DROIT PUBLIC - PARTIEL (PDF)
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Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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Ce document est un plan de cours complet sur le droit public, couvrant les aspects constitutionnels, institutionnels, administratifs et européens. Il détaille les différents chapitres et leurs contenus.
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DROIT PUBLIC - PARTIEL PLAN Introduction : 1. Intérêt du cours de droit public au regard de la gestion privée 2. Différences de buts et de moyens entre les secteurs public et privé 3. Caractère évolutif de la sphère publique, part variable selon les Etats de la sphère publ...
DROIT PUBLIC - PARTIEL PLAN Introduction : 1. Intérêt du cours de droit public au regard de la gestion privée 2. Différences de buts et de moyens entre les secteurs public et privé 3. Caractère évolutif de la sphère publique, part variable selon les Etats de la sphère publique au regard de la sphère privée 1ère partie : La Constitution et les institutions de la Vème République Chapitre 1 : la Constitution 1. Définitions 2. La Constitution : une norme juridique supérieure 3. Constitution et traités internationaux 4. Elaboration et révision de la Constitution 5. Contenu institutionnel de la Constitution 6. Droits des citoyens inclus dans la Constitution 7. Protection des droits constitutionnels des citoyens Chapitre 2 : le Président de la République 1. Représentant du peuple 2. Arbitre et garant 3. Chef d’une dyarchie hiérarchisée 4. Premier responsable national Chapitre 3 : le Gouvernement et le Premier ministre 1. La structure gouvernementale 2. Les attributions Chapitre 4 : le Parlement 1. Vote de la loi 2. Contrôle du Gouvernement 2ème partie : Droit administratif et gestion publique Sources du droit administratif Chapitre 1 : La gestion de l’Etat 1. L’administration centrale de l’Etat 2. Les autorités administratives indépendantes (AAI) 3. Administration territoriale de l’Etat : administration déconcentrée 4. Les services départementaux de l’Etat Chapitre 2 : Les autres personnes publiques 1. Les collectivités territoriales 2. Les établissements publics - décentralisation sectorielle Chapitre 3 : Les missions de l’administration - les services publics 1. Principes fondamentaux 2. Services publics et droit communautaire (de l’UE) 3. Les modes de gestion des services publics Chapitre 4 : Les actes de l’administration 1. Les actes unilatéraux 2. Les contrats administratifs Chapitre 5 : La responsabilité de l’administration 1. L’abandon de l’irresponsabilité 2. Conditions de l’engagement de la responsabilité des personnes publique 3. La responsabilité pour faute 4. La responsabilité sans faute 5. Responsabilité des agents pour faute professionnelle 6. Responsabilité du fait de la loi Chapitre 6 : Le contrôle de l’administration 1. Les contrôles non juridictionnels 2. Les contrôles juridictionnels 3ème partie : introduction au droit et aux institutions de l’Union européenne : Chapitre 1 : L’histoire de la Construction des institutions européennes 1. De la déclaration Schuman du 9 mai 1950 et la Communauté Européenne du charbon et de l’acier établie en 1951 au marché commun 2. Les premiers élargissements et les approfondissements induits par l’acte unique de 1985 et le traité de Maastricht 3. De l’après Maastricht au traité de Lisbonne Chapitre 2 : Le Conseil Européen 1. La composition 2. Les fonctions et l’organisation des travaux du Conseil européen Chapitre 3 : Le Conseil des Ministres 1. La composition et les formations du Conseil 2. Le rôle et le fonctionnement du Conseil 3. Les modalités de prise de décision du Conseil 4. L’organisation de la politique étrangère et de sécurité commune. La coopération renforcée Chapitre 4 : La Commission Européenne 1. La désignation et la composition de la Commission européenne 2. Le fonctionnement et l’organisation de la Commission 3. Les missions de la Commission Chapitre. 5 : Le Parlement Européen 1. Le nombre de membres et le fonctionnement du Parlement européen 2. Les fonctions délibératives du Parlement européen 3. Les fonctions de contrôle du Parlement européen 4. Les relations entre le Parlement européen et les parlements nationaux Chapitre 6 : La Cours de Justice de l’UE, Le tribunal et la Cour des Comptes 1. La composition et le fonctionnement de la Cour de justice et du Tribunal 2. La Cour des Comptes Chapitre 7 : Les Comités 1. Le Comité économique et social , le dialogue social européen 2. Le Comité des régions INTRODUCTION AU DROIT PUBLIC 1. Intérêt du cours de droit public au regard de la gestion privée De l’intérêt de connaître des éléments de la gestion publique, du droit public et administratif même quand on se destine à la gestion privée : vous serez souvent en relation avec des administrations et donc avec le droit administratif ou vous devrez appliquer des lois ou des décisions administratives : les exemples sont nombreux : - Le droit de la commande publique et des marchés publics intéresse toutes les entreprises petites ou grandes-de travaux publics notamment mais pas seulement (consultants, fournisseurs des administrations, partenaires d’un partenariat public- privé…) ; il est rare qu’une entreprise n’ait aucun contrat avec l’Etat, des établissements publics ou des collectivités territoriales. Pour la France la proportion des marchés publics est de l’ordre de 15% du PIB en légère baisse sous l’effet des crises économiques enregistrées depuis 2008 - Les professionnels et les particuliers doivent connaître les régimes de délivrance des autorisations administratives: autorisation de licenciement de personnels protégés par l’inspection du travail, permis de construire ou autorisation de travaux, exercice du droit de préemption d’un bien immobilier mis en vente par une commune , autorisation d’occuper le domaine public, autorisation pour une installation classée pour la protection de l’environnement…. ; ils peuvent être confrontés à des litiges dans la délivrance de ces autorisations et avoir à faire valoir leurs droits présumés devant l’administration( recours gracieux devant le fonctionnaire qui a refusé l’autorisation sollicitée, recours administratif devant le supérieur hiérarchique de ce fonctionnaire) voire devant le juge administratif (recours contentieux). - De nombreuses activités et professions – par exemple les experts-comptables, les avocats, les commissaires aux comptes, de nombreuses professions médicales et para -médicales, des professions artisanales, chauffeurs de taxis -sont réglementées et leur exercice est assujetti à des autorisations administratives parfois déléguées à des ordres professionnels( organismes privés chargés d’un service public) ou aux chambres de commerce ou de métiers(établissements publics administratifs)ou accordées par des autorités administratives indépendantes ( ex ARCEP pour le secteur de la Poste et des télécommunications ,CSA pour les entreprises audiovisuelles, AMF pour les intermédiaires financiers, autorité de la concurrence- autorise ou refuse des fusions d’entreprises….). - Les entreprises sont assujetties aux impôts et taxes et à des redevances ( en échange de services rendus) dont le produit est réparti entre l’Etat, les collectivités territoriales et d’autres collectivités publiques, peuvent soumettre à l’administration fiscale des demandes de crédit d’impôts( crédit impôt-recherche) ; parfois elles peuvent bénéficier de redevances pour service rendu lorsqu’elles sont elles-mêmes délégataires de service public (distribution et traitement de l’eau, péage autoroutier). Dans un autre ordre d’idée, des entreprises (les syndicats professionnels) s’insurgent contre la lenteur de l’action administrative, les groupes d’intérêt font pression pour la prise en compte de leurs problèmes, les médias critiquent l’inefficacité supposée des administrations, du Gouvernement et du Parlement, le poids des impôts…. La simplification des procédures (le « choc de simplification » évoqué par le président Hollande) figure en haut de la liste des préoccupations des entreprises et des citoyens si bien que le thème de la réforme de l’Etat et des collectivités territoriales est constant autant à droite qu’à gauche. Par ailleurs le droit administratif n’est pas seulement appliqué par l’administration y compris dans ses relations avec le secteur privé mais aussi par des personnes de droit privé qui peuvent prendre des décisions administratives (décisions exécutoires) relevant du droit administratif selon la nature de leurs activités (ex : les ordres professionnels des médecins ou des pharmaciens lorsqu’ils édictent des règlements relatifs à leurs membres ou lorsqu’ils inscrivent ou refusent d’inscrire des professionnels à leurs tableaux, les associations sportives, qui disposent d’une délégation de service public, adoptent des règlements sportifs ou sanctionnent des sportifs qui violent ces règlements …). A l’inverse, certains services publics appliquent des règles issues du droit privé (droit commercial, droit du travail etc..) : c’est le cas des services publics industriels et commerciaux (les SPIC comme France télévision, la RATP, la SNCF). Un arrêt « fondateur » dit du bac d’Eloka du tribunal des conflits (juge des conflits de compétence entre les juridictions administratives-Conseil d’Etat, cours administratives d’appel et tribunaux administratifs- et les juridictions judiciaires-Cour de cassation, cours d’appels et tribunaux de grande instance) de 1921 « société commerciale de l’ouest africain » : la colonie de la Côte d’Ivoire exploite un bac moyennant rémunération. Le tribunal des conflits estime que ce service de transport public par une entité publique est exploité « dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire ». Donc les règles du droit de la responsabilité en cas d’accident vis-à-vis des usagers (le bac avait coulé) issues du droit privé( du code civil) doivent s’appliquer , sous le contrôle du juge judiciaire et non pas du juge administratif , et non celles issues du droit administratif dont on verra qu’elles sont « spéciales » ; en effet, selon l’arrêt Blanco- également fondateur -du tribunal des conflits de 1873 , « la responsabilité qui peut incomber à l’Etat pour les dommages causés aux particuliers ne peut être régie par les principes du code civil ; cette responsabilité n’est ni générale ni absolue et a ses règles spéciales qui varient selon les besoins des services et la nécessité de concilier les droits de l’Etat avec les droits privés ». 