Polycopié Droit Public (Français) PDF
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This document is a set of notes on public law, covering administrative law, constitutional law, and fundamental rights.
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Chaque domaine du droit (droit administratif, droit pénal, droit privé) comprend des règles de procédure qui lui sont propres (procédure administrative, procédure pénale et procédure civile). Ces règles seront analysées dans le cadre du domaine du droit qu’elles concernent. En vertu des...
Chaque domaine du droit (droit administratif, droit pénal, droit privé) comprend des règles de procédure qui lui sont propres (procédure administrative, procédure pénale et procédure civile). Ces règles seront analysées dans le cadre du domaine du droit qu’elles concernent. En vertu des art. 122 al. 1 et 123 al. 1 Cst., les procédures civiles et pénales relèvent de la compétence de la Confédération, alors que l’organisation judiciaire et l’administration de la justice restent de la compétence des cantons, sous réserve des exceptions prévues par la loi (art. 122 al. 2 et 123 al. 2 Cst.). La procédure administrative fédérale est réglée au niveau fédéral, tandis que les règles de procédure administrative cantonale sont réglées par chaque canton. 36 TITRE VI LE DROIT PUBLIC 77 Le droit public est l’ensemble des règles juridiques régissant l’accomplissement de tâches publiques et poursuivant un intérêt public. Il est notamment constitué du droit constitutionnel, du droit administratif et du droit pénal. SECTION 1 LE DROIT CONSTITUTIONNEL Chapitre 1 La portée du droit constitutionnel 78 Concernant sa portée, la Constitution fédérale occupe le sommet de la hiérarchie des actes normatifs d’origine interne en Suisse. Par son objet, la Constitution contient deux sortes de normes : - les normes d'organisation, qui déterminent les pouvoirs publics (activités étatiques) et les autorités qui les exercent ; - les principes fondamentaux, qui déterminent la situation des individus à l'égard de la puissance étatique. La Constitution répond ainsi à deux besoins distincts l’un de l’autre. Il faut, d'une part, organiser les pouvoirs de l'État et, d’autre part, les canaliser. Dans ce but, la Constitution consacre un certain nombre de libertés fondamentales. Chapitre 2 Les libertés fondamentales et leur restriction 80 §1 Les principes généraux La Constitution définit les relations de base entre l'État et les individus en établissant un catalogue des droits individuels, ou « droits fondamentaux », aux articles 7 ss Cst. Dans le cadre du droit de l’entreprise, la liberté économique (art. 27 Cst.), la liberté d’association et la liberté syndicale (art. 23 et 28 Cst.) méritent d’être brièvement abordées, après avoir examiné les conditions qui permettent de restreindre les libertés fondamentales. 37 §2 La restriction des libertés fondamentales Les modalités de toute restriction des droits fondamentaux sont prévues à l’art. 36 Cst., qui exige que de telles restrictions reposent sur une base légale, soient justifiées par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et, selon le principe de la proportionnalité, se limitent à ce qui est nécessaire et adéquat à la réalisation des buts d'intérêt public poursuivis. Ainsi, toute restriction d'un droit fondamental doit répondre aux conditions suivantes : - Elle doit être fondée sur une base légale, les restrictions graves devant être prévues par une loi formelle (art. 36 al. 1 Cst.). - La restriction doit poursuivre un intérêt public, qui peut être défini comme un motif légitime (par exemple : l’intérêt au maintien de l’ordre et de la sécurité). - Enfin, la restriction doit respecter le principe de proportionnalité. Selon ce principe, toute restriction à un droit fondamental doit être apte à atteindre le but visé et limitée à ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi. Entre plusieurs moyens, l’État doit donc choisir celui qui porte l'atteinte la moins importante aux intérêts privés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (pesée des intérêts). §3 La liberté économique 81 Aux termes de l’art. 27 Cst. : « la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice ». La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et ayant pour but de produire un gain ou un revenu. Elle peut être invoquée tant par les personnes physiques que par les personnes morales. Comme tout droit fondamental, la liberté économique peut être restreinte, comme nous l’avons vu, aux conditions de l’art. 36 Cst. En pratique, les restrictions sont nombreuses et peuvent notamment découler de mesures de police, qui visent à protéger l’ordre public (par exemple : la fermeture des restaurants pendant la nuit, la subordination de l’exercice de certaines professions à l’obtention d’un certificat de capacité, etc.). 38 §4 La liberté d’association et la liberté syndicale La liberté d’association est prévue à l’art. 23 Cst. : « La liberté 82 d’association est garantie. Toute personne a le droit de créer des associations, d’y adhérer ou d’y appartenir et de participer aux activités associatives. Nul ne peut être contraint d’adhérer à une association ou d’y appartenir ». L’association au sens de l’art. 23 Cst. se définit comme un groupement de personnes qui recherchent un but idéal commun en vertu du droit privé. Concrètement, la liberté d’association donne le droit à chacun de faire partie d’une association sans avoir à subir des sanctions du fait de cette appartenance. Elle comprend aussi le droit de ne pas s’associer (art. 23 al. 3 Cst.). Comme toute liberté, la liberté d’association peut être restreinte pour protéger l’ordre public, notamment si une association vise un but contraire à la sécurité ou menace l’existence de l’État. La liberté syndicale est garantie à l’art. 28 Cst. : « Les travailleurs, les 83 employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d’y adhérer ou non. Les conflits sont, autant que possible, réglés par la négociation ou la médiation. La grève et le lock- out sont licites quand ils se rapportent aux relations de travail et sont conformes aux obligations de préserver la paix du travail ou de recourir à une conciliation. La loi peut interdire le recours à la grève à certaines catégories de personnes. ». Concrètement, la liberté syndicale comprend le droit de s’affilier au syndicat de son choix et interdit à l’employeur de recourir à des procédés qui incitent ou contraignent les salariés à ne pas se syndiquer. La liberté syndicale comporte également, à certaines conditions, le droit de grève, soit l’abstention collective de travail. La grève doit cependant être 84 « licite », c’est-à-dire notamment qu’elle doit se rapporter aux conditions de travail et qu’elle ne doit intervenir qu’en dernier lieu (ultima ratio). SECTION 2 LE DROIT ADMINISTRATIF Chapitre 1 Définition et notion 85 Alors que le droit constitutionnel fixe les principes quant à la structure et aux fonctions de l'État, le droit administratif régit l'organisation et l'activité de l'administration, ainsi que son intervention dans la vie économique et sociale. 39 En ce qui concerne les objectifs poursuivis par le droit administratif, on peut, en simplifiant quelque peu, distinguer trois domaines : - Le domaine de la police (maintien de l’ordre public, de la santé publique et de l’équilibre dans les relations commerciales) ; - Le domaine des institutions sociales (développement des services sociaux, culturels et économiques) ; - Le domaine financier (organisation et gestion des finances publiques). Chapitre 2 Les règles sur l'organisation de l'administration 86 Ces règles déterminent les différents services de l'administration et leurs compétences respectives. Aux règles et compétences fédérales viennent s'ajouter les règles et compétences cantonales et communales. Cette partie organisatrice du droit administratif fixe également le statut des fonctionnaires, leurs droits (notamment le salaire), leurs obligations et leurs attributions. Cas pratique : Charlie et son garage 87 88 - 92 Résolution Chapitre 3 Les règles sur l'activité de l'administration §1 La décision administrative et le contrat de droit administratif 93 Le droit administratif établit des règles sur l'activité de l'administration. De manière générale, l’administration agit par la voie de la décision administrative et du contrat de droit administratif. La décision administrative peut être définie comme un acte juridique pris unilatéralement par une autorité, sur un fondement de droit public, dans une situation individuelle et concrète. Elle a pour effet de déterminer, dans une situation concrète, les droits et obligations de sujets de droit, en particulier d’un ou plusieurs administrés (ou justiciables). Le contrat de droit administratif est un acte bilatéral régi par le droit public. Ces contrats ont généralement pour objet l’attribution d’un avantage à un 40 administré ou l’exécution d’une tâche d’intérêt public. À titre d’exemple, on peut citer les contrats de travail avec le personnel de la Confédération au sens de l’art. 8 LPers. Dans un État de droit, l'activité de l'administration doit obéir aux principes suivants, qui correspondent en partie aux principes que nous avons étudiés dans le cadre des restrictions aux droits fondamentaux : §2 Le principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.) 