Neuropsychologie - Synthèse 2023-2024 PDF

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This document provides a summary of neuropsychology, including its history, foundations, and the anatomical-clinical approach. The study of the relationship between the brain and behavior is highlighted, mentioning key figures like Gall and Broca, and their theories regarding localisation of functions within the brain.

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Neuropsychologie 2023-2024 CHAPITRE 1 – NEUROPSYCHOLOGIE : HISTOIRE ET FONDEMENTS 1 Qu’est-ce que la neuropsychologie ? La neuropsychologie a pour objectif principal de comprendre les relations entre le cerveau et le co...

Neuropsychologie 2023-2024 CHAPITRE 1 – NEUROPSYCHOLOGIE : HISTOIRE ET FONDEMENTS 1 Qu’est-ce que la neuropsychologie ? La neuropsychologie a pour objectif principal de comprendre les relations entre le cerveau et le comportement. Définitions de la neuropsychologie : - « Discipline qui traite des fonctions mentales supérieures dans leurs rapports avec les structures cérébrales » (Hecean, 1972). - « Étude scientifique des relations entre le cerveau et les processus mentaux ». La neuropsychologie est une discipline qui possède 2 versants. Ces 2 versants correspondent presque à 2 métiers différents, même si, dans la réalité, il existe des gens qui ont un pied dans chacun des deux versants. - Versant recherche (= neuropsychologie expérimentale) : psychologue qui font de la recherche fondamentale. Ce versant est axé sur la recherche et vise à comprendre des phénomènes neuropsychologiques. On poursuit un objectif de compréhension. Ce versant recouvre lui-même différents axes : o Neuropsychologie anatomo-clinique : l’objectif est de comprendre les soubassements cérébraux du fonctionnement mental. o Neuropsychologie cognitive : l’objectif est de comprendre le fonctionnement cognitif normal. o Neurosciences cognitives. - Versant clinique (= neuropsychologie clinique) : psychologues cliniciens. Ce versant s’ancre dans la pratique clinique, avec un objectif d’aide à la personne. Ce versant recouvre uniquement la neuropsychologie clinique. 2 Qu’est-ce que la neuropsychologie anatomo-clinique ? Un retour aux origines de « l’hypothèse cérébrale » L’hypothèse cérébrale est une hypothèse selon laquelle c’est bien le cerveau qui sous-tend nos conduites et nos comportements. ➛ Cette hypothèse cérébrale n’a pas toujours été l’hypothèse retenue. 2.1 La Grèce Antique - Aristote : l’organe de la pensée et des autres processus mentaux = le cœur. - Hippocrate : sonder une plaie dans le cerveau peut conduire à une paralysie de la moitié opposée du corps. - Papyrus d’Edwin Smith : le cerveau est le siège de la motricité. - Galien : chirurgien des gladiateurs. Des lésions cérébrales auraient des effets sur le comportement. Rejet de « l’hypothèse cardiaque ». Ensuite… plus rien jusqu’au 15ème siècle. 3 Apparition du localisationnisme - Gall C’est à partir du 15-16ème siècle, à l’époque de la Renaissance, qu’on voit apparaitre un nouvel intérêt pour le cerveau et pour le rôle que diverses structures du cerveau pourraient jouer. Franz Joseph Gall, médecin allemand, fut un grand anatomiste qui a apporté des contributions très significatives à la compréhension et à l’étude du cerveau. C’est lui qui, le premier, a été capable de faire la distinction 1 Neuropsychologie 2023-2024 entre la substance blanche (constituée des réseaux d’axones qui relient les neurones les uns aux autres) et la substance noire (constituée des cœurs des neurones) du cerveau. Malgré ses apports, il a adhéré à une hypothèse complètement farfelu : l’hypothèse « localisationniste ». C’est l’idée selon laquelle les fonctions mentales/psychologiques sont sous-tendues par des régions du cerveau et sont localisées dans des régions différentes de notre cerveau. Il va alors se tromper et s’embarquer dans une théorie invalide : la théorie phrénologique. Il a imaginé que le comportement humain pouvait être divisé en 27 facultés, que ces facultés étaient localisées dans des zones précises du cerveau et il a émis des hypothèses pour localiser chacune de ces 27 facultés dans une zone particulière du cerveau. De plus, il y a un autre aspect qui s’est révélé inexact. En effet, la phrénologie est l’idée selon laquelle plus on travaille une faculté, plus la région du cerveau qui sous-tend cette faculté se développe. D’où l’expression « la bosse des maths » : si une personne fait beaucoup de mathématiques, elle verra la région de son cerveau qui sous-tend cette faculté se développer fortement et prendre plus de volume. Cette augmentation de volume va ainsi exercer une pression sur la boite crânienne, ce qui va engendrer des bosses sur la boite crânienne. C’est donc cela la phrénologie, c’est l’idée selon laquelle on peut, en palpant la boite crânienne de la personne, savoir quelles sont les facultés qui sont pour elle des points forts ou des points faibles. Par la suite, des expériences ont été menées, notamment une mesurant le crâne de 35 meurtriers. Chaque observation allaient dans le sens de la théorie générale. Cependant, le nombre de faculté a été revu à la hausse, on en comptait alors 35. ➛ Tout cela s’est avéré inexact. Aujourd’hui, on sait que le fait de travailler une faculté particulière du cerveau n’a absolument pas pour effet d’entrainer la formation d’une bosse sur la boite crânienne. Conclusion Bien que la théorie phrénologique ce soit révélée complètement inexacte, Gall est l’un des premiers auteurs à avoir adopté clairement une position localisationniste. Ainsi, malgré ses erreurs, il a amené des apports importants, et notamment le fait qu’avec lui, apparait donc l’hypothèse du localisationnisme. 4 Opposition entre localisationnisme et unicistes Les siècles suivants vont être des aller-retours entre 2 opposés : d’une part, les tenants du localisationnisme et d’autre part, les tenants d’une position opposée qu’on peut qualifier de « globaliste » ou d’« uniciste ». La position uniciste s’oppose à la position localisationniste : elle considère qu’au niveau cérébral, il n’est pas pertinent de vouloir séparer ou de vouloir localiser les fonctions cognitives/mentales, et de leur assigner des régions particulières qui les sous-tendraient. À l’inverse, l’ensemble du fonctionnement mental dépendrait du cerveau dans sa globalité. 4.1 Pierre Flourens Un des tenants de la position uniciste est un médecin biologiste français, Pierre Flourens. Il a essentiellement mené des études expérimentales sur des pigeons. Il réalisait une ablation du cerveau (= retirer une partie du cerveau), et il s’intéressait ensuite aux conséquences que cela pouvait avoir sur le comportement des pigeons. Il cherchait à voir si, aux différentes parties du cerveau dont il réalisait l’ablation, correspondait des modifications comportementales différentes chez ces pigeons. La conclusion à laquelle il aboutit est que les conséquences particulières qu’une lésion peut avoir sur le comportement du pigeon ne dépend pas tellement de la localisation de la lésion mais dépend plus de la quantité de dommage. En effet, plus la zone qui a fait l’objet de l’ablation est importante en volume, plus le dommage et les modifications occasionnées sur le comportement du pigeon sont importantes. ➛ Donc c’est plus la quantité et le volume de la zone lésée qui va déterminer les changements comportementaux. 2 Neuropsychologie 2023-2024 Cela amène Flourens à proposer que le cerveau dans sa globalité fonctionne comme une seule faculté au service de l’ensemble des fonctions mentales. C’est donc l’exact opposé de ce que disait Gall. Il y a en effet ici cette idée d’unicité, d’homogénéité cérébrale. 4.2 Paul Broca Il est un médecin français très célèbre. Il revient vers une hypothèse localisationniste et va apporter des éléments qui commencent à ressembler à des preuves en faveur de cette hypothèse. Il a fait beaucoup de travaux, et celui pour lequel il est le plus connu est celui sur le patient Tan. « Tan » était le seul son que ce patient était capable de prononcer. Et pourtant, il comprenait ce qu’on lui disait et pouvait suivre des instructions assez compliquées. Ce trouble de langage particulier correspond à l’aphasie de Broca : une capacité de compréhension langagière tout à fait normale mais une incapacité quasi-totale à articuler et produire des sons du langage. Cette aphasie de Broca correspond à une atteinte d’une région particulière du cerveau : la partie inférieure de la 3ème circonvolution frontale gauche, qu’on appelle l’aire de Broca. Ainsi, tous les patients qui présentent une lésion de cette région risquent de présenter cette forme d’aphasie. Ceci constitue donc un élément de preuve qui appui l’hypothèse localisationniste. 4.3 Carl Wernicke C’est un neurologue allemand. Il vient compléter le tableau initial par Broca. En effet, il identifie une autre région qui sous-tend, elle, la compréhension du langage : l’aire de Wernicke. Cette aire se trouve au niveau du cortex temporal. Il va distinguer 2 grandes formes d’aphasies : - L’aphasie fluente (ou aphasie de Wernicke) : aphasie qui est due à une atteinte de la zone de Wernicke. On a donc des patients qui ne comprennent pas ce qu’on leur dit, ni ce qu’ils disent eux-mêmes, mais pourtant qui savent parler normalement. C’est donc le tableau exactement inverse à l’aphasie de Broca. - L’aphasie de conduction : la découverte de cette aphasie marque le début de l’analyse des connections entre régions, des interconnections et des associations entre régions. Dans cette aphasie, le patient comprend ce qu’on lui dit mais est incapable de le répéter. Cela signifie que : o L’aire de Wernicke est intacte : le patient comprend ce qu’on lui dit. o L’aire de Broca est intacte : le patient sait parler normalement. Cependant, le patient ne peut pas répéter ce qu’on lui dit : cela signifie qu’il y a une déconnection entre l’aire de Wernicke et l’aire de Broca. Cela ne veut pas dire que le patient est incapable de répéter quoi que ce soit ! ➛ Exemple : on lui demande de répéter le mot « téléphone ». Il en est incapable, même s’il comprend le mot. Il pourrait alors produire un mot comme « smartphone ». Cela signifie que le patient a activé le concept correct du mot qu’on lui a donné mais qu’il ne peut pas le répéter car il y a une déconnection entre les 2 aires. Cependant, il a activé le bon concept et il peut produire un mot qui correspond à ce concept. On a alors une paraphasie : il produit un autre mot correspondant au concept sans se rendre compte qu’il dit autre chose que le mot qu’il vient d’entendre. 4.4 Début de la neuropsychologie « anatomo-clinique » Tous les auteurs mentionnés ci-dessus sont les pionniers et les représentants principaux d’une approche de la neuropsychologie qu’on appelle la « neuropsychologie anatomo-clinique », dont l’objectif premier consiste à décrire les troubles du système nerveux central afin d’identifier et de comprendre la structure du cerveau et le rôle des différentes aires qui le constituent. Cette approche a été prédominante pendant une grande partie de l’histoire de la neuropsychologie et jusqu’à la moitié du 20ème siècle. 