Synthèse des questions du deuxième quadrimestre 2022-2023 – PDF

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Summary

Ce document présente une synthèse d'un certain nombre de questions sur les juridictions, la jurisprudence et les garanties constitutionnelles, probablement destinées aux étudiants de niveau post-universitaire. Il y a de nombreuses références à des articles et d'autres documents non précisés. Le sujet global semble être la structure et le fonctionnement du système judiciaire belge.

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Ester B. – 2022/2023 lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, et non dans leurs autres sphères d’activité La jurisprudence de la Cour constitutionnelle étend l’application des garanties de l’article...

Ester B. – 2022/2023 lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union, et non dans leurs autres sphères d’activité La jurisprudence de la Cour constitutionnelle étend l’application des garanties de l’article 6 CEDH au-delà des « contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil » et des « accusations en matière pénale » par deux biais différents : - en considérant que l’article 6 est l’expression de principes généraux du droit applicables à l’ensemble de la fonction juridictionnelle (voy. CC, n°157/2009, 13 octobre 2009, pt. 5.1) - en transvasant le contenu de l’article 6 pour le mettre dans l’article 13 C°, qui s’applique à tous les contentieux possibles et imaginables. C’est ce qu’on appelle la théorie de l’ensemble indissociable : il faut interpréter la C° belge en se référant au droit européen et international. Or l’art 13 consacre le droit d’accès à un juge (ou principe du juge naturel), qui prévoit que quand la loi a prévu que tel procès doit avoir lieu devant tel juge, il faut le respecter. La CC l’a interprété de manière à y voir tout le contenu de l’art 6 CEDH. CHAPITRE III. - LE JUGE Section 1. - Les juridictions § 1. - Les garanties constitutionnelles et internationales visant à protéger l’indépendance du Pouvoir judiciaire et des juridictions qui le composent Arrêt du 14 octobre 1996 [ANNEXE 82] ou arrêt Spaghetti : décision fondatrice sur la fonction de juger, lors de l’affaire Dutroux. Le magistrat qui devait juger de cette affaire (juge Connerotte) est allé manger des spaghetti avec une association qui soutenait les victimes de Dutroux. La Cour de Cassation a alors prononcé le dessaisissement (car c’était le seul magistrat de sa juridiction) du juge Connerotte, énonçant que « l'impartialité des juges est une règle fondamentale de l'organisation judiciaire; (elle) constitue, avec le principe de l'indépendance des juges à l'égard des autres pouvoirs, le fondement même non seulement des dispositions constitutionnelles qui règlent l'existence du Pouvoir judiciaire mais de tout État démocratique; (…) les justiciables y trouvent la garantie que les juges appliqueront la loi de manière égale » à La Cour de Cassation parle autant de l’impartialité sur le plan personnel (du juge en question) que sur le plan structurel (sa propre impartialité et de toutes les institutions). Malgré qu’il s’agit de l’affaire Dutroux, elle doit rester impartiale malgré tout. À cette fin, la Constitution et la Convention européenne des droits de l'Homme mettent en place une série de garanties. A - Les juridictions ne peuvent être créées qu'en vertu d'une loi Art 146 C° : « Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu d'une loi (…) » Þ Cet article s’applique à toutes les juridictions internes belges, mais c’est pareil pour les juridictions disciplinaires et administratives (art 161, 146 et 160 C°) Þ La notion d' « établissement » visée par l'article 146 est plus large que celle de « création » : c'est non seulement la création, mais aussi l'organisation, la 88 Ester B. – 2022/2023 compétence et le fonctionnement des juridictions, ainsi que la procédure menée devant ceux-ci qui doivent faire l'objet d'une loi fédérale. On en déduit donc que jamais le Roi ne peut créer