94 Ce principe signifie que chaque acte administratif doit être fondé sur une base légale et que l’administration doit appliquer la loi telle qu'elle est. §3 Le principe de l'intérêt public (art. 5 al. 2 Cst.) L'acte administratif doit être justifié par un motif légitime, par exemple, un intérêt commun à une fraction importante des membres d'une collectivité publique. §4 Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) L'État ne peut se servir que de moyens adaptés au but qu'il vise. D'une part, le moyen utilisé doit être propre à atteindre la fin d'intérêt public recherchée tout en ménageant le plus possible la liberté individuelle. D'autre part, il faut qu'il existe un rapport raisonnable entre le résultat recherché et les restrictions à la liberté qu'il nécessite. §5 Le principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) En vertu du principe de la bonne foi de l’autorité, l'administration qui fait une promesse, donne une information ou une assurance, doit honorer sa promesse ou les expectatives créées. §6 Le principe de la non-rétroactivité Une disposition légale ou une décision ne doit pas sortir ses effets avant son entrée en vigueur. §7 Les modalités de la décision administrative 95 En complément des principes qui précèdent, que l’autorité doit respecter lorsqu’elle prend une décision, il convient de mentionner que : 41 - L'autorité prend ses décisions d'office, de manière unilatérale. - L’autorité peut révoquer une décision si l'intérêt public l'exige et que le principe de la légalité est respecté. - Dans la plupart des cas, la décision administrative peut faire l'objet d'un recours (cf. Chapitre 4 ci-dessous). Cas pratique : Charlie et son garage 96 97 - 99 Résolution Chapitre 4 La procédure administrative (en particulier les recours) 100 La procédure administrative règle la façon dont les administrés s'adressent à l'administration et celle dont l'administration doit se comporter à leur égard, ainsi que les modalités de l’accès au tribunal pour contester une décision administrative. Le recours de droit administratif permet au justiciable touché par une décision administrative de faire contrôler celle-ci par un tribunal indépendant de l’administration. Parfois, la loi prévoit une étape intermédiaire : le justiciable doit dans un premier temps suivre une procédure de réclamation ou un recours hiérarchique, au sein même de l’autorité qui a rendu la décision. Quant au déroulement de la procédure devant le tribunal, elle commence 101 par le recours (écrit) déposé par le justiciable et se poursuit par une phase d’instruction, durant laquelle le tribunal pourra entendre les parties ou des témoins, voire des experts. L’autorité qui a rendu la décision contestée sera également consultée. À l’issue de cette procédure, qui en pratique est pour l’essentiel écrite, le tribunal rendra sa décision (ou jugement), qui pourra en principe faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral. Cas pratique 1 : Charlie et son garage 102 Résolution 103 - 105 42 Cas pratique 2 : Charlie et son restaurant 106 107 Résolution - 111 SECTION 3 LE DROIT PÉNAL 112 Chapitre 1 Définition et notion Le droit pénal fait partie du droit public, car l'une des fonctions essentielles de l'État est d'assurer le respect de l'ordre public et donc de protéger l'ensemble de la population contre les actes délictueux. Le droit pénal, régi principalement par le Code pénal (« CP »), détermine les conditions de la répression des actes qui mettent en péril cet ordre public et les intérêts de la collectivité. Sur le plan formel, le droit pénal est dominé par le principe de la légalité. 113 L'art. 1 CP l'exprime clairement en ces termes : « Une peine ou une mesure ne peuvent être prononcées qu'en raison d'un acte expressément réprimé par la loi » (nullum crimen, nulla poena, sine lege). Sur le plan matériel, le droit pénal ne s'appliquera que si l’infraction au sens large répond à trois conditions. Ces conditions se retrouvent dans la définition des infractions : comportement humain prévu par la loi, contrariété au droit (illicéité) et culpabilité. Ce comportement, comme nous le verrons, est sanctionné par la loi au moyen d'une peine ou d’une mesure. Chapitre 2 Le comportement humain 114 L'infraction doit être la manifestation d'une activité humaine. Ce terme d’activité humaine doit être pris dans son acception la plus large. En effet, le Code pénal sanctionne aussi bien les infractions par commission (dans ce cas, l'auteur fait ce que la loi interdit ; « celui qui a … » et « quiconque… ») que les infractions par omission (dans ce cas, la loi pénale oblige l’auteur à agir ; « celui qui n’a pas … » et « quiconque … pas … »). Une infraction par commission peut également prendre la forme d’une omission. Ce sont les infractions (rares) de commission par omission (art. 11 CP). Cette infraction est réalisée lorsqu'une personne, par son inaction, n'empêche pas la lésion d'un bien juridiquement protégé, alors qu'elle était tenue d'agir. Il s’agit 43 donc d’une infraction de commission alors que l’auteur n’a pas eu de comportement actif. Il faut relever que l'infraction commise par l'auteur peut atteindre différents 115 degrés de réalisation : - L’infraction peut être consommée. - L’infraction peut constituer une tentative. La tentative implique que l’auteur commence concrètement à exécuter l’infraction, mais ne va pas jusqu’au bout en raison de circonstances extérieures à sa volonté. Il peut s’agir d’une « tentative achevée » (ou « délit manqué ») ou d’une « tentative inachevée ». Dans les deux cas, le juge peut alors atténuer la peine. - L’auteur peut renoncer à poursuivre l’activité punissable jusqu’à son terme (désistement) ou contribuer à empêcher la consommation de l’infraction (repentir actif). Dans les deux cas, le juge peut atténuer la peine ou exempter l’auteur de toute peine (art. 23 al. 1 CP). - L’infraction peut être absolument impossible en raison d’un grave défaut d’intelligence de l’auteur (art. 22 al. 2 CP). L’auteur est alors exempté de toute peine. Il y a enfin les actes préparatoires, qui ne constituent pas encore un commencement d'exécution (soit une tentative) et qui ne sont, en principe, pas punissable, sauf s’ils concernent une infraction très grave (par exemple : un assassinat, art. 260bis al. 1 lit. b CP). Si l’infraction implique un résultat, il faut qu'entre l'acte reproché à l'auteur et ce résultat, il existe un rapport de cause à effet, autrement dit un lien de causalité adéquate. Cas pratique : Charlie et son stage 116 - 117 Résolution 118 44 Chapitre 3 L’illicéité 119 La deuxième condition propre à la définition de l’infraction est que l'acte soit contraire au droit, qu'il soit illicite. Il existe toutefois des cas dans lesquels l'acte a l'apparence de l'illicéité, mais où il n'est pas contraire à la loi, parce que celle-ci autorise expressément ce comportement (par exemple : la légitime défense). Cas pratique : Charlie et la randonnée 120 Résolution 121 - 124 Chapitre 4 La culpabilité 125 La troisième et dernière condition de la punissabilité de l’infraction est la culpabilité. Même si les deux premières conditions sont réunies (activité humaine et illicéité), il n'y a pas infraction si la culpabilité n'est pas établie. L'art. 12 CP prévoit deux formes de culpabilité, l'intention et la négligence. L’intention (ou le dessein) suppose la conscience et la volonté de 126 commettre l’infraction. L'auteur doit s'être rendu compte de son activité