3 Neuropsychologie 2023-2024 La neuropsychologie anatomo-clinique est une approche qui repose sur l’observation de corrélations anatomo-clinique. Cela signifie qu’on met en relation des signes cliniques et des symptômes avec des atteintes cérébrales. C’est notamment ce qu’a fait Broca : il a mis en relation une atteinte qui touche une région particulière (aire de Broca) et il s’aperçoit qu’il existe une corrélation entre le bon fonctionnement de cette région et tel signe clinique, tel symptôme. ➛ Ce courant va donc amener à l’établissement de syndromes neuropsychologiques. Un syndrome = un ensemble de signes cliniques qui ont tendance à souvent survenir ensemble après une lésion particulière du cerveau. 4.5 Apparition des « diagrammes » C’est dans les suites des travaux de Wernicke qu’apparaissent ce qu’on appelait à l’époque les « diagrammes ». Ceci démontre comment, au départ d’atteintes cérébrales correspondant à des localisations particulières, on peut établir un tout 1er diagramme cognitif. On est au 19ème siècle et on a ici le précurseur de ce qui va surtout se développer dans la 2ème moitié du 20ème siècle, à savoir les 1ère architectures cognitives. Dans ce diagramme, on retrouve les éléments suivants : - Aire de Wernicke (A) : elle correspond à ce qu’on appelait « le centre des images et des mots ». - Aire de Broca (M) : elle correspond à ce qu’on appelait « le centre des images motrices », càd des images/infos qui vont permettre l’articulation motrice du mot. - Centre des concepts (B). - Entrée auditive (a). - Sortie motrice/verbale (m). Ce diagramme permet de décrire tout un ensemble de configurations d’aphasies que peuvent présenter des patients suite à des atteintes cérébrales. Ces aphasies sont la conséquence soit d’une atteinte de tel centre ou de telle aire, soit d’une rupture du lien entre ces centres. Par exemple, on retrouve sur le diagramme : - L’aphasie de Broca (1) : conséquence d’une atteinte à l’aire de Broca. - L’aphasie de Wernicke (2) : conséquence d’une atteinte à l’aire de Wernicke. - L’aphasie transcorticale sensorielle (6) : le patient est capable de répéter ce qu’on lui dit mais il ne comprend pas ce qu’on lui dit ou ce qu’il répète. En fait, il n’a pas accès à la signification des mots car il y a une rupture du lien entre le centre des images et des mots et le centre des concepts n’est pas atteint : si on lui demande de lire le mot, il le comprend. - Trouble articulatoire (5) - Surdité corticale pure (7) ➛ Ce sont là les toutes premières propositions de descriptions de ce qu’on va appeler plus tard des « architectures cognitives ». 4.6 1ère moitié du 20ème siècle : période d’hibernation Durant la 1ère moitié du 20ème siècle, on a de nouveau une période d’hibernation de la neuropsychologie. Celle-ci s’explique sans doute par différents facteurs, dont l’intérêt de plus en plus grand pour 2 courants qui s’opposent fortement : le behaviorisme et la psychanalyse. Ils ont pourtant un 4 Neuropsychologie 2023-2024 point commun : ils s’affranchissent totalement de la référence au cerveau dans leur modèle interprétatif. En effet : - Chez les behavioristes, le cerveau est appelé « boite noire » : on ne peut pas en comprendre le fonctionnement, on ne peut pas aller voir ce qui se passe dans le cerveau - Chez les psychanalystes, on ne considère pas non plus le cerveau comme étant une dimension pertinente. 4.7 Dans les années 1950-1960 Après cette forme d’hibernation, on observe une forme de renaissance à partir des années 1950-1960. Celle-ci tient à plusieurs facteurs : - L’intérêt croissant en sciences pour la psychophysiologie et pour la psychologie cognitive. Cette dernière va influencer radicalement les approches en neuropsychologie. - Un regain d’intérêt pour les modèles associationnistes (les diagrammes). - Une réinterprétation et un nouveau développement de ces modèles. 4.8 2ème moitié du 20ème siècle À partir de la 2ème moitié du 20ème siècle, les choses changent. La psychologie cognitive se développe et influence beaucoup la neuropsychologie cognitive. Et puis apparaissent aussi des techniques d’imageries cérébrales qui vont complètement bouleverser la neuropsychologie : le neurologue n’a plus besoin de consulter le neuropsychologue pour avoir son avis clinique sur l’identification de l’atteinte cérébrale, il peut se référer aux techniques d’imageries cérébrales. ➛ Donc il y a eu une évolution très importante de la neuropsychologie du fait de ces développements : les techniques d’imagerie cérébrale et le développement de la psychologie cognitive. 5 Quid aujourd’hui de ce débat entre localisationnistes et globalistes ? La position d’aujourd’hui est une sorte de compromis. D’une part, on dit qu’il existe une spécialisation corticale (localisation de la fonction). En effet, à l’heure actuelle, on dispose de preuves expérimentales qui démontrent qu’il existe bien, jusqu’à un certain point, une spécialisation de certaines régions cérébrales par rapport à différents aspects du fonctionnement mental. D’autre part, les conceptions qui prévalent aujourd’hui sont que la plupart des comportements complexes ne doivent pas être compris en faisant référence uniquement à l’intervention de telle ou telle région particulière. En effet, c’est beaucoup plus en termes de réseau de régions qu’on voit aujourd’hui l’explication du rôle du cerveau dans le fonctionnement cognitif. 6 La neuropsychologie cognitive C’est une discipline visant à comprendre les fonctions psychologiques « normales » par l’étude de patients présentant des troubles de ces fonctions suite à une lésion cérébrale. L’objectif de la neuropsychologie cognitive est le même que celui de la psychologie cognitive : décrire et comprendre l’architecture fonctionnelle des systèmes de traitement de l’information. Pour la neuropsychologie, la pathologie est le lieu de fragmentation des opérations mentales. Aujourd’hui, la neuropsychologie contemporaine s’inscrit dans le cadre des neurosciences cognitives, qui visent à étudier les mécanismes neurobiologiques sous-tendant la cognition. Ces disciplines convergent vers une compréhension intégrée du fonctionnement cognitif et cérébral, soulignant 5 Neuropsychologie 2023-2024 l’importance de considérer les deux aspects conjointement. Cependant, le texte met en garde contre une vision réductionniste et souligne l’importance de prendre en compte le contexte individuel, historique, culturel et social dans la compréhension de la pensée et du comportement humain. 6.1 Neurosciences cognitives : étude du métabolisme cérébral 6.1.1 Tomographie par émission de positions (PET scan) On parle ici de la modification du métabolisme cérébral à l’aide d’une technique particulière : la tomographie par émission de positions (PET scan). Le PET scan repose sur l’enregistrement du débit sanguin cérébral grâce à l’introduction d’un marqueur isotopique. En résumé, ça repose sur l’idée suivante : - Notre cerveau est un organe vivant, composé de neurones. - Les neurones ont besoin d’énergie pour fonctionner : du glucose et de l’oxygène. - Lorsqu’on réalise une activité mentale ou cognitive (exemple : du calcul mental), notre cerveau travaille, et principalement certaines régions qui sont plus spécialisées dans la réalisation de l’activité cognitive en question. - Vu que ces régions de notre cerveau travaillent plus que les autres, elles ont besoins de plus d’énergie que les autres. Ainsi, le PET scan fonctionne comme suit (principe général) : - On injecte dans le sang de la personne des molécules de glucose ou d’oxygène auxquelles on associe un marqueur radioactif. - Ces molécules radioactives se répandent ensuite dans tout le circuit artério-veineux, et notamment au niveau cérébral. - Le PET scan permet alors d’enregistrer la consommation de glucose et les modifications de consommation de glucose au niveau du cerveau. Ainsi, on peut voir « s’allumer » des régions cérébrales particulières, soit celles qui s’activent lorsqu’on fait faire au patient telle ou telle opération cognitive. Aussi, avec le PET scan, on n’est plus dans la perspective anatomo-clinique. En effet, on ne s’intéresse plus à des « patients », mais bien à des personnes normales. On est donc face à des sujets normaux qui participent à des études. Le paradigme expérimental de cette technique est le suivant : il s’agit d’un paradigme de comparaison de tâches et de soustraction des activations cérébrales associées. Cela signifie que : - On va faire faire 2 tâches à la personne : une simple et une complexe. Ces 2 tâches mettent en jeu les mêmes processus de traitement sauf un. - On va observer quelles sont les régions du cerveau qui s’activent pour les 2 tâches, - On va soustraire. 6 Neuropsychologie 2023-2024 7 La neuropsychologie clinique La neuropsychologie clinique a pour mission d’évaluer et de traiter les patients confrontés à des difficultés cognitives consécutives à des lésions neurologiques. Son développement est étroitement lié à l’histoire des grandes guerres. Durant la Première Guerre mondiale, l’amélioration des casques et des procédures médicales a permis à de nombreux soldats blessés à la tête de survivre. Kurt Goldstein, un neurologue et psychiatre allemand, est une figure majeure de cette période. Il a été pionnier dans la mise en place de l’évaluation et de la rééducation des soldats blessés, mettant en place des ateliers spéciaux pour évaluer leurs compétences professionnelles. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la nécessité de centres spécialisés pour les personnes blessées à la tête s’est à nouveau manifestée. Alexander Romanovich Luria, un neuropsychologue soviétique, est reconnu comme l’une des figures principales de cette période. Il a dirigé une équipe de recherche dans un hôpital militaire et a développé de nouvelles théories et méthodes de remédiation des déficits cognitifs. Luria a toujours mis l’accent sur l’importance de considérer la personne dans son contexte social. Oliver Zangwill, un psychologue britannique et ami de Luria, a également contribué de manière significative à la réadaptation des personnes souffrant de lésions cérébrales. Dans un article publié en 1947, il a exposé trois approches principales : la compensation, la substitution et le réentraînement direct, qui sont toujours pertinentes dans le domaine de la réhabilitation neuropsychologique. La guerre du Kippour de 1973 a également joué un rôle important dans l’évolution de la réadaptation des traumatisés crâniens. Yehuda Ben-Yishay, un Israélien d’origine américaine, a été impliqué dans un programme de réadaptation à Tel-Aviv en 1975, fortement influencé par les travaux de Kurt Goldstein. Ce programme, considéré comme le précurseur des approches holistiques, reconnaissant l’interrelation entre cognition, émotions et comportement, soulignant ainsi l’importance d’aborder ces aspects ensemble dans les programmes de réadaptation. Dans les années 80, la neuropsychologie cognitive a émergé de la fusion entre la neuropsychologie et la psychologie cognitive. Cette approche a été initialement appliquée dans la thérapie de l’aphasie, où les modèles cognitifs ont guidé la prise en charge en comprenant la nature des déficits et en visant leur restauration. Cependant, cette approche était centrée sur la restauration du processus altéré, négligeant souvent les aspects holistiques de la réadaptation. Au fil du temps, il est devenu évident que l’amélioration d’un processus cognitif isolé n’était souvent pas suffisante pour améliorer la qualité de vie des patients. Les personnes en réadaptation présentent généralement des problèmes émotionnels, sociaux et comportementaux en plus des déficits cognitifs. Ainsi, la neuropsychologie clinique s’est tournée vers des approches comportementales et cognitivo-comportementales pour améliorer l’adaptation, traiter l’anxiété, la dépression et aider les patients à gérer leurs difficultés cognitives. Aujourd’hui, la plupart des programmes de rééducation combinent une approche cognitive avec une approche holistique, intégrant des éléments tels que la prise de conscience, l’acceptation, le développement de stratégies compensatoires et l’orientation professionnelle. Cette approche intégrative est connue sous le nom de neuropsychologie clinique intégrative, et elle est devenue la norme pour la réadaptation des traumatisés crâniens. CHAPITRE 2 : PATHOLOGIES 1 Pathologies du système nerveux - Accidents vasculaires cérébraux ; - Traumatisme crânien ; - Démences ; - Épilepsie ; - Sclérose en plaques ; 7 Neuropsychologie 2023-2024 - Tumeurs cérébrales ; - Infections ; - Migraine ; - Carence ; - Intoxication ; - Hypoxie ; - … 2 Les accidents vasculaires cérébraux C’est la 3ème cause de mortalité chez l’adulte. Il y a deux types : - AVC ischémiques (dans 80% des cas) : ils sont dus à une vascularisation insuffisante d’une partie du cerveau entraînant une nécrose en quelques heures (un infarctus cérébral). Un défaut d’irrigation cérébrale peut être dû soit à une modification du diamètre des artères (artériosclérose), soit à une embolie. L’embolie consiste en une oblitération brusque d’un vaisseau sanguin par un caillot (thrombose) ou un corps étranger véhiculé par le sang ayant pour conséquence un arrêt de l’irrigation. - AVC hémorragiques : ils sont dus à une rupture de la barrière hémato-encéphalique, fragilisée par un processus pathogène (par exemple hypertension) ou en raison d’une malformation (dysplasie). Les vaisseaux fragilisés se rompent (par exemple dans le cas d’une rupture d’anévrisme), occasionnant la formation d’un hématome dans l’espace fermé de la boîte crânienne ; ceci entraîne une compression sévère des structures cérébrales et une augmentation de la pression intracrânienne. 2.1 Les AVC ischémiques Dans les AVC ischémiques, une interruption de la vascularisation artérielle fait que la région du cerveau correspondant au territoire cesse de fonctionner. L’étendue de l’aire ischémiée est variable et dépend notamment des possibilités de suppléance par les artères avoisinantes. À l’intérieur même du territoire ischémié, tous les neurones ne sont pas forcément voués à la mort : - Ceux dont l’apport sanguin est totalement réduit durant quelques minutes vont se détruire (nécrose) = infarctus ; - Ceux qui conservent un apport sanguin résiduel peuvent survivre quelques heures (6 à 8h en général) ; ils constituent une zone dite de « pénombre ischémique » entourant la zone de nécrose. 2.1.1 Mécanismes provoquant un AVC ischémique Les différentes causes d’occlusion artérielle sont : 1) Un caillot (thrombose ou embolie), 2) Une déchirure traumatique de la paroi artérielle et la formation d’un hématome, 3) Une occlusion de petites artères cérébrales par des pathologies diverses (par exemple : processus inflammatoire des artérites), 4) Une baisse de la pression artérielle. Les AVC ischémiques sont des modèles de corrélation anatomo-clinique, mais il y a des limites à cette corrélation anatomo-clinique : 8 Neuropsychologie 2023-2024 - Phénomène de diaschisis : une lésion en un point du cerveau affecte un certain nombre de fibres nerveuses qui relient cette région à d’autres régions cérébrales à distance, et peut ainsi entrainer leur dysfonctionnement (exemple : comme un infarctus du thalamus ou des projections thalamo-corticales). - Modification de la sémiologie1 au fur et à mesure de l’évolution (réduction du diaschisis et réorganisation). 2.1.2 Infarctus de petite taille (lacunes) C’est l’occlusion d’une ou plusieurs petites artères, qui fait 5 à 15mm. Siégeant dans la substance blanche, les noyaux gris ou le thalamus, ils sont généralement insuffisants pour occasionner un dysfonctionnement de système largement répartis (langage, praxies, gnosies). ➛ La répétition d’infarctus cérébraux peut être la cause d’une démence vasculaire. 2.2 Les hémorragies intracrâniennes Elles sont moins fréquentes que les infarctus cérébraux. La plupart des hémorragies intracrâniennes sont dues à une rupture d’anévrisme, cette rupture d’anévrisme peut faire suite à un effort physique intense. 2.2.1 Hémorragies (intra)cérébrales C’est la survenue d’un saignement au sein du parenchyme cérébral. Chez le sujet âgé, la cause la plus fréquente d’hémorragies cérébrales est l’hypertension artérielle (HTA) ; cette HTA entraîne la formation de micro-anévrysme artériels dont la rupture (souvent lors d’un pic hypertensif) occasionne des hématomes dont la taille est très variable. Chez le sujet jeune, les hémorragies cérébrales sont principalement dues à des malformations vasculaires. Les hématomes les plus volumineux provoquent une hypertension intracrânienne et entraînent un coma et la mort. Si l’hématome est de plus petite taille, le patient est atteint d’hémiplégie, et diverses zones corticales se trouvent désafférentées : une négligence apparaitra pour une hémorragie droite ; un trouble du langage ou une apraxie pour un saignement gauche. La récupération fonctionnelle chez les sujets ayant survécu à une hémorragie cérébrale est plus lente mais souvent meilleure qu’après un infarctus touchant la même zone ; ceci serait lié au fait que l’hématome comprime d’avantage qu’il ne détruit. 2.2.2 Hémorragies méningées L’hémorragie méningée (ou hémorragie sous-arachnoïdienne), due à une malformation vasculaire, se caractérise par la présence de sang dans l’espace méningé sous-arachnoïdien qu’occupe normalement le liquide céphalo-rachidien. La rupture d’un anévrisme siégeant sur un vaisseau (le plus souvent l’artère communicante antérieure) libère le sang dans les méninges. La symptomatologie consiste en céphalées brutales, foudroyantes, accompagnées de vomissements et, souvent, de troubles de la vigilance : la perte de connaissance est en effet fréquente, brève dans les formes favorables, mais un état confusionnel ou une amnésie peut perdurer plusieurs jours ou davantage. L’examen montre une raideur de nuque, qui, associée à la céphalée et aux vomissements, constitue le syndrome méningé. Le diagnostic d’hémorragie méningée – qui est une urgence vitale – repose sur le scanner cérébral et éventuellement la ponction lombaire. L’hémorragie méningée peut être observée en cas de rupture d’anévrisme. En effet, il peut arriver que le sang issu de la rupture de l’anévrisme soit éjecté avec une violence telle qu’il pénètre dans le cerveau, associant une hémorragie cérébrale à l’hémorragie méningée. 1 Discipline médicale qui étudie les signes (symptômes) des maladies. 9 Neuropsychologie 2023-2024 3 Les traumatismes crâniens Les traumatismes crâniens sont des problèmes courants du système nerveux, pouvant varier en gravité depuis de simples coups à la tête jusqu’à des impacts graves entraînant un coma. Le terme « commotion » est utilisé pour décrire une perte de conscience généralement brève par suite d’un traumatisme crânien léger, bien que cela puisse varier en gravité. Les séquelles neurologiques et neuropsychologiques affectent souvent des personnes jeunes, compromettant leur vie sociale et professionnelle. Il est crucial d’effectuer un diagnostic précis des lésions cérébrales et de leurs conséquences afin de planifier une rééducation appropriée. Les traumatismes crâniens peuvent être ouverts (avec un enfoncement de la boîte crânienne) ou fermés. 3.1 Mécanismes des lésions Lorsqu’un choc est reçu par la boîte crânienne, cela peut provoquer un ébranlement violent du cerveau, entraînant généralement une perte de conscience temporaire. Ce mouvement brutal peut causer des lésions cérébrales, souvent à un endroit opposé au point d’impact initial, appelé contrecoup. Ces lésions peuvent prendre la forme de déchirures ou de contusions cérébrales, parfois invisibles aux scanners traditionnels. Dans les cas graves de traumatisme crânien, un œdème cérébral diffus peut se développer dans les heures ou les jours suivants, ce qui peut mettre la vie en danger en raison de l’augmentation de la pression intracrânienne. Le traumatisme peut également provoquer des fractures de la boîte crânienne, entraînant des hématomes extra ou sous-duraux, où le sang s’accumule respectivement à l’extérieure ou en dessous de la dure-mère. Ces hématomes peuvent exercer une pression sur le cerveau et nécessiter une intervention chirurgicale d’urgence. Dans certains cas, une perte de conscience peut survenir après le traumatisme, indiquant une complication vasculaire intracrânienne grave, comme un hématome extra-dural. Cela nécessite une trépanation d’urgence pour évacuer le sang et soulager la pression sur le cerveau. Les hématomes sous-duraux peuvent se développer plus lentement et se présenter sous forme aiguë ou chronique, cette dernière étant plus fréquente chez les personnes âgées et pouvant entraîner des symptômes progressifs au fil du temps. Une hémorragie méningée peut survenir entre l’arachnoïde et la pie-mère du cerveau, nécessitant une intervention chirurgicale immédiate en raison du risque de décès. 3.2 Manifestations cliniques des traumatismes crâniens 3.2.1 Manifestations aiguës - Troubles de la vigilance : perte de conscience initiale ou un état de coma. Ces symptômes peuvent survenir immédiatement après un traumatisme crânien et sont dus à une altération de la conscience. 10 Neuropsychologie 2023-2024 - Amnésie post-traumatique (APT) : période après un traumatisme crânien où la personne peut présenter une confusion mentale transitoire et des difficultés à se rappeler les événements survenus immédiatement avant ou après l’incident. Le patient peut également éprouver un délire concernant l’espace ou les visages. - Lésion localisées entraînant des déficits focaux : fait référence à des déficits neurologiques spécifiques qui surviennent en raison d’une lésion dans une région précise du cerveau. Ces déficits peuvent inclure des problèmes de mouvement, de sensation, de vision ou de langage, selon la région du cerveau affectée. - Crises d’épilepsie fréquentes : après un traumatisme crânien, certaines personnes peuvent présenter des crises d’épilepsie, qui sont des épisodes de décharge électrique anormale dans le cerveau, conduisant à des convulsions, à une perte de conscience ou à d’autres symptômes. 