une juridiction en Belgique, tout seul. Même en cas d’arrêtés de pouvoirs spéciaux, si le roi crée qqch qui y ressemble, ça ne sera pour autant jamais considéré comme une juridiction. Le législateur ne peut pas non plus déléguer ce travail que la C° lui donne, ni au Roi ni à la juridiction en elle-même. B - L'interdiction des commissions et tribunaux extraordinaires Les juridictions ad hoc (= création d’une juridiction juste pour connaître d’un seul procès) sont interdites, même la loi ne peut pas en créer (art 146 C°) Þ Cette interdiction est une garantie d’indépendance et d’égalité C - La création, par la Constitution elle-même, des cours et tribunaux de l'ordre judiciaire La C° crée une Cour de Cassation (art 147), 5 Cours d’Appel (art 156), la Cour d'assises (art. 150), les tribunaux de l’entreprise (articles 84 et 85 du code judiciaire + 157 C°), les juridictions militaires (art. 157, al. 1), les juridictions du travail (art. 157, al. 3), les tribunaux d'application des peines (art. 157, al. 4), les justices de paix (151, § 4) et les tribunaux de première instance (art 151) Il est évident que le législateur ne peut pas supprimer une juridiction judiciaire que la Constitution crée elle-même. Une révision constitutionnelle préalable est nécessaire. Mais pourrait-il en créer une nouvelle, non consacrée par la C° ? Thèse du numerus clausus constitutionnel : hors celles visées par la Constitution au chapitre 6 du titre III, le législateur ne pourrait créer de nouvelles juridictions judiciaires. Þ Exemple : la création du Brussels International Business Court était possible car elle n’était qu’une variété de « tribunal de commerce », et donc elle jouissait bien d’un ancrage dans la C°. + elle n’est pas ad hoc car il s’agit d’un tribunal de commerce permanent dont les attributions sont définies en termes généraux L’article 144, alinéa 1er de la Constitution dispose : “Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux” Þ Il implique un principe d’exclusivité en ce qui concerne ces contestations. En effet, seuls les tribunaux et les cours institués par le Constituant lui-même au titre III, chapitre V, de la Constitution, intitulé “Du pouvoir judiciaire”, sont en principe compétents pour les régler En vertu de l’article 145 de la Constitution, le législateur ne peut instaurer de nouvelles juridictions – les “juridictions administratives” – extérieures au pouvoir judiciaire, que pour les contestations qui ont pour objet des droits politiques. Si on suit la thèse du numerus clausus, le pouvoir de création du législateur est particulièrement limité, il ne pourrait que : 89 Ester B. – 2022/2023 - augmenter ou réduire le nombre des juridictions judiciaires créées par la Constitution, là où celle-ci ne fixe pas elle-même ce nombre - créer de nouveaux tribunaux à la condition que, « organiquement », ils s'inscrivent dans le « cadre » des juridictions judiciaires créées par la Constitution Þ Par exemple, c’est ce qui a été fait pour le tribunal de la famille et de la jeunesse et le tribunal correctionnel, auxquels la C° ne fait aucune référence mais qui sont, organiquement, des sections du tribunal de première instance à Cette thèse du numerus clausus assure de manière très efficace la protection du PJ § 2. - Principes gouvernant la répartition des compétences entre les différentes juridictions La multiplicité des juridictions judiciaires (différents types, différents lieux) : les juridictions se sont multipliées, notamment pour accroître la mobilité des magistrats (voir l’annexe 84). - Les cantons judiciaires (justice de paix) - Les arrondissements judiciaires (tribunal de première instance, tribunal de police) Ces arrondissements coïncident au découpage des provinces, donc il y a en a 12. - Les tribunaux de l’entreprise et les tribunaux du travail - Il y a cinq cours d’appel (Bruxelles, Gand, Anvers, Mons et Liège) et cinq cours du travail - Il y a une, et une seule, Cour de cassation Mais qui fait quoi ? À cette question répondent les règles de compétence = règles qui déterminent la manière dont se répartissent les attributions du Pouvoir judiciaire entre les différentes juridictions qui le composent 90 Ester B. – 2022/2023 >< règles d’attribution = règles qui délimitent les responsabilités respectives des trois Pouvoirs et, en particulier, les domaines de la fonction de juger dévolus à l'un ou l'autre ordre juridictionnel : juridictions judiciaires, juridictions administratives… Article 8 du Code judiciaire : Les règles de compétence sont de deux types : les règles de compétence matérielle et les règles de compétence territoriale A - La compétence matérielle Compétence matérielle (compétence d'attribution) = désigne les types de litiges pouvant être soumis aux diverses catégories de juridictions judiciaires. Elles peuvent être contenues dans la Constitution (ex : article 147) mais elles sont principalement définies par le Code judiciaire, selon les principes portés par l'article 9 de ce Code : « La compétence d'attribution est le pouvoir de juridiction déterminé en raison de l'objet, de la valeur et, le cas échéant, de l'urgence de la demande ou de la qualité des parties » Þ compétence déterminée en fonction de l'objet de la demande : Art. 569-17°, Art. 578-1°, Art. 591-1° code judiciaire Þ compétence déterminée en fonction de la valeur de la demande : art 590 code judiciaire Þ compétence déterminée en fonction de la qualité des parties : Art. 573 Code judiciaire Þ compétence déterminée en fonction de l'urgence de la demande : Art. 584, al. 1er, Code judiciaire Pour cette dernière flèche, la procédure est celle dite du « référé » Þ statuer en référé : quand on a pas le temps d’attendre une décision de justice classique, car il y a une relative urgence, cette procédure est particulièrement rapide. Le juge prend alors des mesures, mais qui restent cependant provisoires, elles ne créent pas une situation irrémédiable en fait ou en droit. La décision prise n’a pas l'autorité de chose jugée pleine et entière visée par l'article 23 du Code judiciaire B - La compétence territoriale Compétence territoriale = « le pouvoir de juridiction appartenant au juge dans une circonscription, selon les règles déterminées par la loi » - article 10 du Code judiciaire Les règles relatives à la compétence territoriale des juridictions sont définies aux articles 624 et suivants du Code judiciaire C - Le rôle du Tribunal d’arrondissement Quid lorsque le demandeur en justice se trompe de juridiction, soit qu'il saisisse une juridiction qui n'est pas matériellement compétente pour connaître du litige, soit qu'il saisisse une juridiction qui n'est pas territorialement compétente ? Le règlement de ces difficultés est organisé par les articles 639 et suivants du Code judiciaire. Le tribunal d'arrondissement est l'« aiguilleur » en matière de compétence, c’est lui qui nous aide à savoir devant quelle juridiction aller pour régler notre litige. Composition : art 74 Code judiciaire 91 Ester B. – 2022/2023 Section 2. - Les Magistrats § 1. - Les différents types de magistrats Magistrature assise = comprend les juges proprement dits, c'est-à-dire ceux qui vont trancher les litiges (le juge peut statuer seul ou en collège, à plusieurs) Magistrature debout = vise le Ministère public (+ l’auditorat pour les juridictions du travail), dont le rôle se situe principalement dans la sphère de la justice pénale, tout en étant également présent dans la justice civile Þ Attention : le rôle / statut du ministère public est différent de celui du juge : sa fonction n’est pas de juger, son rôle est d’être la partie poursuivante en pénal, par exemple Magistrats de carrière = être juge est leur métier officiel, ils sont diplômés en droit Magistrats non professionnels = au sein de la magistrature assise se trouvent des juges qui n'exercent pas à proprement parler la profession de magistrats (pas de diplôme de droit) mais qui vont se trouver associés à la fonction de juger et de trancher les litiges. Þ Exemples : dans la justice pénale : le jury d'Assises, dans