Soir 3: Comment l'Afrique Coloniale Française S'est Décolonisée? PDF
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Cet article traite des aspects clés de la décolonisation de l'Afrique sous domination française. Il met en lumière des événements et des figures marquantes de cette période complexe de l'histoire. Des dates importantes sont mentionnées.
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Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? Accroche Macron Rappel histoire mémoire + ex du manifeste (66 noms dans le versions retenue par la mémoire 58 dans les archives françaises seules vérifiables Al fasi et sa...
Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? Accroche Macron Rappel histoire mémoire + ex du manifeste (66 noms dans le versions retenue par la mémoire 58 dans les archives françaises seules vérifiables Al fasi et sa femme malgré leurs contribution) Termes à revoir : colonie (Colo etbs / terr conqui exploité dominé par une puissance étrangère une métropole) Empire colonial : lointain universel et multiples statuts Décolonisation : processus pouvant aboutir dans la forme la plus aboutie à l’indépendance débuté en Am Nord et latine au XIXe et se clot dans les années 70, vraiment clot ? Vague année 50 puis 60 ATTENTION pas de téléologie : au début pas de mouvements nationaux I) D’une colonisation française en Afrique contesté dès ses débuts A) Résister aux conquêtes Abdelkader de 1832 à 1847 Lat Dior de 1860 à 1886 Samory Touré résiste durant 16 ans entre la Guinée le CI actuelle 1880 à 1898 après l’affaiblissement de l’empire Toucouleurs Ma EL Aïnin 1905-1910 puis al Hibba de 1912 à 1917 Rabah au Tchad actuel 1898 1900 Premier ministre Rainilaiarivony, principal artisan de la monarchie Merina depuis 1864. Face aux résistances malgaches, la France déclare la guerre à la monarchie Merina et procède à l'invasion de l'île dès 1894. Si la monarchie est officiellement maintenue, Rainilaiarivony est contraint à l'exil et la France proclame la « prise de possession » de Madagascar en 1896 de Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 1 manière unilatérale suscitant ainsi des insurrections menées par les cadres de la monarchie. Le roi Behanzin au Dahomey 1890-1894 B) Contester l’ordre colonial ⇒ En métropole 1. Débats parlementaires sur la colonisation : En 1885, Jules Ferry justifie la colonisation de Madagascar pour des raisons politiques, économiques et civilisationnelles. Georges Clemenceau s’oppose à cette vision, dénonçant les fondements de la politique impérialiste française. Ces débats se prolongent dans la presse, avec des journaux radicaux comme La Justice critiquant la colonisation. 2. Critiques du coût et des méthodes coloniales : Les critiques portent sur le coût financier de l’entreprise coloniale. Le régime concessionnaire est dénoncé pour ses abus, notamment à la lumière des scandales autour du Congo belge. 3. Rôle des intellectuels : Des écrivains comme Anatole France mettent en garde contre les haines durables que la colonisation peut engendrer, en appelant à une réflexion sur ses conséquences humaines et politiques. 4. Opposition de l’extrême droite nationaliste : Dans les années 1890, l’extrême droite critique la colonisation, considérant qu’elle détourne la France de la revanche contre l’Allemagne. 5. Les affaires Voulet-Chanoine et Gaud-Toqué : Ces scandales révèlent la brutalité et les abus des administrateurs coloniaux : L’affaire Voulet-Chanoine (1899) expose des massacres commis par une mission militaire en Afrique occidentale, entraînant une remise en question de l’administration coloniale. L’affaire Gaud-Toqué (1903) met en lumière la violence extrême de certains administrateurs dans le Congo français, renforçant les critiques en métropole contre les méthodes coloniales. Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 2 Conséquences : Ces affaires alimentent les débats sur la moralité de la colonisation, fragilisent la légitimité de la politique coloniale française et nourrissent le discours abolitionniste en métropole. ⇒ Au quotidien en Afrique sous domination française 1. Insurrections et résistances armées : Les insurrections succèdent aux résistances armées à la conquête et entretiennent une opposition durable. Le terme « pacification » traduit l’objectif inatteint de faire régner une paix complète. 2. Résistances quotidiennes révélées par les subaltern studies : Les résistances « par le bas » sont constantes, bien que moins visibles et structurées. Exemples : refus du travail forcé, désertions, fuites lors des réquisitions, refus de l’impôt colonial. 