3.2.2 Manifestations chroniques Elles sont de deux ordres : - Épilepsie post-traumatique + séquelles déficitaires (souvent signes frontaux). - Syndrome post-traumatique : céphalées, vertiges, difficultés de concentration, troubles de mémoire + troubles comportementaux. 3.2.3 Troubles comportementaux Les troubles comportementaux interfèrent de façon massive avec la rééducation et les relations familiales/sociales. On peut avoir comme troubles comportementaux une agitation, une irritabilité, une agressivité, des troubles sexuels, troubles du sommeil, troubles anxieux ou bien encore un syndrome « frontal ». 3.2.4 Comment évaluer la gravité du traumatisme crânien ? On évalue la gravité du traumatisme crânien avec 3 éléments : 1) La profondeur du coma : Elle est mesurée avec l’échelle de coma de Glasgow (GCS). La GCS évalue des comportements spontanés et en réponse à des stimulations, dans les domaines visuel, verbal et moteur ; les notes obtenues pour les trois sous-échelles sont additionnées et forment ainsi le score GCS (le score maximal étant de 15). Activité Score Description 4 Spontanée Ouverture des 3 À la demande yeux 2 À la douleur 1 Aucune 5 Orientée 4 Confuse Réponse verbal 3 Paroles inappropriées 2 Sons incompréhensibles 1 Aucune 6 Obéit aux commandes Réponse motrice 5 Localise la douleur 11 Neuropsychologie 2023-2024 4 Retrait à la douleur 3 Flexion anormale (décortication) 2 Extension anormale (décérébration) 1 Aucune Coma, état végétatif et état de conscience minimale Il existe trois niveaux d’altération de la conscience : la coma, l’état végétatif (EV) et l’état de conscience minimale (ECM). Le coma est le plus sévère, où le patient est inconscient, ne réagit pas et présente une réduction significative du métabolisme cérébral. L’EV se caractérise par des cycles de sommeil-éveil et une ouverture temporaire des yeux, mais sans signe de conscience. L’ECM décrit un niveau de conscience minimal permettant une interaction limitée avec l’environnement. 2) La durée du coma/de la perte de conscience - Perte de connaissance initiale absente ou inférieure à 30 minutes. TC léger - Score à l’Échelle de Coma de Glasgow ≥ 13. - Examen neurologique et tomodensitométrie sans anomalie. - Score à l’Échelle de Coma de Glasgow initiale de 9 à 12. - Coma défini par l’absence d’ouverture des yeux pendent moins de 6 heures. TC modéré Ou - Score à l’Échelle de Coma de Glasgow > 13 avec lésion focale visible par imagerie cérébrale. - Score à l’Échelle de Coma de Glasgow initiale ≤ 8. Ou TC sévère - Score à l’Échelle de Coma de Glasgow > 8 avec nécessité d’une intervention neurochirurgicale dans les 8 premières heures. 3) La durée de l’amnésie post-traumatique (APT) L’amnésie post-traumatique (APT) est une période variable qui survient après un traumatisme crânien, caractérisée par la confusion, la désorientation, l’amnésie rétrograde et l’incapacité à former de nouveaux souvenirs. Certains auteurs incluent la période de coma dans l’APT, tandis que d’autres la calculent à partir du réveil du coma. La durée de l’APT est un indicateur important de la gravité de la lésion cérébrale et est également prédictive de la récupération à long terme et des séquelles selon plusieurs études. ➛ Importance de l’âge : des études indiquent que l’âge a un effet sur la durée de l’amnésie post-traumatique (APT), contrairement à la durée du coma. Plus le patient est âgé, plus la durée de l’APT est longue. De plus, le pronostic de récupération est moins favorable chez les patients âgés. 4 Vieillissement cérébral pathologique (les démences) La démence est caractérisée par une détérioration progressive et irréversible des fonctions cognitives supérieures, avec des troubles de la mémoire et éventuellement des perturbations comportementales et des problèmes moteurs. Cette dégradation entraîne une perte totale d’autonomie chez la personne atteinte. 12 Neuropsychologie 2023-2024 Cependant, il est important de noter que la démence présente une grande variabilité dans ses manifestations cliniques, tant entre différentes formes de démence (dégénératives ou vasculaires) que même à l’intérieur d’une même pathologie. En raison de sa prévalence croissante liée au vieillissement de la population, la démence représente un important problème de santé publique. ➛ Pour poser un diagnostic de démence, il est crucial d’exclure d’abord les états confusionnels et les syndromes dépressifs. Le diagnostic de démence est souvent établi à l’aide de différentes échelles d’évaluation, parmi lesquelles le Mini-Mental State Examination est l’une des plus couramment utilisées. Le Mini-Mental State Examination (MMSE) est un test couramment utilisé pour détecter les signes de démence chez les personnes âgées et pour évaluer le niveau de déficit cognitif. Cependant, il doit être utilisé avec prudence car il peut donner des résultats imprécis et ne suffit pas à poser un diagnostic de démence à lui seul. Le MMSE peut produire des faux positifs et des faux négatifs, et il manque de sensibilité pour détecter les premiers signes de maladies comme la maladie d’Alzheimer. Une évaluation cognitive plus approfondie est nécessaire, avec des tests spécifiques et sensibles, pour compléter les résultats du MMSE. Face à une démence, il est crucial de rechercher des causes curables telles qu’une hydrocéphalie à pression normale ou une tumeur cérébrale. La classification des démences peut être simplifiée en démences corticales (comme la maladie d’Alzheimer) et sous-corticales (comme la maladie de Parkinson), bien que de nombreuses démences ne correspondent pas strictement à ces catégories, avec des étiologies variées. 4.1 Les démences corticales 4.1.1 La maladie d’Alzheimer La maladie d’Alzheimer est la cause la plus courante de démence, touchant environ 300 000 personnes en France avec 60 000 nouveaux cas par an. Elle débute généralement par des problèmes de mémoire épisodique, puis évolue vers une détérioration progressive de diverses fonctions cognitives et comportementales (troubles du langage, troubles praxiques, troubles comportementaux, …). L’évolution se fait inévitablement en plusieurs années, vers le mutisme, l’inertie, puis la grabatisation et la mort. Cette maladie résulte de la formation de plaques séniles (dépôt de protéine b-amygdaloïde) et de dégénérescences neurofibrillaires dans le cerveau, conduisant à une destruction neuronale. Le diagnostic est souvent confirmé par une étude anatomopathologique post-mortem du cerveau. Bien que certaines susceptibilités génétiques aient été identifiées, la cause exacte de la maladie reste largement inconnue. Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer repose principalement sur une évaluation neuropsychologique, bien que reste toujours probabiliste en raison de l’absence de signes neurologiques spécifiques dans les stades précoces. 4.1.2 Autres démences dégénératives corticales Outre la maladie d’Alzheimer, les démences corticales comprennent les démences fronto-temporales, telles que la maladie de Pick, caractérisées par des troubles cognitifs et comportementaux précoces, ainsi que la démence sémantique, marquée par une perte progressive du stock sémantique avec des déficits de langage et une agnosie visuelle sémantique. La démence à corps de Lewy, la deuxième cause de démence chez les personnes âgées après la maladie d’Alzheimer, est difficile à distinguer de celle-ci. Elle se caractérise par la présence de lésions acidophiles, les corps de Lewy, dans le cortex et certaines structures sous-corticales, et présente des 13 Neuropsychologie 2023-2024 symptômes cognitifs similaires à ceux de la maladie d’Alzheimer, avec en plus des hallucinations et parfois des signes parkinsoniens. 4.2 Les démences sous-corticales 4.2.1 La maladie de Parkinson Cette maladie se manifeste généralement entre 55 et 65 ans, bien qu’elle puisse également apparaitre avant 40 ans ou après 80 ans dans certains cas. Bien que les cas familiaux ne soient pas fréquents, une prédisposition génétique est reconnue dans certains cas. Les causes de la maladie restent mal comprises, mais impliquent une atteinte de neurones dopaminergiques dans le locus niger. Les symptômes précoces incluent un léger tremblement des bras, une diminution de la dextérité et une sensation de ralentissement. Le diagnostic repose sur la présence d’au moins deux des trois symptômes caractéristiques : tremblements, ralentissement des mouvements et rigidité. La démence, qui se manifeste tardivement dans la maladie, se caractérise généralement par des troubles cognitifs frontaux tels que des problèmes de mémoire et d’attention. Cependant, seulement 15 à 20% des patients développent ces difficultés cognitives. Malgré une évolution lente et progressive de la maladie, l’espérance de vie des patients atteints de la maladie de Parkinson n’est pas significativement réduite. 4.3 Les démences vasculaires Les démences vasculaires constituent une cause significative de démence, étant la deuxième cause la plus fréquente après la maladie d’Alzheimer. Elles résultent de l’accumulation de lésions vasculaires dans le cerveau, qu’elles soient de nature ischémique ou hémorragique. Il est important de noter que de nombreux patients atteints de la maladie d’Alzheimer présentent également des lésions vasculaires, ce qui peut conduire à une forme de démence mixte où les processus dégénératif et vasculaire contribuent conjointement au développement de la démence. 5 La sclérose en plaques La sclérose en plaques (SEP) est une maladie qui touche principalement les jeunes adultes, bien que des cas tardifs puissent également survenir. Elle est plus fréquente dans les pays de l’hémisphère Nord et est influencée par des facteurs génétiques et environnementaux. La cause exacte de la SEP reste inconnue, mais elle implique une réaction inflammatoire dirigée contre la gaine de myéline des neurones du système nerveux central. Cette inflammation se manifeste par des poussées périodiques, déclenchées par divers facteurs tels que l’exposition à la chaleur ou les infections. Chaque poussée entraîne des lésions de la myéline, appelées « plaques », qui peuvent causer des dommages neuronaux permanents. La SEP peut présenter différents profils évolutifs, notamment une forme rémittente caractérisée par des poussées suivies de rémissions, une forme progressive avec une détérioration continue des symptômes, et une forme rémittente-progressive combinant des poussées et une progression constante des symptômes. 5.1 Signes cliniques La sclérose en plaques présente une grande variété de signes cliniques, car les lésions peuvent apparaitre dans différentes régions de la substance blanche du cerveau. Les atteintes les plus courantes incluent le syndrome cérébelleux, qui peut entraîner des problèmes d’équilibre, de coordination et de parole. Cependant, des symptômes tels que l’aphasie, l’apraxie et l’agnosie ne sont pas typiques de la sclérose en plaques. 