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Génétique moléculaire d’après les cours de G. Charles et M. Kerbiriou Yann Aquino 4 septembre 2017 Sommaire général I La recombinaison 2 1 Introduction...

Génétique moléculaire d’après les cours de G. Charles et M. Kerbiriou Yann Aquino 4 septembre 2017 Sommaire général I La recombinaison 2 1 Introduction à la recombinaison générale.................................. 3 2 Le modèle de Holliday.............................................. 13 3 Des modèles alternatifs de recombinaison par cassure double brin.................. 23 4 Les protéines qui interviennent dans la recombinaison.......................... 37 5 La recombinaison ectopique........................................... 49 6 Les rôles biologiques de la recombinaison générale............................ 54 7 La recombinaison non homologue....................................... 57 II Le génome extranucléaire 61 1 Introduction au génome extranucléaire................................... 62 2 Quelques exemples illustrant le mode de transmission extranucléaire................ 63 3 L’ADN mitochondrial.............................................. 69 III La variabilité génétique 76 1 Introduction à la variabilité génétique.................................... 77 2 Les mutations................................................... 80 3 Altérations et mécanismes de réparation de l’ADN............................ 103 4 Transposition.................................................... 110 IV Travaux dirigés 119 1 I La recombinaison G. Charles 2 1 Introduction à la recombinaison générale 1.1 Classification des principales associations chromosomiques en fonction de la nature des produits de la recombinaison............................................... 4 1.2 Classification des principales associations chromosomiques en fonction de la nature des gènes qui interagissent................................................. 5 1.3 Caractéristiques de la recombinaison générale............................... 6 1.3.1 Séquences homologues sur une seule molécule d’ADN...................... 6 Séquences homologues sur une seule molécule d’ADN orientées dans le même sens...... 6 Séquences homologues sur une seule molécule d’ADN orientées dans des sens opposés.... 7 1.3.2 Séquences homologues sur deux molécules d’ADN différentes.................. 8 Recombinaison entre chromatides sœurs d’un même chromosome............... 8 Recombinaison entre chromatides homologues non sœurs.................... 8 1.3.3 Moment du cycle cellulaire où se produit la recombinaison................... 9 3 CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA RECOMBINAISON GÉNÉRALE 4 Toute molécule d’ADN est de l’ADN recombinant ; il n’y a pas de molécule d’ADN qui n’ait pas été remaniée (coupée et recollée) à un moment de son histoire. En absence de recombinaison génétique, la composition des chromosomes serait restée définitivement établie depuis leur toute première polymérisation, et donc la seule évolution possible se ferait par le biais de la mutation. Or, les effets des mutations sont le plus souvent délétères, parfois neutres, mais rarement avantageux. Un chromosome subissant une mutation entraînerait la perte de l’individu porteur, et donc du chromosome en question. Ainsi, l’évolution positive serait très difficile en absence de recombinaison génétique, qui permet d’associer entre eux des segments avantageux viables, permettant aux individus de s’adapter à un environnement changeant. Ceci explique le succès évolutif des organismes à reproduction sexuée, qui met en jeu un brassage extra- et intrachromosomique. Définition. Deux significations possibles sont attribuées aux terme de recombinaison génétique. La première est donnée par Bateson, qui a introduit le terme en 1909 pour définir l’apparition dans la descendance de croisements de nouvelles associations de caractères apportés par deux lignées parentales distinctes (cf. les hybrides de première génération). Il s’agit d’une définition vague, qui ne laisse rien entendre des mécanismes moléculaires à son origine. Si les gènes sont situés sur des chromosomes différents, et donc physiquement indépendants, alors la recombinaison résulte simplement de la migration aléatoire indépendante des chromosomes vers les gamètes au niveau de la méiose. En revanche, si les gènes sont liés - physiquement dépendants - pour reassocier ensemble des caractères distincts il faudra faire appel à des échanges intrachromosomiques, le crossing-over. C’est dans ce deuxième sens qu’on utilisera le terme de recombinaison génétique, en s’intéressant à ce mécanisme de cassure et réassociation chromosomique. La recombinaison implique l’échange physique d’information génétique entre des molécules d’ADN ; entre les chromosomes, chez les organismes eucaryotes. On définit et classe les principales associations chromosomiques en fonction de différents critères. – En fonction de la nature des produits de la recombinaison. – En fonction de la nature des gènes qui interagissent. 