Techniques d'entretien PDF
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Université Toulouse-Jean Jaurès (Toulouse II)
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Ce document présente une introduction sur les différentes techniques utilisées dans les entretiens psychologiques. Il aborde les aspects fondamentaux, tels que l'entretien cognitif, l'entretien non directif, l'entretien clinique, l'entretien motivationnel. Le document détaille également comment poser un cadre à l'entretien.
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Techniques d’entretien Sommaire : Introduction générale………………………………………………………………………………………………………………….2 1) L’entretien cognitif…………………………………………………………………………………………………………………..6 2) L’entretien non-directif de recherche……………………………………………………………………………………..10 3) L’entretien clinique…………………………………………………………………...
Techniques d’entretien Sommaire : Introduction générale………………………………………………………………………………………………………………….2 1) L’entretien cognitif…………………………………………………………………………………………………………………..6 2) L’entretien non-directif de recherche……………………………………………………………………………………..10 3) L’entretien clinique………………………………………………………………………………………………………………..14 4) L’entretien motivationnel……………………………………………………………………………………………………….18 5) L’entretien avec l’enfant et l’adolescent…………………………………………………………………………………21 1 Introduction générale « L’entretien est l’une des méthodes les plus analysées en psychologie, mais aussi l’une des moins analysées de manière scientifique. » (Kvale, 1983). Quel que soit son contexte, l’entretien est un recueil d’informations, qu’il convient de replacer… Dans différents champs de la psychologie Dans l’ensemble des méthodes d’investigation La recherche (ENDR) Les études d’archives (enquête) La clinique (entretien clinique, motivationnel, L’observation (avec une grille) auprès des enfants & adolescents) L’enquête par questionnaire L’organisation (recrutement) Les expérimentations Le champ judiciaire (entretien cognitif) Pourquoi se former à l’entretien ? Rosenthal (années 40) a démontré l’existence d’un certain nombre de biais liés à l’attitude et aux attentes de l’expérimentateur qui biaisent le comportement des sujets. Psychologues, recruteurs, médecins, policiers… tous peuvent être sensibles à ces biais. → Cela montre l’intérêt de se former à l’entretien, afin de travailler son attitude de neutralité ! L’entretien, une démarche scientifique ? Ce qui fait la qualité d’une mesure, c’est avant tout la rigueur du practicien. Un physicien n’est pas plus « scientifique » qu’un psychologue : seule la nature de ce qu’ils mesurent diffèrent. Quel est l’objectif de cette UE ? Malgré l’utilité de s’y former, la méthode de l’entretien est peu enseignée dans un cursus de psychologie, et ce pour deux raisons : le manque de recherches sur l’objet « entretien » (cf. W de Blanchet et Vermersch), et la difficulté de transmission de savoir-faire en formation initiale. Cette UE vise l’acquisition de savoir-faire relatifs à 5 techniques majeures : l’ENDR, l’entretien cognitif, l’entretien clinique, l’entretien motivationnel, et l’entretien avec l’enfant et l’adolescent. Entretien L'ENDR Entretien cognitif Entretien clinique motivationnel Recueil non- Développé dans le Entretien de base Comprend des directif et très cadre judiciaire des TCC méthodes, outils, ouvert Minimise Peut se transposer techniques et Récit libre + l'influence de à d'autres attitudes relances l'expérimentateur domaines (ex : Avec des enfants & Vise à recueillir Donne des appuis addiction, adolescents : des données s/ cognitifs pour la réinsertion) sensibilité du une hypothèse mémoire Renvoie au modèle public et éléments épisodique transthéorique du déontologiques changement particuliers 2 Déconstruire les habitudes pour poser un cadre : Le principal écueil : les habitudes du quotidien Le principal écueil des professionnels consiste à transposer, en situation d’entretien, les habitudes acquises dans le cadre des interactions quotidiennes. Au quotidien, nous formulons sans arrêt des questions dirigées : « ça va ? tu manges à la cantine ? on sort ce soir ? ». Or ces questions (et l’absence de silences) ne laissent pas de place à l’autre pour développer les informations. Comment poser le cadre de l’entretien ? 1) Accueillir le sujet & se présenter 5) Faire approuver l’importance de l’entretien 2) S’enquérir de ses besoins 6) Enoncer les règles de déontologie 3) Converser s/ des centres d’intérêt communs 7) Demander l’autorisat° de noter/enregistrer 4) Poser l’objectif général de l’entretien 8) Annoncer le déroulé La consigne de départ, un élément clé du cadre de l’entretien La consigne de départ est une invitation à produire un développement à propos de l’objet qui intéresse l’interviewer. Cette consigne doit être claire et permettre un recueil d’info° maximal. 1. Consigne de remémoration : « si tu es d’accord, je t’invite à prendre quelques instants pour repenser au dernier conflit que tu as vécu. » 2. Consigne de restitution : « maintenant, je te demande de me raconter ce qui s’est passé, de la manière la plus précise et détaillée possible. » Les techniques de relance Une relance peut aussi être appelée « reflet simple » : c’est la forme élémentaire de la reformulation, qui porte sur le contenu manifeste. Reformulation-écho Répéter les derniers mots. Reformulation-paraphrase Reprendre avec d'autres termes. Reformulation-résumé Reprendre l'essentiel du propos. Reformulation-simple (variante) Prolonger la phrase (EM). Dans l’ENDR supposé exclure les questions, les relances sont indispensables. Dans un entretien plus structuré (e.g. semi-directif), on peut poser des questions quand les relances s’essoufflent. Notons que le propos du sujet ne traduit pas toujours nécessairement sa pensée, d’où l’intérêt de rester prudent et de garder une marge de correction pour recueillir des informations exactes. 3 L’évaluation d’entretiens professionnels dans le cadre judiciaire – Fischer et al. (1987) Dans cette étude de 11 interrogatoires de police, les enquêteurs n’ont jamais été formés à une technique de facilitation mnésique et pratique des interrogatoires régulièrement. Pourtant, le témoignage est essentiellement une activité de remémoration ! Ils ont commis plusieurs erreurs : 1° Peu ou pas de place accordée au récit spontané du témoin Selon Gynet & Py (2001), dans une étude similaire portant sur l’analyse de 14 auditions standard : 3/14 débutaient par un rappel libre ; 2 comprenaient un rappel libre total ; Le rappel libre est utilisé dans 14% des cas. Les avantages du récit spontané (Fisher & Price-Roush, 1986) : 1) Taux d’exactitude plus élevé ; 2) Position active du témoin ; 3) Respect de la concentration du témoin (là où les questions imposent le rythme et la logiqe mentale de l’interviewer) ; 4) Limitation de l’influence de l’interviewer 2° De très nombreuses interruptions Aucun témoin n’a pu finir son récit sans interruption ; la première interruption survient en moyenne après 7 secondes de narration seulement. En outre, dans ces interruptions, le cheminement mental du témoin est occulté au profit de la logique de l’expérimentateur. Les interprétations peuvent se traduire sous 2 formes : Des commentaires Des questions Ouverte : « décrivez le criminel » Evaluatif : « vous pouvez être plus précis ? » Fermée : « de quelle couleur sont ses yeux ? » Interprétatif : « j’imagine que ça vous a Dirigée : « le feu était-il rouge ? » énervé » Négative : « elle n’a pas crié ? » NB : Les questions dirigées suggèrent une information non-mentionnée au préalable par le témoin. Elles présentent de ce fait un fort risque d’influence. 