2. Différences de buts et de moyens entre les secteurs public et privé L’administration recouvre l’Etat, les établissements publics, les collectivités territoriales ainsi que certains organismes privés chargés d’un service public mais certains services publics « exploités dans les mêmes conditions que les industries ordinaires » (bac d’Eloka) ne sont pas des « administrations » au sens du droit administratif mais des entreprises et relèvent donc du droit applicable à la sphère privée pour l’essentiel. Le libre jeu des initiatives privées permet de pourvoir à de nombreux besoins. Cependant d’autres besoins parmi les plus essentiels ne peuvent recevoir satisfaction par cette voie : - Soit qu’ils excèdent par leur ampleur les possibilités de n’importe quel particulier ou quelle entreprise, par exemple, la défense nationale, la justice, la sécurité intérieure, la diplomatie, la politique monétaire (avant la création de l’euro qui traduit une délégation de souveraineté à la banque centrale européenne) On parle des « missions régaliennes » de l’Etat ou de l’administration. - Soit que leur satisfaction exclut tout profit et que donc les personnes privées s’en détournent faute de rentabilité. Par exemple, hygiène et vaccinations, aide sociale, enseignement public gratuit- même s’il existe des universités et écoles privées- hospitalisation publique -même s’il existe des cliniques privées spécialisées dans les soins plus rentables. L’administration est le domaine de « l’intérêt public » ; le moteur de l’action administrative est la poursuite de « l’intérêt général », mais des associations privées peuvent aussi être « reconnues d’intérêt général » (fondations, associations d’intérêt public…) ; il n’y a pas de recherche du profit comme dans la sphère des entreprises privées même si le souci de l’efficacité est de plus en plus mis en avant dans le cadre de la réforme de l’Etat et de la fonction publique, de la révision générale des politiques publiques(RGPP sous Sarkozy), devenue la « modernisation de l’action publique »-MAP- sous Hollande, puis la « transformation publique » sous Macron), de la programmation des finances publiques. Le but de l’action publique est la recherche de l’intérêt général, ce qui n’exclut pas la recherche d’une gestion attentive compte -tenu de la rareté des deniers publics et de la responsabilité vis-à-vis des citoyens et des contribuables également électeurs. 3. Caractère évolutif de la sphère publique, part variable selon les Etats de la sphère publique au regard de la sphère privée Ainsi en France certaines interventions publiques ont été privatisées : on a observé des flux et reflux du secteur public entre les nationalisations de 1945 et de 1981 et les privatisations constatées depuis la mi-1980 jusqu’à aujourd’hui : par exemple en 2019, Aéroport de Paris qui fait l’objet d’une demande de référendum d’initiative partagée (RIP) en application de l’article 11 de la Constitution laquelle n’a pas rassemblé un nombre d’électeurs suffisant, devait être privatisé en vertu d’une loi mais l’opération a été reportée, la Française des jeux a été privatisée. Des collectivités territoriales (par exemple la ville de Paris), s’agissant de certains services publics par exemple celui du traitement et de la distribution de l’eau, reprennent en régie un service qui avait été délégué ou concédé à des entreprises privées ; d’autres font le mouvement inverse. La crise financière et économique apparue en 2008 a amené d’ailleurs l’Etat- dans la plupart des pays occidentaux y compris les plus libéraux- à prendre des participations temporaires dans des entreprises privées (too big to fail), sans d’ailleurs que l’on puisse en déduire une extension des services publics dès lors que la gestion de ces entreprises est évidemment restée privée et que ces participations ont été revendues au secteur privé dès la fin de la crise. La délimitation de ce qui entre dans la sphère publique varie avec les époques, les types de société. S’est opérée une transition de l’Etat libéral au 19ème siècle (laisser faire, laisser passer) à l’Etat providence de l’après guerre puis depuis les années quatre-vingt-dix à un Etat soucieux ou contraint de réduire son emprise sur l’économie par le recours aux privatisations et aux externalisations sous l’effet notamment du principe de libre-concurrence et des dispositifs anti-monopoles publics développés par le droit de l’Union européenne (la concurrence entre les entreprises de réseaux- énergie- électricité et gaz-, transports ferrés, téléphonie…- a mis fin aux monopoles d’EDF, de GDF,de la SNCF,de France télécom). C’est un mouvement qui a pu être observé dans la plupart des pays occidentaux avec des variantes plus ou moins libérales, plus ou moins interventionnistes, la France figurant parmi les pays occidentaux où la part de la sphère publique dans le PIB et l’emploi est la plus élevée. S’agissant de la fonction publique selon le livre blanc sur l’avenir de la fonction publique–avril 2008- citant des chiffres issus du rapport annuel sur l’état de la fonction publique réalisé par le ministère du budget et de la fonction publique , en 2005, il y avait 2543000 agents de l’Etat (2,385 millions en 2013), 1613000 agents des collectivités territoriales(1,88 millions en 2013) et 965000 agents de la fonction publique hospitalière(1,15 millions en 2013), soit un total de 5122000 agents (5,42 millions en 2013) à rapprocher de la population active de 24870000, soit 21% à comparer au taux de 19% constaté en 1984.Ainsi le nombre d’agents de la fonction publique a augmenté plus vite que celui de l’emploi total, soit + 24% sur la période 1984-2005 contre +16,5 pour l’emploi total. La fonction publique de l’Etat a cru de 12% sur cette période- ce qui est une croissance forte compte- tenu des transferts d’agents et de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales dans le contexte de la décentralisation-, contre +50% pour la fonction publique territoriale et +30% pour la fonction publique hospitalière.Toutefois depuis 2004 les effectifs de la fonction publique de l’Etat sont en diminution- au moins jusqu’en 2012- tandis que les 2 autres fonctions publiques continuent à croître. En termes de niveau de la masse salariale publique /PIB : la France est au premier rang des pays du G7 avec 13,1%, chiffre relativement constant, puis l’Italie, puis Canada et R-U( baisse du nombre de fonctionnaires surtout sensible jusqu’au début des années 2000- 2ème mandat Blair-), E-U, puis Allemagne et Japon. En revanche les dépenses de fonctionnement des administrations publiques (masse salariale et autres dépenses de fonctionnement hors crédits d’intervention ou d’investissement) sont plus élevées au R-U (21,5%) et au Canada( 19%) qu’en France( 18%) car le choix de l’externalisation peut s’avérer coûteux. Dans la sphère privée, les relations entre les particuliers sont fondées sur le principe de l’égalité juridique ; ainsi le contrat privé est en principe l’accord des volontés entre les parties même si certaines parties sont objectivement plus faibles que d’autres (salarié versus son employeur, locataire versus son propriétaire, sous-traitant vis-à-vis d’une grande entreprise donneuse d’ordre…). En revanche, l’administration qui doit satisfaire l’intérêt général bénéficie de prérogatives de puissance publique ou de privilèges car il faut faire prévaloir l’intérêt général sur les intérêts particuliers (aussi honorables soient-ils). La liste des mesures que peut prendre l’administration dans le cadre des prérogatives de puissance publique est variée : Quelques exemples de prérogatives : - L’expropriation dans le cas où l’administration a absolument besoin d’un terrain que refuse de vendre à l’amiable un particulier si ce terrain est indispensable pour construire une route utile pour toute la communauté (mais si le propriétaire accepte de vendre son terrain à un prix qui convient à l’administration alors le vendeur privé et l’acheteur public concluront un contrat de vente régi par le code civil) ; - privilège de la décision exécutoire : le droit pour l’administration de prendre unilatéralement une décision qui s’impose aux particuliers(un impôt, une taxe, une amende pour non paiement d’un impôt ou de cotisations sociales, un retrait de permis de conduire, une décision qui retire des droits…ou au contraire une décision qui accorde un droit par exemple un permis de construire, une subvention..,) ;mais le recours à des procédés autoritaires, exécutoires et unilatéraux –d’ailleurs entourés de garanties pour les intéressés- n’est pas toujours nécessaire quand la recherche de l’intérêt général rencontre celle d’intérêts particuliers :alors l’administration conclut des contrats administratifs avec des particuliers ou des entreprises ; - Même dans le cas des contrats administratifs, l’administration bénéficie de prérogatives de puissance publique par rapport à son cocontractant ( pénalités de retard imposées unilatéralement à un fournisseur ou une entreprise de travaux publics, modifications unilatérales du contrat, résiliation pour un motif d’intérêt général même sans faute du cocontractant..) ; - Procédure d’alignement au long des voies publiques- prérogative ancienne qui remonte au moyen âge bien avant l’invention du permis de construire et qui est à l’origine du droit de l’urbanisme- ; - réquisition de propriétés privées (par exemple en économie de guerre ou en cas d’urgence), réquisition d’agents publics par exemple lors de la crise sanitaire du coronavirus en 2020 ou en cas de grève de manière à préserver la continuité du service public( les employeurs privés ne disposent pas de ce privilège -utilisé dans les services d’urgence des hôpitaux par exemple- mais le droit de grève dans l’administration est encadré de manière spécifique –prohibition pour les agents des services publics de la grève perlée ou tournante par la loi de 1963 intervenue après l’échec de réquisitions de grévistes, exigence d’un préavis individuel de 48H dans les transports publics terrestres par une loi de 2008 et dans l’enseignement public primaire par une loi de 2010 -et est parfois interdit -cas des militaires, des policiers ou des gardiens de prison -) ; - pouvoir de sanction administrative sans passer par le juge pénal( retrait de point de permis de conduire pour infractions au code de la route, sanctions disciplinaires des fonctionnaires, retrait d’autorisation d’exercer par exemple pour certaines professions réglementées, sanctions d’autorités administratives indépendantes telles l’autorité des marchés financiers, le conseil supérieur de l’audiovisuel- évidemment encadrées par la Constitution et la loi -qui accordent certaines garanties de procédure et le droit de contester ces sanctions notamment devant le juge -comme l’a illustré par exemple le débat sur les pouvoirs de l’autorité HADOPI chargée de protéger les droits d’auteur sur Internet-), - Pouvoir d’édicter des impôts autorisés par la loi ; - Imprescriptibilité du domaine public- si un particulier s’y installe, il n’en obtiendra jamais la propriété grâce à la prescription comme le prévoit le droit privé- ; - Protection du domaine public contre les dégradations des particuliers par les contraventions de voirie que constate et impose l’administration elle-même ; - Inaliénabilité du domaine public sauf déclassement à la différence du propriétaire privé qui a toujours le droit de vendre son bien. Ce dernier exemple montre que les prérogatives de puissance publique constituent aussi une contrainte pour l’administration qui n’est pas libre de faire ce qu’elle veut avec son patrimoine qui en fait appartient à l’ensemble des citoyens. La contrepartie aux prérogatives de puissance publique est la soumission de l’administration au droit : c’est le principe de la légalité (ce qui n’a pas toujours été le cas , si on remonte aux régimes autoritaires que la France a connus au 19ème siècle ou alors sous l’ancien régime). Tous les pays ne disposent pas, comme en France, d’un droit administratif spécial ; ainsi au Royaume- Uni, l’administration agit souvent selon des règles du droit commun (common law) ; les contrats sont les mêmes que ceux des particuliers, sa responsabilité en cas de dommage est engagée comme celle des particuliers. Mais même au Royaume-Uni, des textes dérogent à la common law au profit de l’administration, par exemple dans les relations de l’administration avec le « civil service » ( hauts fonctionnaires). Le droit administratif en France est, au contraire, autonome ; ainsi le contentieux est jugé par des juges spéciaux, les juges administratifs, et non pas les juges du droit commun, les juges judiciaires. Origine historique de cette dichotomie : méfiance des révolutionnaires français à l’encontre des anciens parlements en révolte endémique contre le pouvoir du roi, c’est-à-dire le pouvoir de l’Etat et de l’administration royale afin de préserver les intérêts de la noblesse de robe. D’où la loi du 16-24 août 1790 dont l’article 10 dispose que le juge judiciaire ne peut troubler de quelque manière que ce soit les opérations des corps administratifs « à peine de forfaiture ». Le consulat crée des juridictions spéciales (Conseil d’Etat et conseils de préfectures) qui vont progressivement élaborer un droit spécial, le droit administratif. Aujourd’hui, on observe au contraire une certaine tendance au rapprochement des jurisprudences, par exemple en matière de fonction publique au regard du code du travail (rémunération des agents en décharge syndicale, salaire minimum, interdiction du licenciement d’une contractuelle enceinte). 