1.1 Classification des principales associations chromosomiques en fonc- tion de la nature des produits de la recombinaison Selon les produits obtenus, on distingue trois types de recombinaisons : (1) Le crossing-over. (2) La conversion génique. (3) La transposition. Le crossing-over Le crossing-over consiste en un échange réciproque d’information entre deux lots de chromosomes appariés. L’échange d’information génétique s’opère constamment pour mélanger et réarranger des chromosomes. L’occurrence la plus évidente de ceci a lieu pendant la prophase de méiose, quand les chromosomes homologues s’apparient avant la première division réductionnelle ; durant cet appariement, il y a un échange d’information génétique entre chromosomes homologues. Cet échange, classiquement appelé crossing-over, est l’un des résultats possibles de la recombinaison homologue. CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA RECOMBINAISON GÉNÉRALE 5 La conversion génique Dans le cas de la conversion génique, on a affaire à un transfert unidirectionnel d’infor- mation (échange non réciproque). Un brin envahit l’autre. La transposition Le transposon (ou élément mobile) s’excise et peut laisser une copie derrière ou non. Dans ce cas, la séquence d’origine (transposon) est conservée. Le chromosome rouge qui a reçu le transposon s’est allongé. 1.2 Classification des principales associations chromosomiques en fonc- tion de la nature des gènes qui interagissent Selon les gènes qui interagissent, on distingue également trois types de recombinaisons : (1) La recombinaison générale. (2) La recombinaison spécialisée. (3) La recombinaison illégitime. La recombinaison générale. Aussi appelée recombinaison homologue ou encore légitime. On parle de recombi- naison homologue car elle nécessite une identité de séquence importante entre les séquences qui interagissent. Cette nécessité d’identité de séquence est de magnitude différente – chez les Procaryotes, où quelques dizaines de paires de bases (pb) suffisent à initier l’échange, et – chez les Eucaryotes, où il faut quelques centaines (au moins 200) de pb. Cet échange peut se faire a priori n’importe où dans le génome. Toute paire de molécules d’ADN peut interagir car les enzymes responsables de la recombinaison peuvent utiliser n’importe quelle paire de molécules d’ADN homologues comme substrat. La recombinaison spécialisée. On parle aussi de recombinaison programmée ou spécifique de site. Elle intéresse des séquences bien spécifiques. La taille de ces séquences peut être très faible ; quelques pb peuvent suffire pour enclencher ce mécanisme. Elle fait appel à des enzymes spécifiques, différentes de celles de la recombinaison homologue. Par exemple, c’est le cas du mécanisme mis en jeu lors de l’intégration du génome d’un bactériophage dans un chromosome bactérien. La recombinaison illégitime. Il s’agit de la catégorie pour tous les événements rares, accidents, ne rentrant pas dans les deux autres cas de figure. Par exemple, lorsqu’il y a une erreur de fonctionnement d’une enzyme qui se trompe de substrat. CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA RECOMBINAISON GÉNÉRALE 6 1.3 Caractéristiques de la recombinaison générale La recombinaison légitime est un processus cellulaire essentiel catalysé par des enzymes faites et régulées spé- cifiquement à cette fin (section 4, page 37). En plus de fournir de la variabilité génétique (en action conjointe la mutation), la recombinaison homologue permet aux cellules de récupérer des séquences endommagées, en remplaçant la section endommagée avec la séquence du brin non endommagé d’un chromosome homologue (section 3, page 23). La recombinaison apporte aussi un mécanisme pour redémarrer des fourches de réplication endommagées ou bloquées. Par ailleurs, certains types de recombinaison spécialisée permettent de réguler l’expression génique ; par exemple, en changeant des segments spécifiques