3° De nombreuses questions dont l’ordre, la formulation et l’emploi sont problématiques - Chez les adultes (Fisher et al. 1987) : pour 26 questions fermées, on trouve seulement 3 questions ouvertes. Cela devrait être le strict inverse ! On compte en outre 4 interruptions en moyenne lors des réponses aux questions ouvertes. - Chez les enfants (Peterson & Bell, 1986) : Récit spontané = 91% d’exactitude (le même que chez les adultes) Questions fermées = on tombe à 45% d’exactitude seulement. 4 Les principaux problèmes lors de l’activité de questionnement : Non-respect Fréquence de Biais de du Mauvaise Questions questions l'interviewer cheminement formulation dirigées élevée mental Langage non- Provoquent Modulat° de approprié. un risque de l'entretien en Réduit de 19% suggestibilité concordance 1 question le volume interrogative, avec ses tous les 10 d'infos et donc de croyances ou secondes ! rapportées. faux- attentes Questions souvenirs initiales. négatives ou (Loftus). dirigées. La suggestibilité (Bruck & Ceci, 1998) : « mesure dans laquelle les individus en viennent à admettre et à ultérieurement incorporer une info post-évènementielle dans leurs souvenirs. » Quel est le point de vue des enquêteurs sur les témoignages qu’ils réalisent ? Selon les enquêteurs En réalité Quel est le taux d’exactitude d’un témoignage ? 55% 80% Sous forme d’un récit libre ? 49% 90% 70% (adultes) Sous forme de réponse aux questions ? 61% 50% (enfants) 1) Les policiers sous-exploitent les témoignages parce qu’ils doutent de leur fiabilité (ils pensent que 45% de ce qui est dit est erroné…) 2) Ils privilégient les questions car ils pensent que le récit sera plus exact : c’est l’inverse. Comment réaliser un entretien de qualité ? Poser une consigne de départ Au Etablir un contrat de communication Structurer l'entretien via une grille début Se montrer détendu (principe de synchronie) Poser des questions ouvertes puis fermées (en entonnoir) Manifester de l'empathie (encourager, relancer, reformuler...) Pendant Adopter une écoute attentive et sélective Favoriser une co-construction du récit, avec la place centrale au sujet 5 1) L’entretien cognitif Quel est l’intérêt de l’entretien cognitif dans le cadre judiciaire ? L’entretien cognitif est l’une des méthodes d’entretien développée pour la justice, dans le cadre de la psychologie judiciaire. Il permet de recueillir 60% d’informations supplémentaires sans augmenter la durée des auditions, et favorise la résolution de davantage d’affaires criminelles. Il permet (1) d’obtenir des récits plus complets et exacts, (2) de diminuer le volume de questions, et (3) de réduire les biais communicationnels et les influences inconscientes. Le rôle du témoignage dans le succès ou l’échec d’une enquête Mucchielli, 2004 Lors d’une enquête, deux gammes d’indices peuvent être exploités : les preuves matérielles (empreintes, objets) et les preuves immatérielles (qui n’ont pas d’existence physique, mais verbale). Les facteurs déterminants de l’identification du criminel (N = 102 homicides) sont principalement les témoignages (44.4%). Ils sont donc l’élément le plus déterminant du succès d’une enquête. Toutefois, la justice commet malgré tout beaucoup d’erreurs. 4% des condamnés à mort aux EEUU seraient en réalité innocents. Les progrès techniques (e.g. analyse ADN) ne permettent que peu souvent d’élucider une affaire, car obtenir une empreinte ADN n’est pas suffisant pour savoir ce qui s’est passé, et cela ne nous met pas à l’abri d’inférences abusives. Selon les chercheurs, dans 60% des cas, ce sont les témoignages erronés qui conduisent les innocents en prison, puis les vices de procédure (55%), et enfin les mauvaises identifications du suspect (28%). Principes généraux de l’entretien cognitif Principes issus de la Pilier Pilier - Théorie de l’encodage spécifique psychologie sociale relationnel cognitif - Multiplicité des chemins d’accès 1er principe : la théorie de l’encodage spécifique Tulving & Thomson, 1973 Principe : La remémoration dépend de la similarité entre la situation d’encodage et de récupération. Explication : Un souvenir autobiographique est associé à un certain nombre d’indices contextuels. Il est toujours rattaché à un environnement (contexte physique), des émotions (contexte affectif/émotionnel), des pensées (contexte cognitif/sémantique)… Ces « métadonnées » contextuelles sont associées au souvenir de la scène au moment de l’encodage : lors du rappel, la récupération d’indices contextuels favorise donc l’accès à la trace mnésique. Conclusion : Il faut rapprocher le contexte de l’audition du témoin du contexte de l’évènement. 6 2 consignes sont issues du principe de l’encodage spécifique : 1) Consigne d'hypermnésie Indique au témoin qu'il est invité à se remémorer toutes les infos sans se censurer, y compris celles qui semblent inutiles ou incertaines. On recueille les infos incertaines aussi car, de toute façon, il n'existe qu'un faible lien entre la certitude et l'exactitude... 2) Consigne de remise en contexte mentale Considérée comme la plus efficace de l'EC. Invite à repenser aux éléments environnementaux, physiques, émotionnels & humoraux présents lors de l'encodage. 2nd principe: la multiplicité des chemins d’accès à la trace mnésique Flexter & Tulving, 1978 Principe : Il existe plusieurs chemins possibles pour accéder à un même souvenir. Explication : Ces chemins correspondent à la perspective (temporelle, physique ou sémantique par exemple) adoptée lors de la récupération. Conclusion : Il faut amener le témoin à utiliser toute une multiplicité de stratégies différentes pour la récupération des éléments. 2 autres consignes sont issues du principe de multiplicité des chemins d’accès à la trace : 3) Consigne de changement d'ordre narratif Invite à se remémorer les faits dans différents ordres temporels, en particulier en décrivant de la fin vers le début. Diminue l'impact des scripts et des schémas sur le récit. 