1ère PARTIE: La Constitution et les institutions de la Vème République Chapitre 1 : la Constitution 1. Définitions Constitution : Acte de souveraineté décidé par le souverain c’est-à-dire, dans un régime démocratique, par le peuple ou ses représentants. C'est, au sein d'un État démocratique, la règle qu'un peuple se donne à lui- même : article 2 de la Constitution de 1958 : « Son principe (de la République) est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. ». Etat : Un territoire, lequel est délimité par des frontières terrestres, maritimes (mer territoriale + zone économique exclusive dans laquelle l’exploitation des ressources relève de la souveraineté de l’Etat côtier, espace aérien ; Une population : formation d’une Nation par la population. On dit qu’une population forme une Nation lorsque ce qui la rapproche et l’unit est plus fort que ce qui la sépare : ces caractères communs peuvent être raciaux- aujourd’hui, on dirait plutôt ethniques-, linguistiques, religieux (mais ce dernier facteur est écarté dans le cas d’un Etat laïc comme l’est la France depuis la loi de séparation entre l’Etat et les églises de 1905) … Volonté de vivre ensemble. La population partage la même nationalité. Mais des étrangers vivent aussi sur le territoire national, disposent de protections sans avoir tous les droits des nationaux, par exemple le droit de vote. Mais dans certains Etats, des étrangers peuvent avoir le droit de voter aux élections locales (c’est le cas en France, comme dans tous les Etats membres de l’UE, pour les étrangers nationaux d’autres Etats de l’UE). Le principe des nationalités né au 19ème siècle (l’un des principes du président Wilson à la fin de la première guerre mondiale) affirme l’identification de la nation et de l’Etat. A chaque nation son Etat, ce qui a abouti en Europe à la disparition en 1918 d’un empire multinational, l‘empire d’Autriche- Hongrie. Dans la charte des Nations-Unies de 1945, est mis en exergue le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ( décolonisation).Aujourd’hui en Europe des Ecossais ou des Catalans revendiquent ce droit pour constituer un Etat indépendant( cf Québec /Canada).C’est ce que demandent les kurdes ou les palestiniens au Moyen-Orient. Il existe diverses conceptions de la Nation : - conception allemande développée au 19 ème siècle met en avant la langue, la religion, la culture, la géographie et aussi la race ou l’ethnie. Les cas de la Belgique ou du Canada indiquent que l’absence d’une langue unique peut affecter la cohésion d’un Etat. En revanche la Suisse est un contre-exemple dont la cohésion n’est pas mise en cause par l’existence de 3 ou 4 langues reconnues. Mais la nation arabe n’existe pas en ce sens que la communauté linguistique et religieuse ne s’est pas accompagnée de la constitution d’un Etat unique en dépit des tentatives des nationalistes arabes ( Nasser…). - conception française : la formation d’une Nation repose sur la volonté d’une population de vivre ensemble : une histoire commune qui a forgé une identité nationale cf Ernest Renan ( « Qu’est-ce qu’une nation ? 1882) : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis ». D’où aujourd’hui l’insistance mise sur le « récit national », par exemple, lors des élections présidentielles en France (2017) s’agissant notamment des programmes scolaires ou de la défense du patrimoine. Etat et Nation ; le schéma classique est celui d’une population homogène qui forme une nation au sein d’un Etat mais il existe des Etats au sein desquels plusieurs groupes à forte identité partagent un territoire et se sont disloqués ou ont connu des guerres civiles entre ethnies ou communautés (ex Yougoslavie, Chypre, Rwanda…). Dans certains Etats d’Europe de l’est, des minorités nationales se voient reconnaître un statut disposant de droits particuliers (linguistiques et culturels, quotas de sièges au Parlement, statut spécial d’autonomie…). En revanche en France, le Conseil constitutionnel a considéré contraire à la Constitution la reconnaissance de l’existence d’un « peuple corse, composante du peuple français », en se fondant sur l’indivisibilité de la République (280DC 9 mai 1991). Au contraire, certains Etats mettent en avant leur « multiculturalisme » (Canada) tandis que d’autres (France) se méfient du « communautarisme », source de divisions et de séparatisme. Une autorité étatique : L’Etat est une personne morale sur le plan juridique. Continuité de l’Etat à distinguer des gouvernements qui changent. Ainsi un gouvernement est engagé par les accords internationaux signés par un gouvernement précédent qui engage l’Etat tant que le nouveau gouvernement n’a pas dénoncé l’accord en cause ( ex Trump s’agissant de l’accord de Paris sur le climat, dénonciation assortie d’ailleurs d’un préavis prévu par cet accord). Principe de souveraineté : l’Etat n’est soumis à aucune autorité supérieure. L’Etat définit lui-même par sa Constitution ses compétences et règles d’organisation. Il a la compétence de sa compétence. Il dispose de la contrainte juridique et de la contrainte armée pour faire respecter son autorité sur les individus et les groupements qui se trouvent sur son territoire (ex obligation de payer des impôts) mais, dans le respect des libertés, ce qui distingue les démocraties des Etats autoritaires. L’Etat dispose du monopole de la contrainte. Mais la souveraineté d’un Etat est limitée par celle des autres Etats et par l’adhésion de l’Etat aux règles du droit international et, dans le cas de la plupart des Etats européens, par l’appartenance à l’UE qui est une organisation dotée d’institutions et de compétences supranationales dont le respect est contrôlé par la Commission européenne et la Cour de justice de l’UE. En prétendant imposer sa législation des sanctions économiques par les autres Etats (la raison du plus fort), les Etats-Unis s’en prennent à la souveraineté de ces Etats. La souveraineté d’un Etat est également limitée en pratique par la mondialisation économique (ex des GAFAM et de l’économie des plates-formes numériques) dans le cadre de l’économie de marché sauf le cas d’un Etat autarcique (Corée du nord). Des acteurs non étatiques s’en prennent aux Etats pour de bonnes causes parfois ONG…), ou de mauvaises causes (groupes criminels transnationaux, terrorisme international…). Etat de droit : la souveraineté serait arbitraire si elle n’était pas limitée par le droit. C’est ce qui distingue les régimes démocratiques qui ne peuvent agir que selon le droit et dans des limites qui s’imposent à eux par la Constitution et les lois et le droit international des régimes autoritaires qui agissent selon leur bon vouloir. Les Etats se distinguent selon diverses formes d’Etats : Etat unitaire centralisé, décentralisé, Etat fédéral (Etats-Unis, Allemagne, Canada, Belgique, Inde, Brésil…), République ou monarchie, monarchie constitutionnelle (Royaume-Uni, Japon) ou monarchie absolue (Arabie saoudite). 2. La Constitution : une norme juridique Hiérarchie des normes 1- au sommet de la hiérarchie des normes : la Constitution et les principes constitutionnels : pour la France, le préambule de la Constitution de la Vème République renvoie au préambule de la Constitution de 1946, à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ainsi que, depuis 2005, à la charte de l’environnement font partie du « bloc de constitutionnalité. » 2- Lois organiques : certaines questions intéressant l'organisation de l'État et l'exercice du pouvoir ne sont pas traitées par la Constitution qui les renvoie à la loi dite organique. Dans certains cas (statut de la magistrature par exemple), le Parlement doit alors voter des lois organiques selon une procédure spéciale au regard de la procédure applicable aux lois ordinaires (saisine obligatoire du Conseil constitutionnel avant la promulgation, accord du Sénat si la loi organique porte sur le Sénat, majorité absolue des membres de l’assemblée nationale en cas de désaccord du Sénat). Les lois organiques ont une valeur supérieure à celle des lois ordinaires mais inférieure à celle de la Constitution. 3- Lois ordinaires ; la Constitution délimite le domaine de la loi par son article 34 (« la loi fixe les règles et détermine les principes fondamentaux) 4- Ordonnances de l’article 38 : selon cet article, « le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse. A l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif ». Voyez l’exemple des ordonnances dites Macron de septembre 2017 sur la réforme du code du travail. Les ordonnances, tant qu’elles ne sont pas ratifiées par le Parlement, ont une valeur réglementaire c'est-à-dire qu’elles peuvent faire l’objet, contrairement à la loi, d’un recours en annulation devant le juge administratif (le Conseil d’Etat) dans les deux mois de leur promulgation par le Président de la République (PR). Le texte de l’ordonnance doit évidemment être conforme à l’habilitation donnée par le Parlement au Gouvernement. 5- Décrets réglementaires signés par le Président de la République (PR) ou le Premier ministre (PM), ce dernier exerçant « le pouvoir réglementaire » selon l’article 21 de la Constitution : un décret règlementaire est une norme générale et impersonnelle à distinguer d’un décret individuel, acte individuel qui ne concerne qu’une personne en particulier ; on distingue les décrets d’application de la loi des décrets dits autonomes qui ne sont pas pris pour appliquer une loi.Chaque année entre 1000 et 1500 décret réglementaires sont pris contre 80 à 90 lois. 6- Décisions individuelles signées par le PR ou le PM (exemple : nomination d’un haut- fonctionnaire) ; 7- autres décisions réglementaires : arrêtés ministériels réglementaires ou délibérations de certaines autorités administratives ou publiques indépendantes, arrêtés préfectoraux, délibérations réglementaires du conseil régional, conseil départemental, conseil municipal… ; 8- autres décisions individuelles (du ministre, du préfet, du président de l’exécutif d’une collectivité territoriale…). La suprématie de la Constitution est assurée par des mécanismes de contrôle de constitutionnalité assurés soit par les juges ordinaires (juges judiciaires- au sommet de la hiérarchie, la Cour de cassation-, les juges administratifs- au sommet de la hiérarchie, le Conseil d’Etat-, soit par un juge spécialisé, en France le Conseil constitutionnel. 