14 Neuropsychologie 2023-2024 En raison de l’implication fréquente du corps calleux, des signes de déconnexion inter-hémisphérique peuvent se manifester, tels que des difficultés à identifier quel doigt a été touché sur la main opposé. Les manifestations neuropsychologiques comprennent souvent des troubles de l’humeur, comme une indifférence aux symptômes (anosodiaphorie), ainsi qu’un déficit intellectuel de type frontal chez les patients présentant des séquelles avancées de la maladie. 6 L’épilepsie Le cortex cérébral génère normalement des activités électriques, régulées par les afférences sous-corticales via les noyaux du thalamus. Lors d’une crise d’épilepsie, une activité électrique anormale émerge d’un groupe de neurones. - Les crises peuvent être généralisées, impliquant tout le cortex ; - Les crises peuvent être partielles, impliquant un groupe restreint de neurones et pouvant éventuellement se généraliser. L’électroencéphalogramme (EEG) enregistre ces activités, les crises épileptiques se manifestant généralement par des séquences rythmiques de pointes ou de pointes-ondes sur l’EEG. 6.1 Causes responsables de la décharge épileptique La prévalence de l’épilepsie en Belgique est estimée à 60 à 70 000 personnes, soit environ 1/150 ou 200. Les crises peuvent être déclenchées par différents facteurs tels que les traumatismes, les toxiques, les perturbations des cycles veille-sommeil, les lésions cérébrales, les facteurs génétiques ou les malformations cérébrales. Les crises épileptiques peuvent être généralisées ou partielles, avec des manifestations variées en fonction de leur origine. 6.1.1 Crises généralisées Grand-Mal Les crises généralisées Grand-Mal impliquent une perte de conscience brutale, des phases toniques et des secousses myocloniques. À cette séquence, qui dure plusieurs minutes, succède un coma plus ou moins prolongé avec respiration bruyante. 6.1.2 Crises généralisées Petit-Mal (absence épileptique) Les crises Petit-Mal Absence chez les enfants se caractérisant par des suspensions brèves de la conscience. Brutalement, l’enfant suspend l’activité en cours, a les yeux dans le vague, ne répond plus aux questions, peut avoir une activité automatique gestuelle ou de mâchonnement. Après quelques secondes, il reprend l’activité où il l’avait laissée : la phrase exprimée repart au mot interrompu, le geste initié se termine. L’EEG montre durant la crise une activité paroxystique de points-ondes à 3 cycles/secondes. 6.1.3 Crises épileptiques partielles Les crises partielles ont des manifestations spécifiques selon la région du cortex d’où elles émergent : - Crises préfrontales : confusion brutale et durable. - Crises pariétales : illusions corporelles et hallucinations visuelles. - Crises occipitales : hallucinations visuelles élémentaires ou complexes. 15 Neuropsychologie 2023-2024 - Crises temporales : déjà vécu, troubles du langage, odeurs nauséabondes. Les épileptiques peuvent également présenter des altérations intellectuelles à long terme, dues à la maladie sous-jacente, aux médicaments antiépileptiques ou à la répétition des crises. Cependant, la plupart des personnes épileptiques mènent une vie normale avec un contrôle adéquat des crises. 7 Les tumeurs cérébrales Lorsqu’une tumeur se développe dans la boîte crânienne, elle exerce une pression sur les structures cérébrales environnantes, provoquant une hypertension intracrânienne. Cela se traduit par des symptômes tels que des maux de tête, des nausées, des vomissements, une vision floue et des déficits neurologiques qui dépendent de l’emplacement de la tumeur. Les tumeurs bénignes ont tendance à croitre lentement sur plusieurs années, permettant au cerveau de s’adapter progressivement. Cependant, lorsque la tumeur atteint une certaine taille, elle peut provoquer des crises d’épilepsie, ce qui peut être le premier signe révélateur de sa présence. - Méningiomes : tumeurs cérébrales bénignes les plus courantes, se développant à partir des méninges qui entourent le cerveau. Leur croissance varie d’un individu à l’autre, certains restant petits et asymptomatiques, tandis que d’autres peuvent provoquer des symptômes tels qu’un gonflement rapide, un œdème cérébral, des déficits neurologiques ou des crises d’épilepsie. Les méningiomes situés dans certaines zones, comme le front, peuvent simuler une démence frontale, mais peuvent être traités avec succès par chirurgie dans de nombreux cas. Cependant, ceux situés à la base du crâne peuvent être difficiles à enlever et peuvent menacer des structures vitales telles que le nerf optique. Bien que rare, certains méningiomes peuvent subir une transformation maligne. - Gliomes : o Astrocytomes : généralement moins agressifs. o Glioblastomes : très malins et souvent fatals, parfois résultant de la transformation maligne d’un astrocytome. o Oligodendrogliomes : redoutables et entraînent généralement le décès du patient. 8 Les infections 8.1 La méningite La méningite est une infection des méningites, se manifestant par un syndrome méningé associant des céphalées, des vomissements et une raideur de la nuque, accompagné de fièvre. Elle peut avoir une origine virale, avec généralement un pronostic favorable, ou bactérienne, avec une évolution souvent grave. Parmi les formes de méningite, les méningites bactériennes purulentes sont particulièrement dangereuses, pouvant entraîner des complications telles qu’une infection de l’encéphale, des cloisonnements du liquide céphalo-rachidien, et laisser des séquelles même après un traitement antibiotique approprié, comme des paralysies de nerfs crâniens, une surdité, des déficits focaux, une détérioration intellectuelle, des mouvements anormaux, une épilepsie ou une hydrocéphalie à pression normale. 8.2 L’encéphalite Elle peut être associée à une méningite virale ou bactérienne dont elle partage la cause et dont elle assombrit le pronostic. 1) L’encéphalite herpétique 16 Neuropsychologie 2023-2024 Elle se caractérise par une destruction sélective des lobes temporaux du cerveau. Elle se manifeste généralement par une aphasie ou une amnésie, qui apparaissent rapidement en présence de fièvre. Un diagnostic rapide est crucial, car un traitement précoce peut prévenir l’évolution naturelle vers le décès ou des séquelles graves telles qu’un syndrome amnésique ou une aphasie. 2) L’encéphalite à prion ou maladie de Creutzfeldt-Jakob Elle est provoquée par une protéine infectieuse qui altère la conformation naturelle de la protéine prion normale de l’hôte. Les symptômes caractéristiques incluent une démence rapide, des hallucinations et des troubles visuels, une ataxie et des myoclonies. Contrairement à d’autres formes d’encéphalite, il n’y a généralement pas de fièvre associée. L’EEG est souvent diagnostique, montrant un aspect typique. Malheureusement, la mort est inévitable. Une variante spécifique de cette maladie, connue sous le nom de maladie de la vache folle ou encéphalite spongiforme bovine, est transmise par la consommation de viande infectée de vache. 3) Le VIH Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), responsable du syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA), a une affinité particulière pour le cerveau, où il peut se réfugier et causer des dommages. L’infection par le VIH affaiblit le système immunitaire du patient, le rendant vulnérable aux infections opportunistes par des agents pathogènes normalement non dangereux, tels que des virus, des bactéries et des champignons. Ces infections peuvent entrainer diverses formes de méningites ou d’encéphalites. De plus, le virus VIH peut agir directement sur le cerveau, provoquant une démence connue sous le nom de « démence liée au VIH ». Cette démence se caractérise par des troubles comportementaux et mnésiques qui altèrent la personnalité du patient et son autonomie. 9 La migraine La migraine est un trouble très répandu, touchant environ 10% de la population, avec une prévalence deux fois plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Outre son impact considérable sur la qualité de vie, la migraine est également une cause importante d’absentéisme au travail. Sa cause exacte demeure mal comprise, bien qu’une composante génétique soit établie, étant donné que la plupart des patients migraineux ont des antécédents familiaux de migraine. La migraine peut provoquer des déficits neurologiques temporaires. Certains épisodes incluent des signes neurologiques focaux appelés auras, qui surviennent généralement avant le début des maux de tête. Ces auras peuvent se manifester de différentes manières, telles que des perturbations visuelles, sensorielles ou du langage. Une autre manifestation de la migraine est le syndrome d’Alice au Pays des Merveilles, qui se caractérise par des déformations de la perception visuelle ou somesthésique. Les patients peuvent ressentir des illusions de taille ou de position corporelle, ainsi que des sensations de déformation des objets environnants. Dans les cas les plus graves, tels que la migraine basilaire, les patients peuvent présenter des symptômes neurologiques graves tels que des troubles de la vigilance, une hémianopsie ou une cécité corticale, des vertiges, une dysarthrie et des paresthésies. Ces manifestations sont causées par un dysfonctionnement du cortex occipital et des structures du tronc cérébral irriguées par le système vertébro-basilaire. Ces symptômes peuvent être confondues à tort avec un accident vasculaire cérébral. 17 Neuropsychologie 2023-2024 CHAPITRE 3 : LA NEUROPSYCHOLOGIE COGNITIVE La neuropsychologie cognitive a émergé comme le courant dominant de la recherche en neuropsychologie au cours du dernier quart du 20ème siècle. Son origine remonte en réalité à la deuxième moitié du 19ème siècle, lorsque des neurologues comme Wernicke ou Lichteim ont commencé à étudier les différents types de troubles du langage à la suite de lésions cérébrales, en s’inspirant des théories associationnistes pour faire des inférences sur l’architecture cognitive du langage. Cependant, à l’époque, l’objectif principal de ces chercheurs n’était pas tant de comprendre le fonctionnement cognitif que de cartographier le cerveau et d’identifier les localisations cérébrales des différents éléments constituant les processus cognitifs, ainsi que les connexions entre eux. Jusqu’aux années 1970, le volet « cognitif » de cette approche a été relégué au second plan, laissant la place à une neuropsychologie principalement axée sur l’anatomo-clinique. La neuropsychologie anatomo-clinique vise à établir des corrélations entre les troubles cognitifs et comportementaux observés chez des patients atteints de lésions cérébrales et les régions cérébrales affectées. Cette approche, relevant principalement de la neurologie, avait pour objectif global d’identifier et de comprendre les troubles du SNC. Elle a permis l’identification de syndromes neuropsychologiques, caractérisés par des ensembles de signes cliniques (cognitifs et/ou comportementaux) fréquemment associés à des lésions spécifiques du cerveau, ce qui a facilité le diagnostic neurologique. 