4) Consigne de changement de perspective / de focalisation périphérique A l'origine : consistait à décrire la scène selon plusieurs angles de vue, ou encore adopter la perspective d'un des protagonistes de la scène. N'augmentait pas le rappel. Remplacée par une consigne de focalisation périphérique, qui consiste à évoquer les détails de la scène. L’entretien standard de police Launay, 2013 Bien souvent, l’entretien se décompose comme suit : (1) brève tentative (ou non) d’instaurer une relation ; (2) première question générale ; (3) interruptions. Même en commençant par une ouverture qui invite au récit libre, les premières interruptions font très vite basculer l’entretien dans un jeu de questions/réponses qui peuvent vite mener à la passivité de l’interviewé et à la création de faux-souvenirs avec des questions dirigées. Les objectifs de l’entretien consistent à dégager une trame de l’évènement, clarifier les zones d’ombres, mais veiller à ne pas chercher la confirmation des hypothèses pré-existantes – car cela déclenche les manifestations du biais de confirmation. → C’est pour standardiser un nouveau type d’échange moins biaisé qu’est né l’entretien cognitif. 7 L’entretien cognitif L’entretien cognitif est né après plus d’une centaine de recherches expérimentales. Il s’agit d’un outil adaptable et modulable selon la situation, qui permet d’obtenir 30 à 40% d’informations supplémentaires par rapport à une procédure standard sans diminution du taux d’exactitude. Les recherches ont été menées aussi bien en laboratoire qu’en conditions écologiques. Py et al. (1997) sont à l’origine de la version française de l’entretien cognitif. → Ainsi, suite à une formation à l’entretien cognitif, les enquêteurs recueillaient 67 informations en menant un EC contre seulement 29 avant cette formation. Le cadre de communication 1) Semi-directif 4) Attitude neutre & bienveillante 2) Rappel libre systématisé 5) Relation de proximité 3) Apport de béquilles cognitives 6) Manifestations de l’empathie Le ratio du temps de parole témoin/enquêteur devrait être à peu près 70/30. La grille d’évaluation d’un entretien cognitif : 8 Le protocole français (Py et al., 1997) ETAPES OBJECTIF VERBATIM « Nous sommes ici pour… Je vais vous Détendre le témoin & lui aider à retrouver les infos en vous 1) Phase d’introduction expliquer les objectifs des présentant des techniques de techniques. facilitation des souvenirs. » « On sait que certains témoins peuvent Inviter à donner un maximum s’auto-censurer… tout m’intéresse, 2) Consigne d’hypermnésie d’informations, même celles même les détails qui ne vous paraissent dont le témoin n’est pas sûr. pas importants ou incertains. » Faire un tour d’horizon des « Avant de me raconter, repensez… différentes données (1) 3) Consigne de remise en …au lieu : bruits ? odeurs ? environnementales, (2) …à votre état d’esprit : triste ? gai ? contexte mentale humorales, (3) physiques et (4) …à votre état physique : faim ? froid ? émotionnelles. …à vos émotions : stressé ? ému ? » 1er récit spontané. « Il a été montré qu’inverser l’ordre Diminuer l’impact des scripts et d’un récit permet de retrouver des infos 4) Consigne de changement des schémas sur le récit non-spontanées… » d’ordre narratif (multiplicité des chemins « Vous pouvez découper votre récit en d’accès). petites séquences et me les raconter en partant de la dernière jusqu’à la 1e ». 2e récit spontané. « Voici une dernière consigne très Proposer une étape efficace : les affaires sont souvent 5) Consigne de focalisation supplémentaire pour décrire résolues à partir d’un détail… » périphérique plutôt les détails au lieu de l’action. « N’ayez pas peur de vous répéter, et faites des arrêts sur image. » 3e récit spontané. Les récits spontanés doivent être accompagnés de renforcements non-verbaux issus de l’attitude d’écoute, d’encouragements, de remerciements pour les efforts produits, et d’insistance sur l’utilité de son récit pour la résolution de l’affaire. Le but est aussi d’éviter les remarques négatives qui pourraient l'inhiber encore plus. Pour réaliser cet entretien, il faut réaliser un tableau à 3 entrées : 1 colonne pour 1 rappel. On note les infos nouvelles rapportées sur les colonnes dédiées pour chaque rappel, ainsi que les éventuelles questions que l’on posera dans un second temps pour ne pas perturber le récit du témoin. 1er rappel (rappel libre) 2nd rappel (consigne : 3e rappel (consigne : changement d’ordre) focalisation périphérique) « Je vais vous raconter les « Si je commence par la fin… » « Je me souviens de ce détail évènements de cette soirée. » dans l’environnement… » 9 2) L’entretien non-directif de recherche 1) Introduction L’ENDR n’est ni une simple entrevue, ni un interrogatoire au cours duquel seraient posées des questions pré-établies. Il est réalisé et enregistré par l’interviewer avec l’accord de l’interviewé, dont il s’engage à préserver l’anonymat via une feuille de consentement (cf. code de déontologie). L’objectif de l’interviewer est de favoriser la production d’un discours sur un thème défini dans le cadre d’une recherche. Il s’agit donc de recueillir une information et non de la traiter à des fins thérapeutiques (se rapproche de la technique d’enquête). En fonction de quoi a-t-on recours à l’ENDR ? 1) MOMENT : le thème de recherche nécessite une phase exploratoire sur des variables déjà précisées (ex : « quel est le vécu de l’interruption médicale de grossesse chez les primipares ? ») 2) NATURE de l’info : la recherche qualitative nécessite un recueil d’informations via des entretiens plus libres et approfondis. 2) Différences entre ENDR et entretien clinique Source de la Objectif Plan de travail demande Le chercheur suit L'ENDR est produit à Ni thérapeutique, ni son plan de W pour l'initiative du diagnostic : l'ENDR répondre à ses chercheur, lequel vise l'accroissement hypothèses de est en position de des connaissances. recherche. demande. a) La demande : Dans l’ENDR, il y a une demande de savoir du chercheur (analyse du discours = l’objet d’étude est le fait de parole en lui-même) ; dans l’E. clinique, il y a une demande de résultats. Le critère de la source de la demande est toutefois difficilement qualifiable : on lui préfèrera le critère du savoir. b) Le savoir : L’ENDR vise à établir un savoir communicable et objectivable sur un objet de subjectivité, alors que l’E. clinique vise strictement l’inverse, en favorisant la construction d’une pensée subjective de fait peu communicable. L’ENDR analyse le contenu du discours ET le métacontenu (analyse de l’argumentation…) La différence entre ENDR et entretien directif : l’ENDR consiste à poser une seule question de départ complétée par des relances, tandis que l’entretien semi-directif suit une trame de questions pré- établies que le chercheur peur déclencher en fonction du discours du sujet, associée à une attitude non-directive (pas d’interruptions & libre association). 