3. Constitution et traités internationaux Dans l'ordre juridique national, les normes constitutionnelles prévalent sur les normes internationales et européennes, mais la reconnaissance constitutionnelle spécifique de l'appartenance de la France à l'Union européenne conduit à reconnaître une prévalence à certaines normes européennes, sous réserve du respect des règles et principes inhérents à l'identité constitutionnelle de la France (décision du Conseil constitutionnel 2006-540 DC). Loi et traités internationaux : les traités sont supérieurs à la loi (article 55) Pour intégrer dans l’ordre national les obligations d’un traité international, il faut qu’elles soient conformes à la Constitution ou alors il faut préalablement modifier la Constitution (cf droit de vote des citoyens européens aux élections locales prévu par le traité de Maastricht de 1992, mandat d’arrêt européen) Article 88-1 : La République participe à l’Union européenne constituée d’Etats qui ont choisi librement d’exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, tels qu’ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007. Article 88-2 : La loi fixe les règles relatives au mandat d’arrêt européen en application des actes pris par les institutions de l’Union européenne. Article 88-3 : Sous réserve de réciprocité et selon les modalités prévues par le Traité sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux seuls citoyens de l’Union résidant en France. Ces citoyens ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux assemblées détermine les conditions d’application du présent article. 4. Elaboration et révision de la Constitution La Constitution est élaborée par le pouvoir constituant selon une procédure faisant intervenir directement le Peuple (France : référendum en 1958, élection du PR au suffrage universel direct en 1962), ou adoptée par ses représentants, selon une procédure particulière faisant intervenir le Congrès rassemblant les députés et les sénateurs (cf la dernière révision de 2008). L’établissement d’une nouvelle Constitution intervient lors de la création d’un Etat nouveau- les Etats-Unis en 1787 ou les indépendances africaines au début des années 1960- ou lors d’une période révolutionnaire-France 1789-1799 ,1830 ,1848- ou à l’occasion de certaines circonstances historiques (suite de la libération en France 1946 : la IV ème République, 1958 en liaison avec la guerre d’Algérie : création de la Vème République). Le RU ne dispose pas d’une Constitution écrite en un seul document mais d’un corpus de lois, de jurisprudences, d’usages dont les premières règles remontent au moyen-âge. Il n’existe pas de contrôle de constitutionnalité sur le Parlement qui théoriquement peut tout faire. Historiquement, la notion de Constitution est liée à l'État. Mais le développement d'ordres juridiques non étatiques comme l'Union européenne a conduit à s'interroger sur la question de savoir si de tels ordres pouvaient être dotés d'une Constitution. Cf projet de traité de « Constitution pour l’Europe » rejeté par référendum en France en 2005. Clause de révision : France, sous la Ve République par référendum ou par un vote par le Congrès, c'est à dire l'Assemblée nationale et le Sénat réunis-à Versailles- , à la majorité des trois cinquièmes. La Constitution française de la Ve République, approuvée par le référendum du 28 septembre 1958, a fait l'objet de maintes révisions partielles : - La plus importante est celle opérée par la loi constitutionnelle du 6 novembre 1962. Cette révision instaure l'élection du Président de la République au suffrage universel direct. Les effets de cette réforme ont été renforcés par l'adoption par référendum en 2000 du quinquennat présidentiel qui s'est substitué au septennat avec pour objectif de calquer la durée des mandats présidentiels avec celle de la législature de manière à éviter en principe la « cohabitation » entre une majorité à l’AN et un Président de la République de bords opposés. - D’autres révisions ont eu pour objet d'adapter la Constitution à la construction européenne et de prendre acte du transfert à l'Union européenne de compétences relevant de l'exercice de la souveraineté nationale (1993 droit de vote des citoyens européens aux élections locales). - En 2008, une réforme a eu pour objet de rééquilibrer le fonctionnement des institutions en faveur du Parlement et de renforcer la protection des droits des citoyens (question prioritaire de constitutionnalité, création d’un Défenseur des droits). Le président Hollande a du renoncer à d’autres projets de révision en l’absence d’une majorité des 3/5ème des membres du congrès sur la question du retrait de la nationalité de personnes condamnées pour terrorisme, sur la constitutionnalisation de l’état d’urgence- après les attentats terroristes du 13 novembre 2015-, sur l’indépendance du parquet….Si la plupart des réformes institutionnelles annoncées par le président Macron lors de son discours au Congrès du 3 juillet 2017 peuvent s’opérer sans révision constitutionnelle, un projet de révision constitutionnelle est envisagé : priorité à l’écologie qui figurerait à l’article 1er de la Constitution, indépendance du parquet, suppression de la présence au Conseil constitutionnel des anciens Présidents de la République-devenue problématique depuis la QPC et l’accroissement sensible du nombre de saisine du Conseil constitutionnel, suppression de la Cour de justice de la République au profit des juridictions de droit commun, facilitation du déclenchement du référendum d’initiative partagée, transformation du conseil économique, social et environnemental en un conseil de la participation citoyenne, spécificité de la langue corse…. Initiative de la révision : le Président de la République sur proposition du Premier ministre et les parlementaires de chacune des deux chambres. En Suisse, une pétition de 100000 citoyens suffit pour initier une révision. Le RIP ne permet pas d’ouvrir un processus de révision de la Constitution. Distinction entre Constitution souple et Constitution rigide (éviter des révisions hâtives préjudiciables à la stabilité constitutionnelle) selon le mécanisme de révision plus ou moins contraignant. Limitations au pouvoir de révision : - France : il ne peut être atteint à la forme républicaine du gouvernement (art 89§5) ; - Allemagne : la nature fédérale ne peut faire l’objet d’un référendum. 5. Contenu institutionnel de la Constitution : En général une Constitution comporte d’une part des règles relatives au fonctionnement des institutions, d'autre part des règles relatives aux droits garantis aux individus. Cette conception de la Constitution est inscrite dans l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». S'agissant des aspects institutionnels, la Constitution détermine : 1- La nature de l'État (par exemple État unitaire ou fédéral) ; 2- Le régime politique (par exemple régime parlementaire ou présidentiel ou mixte, République ou monarchie…) 3- La nature des pouvoirs : on peut y trouver le principe de la séparation des pouvoirs-cf Montesquieu (« De l’esprit des lois » 1748) : « Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». « Les grandes fonctions de l’Etat ne doivent pas être concentrées entre les mains d’un même homme ou d’une même institution ». « Le pouvoir arrête le pouvoir » (idem) : Pouvoir législatif- Parlement (monocaméral ou bicaméral...).Le pouvoir législatif édicte les normes de portée générale qui organisent la société et contrôle l’activité et la politique du gouvernement ; Pouvoir exécutif-Gouvernement- ; le pouvoir exécutif – montée en puissance de l’exécutif avec l’interventionnisme accru de l’Etat depuis le 19ème siècle, l’Etat-providence…- applique les lois et définit la politique de la nation, dispose de la force armée et du pouvoir réglementaire et s’appuie sur l’administration ; Pouvoir juridictionnel- 3ème pouvoir – Le pouvoir judiciaire : devenu le rempart contre l’arbitraire du pouvoir grâce à l’indépendance qu’il a progressivement acquise. Séparation et collaboration entre les pouvoirs (régime parlementaire avec responsabilité politique du gouvernement devant le législatif- Allemagne, Royaume-Uni, la plupart des démocraties en Europe, régime présidentiel avec séparation stricte- cf Constitution des Etats- Unis et de la plupart des pays d’Amérique Latine- , régime mixte :Vème république puisque le Gouvernement est responsable devant le Parlement qui peut le renverser par une motion de censure tandis que le Président de la République élu au suffrage universel n’est pas responsable devant ce Parlement qu’il peut cependant dissoudre). 4- Le mode de désignation des chefs de l’exécutif (par exemple élection au suffrage universel du chef de l'État ou désignation par une assemblée elle-même élue au SU) et des parlementaires 5- La définition des compétences (par exemple répartition des compétences entre le législateur- Parlement- et le Gouvernement). Cf en France l’article 34 déjà cité pour le domaine de la loi votée par le Parlement ou, dans le cas des Etats-Unis, la Constitution définit le domaine de la loi pour lequel le Congrès est compétent, les autres matières relevant des Etats fédérés. 