et du résultat et avoir voulu cette activité et ce résultat. Dans ce cas, l’auteur cherche précisément à produire certaines conséquences, il agit avec dessein. On assimile à l’intention le dol simple (ou direct) et le dol éventuel. Dans le cas d’un dol simple, l’auteur ne recherche pas véritablement les conséquences de son acte (voulu), mais il les accepte néanmoins comme un corollaire inévitable. Dans le cas d’un dol éventuel, l’auteur a envisagé le résultat comme possible. Il a été conscient du risque, mais il n'a pas voulu renoncer à son acte (voulu) et a accepté le résultat de l'infraction au cas où celui-ci se produirait. En d’autres termes, la survenance du résultat s'est imposée à l'auteur avec une telle vraisemblance qu'agir dans ces circonstances ne peut être interprété raisonnablement que comme une acceptation de ce résultat. La négligence vise l’acte de celui qui agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte et qui n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle pour éviter que le résultat ne se produise. Deux cas de négligence doivent être différenciés. Il y a les situations où l’auteur prévoit la possibilité de certaines conséquences, mais ne 45 les recherche pas et admet qu’elles ne se réaliseront de toute façon pas (négligence consciente). À l’opposé, il y a les cas où l’auteur n’y pense même pas et ne les recherche logiquement pas non plus (négligence inconsciente). Alors que l’infraction intentionnelle est punie de façon générale, l’infraction commise par négligence n'est punie que si la loi le prévoit expressément. Cas pratique : Charlie et le Base jump 127 Résolution 128 Cas pratique : Gilles et l’entreprise BonnePom’ SA 129 Résolution 130 - 131 Chapitre 5 La responsabilité pénale 132 Pour agir de façon coupable, il faut avoir la capacité pénale, soit être responsable. Le Code pénal ne donne pas une définition positive de la responsabilité pénale. Il n'en donne qu'une définition négative en définissant l'irresponsabilité pénale. Selon l'art. 19 al. 1 CP, l'auteur n'est pas punissable si, au moment d'agir, il ne possédait pas la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation. Notre système pénal réprime l’individu responsable pour l’acte qu’il a commis (en d’autres termes, quiconque a agi). Selon cette conception, une entreprise ne serait donc jamais punissable. Le Code pénal prévoit toutefois un régime particulier de responsabilité de l’entreprise selon lequel les infractions commises au sein d’une entreprise, dans l’exercice de l’activité commerciale de celle-ci, peuvent être imputées à l’entreprise si elles ne peuvent être imputées à aucune personne physique déterminée en raison d’un manque d’organisation de l’entreprise ; la peine est une amende de CHF 5 millions au plus (art. 102 al. 1 CP). Concrètement, il s’agit de punir l’entreprise à la place de ses employés ou organes, lorsque l’on ne parvient pas à déterminer précisément qui a commis la 46 faute en raison d’un manque d’organisation de l’entreprise. Exceptionnellement, pour certaines infractions (notamment en matière de terrorisme, de blanchiment d’argent ou de corruption), l’entreprise peut être punie en sus de la personne physique responsable (art. 102 al. 2 CP). Cas pratique 1 : Charlie et la démence 133 Résolution 134 Cas pratique 2 : le bonus de Roland 135 136 Résolution - 139 à Schéma récapitulatif des conditions de punissabilité de l’infraction : cf. slides 140 du cours. 141 Chapitre 6 La sanction §1 Les principes généraux Le droit pénal prévoit qu'il n'y pas de sanction sans loi (art. 1 CP). La sanction peut poursuivre un but d'expiation, un but de prévention ou un but d'amendement du coupable. Notre Code pénal connaît un système de sanctions « dualiste », comprenant des peines et des mesures. §2 Les peines 142 Les peines s’en prennent aux deux biens juridiques que sont la liberté et le patrimoine. Le Code pénal prévoit trois types de peines : les peines privatives de liberté (art. 40 CP, communément désigné par le terme de « prison »), les peines pécuniaires (art. 34 CP) et l’amende (art. 106 CP). En matière de peine privative de liberté et de peine pécuniaire, le sursis est en principe octroyé pour les peines inférieures à deux ans, respectivement le sursis 47 partiel pour les peines privatives de liberté comprises entre un an et trois ans, sauf en cas de pronostic défavorable (art. 42 et 43 CP). En d’autres termes, la peine n’est concrètement pas exécutée, mais pourra l’être si le prévenu récidive dans un délai d’épreuve imparti par le juge. La peine est en revanche « ferme », c’est-à- dire exécutée, pour les peines supérieures à trois ans et pour les prévenus dont le pronostic est défavorable (en particulier, ceux qui ont déjà été condamnés à une peine supérieure à six mois, art. 42 al. 2 CP). Les amendes ne sont, quant à elles, jamais assorties du sursis (art. 105 al. 1 CP). Il faut encore relever que les enfants de plus de 10 ans et les adolescents sont soumis à une loi spéciale, le Droit pénal des mineurs. Le DPMin instaure des peines et mesures particulières pour les mineurs afin de tenir compte de leur besoin de protection et d'éducation. §3 Les mesures 143 Les mesures sont destinées à soigner l’individu et/ou à protéger la société. L’idée est de soigner l’individu jusqu’à ce qu’il soit guéri ou de protéger la société jusqu’à ce que l’individu ne représente plus de danger. Il peut s’agir de mesures thérapeutiques (traitement de troubles mentaux ou d’addiction, etc.), de l’internement ou d’autres mesures. Chapitre 7 Les infractions 144 Le droit pénal distingue trois types d'infractions : - Les crimes, passibles d'une peine privative de liberté de plus de trois ans (art. 10 al. 2 CP), par exemple, l'assassinat (art. 112 CP) ; - Les délits, passibles d'une peine privative de liberté n'excédant pas trois ans ou d'une peine pécuniaire (art. 10 al. 3 CP), par exemple, les dommages à la propriété (art. 144 CP) ; et - Les contraventions, passibles d'une amende (art. 103 CP), par exemple, les voies de fait (art. 126 CP, soit les atteintes physiques si peu importantes qu’elles n’ont causé aucune lésion corporelle ni atteinte à la santé). Le Code pénal prévoit la poursuite d’office, c’est-à-dire automatique, de toutes les infractions, sauf celles qu’il précise expressément n’être poursuivi que « sur plainte », soit à l’initiative d’un plaignant (par exemple : les voies de fait précitées). 48 Chapitre 8 La procédure pénale §1 Les notions générales 146 La procédure pénale a trait au déroulement de l’instruction et du procès en cas de violation de la loi pénale. Elle est régie par le Code de procédure pénale (« CPP »). Cette procédure implique l'intervention directe de l'État afin d’empêcher le délinquant de nuire. C'est pourquoi la procédure pénale est dominée par le principe de la maxime d’office (contrairement à la procédure civile). Dans le système de la maxime d’office ou la maxime inquisitoire ou encore maxime de l’instruction, c'est à l’autorité (ministère public, tribunal) qu'il appartient de fixer les modalités du procès, de faire avancer la procédure et de procéder aux recherches nécessaires pour découvrir la vérité (établissement des faits et administration des preuves). Ce principe est énoncé à l’art. 6 CPP. En outre, la procédure pénale est régie par la maxime d’accusation (art. 9 CPP). Ce principe exige que, à l’exception des procédures simplifiées, un prévenu ne puisse faire l’objet d’un jugement uniquement si le ministère public a déposé un acte d’accusation auprès du tribunal compétent. Relevons encore que les juridictions pénales suisses sont compétentes lorsqu’une infraction a été commise en Suisse (art. 3 al. 1 CP). §2 Le déroulement de la procédure 147 La procédure pénale se divise principalement en deux phases : l'instruction et le jugement. L’instruction débute avec une enquête par laquelle le ministère public (concrètement, un procureur ou la police) procède à des interrogatoires, entend des témoins, réunit des pièces et fait établir les expertises (si nécessaire). Le procureur qui instruit l'enquête doit déterminer s'il existe des motifs suffisants pour renvoyer l'inculpé devant un tribunal pour jugement. À la clôture de l’instruction, le ministère public décide soit de mettre le prévenu en accusation, en rendant un acte d’accusation afin de faire juger le prévenu par un tribunal lors de la phase de jugement (art. 324 ss CPP), soit de classer la procédure en rendant une ordonnance de classement, auquel cas le prévenu est acquitté (art. 319 ss CPP). 