10 3) L’écoute du chercheur La pratique de l’ENDR associe deux types d’actions : le FAIRE et le DIRE. Le FAIRE renvoie à la notion d’écoute. L’écoute du chercheur n’est jamais neutre : elle ne peut pas être assimilée à un simple recueil de données, dans le sens où le chercheur peut être amené à sélectionner certains éléments qui vont lui sembler pertinents pour son étude (biais personnels, biais de validation des hypothèses de recherche…). On parle d’attention sélective. 4) LE FAIRE : Les attitudes pouvant intervenir pendant l’ENDR Porter Fournir au sujet une solution toute-prête élaborée à sa place par l’interviewer. Cette « A ta place, je… » Décision attitude est fonction du système de valeurs du « Tu devrais… » psychologue. Solliciter des informations complémentaires, « C’est-à-dire ? » Enquête soit d’une manière neutre, soit orientée. « Peux-tu développer ? » Chercher à diminuer l’intensité du problème d’autrui en le rassurant, soit en lui indiquant la « Ca arrive à plein de gens. » Support généralité de sa situation, soit en lui « Ce n’est pas urgent. » conseillant de remettre la solution à plus tard. Porter un jugement sur le discours de l’interviewé, d’un point de vue logique ou « Tu as faux. » Evaluation moral. Place le psy en position de pouvoir. Peut « C’est mal. » créer des réactions violentes. Fournir à autrui, en fonction de sa propre compétence professionnelle et de sa « Je pense que tu as réagi ainsi Interprétation connaissance de la question, une explication car tu étais blessé. » du comportement ou de la réponse du sujet. Essayer de ressentir les sentiments qu’autrui exprime sans s’identifier à lui, et lui « Si je te comprends bien… » Compréhension communiquer de temps en temps cette perception afin (1) d’en vérifier l’exactitude et « En d’autres termes… » (2) de l’amener à en prendre conscience. Pour Porter, l’attitude de compréhension est l’attitude d’écoute active par excellence, à privilégier dans l’ENDR. Elle renvoie le sentiment d’être compris et respecté, et augmente la confiance en soi. 5) Le DIRE : La non-directivité dans la recherche Carl Rogers (1945) En 1945, Rogers conseille le transfert du principe de non-directivité dans la recherche : il explique que le conseiller s’offre au patient comme un « miroir verbal », et qu’un tel reflet des attitudes peut, de fait, présenter une valeur comme outil de recherche. Lorsqu’aucune question ni évaluation du discours n’est formulée, on sollicite les attitudes profondes de l’interviewé en évitant les biais. Il y a donc 2 acceptations du terme « non-directivité » : dans la clinique et dans la recherche. Pages a introduit en France l’idée de la non-directivité (1952) et la question éthique de la manipulation, consciente ou inconsciente, de l’interviewé par l’interviewer (1970). 11 6) Les enjeux respectifs des partenaires en ENDR L’enjeu central de l’entretien est celui d’un savoir secret et de sa valeur, dont le dévoilement est aussi fascinant pour l’interviewé que pour l’interviewer. a) L’enjeu du pouvoir : Dans l’ENDR, l’initiative de l’entretien revient au chercheur : l’interviewé peut alors s’efforcer de satisfaire le chercheur en produisant des réponses qu’il suppose attendues. Mais il arrive aussi que l’interviewé considère la demande d’entretien comme une demande à négocier. Le contrat explicite proposé par le chercheur est complété par l’interviewé avec ses propres objectifs et attentes de l’entretien. Leurs positions sont pourtant proches : les deux interlocuteurs sont en quête d’un savoir que l’un doit révéler et l’autre dévoiler. La relation est complexe, car chaque partenaire ignore ce que l’autre cherche implicitement. L’interviewer a un savoir-faire, l’interviewé a un savoir. b) L’enjeu de la connaissance : Les connaissances respectives sont également inégales : L’interviewer sait ce qu’il cherche : il a des hypothèses et une méthode scientifique. L’interviewé doit transmettre une information relative à des objectifs qu’il ignore, position délicate qui l’amène à mesurer son discours et ses éventuelles conséquences. Il procède par approximations successives, sélectionne, construit, soupèse ses mots… 7) La consigne de départ ! La consigne de départ : une seule phrase sous forme de question ouverte (pas de réponse dichotomique oui/non). De quelle place parle-t-on ? Les invites et formules que nous pouvons employer sont généralement les suivantes : « que pensez- vous de… » / « comment voyez-vous… » / « qu’est-ce que pour vous… » ? Ces entrées en matière se poursuivent généralement de « le problème / la situation / l’idée de… ». De telles consignes demeurent dans l’indéfini : l’interviewé se trouve seulement interpellé sans qu’une place précise ne lui soit assignée (e.g. « en tant que jeune femme… »). Le sujet peut alors énoncer lui-même cette individualité psychologique dans sa réponse. Mais la question du cadre de référence est très importante : qui s’exprime, à quel titre, et pourquoi cette personne ? Une même consigne peut susciter des significations différentes chez les sujets, selon leur histoire sociale & culturelle. La capacité de s’exprimer s’acquiert socialement, et peut transparaître par l’expression d’apprentissages insuffisants ou vécus comme tels : « je n’ai pas fait d’études », « je ne sais que vous dire », « je n’ai rien d’intéressant à vous raconter… » Quelle confiance accorder ? Selon Blanchet, rien de ce qui est dit ne doit être considéré à priori comme vrai ou faux. La question n’est pas de savoir si ce qui est dit est vrai, mais plutôt si ce qui est dit est réellement pensé. Un discours est ponctué de plusieurs niveaux psychologiques (e.g. sujet nerveux, moqueur, réservé, désireux de plaire…). Les contradictions qui peuvent survenir résultent surtout de l’écart entre la pensée et l’expression offerte par la langue. Il convient toutefois de relever les trous et omissions, qui constituent autant d’indices de doute, d’hésitation ou de résistance. 12 Les techniques de relance Alain Blanchet Le registre référentiel : le contenu, l’énoncé et la qualification des faits (de quoi parle le sujet ?) Le registre modal : ce que pense et croit le sujet à propos des faits (que pense le sujet ?) « Je ne l’ai jamais dit à personne, mais je suis persuadé que mes difficultés professionnelles ne sont pas dues au hasard » Ici : le registre référentiel = « mes difficultés professionnelles » ; le registre modal = « je suis persuadé qu’elles ne sont pas dues au hasard ». Type d’acte Registre 1) La réitération 2) La déclaration 3) L’interrogation Complémentation : Interrogat° Registre compléter la référence référentielle : vise à Echo : reprendre ce que posée, sous forme obtenir une identification référentiel dit le sujet. d’inférences logiques ou de supplémentaire de la déductions partielles. référence. « Quelque chose détermine « Vous avez des difficultés « A quel type de difficultés Exemples vos difficultés professionnelles » vous référez-vous ? » professionnelles. » Interrogat° modale : Reflet : reprendre les Interprétation : vise à identifier l’attitude Registre modal pensées ou croyances du suggestion d’une attitude de l’interviewé (désirs, sujet. non-explicitée par le sujet. pensées, croyances). « Vous pensez avoir des « A quoi pensez-vous quand « Vous pensez que ce n’est Exemples ennemis dans votre milieu vous dites que ce n’est pas pas du au hasard. » professionnel. » un hasard ? » Les effets des relances : Les réitérations relancent l’information (le reflet implique + que l’écho) ; Les déclarations proposent une modification du discours en ciblant le sens du propos ; Les interrogations sont le type de relances le plus directif, mais peuvent être utiles pour aider le sujet à parler ou le rassurer dans les moments difficiles de l’entretien. 