6. Droits des citoyens inclus dans la Constitution En France, ces droits sont issus de différents textes ou de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Droits issus du corps de la Constitution elle-même : cf article 1 de la Constitution : La République assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. (…). La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. Ainsi sont garantis les principes de liberté de conscience, d’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de sexe, de race ou de religion. L’égal accès des femmes et des hommes a été ajouté à la Constitution lors de la révision de 2008 : égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. Sont également garantis les : principe du droit de suffrage (art 3) + principe de la liberté de formation et d'activité des partis et groupements politiques (art 4) + libertés individuelles dont l'autorité judiciaire est la gardienne (art 66) + liberté d'administration des collectivités locales + art 2 : « l’organisation de la République est décentralisée » Droits issus de renvois à d’autres textes : la Constitution, dont le préambule affirme l'attachement du peuple français « aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, ainsi qu'aux droits et devoirs définis dans la Charte de l'environnement de 2004 » renvoie : - à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : liberté de conscience, liberté de communication, sûreté, principe d'égalité, droit de suffrage, droit de propriété, droit de résistance à l'oppression, principes de nécessité des peines, de légalité des délits et des peines, de non-rétroactivité de la loi pénale, présomption d'innocence, garantie des droits, séparation des pouvoirs ; - au préambule de la Constitution de la IVème république de 1946 : il s’agit des droits sociaux qui comportent des droits de type classique (droit de grève et liberté syndicale), mais également des droits à prestations de la part de la collectivité (droit d'obtenir un emploi, droit à la santé, à la sécurité matérielle, au repos et aux loisirs, droit à l'instruction…) et des droits- participations (participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail). Ces droits sont reconnus par le Préambule de 1946 en tant que « principes sociaux particulièrement nécessaires à notre temps » et complétés dans ce même texte par des principes politiques et économiques : droit d'asile, égalité des femmes et des hommes, nationalisation des services publics nationaux et des monopoles de fait. Les droits bénéficient également aux étrangers dont la résidence en France est stable et régulière. - A la charte de l’environnement de 2004. La charte consacre le droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé prolongé par des droits particuliers (le droit à l'information et à la participation en matière environnementale, le “principe de précaution”) et différents devoirs (devoir de toute personne de préserver l'environnement, de prévenir les atteintes susceptibles de lui être portées et de réparer les dommages qui lui sont causés, obligation pour les politiques publiques de promouvoir un développement durable). - Autres droits constitutionnels des citoyens : par une décision du 16/07/1971, le Conseil constitutionnel a reconnu à la liberté d'association la qualité de « principe fondamental reconnu par les lois de la République » - La jurisprudence du Conseil constitutionnel a consacré des droits issus de textes de valeur constitutionnelle ou déduits de ceux-ci : la liberté d'entreprendre, l'inviolabilité du domicile et des correspondances, la liberté d'aller et de venir, la liberté personnelle (dont celle du mariage), le droit au respect de la vie privée, la liberté contractuelle, le droit d'agir en responsabilité, la sauvegarde de la dignité humaine contre toute forme d'asservissement ou de dégradation ont ainsi été « constitutionnalisés » par le Conseil constitutionnel sur le fondement – implicite ou explicite – des articles généraux de la Déclaration de 1789 : - Ou de ceux du Préambule de 1946 (alinéa 1). Le droit d'expression collective des idées et des opinions a également été consacré sur le fondement – implicite – de l'article 11 de la Déclaration relatif à la liberté de « communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». La non- rétroactivité des lois fiscales jouit d'un statut identique, mais sans fondement particulier. Qu'il s'agisse de droits classiques, tel le pluralisme des courants d'idées et d'opinion ou de quasi droits, telle la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, ces droits sont parfois qualifiés par le juge « d'objectifs de valeur constitutionnelle » lorsqu'ils supposent d'être mis en œuvre par le législateur par l’adoption d’une loi (droit opposable au logement, loi dite DALO). Dans ce cas, en l’absence de loi en la matière, le droit ne peut être invoqué. L'interprétation développée par le Conseil constitutionnel a également permis de reconnaître certains droits protégés par la Convention européenne des droits de l'homme de ou de donner une définition « conventionnelle » de certains droits antérieurement consacrés La formulation des droits reconnus est variable. Certains sont énoncés comme : - Des droits inconditionnels (liberté, propriété, sûreté, résistance à l'oppression, droit de suffrage, droit d'asile, droit d'obtenir un emploi, droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé), - Soit des droits qui s'exercent « dans le cadre des lois qui le réglementent » (droit de grève) ou « dans les conditions et limites définies par la loi » (droit à l'information et à la participation en matière environnementale). - D’autres sont énoncés sous la forme d'obligations pesant sur l'État (droits à des prestations prévues par la loi , promotion du développement durable…) ou de principes (principe de précaution, principes posés par le préambule de 1946), étant précisé que la qualification de « principe » n'est pas exclusive d’obligation : ainsi l'État a ainsi l'obligation de mettre en œuvre le principe de précaution. - D'autres, enfin, ne sont que de simples possibilités (possibilité de disposer d'un logement décent), voire des « capacités » (capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins : préambule de la charte de l’environnement). Ainsi l'ensemble des règles de nature et de niveau constitutionnels qui composent la Constitution est formé de parties datant de périodes différentes. Il s'ensuit que certaines contradictions peuvent apparaître entre elles, notamment par exemple entre les principes de 1789 inspirés par l'individualisme libéral et ceux de 1946 marqués par une empreinte sociale. Le Conseil constitutionnel a pour mission de vérifier que la loi respecte la volonté du Constituant, expression directe et initiale de la souveraineté démocratique. Ainsi, comme l'a affirmé le Conseil constitutionnel (décision 85-197 DC) : « la loi n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ». Le juge interprète alors la Constitution. Il est souvent amené à opérer un contrôle de la conciliation opérée par le législateur entre des principes potentiellement contradictoires dans leur application (par exemple la liberté d'information des journalistes et le respect de la vie privée, libertés individuelles et ordre public…) en utilisant le principe de proportionnalité. La constitutionnalisation de l'ensemble des branches du droit et « l'appropriation » par les citoyens des droits que leur reconnaît la Constitution connaît un grand développement du fait de l'instauration, en 2008, d'une exception d'inconstitutionnalité qui permet à tout justiciable de soulever devant un juge, à l'occasion d'un litige, l'inconstitutionnalité de la loi qui lui est appliquée, à charge pour le juge, de saisir de cette question le Conseil d'État et la Cour de cassation qui, s'ils l'estiment fondée, la soumettront au Conseil constitutionnel qui pourra le cas échéant abroger la disposition législative contestée. C’est la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) : pic à 110 en 2011, moyenne entre 70 et 80 par an depuis lors. Conformité 442, non-conformité partielle 73, non-conformité totale 139, réserve 102. 7. la protection des droits des citoyens par le conseil constitutionnel et les autres juridictions : Tous ces droits sont protégés par le Conseil constitutionnel et les autres juridictions Le Conseil constitutionnel peut être saisi avant la promulgation d'une loi par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs. Il peut également, depuis la révision du 23/07/2008, être saisi d'une loi déjà promulguée sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de Cassation (QPC) « lorsqu'à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». La protection offerte à ces droits par le Conseil est double : - La loi doit prévoir, si nécessaire, des garanties « appropriées et spécifiques » à l’exercice d’un droit. L'absence, l'abrogation ou la modification de telles garanties légales est censurée par le Conseil sur le fondement de l'article 34 de la Constitution relatif à la compétence du législateur en matière de libertés publiques et du droit en cause (« incompétence négative »). En application de cette jurisprudence, le Conseil vérifie que les garanties apportées par la loi sont suffisamment précises. Cette jurisprudence oblige le législateur à assurer l'effectivité des droits constitutionnels. Elle joue le rôle de recours en carence, même si celui-ci n'emporte l’inconstitutionnalité de la loi que si celle-ci présente des « lacunes ». Cette protection vaut également pour les droits-créances. Lorsqu'une telle garantie légale n'est pas en cause, seul le passage en dessous d'un seuil minimal de protection est sanctionné. En effet, la mise en œuvre de ces droits par le législateur pouvant être plus ou moins ambitieuse, le choix des « modalités (...) appropriées » est laissé à la discrétion du Parlement. - Toute restriction apportée par la loi à un droit de valeur constitutionnelle, doit être justifiée et proportionnée : - Justifiée : le motif exigé par le Conseil, ainsi que les éléments et le degré du contrôle de proportionnalité exercé, varient toutefois selon les droits en cause. Pour les droits les plus protégés (liberté de communication, sûreté, inviolabilité du domicile et des correspondances, liberté personnelle dans le cadre de la procédure pénale, liberté du mariage, droit de grève), le motif exigé doit être de valeur constitutionnelle. - Proportionnée : le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil est particulièrement approfondi : il est non seulement constitué d'un contrôle de l'adéquation et de la nécessité de la mesure prise, mais il est également entier, c'est-à-dire non restreint à la sanction des seules disproportions manifestes. Pour les atteintes les plus graves, le Conseil vérifie même qu'il n'existe pas une mesure alternative moins restrictive du droit en cause. Pour les autres droits (liberté d'entreprendre, droit de propriété, liberté contractuelle, principe d'égalité…), le motif poursuivi peut être un intérêt général simple et le contrôle de proportionnalité exercé est restreint à la sanction des seules disproportions manifestes. Les atteintes légères portées à la sûreté font l'objet d'un contrôle de proportionnalité identique. Enfin, certains droits (droit à un recours juridictionnel effectif, principe de la séparation des pouvoirs, objectif d'intelligibilité de la loi, non-rétroactivité des lois fiscales, et droit d'agir en responsabilité) bénéficient d'un statut intermédiaire : un intérêt général suffisant est exigé et le contrôle de proportionnalité exercé est entier. Quant aux droits-créances, ils ne bénéficient pas de cette protection. La prise en compte des droits de valeur constitutionnelle par les juridictions ordinaires (juridictions administratives et juridictions judiciaires) varie selon les droits en cause. Seuls les droits suffisamment précis sont directement applicables, en particulier à l'administration. Pour les droits-créances mais également pour certains principes politiques ou sociaux, l’intervention d’une loi est donc exigée. La formulation des droits n'est toutefois pas déterminante. Les juridictions judiciaires sont compétentes en cas d'atteinte à la liberté individuelle et en cas de voie de fait. Cette dernière ne joue que si l'atteinte portée à une liberté fondamentale ou au droit de propriété est grave et si elle est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir de l'administration. Quant aux juridictions administratives, elles sont en particulier compétentes pour contrôler la justification et la proportionnalité des mesures de police administrative (exemple interdiction du Burkini édictée par certains maires en 2016, interdiction par des préfets de concerts de Dieudonné, mesures prises sous l’état d’urgence décidé le lendemain des attentats du 14 novembre 2015 -assignation à résidence, perquisitions administrative). La procédure du référé liberté est applicable en cas d'atteinte grave et manifestement illégale à une « liberté fondamentale » (Exemple des drones en 2020 pendant le confinement – état d’urgence sanitaire) Chapitre 2 : Le Président de la République Président de section honoraire au Conseil d'Etat ancien membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA). La Constitution de 1958, conformément au souhait exprimé par le Général de Gaulle, met le Président de la République au premier rang des institutions (titre II) avant le Gouvernement (titre III) et le Parlement (titre IV) qu’elle énumère. Certes, cette constitution demeure un régime parlementaire avec un Gouvernement dirigé par un Premier ministre responsable devant le Parlement. Mais, le premier Président de la Ve République, dans sa conférence de presse du 31 janvier 1964, a donné une interprétation qui a définitivement placé le Président de la République à sa place de « chef suprême de l'exécutif », « à la fois arbitre et premier responsable national ». Une modification essentielle de la Constitution a contribué à perpétuer cette interprétation, celle de 1962 qui a instauré l'élection du Président de la République au suffrage universel. 