au sein des chromosomes, les cellules peuvent placer des gènes silencieux dans d’autres sites où ils seront exprimés (page 31). En plus de fournir des explications concernant des processus génétiques, le fait d’élucider les mécanismes molécu- laires de la recombinaison a conduit au développement des méthodes de manipulation de gènes. Il s’agit, par exemple, des manipulations de knock-out d’un gène, ou encore la création d’organismes transgéniques ; ces méthodes pour la délétion ou introduction de gènes dans le contexte d’un organisme entier se basent sur la recombinaison. Pour que la recombinaison homologue soit possible, il faut une correspondance parfaite entre les séquences homo- logues des chromosomes homologues. Elle s’effectue davantage au moment de la prophase de méiose, mais elle peut arriver à d’autres moments du cycle cellulaire. 1.3.1 Séquences homologues sur une seule molécule d’ADN Il peut y avoir des recombinaisons entre des séquences homologues portées par le même segment d’ADN, pas sur les deux chromosomes homologues. On appelle combinaison ectopique (par opposition à combinaison homotopique l’ensemble de deux loci différents d’un même chromosome portant la même information. Autrement dit, une combinaison ectopique est formée par deux séquences identiques situées sur des loci différents (à revoir). À partir de ce constat, on décrit deux cas de figure possibles selon l’orientation relative de ces séquences : – Séquences homologues sur une seule molécule d’ADN orientées dans le même sens. – Séquences homologues sur une seule molécule d’ADN orientées dans des sens opposés. Séquences homologues sur une seule molécule d’ADN orientées dans le même sens Dans ce cas de figure, on trouve deux séquences identiques, situées sur des loci différents d’un même chromosome (sur le même brin d’ADN) et orientées dans le même sens. CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA RECOMBINAISON GÉNÉRALE 7 Pour qu’un échange d’information entre ces séquences soit possible, il faut qu’elles soient bien positionnées, côte à côte. On constitue la séquence obtenue après crossing-over en suivant la ligne du brin d’ADN. On commence de gauche à droite, par le début de la séquence en noir, puis on suit la ligne du crossing-over, qui nous mène vers la fin de la séquence en rouge et du brin d’ADN. Puis à côté on a la fin de la séquence noire, avec le segment d’ADN intermédiaire entre les deux séquences, qui conduit jusqu’au début de la séquence en rouge. Résultat. Un résultat possible du crossing-over entre deux séquences duplex sur un même brin d’ADN orientés dans le même sens est la délétion de tout le segment entre ces deux séquences. Ceci permettrait notamment d’ajuster la taille des chromosomes. Séquences homologues sur une seule molécule d’ADN orientées dans des sens op- posés Dans ce cas de figure, on trouve deux séquences identiques, situées sur des loci différents d’un même chromosome (sur le même brin d’ADN) mais orientées en sens opposés. Pour qu’un échange d’information entre ces séquences soit possible, il faut qu’elles soient bien positionnées, côte à côte. CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA RECOMBINAISON GÉNÉRALE 8 Encore une fois, on constitue la séquence obtenue après crossing-over en suivant la ligne du brin d’ADN. Résultat. Le crossing-over entre deux séquences homologues sur un même brin d’ADN, orientées en sens opposés, entraîne une inversion du segment d’ADN entre les deux séquences homologues. Ainsi, ce mécanisme permet de basculer du modèle « même sens » au modèle « sens opposés. » 1.3.2 Séquences homologues sur deux molécules d’ADN différentes Dans ce cas de figure, l’appariement est fait entre les quatre chromatides de deux chromosomes homologues. Donc soit – entre chromatides sœurs d’un même chromosome, ou – entre chromatides homologues non sœurs Recombinaison entre chromatides sœurs d’un même chromosome Après la phase S de réplication du cycle cellulaire, on passe d’un duplex d’ADN (une chromatide) à deux duplex (deux chromatides) identiques, qui peuvent interagir entre eux. Résultat. La recombinaison entre deux chromatides sœurs n’entraîne pas de changements particuliers, car il s’agit d’un échange d’information rigoureusement identique. Ceci ne conduit pas à la réassociation, sauf s’il y a eu un accident préalable. Recombinaison entre chromatides homologues non sœurs Ce type de recombinaison entraîne bien un changement de séquence, car il conduit à la réassociation