8) Pour conclure : l’art d’interviewer L’entretien se termine par une synthèse qui permet de vérifier qu’interviewer et interviewé sont bien en phase sur ce qui a été échangé. Lorsque les propos deviennent redondants, l’entretien doit se terminer. On demande au sujet s’il souhaite ajouter quelque chose, et on le remercie. L’enregistrement est important. S’il peut gêner, le magnétophone s’oublie vite. Et surtout, rendre compte d’un entretien uniquement avec une prise de note induit un biais plus grave : la perception. La neutralité bienveillante doit rester de mise dans la recherche. L’interviewer doit résoudre un conflit entre la distance scientifique et l’expression de l’empathie humaine (acquiescement, soutien) qui favorise la maïeutique de l’interviewé. Il s’agit d’auto-analyser ses propres semblants d’évidence, ou sentiments de gêne. Se pose toujours la question de l’influence du sujet par l’interviewer. La neutralité agit en filtre de la voix de l’interviewer, et en amplificateur de la voix du sujet. 13 3) L’entretien clinique 1) La formation à l’entretien : un travail sur soi a) Objectifs globaux L’entretien est un instrument d’investigation complexe mobilisant des processus intersubjectifs et des enjeux psychiques conscients et inconscients chez les 2 protagonistes. Au-delà de la compréhension et de la régulation de l’échange, il sera question de se former à une attitude clinique (= une orientation vers la totalité du patient comme un être entier et autonome). La format° à l’entretien suppose de travailler les aspects techniques et dynamiques afin d’acquérir : Des méthodes (difficilement élaborables consciemment) Des techniques (notamment de relance de la parole) Des outils (de médiation : jeux de rôle, dessin…) Et des attitudes (accueillante, bienveillante…). La formation renvoie donc à enudes savoir-faire (techniques) et à des savoir-être (attitudes). Ainsi, on ne débarque pas à un entretien avec une personne vivant un deuil pathologique en adoptant un ton guilleret et un air joyeux : il doit y avoir une adaptabilité au contexte. Il faut trouver le juste milieu entre froideur extrême, ton mielleux… le but est de se positionner de façon authentique en fonction de qui on est. Nécessairement, cela vient questionner notre motivation, notre désir en tant que psy. Pourquoi souhaite-t-on écouter les gens ? Pourquoi veut-on conseiller, soigner, accompagner ? En fin de compte, qu’est-ce qu’on veut au patient ? Motivation des candidats à la formation : L’illusion des étudiants est de penser que la formation leur permettra de s’approprier un dispositif contrôlable, i.e. un « modèle d’entretien » reproductible. Or la formation à l’entretien requiert un repérage de ses propres investissements dans la relation, une admission de la problématique de l’autre, et une reconnaissance de ses propres projections personnelles. c) Apprentissage de l’écoute Le psychologue a une écoute spécifique, qui combine la suspension du jugement et la non- directivité. Toutefois, écouter, ce n’est pas simplement entendre : l’apprentissage de l’écoute ne peut se réduire à l’acquisition de techniques. Différentes aptitudes devront être développées, comme l’attention prêtée à sa communication non-verbale, ou encore à son filtre attentionnel (quelle part du discours entendons-nous, et quelle part occultons-nous ?) Les 5 points suivants permettent de sensibiliser les psys aux « points aveugles » du dispositif : Observation Interpréter les silences vides et les silences pleins, les comportements non-verbaux, les regards, les postures de l’interviewé. Compréhension Repérer les investissements du patient (motivations ? séduction ? défenses ?) Distanciation Contrôler ses inductions, identifier son implication, adopter une écoute sélective. Contextuation Identifier le cadre de référence du sujet et sa place dans sa propre histoire. Régulation Gérer les obstacles et conflits inhérents à la communication. 14 Trois grandes techniques permettent d’éviter la distorsion du discours d’autrui : la reformulation, la répétition et la relance. Ces techniques donnent au patient le sentiment d’être écouté, respecté dans son système de valeur, et lui donnent une grande autonomie (qui peut générer une certaine anxiété) ; elles permettent au psy de faire abstraction de son propre système de valeurs, et de laisser une marge de manœuvre au patient sur ses propres interprétations. 2) L’entretien clinique : éléments de définition L’entretien clinique vise à appréhender & comprendre le fonctionnement psychologique d’un sujet en se centrant sur son vécu et en mettant l’accent sur une relation. C’est un outil de la méthode clinique, qui constitue le meilleur moyen d’accès aux représentations subjectives du sujet, dans le sens où l’on postule un lien entre le discours et le substrat psychique (Blanchet, 1997). Il permet de mettre en évidence le contexte d’apparition des difficultés du patient, par l’analyse des évènements de vie, de l’aménagement de ses relations avec autrui… La notion d’entretien clinique a connu de nombreuses influences, notamment : Les W de Carl Rogers (1966), portant sur l’acceptation de l’autre, la centration sur le sujet, la non-directivité, la compréhension, et l’empathie. Les modèles psychanalytiques, phénoménologiques et systémiques. Les 3 attitudes fondamentales du clinicien selon Rogers : Considération positive Compréhension Congruence inconditionnelle empathique Authenticité du Acceptation totale & Préoccupation pour le thérapeute. inconditionnelle du monde subjectif du patient. patient. L’empathie repose sur (1) la réceptivité aux sentiments du S et (2) la communicat° de cette compréhens°. 3) Entretien clinique & psychologie clinique L’entretien clinique fait partie de la méthode clinique, qui comprend (1) une clinique à mains nues (observation & entretien), et (2) une clinique instrumentale (tests projectifs, échelles). L’entretien prend pour cadre de référence le sujet lui-même : où s’insèrent ses difficultés dans son histoire ? L’entretien intervient dans un contexte d’aide, de diagnostic ou de recherche clinique. Producteur de faits de langage & de faits de discours (forme, construct° des énoncés, mécanismes de défense… Pédinielli, 1994), l’entretien revêt en outre une fonction d’abréaction (Freud). 