la justice du travail : les juges ou conseillers sociaux (art 198 + 199 code jud), dans la justice de l’entreprise : les juges consulaires (art 203 + 204) § 2. - L'accès à la magistrature professionnelle Pour prétendre à la magistrature (même si l’on respecte toutes les conditions, encore faut-il être sélectionné) il y a des conditions à remplir : - Condition de nationalité : la magistrature fait partie des fonctions d’administration publique qui confère une part de l’impérium (comme l’armée) cf. arrêt Orfinger, il faut donc avoir la nationalité belge 92 Ester B. – 2022/2023 - Condition d’âge / d’ancienneté : uniquement pour certaines magistratures (exemples : article 187, § 1er et art. 254, § 3 du Code judiciaire) - Conditions de formation : il faut un 2ème cycle en droit belge - Certification de l’aptitude : 2 voies d’accès majeures 1° le stage judiciaire, accessible aux licenciés ou docteurs en droit ayant une expérience professionnelle d’au moins 2 ans et ayant réussi le concours d'admission au stage judiciaire – pour les jeunes juristes. Le stage dure 2 ans 2° l’examen d'aptitude professionnelle : l'accès direct, accessible aux personnes plus expérimentées 3° l’oral d’évaluation : pour les tous vieux du barreau – nouvelle voie § 3. - Le rôle du Conseil supérieur de la justice dans la nomination des magistrats Qui va nommer ces magistrats ? le Roi, sous contreseing ministériel du ministre de la justice (art. 151, § 4 de la Constitution). Mais ce système a été critiqué car le roi avait une grande marge de manœuvre, cela a déclenché la politisation de la magistrature, au lieu de les choisir pour leurs compétences le Roi les choisissait selon ses préférences politiques. Cela a causé un problème d’impartialité des magistrats, de la qualité de la justice et d’égalité des chances entre les candidats pour accéder à la magistrature. Il y a donc eu un mouvement de dépolitisation car la Belgique devait répondre de ses engagements internationaux en terme d’égalité et d’impartialité en ce qui concerne la magistrature. Cour eur. D.H., GC, arrêt Gudmundur Andri Astradsson c. Islande 1er décembre 2020 : « De l’avis de la Cour, outre les exigences ci-dessus, la notion même de ‘tribunal’ implique que celui-ci se compose de juges sélectionnés sur la base du mérite – c’est-à-dire de juges qui, grâce à leurs compétences professionnelles et à leur intégrité morale, sont capables d’exercer les fonctions judiciaires associées à cette charge dans un État régi par la prééminence du droit » […] Þ la Pologne et la Hongrie étaient les plus visées Question examen: retracer les étapes du mouvement de la dépolitisation de la magistrature en Belgique : - Une première réforme fut le fruit d'une loi du 18 juillet 1991, relative à la formation et au recrutement des magistrats. C'est cette réforme qui subordonna la nomination dans la magistrature à l'une des deux voies d’accès principales : le stage judiciaire, accessible grâce au concours d'admission, ou la réussite de l'examen d'aptitude professionnelle. Concours et examen étaient organisés par le Collège de recrutement des magistrats. - La seconde réforme (droit actuellement en vigueur) est l'institution du Conseil supérieur de la Justice, par le biais d'une réforme de l'article 151 de la Constitution datée du 20 novembre 1998. Þ Suite à l’affaire Spaghetti : Réforme dans l’institution du pouvoir judiciaire, réforme dans la police, le peuple exige du pouvoir public qu’il soit être plus responsable Conseil supérieur de la Justice = un organe constitutionnel (car institué par la Constitution) extérieur au Pouvoir judiciaire, une « autorité indépendante » qui ne relève d'aucun des 93 Ester B. – 2022/2023 trois Pouvoirs fédéraux, mais assume néanmoins une sorte de « liaison » entre ces trois Pouvoirs. Composition du Conseil supérieur de la justice : art 295bis code judiciaire Au sein de chaque collège, il y a deux commissions paritairement composées. Une commission de nomination et de désignation et une commission d'avis et