d’allèles. Le modèle de recombinaison inclut aussi les exemples suivants. – L’intégration du chromosome donneur lors de la conjugaison bactérienne est faite par le même genre de mécanisme que chez les Eucaryotes (avec la différence d’absence d’appariement). – L’intégration du segment d’ADN viral de bactériophage pendant la transduction bactérienne. – La genèse de cercles polymériques chez les plasmides. Considérons deux plasmides qui possèdent des gènes homo- logues sur toute leur circonférence. N’importe lequel de ces gènes homologues (sur chacun des deux plasmides) peut servir comme substrat pour les enzymes de la recombinaison. Après la recombinaison, on obtient un cercle polymérique, constitué de plusieurs unités plasmidiques, qui se sont associées pour former un seul grand plasmide. CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA RECOMBINAISON GÉNÉRALE 9 – La recombinaison entre chromatides de chromosomes non homologues. En principe, les chromatides ne devraient pas être amenées à s’associer étroitement, mais elles peuvent se rencontrer aléatoirement. Il s’agit d’une aberration génétique, d’un échange de bras chromosomiques. 1.3.3 Moment du cycle cellulaire où se produit la recombinaison La recombinaison se fait surtout en prophase méiotique, avec une fréquence estimée à un crossing-over par bras de chromosome par méiose. Cependant, la recombinaison mitotique a aussi été mise en évidence ; elle se fait, même si c’est avec une fréquence 100 fois plus faible que celle de la recombinaison méiotique. Découverte de la conversion génique. Considérons le modèle suivant, constitué par deux individus : – Un mutant M1 , au génotype m1 , +, mutant au locus 1, sauvage au locus 2. – Un mutant M2 , au génotype +, m2 , sauvage au locus 1, mutant au locus 2. Différentes issues possibles sont attendues après la méiose de cet ensemble, après un crossing-over ou deux crossing- overs consécutifs. Tous les crossing-overs ont la même probabilité d’incidence, donc toutes les situations sont équiprobables. Expérience de Mitchell (1955). Les expériences de Mme. Mitchell, en 1955, ont fourni des résultats expéri- mentaux différents aux résultats théoriques prévus. Mitchell travaillait sur des Ascomycètes du genre Neurospora, des champignons à spores ordonnées. La particularité des spores ordonnées est le fait que celles-ci ne peuvent pas changer de place à l’intérieur des asques ; ceci permet de les utiliser pour étudier le processus méiotique. Plus précisément, les expériences de Mitchell portaient sur deux types de Neurospora mutants aux gènes pdx1 = M1 (m1 , +) et pdx2 = M2 (+, m2 ), incapables de synthétiser de la pyridoxine, ce qui permettait de les identifier sur des milieux contenant de la pyridoxine ou pas. Les croisements entre ces mutants ont donné une certaine proportion (f ⇡ 10 3 ) d’individus sauvages nouveaux, au génotype +, +, qu’on n’attendait pas dans le modèle, les gènes étant trop rapprochés pour qu’il puisse avoir un crossing-over entre eux. CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA RECOMBINAISON GÉNÉRALE 10 Il s’agit ici d’un cas de ségrégation non mendélienne (NMS, Non-Mendelian Segregation). On observe une absence du ration 2 :2 attendu, caractéristique du comportement mendélien en absence de dominance. Il s’agit donc d’un cas de conversion génique : un gène sauvage + d’un brin d’ADN a été recopié et a envahi le locus du gène mutant sur l’autre brin. C’est un transfert unidirectionnel d’information. Mitchell constate alors que cet échange unidirectionnel n’affecte qu’un petit segment du brin d’ADN, mais ne s’étend pas de part et d’autre du gène pdx. Cause possible de la conversion génique. La conversion génique peut être induite par un décalage entre les brins complémentaires d’ADN lors du crossing-over. Si ce décalage est présent, alors il y aura un mésappariement des brins homologues. La cellule tentera de réparer ce mésappariement, mais son équipement enzymatique ne sait pas déterminer quelle est la séquence d’origine, donc il y a une probabilité 50/50 que l’équipement enzymatique remplace m1 par + ou + par m1. On ne peut pas prédire où la jonction entre les brins chromosomiques homologues sera faite lors du crossing-over. La séquence d’ADN double brin issu de la jonction entre deux simples brins homologues est appelé un hétéroduplex ; plus la séquence hétéroduplex est longue, plus il y a de probabilité d’incidence de conversion génique. Une autre conséquence génétique de