1. Un Président représentant du peuple Selon l'article 3 de la Constitution, « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du referendum ». Il n'est pas sûr que cela suffise à faire d'un Président élu au suffrage universel l'égal de cet autre représentant du peuple qu'est le Parlement. Dans d'autres pays européens (Autriche, Finlande, Irlande, Portugal), l'élection au suffrage universel n'a pas eu cet effet, les présidents de ces États ayant une fonction pour l’essentiel protocolaire. La situation en France est différente parce que l'élection au suffrage universel n'était pas prévue dans le texte initial. « La Nation doit avoir désormais le moyen de choisir elle-même son Président, à qui cette investiture directe pourra donner la force et l'obligation d'être le guide de la France et le garant de l'Etat » déclare le Général le 18 octobre 1962. La révision de 1962 a eu cet effet et a aussi eu une conséquence que n'avait pas souhaitée son auteur, celle de faire du chef de l'Etat le représentant d'une fraction seulement du peuple. A partir de la première élection au suffrage universel en 1965, on a pris l'habitude de parler de « majorité présidentielle », ce qui sous-entend qu'il y a une opposition et que le président ne représente pas tous les électeurs. Cette élection est réglementée par l'article 7 de la Constitution. La loi organique et la loi comportent des dispositions relatives : - A la présentation des candidatures (les 500 parrainages) - A l'organisation de la campagne électorale Egalité des candidats ; égalité stricte de temps d’antenne pendant la campagne officielle ; Plafond des dépenses électorales- 13,7 millions au premier tour, 18,3 millions au second tour- ( la commission des comptes de campagne puis le Conseil constitutionnel ont rejeté le compte de campagne de M.Sarkozy en 2012 car certaines dépenses de campagne n’avaient pas été incluses dans le compte si bien que M.Sarkozy a dû rembourser l’avance forfaitaire versée par l’Etat ) ; Interdiction du financement par des personnes morales ; Tenue d’un compte de campagne ; Remise par chaque candidat au Conseil constitutionnel d’une déclaration sur l’état du patrimoine ; Remboursement forfaitaire par l’Etat fixé à 47,5% du plafond pour les candidats ayant eu plus de 5% des suffrages au premier tour ; second tour 50% du plafond des dépenses du second tour. Deux modifications supplémentaires sont intervenues depuis 1962. La première est le résultat de la loi constitutionnelle du 2 octobre 2000 adoptée par référendum et ramenant la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans. C'est le quinquennat. La seconde résulte de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui limite à deux le nombre de mandats que peut exercer consécutivement un Président. Nul ne pourra plus atteindre les quatorze ans de mandat du Président Mitterrand, les douze ans de Jacques Chirac, ni égaler le Général de Gaulle qui était, lors de sa démission, dans la onzième année de sa présidence. Mais N.Sarkozy aurait pu se présenter une 3ème fois en 2017 puisqu’il a été battu en 2012. 2. Arbitre et garant Le Titre II de la Constitution consacré au Président de la République commence par un article 5 qui contient la formule « il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat. Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et du respect des traités ». En lien direct avec cette nouvelle prérogative, le Président bénéficie en vertu de l'article 19 de la Constitution de pouvoirs dispensés du contreseing - signature du PM et de ministres- mais ces pouvoirs sont relativement limités : - Nomination du Premier ministre - Recours au référendum - Dissolution de l'Assemblée nationale. Désormais la durée du mandat du Président et celle de la législature sont de cinq ans si bien qu’en principe l’élection législative suit de quelques semaines l’élection présidentielle. Depuis 2002, le Président élu ou réélu a toujours bénéficié d’une majorité à l’Assemblée nationale lors des élections qui ont suivi l’élection présidentielle ; - Pouvoirs exceptionnels en cas de crise (article 16) auxquels il n’a été recouru qu’une fois en 1961(23 avril au 29 septembre à la suite d’une tentative de coup d’Etat par 4 généraux en Algérie). A distinguer de l’état d’urgence durant lequel des mesures exceptionnelles et temporaires attentatoires aux libertés publiques peuvent être prises sous le contrôle du juge administratif ; - Messages au Parlement. La révision de 2008 a ajouté la possibilité pour le PR de s’adresser au Congrès. E.Macron a annoncé le 3 juillet 2017 qu’il le ferait une fois par an. Mais il ne l’a pas fait en 2019 ni en 2020 à ce jour. - Saisine du Conseil constitutionnel pour apprécier la constitutionnalité de lois (loi anti- casseurs du 10 avril 2019) ou de traités( CETA avec le Canada) ; nomination de trois des membres de cette haute instance, dont son Président. Le général de Gaulle et ses successeurs ont utilisé la plupart de ces nouveaux pouvoirs( sauf l’article 16 pour les successeurs). L'article 5 a pris toute son importance dans les périodes de cohabitation, cad lorsque la majorité parlementaire est opposée à la majorité présidentielle. Les Présidents Mitterrand et Chirac qui ont été confrontés à cette situation, née du décalage entre les deux scrutins, se sont appuyés sur les prérogatives que leur accorde l'article 5 pour sauvegarder ce que l'on a appelé le domaine réservé ou le domaine éminent, ou de « dernier mot », la diplomatie et la défense. Si les cohabitations de deux ans en 1986-1988 et 1993-1995 ont pu se dérouler sans trop de dommage pour le gouvernement de la France et son image à l'étranger, par sa durée, la cohabitation de cinq ans 1997-2002 a été problématique. C'est ce qui a conduit à la réforme du quinquennat qui a eu pour effet de faire coïncider l'élection présidentielle et les élections législatives, déplacées légèrement après la première. Depuis 2002, le but recherché a été atteint et la cohabitation évitée. Il en est résulté que le Chef de l'Etat est redevenu plus nettement que jamais le vrai « chef suprême de l'exécutif » décrit par le général de Gaulle. 3. Chef d'une dyarchie hiérarchisée Les expériences de cohabitation avaient redonné toute leur force aux articles de la Constitution qui font du Premier ministre le chef du Gouvernement et qui donnent à ce dernier la mission de déterminer et conduire la politique de la Nation (article 20) en accord avec la majorité parlementaire. Elles avaient montré que le Président peut très rarement utiliser les pouvoirs de l'article 19 sans contreseing du Premier ministre (PM) et de ministres et que, dans l'action gouvernementale quotidienne, ses décisions sont pratiquement toujours soumises au contreseing des membres du Gouvernement ou ont besoin d'être relayées par l'appareil gouvernemental. En revanche, chaque fois que la majorité parlementaire a coïncidé avec la majorité présidentielle, le Chef de l'Etat a pu interpréter tous les articles qui consacrent cette dyarchie dans un sens qui lui était favorable et assure une certaine subordination du Premier ministre. Ainsi l'article 8 qui permet au Président de nommer le Premier ministre a été interprété comme donnant au Chef de l'Etat le pouvoir de le faire démissionner au moment qu'il jugerait opportun alors même que ce Premier ministre aurait toujours la confiance de l'Assemblée nationale. Ainsi, alors que l'article 11 subordonne la décision présidentielle de recourir au referendum à une proposition du Gouvernement, tous les Présidents ont annoncé la tenue de telles consultations bien avant que le Gouvernement les leur eût proposées ; il en a été de même pour les révisions constitutionnelles subordonnées par l'article 89 à une proposition Premier ministre. Ainsi les articles 13 et 21, qui paraissent donner au Premier ministre la compétence de droit commun pour l'exercice du pouvoir réglementaire et des nominations de fonctionnaires et au chef de l'Etat une compétence exceptionnelle, ont été utilisés de manière beaucoup plus favorable au PR, notamment pour les nominations. Tous les Présidents ont utilisé un pouvoir sur lequel la Constitution est muette, celui de s'adresser directement à l'opinion publique, par conférence de presse ou allocution télévisée, parfois même pour faire prévaloir un point de vue qui n'était pas celui du Premier ministre. E.Macron a annoncé qu’il interviendrait régulièrement pour s’adresser aux puis l’audience exceptionnelle des interventions télévisées pendant la crise sanitaire en 2020. 