3. Code de l’Indigénat (1887) : Outil répressif inégalitaire encadrant les populations indigènes. Favorise les résistances face aux pressions socio-économiques et discriminatoires. 4. Exemples de résistances économiques : Refus de cultiver le coton imposé en AOF. Désertion des communautés villageoises face aux impôts et réquisitions. Résistances symboliques : labourer des terres confisquées, incendier du matériel, empoisonner des recruteurs. 5. Banditisme rural : Réponse individuelle et collective à la dépossession et au déclassement. Exemple : Arezki L’Bachir en Algérie, dont le procès de 1895 illustre la paupérisation liée au colonialisme. 6. Difficulté de mesurer l’ampleur des résistances : Ces résistances laissent peu de traces, mais les archives de la répression coloniale en témoignent. Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 3 C) L’intensification de la contestation avec la Première Guerre mondiale A. Intensification de l’opposition à l’ordre colonial après la Première Guerre mondiale : 1. Révolte du Bani-Volta (1915-1917) : Résistance au recrutement militaire forcé dans l’AOF. Mobilisation de près de 20 000 insurgés armés ; répression par les troupes coloniales en 1917. Illustration d’une opposition multiethnique et confessionnelle, révélant une coordination inattendue entre groupes locaux. 2. Rôle du code de l’Indigénat : Instrument de répression favorisant le rejet des obligations coloniales comme le recrutement militaire. B. Éveil des consciences politiques : 1. Citoyenneté limitée : Loi Diagne (1916) : citoyenneté pour les habitants des « 4 communes » du Sénégal. Contestation des inégalités pour les autres colonisés, y compris les vétérans. 2. Migration et prémices des luttes anticoloniales : Mobilisation de la main-d’œuvre maghrébine vers la métropole, début d’une immigration ouvrière dans les années 1920-1930. Formation de luttes anticoloniales connectées au PCF et aux syndicats. 3. Insurrection du Rif (1921-1926) : Première insurrection anticoloniale organisée sous Abdelkrim el-Khattabi. Création de la République du Rif, perçue comme un modèle de lutte anticoloniale sur la scène internationale. 4. Emergence des organisations nationalistes : Fondation de l’Étoile Nord-Africaine (ENA) en 1926 à Paris. Création d’organisations comme le Comité de défense de la race nègre (1926) et la Ligue des Oulémas en Algérie (1933). 5. Critiques en métropole : Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 4 Intellectuels comme Albert Londres et André Gide dénoncent les abus coloniaux. Revue Esprit (1930) critique la violence coloniale au nom de l’humanisme chrétien. Échec de la contre-exposition du PCF face à l’Exposition coloniale de 1931. 6. Rôle des élites africaines et de l’éducation : Écoles normales en AOF (William Ponty, Rufisque) forment une élite africaine. Création du syndicat des instituteurs d’AOF (1937), futur socle du Rassemblement Démocratique Africain (RDA). 7. Contestations idéologiques : Les colonisés retournent les valeurs de la République contre les réalités coloniales, réclamant l’égalité des droits. C. Conséquences : 1. Prise de conscience croissante : Contestations mieux organisées et internationalisées dans les années 1930. Fondation des bases des luttes indépendantistes après la Seconde Guerre mondiale. Une guerre « cents ans » À l’image du Maghreb débuté en 1830 et se termine en 1934 Alain Ruscio II) À un ordre colonial français en Afrique fragilisé à l’épreuve des crises mondiales A) La crise économique des années 30 et La Seconde Guerre mondiale et l’émergence nationalisme africain Crise économique : fragilisation des structures coloniales La crise des années 1930 a révélé les failles de l’ordre colonial français en accentuant les tensions sociales, économiques et politiques dans les territoires colonisés. Les mesures protectionnistes adoptées par la métropole ont perturbé les économies locales en favorisant les produits métropolitains, ce qui a souvent conduit à la désorganisation des industries artisanales locales. Par exemple, l’essor des textiles français dans les colonies a marginalisé les Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 5 artisans africains, comme le souligne Marius Moutet, ministre des Colonies, en 1936 : « Le paysan sénégalais fait vivre le tisserand des Vosges. » L’imposition accrue de taxes (ex. au Niger, où l’impôt de capitation a bondi de 90 % entre 1940 et 1944) et l’utilisation du travail forcé pour répondre à la demande économique