la recombinaison homologue est la conversion génique. On observe de la conversion génique durant les événements de recombinaison responsables de l’interconversion du signe sexuel chez la levure, par exemple. Toutefois, la conversion génique est aussi couramment observée lors d’événements CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA RECOMBINAISON GÉNÉRALE 11 de recombinaison homologue normaux, tels que ceux responsables de l’échange génétique chez les bactéries et de l’appariement de chromosomes durant la méiose. Pour illustrer la conversion génique durant la recombinaison méiotique, on considère une cellule en cours de méiose qui porte l’allèle A sur un homologue et l’allèle a sur l’autre. Après la réplication de l’ADN, quatre copies de ce gène sont présentes, et le génotype serait AAaa. En absence de conversion génique, deux gamètes portant l’allèle A et deux gamètes portant l’allèle a seraient produits. Si, à l’inverse, des gamètes au génotype Aaaa (ou AAAa) sont produits, alors une événement de conversion génique a eu lieu, dans lequel une copie du gène A a été converti en a (ou vice versa). Il y a deux façons dont la conversion génique peut arriver dans le modèle DSBR. Premièrement, on considère ce qui arriverait si le gène A était très proche du site de cassure double brin. Dans ce cas, quand le brin invasif envahi le duplex homologue et est allongé, il peut copier l’information de l’allèle a, qui remplacerait l’information de A dans le produit de recombinaison. Deuxièmement, on considère un second mécanisme de conversion génique qui implique le mésappariement de bases dans l’intermédiaire de recombinaison. Par exemple, si l’invasion du brin ou la migration de la fourche inclut le gène A/a, un segment d’hétéroduplex portant l’allèle A sur un brin et l’allèle a sur l’autre serait formé. Cette région d’ADN portant des mésappariements de bases pourrait être reconnue et processée par des enzymes de réparation de mésappariements. Quand ces enzymes détectent un mésappariement, elles excisent une courte partie de la séquence sur un des brins. Une ADN polymérase vient synthétiser de l’ADN pour combler la brèche en utilisant l’autre brin comme matrice, afin d’obtenir cette fois-ci un bon appariement. Ainsi, dans ce cas les deux brins vont porter la séquence soit de l’allèle A ou a, en fonction du brin qui a été « réparé » par les enzymes, et on aura alors un événement de conversion génique. Cartes chromosomiques Une autre cause possible de la conversion génique est l’origine de la recombinaison, qui amorce les crossing-overs ; ceux-ci sont généralement situés en dehors des gènes fonctionnels. La fréquence de crossing- over entre deux gènes du même chromosome dépend de la distance physique entre ceux-ci ; ainsi, des longues distances donnent des fréquences de recombinaison plus grandes. Cependant, la probabilité d’incidence de crossing-over n’est pas la même tout au long du chromosome, certains endroits dont plus favorables que d’autres. De ce fait, la carte recombinatoire « mendélienne » en centiMorgans (cM) établie à l’aide de la probabilité de recombinaisons ne reflète pas a réalité physique des cartes données en paires de bases. CHAPITRE 1. INTRODUCTION À LA RECOMBINAISON GÉNÉRALE 12 Carte recombinatoire. On trouve la même probabilité de recombinaison - le même taux de recombinaison - entre et N que entre N et ⌅. Cependant, en réalité on peut avoir y pb entre et N et z pb entre N et ⌅. Les distances sont variables, mais dû au fait que la fréquence de crossing-over n’est pas la même tout au long du chromosome, ces segments de taille différente recombinent avec la même fréquence. Carte réelle. Ici, sur une même distance physique, le taux de recombi- naison peut être extrêmement variable ; d’un facteur 100, voir 1000 pour les cas extrêmes. Toutefois, parfois l’ordre des gènes sur le chromosome change. Par exemple, des éléments transposables peuvent « sauter » d’une partie d’un chromosome à une autre, voire entre chromosomes, altérant l’organisation chromosomique. En revanche, les mécanismes de recombinaison mis en jeu pour la transposition, ainsi que pour d’autres mécanismes de réarrangement génomique, sont différents de ceux de la recombinaison homologue. 2 Le modèle de Holliday 2.1 Les modèles précédents........................................... 15 2.1.1 Le modèle Cassure et Réunion (1930)............................... 15 2.1.2 Le modèle Choix de Copie (1955).................................. 