4. Premier responsable national La Constitution reprenait initialement à son article 68 la formule des constitutions précédentes selon laquelle « le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison », ce qui n'allait avec le concept de « Premier responsable national » cher au général de Gaulle que si l'on comprenait qu'il s'agissait de responsabilité pénale. Cette dernière donna elle-même lieu à des difficultés lors de la mise en cause d'un président en exercice, le président Chirac, pour des actes antérieurs à son entrée en fonction. Une révision réalisée par une loi constitutionnelle du 23 février 2007 distingue la responsabilité pénale et la responsabilité politique. Pour la responsabilité pénale et pour les actes accomplis en qualité de chef de l'Etat est confirmée à l'article 67 l'irresponsabilité perpétuelle ; pour les autres actes est affirmée une immunité de juridiction, mais seulement pendant l'exercice du mandat, à la fin duquel les tribunaux ordinaires redeviennent compétents. Pour la responsabilité politique, l'article 68 crée une sorte d'impeachment à la française qui s'applique au chef de l'Etat en cas de « manquement aux devoirs de sa charge manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat. » (cf Nixon aux Etats-Unis ou Mme Rousseff au Brésil en 2016.) Cette procédure qui pourrait viser aussi bien une conduite inconvenante qu'un abus de pouvoir a néanmoins peu de chance de s'appliquer : elle ne peut être déclenchée et la destitution prononcée que par des votes à la majorité des deux tiers des deux assemblées séparément, puis par l'ensemble réuni en Haute Cour (même remarque pour M.Trump aujourd’hui puisqu’il dispose d’une majorité au Sénat qui juge et s’est opposée en janvier 2020 à la chambre des représentants, autorité de poursuite). La responsabilité politique du Président a fait l'objet d'une autre conception quand le général de Gaulle a pris soin, sans que la Constitution l'y oblige, de mettre sa démission dans la balance à chaque référendum et de laisser planer le doute sur ce qu'il ferait en cas de cohabitation. Sa démission en 1969 après le rejet d'une proposition référendaire, a montré la sincérité de cette conception. Elle ne lui a pas survécu et ses successeurs se sont maintenus au pouvoir après des élections législatives défavorables en 1986, 1993 et 1997 (Chirac après la dissolution qui a échoué puisque M.Jospin est devenu PM) et même après un référendum perdu en 2005 sur le projet de Constitution pour l’Europe(cf a contrario démission de David Cameron après le référendum de juin 2016 sur le Brexit). La responsabilité politique du Président se joue aussi à l'occasion de son éventuelle réélection, soit à échéance de cinq ans. Mais le second mandat, non renouvelable depuis la révision de 2008, ne peut plus conduire à cette mise en jeu. Une autre modification de la Constitution résultant de la même révision aurait pu rapprocher le statut du Président de celui d'un chef de gouvernement responsable devant le Parlement : c'est la modification de l'article 18 qui lui permet désormais de prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès à Versailles (cf Hollande après les attentats du 13 novembre 2015, Macron le 3 juillet 2017 qui a annoncé qu’il le ferait chaque année). Dans la mesure toutefois où cette déclaration ne peut donner lieu qu'à un débat hors de sa présence et sans aucun vote, il n'y a pas là l'amorce d'une responsabilité au sens des régimes parlementaires. Cette responsabilité existe, c'est celle du Gouvernement et de lui seul pendant les cinq ans du mandat présidentiel. C'est lui d'ailleurs qui supporte la responsabilité d'actes du président, devant le Parlement comme le gouvernement Pompidou en 1962 ( la seule motion de censure votée à ce jour sous la Vème République) ou devant le Président lui-même, comme le gouvernement Raffarin remplacé par Villepin en 2005( échec du référendum sur le projet de constitution européenne) ou après de mauvais résultats à des élections locales , le gouvernement Ayrault remplacé par Valls en 2014 etc…. Chapitre 3 : Le Gouvernement et le Premier Ministre Dans un régime parlementaire marqué par la collaboration entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, le Gouvernement responsable devant le Parlement occupe une place centrale puisqu'il assure une sorte de liaison entre les assemblées et le chef de l'Etat lui-même irresponsable (la reine d’Angleterre ou le président de la RFA). Mais la Constitution de 1958 présente des caractéristiques particulières qui éloignent le régime français des autres régimes parlementaires plus classiques, comme celui du Royaume-Uni par exemple. Le régime français est ainsi un régime « mixte » entre régime présidentiel (Etats-Unis) et régime parlementaire. Le Gouvernement est présenté comme l'une des têtes du pouvoir exécutif (la dyarchie) , l'autre étant le chef de l'Etat, c'est-à-dire en France, le Président de la République. Le chef de l'Etat est une autorité chargée de représenter l'ensemble de la nation à l'intérieur mais aussi vis-à-vis des autres pays, en assurant une sorte de permanence et de continuité des institutions. Cette première tête de l'Exécutif est considérée comme irresponsable politiquement, c'est-à-dire qu'il n'existe aucun moyen politique courant de renverser le chef de l'Etat ou de mettre fin à ces pouvoirs. Cette irresponsabilité est cependant atténuée depuis la révision du 23 février 2007 qui a introduit une procédure de destitution par les assemblées en « cas de manquement incompatible avec l'exercice de son mandat » (art 68). Pour contourner cet obstacle et trouver d'autres responsables politiques, le Gouvernement, dans tout régime parlementaire, endosse la responsabilité politique des actes du chef de l'Etat par le biais du contreseing, c'est-à-dire d'une contre-signature apposée après celle du Président de la République sur les actes (ordonnances, décrets…). Le Gouvernement, dans cette conception parlementaire, est donc formellement distinct du Président de la République, considéré comme le seul chef de l'Etat et bénéficiant de l'irresponsabilité, au titre de l'article 68 de la Constitution de 1958. La Constitution de 1958 consacre au Gouvernement son Titre III, de l'article 20 à l'article 23, juste après celui relatif au Président de la république, mais avant celui qui intéresse le Parlement, ce qui montre la place centrale du Gouvernement dans le régime d'inspiration parlementaire qu'est la Vème République. Alors que la pratique a voulu limiter le rôle du Gouvernement et de son chef, parfois qualifié de « collaborateur » du Président de la République( Fillon/Sarkozy, « l’hyper-Président », Macron « jupitérien » ), le Gouvernement a réussi à garder l'essentiel de ses attributions et de son statut, au moins à l'égard du chef de l'Etat, après la promulgation de la révision du 23 juillet 2008 alors que Sarkozy avait proposé de modifier la Constitution afin de réduire les pouvoirs du PM mais les deux assemblées ont rejeté cette proposition dès la première lecture du projet de révision. Le Parlement s'est ainsi fait le défenseur de cette forme particulière de régime parlementaire qui caractérise la Vème République. 1. La structure gouvernementale Le Gouvernement est composé du Premier ministre, de ministres et d'éventuels secrétaires d'Etat. Les membres du Gouvernement forment un organe collégial et solidaire. L'article 21 fait une mention particulière du Premier ministre, appellation directement empruntée au Royaume-Uni- dans les constitutions précédentes président du conseil était l’expression consacrée-, parce que certains des rédacteurs de la Constitution espéraient instaurer en France un régime parlementaire à l'anglaise. Le Premier ministre est conçu comme devant diriger l’action du Gouvernement (art 21). Si cette fonction ne lui confère pas un véritable pouvoir hiérarchique sur les autres membres du Gouvernement, le Premier ministre acquiert cependant un important pouvoir de coordination et d'arbitrage entre les points de vue éventuellement divergents émis par les membres du Gouvernement. Ce pouvoir se rencontre notamment lors de la préparation du budget de l'Etat. Depuis 1958, les Premiers ministres, dont la résidence se trouve à Matignon, ont fait preuve d'une certaine longévité par rapport aux chefs de gouvernement des Républiques précédentes et cela malgré la remarque de Michel Rocard qualifiant la fonction de chef du Gouvernement, de « bail le plus précaire de la République ». Ce qui était visé par cette formule était que le titulaire de la fonction ne savait pas à l'avance quelle serait la durée de celle-ci. En 62 années, la Vème République n'a connu que vingt-quatre Premiers ministres. M. Chirac a été deux fois Premier ministre, en 1974 et 1986. Mais chacun de ces chefs du Gouvernement ont pu constituer plusieurs gouvernements, à la suite de remaniements ministériels. Le choix du Premier ministre appartient au Président de la république, de manière à peu près libre, c'est-à-dire qu'il peut nommer soit le chef de la majorité parlementaire, soit le responsable d'un des partis de la majorité, soit une personnalité qui se trouve proche de ses vues politiques. Le choix du Président est évidemment moins libre lorsque, en période de cohabitation, la majorité parlementaire n'est pas la même que celle qui soutient le Président de la République qui est obligé de nommer un Premier ministre qui a la confiance de la majorité de l'Assemblée nationale. Une seule femme a été jusqu'à présent nommée Premier ministre; il s'agit de Madame Edith Cresson en 1991 ( onze mois). Les ministres sont également nommés par le Président de la République mais sur proposition du Premier ministre (art 8 de la Constitution), ce qui signifie qu'il doit y avoir accord entre les deux autorités exécutives (PR et PM) pour nommer un ministre. La pratique de la Vème République montre peu de cas de désaccords. En période de cohabitation, le Président de la République ne peut, en tout état de cause que s'opposer à la nomination de certains ministres, ce que François Mitterrand a fait dans deux cas (AE et défense) , en 1986, lors de la première cohabitation. Le Président impose souvent ses hommes ou femmes de confiance aux postes-clés. La Constitution est plus ambigüe quant à la cessation de fonctions des membres du Gouvernement. Il faut là encore distinguer entre le Premier ministre et les autres membres. L'article 8 précise que le Président de la République met fin aux fonctions du Premier ministre sur la présentation de la démission du Gouvernement, ce qui implique que sa démission entraîne celle de l'ensemble du Gouvernement. Une démission est, en principe, un acte volontaire et ne peut être imposée. L'article 50 de la Constitution prévoit cependant les cas dans lesquels le Premier ministre doit présenter obligatoirement sa démission, lorsque l'Assemblée nationale désapprouve le programme du Gouvernement ou lorsqu'elle adopte une motion de censure ( une fois en 1962 mais alors le général de Gaulle a dissout l’AN). Cette démission obligatoire n'est que l'un des éléments de définition de tout régime parlementaire. L'histoire de la Vème république est néanmoins riche de cas de démissions « ardemment souhaitées » par le Président de la République, sans que le Premier ministre puisse vraiment résister : exemples de M. Debré en 1962, de G. Pompidou en 1968, de J. Chaban-Delmas en 1972, de M. Rocard en 1991, de M Raffarin en 2005, de M.Ayraud en 2014. Il est cependant impossible, pour un Président de la République, d'exiger la démission d'un Premier ministre en période de cohabitation et les deux têtes de l'exécutif sont condamnées à vivre ensemble, comme l'ont montré MM. Chirac et Jospin entre 1997 et 2002. Les autres membres du Gouvernement peuvent, individuellement, présenter leur démission, sans remettre en cause l'existence du Gouvernement (M. Chevènement en 1991 après l’intervention militaire française en Iraq -un ministre çà ferme sa gueule ou çà démissionne-, Mme Taubira en décembre 2015, M.Macron en 2016, M.Hulot en 2018 ). En règle générale cependant, les désaccords profonds au sein du Gouvernement se résolvent par une démission « spontanée » de la part des ministres. La Constitution ne fournit pas, en dehors du Premier ministre, d'indications sur le nombre et la qualité des autres membres du Gouvernement. Il n'y a pas, à la différence d'autres pays, une liste préétablie de ministres dans la Constitution. Le projet de loi constitutionnelle de 2008 avait prévu qu'une loi organique fixerait « le nombre maximum des ministres et celui des autres membres du Gouvernement (modification de l'article 8). Cette disposition n'a pas été retenue par les assemblées qui ont considéré que cette mesure était faussement utile et contraignante. Le nombre et la hiérarchie des membres de l'équipe gouvernementale restent donc très variables et obéissent à des raisons techniques ou politiques. Les besoins