4) Les attitudes fondamentales dans l’entretien clinique L’entretien, comme dialogue asymétrique entre sujet et psychologue, dépend de plusieurs facteurs: objectifs, modèles théoriques, caractéristiques du sujet, origine de la demande, conditions… Il repose sur des techniques (non-directivité, semi-directivité) et sur une attitude (clinique), qui représentent les aspects les plus stables de l’entretien. Il existe 7 attitudes fondamentales : 15 Le clinicien se refuse à orienter le sujet car il a confiance en sa capacité de Non-directivité changement. Il respecte les discontinuités, et ne fait que des relances. 1er principe du code de déontologie : respect de la dignité, liberté, droit au Respect secret professionnel, et consentement libre et éclairé des sujets. Acceptation Acceptation de la manière dont les choses sont exprimées ou non-exprimées. inconditionnelle Neutralité Bienveillance qui ne s'apparente pas à de la froideur, et qui traduit le principe bienveillante d'acceptation inconditionnelle en habitude. Essayer de savoir "comment on se sent si on est l'autre." Repose sur 2 Empathie composantes (compréhension + communication). Authenticité Intérêt réel du clinicien pour ce que dit l'autre. Permet d'être réellement (congruence) disponible pour son patient. Condition absolue d'une écoute compréhensive. Disponibilité Disponibilité psychique, mais aussi matérielle (lieu approprié, bureau...) Toutes les attitudes qui influencent l’autre diminuent la zone de liberté & augmentent la dépendance. Attitude réflexive (reformulation) : le sujet progresse dans la recherche de son problème. Attitude interprétative : le sujet répète sa demande ou interrompt le W thérapeutique. Les 2 modes du dire selon Blanchet sont la reformulation et la complémentation. 5) Ce qui est mobilisé dans l’entretien clinique : Les hypothèses posées par Rogers (1957) (ces questions permettent de questionner notre rapport à l’autre) 1) Suis-je perçue par l’autre comme digne de confiance ? 2) Suis-je suffisamment expressive pour communiquer sans ambiguïté ? 3) Suis-je capable d’avoir une attitude positive envers l’autre ? 4) Suis-je suffisamment forte pour être indépendante de l’autre ? 5) Suis-je suffisamment assurée pour permettre à l’autre d’être indépendant ? 6) Puis-je me permettre d’entrer dans le monde de ses sentiments, et de le voir comme une autre personne le voit ? 7) Puis-je accepter toutes les facettes de l’autre ? 8) Puis-je agir avec assez de sensibilité pour que mon cmpt ne soit pas perçu comme une menace ? 9) Pourrais-je le libérer de la crainte d’être jugé par les autres ? 10) Serai-je capable de le voir comme une personne en transformation, ou serai-je prisonnier du passé ? a) La demande C’est le moment initial de l’entrée dans le soin, qui peut provenir du destinataire ou d’un tiers. La demande réelle du sujet est souvent cachée : la difficulté est donc de faire émerger la demande principale, souvent implicite, qui permettra de favoriser l’engagement du patient. La demande part souvent d’un désir d’être libéré de ses problèmes : face à cette demande, le clinicien se met au service du demandeur, en lui proposant ses compétences et sa technicité. 16 b) Les effets de transfert : Le transfert est la répétition inconsciente d’une relation d’objet du passé à l’égard d’une personne présente. Les sentiments, attitudes et mécanismes de défense antérieurs sont déplacés sur la personne du thérapeute, ce qui biaise la communication. Du fait des dispositions de l’entretien (neutralité bienveillante, lieu clos), l’apparition d’attitudes transférentielles y est fréquente (ex : demander un rdv peut renvoyer à la dépendance enfant-parent). Percevoir le transfert permet de le dépasser s’il fausse la relation, et de contrôler son propre contre-transfert pouvant répondre inconsciemment à la demande transférentielle. c) Les effets de contre-transfert : Le contre-transfert désigne l’ensemble des réactions inconscientes du clinicien au transfert de son patient. Il comporte 2 dimensions : Les réactions du psychologue aident à mieux Le discours du sujet rappelle au psychologue une comprendre le sujet : dans ce cas, le contre- problématique personnelle. transfert devient un outil diagnostique. d) Les mécanismes de défense : Les mécanismes de défense ont pour fonction de défendre le « moi » contre des sollicitations pulsionnelles pouvant entraîner un déséquilibre. Les défenses sont réussies (ou adaptatives) quand elles permettent au sujet de retrouver un équilibre ; elles sont inappropriées quand elles sont trop rigides, pas assez diversifiées, ou entravent l’adaptation. Exemples : déni, projection, introjection, clivage du moi, refoulement… A ne pas confondre avec le coping (= stratégies conscientes ou automatiques d’ajustement). 6) Les techniques de l’entretien clinique Lors du 1er entretien : se présenter / présenter les modalités d’entretien / rappeler la déontologie : anonymat, confidentialité, liberté de répondre. L’objectif est de réduire l’angoisse & s’assurer que le sujet trouve un bénéfice à la situation. Les différentes techniques de relance utilisées dans l’entretien clinique : Marques d’écoute active « Je vois » « je comprends » « hum » « oui » Echo (miroir) Répéter la dernière phrase du sujet (registre référentiel). Expliciter une attitude, des émotions ou des sentiments non-dits Reflet (registre modal). Résumé « Si je vous suis bien, vous avez dit que… » « Au début de votre phrase, vous m’avez dit que… pourrions-nous Recentrage revenir dessus ? » Demande d’éclaircissement « Pouvez-vous préciser votre pensée ? » Demande neutre d’infos « Voulez-vous m’expliquer davantage ? » « Avez-vous un exemple ? » complémentaires Laissent au sujet des temps d’auto-exploration et de retour sur soi sur Silences les émotions ressenties. 17 4) L’entretien motivationnel 1) Les principes de l’alliance thérapeutique Qu’est-ce que l’alliance thérapeutique ? L’alliance thérapeutique est l’élément central de la thérapie : c’est une relation de collaboration psy-patient qui permet de travailler conjointement à la résolution de problème. Cette alliance devient généralement plus forte avec le temps, et varie selon les phases de la thérapie. L’échelle de la relation thérapeutique (ERT - Cottraux, 1995) permet d’évaluer cette alliance. Ce rapport collaboratif comprend une dimension professionnelle ET affective : selon Rogers, l’alliance thérapeutique doit être empathique, authentique, et chaleureuse. (2)...Capacité verbale à (1) Réceptivité aux sentiments Empathie d'autrui... communiquer cette compréhens°. Intérêt réel du psy pour le Aisance avec ses propres Authenticité propos de son patient. émotions & pensées. Instauration d'une relation Capacité à trouver le patient Chaleur humaine chaleureuse. sympathique :) Que désignent les « 4 R » ? Cungi, 2006 Les « 4 R » regroupent 4 techniques d’entretien favorisant l’alliance thérapeutique. Recontextualiser Reformuler Résumer Renforcer Poser des Répéter ou Valoriser les Synthétiser questions formuler des éléments du et clarifier ouvertes hypothèses discours "Qu'est-ce "Puis-je faire "Tu as fourni "Si je qui une beaucoup résume..." t'angoisse ?" hypothèse ?" d'efforts." 