronique (MRC). La MRC, concept apparu dans les années 2000, est à différencier de l’IRC (DFG

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