15 2.2 Description du modèle de Holliday..................................... 16 2.2.1 Figures en huit........................................... 21 13 CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE HOLLIDAY 14 Des expériences préalables basées sur l’utilisation d’isotopes lourds des atomes incorporés dans l’ADN ont apporté les premières visions au niveau moléculaire du processus de recombinaison homologue. Au cours de leurs expériences, Meselson et Stahl ont réussi à montrer la réplication semi-conservative de l’ADN ; cette même approche expérimentale a servi à révéler que le processus de recombinaison investigué impliquait la cassure et réunion des molécules d’ADN. On sait maintenant que la cassure et réunion de l’ADN est un aspect central de la recombinaison homologue. Cependant, la recombinaison implique souvent au moins la destruction contrôlée et limitée, puis re-synthèse de brins d’ADN. Dans les années qui ont suivi ces expériences initiales, nombreux modèles ont été proposées pour expliquer les mécanismes moléculaires de l’échange génétique. Ci-dessous sont listées cinq étapes clés communes à ces modèles. (1) Appariement de deux molécules d’ADN homologues. Par « homologues », on entend que les séquences d’ADN sont identiques, voire quasiment identiques sur une région d’au moins 100 pb (chez les eucaryotes). Malgré ce haut degré de similarité, les molécules d’ADN peuvent avoir des petites zones différentes, notamment s’il s’agit d’allèles d’un même gène. (2) Cassures dans l’ADN. Une fois les cassures faites, les extrémités double brin libérées sont processées pour produire des régions d’ADNsb. (3) Invasion du brin. Des courtes régions initiales d’appariement sont formées entre les deux molécules d’ADN en cours de recombinaison. Cet appariement a lieu quand une région d’ADNsb originaire d’un des duplex parentaux s’apparie avec son brin complémentaire sur le duplex homologue. Du fait de l’invasion du brin, des régions d’ADN hétéroduplex sont créées ; ces régions contiennent souvent des mésappariements de bases, car les séquences homologues ne sont pas parfaitement identiques. (4) Formation de la jonction de Holliday. Après l’invasion de brin, les deux molécules d’ADN en cours de recombi- naison deviennent connectées par des brins d’ADN croisés, formant une structure appelée jonction de Holliday. Cette jonction n’est pas fixe ; elle peut se déplacer sur l’ADN par la fonte et réformation d’appariements de bases complémentaires. À chaque fois que la jonction se déplace, des appariements sont brisés au niveau de la molécule parentale, tandis que des appariements identiques se forment sur l’intermédiaire de recombinaison. Ce processus est appelé migration de la jonction. (5) Résolution de la jonction de Holliday. Le processus pour finir l’échange génétique et régénérer deux molécules d’ADN est appelé résolution. La résolution peut être atteinte de deux façons ; (1) par clivage des brins d’ADN impliqués dans la jonction de Holliday ou (2) chez les eucaryotes, par le processus de dissolution. Dans le premier, le clivage des brins libère deux duplex séparés, différents des duplex parentaux avant la recombinaison. Cependant, il se peut qu’il n’y ait pas eu de crossing-over ; le choix de la paire de brins impliqués dans la jonction de Holliday qui sont coupés a un grand impact sur la quantité d’information échangée entre les deux duplex parentaux. Le modèle de Holliday (1964) est le modèle admis actuellement pour expliquer les bases moléculaires du crossing- over. Nous allons passer en revue un aperçu historique des différents modèles qui l’ont précédé, avant d’aboutir au modèle de Holliday. CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE HOLLIDAY 15 2.1 Les modèles précédents 2.1.1 Le modèle Cassure et Réunion (1930). Des observations cytologiques de l’époque ont mené au constat suivant : au cours de la méiose, les chromosomes appariés peuvent s’enrouler les autour des autres et être brisés physiquement au niveau des chromatides, suite à la tension provoqué par leur torsion et contraction. Autrement dit, la contraction due à l’enroulement des chromosomes induit une tension au niveau des brins chro- matidiens, qui se cassent pour relâcher cette tension. Les chromatides homologues cassées se réunissent, donnant le produit du crossing-over. Figure 2.1 – Modèle Cassure et Réunion (1930) Difficultés du modèle. Ce modèle propose le crossing-over comme un événement post-réplicatif, ce qui c’est avéré être vrai. En revanche, selon les propriétés de ce modèle, la cassure des chromatides se ferait au hasard. Il y aurait donc une grande probabilité qu’il y ait un décalage de la coupure sur les deux brins. Ce décalage rendrait la réunion des extrémités post-cassure peu probable. On a découvert après que cette réunion était quand-même possible, par le biais de la conversion génique. 