2) L’entretien motivationnel « Une méthode directive, centrée sur le client, pour augmenter la motivation intrinsèque au changement par l’exploration et la résolution de l’ambivalence. » (Miller & Rollnick, 1980) L’entretien motivationnel est particulièrement utilisé en addictologie et en réduction de conduites à risque (TCA, TOC), mais aussi dans toute situation nécessitant de s’engager dans un changement. Il représente une méthode de préparation au processus thérapeutique. 18 La notion de changement L’ambivalence est illustrée par la métaphore de la balance (Janis & Bénéfices Mann, 1977), avec de part et d’autre, les bénéfices perçus et les coûts perçus perçus associés au statu quo et au changement. Une fois les avantages et inconvénients établis, le patient va pondérer chacun des items dépendamment de son système de Coûts perçus valeurs et de ses propres enjeux. Le modèle du changement en six étapes cycliques (Prochaska & DiClemente, 1982) : Entretien Pré- motivationnel Rechute considérat° Maintien Considérat° Action Préparation L’entretien motivationnel est utilisé lors des 2 premières phrases du processus de changement, mais aussi tout au long du processus. On peut y rencontrer une résistance normale, contre laquelle il ne faut pas lutter mais « rouler avec ». Le but est d’augmenter la motivat° intrinsèque au changement. Les 4 principes généraux de l’empathie motivationnelle EE → Exprimer l’Empathie : c’est le principe d’acceptation. Grâce à l’écoute réflexive, on peut chercher à comprendre les états internes du patient sans le juger ou le blâmer. DD → Développer la Divergence : amplifier la dissonance cognitive chez le patient par l’dentification des buts et valeurs entrant en conflit avec le comportement actuel. RR → Rouler avec la Résistance : partir des résistances du patient pour amener le changement, tenir compte des difficultés perçues sans les occulter ou les minimiser. SS → Solidifier le SAE : renforcer le sentiment d’efficacité personnelle revient à développer l’alliance thérapeutique, et montrer notre confiance pour surmonter les obstacles. Le respect de l’autonomie et de la liberté de choix du patient est central. 19 Les techniques de l’entretien motivationnel Les 4 techniques de l’entretien motivationnel sont résumées par l’acronyme OuVER (Questions Ouvertes, Valorisation, Ecoute réflexive, Résumé). Poser des Valoriser la Proposer une Résumer les questions personne dans écoute propos du ouvertes sa démarche réflexive* patient L’écoute réflexive : les 6 types de reflets Le reflet simple : « si j’ai bien compris, vous avez dit cela. » Le reflet complexe (ou reflet d’ambivalence) : « d’un côté, vous me dites cela, mais de l’autre, vous me dites l’exact opposé. » Le reflet de l’émotion : « dans votre discours, j’entends que vous m’exprimez de l’angoisse. » Le reflet interprétatif : « me permettez-vous d’interpréter ? » Le reflet interrogatif : « qu’est-ce qui vous angoisse ? » Le reflet amplifié : amplifier le terme employé par le patient (« vous me dites que vous êtes angoissé : autrement dit, vous êtes terrorisé ? ») La 5e méthode : susciter le discours-changement Cette méthode est la plus directive et la plus spécifique de l’entretien motivationnel. Son objectif est de susciter un discours d’automotivation. D’après Miller & Rollnick (2006), ce discours peut prendre appui sur : 1) Les inconvénients du statu quo 2) Les avantages du changement 3) L’optimisme vis-à-vis du changement 4) L’intention de changer Tant que ce discours n’est pas présent, le thérapeute doit poser des questions et accentuer la balance décisionnelle ; quand le patient a le désir et la capacité de changer, il faut renforcer son engagement. Il sera dès lors possible d’élaborer un plan de changement. Pour résumer : L’attitude selon L’alliance Empathie / Authenticité / Chaleur Rogers thérapeutique Les « 4 R » Recontextualiser / Reformuler / Résumer / Renforcer Les 4 principes EE (empathie) / DD (divergence) / RR (résistance) / SS (SAE) Principes & techniques Questions ouvertes / Valorisations / Ecoute réflexive / Résumé / Les 5 techniques Discours-changement 20 5) L’entretien avec les enfants et adolescents Définir l’entretien Le terme entretien psychologique renvoie à la fois à un champ de pratiques (développementale, clinique, thérapeutique…) ainsi qu’au contexte (rencontre et demande), au cadre, et à l’objectif qu’il recouvre (prévention, éducation, soin, évaluation, recherche). L’entretien auprès des enfants est avant tout un acte de communication entre deux personnes au moins, verbal et non-verbal, dans lequel il est possible de recueillir des éléments de la dynamique développementale et psychique d’un jeune en relation avec ses différents milieux de vie. Les spécificités de l’entretien avec un enfant ou un adolescent Spécificité Public Dispositif envisageable Le degré de compréhension langagière Enfant Mise en œuvre du jeu et du dessin. du sujet. Ecoute qui consolide les assises narcissiques Le besoin identitaire d’autonomisation Adolescent pour permettre d’accéder à la maturation ; vis-à-vis des parents. médiation adaptée en présence des pairs. L’accompagnement par les parents et Offrir un cadre et une ambiance permettant à l’absence de demande singulière, qui Enfant l’enfant d’échanger avec un adulte ; lui peut mener à l’incompréhension de permettre de faire émerger sa propre demande. l’enfant quant à sa présence. La rencontre avec une personne Expliciter notre fonction et les motifs de la étrangère qui peut créer de Enfant rencontre ; laisser l’enfant explorer la pièce. l’inquiétude. La dépendance vis-à-vis des parents Enfant et Favoriser l’engagement des parents dans le suivi (affective, financière…) adolescent (ex : ne pas rater de séance, arriver à l’heure). Le vécu de souffrance ou d’échec chez Enfant et Entendre le ressentiment des parents à notre les parents, qui entraîne de la méfiance adolescent égard. et de la culpabilité. Obtenir son adhésion et son engagement dans le L’attitude de défiance de l’adolescent. Adolescent suivi. Tenir compte de ces manifestations Les fluctuations de l’humeur (fatigue, Enfant et comportementales : ajuster le temps de lassitude…) adolescent l’entretien par exemple. S’adresser à l’enfant avec des mots simples et La difficulté de mise en mots de la Enfant accessibles à son niveau de compréhension ; se pensée. répéter. Offrir les conditions sensorielles, motrices et La différence générationnelle entre le Enfant et affectives d’une communication authentique, thérapeute et l’enfant. adolescent non-biaisée par les attentes que l’enfant repère chez l’adulte. 