métropolitaine ont nourri les rancunes envers l’administration coloniale. Cette exploitation exacerbée, combinée à des épisodes de famine et de pénuries alimentaires, a fragilisé la légitimité du pouvoir colonial. Seconde Guerre mondiale : délitement de l’autorité coloniale Le conflit a exacerbé les faiblesses structurelles de l’administration coloniale. La défaite de 1940 et la division entre France libre et régime de Vichy ont offert aux populations colonisées le spectacle d’une métropole affaiblie et divisée. La guerre a également exposé les colonies à des influences extérieures, comme les États-Unis, dont les idéaux démocratiques (exprimés dans la Charte de l’Atlantique de 1941) ont résonné auprès des élites nationalistes. La mobilisation massive des soldats africains (près de 500 000 hommes en 1945) a permis aux populations colonisées de revendiquer des droits après leur participation à l’effort de guerre. Des événements comme la mutinerie de Thiaroye en 1944, où des tirailleurs sénégalais ont été massacrés pour avoir réclamé leur solde, ont symbolisé la contestation croissante de l’injustice coloniale. La contribution à la construction des mouvements nationaux Transformation des mentalités et montée des revendications La crise et la guerre ont accéléré la politisation des élites colonisées et renforcé la prise de conscience nationale. L’interaction entre les intellectuels formés par la métropole et les masses populaires a permis l’émergence de mouvements organisés, tels que : Le Néo-Destour en Tunisie, fondé en 1934, prônant à la fois l’émancipation de la domination française et la modernisation sociale. Le Parti Populaire Algérien (PPA) de Messali Hadj, qui mobilisait les ouvriers et jeunes pour l’indépendance. L’Istiqlal au Maroc, proposant un modèle d’association modernisée autour du sultan. Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 6 Renégociation de la relation coloniale La guerre a également favorisé une remise en cause des fondements juridiques de l’ordre colonial. Les réformes initiées après la guerre, comme l’abolition de l’indigénat (loi Lamine Gueye) et du travail forcé (loi Houphouët-Boigny), ont établi un cadre propice à l’expression des revendications nationales. La conférence de Brazzaville en 1944, bien qu’ambiguë, a posé les bases d’une modernisation des relations entre la France et ses colonies, avec des promesses d’investissements et de représentation politique. Rôle des anciens combattants et des forces extérieures Les anciens combattants sont devenus un groupe influent, incarnant les contradictions du système colonial : tout en ayant contribué à la victoire française, ils étaient traités comme des citoyens de seconde zone. Leur mobilisation a nourri les mouvements indépendantistes. Enfin, les influences extérieures, notamment les discours anti-coloniaux des États-Unis et de l’ONU, ont servi d’appui idéologique aux nationalistes africains. Le manifeste de l’Istiqlal (1944) et celui de Ferhat Abbas (1943) en Algérie s’appuyaient sur les principes universels défendus par les Américains. Conclusion La crise économique et la Seconde Guerre mondiale ont profondément ébranlé l’ordre colonial français en Afrique en fragilisant son autorité économique et politique, tout en renforçant la politisation des sociétés colonisées. Ces événements ont contribué à forger des mouvements nationalistes qui, grâce à la mobilisation sociale, à l’inspiration internationale et à l’émergence d’une élite engagée, ont progressivement remis en question la domination coloniale et pavé la voie vers les indépendances. B) Les pressions internationales et la guerre froide L’ONU La création de l’Organisation des Nations Unies en 1945 a offert aux élites africaines une tribune pour exprimer leurs revendications. La charte de San Francisco (notamment l’article 73) et le préambule de la Constitution française de 1946 reconnaissaient un horizon autonomiste pour les colonies, bien que son sens reste flou (indépendance totale, co-souveraineté ou autonomie limitée). Des pays africains membres fondateurs (Éthiopie, Égypte, Liberia, Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 7 Afrique du Sud) plaidèrent en faveur des colonies encore sous domination, notamment la Tunisie, le Maroc et l’Algérie. L’ONU joua également un rôle avec les pays sous mandat comme le Cameroun et le Togo, imposant des rapports annuels sur les efforts économiques et sociaux, et permettant le droit de pétition et de visite. Le Togo, notamment, utilisa ces outils pour défendre la réunification de