Chapitre 5 : Signe, Signifiant, Signifié et Référent PDF

Summary

Ce document traite des concepts de signe, signifiant, signifié et référent en linguistique et en sémiotique. Il explique les différentes théories et approches de ces notions, en se concentrant notamment sur les travaux de Peirce et Saussure. Les concepts sont illustrés par des exemples concrets.

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Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 5 : Signe, signifiant, signifié et référent CHAPITRE 5 : SIGNE, SIGNIFIANT, SIGNIFIÉ ET RÉFÉRENT Le signe est un concept fondamental de la linguistique, mais cette notion est égal...

Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 5 : Signe, signifiant, signifié et référent CHAPITRE 5 : SIGNE, SIGNIFIANT, SIGNIFIÉ ET RÉFÉRENT Le signe est un concept fondamental de la linguistique, mais cette notion est également employée en sémiotique, discipline qui se définit précisément comme la science générale des signes, « dans toutes leurs formes et dans toutes leurs manifestations » (TLFi, s.v. « sémiotique »). 1- LE SIGNE EN SÉMIOTIQUE Le philosophe et logicien américain Charles Sanders Peirce (1839-1914) a cherché à développer une théorie générale des signes, le langage n’étant qu’un cas particulier de système de signification. L’aspect le plus connu de la théorie de Peirce est la distinction entre trois types de signes, qu’il nomme icône, indice et symbole. Ces trois catégories sont distinguées en fonction du type de relation entre le signe (perceptible) et l’objet qu’il représente (i.e. l’objet auquel il se substitue). L’icône se définit par un rapport de ressemblance, d’analogie, avec ce qu’elle représente ; l’icône partage certaines propriétés avec l’objet représenté. Les photos, les tableaux figuratifs, par exemple sont des icônes. Un vélo ou une vache sur un panneau routier, une silhouette d’homme ou de femme sur la porte des toilettes sont également des icônes. L’indice (ou index) entretient une relation de contiguïté physique ou une relation causale avec l’objet représente ; il est un « symptôme ». Les traces de pas dans la neige sont l’indice de l’animal qui est passé par là, la fumée est l’indice du feu, la rougeur du visage l’indice de la fièvre. -1- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 5 : Signe, signifiant, signifié et référent Le symbole ne présente aucun rapport de ressemblance ou de contiguïté et il renvoie à son objet par une convention. Par exemple, le feu vert indique que la voie est libre ; un trait horizontal blanc sur fond rouge indique un sens interdit, un rond surmonté d’une flèche orientée vers la droite symbolise le masculin, un rond avec une croix vers le bas symbolise le féminin, la colombe tenant un rameau d’olivier dans son bec symbolise la paix, etc. Les mots d’une langue sont habituellement considérés comme des symboles. Peirce lui-même a précisé qu’en fait il y avait rarement des signes purs, mais plutôt des caractéristiques dominantes. 2- LE SIGNE SELON SAUSSURE Dans le Cours de linguistique générale, Saussure s’attache à définir les éléments qui constituent le système qu’est la langue. Or la notion de mot lui apparaît comme ambiguë et floue, il la rejette donc au profit du terme signe. 2.1- Signe, signifiant et signifié Saussure pose que le SIGNE est l’association de deux éléments : le signifiant (image acoustique) et le signifié (concept). Le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept et une image acoustique. Cette dernière n'est pas le son matériel, chose purement physique, mais l'empreinte psychique de ce son, la représentation que nous en donne le témoignage de nos sens ; elle est sensorielle [...]. Le caractère psychique de nos images acoustiques apparaît bien quand nous observons notre propre langage. Sans remuer les lèvres ni la langue, nous pouvons nous parler à nous- mêmes ou nous réciter mentalement une pièce de vers. (Saussure, 1916/1985 : 98) Nous appelons signe la combinaison du concept et de l'image acoustique [...]. (Saussure, 1916/1985 : 99) Soit, schématiquement, -2- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 5 : Signe, signifiant, signifié et référent Saussure propose ensuite de remplacer le terme concept par signifié et image acoustique par signifiant : Nous proposons de conserver le mot signe pour désigner le total et de remplacer concept et image acoustique respectivement par signifié et signifiant. (Saussure, 1916/1985 : 99) Le SIGNIFIANT n’est pas seulement la suite de sons par laquelle se matérialise le signe, il est aussi la représentation que nous nous en faisons (ainsi que des symboles graphiques, pour les langues ayant une écriture). Le SIGNIFIÉ est le concept associé à cette représentation acoustique. Attention, le signifié n’est pas l’objet du monde réel mais un concept, c’est-à-dire une abstraction mentale. 2.2- Propriétés du signe Le signe linguistique a deux propriétés essentielles, selon Saussure : a) Il présente deux faces indissociables : il n’y a pas de signifiant sans signifié et pas de signifié sans signifiant : La langue est encore comparable à une feuille de papier : la pensée [le signifié] est le recto et le son [le signifiant] le verso. (Saussure, 1916/1985 : 157) En effet, une suite de sons à laquelle n’est attaché aucun concept n’est pas un signifiant ; le signifiant n’existe que parce qu’il est associé à un signifié. Par exemple, en espagnol, la combinaison phonique [mesa] est un signifiant, parce qu’elle est liée à un signifié, un concept (ici, un certain type de meuble) ; en revanche, la combinaison [moso] n’est pas un signifiant, parce qu’il n’y a aucun signifié qui lui soit attaché. Réciproquement, un concept qui ne peut se matérialiser au moyen d’une suite phonique, c’est-à- dire un concept que l’on ne pourrait pas nommer, n’est pas un signifié. b) La relation entre le signifiant et le signifié est ARBITRAIRE, c’est-à-dire conventionnelle. Elle n’est motivée par aucune relation nécessaire de cause à effet. Le lien unissant le signifiant au signifié est arbitraire [...]. Ainsi l'idée de « sœur » n'est liée par aucun rapport intérieur avec la suite de sons [sör] qui lui sert de signifiant; il pourrait être aussi bien représenté par n'importe quelle autre : à preuve les différences entre les langues et l'existence même de langues différentes : le signifié « bœuf » a pour signifiant [böf] d'un côté de la frontière, et [oks] (ochs) de l'autre. (Saussure, 1916/1985 : 100) Attention : arbitraire ne veut pas dire que les signifiants peuvent être choisis arbitrairement par un acte volontaire individuel. Il faudrait plutôt dire que le lient entre signifiant et signifié est immotivé, i.e. il n’il y a pas de nécessité, de raison, naturelle ou réelle qui relie le signifiant et le signifié. Mais ce rapport, immotivé, est valable et obligatoire pour tous les individus d'une même communauté linguistique. Je ne peux pas décider de -3- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 5 : Signe, signifiant, signifié et référent rendre l'idée de ‘sœur’ par le signifiant [frèr] et ‘maison’ par [tabl], sous peine de ne pas être compris et donc de ne plus pouvoir communiquer. La relation entre le signifiant et le signifié possède donc un caractère contraignant : Le mot 'arbitraire' (...) ne doit pas donner l'idée que le signifiant dépend du libre choix du sujet parlant. (...) il n'est pas au pouvoir de l'individu de rien changer à un signe une fois établi dans un groupe linguistique. (Saussure, 1916/1985 : 101) Pour résumer, il existe un consensus idéal dans chaque communauté linguistique pour convenir que tel signe associe tel concept à tel signifiant. Mais la relation entre le concept et le signifiant est conventionnelle : dit autrement, si l’on reprend l’exemple de l’arbre, il n’y a rien dans le concept d’ « arbre » qui le prédestine à se mouler dans telle ou telle forme linguistique : il n’y a rien dans la nature du concept d’ « arbre », qui le lie d’une manière nécessaire au signifiant [aRbR]. La preuve que le lien entre signifiant et signifié est un lien conventionnel serait – nous y reviendrons – que ce qui en français se dit « arbre » se dit « tree » en anglais, « árbol » en espagnol, « albero » en italien, « arbor » en latin. Ce qu’il est important de souligner avec Saussure, c’est que « arbitraire » ne signifie pas « au libre choix du sujet parlant » : ce n’est pas moi qui décide que le concept d’ « arbre » va en espagnol prendre forme dans le signifiant « árbol ». Dans la mesure où tout individu s’insère dans une société particulière, avec une tradition linguistique particulière, étant donné qu’un individu acquiert une langue, dans un contexte social, familial particulier, à un moment précis de son évolution historique, il s’ensuit que la forme même de la langue dépend de sa situation socio-historique. L’arbitraire du signe est en fait une des questions les plus complexes (et les plus intéressantes !) de la linguistique. Il s’agit en fait d’un très vieux débat, toujours d’actualité, sur lequel nous reviendrons en Licence 3. Pour le moment, retenez que l’affirmation de Saussure selon laquelle le lien entre signifiant et signifié est arbitraire est devenue, au fil du temps, un véritable dogme, une vérité indiscutable, alors que Saussure lui- même avait une position plus nuancée. Un certain nombre de linguistes, aujourd’hui, pensent que le principe de l’arbitraire du signe doit être remis en cause, qu’il ne s’applique pas dans tous les cas et qu’il existe des signes motivés (le contraire d’arbitraires), i.e. des signes pour lesquels il y a un lien de nécessité entre le signifiant et le signifié. 3- SIGNIFIÉ ET RÉFÉRENT Nous avons vu que le signe est la combinaison du concept et de l’image acoustique et que le signifié est un concept, une abstraction mentale ; il ne doit donc pas être confondu avec l’objet du monde réel ou imaginaire auquel le signe permet de renvoyer. Cette réalité à laquelle le signe renvoie (on dit aussi « réfère ») est appelée le RÉFÉRENT. Le référent est l’être, l’objet, la situation du monde extérieur au langage que le signe permet d’évoquer. Le référent peut être une chose qui a une existence matérielle ou non : on peut parler de concepts, on peut mentir, on peut parler de « licornes » alors que personne n’a, à ce jour encore, prouvé qu’elles existent… Une des difficultés est de ne pas confondre le signifié et le référent. Saussure a posé comme principe qu’à un signifiant correspond un seul signifié, toujours le même. Cela semble contradictoire avec ce que nous enseigne notre pratique quotidienne du langage, car nous savons bien qu’un mot peut avoir plusieurs « sens ». Il s’agit là d’une manifestation très courante de la confusion entre signifié et référent. En effet, lorsque nous évoquons les différents « sens » d’un mot, nous pensons en fait aux différentes catégories d’objets auxquels il peut renvoyer. Le signifié est un concept très abstrait auquel nous n’avons pas -4- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 5 : Signe, signifiant, signifié et référent accès dans l’utilisation quotidienne du langage (et nous n’en avons pas besoin). Le signifié est un peu comme le logiciel d’un ordinateur. Je n’ai pas besoin de connaître les opérations, les calculs effectués par le programme – cela concerne le spécialiste, le programmateur – ; j’ai simplement besoin de savoir que telle action (appuyer sur telle touche) va produire tel résultat. De la même façon, je n’ai pas besoin de connaître le signifié d’un mot pour m’en servir, j’ai simplement besoin de savoir à quel objet il est susceptible de renvoyer et quelle image mentale il va donc éveiller dans l’esprit de mon interlocuteur. Pour mieux comprendre la différence entre signifié et référent, prenons deux exemples. 3.1- Exemple 1 : record (angl.) et disque (fr.) Les mots disque et record peuvent être considérés comme des équivalents de traduction quasi- automatiques dans un contexte comme « un disque de musique classique ». L'usage courant dirait donc que ces deux mots « veulent dire la même chose ». En réalité, ces deux mots peuvent désigner la même chose (i.e. avoir le même référent) mais ils ne signifient pas la même chose (ils n’ont pas le même signifié). Les traductions du mot record retenues par le dictionnaire Le Robert & Collins sont les suivantes : RECORD 1/ rapport, récit, registre, minute, procès-verbal, enregistrement, document – the society’s records : les actes de la société – (public) records : archives, annales – to make or keep a record : noter, consigner – this statue is a record of a past civilization: cette statue est un témoin d’une civilisation passée – it is on record that : il est établi que etc. 2/ dossier, fiche, états de service, casier judiciaire 3/ article 4/ enregistrement 5/ disque Les mots français que livre le dictionnaire forment un ensemble très disparate : enregistrement, histoire, feuille, procès-verbal, minute, note, registre, archive, bulletin, souvenir, disque, etc. Il s'agit de mots divers – et donc de notions diverses – qu'aucun Français ne songerait à rapprocher. Le rapport entre ces notions devient cependant évident si on possède la « clé » qui permet de les regrouper et qui introduit un ordre dans le désordre apparent, c'est-à-dire si on fait intervenir la signification (le signifié) de record. En effet, record ne signifie aucune des notions énumérées, mais il signifie toujours la même chose, quels que soient les contextes dans lesquels il entre. Vous aurez peut-être deviné que toutes les choses désignées par record (tous les référents) ont en commun, au-delà de leurs différences intrinsèques, d'être saisies par le mot comme remplissant la même fonction ; toutes ces choses servent à « rendre permanent », à « conserver », à « garder la mémoire ». Peu importe qu'il s'agisse d'une mémoire graphique, sonore, picturale ou architecturale. Le mot ne signifie jamais qu'une seule chose, qu'on pourrait essayer de rendre par « qui garde la mémoire de ». Envisageons, maintenant, par contraste, le signifié du mot français disque. -5- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 5 : Signe, signifiant, signifié et référent DISQUE (Le Robert) 1/ Palet de bois cerclé de métal que les athlètes lancent en pivotant sur eux-mêmes. Lancer le disque. 2/ Surface visible (de certains astres). Le disque du soleil, de la lune. 3/ Disque d’embrayage, freins à disques, disque intervertébral, disque de stationnement 4/ Plaque circulaire de matière thermoplastique sur laquelle sont enregistrés des sons dans la gravure d’un sillon spiralé. Disque compact : disque audionumérique lu par un faisceau laser. Les concepts désignés par disque sont saisis par un trait sémantique commun entièrement différent de celui qui constituait l'unité du signifié record. Ce qui explique la désignation par disque d'objets aussi différents n'est pas ce à quoi ils servent, mais leur forme : ils sont tous des objets ronds et plats. Le signifié de disque pourrait donc être ‘entité présentant les propriétés rond et plat’. Disque et record ne sont donc pas des équivalents sémantiques ; ils ne signifient pas la même chose. La propriété privilégiée ici par l'anglais est celle de la fonction alors que le français privilégie la forme. Ces deux mots ont des signifiés différents mais ils ont en commun un de leurs référents i.e. qu'ils peuvent renvoyer au même objet du monde. Ils peuvent avoir le même référent mais ils n'y renvoient pas de la même façon, ils n'en disent pas la même chose. 3.2- Exemple 2 : pièce On peut prendre un autre exemple uniquement en français cette fois-ci, avec le mot pièce. Que nous en diront la majorité des dictionnaires ? Que ce vocable possède, au moins, huit acceptions, et donc huit sens différents : (1) fragment d’un objet (2) pièce d’une habitation (3) pièce d’un vêtement (4) pièce de monnaie (5) pièce de théâtre ou de musique (6) pièce d’un puzzle (7) pièce d’un ensemble mécanique (8) pièce justificative Or, si l’on essaie de chercher non pas ce qui diffère entre la pièce de monnaie et la pièce justificative, ce qui sépare la pièce d’un puzzle de celle d’une maison – il peut s’agir autant d’objets constitués à partir de matériaux différents que d’une notion –, mais ce qui leur est commun, l’on aperçoit la présence d’un « noyau dur » sémantique et lexical. Le signifié qui fait corps avec le signifiant – graphique et phonique – p-i-è-c-e semble être le suivant : une entité indépendante d’un entier donné, d’un ensemble cohérent et/ou fonctionnel, dont elle faisait partie auparavant ou dont elle fera partie après, rien de plus. L’action séparatrice (la pose d’une cloison, la découpe au travers du métal ou du carton, de l’œuvre d’un auteur ou d’un compositeur) ou unificatrice (le rapiéçage ou l’adjonction d’un document dans un dossier) peut varier en fonction des diverses acceptions, le signifié de pièce ne nous dit rien de cela. La variabilité des acceptions des dictionnaires n’est donc pas due au signifié, mais au référent. -6- Espagnol – L2 – T2HF311-Linguistique (semestre 3) Chapitre 5 : Signe, signifiant, signifié et référent Disque et record, signifiés et référents [ˈrɛkɔːd] [disk] ‘qui garde la ‘rond et plat’ mémoire de’ article dossier palet de surface visible fiche record bois cerclé mince plaque de certains états de service circulaire utilisée de métal astres casier judiciaire pour l’enregistrement et la reproduction des sons enregistrement rapport – disque récit intervertébral minute – disque procès-verbal d’embrayage document – disque de stationnement ▪ Pichon Pour aller plus loin SAUSSURE Ferdinand de (1985) : Cours de linguistique générale, Paris : Payot, p.97-103. YAGUELLO Marina (1981) : Alice au pays du langage. Pour comprendre la linguistique, Paris : Seuil, p.91-109. -7-

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