21 L’anamnèse : L’entretien d’anamnèse a lieu au début du processus d’investigation : son objectif est de recueillir des informations touchant à la situation familiale, aux antécédents médicaux et personnels… afin de se donner un aperçu de la situation passée et actuelle en lien avec la problématique amenée. Les premières rencontres avec l’enfant permettent sa mise en confiance et son inscription dans une démarche active de différenciation des propos du parent et donc, d’individuation. Il s’agit de valoriser l’autonomie et le problème de l’enfant, en mettant en suspens l’objectation de l’enfant qui a lieu dans la plainte parentale. Le rôle des médiations : Les médiations comme le jeu et le dessin sont d’autant plus importantes que l’enfant est jeune. Elles ne doivent toutefois pas devenir un moyen défensif de nier le dialogue avec le psychologue : si c’est le cas, la verbalisation de ce phénomène réajuste la situation (Benony). Le jeu permet à l’enfant de de maîtriser des évènements au lieu de les subir, et peut également constituer pour lui un moyen de rejouer des scénarii réels ou fantasmatiques. Le dessin donne à voir le stade de développement de l’enfant, ses thèmes de prédilection… Les différents types de recueils d’informations : visées et moyens - Plusieurs entretiens existent, et se différencient par leur objectif : entretien d’anamnèse, diagnostic, à visée thérapeutique, de soutien, psychothérapique, de recherche… - Ils peuvent être menés dans différents cadres (hospitalisation, scolaire, consultation). - Enfin, plusieurs approches théoriques sont possibles (TCC, psychanalyse, développementale…). Les aspects techniques de l’entretien : Neutralité bienveillante : exigence éthique de suspension de son propre jugement, de non- intervention, et de respect de l’aménagement défensif du sujet. Empathie : comprendre de manière exacte le monde intérieur du sujet, « comme si ». Renvoie à l’intuition de ce qui se passe en l’autre. Alliance thérapeutique : contractation d’un engagement réciproque psy/patient. Synthèse des éléments pouvant être repérés dans l’entretien avec l’enfant (Matot, 2007) 1) Repérer la manière dont le jeune se saisit du dispositif mis à sa disposition ; 2) Repérer les capacités d’adaptation du jeune ; 3) Analyser la qualité des interactions avec le psychologue ; 4) Analyser les réactions du jeune face aux interventions du psychologue ; 5) Analyser les éléments relatifs à son fonctionnement cognitif ; 6) Repérer la nature des troubles qui constituent le motif de la consultation. 22 Quelle attitude adopter dans la mise en œuvre des médiations ? Avant de passer au langage verbal, l’enfant passe par le jeu et l’expression graphique (l’action). Lors des activités de médiation, le psychologue peut repérer un certain nombre d’éléments : L’appropriation des médiations : spontanée ? attend notre accord ? enthousiaste ou non ? Le sens des médiations : résistance ou communication ? Le dialogue pendant les médiations : spontané ? silencieux ? ne répond qu’à nos questions ? Quelle que soit la médiation choisie, l’enfant doit se sentir soutenu par notre regard et par le sens que l’on donnera à ses productions. Il ne faut pas que l’attitude neutre et bienveillante entraîne la lassitude du jeune, l’enfermement dans un jeu solitaire, ou le ressenti de rejet. Se positionner face à un adolescent Notre tâche : permettre à l’adolescent de pouvoir accorder de la valeur aux échanges avec nous, en tant qu’adulte qui cherche à l’aider et qui s’intéresse véritablement à ses propos. Il ne faut pas se trouver dans la séduction, la proximité ni la compassion amicale ; mais il ne faut pas non plus se montrer froid et distant. Le but est de trouver le bon positionnement afin que l’adolescent comprenne ce qui se joue dans l’entretien, surtout s’il n’en a pas fait la demande. L’adolescent peut chercher à rallier le psychologue à sa cause, mais peut se sentir très angoissé par la suite s’il y arrive, car il a le sentiment de ne pas avoir rencontré une personne fiable. La neutralité est donc essentielle, ce qui ne signifie pas l’absence d’empathie : Marcelli parle de la « modalité de la conversation » pour définir ce cadre conversationnel. Ce qui peut faire obstacle dans l’échange avec un enfant ou un adolescent : 1) Le silence de l’enfant et l’absence de demande spontanée. 2) L’attitude négative, opposante ou mutique d’un jeune ; se montrer intrusif dans nos questions (ex : drogue, sexualité…) 3) La réserve à utiliser des médiations chez les adolescents (perçues comme régressives) : le laisser venir de lui-même. 4) Les obstacles du langage. 5) La dépendance vis-à-vis des parents. 6) La potentielle angoisse que peut générer l’attitude de neutralité bienveillante. 7) Le potentiel fragilisateur des interprétations. Quelques précautions à l’adresse du psychologue : Veiller aux attentes que l’on laisse transparaître : le jeune va tenter de repérer nos exigences, nos attentes en tant qu’adulte, et va ainsi tenter d’y répondre (effet similaire au biais expérimentateur de Rosenthal). Différencier ce qui relève du dysfonctionnement familial, de la souffrance psychique du jeune : parfois, on reçoit des enfants en pensant qu’ils iront très mal, et on réalise que ce sont finalement les parents ou le système familial tout entier qui se trouve en souffrance. Gérer le double mouvement parent/enfant : prendre en charge deux types de demandes qui peuvent parfois entrer en conflit. 23 Ethique, déontologie et confidentialité L’éthique = la partie de la philosophie qui étudie les principes moraux à la base des règles de conduite, de l’ordre du questionnement. La déontologie = l’ensemble des devoirs qu’impose l’exercice d’une profession. La confidentialité est un socle rassurant pour un sujet amené à parler de son intimité, ses fantasmes et ses peurs. Parfois, on peut être amené, dans un souci déontologique, à « briser » ce principe quand le sujet est en danger physique ou psychique, à fortiori s’il y a un danger immédiat dans sa proximité familiale. Dans le cadre de l’évaluation, le psychologue devra se placer à côté du sujet afin de se demander ce que cette évaluation va lui apporter et si elle est vraiment nécessaire. La restitution à l’enfant et à ses parents est un droit de l’évalué : il s’agit, au-delà du caractère législatif, de restituer au sujet ce qu’il nous a donné. « Le respect de la personne dans sa dimension psychique est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psychologues. » (Code de déontologie, 2012) 24 25