d'enquête Þ On exige une mixité minimale en terme de genre pour les non magistrats Question d’examen : décrire les attributions du conseil supérieur de la justice : Les commissions de nomination et de désignation sont chargées (art. 151, § 3 C° + art. 259bis-9 et 259bis-10 C. jud.) : § d'organiser l'examen d'aptitude professionnelle et le concours d'admission visés plus haut. § de présenter au Roi les candidats à une nomination comme juge ou magistrat du Ministère public ou à une nomination comme chef de corps. Pour chaque poste à 94 Ester B. – 2022/2023 pourvoir, un seul candidat est présenté au Roi. Le Roi n'est cependant pas lié par la présentation : Il peut nommer le candidat présenté ou refuser la nomination, par décision motivée (art. 259ter, § 5 du C. jud.) Attention : c’est le Conseil qui présente le candidat mais il ne les nomme pas !! c’est tjrs le roi qui le nomme. Mais le roi ne peut pas choisir entre plusieurs candidats ou présenter lui-même le candidat, il doit nommer celui qu’on lui présente ; ou il peut refuser de le nommer. § de formuler les directives pour la formation permanente des magistrats. Malgré tous les efforts pour éviter la politisation des magistratures, ça ne pourra jamais être parfait, il y aura toujours une part de politisation, d’affinité qui entre en jeu lors du vote pour les candidats. Question examen : Commenter cette phrase : art 151 §1er C° Þ Cette phrase est plus constative que constitutive : Il ne faut pas croire qu’avant cette phrase, les juges n’étaient pas indépendants § 4. - Le statut de la magistrature assise La Convention européenne des droits de l'Homme inclut, au titre du droit au procès équitable, les garanties d'indépendance et d'impartialité des juges appelés à trancher des contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil, ou à statuer sur le bien- fondé d'accusations en matière pénale. La Constitution belge, le code judiciaire et les PGD s'efforcent de donner effectivité à ces deux exigences. A - L'indépendance Selon la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'Homme, l'indépendance du juge doit être établie à l'égard des autres Pouvoirs mais aussi vis-à-vis des parties. Þ arrêt Findlay c. Royaume-Uni du 25 février 1997 « pour établir si un tribunal peut passer pour 'indépendant', il faut prendre en compte, notamment, le mode de désignation et la durée du mandat de ses membres, l'existence d'une protection contre les pressions extérieures et le point de savoir s'il y a ou non apparence d'indépendance » la Cour a par exemple conclu à l'absence d'indépendance de juridictions partiellement composées de militaires qui, durant la durée de leur mandat, demeurent aux ordres de leur hiérarchie. Selon la Cour de justice de l’Union européenne : Þ CJUE, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, 27 février 2018 : « La notion d’indépendance suppose, notamment, que l’instance concernée exerce ses fonctions juridictionnelles en toute autonomie, sans être soumise à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit, et qu’elle soit ainsi protégée d’interventions ou de pressions extérieures susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de jugement de ses membres et d’influencer leurs décisions » Selon la Cour européenne des droits de l’Homme : 95 Ester B. – 2022/2023 Þ Cour eur. D.H., CC, arrêt Gudmundur Andri Astradsson c. Islande du 1er décembre 2020 : « l’indépendance est celle qui, d’un point de vue personnel et institutionnel, est nécessaire à toute prise de décision impartiale, de sorte qu’elle est un préalable à l’impartialité. Elle désigne aussi bien, d’une part, un état d’esprit qui dénote l’imperméabilité du juge envers toute pression extérieure en tant qu’attribut de son intégrité morale que, d’autre part, un ensemble de dispositions institutionnelles et fonctionnelles – qui comprend à la fois une procédure permettant de nommer les juges d’une manière qui assure leur indépendance et des critères de sélection fondés sur le mérite –, de façon à offrir des