son territoire. Les puissances coloniales tentèrent de répondre aux critiques en organisant des structures comme la Commission pour la coopération technique au sud du Sahara. À partir de 1957, l’africanisation des cadres de cette organisation amorça une évolution vers des structures panafricaines comme l’OUA. La guerre froide La guerre froide eut un double effet sur l’ordre colonial. Les États-Unis, initialement critiques envers le colonialisme européen, modérèrent leur position par crainte de l’expansion du communisme. Roosevelt, opposé à la colonisation, fut remplacé par une administration plus conciliante envers la France, notamment avec l’intégration de l’Algérie dans le périmètre de défense de l’OTAN en 1949. Cependant, la guerre d’Algérie accentua les tensions, notamment après des incidents comme le bombardement de Sakhiet en 1958, qui suscita une hostilité américaine croissante. L’URSS, moins présente en Afrique dans les années 1940-1950, forma des élites anticoloniales et soutint des mouvements indépendantistes via des armes et une assistance idéologique, notamment en Algérie et au Cameroun. Les solidarités internationales à l’appui des revendications africaines Le tiers-monde émergea comme une force politique avec des modèles comme l’Inde ou l’Égypte. Ces pays jouèrent un triple rôle pour les territoires encore sous domination : Modèle d’émancipation (pacifique ou violente). Refuge pour les leaders indépendantistes, comme Bourguiba en Égypte. Structure de solidarité, avec des mouvements comme la Ligue arabe ou le mouvement des non-alignés (Bandoeng, 1955). Le Ghana devint un centre de la solidarité ouest-africaine sous K. N’Krumah. L’Église catholique Après 1945, l’Église catholique et des intellectuels chrétiens prirent leurs distances avec le colonialisme. Le pape Pie XII critiqua dans son message de Noël 1954 une domination coloniale qui avait échoué à conduire les peuples Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 8 colonisés vers l’autonomie. Des initiatives locales, comme celles des évêques de Madagascar (1953) et d’Afrique de l’Ouest (1955), témoignèrent d’un mouvement croissant en faveur de l’indépendance. C) Des société qui rejettent l’ordre colonial français 1. Les syndicats Les syndicats ont servi d’outils pour structurer une contestation sociale et politique en Afrique, s’appuyant sur les modèles européens. En Afrique du Nord, les syndicats étaient souvent des extensions des confédérations métropolitaines, tandis qu’en Afrique subsaharienne, les amicales (comme celles des instituteurs) jouaient un rôle similaire. La généralisation du syndicalisme en Afrique débuta dans les années 1930, portée par les partis de gauche et les conséquences sociales de la crise économique. Dès 1945, la CGT comptait 176 unions locales en AOF, regroupant un quart des travailleurs, mais elle dut affronter la concurrence de la CFTC à partir de 1948. La déconnexion des syndicats africains des confédérations métropolitaines fut progressive, culminant avec la création de syndicats indépendants comme l’UGTT en Tunisie (1946) ou l’UGTAN en AOF (1950). Les syndicats s’inscrivaient dans une dynamique internationale en se ralliant à des internationales syndicales comme la FSM (proche des communistes), la CISL (réformiste) et la CISC (chrétienne). Le panafricanisme syndical, promu par Sékou Touré, émergea dans les années 1950 avec l’idée d’un syndicalisme indépendant et non aligné, inspiré de la conférence de Bandoeng (1955). 2. Les mouvements associatifs La sociabilité associative se déclinait sous diverses formes : religieuse, sportive, économique, et politique. Associations d’anciens combattants : Tout en bénéficiant d’un certain statut social, ces associations portaient des revendications liées à leurs sacrifices (exemple : fusillade de Thiaroye en 1944). Mouvement coopératif : Promu par les autorités coloniales (ex. ENCOOP en 1952), il visait à optimiser les regroupements économiques locaux, tout en Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 9 favorisant une autonomie accrue pour les Africains. Associations sportives : Lieux de sociabilité et d’affirmation, elles dénonçaient les inégalités et démontraient que les qualités revendiquées par les Européens (force, endurance) étaient aussi présentes en Afrique. Associations de jeunesse : Elles jouèrent un rôle clé dans la politisation des jeunes Africains, comme la FEANF, regroupant les étudiants africains en France dès 1950, et le mouvement scout, qui était un lieu d’apprentissage de valeurs et d’affirmation identitaire. 