49 Afin de décharger les tribunaux, le ministère public peut également directement juger et condamner le prévenu dans les cas de « peu de gravité » en rendant une ordonnance pénale (art. 352 CPP). Il faut alors que le prévenu ait admis les faits ou que le dossier permette d’établir indubitablement sa culpabilité, et que la peine soit légère (c’est-à-dire une peine privative de liberté de six mois au plus, une peine pécuniaire de même durée, soit 180 jours-amende, ou une amende). Si le prévenu accepte la condamnation, l’ordonnance pénale est assimilée à un jugement entré en force. Le prévenu peut toutefois s’opposer à l’ordonnance pénale, notamment afin de se faire juger par un tribunal. Dans ce cas, le ministère public peut choisir de porter l’accusation devant le tribunal de première instance, rendre une nouvelle ordonnance pénale ou classer la procédure (soit abandonner les poursuites pénales). La procédure de l’ordonnance pénale permet donc d’accélérer la procédure en cas d’infractions légères. À la suite de la phase de l’instruction intervient la phase de jugement. Comme nous venons de le voir, il y a jugement devant un tribunal lorsque le ministère public a rendu un acte d’accusation ou lorsque le prévenu s’est opposé à une ordonnance pénale. Dans ces cas, le dossier est transmis au tribunal pénal, qui procèdera à une nouvelle instruction, afin que l’accusé puisse s’expliquer devant le tribunal. À noter que l’acte d’accusation a un double but. Il vise d’une part à délimiter l’étendue de la saisine de la juridiction. Il vise d’autre part à en informer la défense pour lui permettre d’intervenir efficacement dans la procédure. Une fois que le tribunal aura, lui aussi, clôturé l'instruction et entendu les parties, notamment leurs plaidoiries, il rendra un jugement qui sera soit condamnatoire (le prévenu est condamné), soit absolutoire (le prévenu est acquitté). L’affaire ne s’arrêtera pas nécessairement à ce stade : les parties pourront former appel contre ce jugement et obtenir un jugement de seconde instance au niveau cantonal puis, cas échéant, former recours au Tribunal fédéral. Cas pratique : le patron soupe-au-lait de Charlie 148 Résolution 149 - 152 50 SECTION 4 LE DROIT INTERNATIONAL PUBLIC (APERÇU) Chapitre 1 Définition et notion 153 Le droit international public, que l'on appelle aussi le droit des gens, est l'ensemble des règles juridiques qui régissent la communauté internationale. Il règle les relations entre sujets de droit international, soit en pratique les États et les organisations internationales (par exemple : l’Organisation des Nations Unies – ONU, ou l’Organisation mondiale du commerce – OMC). Il régit notamment les compétences territoriales des États, les relations diplomatiques, le droit de la guerre, l’utilisation internationale du domaine public (par exemple : les océans) ou certains types de conflits internationaux (notamment dans le cadre de la Cour internationale de Justice de l’ONU). Il ne faut pas confondre ce droit avec le droit international privé, qui est la 154 branche du droit traitant des conflits de lois relevant du droit privé et qui peuvent surgir sur le territoire de cet État. Le droit international privé s’intéresse en particulier aux questions de savoir quel est le droit applicable (droit suisse, droit américain, etc.) dans un rapport de droit privé lié à plusieurs ordres juridiques et quel est le tribunal compétent pour trancher un litige (tribunaux suisses, américains, etc.). Chapitre 2 Les conventions internationales 155 Les conventions internationales sont une importante source du droit international. Il s'agit de tout accord en la forme écrite conclu entre deux ou plusieurs sujets de droit international destiné à produire certains effets de droit international. Un traité international mérite d’être mentionné à titre d’exemple : la Convention européenne des droits de l’homme. La CEDH revêt un caractère particulièrement important au vu du nombre d’États qui l’ont ratifiée ainsi que des droits fondamentaux qu’elle instaure pour les justiciables. En substance, la CEDH confère le droit à chaque individu, ressortissants ou non des États parties à la Convention, de déposer des plaintes individuelles auprès de la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg (« CourEDH »), s’ils estiment qu’un État partie à la Convention a enfreint un droit fondamental. Ainsi, si l’on résume la situation à l’extrême, la CourEDH a pour tâche de revoir le droit des États parties à la CEDH sous l’angle des libertés fondamentales qu’elle contient. En pratique, le citoyen qui souhaite invoquer une violation de la CEDH devant la CourEDH doit d’abord avoir complètement épuisé les voies de droit interne ; en Suisse, il doit donc avoir recouru jusqu’au Tribunal fédéral. 51 On peut par exemple mentionner la condamnation de la Suisse dans une affaire qui concernait la liberté d’expression (art. 10 CEDH) dans le domaine scientifique. Un chercheur s’était vu interdire de déclarer que les aliments préparés dans des fours à micro-ondes présentaient un danger pour la santé. Selon la CourEDH, la décision des tribunaux suisses ne respectait pas la liberté d’expression du chercheur (arrêt de la CourEDH Hertel contre Suisse, n° 25181/94 du 25 août 1998). Chapitre 3 La relation entre le droit international public et le droit interne En Suisse, le droit international public fait partie du même ordre juridique que le droit interne. Toutefois, il peut arriver qu'une règle de droit international public ne concorde pas avec une règle de droit interne ayant le même objet. Dans ce cas, il faut déterminer laquelle aura l'avantage. La doctrine et la jurisprudence suisse consacrent le principe de la primauté du droit international public. Même si l'art. 190 Cst. ne dit pas si les traités priment la loi, on admet que les traités l'emportent, en principe même sur le droit constitutionnel. 52 TITRE VII LE DROIT PRIVÉ 156 Le droit privé est l’ensemble des règles juridiques régissant les relations entre particuliers. Il comprend notamment le droit de la famille (mariage, divorce, etc.), le droit des personnes physiques et des personnes morales (dont les sociétés commerciales), le droit des successions, les droits réels (propriété, possession, etc.) ou le droit des contrats. SECTION 1 L’AUTONOMIE DE LA VOLONTÉ 157 Les normes du droit privé, notamment du droit des obligations, sont en principe des normes de droit dispositif (ou normes dispositives). C'est-à-dire que ce sont des règles qui peuvent être écartées par l’accord des parties. L'art. 19 al. 2 CO fixe les limites de cette autonomie de la volonté et prévoit que la loi n'exclut les conventions des parties que lorsqu'elle édicte une règle de droit stricte ou lorsqu'une dérogation à son texte serait contraire aux mœurs, à l'ordre public ou aux droits attachés à la personnalité. Comme le montre cette disposition, l'autonomie de la volonté des parties ne saurait être absolue, malgré le caractère libéral de notre droit privé. Il existe des limites qui sont imposées par le droit impératif, c'est-à-dire l'ensemble des règles qui ne peuvent pas être écartées par convention. Les développements qui suivent auront pour objet d’examiner brièvement les diverses branches du droit privé, en particulier celles du droit civil (prévues dans le CC). D’autres branches seront également mentionnées (droit des obligations et droit international privé), avant d’aborder les questions de procédure civile. SECTION 2 LE DROIT DES PERSONNES 158 Cette partie du Code civil (« CC »), prévue aux art. 11 à 89c CC, fixe les conditions auxquelles les personnes physiques et morales peuvent agir dans la vie juridique : commencement et fin de la personnalité, jouissance et exercice des droits civils. Chapitre 1 Le début et la fin de la personnalité 159 La personnalité humaine a pour limite naturelle la naissance et la mort (art. 31 al. 1 CC). La loi assimile au décès la disparition d'une personne dans des circonstances telles que sa mort doit être retenue pour certaines (art. 34 CC). La 53 disparition d’une personne en danger de mort ou dont on n’a pas de nouvelles depuis longtemps peut aboutir à une déclaration d’absence qui aura du point de vue légal les mêmes effets que le décès (art. 35 CC). Cas pratique : le testament de Reymond 160 Résolution 