garanties contre une influence abusive et/ou un pouvoir discrétionnaire illimité des autres autorités de l’État, tant au stade initial de la nomination d’un juge que pendant l’exercice par celui-ci de ses fonctions » La Constitution belge proclame explicitement l'indépendance des juges : art. 151, § 1. Pour préserver cette indépendance, la Constitution édicte une série de garanties particulières : a - L'irrévocabilité Question d’examen : définir l’irrévocabilité + expliquer Irrévocabilité : pour éviter de faire pression sur un juge en le menaçant de le défaire de ses fonctions, on ne pas lui enlever sa place en faisant appel à la même autorité que celle qui lui a donné sa place : le Roi ne peut donc pas révoquer un juge art 152 al. 1 et 2, C° Þ Attention cet article ne concerne que les juges professionnels du pouvoir judiciaire (donc les Cours et Tribunaux, mais pas la CC, ni le CE…) Mais peut-on quand même défaire un juge de sa fonction s’il l’exerce mal ? Oui, il y a la procédure de destitution, mais qui ne pourra intervenir que sur décision de ses pairs. Þ garantie d’indépendance et de bonne procédure : ce sont les juges eux-mêmes qui destituent le juge de ses fonctions : le PJ décide pour lui-même « en confiant au pouvoir judiciaire la compétence exclusive de décider si l'un de ses membres était encore digne d'exercer ses fonctions, le constituant a voulu éviter que des menaces de déplacement ou de sanctions disciplinaires ne soient utilisées pour influencer les décisions judiciaires. Cette protection du citoyen et de l'intérêt général est au cœur même de l'État de droit » - Cour de cassation b - L'inamovibilité Inamovibilité : le juge ne peut pas être déplacé, sauf s’il donne son consentement art 152 al 3 C° Þ Car on peut aussi faire pression sur un juge en le menaçant de le déplacer dans une ville ou un village dans le fin fonds de la Belgique c - La fixation des traitements par la loi Fixation des traitements par la loi : si le Roi pouvait lui-même fixer les traitements des magistrats et les récompenser ou les pénaliser financièrement, l’indépendance de ceux-ci pourrait s’en trouver atteinte Art 154 C° Þ on entend le mot « loi » au sens formel dans cet article Þ Il faut priver le PE du pouvoir d’instaurer les salaires des juges, par exemple 96 Ester B. – 2022/2023 d - Les incompatibilités Les incompatibilités : on ne peut pas « offrir des cadeaux », des récompenses ou des postes à un juge, de la part du Gouvernement art 155 C° + art 293 et suivants Code jud. Þ Pour éviter aussi que des pressions ne soient exercées sur le juge B - L'impartialité L’impartialité = l'absence de parti pris défavorable à l'encontre d'une partie à la cause Þ En vertu de l'article 6 de la CEDH, toute personne a droit à ce que sa cause soit tranchée par un tribunal impartial. Þ L’impartialité du juge est présumée. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, l'impartialité doit être évaluée par : - une démarche subjective : rechercher les convictions personnelles de tel juge dans telle affaire déterminée Þ En gros : rechercher si un juge avait un parti pris dans une affaire, mais ce n’est pas facile car le juge essaye toujours de cacher son parti pris, s’il en a un - une démarche objective : déterminer si la juridiction en cause présente assez de garanties pour exclure tout doute légitime à l'égard de sa partialité Exemples : § Le juge qui s'autorise des déclarations dénigrantes à la presse contre une des parties en cause, en cours de procès, manque à l'exigence d'impartialité : Annexe 85 § La question de savoir si le fait que le même magistrat ait été appelé à statuer dans la même affaire en diverses qualités (« cumul de fonction ») suffit à conclure à son manque d'impartialité, doit, selon la Cour européenne des droits de l'Homme, être tranchée au cas par cas, à la lumière de la nature des actes que ce magistrat a été amené à poser dans ses diverses fonctions : Annexe 86 En Belgique, l'impartialité du juge ne fait pas l'objet d'une garantie constitutionnelle expresse, mais se déduit de divers textes particuliers du Code judiciaire, et est un PGD. Art 828 code jud : énoncé des circonstances dans lesquelles intervient la récusation d'un juge. La récusation aura pour effet de remplacer le juge par un autre, au sein de la même juridiction. 