nouveaux pris en charge par l'Etat ont conduit à diversifier et à multiplier les structures ministérielles : environnement, droits des femmes, francophonie, affaires européennes, immigration et identité nationale ( Sarkozy), économie numérique... Mais le nombre de ministres peut dépendre aussi du dosage politique entre les différents partis de la majorité ou du rôle que l'on veut donner à une personnalité politique. Malgré les efforts des différents Premiers ministres d'avoir autour d'eux des équipes restreintes, les Gouvernements de la Vème République comprennent entre trente et cinquante membres, selon les cas. Macron 19 ministres (11 femmes et 8 hommes) et 10 secrétaires d’Etat. Le PR et le PM s’efforcent de veiller à ce que les gouvernements comptent autant d’hommes que de femmes conformément au principe de parité ou d’égal accès aux fonctions politiques. Une hiérarchie peut exister entre les membres du Gouvernement : celui-ci peut comprendre des ministres d'Etat, dont le titre est surtout honorifique, des ministres de plein exercice et des secrétaires d'Etat auprès du Premier ministre ou d'un ministre. Les secrétaires d'Etat ne participent aux réunions du Conseil des ministres que si une question intéressant leur département ministériel est à l'ordre du jour. La Constitution prévoit que les membres du Gouvernement bénéficient d'un statut particulier à la fois protecteur et contraignant. L'article 23 fixe des cas d'incompatibilité: la participation au Gouvernement est un acte politique important qui exige un grand engagement rendant incompatible l'exercice de tous les emplois publics et privés et la fonction ministérielle. La Constitution de 1958 a introduit une incompatibilité entre cette fonction et un mandat parlementaire, au nom de la séparation des pouvoirs. Un ministre qui quitte le Gouvernement ne retrouvait donc pas automatiquement son siège de député ou de sénateur. Cet état du droit a duré jusqu'en 2008. Depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, l'article 25 modifié, qui traite des suppléants des députés et des sénateurs, dispose que la loi organique prévoit les conditions du remplacement temporaire des députés et des sénateurs lorsqu'ils ont accepté des fonctions gouvernementales. Cette disposition met fin aux élections partielles et aux risques politiques qu’elles peuvent faire courir à une majorité. Cette innovation conduit plus de parlementaires à accepter des fonctions ministérielles, ou à les conserver et elle facilite les remaniements ministériels voire les changements de Gouvernement. Les membres du Gouvernement, y compris le Premier ministre, ne sont responsables, pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions, que devant la Cour de justice de la République, juridiction créée par la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993, et composée de 15 juges, 12 parlementaires élus en nombre égal par l'Assemblée nationale et par le Sénat et trois magistrats de la Cour de la cassation). En dehors de cette responsabilité pénale particulière, qui a très peu fonctionné jusqu'à présent, les ministres sont responsables dans les conditions ordinaires sur les plans civil et pénal. Le projet de révision de la Constitution fait disparaître cette cour de manière à ce que les ministres puissent être jugés par les juridictions ordinaires. Une loi du 11 octobre 2013 sur la transparence dans la vie publique ( suites de l’affaire Cahuzac) crée une haute autorité pour la transparence de la vie publique qui vérifie les déclarations de patrimoine et d’intérêts transmises au début et à la fin des mandats des membres du gouvernement, des parlementaires, des responsables de principaux exécutifs locaux, des collaborateurs des cabinets ministériels, des membres des AAI, des titulaires d’emplois à la décision du Conseil des ministres, des responsables des entreprises publiques. La même loi prévoit un système de gestion des intérêts financiers confiée à un tiers sans droit de regard pour les hauts fonctionnaires qui occupent des fonctions économiques ou financières et renforce le contrôle déontologique du départ vers le secteur privé. Le Gouvernement est un organe collégial et solidaire. La solidarité est le fait d'endosser la responsabilité politique de tous les actes du Gouvernement par l'ensemble des membres de celui-ci. Elle s'exprime au moment de la démission du Premier ministre ( tout le Gouvernement démissionne), se manifeste par les réunions du Conseil des ministres, en principe chaque semaine, le mercredi, sous la présidence du Président de la République. Il peut arriver que le Gouvernement se réunisse, sous l'autorité du seul Premier ministre, lors de séances de travail plus informelles ; ces séances de travail ou séminaires gouvernementaux sont logiquement plus fréquents en période de cohabitation. De nombreuses réunions, plus ponctuelles, interministérielles, rythment le travail du Gouvernement, sur de sujets plus ou moins déterminés. Sur le plan du fonctionnement concret, le Secrétariat général du Gouvernement, sous l'autorité directe du premier ministre, joue un rôle essentiel de coordination et d'harmonisation des décisions et de suivi des textes. La solidarité gouvernementale s'exprime aussi par le contreseing que les ministres chargés de leur exécution doivent apposer sur tous les actes du Premier ministre, selon l'article 22: par cette signature, les membres du Gouvernement manifestent leur adhésion à des décisions politiques arrêtées collectivement. 2. Les attributions La Constitution confère au Gouvernement de très nombreuses attributions. Celles-ci ne sont pas exercées de la même manière si le Président de la République et le Premier ministre appartiennent à la même majorité ou s'ils sont conduits à cohabiter. Dans le premier cas, le Gouvernement peut être amené à appliquer des décisions prises ou inspirées par le Président de la République et à traduire concrètement les choix politiques de ce dernier. Dans le second cas, le Gouvernement dispose d'une plus grande marge de manœuvre et l'article 20, qui prévoit que le Gouvernement « détermine et conduit la politique de la nation », s'applique pleinement. Qu’il y ait ou non cohabitation, les pouvoirs du Gouvernement et ceux du Premier ministre énumérés par la Constitution sont importants, et illustrent la volonté de la Constitution de 1958 de faire du Gouvernement l'organe central des institutions de la Vème République : - Définition des orientations politiques ; sous réserve de ce qui a été dit du programme électoral du PR hors cohabitation. Le PM dirige l’action du gouvernement (art 21). - Le PM est à la tête de l'Administration d'Etat ; nomination des hauts fonctionnaires ; depuis la révision de 2008, certaines nominations sont soumises à l’avis de commission de chacune des deux assemblées ( pouvoir de véto si 3/5 de vote négatif, ce qui n’est jamais arrivé à ce jour) ; - Le PM est responsable de la défense nationale (art 21) ; mais le PR est le chef des forces armées –article 15-(politique de dissuasion nucléaire, interventions militaires à l’étranger…) ; - Le PM exerce le pouvoir réglementaire (art 21) , c'est-à-dire de celui de prendre les mesures générales d'exécution des lois ou même en dehors de celles-là de prendre des décrets « autonomes » ; - Rôle essentiel dans la procédure législative : Le Gouvernement et son chef s'appuient sur la majorité qui les soutiennent à l'Assemblée nationale et, éventuellement, au Sénat, comme il est logique dans un régime parlementaire, le Premier ministre étant alors le chef naturel de cette majorité parlementaire, même s'il est rarement le chef du parti majoritaire sous la Vème République, à la différence des véritables régimes parlementaires de type britannique ou allemand. Dans un régime parlementaire, le Gouvernement joue un rôle essentiel dans les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif, notamment dans le cadre de la procédure législative. Le Gouvernement dispose de nombreux moyens d'orienter, d'accélérer ou de freiner la discussion des textes lors de la procédure législative devant les assemblées. Le Gouvernement à la compétence de légiférer par ordonnances sur habilitation du Parlement (art 38) pendant une période limitée. L’ordonnance une fois adoptée par le Gouvernement doit ensuite être ratifiée par le Parlement avant un certain délai. Les pouvoirs que le Gouvernement peut exercer dans le cadre de la procédure législative ont subi, par la révision du 23 juillet 2008, d'importantes modifications dans le but de restaurer les pouvoirs du Parlement et, par voie de conséquence, de limiter ceux du Gouvernement. Le parlementarisme rationalisé qui caractérisait la Vème République paraît alors un peu affaibli : - Rédaction nouvelle des articles 48 (fixation de l'ordre du jour désormais partagée entre le Gouvernement et le Parlement); - Article 42 (lors du débat en séance publique, ce n'est plus le projet de loi tel que le Premier ministre l'a déposé qui sera discuté, mais le projet tel qu'amendé par la commission parlementaire compétente.) - Article 49 al 3 (restriction de l'utilisation de l'engagement de responsabilité sur un texte à un seul texte par session). En dehors des attributions exercées collégialement et solidairement par les membres du Gouvernement, chacun des ministres assume un double rôle, à la fois politique et administratif, qui peut être exercé collectivement et le plus souvent, de manière individuelle. Sur le plan administratif- on y reviendra plus loin-, chaque ministre est placé à la tête d'un ensemble de services qui constituent son département ministériel, sur lequel il exerce un pouvoir hiérarchique par voie d'arrêtés et de circulaires. A ce titre, ils disposent du pouvoir d'organiser leur administration, faisant d'eux des autorités à la charnière de l'activité gouvernementale et de la gestion administrative chargée d'appliquer cette politique. Chapitre 4 : Le Parlement Composé de l'Assemblée nationale et du Sénat (bicamérisme), le Parlement “vote la loi. Il contrôle le Gouvernement et évalue les politiques publiques” (article 24 de la Constitution dans la rédaction de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008). Le bicamérisme établi par la Constitution de 1958 est inégalitaire, en ce sens que l'Assemblée nationale : - A “le dernier mot” en matière législative lorsqu'elle est en désaccord avec le Sénat ( mais pas en matière constituante où l'égalité s'applique- d’où les obstacles rencontrés par le président Hollande puis les discussions du président Macron avec le président du Sénat pour réviser la Constitution) ; - Elle peut seule mettre en cause la responsabilité du Gouvernement (motion de censure). Les députés à l'Assemblée nationale, dont le nombre ne peut excéder 577, sont élus au suffrage universel direct ; le président Macron a annoncé qu’il souhaitait une réduction d’un tiers du nombre de députés et de sénateurs (finalement 25%). L’assemblée est renouvelée intégralement tous les cinq ans, sauf si la législature est interrompue par une dissolution (cf 1997) : les dernières élections législatives ont eu lieu en 2017 après les élections présidentielles. Les sénateurs, dont le nombre ne peut excéder 348, sont élus pour six ans au suffrage indirect par les membres des assemblées des collectivités territoriales dont le Sénat assure