161 Chapitre 2 La jouissance et l'exercice des droits civils 162 La jouissance des droits civils est l'aptitude à être sujet de droits et d'obligations. En ce qui concerne les personnes physiques, tout être humain vivant a la jouissance des droits civils et peut donc être sujet de droits et d’obligations (art. 11 CC). L'exercice des droits civils est l'aptitude d'une personne, par ses propres actes, à acquérir des droits, les modifier, les éteindre et contracter des obligations (art. 12 CC). Pour avoir l'exercice des droits civils, il faut être majeur (avoir 18 ans révolus, art. 14 CC) et capable de discernement (art. 13 CC). Le défaut de majorité entraîne une incapacité restreinte, tandis que l'absence de discernement, une incapacité totale. Le discernement se définit comme la capacité d’agir raisonnablement ; une personne physique n’a pas le discernement lorsqu’elle est privée de cette capacité en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables (art. 16 CC). Celui qui n'a pas de discernement n'a pas de volonté au sens juridique. Ainsi, les actes de l'incapable de discernement sont absolument nuls (art. 18 CC) : l'incapable de discernement ne peut pas conclure de contrat. Lorsqu’une personne majeure n’est plus en mesure d’assurer elle-même la sauvegarde de ses intérêts en raison notamment d’une déficience mentale, d’un trouble psychique ou d’un autre état de faiblesse, une curatelle doit être instituée (art. 390 al. 1 CC) ; il s’agit du droit de la protection de l’adulte. La portée de la curatelle est déterminée par l’autorité. Le curateur peut être nommé uniquement pour certains actes (par exemple : gérer un immeuble) ou, lorsque l’incapacité de discernement est durable, pour tous les domaines (gestion du patrimoine, rapports juridiques avec les tiers, etc.), auquel cas l’on parle de « curatelle de portée générale ». 54 Cas pratique : Charlie et son frère Jean 163 Résolution 164 165 Chapitre 3 Le domicile (aperçu) Le domicile de toute personne est au lieu où elle réside avec l'intention de s'y établir (art. 23 al. 1 CC). En d'autres termes, le domicile suppose : - un élément de fait : la résidence ; - un élément subjectif : la volonté de s'y établir. Les règles relatives au domicile sont dominées par deux principes : - Le principe de la nécessité, qui veut que toute personne ait un domicile au sens de la loi. - Le principe de l'unité, qui exige qu'une personne n'ait, sauf rares exceptions, qu'un seul domicile (art. 23 al. 2 CC). Si quelqu'un réside dans plusieurs lieux alternativement, il faut déterminer celui avec lequel il entretient les relations les plus étroites. Chapitre 4 La protection de la personnalité Le droit de la personnalité comprend deux facettes : - la protection de la personne contre elle-même ; - la protection de la personne contre les atteintes illicites de tiers. §1 La protection de la personne contre elle-même 166 L'art. 27 al. 2 CC dispose que nul ne peut aliéner sa liberté ni s'en interdire l'usage dans une mesure contraire aux lois ou aux mœurs. Personne ne peut donc contracter un engagement excessif. Tout acte contraire à l'art. 27 CC est nul. 55 §2 La protection de la personne contre les tiers 167 L'art. 28 CC dispose que celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe (al. 1). Une atteinte est illicite, à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi (al. 2). Le consentement est un acte juridique unilatéral, révocable en tout temps et 169 qui n’est soumis à aucune forme particulière. La jurisprudence a développé cet aspect surtout dans le domaine médical. Le Tribunal fédéral a ainsi précisé à de nombreuses reprises tous les éléments d’information que le médecin devait fournir au patient pour obtenir son consentement avant une opération (ATF 133 II 121). Il a également posé le principe selon lequel plus l’intervention médicale comporte des risques, plus il faut se montrer exigeant quant à l’information fournie et aux conditions dans lesquelles le consentement a été recueilli (ATF 117 Ib 197). S’agissant de l’intérêt prépondérant (privé ou public), le tribunal devra procéder à une pesée des intérêts entre, d’une part, celui de la victime à ne pas subir l’atteinte en question et, d’autre part, celui dont l’auteur se prévaut pour justifier l’atteinte (par exemple : la liberté d’informer). Enfin, s’agissant de la loi, il peut s’agir du droit fédéral, cantonal, public ou privé. L’art. 296 al. 2 CPC prévoit par exemple que les parties doivent se prêter aux examens nécessaires à l’établissement de la filiation et d’y collaborer. L'art. 28a CC prévoit un certain nombre d'actions à disposition de la victime 170 d'une atteinte illicite à ses intérêts personnels : - L'action en interdiction ou en prévention de l'atteinte, qui vise à interdire une atteinte illicite, si elle est imminente. - L'action en cessation de l’atteinte, qui vise à faire cesser un trouble qui dure encore. - L'action en constatation du caractère illicite de l’atteinte, qui vise à faire constater le caractère illicite de l'atteinte, lorsque le trouble créé subsiste. En pratique, cette action consiste à obtenir la publication du jugement. - L'action en dommages et intérêts ou l’action en réparation du tort moral, qui vise à obtenir une réparation financière en compensation du dommage causé par l'atteinte. En cas d’atteinte causée par des médias à caractère périodique (presse, radio, télévision), la loi prévoit encore le droit de réponse, qui permet à un individu de réagir lorsqu’il est touché dans sa personnalité par la présentation de faits qui le concernent (art. 28g ss CC). 56 Cas pratique : Charlie et la presse (1) 171 Résolution 172 Cas pratique : Charlie et la presse (2) 173 Résolution 174 Chapitre 5 Les personnes morales 175 §1 La notion de personne morale Les personnes physiques ne sont pas les seules à pouvoir être des sujets de droits et d'obligations. Il existe également des buts et des intérêts collectifs recherchés par des groupements d'individus (corporations) qui ont une vie juridique propre. C'est l'objet du titre deuxième du Code civil consacré au droit des personnes morales. Le Code civil contient quelques règles générales aux art. 52 à 58 CC, qui s’appliquent à toutes les personnes morales à titre subsidiaire, y compris les sociétés commerciales (art. 552 ss CO). Les conditions nécessaires pour qu’un groupement de personnes puisse constituer une personne morale varient selon le type de personne morale envisagée. Si l’on s’intéresse en particulier aux sociétés commerciales, les conditions générales sont schématiquement les suivantes (sous réserve des conditions décrites dans les paragraphes suivants) : - un groupement de personnes (sauf exception, par exemple, une société anonyme unipersonnelle) ; - une base contractuelle et - un but commun. 57 Outre ces trois conditions propres à la société, l'entité constituée doit 176 répondre à certaines caractéristiques pour être une personne morale. De manière générale, on peut en retenir trois : - la forme de la constitution (en principe, une inscription au Registre du commerce, « RC ») ; - l'organisation de la personne morale, soit les organes prescrits par la loi ou les statuts ; - le déploiement de l'activité par le biais d’une existence propre, indépendante des personnes qui composent la société : celle-ci est titulaire de droits et d’obligations (elle peut être propriétaire, etc.). Enfin, conformément aux exigences contenues dans la loi, les sociétés doivent se doter d’une raison sociale (ou raison de commerce) qui est le nom commercial, inscrit au Registre du commerce, donnant à l’entreprise sa personnification et son identité. §2 Le statut des personnes morales 177 La personne morale a la pleine jouissance des droits civils et peut donc, à l'instar des personnes physiques, être sujet de droits et d'obligations. Elle n'a évidemment pas la jouissance des droits qui ne peuvent appartenir qu'aux personnes physiques, tels les droits qui découlent du droit de la famille (art. 53 CC). Elle peut cependant être instituée héritière ou légataire. En ce qui concerne l'exercice des droits civils, elle peut, comme une personne physique, acquérir des droits, les modifier, les éteindre et contracter des obligations. Elle ne pourra cependant le faire que par l'intermédiaire de ses organes (art. 54 et 55 CC). La personne morale bénéficie en outre, comme la personne physique, de la protection de la personnalité