97 Ester B. – 2022/2023 Þ Si le juge se rend compte qu’il y a une cause de récusation dans le litige qu’il doit régler, il doit normalement se retirer lui-même Art 648 code jud : énoncé des causes de dessaisissement de la juridiction : ici c’est la juridiction dans son ensemble (et non un juge au sein de celle-ci) qui sera dessaisie de la cause, qui sera renvoyée devant une autre juridiction de même type. Þ Les demandes en dessaisissement sont formées devant la Cour de cassation. Þ Le dessaisissement est donc une procédure beaucoup plus lourde que la récusation Parfois la récusation ne peut pas se faire, car il n’y a aucun autre juge qui peut reprendre l’affaire, vu que le juge était seul au sein de sa juridiction. Dans ce cas, il faut dessaisir le juge (qui représente toute la juridiction) pour la renvoyer devant un autre juge (une autre juridiction). Quelques exemples : - Annexe 87 : Il faut néanmoins rester raisonnable, ce n’est pas parce qu’un juge a déjà tranché un certain litige sur nous, qu’il ne peut pas nous rejuger dans une autre affaire - Annexe 88 : la Cour de cassation a estimé que ce n’était pas impartial, lorsque l’un des magistrats se prononce, dès l’ouverture des débats, sur l’issue à donner au litige. Þ on ne peut pas rendre un avis en tant que juge avant même d’avoir entendu les parties ! - Annexe 88bis : le fait qu’un juge soit enseignant à l’université et qu’il soit donc le collègue des avocats de l’une des parties, n’est pas suffisant pour démontrer son manque d’impartialité - Annexe 88ter : la religion d’un juge n’est pas un facteur qui pose problème en soi, on présume toujours l’impartialité du juge § 5. - Le statut particulier du Ministère public Le statut du ministère public est complexe car il est associé à l’action gouvernementale et à l’exercice de la fonction de juger. A - L'indépendance Article 151, § 1, al. 1er, de la Constitution : à la différence de celle de la magistrature assise, l'indépendance du Ministère public est relative : - Le Ministre de la justice a un pouvoir d’injonction individuelle positive : il peut ordonner au Ministère public de poursuivre une personne. MAIS il ne dispose pas d'un pouvoir d'injonction individuelle négative : il ne peut pas ordonner de ne pas poursuivre qqn. - Le Ministre de la justice adopte des directives générales en matière de politique criminelle : il peut décider de faire de certaines infractions une priorité ; mais il est interdit de dire qu’on arrête de poursuivre un certain type d’infractions, car cela reviendrait à suspendre l’application de la loi concernée = inconstitutionnel car viole l’article 108. Pour arrêter de poursuivre un certain type d’infractions, il faut une réforme constitutionnelle, il faut dépénaliser l’infraction. 98 Ester B. – 2022/2023 - Art 153 C° : Tout comme les juges, les magistrats du Ministère public sont nommés par le Roi. MAIS les membres du Ministère public peuvent également être révoqués par le Roi - Principe d’unité du Ministère public : le Ministère public est très hiérarchisé, chaque membre exerce une autorité sur ceux qui sont placés en dessous de lui. (Cette hiérarchisation n’existe pas au sein de la magistrature du siège) L'unité du Ministère public réside donc dans la concentration de l'activité des magistrats entre les mains des Procureurs généraux. Le Procureur général peut donc surveiller l'exercice de l'action publique par les magistrats qui lui sont inférieurs et se faire rendre compte de leurs actes. MAIS à l'audience, les magistrats peuvent néanmoins s'exprimer librement, en s'écartant des écrits et ordres qu'ils pourraient avoir reçus : « La plume est serve, mais la parole est libre » B - Le rôle du Ministère public en matière civile art. 138, al. 1, du