2.1.2 Le modèle Choix de Copie (1955). Il s’agit d’un modèle contemporain avec les travaux de Mitchell (cf. le sous-paragraphe 1.3.3, page 9). Il a été établi d’après le constat que le point de rupture entre les deux chromatides homologues devait être le même, au nucléotide près. Pour expliquer cela, ce modèle proposait de relier la recombinaison pendant la réplication. Selon ce modèle, la recombinaison se déroulerait donc au cours de la phase S du cycle cellulaire. On appelle dérivation de synthèse la déviation de la synthèse, qui change de matrice pour commencer à copier le brin rouge (la séquence complémentaire du brin rouge est rouge). À ce moment, la synthèse du brin rouge est bloqué, car son substrat - sa matrice - est occupé. La polymérase du brin rouge change donc de matrice à son tour, et commence à copier le brin noir, qui est libre. On obtient ainsi un produit de crossing-over précis au nucléotide près. Difficultés du modèle. Or, comme on sait maintenant, la recombinaison est un processus post-réplicatif, il n’a pas lieu pendant la réplication. C’est ce fait qui vient infirmer l’hypothèse du modèle Choix de Copie. Le modèle a été éprouvé en utilisant des phages « légers » d’un point et « lourds » d’un autre, marqués en utilisant du 13 C et du 15 N. Les phages ont été mélangés et utilisés pour infecter des bactéries E. coli, qui ont été par la suite cultivées dans un milieu léger. Ainsi, toute molécule néosynthétisée, en utilisant les éléments du milieu de culture léger, sera légère. Figure 2.2 – Modèle Choix de Copie (1955) CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE HOLLIDAY 16 – Si le mécanisme d’échange se fait pendant la synthèse, confortant le modèle Choix de Copie, alors toutes les molécules recombinantes seraient légères. Après centrifugation sur un gradient de chlorure de césium (CsCl), on retrouverait deux bandes : une supérieure correspondant à l’ADN léger et une inférieure correspondant à l’ADN lourd. – Si le mécanisme d’échange se fait après la synthèse, infirmant le modèle Choix de Copie, alors on retrouvera plusieurs bandes d’ADN sur le gradient de CsCl après centrifugation. Le résultat observé après cette expérience a été le premier, ce qui prouve que la recombinaison n’est pas un processus qui a lieu pendant la réplication, et infirme donc l’hypothèse du modèle Choix de Copie. En effet, après réplication dans un milieu léger, on trouvera des chromosomes dédoublés totalement légers et des chromosomes dédoublés avec une chromatide lourde et une chromatide légère. Comme le crossing-over peut avoir lieu entre n’importe quelle chromatide homologue, à la fin on obtiendra un mélange de molécules d’ADN recombinées de poids différents. 2.2 Description du modèle de Holliday L’idée centrale derrière le modèle de Holliday est le besoin de réaliser un modèle pouvant passer par un complexe intermédiaire de recombinaison qui pourrait générer des crossing-overs précis au nucléotide près (car les crossing-overs peuvent arriver au sein d’un gène), ainsi que des NMS, comme la conversion génique ; ceci car ces deux phénomènes sont liés. Première étape : Initiation de la recombinaison. L’initiation de la recombinaison, qui conduit à la formation d’un intermédiaire de recombinaison est fait par un accolement des duplex homologues, puis une coupure simple brin dans chacun des deux molécules d’ADN accolées. On commence donc par une paire de duplex homologues accolés, qui vont interagir. On dessine les brins 3’ au centre pour faciliter le dessin. CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE HOLLIDAY 17 L’interaction débute par la cassure - souvent accidentelle (rayons UV, X, et cetera) d’un brin d’une des chromatides d’un chromosome homologue. Le modèle de Holliday permet aussi d’expliquer la réparation de cette cassure. À proximité du site de cassure, les brins d’ADN peuvent être séparées, libérant une extrémité 3’, qui cherche une homologie de séquence sur le brin 5’ du chromosome homologue. Le brin libéré est capable d’ouvrir le duplex (chromatide) homologue pour chercher cette homologie de séquence. