Introduction aux Sciences du langage PDF 2024-2025

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These lecture notes cover an introduction to language sciences, specifically focusing on the core principles of Saussure and the evolution of grammar. It includes details on the different aspects of language and the distinction between language and speech.

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Introduction aux Sciences du langage Julie Marsault [email protected] Année 2024-2025 L1 Sciences du langage Code UE: L1FL001 / CM iCampus 2 Programme du semestre Les grands principes de Saussure (séance 2) Les niveaux d’analyse...

Introduction aux Sciences du langage Julie Marsault [email protected] Année 2024-2025 L1 Sciences du langage Code UE: L1FL001 / CM iCampus 2 Programme du semestre Les grands principes de Saussure (séance 2) Les niveaux d’analyse de la langue & les unités d’analyse Quelles données étudier ? Le schéma de la communication de Jakobson La spécificité du langage humain (Décrire une langue inconnue) 3 Fin de la séance 1 Les sens du terme « grammaire » 4 Sens d’origine de « grammaire » Étymologie: grec grammatikê, de gramma « lettre » Longtemps le seul mot employé pour désigner l’étude de la langue Un exemple : la publication en 1660 de la « Grammaire de Port Royal » : Grammaire Générale et raisonnée contenant les fondements de l’art de parler, expliqués d’une manière claire et naturelle. Définition du Littré au XIXème siècle : « L’art d’exprimer ses pensées par la parole ou par l’écriture d’une manière conforme aux règles établies par l’usage. » Un art : « implique un jugement de valeur esthétique (beau/laid), voire éthique (bien/mal). La visée de cette grammaire est proprement normative : la grammaire prescrit la manière de bien écrire, sur la base de l’avis de quelques érudits. » (Siouffi & Van Raemdonck 2018 : p. 10) 5 Évolution vers la grammaire descriptive Définition du Robert au XXème siècle (Siouffi & Van Raemdonck 2018) « I° Jusqu’au XIX siècle et de nos jours dans le langage courant. Ensemble des règles à suivre pour parler et écrire correctement une langue. » II° (…). Étude systématique des éléments constitutifs d’une langue, sons, formes, mots, procédés. » La systématicité est liée au caractère scientifique de la démarche. Il s’agit de faire une grammaire descriptive et explicative. → Ainsi, le terme « grammaire » peut être associé à la démarche prescriptive ou descriptive, selon le sens retenu. 6 Un mot polysémique aujourd’hui Le terme « grammaire » peut désigner : Sens associé à l’attitude prescriptive (sens historique) : 1) ensemble des règles à suivre pour parler et écrire correctement une langue Sens associés à l’attitude descriptive : 2) les règles implicites d’une langue qu’on a intériorisé lorsqu’on la parle (→ compétence du locuteur). On parle parfois de grammaire interne 3) étude systématique des éléments constitutifs d’une langue, permettant d’expliciter les règles (principalement appliqué à la morphologie et à la syntaxe) 4) proposition d’un ensemble de règles visant à décrire les langues du monde (visée théorique et généralisante, contrairement à la description d’une langue particulière) : grammaire transformationnelle (de Chomsky), grammaire de dépendances. 5) objet physique qui découle de 1), 3) ou 4) : livre, manuel de grammaire 7 De l’implicite vers l’explicite 8 (tiré d’un cours de Neige Rochant) Autre terme : « linguistique » Étymologie: latin lingua, via l’allemand Linguistik Apparaît au début du XIXème siècle → beaucoup plus récent ! « Grammaire » ou « linguistique » ? « Afin d’éviter l’ambiguïté, et eu égard à sa longue tradition normative (tradition qui n’a que peu d’équivalent pour les autres langues comme l’anglais ou l’allemand), le français a pris l’habitude d’utiliser le mot grammaire pour désigner la démarche normative [= prescriptive]. Pour désigner l’acceptation scientifique de grammaire, il emploie le terme linguistique. Cette opposition entre grammaire et linguistique ne se retrouve pas dans tous les pays. » (Siouffi & Van Raemdonck 2018) 9 Séance 2 Grands principes de Saussure 10 Saussure Ferdinand de Saussure (1857-1913) Linguiste suisse considéré comme le précurseur du structuralisme A posé plusieurs principes de base pour l’étude de la langue qui sont toujours d’actualité Considéré comme le fondateur de la linguistique moderne 11 Biographie Famille genevoise aristocratique de savants, formation scientifique Études en Allemagne auprès des « néo-grammairiens » – études sur l’histoire et la comparaison des langues, la reconstruction de proto-langues – philologie (étude de textes anciens) → langues anciennes – thèse : De l'emploi du génitif absolu en sanskrit (1880) Enseignant à Paris (École pratique des Hautes Études) Enseignant à Genève : notamment les cours de linguistique générale 12 Apports de Saussure à la linguistique Cherche à améliorer la scientificité et l’efficacité des études linguistiques : clarifier l’objet d’études et la méthologie clarifier la terminologie Mais ses seules publications datent du début de sa carrière, sur la linguistique historique. Deux anciens étudiants entreprennent d’éditer des notes d’étudiants de son Cours de linguistique générale, et en font une publication : Saussure, Cours de linguistique générale, 1916. Edité par Charles Bally et Albert Sechehaye. → « CLG » posthume 13 Idées novatrices dans le CLG L’objet de la linguistique doit être d’abord l’étude de la langue (et non la parole), définie comme un « système de signes ». La langue doit être étudiée telle qu’elle est parlée à un moment t, sans s’occuper de son évolution historique. Nous allons voir : les distinctions entre langue et parole (et le langage) la notion de « signe linguistique » (et de « signe » en général) la distinction entre synchronie et diachronie 14 Langue, langage, parole 15 Qu’est-ce que le langage ? Plusieurs définitions possibles : 1) un système de signes servant à transmettre une “un langage, information des langages” langages informatiques « langages naturels » : les langues humaines 2) la compétence à apprendre et communiquer dans un langage (1). → « faculté de produire un langage » ; « faculté d’expression ». “le langage” 16 Langage comme compétence Acceptation retenue dans les expressions « acquisition du langage », « pathologie du langage » L’humain est doué de la capacité de langage : faculté physique articulatoire (pour les langues orales) : par exemple, la grande mobilité de la langue faculté neurologique : la neurolinguistique montre que cette faculté dépend de la mise en activité de certaines zones du cerveau Cette faculté s’acquière et peut subir des pathologies 17 La fonction du langage humain La fonction principale du langage humain : la communication Le langage satisfait des besoins de communication très différents : raconter une histoire ; commander à manger ; écrire une dissertation de philosophie ; se disputer avec quelqu’un ; expliquer comment fonctionne un appareil ; raconter ses problèmes ; parler de la langue elle-même, etc. D’autres moyens de communication existent : d’autres langages, des codes comme le code de la route, les expressions faciales, … Les langues humaines sont l’outil de communication le plus puissant : degré de complexité, degré d’organisation, degré de diversité, capacité à évoluer, capacité à satisfaire une infinité de besoins différents, importance politique… 18 (adapté d’un cours de Grigory Agabalian) Définitions de « langue » 1)La langue est un langage naturel commun à un groupe social, à une communauté linguistique langue comme système ≠ langage comme compétence 2)La langue est utilisée pour distinguer les langues naturelles, parlées par les humains, comme des systèmes de signes vocaux doublement articulés (cf. Martinet, séances suivantes) langues naturelles humaines ≠ langages informatiques, créés artificiellement ≠ autres systèmes de communication : musique, langages animaux N.B. L’opposition langue/langage n’existe pas en anglais, ni en russe, ni dans de nombreuses autres langues 19 Langue vs. parole Première distinction fondamentale de Saussure : la langue est un « système de signes », donc un ensemble de conventions → c’est donc un produit social de la faculté de langage la parole : exploitation individuelle de la langue, usage concret Les lapsus (« erreurs ») exemplifiées au cours 1 relèvent-ils de la langue ou de la parole ? 20 Langue vs. parole Langue Parole Social Individuel Modèle collectif Non collectif Essentiel Accessoire, plus ou moins accidentel Enregistrée passivement Acte de volonté et d’intelligence Psychique Psycho-physique Somme d’empreintes dans le Somme de ce que les gens cerveau disent Récapitulatif par Safarti (2020), Linguistique. Initiation aux Grandes théories. 21 Langue orale & langue écrite C’est la manifestation orale de la langue qui doit être l’objet d’étude, et non ses écrits → Saussure dénonce une « tyrannie de la lettre » Saussure établit une distinction entre la « phonétique » et la « phonologie », comme disciplines distinctes – phonétique : prononciation exacte, historiquement située – phonologie : représentation mentale du système des sons d’une langue (cf. cours 3 « niveaux d’analyse ») 22 Le signe linguistique 23 Le signe au sens large « une association entre une idée (le contenu du signe) et une forme – les termes association, idée (ou contenu) et forme étant pris dans leur acceptation la plus générale possible. » (Polguère 2008:28) → toute chose qui représente autre chose qu’elle-même « il ne répond pas, c’est un signe » (par exemple, qu’il est en colère) →sens très large, applicable en dehors de l’étude des langues 24 Signes en tout genre 25 (Adapté d’un cours de Grigory Agabalian) Typologie des signes On peut classer les signes en plusieurs catégories, notamment : Signes intentionnels Signes non intentionnels Les signes sont l’objet d’étude de l’une des disciplines des Sciences du langage: la sémiotique (aussi appelée sémiologie) → cours au S2 26 Le signe linguistique (le signe de Saussure) Le signe linguistique est composé de deux éléments non dissociables : le signifié : le sens le signifiant : la forme (sonore, pour les langues orales) (aussi parfois appelé « image acoustique ») Ex. AMI est un signe linguistique, son signifiant est /ami/ et son signifié est ‘personne avec qui on a une relation d’amitié’. Le signe est une entité purement psychique : réalité mentale, conceptuelle se matérialise dans la parole (c’est-à-dire dans l’utilisation de la langue par un individu) (Adapté d’un cours de Grigory Agabalian) 27 Le signe linguistique Les deux faces du signe linguistique sont indissociables. Lorsqu’on prononce [∫(ə)val], on évoque aussitôt le concept ‘cheval’ et, inversement, ce concept ne peut exister indépendamment du matériel phonique. « La langue est encore comparable à une feuille de papier : la pensée est le recto et le son le verso ; on ne peut découper le recto sans découper en même temps le verso ; de même dans la langue, on ne saurait isoler ni le son de la pensée, ni la pensée du son ; on n’y arriverait que par une abstraction dont le résultat serait de faire de la psychologie pure ou de la phonologie pure. » F. de Saussure, Cours de linguistique générale 28 (Adapté d’un cours de Pollet Samvelian) Signifiant, signifié, référent Le signe linguistique réfère à une réalité extralinguistique (un objet, un événement, une action) appelé « référent ». représentation de cette réalité fragment de abstraction: réalité; - plus pauvre (que la r’) ce à propos de - mieux organisé quoi on communique Il simplifie la complexité 29 du réél, met en évidence l’essentiel, classe (Adapté d’un cours de Pollet Samvelian) Le référent « Le référent d’un énoncé linguistique est un élément du « monde » que cet énoncé permet de désigner dans un contexte donné de parole (c’est-à-dire d’utilisation de cette langue). Le sens appartient à la langue alors que le référent n’existe que dans la parole : ce n’est que lorsqu’on considère une instance particulière d’utilisation ou de manifestation d’un énoncé qu’on peut identifier un référent donné. » (Polguère 2008:125) Est-ce que le signifié de Ma soeur! est la personne C? non! si une autre personne que B l’utilise, cela désignera une autre personne que C Quel est le signifié de l’expression Ma soeur! ? ʿla personne de sexe féminin qui a les mêmes parents que moiʾ 30 Signifiant, signifié, référent Le signe linguistique est régulièrement représenté sous forme de triangle : signifié concept ‘cheval’ en français référent signifiant [∫(ə)val] 31 Signifiant, signifié, référent Des appellations très différentes d’un auteur à l’autre ! Umberto Eco, Le signe, histoire et analyse d’un concept, 1988. 32 (Adapté d’un cours de Pollet Samvelian) Le signe linguistique est linéaire on ne peut produire qu’un son à la fois la réalisation d’un message linguistique oral est donc une suite linéaire de sons → la nature même des langues humaines, orales avant tout, implique que le signe linguistique est linéaire Exemple d’un signe non linguistique et non linéaire? 33 (Adapté d’un cours de Grigory Agabalian) Le signe linguistique est arbitraire Le signe linguistique est arbitraire : cela veut dire que le lien entre signifiant et signifié est arbitraire: il n’existe aucun rapport « naturel » entre le concept, celui de « cheval » par exemple, et la suite de sons qui le représente : [∫] + [(ə)] + [v] + [a] + [l]. C’est ce qui explique la variété des dénominations de langue à langue pour une même réalité signifiée : français cheval, anglais horse, finnois hevonen, suédois hast. 34 (Adapté d’un cours de Pollet Samvelian) Toujours arbitraire ? Voyez-vous des exemples de signes linguistiques où la correspondance signifiant-signifié est « motivée » ? → l’onomatopée est généralement considérée comme un cas de motivation du signe linguistique dans la mesure où elle est mimétique : crac reproduit (imite) phonétiquement un craquement. → ressemblance avec certains traits de la réalité désignée Autres exemples : coucou, cocorico, meuh (chant d’un oiseau, du coq, meuglement d’une vache) ; crac, boum, tic-tac, froufrou imitent des bruits produits par des objets ou phénomènes naturels 35 (Adapté d’un cours de Pollet Samvelian) Toujours conventionnel Connaissez-vous l’équivalent de cocorico dans d’autres langues ? → même lorsqu’il est « motivé », le anglais : cock-a-doodle-do signe linguistique est tout de même conventionnel à l’intérieur italien : chichirichi ([kiki-riki]) d’une communauté linguistique (= dans une langue). japonais : kokekokko Il faut le mémoriser. finnois : kukkokiekuu 36 Stabilité du signe Le signe présente un caractère d’immutabilité et de mutabilité à la fois Immutabilité : stabilité dans le temps ou évolution très lente de certains signes qui donne une stabilité à la langue, permet son apprentissage et l’intercompréhension entre des générations de locuteurs différents Mutabilité : évolution des signes linguistiques dans le temps (plus ou moins lentement selon le type de signe), inclus la disparition de signes ou l’apparition de nouveaux signes. → sur le temps long maison → restera probablement stable pendant longtemps cassette → pourrait disparaître ou changer de signifié 37 (Adapté d’un cours de Grigory Agabalian) Effet du temps Exemple 1 : Qu’évoque le mot cassette pour vous ? Origine étymologique: probablement une dérivation en -ette (diminutif) de l’ancien français casse, quasse “caisse, coffre”. Exemple 2 : De quel verbe latin est issu le français noyer ? → necare “tuer” → ‘donner la mort, faire périr’ → en français ‘faire périr en immergeant dans un liquide’ → restriction de sens entre le latin et le français 38 La langue un système de signes 39 Système Une langue est un système de signes conventionnels et de règles de combinaisons de ces signes signes conventionnels : les signes n’ont presque jamais de relation naturelle avec ce qu’ils signifient, il s’agit d’une relation à propos de laquelle on s’est seulement mis d’accord (= une convention) → variations interlinguistiques règles de combinaison : règles qu’on applique pour construire des phrases intelligibles Exemple : mon amie salue une voisin ou un voisin salue mon ami, mais pas *Ami voisin mon salue voisin système : idée d’interdépendance des signes et des règles 40 (Adapté d’un cours de Grigory Agabalian) Sous-systèmes Le « système » de la langue décrit par Saussure est en fait divisible en sous- systèmes. on peut étudier le système en termes de relations syntagmatiques et paradigmatiques (cf. cours suivants) des systèmes plus petits peuvent être décrits en fonction de : – régions géographiques, âge des locuteurs, leur classe sociale… – les situations de communication différentes (écrit/oral, langage juridique, langage poétique…) Certains éléments vont se retrouver dans tous les sous-systèmes du français, d’autres non. → on revient à la question de la variation. Ce qui n’est pas commun à tous les sous-systèmes relève de la variation. 41 (Adapté d’un cours de Grigory Agabalian) Synchronie vs. diachronie 42 Synchronie / diachronie Point de vue synchronique : étude de la langue telle qu’elle se présente à un moment donné de son histoire. Point de vue diachronique : étude de l’évolution de la langue dans le temps Quels sont les lexèmes [≈ mots] du français prononcés /pa/ ? 1) un pas, nom 2) pas comme particule de la négation → pas de lien en synchronie / pas de lien pour un locuteur du français Quand on observe l’histoire du français (= diachronie), on constate que le mot de négation pas (je ne vois pas) vient du nom pas (faire un pas). → Les deux points de vue peuvent se contredire, ce n’est pas anormal. 43 Bibliographie Note : les références citées avec leur titre entier dans les diapositives ne sont pas nécessairement répétées ici. Polguère, Alain. 2008. Lexicologie et sémantique lexicale. Notions fondamentales. Presses Universitaires de Montréal. Safarti, Georges-Elia. 2020. Linguistique. Initiation aux grandes théories. Armand Colin. Siouffi, Gilles & Van Raemdonck, Dan. 2018. 100 fiches pour comprendre la linguistique. Bréal. 49

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