3. Multiplication des partis politiques Les partis politiques africains émergèrent après 1945, soutenus par les réformes institutionnelles et les enjeux électoraux. Au Maghreb, les mouvements politiques étaient anciens et hétérogènes : Au Maroc, l’Istiqlal s’organisait autour du Sultan. En Tunisie, le Néo-Destour s’alliait avec les luttes populaires urbaines. En Algérie, les partis reflétaient une diversité de positions, de la rupture radicale du PPA-MTLD de Messali Hadj à la vision réformiste de Ferhat Abbas. En Afrique subsaharienne, les partis réclamaient un rapprochement avec la métropole, plutôt qu’une séparation radicale. Le RDA (1946) tenta de fédérer les revendications africaines et de dépasser les clivages administratifs entre AOF et AEF. La politisation des masses paysannes fut un enjeu crucial pour les leaders nationalistes, comme Senghor qui mobilisa les marabouts au Sénégal. Les luttes nationalistes nourrirent également des formes de xénophobie, comme les tensions interafricaines en Côte d’Ivoire en 1958 contre les travailleurs immigrés du Dahomey et du Togo. Ces dynamiques de mobilisation sociale, politique et associative reflètent une transformation des sociétés africaines vers une émancipation collective et des revendications de souveraineté. III) Vers une dissolution totale de l’empire colonial français en Afrique ? A) les indépendances sous tension Maroc : 1. Nationalisme émergent (années 1930) : Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 10 Création des premiers mouvements nationalistes structurés sous l’influence de l’élite intellectuelle, inspirés par les idées de modernisation et de réformes. Apparition de figures majeures comme Allal El Fassi et le lancement de revendications réformistes adressées à la France. 2. Manifeste de l’indépendance (1944) : Publication par le Parti de l’Istiqlal (fondé en 1943) d’un manifeste demandant la fin du protectorat. Répression par les autorités coloniales et durcissement de la lutte nationaliste. 3. Crise politique et exil du Sultan (1950-1953) : Opposition croissante entre le Sultan Mohammed V et la France, notamment sur la question de l’indépendance. En 1953, Mohammed V est déposé et exilé à Madagascar, provoquant une vague d’indignation populaire et des insurrections. 4. Retour de Mohammed V et négociations (1955) : Mobilisations populaires, soutien international et pressions de l’Istiqlal obligent la France à revoir sa position. Mohammed V est rétabli en 1955, et des discussions sont entamées sur l’avenir du Maroc. 5. Indépendance (1956) : Le 2 mars 1956, la France accorde l’indépendance au Maroc. L’Espagne suit en avril 1956 pour ses zones de contrôle dans le nord. Tunisie : 1. Fondation du Néo-Destour (1934) : Habib Bourguiba, Tahar Sfar et d’autres réformateurs fondent le Néo- Destour pour radicaliser les revendications nationalistes. Début des mobilisations populaires contre le protectorat, réprimées par les autorités françaises. 2. Seconde Guerre mondiale et renforcement du nationalisme (1940-1945) : Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 11 Bourguiba mène une diplomatie active, refusant l’alliance avec l’Axe et renforçant sa légitimité. Les Tunisiens participent à l’effort de guerre, mais la répression coloniale continue. 3. Conflit avec la France (1946-1952) : Multiplication des grèves et manifestations organisées par le Néo-Destour et l’UGTT (Union Générale Tunisienne du Travail). Arrestation de Bourguiba en 1952, ce qui radicalise la lutte pour l’indépendance. 4. Changement de stratégie française (1954) : Déclaration de Carthage : Pierre Mendès France reconnaît le droit à l’autonomie interne de la Tunisie, amorçant un processus de négociations. 5. Indépendance (1956) : Le 20 mars 1956, la Tunisie devient indépendante. Habib Bourguiba devient Premier ministre et consolide son pouvoir avant d’abolir la monarchie beylicale en 1957. 1. Une revendication croissante de souveraineté : Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la question de l’indépendance du Maroc et de la Tunisie, fondée sur la continuité de leurs structures étatiques, gagne en pertinence. Cette revendication s’appuie sur des mouvements nationalistes de plus en plus actifs. 2. La montée de la violence politique (1951-1955) : Raidissement métropolitain : Répression renforcée à partir de 1951, avec l’arrestation ou l’exil de leaders nationalistes. Soutien de hauts fonctionnaires français aux milices pro-coloniales. Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 12 Cycle de violence en Tunisie : À partir de 1952, assassinats de figures nationalistes comme F. Hached et H. Chaker. Réponse violente avec des exécutions d’Européens (ex. au Kef, à Ferryville). Cycle de violence au Maroc : À partir de 1953, multiplication des tensions et violences, parfois comparables à une mini-guerre civile. Assassinat de Jacques Lemaigre-Dubreuil, industriel favorable à l’autonomie marocaine, en juillet 1955. 3. Le rôle décisif de la négociation : Soutien croissant : Une partie de la presse métropolitaine et des élites politiques et culturelles appuient l’idée d’un processus négocié. Intervention politique : Pierre Mendès-France amorce des négociations pour mettre fin aux protectorats. Son successeur, Edgar Faure, poursuit cette démarche. Conclusion des accords : En mars 1956, des accords signés mettent un terme aux protectorats du Maroc et de la Tunisie, marquant leur retour à la souveraineté. B) les indépendances négociées 1. Création de la Communauté française (1958) : Permet une séparation progressive des colonies tout en maintenant des liens économiques et militaires privilégiés avec la France. Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 13 2. Indépendance immédiate de la Guinée : Sous l’influence de Sékou Touré, la Guinée rejette la Communauté française et opte pour une indépendance brutale. 3. Transition des autres colonies : Les territoires de l’AOF, de l’AEF et Madagascar adoptent une démarche plus graduelle. Émergence d’acteurs politiques africains grâce aux élections locales (loi municipale de 1955, loi-cadre Deferre de 1956). 4. Fédération du Mali : Formée par le Sénégal et le Soudan, elle demande formellement l’indépendance en septembre 1959, ouvrant la voie pour les autres États. 5. Indépendances généralisées : Au printemps 1960, les autres colonies demandent leur indépendance, entraînant un processus de séparation consensuelle. Proclamation des indépendances et entrée des nouveaux États à l’ONU jusqu’à l’automne 1961. C) les guerres d’indépendance Introduction : Deux guerres majeures de la décolonisation Les guerres de décolonisation, notamment au Cameroun (1955-1960) et en Algérie (1954-1962), se caractérisent par leur ampleur, leur violence et leurs conséquences sociales profondes. Ces conflits incluent des violences contre les civils, alimentées par des logiques coercitives et de terreur, transformant souvent les luttes en guerres civiles. A. La guerre du Cameroun (1955-1960) 1. Contexte et déclenchement : Le mouvement nationaliste UPC refuse l’autonomie graduelle et réclame l’indépendance immédiate. Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 14 La situation dégénère en conflit sanglant en 1955, marqué par des guérillas rurales et des violences contre les civils. 2. Caractéristiques du conflit : Utilisation des zones frontières comme bases arrière jusqu’à l’expulsion des nationalistes par les Britanniques en 1957. Recherche de soutiens internationaux (ex. Le Caire). Répression intense par les forces françaises et gouvernementales camerounaises. 3. Issue du conflit : Indépendance obtenue par négociation avec Ahmadou Ahidjo, tout en poursuivant la répression contre l’UPC avec l’appui de conseillers militaires français. La guerre d’indépendance du Cameroun, souvent méconnue, s’est déroulée de 1955 à 1971. Elle a opposé l’Union des populations du Cameroun (UPC), mouvement nationaliste dirigé par Ruben Um Nyobè, aux autorités coloniales françaises.  En mai 1955, des émeutes éclatent dans plusieurs villes camerounaises, réprimées violemment par les forces coloniales. L’UPC est alors interdite, poussant ses membres à entrer en clandestinité et à mener une lutte armée.  Le 13 septembre 1958, Ruben Um Nyobè est assassiné par l’armée française, mais la rébellion se poursuit sous la direction de leaders comme Félix-Roland Moumié et Ernest Ouandié. Malgré l’indépendance proclamée le 1ᵉʳ janvier 1960, avec Ahmadou Ahidjo comme président, le conflit continue, le nouveau gouvernement sollicitant l’aide militaire française pour mater l’insurrection.  La guerre s’achève officiellement en 1971 avec l’exécution publique d’Ernest Ouandié. Les estimations du nombre de victimes varient, certains rapports évoquant des dizaines de milliers de morts, principalement parmi les civils.  Cette période sombre de l’histoire camerounaise reste peu connue, souvent éclipsée par d’autres conflits de décolonisation. Cependant, des initiatives Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 15 récentes visent à reconnaître et à documenter ces événements, notamment par le biais de commissions mixtes entre la France et le Cameroun.  B. La guerre d’Algérie (1954-1962) 1. Contexte et origines : Échec des réformes du statut de 1947 et impact de la défaite française en Indochine. Début de l’insurrection le 1er novembre 1954 avec des attentats et des offensives violentes, comme celle de Philippeville en 1955. 2. Escalade de la violence : Répression militaire française : quadrillage des villes (bataille d’Alger), torture, camps de regroupement. Guerres internes : affrontements entre FLN, MNA, harkis, et purges au sein de l’ALN (ex. « Bleuite »). 3. Implications internationales et opposition en métropole : Critiques à l’ONU et tensions avec les États-Unis. Opposition croissante en France : dénonciation de la torture (ex. Henri Alleg), débats sur les coûts économiques de la guerre. 4. Transition vers l’indépendance : Ambiguïtés du discours de De Gaulle (1958) sur l’autodétermination. Négociations d’Évian (1962) actant l’indépendance après un référendum en Algérie et en métropole. 5. Conséquences et bilan : Entre 400 000 et 500 000 morts, incluant civils et combattants. Guerre d’échelle locale, nationale et internationale, marquée par des violences extrêmes (tortures, assassinats, attentats). Contexte et déclenchement (1954) Après des décennies de colonisation française marquée par des discriminations économiques, sociales et politiques envers les Algériens musulmans, le FLN (Front de Libération Nationale) lance la guerre d’indépendance le 1ᵉʳ novembre 1954 avec la Toussaint Rouge, une série Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 16 d’attentats coordonnés. L’objectif : obtenir l’indépendance totale de l’Algérie et mettre fin à la domination coloniale. Répression et intensification du conflit (1954-1957) La France répond par une répression militaire massive. Les forces françaises, atteignant jusqu’à 500 000 soldats, appliquent des techniques de guerre contre-insurrectionnelle (torture, quadrillage des territoires, déplacement des populations). La bataille d’Alger (1957) devient un symbole : l’armée française, sous la direction du général Massu, démantèle les réseaux urbains du FLN par des méthodes brutales, notamment la torture. Internationalisation du conflit Le FLN, soutenu par des pays arabes comme l’Égypte et la Tunisie, parvient à faire inscrire la question algérienne à l’ONU dès 1955. L’opinion publique internationale commence à condamner les méthodes françaises. Crise politique en France et retour de De Gaulle (1958) En France, la guerre provoque une instabilité politique. La crise de mai 1958, alimentée par l’armée et les colons européens, conduit à l’effondrement de la IVᵉ République. Charles de Gaulle revient au pouvoir et met en place la Vᵉ République avec la promesse implicite de résoudre le conflit. Plan de contre-insurrection et échec De Gaulle lance des plans de “pacification” et propose une autonomie limitée à l’Algérie, mais le FLN refuse tout compromis. Les affrontements s’intensifient, et les attentats se multiplient, notamment en France métropolitaine. Accords d’Évian et indépendance (1962) Après des négociations difficiles, les Accords d’Évian sont signés le 18 mars 1962. Ils prévoient un cessez-le-feu, l’organisation d’un référendum et des garanties pour les Européens d’Algérie (Pieds-noirs). L’indépendance est proclamée le 5 juillet 1962 après un référendum où l’immense majorité des Algériens vote pour l’indépendance. Conséquences Plus d’un million de morts, principalement algériens, et de lourdes souffrances civiles. Départ massif des Pieds-noirs (Européens d’Algérie) et abandon des harkis, supplétifs algériens de l’armée française, souvent massacrés ou Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 17 marginalisés. Relations franco-algériennes marquées par des tensions durables, notamment sur les mémoires divergentes de la colonisation et de la guerre. La guerre d’Algérie reste un événement central dans l’histoire contemporaine, symbolisant à la fois la décolonisation et les complexités des relations post-coloniales. C. Conséquences communes et divergentes : 1. Conséquences au Cameroun : L’indépendance est obtenue par négociation, mais le conflit laisse un héritage de divisions internes. 2. Conséquences en Algérie : L’armée devient un acteur politique majeur, et la mémoire du conflit joue un rôle central dans la construction de l’identité nationale. L’indépendance algérienne inspire d’autres mouvements de libération dans le monde. Soir 3 : Comment l’Afrique coloniale française s’est décolonisée ? 18