1 L’influence de la psychologie cognitive L’émergence de la neuropsychologie cognitive dans les années 1950, avec ce que certains ont qualifié de « révolution cognitive » en psychologie, a marqué un tournant important pour ce domaine. Cette nouvelle orientation de la neuropsychologie a mis l’accent sur les questions relatives au fonctionnement mental, plaçant ainsi le psychologue au cœur de ses préoccupations. L’objectif de la psychologie cognitive est de comprendre le fonctionnement cognitif normal en décrivant l’architecture fonctionnelle des systèmes de traitement de l’information et en précisant la nature des représentations sur lesquelles s’effectuent ces traitements. La neuropsychologie cognitive s’est rapidement nourris de ces avancées en adoptant les modèles proposés par la psychologie cognitive pour analyser les difficultés cognitives rencontrées par les patients cérébrolésés. Il est apparu que cette analyse cognitive des capacités préservées et altérées des patients cérébrolésés pouvant non seulement tester les modèles théoriques en situation clinique mais aussi contribuer au développement de ces modèles en mettant en lumière les mécanismes sous-jacents aux troubles observés. Ainsi, la neuropsychologie cognitive est née de cette convergence entre la psychologie cognitive et la neuropsychologie, apportant à la première des données cliniques issues de la pathologie. Ce rapprochement avec la psychologie cognitive a eu deux conséquences majeures pour la pratique de la neuropsychologie. - Premièrement, il a remis en question les syndromes établis par l’approche anatomo-clinique traditionnelle. - Deuxièmement, cette convergence a mis en avant l’importance de l’étude de cas unique comme unité d’analyse pour comprendre les déficits cognitifs et tester la validité des modèles théoriques. 2 Deux illustrations 2.1 Le patient PH La prosopagnosie, également connue sous le nom de « cécité des visages », est un trouble neurologique caractérisé par une incapacité à reconnaitre les visages familiers, alors que la perception des autres objets visuels reste intacte. 18 Neuropsychologie 2023-2024 ➛ Dans le cas du patient PH, il est intéressant de noter que malgré son traumatisme crânien sévère et son coma prolongé, ses capacités langagières et ses compétences générales en cognition semblent avoir été relativement préservées. Cependant, la persistance de sa prosopagnosie, même plusieurs années après l’accident, indique une atteinte spécifique à la reconnaissance des visages. Bien que PH soit capable de décrire avec précision les caractéristiques des visages et de catégoriser correctement les personnes selon leur sexe et leur âge, il ne ressent pas de sentiment de familiarité envers les visages familiers. Ce cas met en évidence la dissociation entre la reconnaissance des visages et d’autres aspects de la cognition visuelle, ainsi que l’importance des régions cérébrales spécifiques impliquées dans le traitement des informations faciales. La prosopagnosie peut résulter de lésions dans les régions du cerveau responsable du traitement des visages, telles que le gyrus fusiforme du cortex temporal inférieur. La préservation des connaissances sémantiques relatives aux personnes familières chez le patient PH suggère que ses capacités de mémoire sémantique sont intactes, renforçant l’idée que la prosopagnosie est un trouble spécifique de la reconnaissance des visages plutôt qu’un déficit global de la mémoire ou de la cognition. 2.2 Le patient AC Le cas de AC illustre une forme sévère d’amnésie antérograde, caractérisée par une incapacité à former de nouveaux souvenirs après un traumatisme crânien. Cette forme d’amnésie affecte principalement la mémoire épisodique, qui est responsable de l’enregistrement et du stockage des événements spécifiques de la vie quotidienne, tels que les expériences personnelles et les informations contextuelles. Les résultats contrastés des tests neuropsychologiques soulignent la spécificité du déficit mnésique de AC. Alors que sa mémoire épisodique est largement déficitaire, d’autres aspects de la mémoire, tels que la MCT et la mémoire sémantique sont relativement préservés. De plus, AC semble capable d’apprendre de nouvelles informations dans des contextes spécifiques, comme l’apprentissage de nouveaux mots de vocabulaire et d’informations sur des personnalités contemporaines. L’observation selon laquelle AC ne présente pas de confabulation, malgré son amnésie sévère, est également importante. La confabulation est un symptôme courant chez les patients atteints d’amnésie antérograde, caractérisé par la production de souvenirs fabriqués pour combler les lacunes de la 19 Neuropsychologie 2023-2024 mémoire. Le fait que AC ne confabule pas suggère une certaine intégrité dans ses processus de contrôle de la réalité et de la véracité de ses souvenirs. En résumé, le cas de AC met en évidence la complexité des troubles mnésiques et la nécessité d’une évaluation approfondie pour comprendre les spécificités du déficit mnésique chez chaque patient. Bien que sa mémoire épisodique soit sévèrement altérée, d’autres aspects de la mémoire et de la cognition semblent relativement préservés, ce qui souligne l’importance d’une approche différenciée dans la prise en charge des patients atteints d’amnésie antérograde. 3 Postulats de base de la neuropsychologie cognitive 3.1 Le postulat de modularité La théorie de la modularité de l’esprit, telle que proposée par Fodor, suggère que la cognition humaine est constituée de différents systèmes de traitement de l’information spécifiques et autonomes. Ces systèmes, ou modules, sont spécifiques car ils agissent uniquement sur un type particulier de représentations, et autonomes car ils présentent une relative autonomie interne de fonctionnement. Selon Fodor, les modules possèdent plusieurs caractéristiques distinctives. - Premièrement, le déclenchement d’un module est considéré comme obligatoire, ce qui signifie qu’il est activé automatiquement dès que les conditions appropriées sont rencontrées, sans possibilité de suppression consciente. - Deuxièmement, les modules sont sous-tendus par des structures neuronales spécifiques et relativement fixes dans le cerveau. - Troisièmement, les traitements modulaires échappent généralement à la conscience, agissant de manière automatique et inconsciente. La modularité de l’esprit peut être observée dans différents domaines cognitifs. Par exemple, les systèmes impliqués dans la reconnaissance des mélodies et dans la compréhension du langage parlé sont activés de manière sélective en fonction des stimuli présentés, et ils fonctionnent indépendamment les uns des autres. Cette observation est confirmée par l’étude des patients présentant des lésions cérébrales spécifiques. De plus, la modularité peut également être observée au sein des différents systèmes cognitifs eux-mêmes, dans ce que l’on appelle la micro-modularité. Par exemple, le processus de lecture de mots implique plusieurs étapes distinctes, telles que la détection des caractéristiques visuelles des lettres, la reconnaissance visuelle du mot en tant qu’entité orthographique familière, et enfin l’accès au sens du mot stocké dans le système sémantique. Ces étapes de traitement sont séquentielles et relativement 20 Neuropsychologie 2023-2024 indépendantes les uns des autres, ce qui illustre la modularité à un niveau plus fin des processus cognitifs. 3.1.1 Modularité fonctionnelle Effectivement, un objectif central de la neuropsychologie cognitive est de découvrir les architectures fonctionnelles des systèmes cognitifs. Dans cette perspective, une architecture fonctionnelle est vue comme une configuration de modules, chacun jouant un rôle spécifique dans le traitement de l’information. Lorsque l’on considère la modularité fonctionnelle, on se concentre sur la manière dont les différents modules interagissent pour réaliser des fonctions cognitives complexes, telles que la perception, la mémoire, le langage, … Cette approche met l’accent sur la structure mentale et psychologique des processus cognitifs, indépendamment de leur organisation cérébrale sous-jacente. En d’autres termes, la modularité fonctionnelle décrit comment les représentations et les traitements cognitifs sont organisés et fonctionnent au niveau psychologique, sans nécessairement se préoccuper du substrat cérébral qui les soutient. Cependant, il est important de noter que la modularité fonctionnelle n’exclut pas l’étude des bases neurales des processus cognitifs. En fait, une compréhension complète des architectures fonctionnelles des systèmes cognitifs nécessite une intégration des données provenant de la psychologie cognitive et de la neurophysiologie. En examinant les corrélats neuroanatomiques et neurophysiologiques des processus cognitifs, la neuropsychologie cognitive peut mieux comprendre comment les modules interagissent au sein du cerveau pour produire un comportement et des expériences mentales. 3.1.2 Modularité anatomique Effectivement, la question de la modularité fonctionnelle par rapport à la modularité anatomique est cruciale en neuropsychologie cognitive. La modularité fonctionnelle se réfère à la manière dont les processus cognitifs sont organisés et interagissent pour accomplir des tâches mentales spécifiques, tandis que la modularité anatomique se réfère à l’idée que ces processus cognitifs sont réalisés par des régions cérébrales spécifiques. Il est vrai que si chaque processus cognitif était strictement localisé dans des régions cérébrales spécifiques, alors toute lésion cérébrale affecterait potentiellement de nombreux modules de traitement, rendant difficile l’observation de double dissociations – des cas où une lésion affecte un module mais pas un autre. En pratique, cependant, la cognition humaine est un système complexe et distribué, et la modularité fonctionnelle ne se traduit pas toujours par une modularité anatomique stricte. Certaines fonctions cognitives, telles que les fonctions exécutives, semblent effectivement largement distribuées dans le cerveau et peuvent impliquer de multiples régions cérébrales. D’autres fonctions, comme la reconnaissance des formes des visages, peuvent être plus localisées dans des régions spécifiques du cerveau, telles que le gyrus fusiforme. Ainsi, bien que la modularité fonctionnelle soit un concept utile pour comprendre l’organisation des processus cognitifs, il est important de reconnaitre que la réalité anatomique peut être plus complexe, avec des processus cognitifs pouvant être soutenus par des réseaux neuronaux distribués plutôt que par des modules discrets. 3.2 Le postulat de transparence et de fractionnement Le principe de fractionnement et le concept de dissociation sont en effet fondamentaux en neuropsychologie cognitive. Ils impliquent que les lésions cérébrales peuvent perturber spécifiquement un seul module ou une fonction cognitive particulière, ce qui permet d’identifier les composantes et le fonctionnement de l’architecture cognitive. 21 Neuropsychologie 2023-2024 Le principe de transparence stipule que les performances observées chez un patient atteint de lésions cérébrales peuvent être interprétées comme résultant d’un traitement normal amputé d’un ou plusieurs modules. Cela signifie que la lésion cérébrale peut altérer des modules spécifiques de l’architecture cognitive, mais elle ne créé pas de nouveaux systèmes de traitement. En d’autres termes, même si les patients cérébrolésés peuvent adopter de nouvelles stratégies pour compenser leurs déficits, ces stratégies restent compatibles avec l’architecture cognitive normale. Par exemple, les patients atteints de dyslexie de surface, qui ont une atteinte du lexique orthographique d’entrée, peuvent lire en utilisant la voie indirecte (conversion graphème-phonèmes), une stratégie qui fait partie du système intact mais qui n’est pas habituellement utilisée par les sujets normaux pour l’identification visuelle des mots connus. Ainsi, le principe de transparence ne se réduit pas à un simple postulat de « soustractivité », car il reconnaît que des réorganisations fonctionnelles peuvent avoir lieu chez les patients cérébrolésés, tant que ces réorganisations restent compatibles avec l’architecture cognitive normale. 3.3 Le postulat d’universalité Le postulat d’universalité en neuropsychologie cognitive stipule que les mécanismes fondamentaux de la cognition, tels que la perception ou le langage, font partie d’un patrimoine cognitif partagé par tous les membres de l’espèce humaine. Ce postulat est crucial pour la discipline, car il permet de généraliser les conclusions tirées des études sur un patient à l’ensemble de la population. En d’autres termes, même si chaque individu est unique, la neuropsychologie cognitive part du principe que les architectures cognitives de base sont similaires chez tous les individus non cérébrolésés. Ainsi, lorsque des patients présentant des lésions cérébrales sont étudiés, les chercheurs peuvent faire des inférences sur le fonctionnement cognitif général à partir des données recueillies chez ces patients. Cependant, il est important de noter que ce postulat d’universalité doit être nuancé. Bien que les mécanismes perceptifs et certains aspects fondamentaux de la cognition puisse être universels, d’autres aspects de la cognition, tels que les systèmes de croyances, peuvent être fortement influencés par la culture, l’environnement social et l’histoire individuelle. De plus, il est possible que certaines variations interindividuelles existent dans certains domaines de l’activité cognitive. Ainsi, la neuropsychologie cognitive doit être attentive au développement d’une psychologie cognitive différentielle qui prendrait en compte les variations interindividuelles dans différents domaines cognitifs. Cela permettrait une compréhension plus fine et nuancée du fonctionnement cognitif humain. 4 Les méthodes de la neuropsychologie cognitive 4.1 La dissociation entre troubles La dissociation entre différents niveaux du fonctionnement cognitif est un élément crucial qui permet de confirmer l’indépendance entre différentes composantes des architectures cognitives. Ce phénomène est souvent observé chez les patients atteintes de lésions cérébrales et constitue une validation importante des modèles théoriques de la cognition. Pour illustrer ce concept, prenons l’exemple de la MCT et de la MLT. Les modèles actuels considèrent généralement que la MCT et la MLT fonctionnent de manière relativement indépendante l’une de l’autre. Les patients amnésiques, qui présentent un déficit sévère de la MLT tout en conservant une MCT préservée, fournissent un exemple de dissociation simple qui soutient cette hypothèse d’indépendance. Cependant, une simple dissociation ne suffit pas à confirmer l’indépendance entre deux composantes cognitives, car cela pourrait être attribué à des différences de difficulté entre les tâches mesurant ces composantes. Pour confirmer de manière plus convaincante cette indépendance, on utilise le principe de la double dissociation. 22 Neuropsychologie 2023-2024 La double dissociation est observée lorsqu’il y a un patient X présentant un déficit dans les tâches impliquant le système A mais pas dans celles impliquant le système B, et un patient Y présentant le tableau inverse. Par exemple, certains patients peuvent rencontrer des difficultés en MCT mais pas en MLT, tandis que d’autres peuvent présenter le contraire. Cette double dissociation suggère que les deux systèmes de traitements sont indépendants l’un de l’autre. L’observation de doubles dissociations entre différents aspects de la cognition, comme la MCT et la MLT, est cruciale pour éclairer la neuropsychologue sur la structure interne des architectures cognitives. Elle confirme l’existence de mécanismes cognitifs distincts et indépendants, renforçant ainsi les modèles théoriques de la cognition. 4.2 L’association de troubles L’association de troubles constitue une autre source de données importantes en neuropsychologie cognitive, permettant de valider ou d’infirmer les prédictions faites par les modèles théoriques. Lorsqu’un modèle postule l’intervention d’un même sous-composant dans des tâches différentes, une lésion affectant ce sous-composant devrait entraîner des déficits dans toutes les tâches où il intervient. Prenons l’exemple de la mémoire sémantique, considérée comme amodale dans la plupart des modèles théoriques. Si un patient présente un déficit de la mémoire sémantique, cela devrait se refléter dans toutes les tâches impliquant l’utilisation de cette mémoire, qu’il s’agisse de mots écrits, parlés ou d’images. Ainsi, une association de troubles est prédite par le modèle théorique, et si cette prédiction n’est pas vérifiée, cela remet en question le modèle lui-même ou suggère que le patient ne présente pas réellement de trouble sémantique. Cependant, il est crucial d’adopter une approche prudente face à une association de troubles, car celle-ci peut parfois résulter simplement de la contiguïté spatiale des structures cérébrales sous-tendant différents systèmes cognitifs. Par exemple, le syndrome de Gerstmann, caractérisé par l’agnosie digitale, l’acalculie, la dysgraphie et la confusion gauche-droite, est souvent attribué à des lésions dans le cortex pariétal gauche. Dans ce cas, les différents déficits observés ne reflètent pas nécessairement une altération cognitive commune, mais plutôt la proximité anatomique des régions cérébrales impliquées. Ainsi, bien que l’association de troubles puisse fournir des indications importantes sur l’organisation de la cognition, elle nécessite une analyse prudente pour éviter les interprétations erronées basées uniquement sur des corrélations anatomiques. 4.3 Le pattern des erreurs L’analyse du pattern des erreurs commises par un patient dans différentes tâches cognitives peut fournir des informations cruciales pour valider un modèle théorique. Lorsqu’un modèle précis est disponible, il devient possible de tester en détail les différentes composantes du modèle à travers les erreurs observées. Un exemple intéressant est celui décrit par Caramazza, Miceli et Villa (1986), qui ont étudié un patient présentant des troubles spécifiques dans la lecture, l’écriture et la répétition de pseudo-mots, mais qui ne commettait pas d’erreurs lorsqu’il devait traiter des mots réels. Les auteurs ont constaté que les erreurs observées dans les trois tâches partageaient des caractéristiques communes : elles étaient influencées par les mêmes variations introduites dans le matériel et entretenaient un rapport 23 Neuropsychologie 2023-2024 phonologique avec la cible à écrire, lire ou répéter. Cette similitude dans la configuration fine des erreurs a conduit les auteurs à interpréter ces déficits comme résultant de l’atteinte d’un seul composant : le buffer phonologique. Ils ont ainsi pu préciser le rôle de ce composant dans les trois tâches. Cette approche détaillée de l’analyse des erreurs permet donc de relier les déficits observés chez un patient à des mécanismes spécifiques postulés par le modèle théorique, renforçant ainsi la validité de ce modèle et fournissant des insights précieux sur l’organisation de l’architecture cognitive. 24 Neuropsychologie 2023-2024 CHAPITRE 4 : LA NEUROPSYCHOLOGIE CLINIQUE 1 La neuropsychologie clinique comme aide au diagnostic Jusqu’aux années 1970-80, le rôle principal du neuropsychologue clinicien était centré sur le soutien au diagnostic médical, l’évaluation de l’efficacité des interventions médicales et l’évaluation des déficits pour des expertises médico-légales. L’aide au diagnostic était primordiale, le neuropsychologue collaborant étroitement avec les neurologues pour identifier les syndromes neuropsychologiques chez les patients. Ces syndromes étaient des ensembles de signes cliniques associés à des lésions cérébrales spécifiques. Le neuropsychologue utilisait des tests et des observations pour identifier ces syndromes et émettre des hypothèses sur la localisation des lésions cérébrales. L’investigation neuropsychologique comportait plusieurs moments : 1) Le recueil systématique par l’observation du patient et au moyen de tests spécifiques d’un ensemble de signes ou symptômes ; 2) La comparaison de ces signes aux regroupements prototypiques ou syndromes décrits dans la littérature ; 3) Et, enfin, l’émission d’une hypothèse quant aux localisations cérébrales correspondant aux syndromes identifiés. Cependant, avec les progrès de l’imagerie médicale, le rôle du neuropsychologue dans la détection des lésions cérébrales a diminué. Les neurologues utilisent désormais des techniques d’imagerie comme le scanner PET et l’IRM pour diagnostiquer les lésions cérébrales directement. Malgré cela, le rôle du neuropsychologue persiste dans des domaines où l’imagerie médicale est moins avancée, comme dans le diagnostic des démences et des troubles développementaux. À partir des années 70, la neuropsychologie a évolué, passant du domaine de la neurologie à celui de la psychologie, notamment avec le développement de la neuropsychologie cognitive. Ce changement a élargi les objectifs de la discipline pour inclure une compréhension plus approfondie des processus mentaux et des interactions cerveau-comportement. 