des art. 27 et 28 CC. Elle a un domicile, qui se trouve au siège de son administration (art. 56 CC) et un nom, que l’on appelle « raison sociale ». Comme pour les personnes physiques, il convient donc de définir le commencement et la fin de la personnalité d’une personne morale : La personnalité s'acquiert en principe par l'inscription obligatoire au Registre du commerce (art. 52 al. 1 CC). C'est cette inscription qui est constitutive de la personnalité, sous réserve des exceptions prévues par la loi, par exemple, concernant les associations sans but économique (art. 60 al. 1 CC). En théorie, les personnes morales peuvent durer indéfiniment à condition qu'elles soient en mesure de s'adapter au changement des circonstances. Dans le 58 cas contraire, les personnes morales prennent fin par la dissolution, qui peut intervenir par décision des membres, par l’effet de la loi ou sur décision du juge. En cas de dissolution de la personne morale, son patrimoine est liquidé et réparti entre les sociétaires si la liquidation fait ressortir un actif net. Dans le cas contraire, il y a faillite selon les règles de la Loi sur la poursuite pour dettes et la faillite afin de répartir le patrimoine entre les créanciers de la personne morale. §3 Les différentes formes sociales de personnes morales 178 On distingue en premier lieu les personnes morales de droit public et les personnes morales de droit privé. Les premières relèvent du droit public. De manière générale, on peut distinguer parmi celles-ci : - les collectivités publiques, telles la Confédération ou les cantons ; - les établissements de droit public (par exemples, les universités ou les hôpitaux). En ce qui concerne les personnes morales de droit privé, le droit impose un « numerus clausus » qui implique que les parties ne peuvent choisir qu'entre les entités prévues par la loi. Les principales structures juridiques prévues par le droit suisse sont les 179 suivantes : - la fondation (art. 80 ss CC) ; - l’association (art. 60 ss CC) ; - l’entreprise individuelle ; - la société simple (art. 530 ss CO) ; - la société en nom collectif (art. 552 ss CO) ; - la société en commandite (art. 594 ss CO) ; - la société anonyme (art. 620 ss CO) ; - la société à responsabilité limitée (art. 772 ss CO) ; - la société en commandite par actions (art. 764 ss CO) ; - la société coopérative (art. 828 ss CO). Avant d’analyser plus en détail ces différentes structures, nous pouvons d’emblée relever que l’entreprise individuelle, la société simple, la société en nom collectif et la société en commandite n'ont pas la personnalité juridique. §4 La fondation 180 La fondation (art. 80 ss CC) peut se définir comme un capital doté de la personnalité juridique, géré par un ou plusieurs organes et affecté à un certain but. 59 La fondation n'a pas d'associés ou de membres ; elle n'a que des organes qui administrent ses biens, ainsi que des bénéficiaires. Pour être valablement constituée, la fondation suppose la réalisation de quatre conditions : - l'existence d'un patrimoine ; - l'affectation de ce patrimoine à un but spécial ; - l'inscription au Registre du commerce ; - enfin, la fondation ne doit pas porter atteinte aux droits des créanciers du fondateur ou à ses héritiers. La fondation est constituée soit du vivant de celui qui a décidé de la créer, par un acte authentique dressé par le notaire, soit par testament. Elle peut être l'œuvre d'une personne physique ou d'une personne morale. La fondation acquiert la personnalité juridique au moment de son inscription au Registre du commerce. La fondation répond donc sur son patrimoine de ses dettes. L'acte de fondation indique les organes de cette dernière et le mode d'administration (art. 83 CC). Cet acte comprend également les statuts de la fondation. Il existe dans ce domaine une certaine liberté. La fondation comportera cependant toujours un organe directeur, que l'on appelle conseil de fondation ou direction. Les membres de l'organe directeur seront inscrits au Registre du commerce, car c'est par leur signature qu'ils engageront la fondation. Sous réserve d’une dispense accordée par l’autorité, la fondation doit être dotée d’un organe de révision qui a pour tâche de vérifier la bonne tenue de la comptabilité (art. 83b al. 2 CC). Enfin, la fondation présente ceci de particulier qu’elle est soumise au contrôle d'une autorité publique de surveillance (art. 84 CC). §5 L'association 182 L'association (art. 60 ss CC) peut être définie comme un groupement de personnes organisé corporativement et poursuivant un but idéal commun. Pour mémoire, sur le plan constitutionnel, l'art. 23 Cst. garantit aux individus, à l'encontre de l'État, la liberté d'association pour autant qu'elle ne comporte aucun élément illicite ou dangereux pour l'ordre public. Sur le plan du 60 droit privé, le Code civil est très libéral en ce qui concerne les prescriptions de l’association, pour autant que celle-ci poursuive effectivement un but idéal. La constitution d’une association suppose le respect des conditions suivantes : - La volonté des membres d'être organisés corporativement, c'est-à-dire de constituer un sujet de droit distinct d'eux-mêmes. Cette volonté doit être exprimée dans les statuts, qui doivent être rédigés par écrit (art. 60 al. 2 CC). - Le but de l'association doit être idéal (art. 60 al. 1 CC). Si pour atteindre son but, l'association déploie une « industrie en la forme commerciale », soit une activité économique, l'art. 61 al. 2 ch. 1 CC lui impose de s'inscrire au Registre du commerce. L'association acquiert la personnalité juridique dès que ses statuts sont adoptés par l'assemblée générale. Elle répond de ses dettes sur son patrimoine (art. 55 al. 2 CC). En ce qui concerne l'organisation de l'association, la loi prévoit au minimum deux organes : - l'assemblée générale, qui doit notamment nommer les membres de la direction et se prononcer sur l’admission de nouveaux membres (art. 64 ss CC) et - la direction (ou « comité »), qui gère les affaires de l’association et la représente (art. 69 al. 1 CC). Les membres de l’association peuvent être tenus de verser des cotisations à condition que les statuts le prévoient (art. 71 CC). Au surplus, ils ne répondent pas des dettes de l’association (sauf disposition contraire des statuts, art. 75a CC). Cas pratique : Charlie et ses amis 186 Résolution 187 61 §6 L’entreprise individuelle 188 L’entreprise individuelle est l’exploitation commerciale ou industrielle de l’indépendant. Le titulaire d’une entreprise individuelle doit s’inscrire au Registre du commerce dès qu’il réalise un chiffre d’affaires annuel de CHF 100'000.- (art. 931 al. 1 CO). La raison de commerce de l’entreprise individuelle doit notamment comprendre le nom de famille du titulaire (art. 945 al. 1 CO). La tenue d’une comptabilité est obligatoire (art. 957 CO). L’entreprise individuelle n’a donc, en elle-même, pas la personnalité juridique : seul son titulaire est un sujet de droit et d’obligations. Dans le cadre d’une entreprise individuelle, tout le patrimoine privé et commercial peut être appelé à couvrir les engagements de l’entrepreneur. Il n’y a pas de limitation de responsabilité, de sorte que l’entrepreneur pourra devoir répondre des dettes de l'entreprise sur sa fortune privée. §7 Les sociétés de personnes 1. La société simple 189 La société simple est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun (art. 530 al. 1 CO). La loi n’exige aucune forme particulière pour la conclusion du contrat de société simple. Néanmoins, certaines conditions doivent être réunies lors de sa constitution : une réunion d’associé, des apports et un but commun. La société simple se rapproche en réalité davantage d’un contrat que d'une société à proprement parler. Une société simple n’a ainsi pas de personnalité juridique ni de raison sociale et ne peut pas être inscrite au Registre du commerce. Ce n’est donc pas la société simple qui répond d’éventuelles dettes, mais directement ses associés. La société simple implique une solidarité entre les associés (art. 544 al. 3 CO), ses membres encourant ainsi (sous réserve de conventions contraires) une responsabilité personnelle, solidaire, directe et illimitée envers les tiers. 