Code judiciaire : l'exercice de l'action publique art 138bis, § 1er : rôle dans les instances civiles - La compétence d'avis du Ministère public en matière civile (articles 764 et suiv) = Dans son avis, le Ministère public se prononce sur la meilleure solution, en fait et en droit, à donner au litige. L’avis ne lie pas la juridiction. Dans certains cas, c’est la loi elle-même qui prévoit que la cause sera communiquée pour avis au Ministère Public. Dans d’autres cas, la communication de la cause au Ministère public résultera d’une initiative de celui-ci ou de la juridiction saisie. - La compétence d'action du Ministère public = pouvoir de saisir les juridictions d'une demande, d'introduire un recours, ou encore d'intervention dans un procès en cours. Elle s’exerce : § « chaque fois que la loi le prévoit » : art 138bis §2 code jud., art 184 et 191 code civil… § « chaque fois que l’ordre public exige son intervention » : L'on ne vise pas ici simplement l'hypothèse où une norme d'ordre public est en cause. le Ministère public n'est recevable à agir qu’en cas de nécessité impérieuse de mettre fin à une situation intolérable pour l'ordre public. - Les pouvoirs de réquisition du Ministère public en matière civile = pouvoirs d'instruction qui lui sont accordés dans les cas énumérés par la loi. Ces pouvoirs d'instruction sont destinés à venir en aide à une partie dont le législateur estime qu'elle se trouve dans une situation difficile ou déséquilibrée par rapport à l'autre partie (art 138ter, 872 code jud.) Þ pouvoir de demander à tel ou tel acteur de produire des documents, de produire des dossiers Section 3 - Les contrôles exercés sur l'exercice de la justice 99 Ester B. – 2022/2023 § 1. - Les contrôles internes - L'exercice de voies de recours contre les jugements et arrêts : un juge judiciaire contrôle un autre juge judiciaire, donc ne porte pas atteinte à l’indépendance du PJ - La mise en œuvre de la responsabilité de l'État du fait de la fonction de juger Þ Annexe 89 : la Cour de cassation admet que la responsabilité de l'État belge peut être engagée, sur fondement des articles 1382-1383 de l’ancien Code civil, pour des fautes commises par le PJ dans l'exercice de la fonction de juger. Si cet acte fautif est une décision de justice, la responsabilité de l'État ne sera engagée que si cette décision a déjà été retirée, réformée, annulée ou rétractée, sur recours, par une autre décision de justice passée en force de chose jugée. Exception : si la décision de justice incriminée passée en force de chose jugée, a été estimée contraire à la CEDH par un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme. § 2. - Les contrôles externes - Contrôle exercé par des juridictions internationales sur la compatibilité avec le droit international (en particulier les droits de l'Homme, consacrant le droit au procès équitable) des décisions de justice rendues en Belgique. - Contrôle exercé par le Conseil supérieur de la Justice sur le fonctionnement de la Justice. Les commissions d'avis et d'enquête sont en effet compétentes pour : Art. 151, § 3, C° Þ Le Conseil supérieur de la Justice n’étant pas un juge faisant partie du PJ, la question de l’indépendance du juge se pose réellement. Le Conseil supérieur de la Justice ne pourrait donc pas s’occuper de plaintes dont l'objet serait le contenu d'une décision judiciaire (art. 259bis -15, § 3, 2°) CHAPITRE IV. - LE PROCÈS Section 1. - L’action et la demande en justice § 1. - Remarques terminologiques Question d’examen : définitions à connaître + possibilité de casus L’action = droit processuel d'obtenir du juge une décision sur le fondement d'une prétention, droit subjectif de pouvoir saisir un juge La demande = l'acte de procédure par lequel le titulaire du droit d'action exerce le pouvoir qui lui est donné par la loi de saisir un juge afin qu'il se prononce sur le bien-fondé de la prétention qui lui est soumise. § 2. - Les conditions du droit d'action A - L'intérêt 100

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