2 La neuropsychologie clinique aujourd’hui Les avancées en neuropsychologie ont considérablement transformé les pratiques cliniques, notamment dans le domaine de la rééducation cognitive. L’approche traditionnelle, centrée sur l’identification de syndromes neuropsychologiques, s’est révélée limitée dans sa capacité à guider efficacement la rééducation des patients. ➛ En effet, l’utilisation d’étiquettes syndromiques tend à simplifier excessivement la complexité des troubles cognitifs individuels, risquant ainsi de proposer des approches standardisées qui ne répondent pas adéquatement aux besoins spécifiques de chaque patient. Dans ce contexte, l’objectif actuel du neuropsychologue clinicien est de parvenir à une compréhension fine et précise de la nature des altérations cognitives présentées par le patient. Pour ce faire, il utilise des outils d’évaluation construits sur la base de modèles théoriques rigoureux décrivant les différents niveaux du fonctionnement cognitif. Cette approche, qualifié de « théoriquement fondée », vise à garantir l’efficacité de la thérapie en assurant une prise en charge adaptée à chaque individu. Une rééducation réussie repose sur la capacité à concevoir des programmes personnalisés, prenant en compte à la fois les déficits spécifiques du patient et ses capacités préservées. Cependant, pour parvenir à cette personnalisation, une analyse détaillée des déficits est essentielle. C’est pourquoi il est indispensable d’adopter une approche méthodique et approfondie dans l’évaluation des troubles cognitifs, afin de pouvoir concevoir des interventions ciblées et efficaces. Les pratiques cliniques en neuropsychologie évoluent vers une approche plus individualisée et théoriquement fondée de la rééducation cognitive. En mettant l’accent sur la compréhension 25 Neuropsychologie 2023-2024 précise des altérations cognitives et la conception de programmes personnalisés, les neuropsychologues visent à optimiser les chances de succès thérapeutiques pour chaque patient. 26 Neuropsychologie 2023-2024 2.1 Diversité des pratiques du neuropsychologue clinicien Le rôle du neuropsychologue clinicien s’articule aujourd’hui autour de trois axes : 1) Il doit procéder à une analyse cognitive des troubles en vue de comprendre de manière aussi précise que possible la nature des désordres cognitifs sous-jacents ; 2) Cette exploration cognitive nécessite la réalisation en parallèle d’une analyse fonctionnelle destinée à évaluer l’impact des déficits cognitifs dans les activités de la vie quotidienne ; 3) Les neuropsychologues cliniciens sont de plus en plus impliqués dans la rééducation des patients cérébrolésés, l’objectif étant de voir ce qu’il est possible d’entreprendre pour aider le patient à retrouver, sinon un fonctionnement cognitif normal, au moins une adaptation satisfaisante à son environnement. En ce sens, l’examen neuropsychologique devient la base de l’entreprise rééducative. o Il interviendra dans l’identification des déficits pour orienter la thérapie ; o Il jouera un rôle d’indicateur d’efficacité pour en mesurer les effets. Les domaines dans lesquels les compétences du neuropsychologue clinicien sont sollicitées sont divers et variés. Quelques exemples : - Évaluation et prise en charge après une lésion acquise (TC, AVC, tumeurs, épilepsie, …). - Aide à l’intégration scolaire/professionnel dans un contexte de troubles neurodéveloppementaux, psychiatriques, … - Évaluation dans un contexte d’expertise. - Accompagnement lors d’un trouble évolutif (démences, SEP, …). - Aide au diagnostic dans un contexte de vieillissement cérébral pathologique. - Accompagnement opératoire (évaluation pré et post-opératoire, opération consciente). - Évaluation au chevet du patient. 3 L’évaluation en neuropsychologie Lors d’un bilan neuropsychologique, la première étape est souvent d’évaluer les aptitudes cognitives du patient à l’aide de diverses épreuves. Bien que cette évaluation initiale puisse révéler la présence d’un déficit cognitif, elle ne fournit généralement que des indications générales sur les aspects altérés. Par exemple, une tâche de dénomination d’images peut mettre en évidence un trouble de la reconnaissance visuelle pour les objets, mais ne permet pas de déterminer précisément le type d’agnosie visuelle présenté par le patient. Pour cela, une évaluation plus approfondie est nécessaire, afin d’identifier le niveau spécifique du traitement visuel altéré, et ainsi adapter la prise en charge thérapeutique. 3.1 L’entretien clinique et l’anamnèse L’entretien est une étape essentielle de l’évaluation neuropsychologique. Il permet au neuropsychologue de créer un lien avec le patient et de recueillir des informations importantes sur son parcours scolaire, professionnel, familial, ainsi que sur ses troubles cognitifs et leur impact sur sa vie quotidienne. Pendant l’anamnèse, le neuropsychologue peut déjà observer des difficultés cognitives telles que les problèmes de mémoire ou de langage, des difficultés attentionnelles, ce qui peut orienter l’évaluation vers certains domaines spécifiques dès le début de l’examen. L’entretien d’anamnèse aide à comprendre les besoins du patient et guide la suite de l’évaluation neuropsychologique. L’entretien clinique nous montre l’importance de la qualité de la communication : 1) Utilisation flexible de la checklist d’anamnèse. 2) Importance des questions ouvertes et de la concrétisation. 3) Importance des reflets de sentiment et reformulations. 4) Questionner les émotions, les inquiétudes. 5) Résumer régulièrement. 27 Neuropsychologie 2023-2024 6) Annoncer les transitions, expliquer les questions (pensées à voix haute). 7) Synthétiser les questions posées par le patient. 3.2 Le bilan de base L’évaluation du fonctionnement cognitif ne se limite pas à l’anamnèse. En effet, la qualité des informations obtenues peut varier d’un patient à l’autre, et certains déficit cognitifs peuvent ne pas être détectés lors de cet entretien. Par conséquent, le neuropsychologue doit administrer des épreuves pour confirmer la présence de déficits et identifier les aptitudes intactes du patient. Le choix des tests à utiliser dépend des informations recueillies lors de l’anamnèse et de la localisation et de l’étendue des lésions cérébrales du patient, si elles sont connues. Le neuropsychologue cherche alors à repérer les déficits cognitifs typiquement associés à ces lésions. Cependant, la spécificité des signes liés à une localisation lésionnelle n’est pas absolue, et les troubles cognitifs peuvent être influencés par plusieurs facteurs. Par exemple, les fonctions exécutives ne sont pas strictement liées aux structures frontales, et les troubles de la mémoire peuvent dépendre de divers autres facteurs, tels que la vitesse de traitement, l’inhibition ou l’attention sélective. 3.3 Le test cognitif et les principes des normes Un test cognitif est une épreuve standardisée dans sa consigne, son matériel et ses conditions de passation, ainsi que dans l’interprétation de ses résultats. Il doit posséder des qualités de : - Fidélité, garantissant la reproductibilité des résultats d’un examinateur à l’autre et d’un moment à l’autre, - Validité, mesurant spécifiquement ce qu’il est censé évaluer, et de sensibilité, capable de détecter les individus présentant des écarts significatifs par rapport à la norme. Le pouvoir discriminant d’un test dépend de : - Sa sensibilité, qui permet de détecter tous les individus présentant des écarts par rapport à la norme, - Sa spécificité, qui permet de ne détecter que ces individus. Ce compromis entre sensibilité et spécificité dépend de l’objectif du test : la sensibilité sera privilégiée si l’on cherche à identifier tous les individus « anormaux », tandis que la spécificité sera favorisée si l’on vise à détecter uniquement les individus dont les capacités diffèrent de la normale. Ces notions sont fondamentales lors de la conception et de la validation d’un test. Une fois validé (ou étalonné), le test est utilisé de manière standardisées par le neuropsychologue. Sur un plan théorique, l’évaluation cognitive vie à identifier des dissociations entre les processus fonctionnels et ceux qui présentent des déficits. C’est là que les approches du clinicien et du chercheur convergent, car la recherche de dissociations constitue le paradigme fondamental de la neuropsychologie. Face au score d’une personne dans une tâche cognitive, le neuropsychologue doit généralement répondre à la question suivante : ce score correspond-il à ce que l’on pourrait attendre chez cette 28 Neuropsychologie 2023-2024 personne (l’hypothèse nulle ou H0 en statistique), ou bien est-il le signe possible d’une altération du traitement cognitif (l’hypothèse alternative ou H1) ? Le plus souvent, le neuropsychologue n’a pas le score antérieur de la personne pour répondre directement à cette question. Il doit donc estimer la probabilité que ce score reflète une différence par rapport à ce qui est attendu et prendre une décision en conséquence. 29 Neuropsychologie 2023-2024 Pour estimer cette probabilité, des outils statistiques sont nécessaires. Les outils statistiques utilisés en neuropsychologie clinique évaluent la probabilité de l’égalité (H0) et, si celle-ci est suffisamment faible, permettent de rejeter l’égalité (càd d’accepter la différence ou H1). En neuropsychologie clinique, les probabilités sont estimées à l’aide de paramètres statistiques issus d’un échantillon de données provenant de la population de référence, qui doit être aussi similaire que possible aux caractéristiques du patient. Ces paramètres comprennent généralement le score moyen (ou médian) de l’échantillon de référence et les variations de scores observées, telles que l’écart-type par rapport à la moyenne. Par exemple, le score Z permet d’estimer la distance standardisée entre le score observé et la moyenne de l’échantillon de référence, en nombre d’écarts-types. Sur la base de la distribution normale des données, le score Z est associé à une probabilité d’observer un tel score dans la population de référence. Par exemple, un score Z de -1,65 correspond à une probabilité d’environ 5% selon la courbe de Gauss, ce qui est généralement considéré comme peu fréquent. Un neuropsychologue qui utilise ce score Z comme seuil de décision accepte un risque d’erreur de 5% pour qualifier la performance comme n’étant pas typique de la population de référence. Ce choix de seuil est crucial car il détermine le taux de faux positifs, càd le pourcentage de personnes de la population de référence ayant un score au moins aussi éloigné de la moyenne que le score du patient. Un seuil de 5% est généralement considéré comme acceptable en neuropsychologie clinique. Pour illustrer l’importance du seuil de risque d’erreur, un neuropsychologue qui considère qu’un score situé à un écart-type en dessous de la moyenne est hors-seuil se tromperait presque une fois sur six face à une personne de la population de référence. De même, un neuropsychologue qui s’intéresse aux scores situés à un écart-type en dessous et au-dessus de la moyenne se tromperait presque 1x sur trois. Ces considérations soulignent l’importance de choisir un seuil de risque d’erreur approprié pour interpréter les résultats des tests neuropsychologiques et éviter les erreurs d’évaluation. 3.4 Sélectionner des tests pour le bilan neuropsychologique de base L’objectif du bilan neuropsychologique de base est de détecter et quantifier les difficultés cognitives chez le patient, ce qui le rend davantage quantitatif que qualitatif. À ce st

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