62 190 2. La société en nom collectif - 191 La société en nom collectif (« SNC ») est celle que contractent deux ou plusieurs personnes physiques sous une raison sociale et sans restreindre leur responsabilité envers les créanciers de la société, pour faire le commerce, exploiter une fabrique ou exercer en la forme commerciale quelque autre industrie (art. 552 al. 1 CO). La société en nom collectif est une société qui a deux caractéristiques principales. D’une part, elle est une société de personnes, cela implique que la personnalité des associés, leurs liens personnels et leur collaboration à la poursuite du but commun tiennent une place essentielle en particulier dans les relations internes. D’autre part, pour atteindre son but, en général économique, cette société exerce en principe son activité en la forme d’une entreprise commerciale (contrairement à la société simple). La société en nom collectif repose sur un contrat de société, qui n’est soumis à aucune forme particulière. Elle ne peut avoir pour associés que des personnes physiques (art. 552 al. 1 CO), elle est titulaire d’une raison sociale (art. 562 CO), elle doit être inscrite au Registre du commerce (art. 552 al. 2 CO) et tenir une comptabilité (art. 957 al. 1 CO). La société en nom collectif n’étant pas une personne morale, elle n’a pas la personnalité juridique complète. Toutefois, une quasi-personnalité juridique lui est reconnue du fait que la loi lui confère certaines caractéristiques des personnes morales, dont celle de conclure des contrats. La société en nom collectif répond ainsi dans un premier temps de ses dettes sur son patrimoine social. En sus, les associés répondent également des dettes de la société sur tous leurs biens, mais cette responsabilité est subsidiaire (art. 568 al. 3 CO) et non directe ou primaire comme dans la société simple. 192 3. La société en commandite La société en commandite est celle que contracte deux ou plusieurs personnes, sous une raison sociale, pour faire le commerce, exploiter une fabrique ou exercer en la forme commerciale une autre industrie quelconque, lorsque l'un au moins des associés est indéfiniment responsable et qu'un ou plusieurs autres, appelés commanditaires, ne sont tenus qu'à concurrence d'un apport déterminé, dénommé commandite (art. 594 al. 1 CO). La société en commandite est une forme dérivée de la société en nom collectif, plutôt rare en pratique. À l’instar de celle-ci, la société en commandite doit obligatoirement être inscrite au Registre du commerce (art. 594 al. 3 CO), 63 posséder une raison sociale et reposer sur un contrat de société, qui n’est soumis à aucune forme particulière. Comme la société en nom collectif, la société en commandite est titulaire d’une quasi-personnalité juridique, mais n’est pas une personne morale. Elle répond donc de ses dettes sur son patrimoine social dans un premier temps. La société en commandite se distingue de la société en nom collectif essentiellement par le fait qu’elle est composée de deux catégories d’associés : - les associés indéfiniment responsables, qui s’occupent généralement de la gestion, sauf convention contraire (art. 599 CO) ; et - les associés commanditaires, soit les investisseurs, qui ne sont pas gérants et ne peuvent l’être (art. 600 CO). La responsabilité des associés indéfiniment responsables est illimitée (c’est-à-dire qu’elle s’étend également à leur fortune privée), solidaire et subsidiaire. Au contraire, les commanditaires sont des associés investisseurs qui ne sont responsables, de manière subsidiaire, que jusqu'à concurrence de la commandite. La commandite est ainsi une somme à concurrence de laquelle les commanditaires sont tenus des dettes de la société solidairement avec les associés indéfiniment responsables. 4. La société coopérative 193 La société coopérative est celle que forment des personnes ou sociétés commerciales d'un nombre variable, organisées corporativement, et qui poursuit principalement le but de favoriser ou de garantir, par une action commune, des intérêts économiques déterminés de ses membres (art. 828 al. 1 CO). La société coopérative repose sur un acte passé en la forme authentique dans lequel les fondateurs déclarent fonder une société coopérative. Ils établissent les statuts et désignent les organes (art. 830 CO). Ses membres peuvent être des personnes (physiques ou morales) ou des sociétés commerciales (art. 828 al. 1 CO). La constitution d’une société coopérative requiert la participation d’au moins sept membres (art. 831 al. 1 CO). La société coopérative est pourvue de la personnalité juridique, qu’elle acquiert lors de son inscription au Registre du commerce (art. 838 al. 1 CO). Elle répond donc de ses dettes sur son propre patrimoine. Le capital social de cette forme de société est facultatif et variable, il peut donc ne pas être déterminé d'avance (art. 828 al. 2 CO). En principe et sauf 64 disposition contraire dans les statuts, les dettes de la société sont garanties uniquement par l’actif social et non par les sociétaires (art. 868 CO). L’organisation de la société coopérative comprend l’assemblée générale, une administration et un organe de révision (art. 879 ss CO). Sa particularité est que l’assemblée générale peut être formée par un nombre variable de membres (art. 839 al. 1 CO) habilités à y entrer et à la quitter aisément. En définitive, la société coopérative est une société qui poursuit principalement le but de favoriser ou de garantir, par une action commune, un certain nombre d’intérêts économiques déterminés de ses membres sans engagement de leur responsabilité. Elle vise donc un but de nature économique, mais non lucratif ; elle ne cherche pas à réaliser des bénéfices en vue de les distribuer aux membres. §8 Les sociétés de capitaux 1. La société anonyme 194 La société anonyme (« SA ») est une société de capitaux que forment une ou plusieurs personnes ou morales ou par d’autres sociétés commerciales, dont les dettes ne sont garanties que par l'actif social (art. 620 al. 1 CO). Le capital-actions ne peut être inférieur à CHF 100'000.- (art. 621 al. 1 CO). Par opposition aux sociétés de personnes, la société anonyme est une société de capitaux qui ne suppose aucun lien personnel entre les actionnaires et qui peut être fondée par une personne seule (physique ou morale). Elle doit être inscrite au Registre du commerce (art. 640 CO) et dispose d’une raison sociale. La société anonyme doit reposer sur des statuts, qui sont adoptés par l’assemblée générale (art. 698 al. 2 ch. 1 CO ; au stade de la constitution, on parle de « fondateurs » de la société). La société anonyme dispose de la personnalité juridique, qu’elle acquiert par son inscription au Registre du commerce (art. 643 CO). Elle est donc titulaire de droits et obligations distincts de ceux des actionnaires et répond de ses dettes sur son patrimoine. Les dispositions essentielles de l’organisation d’une société anonyme sont prescrites par la loi, qui définit les organes nécessaires, lesquels sont chacun investis, de par la loi, de compétences inaliénables et intransmissibles (en d’autres termes, impératives) : 65 - L’assemblée générale des actionnaires (art. 698 ss CO), qui a notamment pour fonction de nommer les membres du conseil d’administration et d’adopter ou modifier les statuts. - Le conseil d’administration (art. 707 ss CO), qui est responsable de la conduite des affaires sociales. - L’organe de révision (art. 727 ss CO), qui vérifie la comptabilité de la société. Le capital-actions est un montant exprimé en CHF, qui indique l’investissement financier auquel ont souscrit les actionnaires de la société anonyme. Selon l’art. 621 al. 1 CO, le montant minimal du capital-actions est de CHF 100'000.-. Le capital-actions est divisé en actions dont la valeur nominale doit être supérieure à zéro (art. 622 al. 4 CO). Il faut distinguer l'action nominative, sur laquelle figure le nom de l’actionnaire, et l'action au porteur, plus rare en pratique, qui est réservée aux sociétés dont les actions sont émises sous forme de titres intermédiés ou aux sociétés dont une partie au moins des titres de participation est cotée en bourse. Les actionnaires ne répondent pas personnellement des dettes sociales de la société anonyme. La loi limite leurs obligations à la libération de la part sociale qu'ils ont souscrite (art. 620 al. 2 CO et art. 680 al. 1 CO), c’est-à-dire au paiement des actions qu’ils se sont engagés à acquérir. Le patrimoine de la société est donc en principe indépendant de celui des actionnaires ; en cas de faillite, les actionnaires ne perdent que le montant du capital-actions. 2. La société à responsabilité limitée 195 La société à responsabilité limitée (« Sàrl ») est une société de capitaux à caractère personnel que forment une ou plusieurs personnes ou sociétés commerciales, dont le capital social est fixé dans les statuts et dont les dettes ne sont garanties que par l’actif social (art. 772 CO). Cette société occupe une place intermédiaire entre la société en nom collectif et la société anonyme. Comme la société anonyme, son capital est fixe, ses dettes ne sont garanties que par l’actif social (art. 772 al. 1 CO) et elle peut être unipersonnelle (art. 772 al. 1 CO). En revanche, comme les sociétés de personnes, elle accorde une importance aux liens personnels entre associés. La société à responsabilité limitée peut être formée par une ou plusieurs personnes (physiques ou morales) ou des sociétés commerciales (art. 772 al. 1 CO). À la différence de la société anonyme, tous les associés de la société doivent 66 être inscrits au Registre du commerce, qui est accessible au public (art. 791 CO, art. 73 al. 1 lit. i ORC). Comme la société anonyme, la société à responsabilité limitée est régie par la loi et par les statuts sur lesquels elle repose. Elle dispose d’une raison sociale et doit être inscrite au Registre du commerce (art. 778 CO). La société à responsabilité limitée dispose de la personnalité juridique, qu’elle acquiert par son inscription au Registre du commerce (art. 779 al. 1 CO). Son patrimoine est donc distinct de celui des associés et elle répond de ses dettes sur ce patrimoine. La société à responsabilité limitée a un capital social, fixé dans ses statuts et inscrit au registre du commerce, dont les parts sociales ont une valeur nominale supérieure à zéro, qui doit se monter à CHF 20'000.- minimum (art. 772 al. 1, 773 al. 1 et 774 CO ; art. 73 al. 1 lit. h ORC). Les dettes de la société ne sont garanties que par l’actif social (art. 794 CO), à l’exclusion du patrimoine des associés (sauf, de manière limitée, si les statuts prévoient des versements supplémentaires). L’élément caractéristique de la nature hybride de la société à responsabilité limitée, soit une société de capitaux à caractère personnel, est constitué par la possibilité de prévoir dans les statuts des versements supplémentaires et des prestations accessoires des associés (art. 772 al. 2 CO), qui ne sont pas typiques des sociétés de type capitaliste comme la société anonyme. Cas pratique : Charlie et l’entrepreneuriat 196 Résolution 197 3. La société en commandite par actions (pour mémoire) 198 La société en commandite par actions est une société dont le capital est divisé en actions et dans laquelle un ou plusieurs associés sont tenus sur tous leurs biens et solidairement des dettes sociales, au même titre qu'un associé en nom collectif (art. 764 al. 1 CO). La société en commandite par actions, très rare en pratique, est une combinaison de la société en commandite et de la société anonyme. Sauf dispositions contraires, ce sont les règles de la société anonyme qui lui sont applicables (art. 764 al. 2 CO). 67 La société en commandite par actions est une société dont le capital est divisé en actions et qui est formée de deux groupes de sociétaires, à savoir les associés indéfiniment responsables (associés administrateurs), qui ont une position similaire à celle des d’associés indéfiniment responsables de la société en commandite, et les simples actionnaires dont la position est celle des actionnaires d’une société anonyme. Les associés administrateurs sont tenus indéfiniment, solidairement et subsidiairement responsables des dettes de la société (art. 764 al. 1 CO), et les autres actionnaires n’ont pas d’autres engagements personnels que de libérer le montant des actions qu’ils ont souscrites. La société en commandite par actions est dotée de la personnalité juridique, qu’elle acquiert lors de son inscription au Registre du commerce. Elle repose sur des statuts et doit avoir une raison sociale. à Schéma récapitulatif des différentes formes de sociétés prévues par le droit 199 suisse : cf. slides du cours. Cas pratique : Charlie et Manon 200 Résolution 201 - 202 68 SECTION 3 LE DROIT DE LA FAMILLE 203 Le droit de la famille est traité aux art. 90 à 456 CC. Dans le cadre de ce cours, nous nous contenterons d’étudier certains aspects seulement du droit de la famille, soit le droit du mariage et du divorce, puisqu’ils peuvent avoir un impact important sur le patrimoine de l’entrepreneur. Chapitre 1 Le mariage §1 Notion et conditions 204 Le mariage est l'union de deux personnes physiques célébré selon les formes prévues par la loi (ce qui le distingue de l’union libre). Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur le Mariage pour tous, le 1er juillet 2022, le mariage ne pouvait être célébré qu’entre personnes de sexe différent. Les personnes de même sexe pouvaient toutefois célébrer leur union au moyen d’un partenariat enregistré selon la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe (LPart). Le mariage se rapproche du contrat en ce sens qu'il suppose l'accord de deux volontés, mais il s'en éloigne, en ce sens que la loi attache au mariage des droits et des obligations auxquels les époux ne peuvent pas déroger, même par consentement mutuel. Depuis le 1er juillet 2022, il n’est plus possible de conclure de nouveaux partenariats enregistrés. Les couples ayant conclu un tel partenariat ont la possibilité de le maintenir ou de le convertir en mariage au moyen d’une déclaration conjointe à l’officier de l’état civil. La LPart reste en vigueur, mais règle uniquement les effets, la dissolution et la conversion en mariage du partenariat enregistré. Les conditions du mariage sont les suivantes : 205 Afin de prévenir les mariages irréfléchis, le droit suisse a fixé la majorité matrimoniale à 18 ans révolus, soit l'âge de la majorité. Le mariage suppose également la capacité de discernement (art. 94 CC). Il faut également qu’il n’existe aucune cause d’empêchement de mariage, soit un lien de parenté trop proche (art. 95 CC) ou un mariage antérieur (art. 96 CC), respectivement un partenariat enregistré, non dissous ou annulé. Sur le plan formel, la célébration du mariage suppose le respect d’une procédure devant l’office de l’état civil (art. 97 à 103 CC). 69 §2 Les effets du mariage 1. En général 206 La célébration du mariage crée l'union conjugale (art. 159 al. 1 CC), qui a les conséquences principales suivantes (art. 159 ss CC) : - Le nom. En principe, chacun des époux conserve son nom et les fiancés doivent choisir, au moment du mariage, lequel de leurs deux noms de célibataire porteront leurs enfants (art. 160 CC). Ils peuvent aussi choisir de porter un nom commun (soit le nom de célibataire de l’un des époux), auquel cas leurs enfants porteront également ce nom. - Une obligation d’entretien, de fidélité et d’assistance (art. 159 al. 3 CC). - Le domicile et le logement. Les époux choisissent ensemble la demeure commune (art. 162 CC). - La représentation de l’union conjugale pour les besoins courants (art. 166 CC). Pour les besoins courants (par exemple : achats de provisions de ménage, etc.), chaque époux représente l'union conjugale sans autre et oblige solidairement son conjoint. Pour les besoins qui sortent de l'ordinaire, un époux ne représente en principe valablement l'union conjugale que lorsqu'il y a été autorisé par son conjoint. - La protection de l’union conjugale. Lorsque les conjoints sont en désaccord sur une affaire importante, ou que l'un d'eux ne remplit pas ses devoirs de famille, le juge peut être saisi et ordonner des mesures protectrices (art. 172 CC ; par exemple : fixer une contribution d’entretien avant divorce, régler le sort des enfants mineurs, etc.). 2. Les régimes matrimoniaux 207 L’union conjugale a pour effet, sur le plan patrimonial, de regrouper les biens respectifs des époux. Il s'agit de définir le statut des biens, tant en ce qui concerne ceux que les époux possédaient au moment de leur mariage, que ceux qu'ils acquièrent durant leur mariage. Le Code civil organise de façon précise les régimes matrimoniaux, c'est-à- dire les rapports économiques et financiers qui découlent du mariage. A cet égard, les époux ne jouissent pas de la liberté contractuelle. Ils doivent s'en tenir à l'un des trois régimes matrimoniaux prévus par le Code civil, soit le régime de la participation aux acquêts, celui de la communauté des biens ou encore celui de la 70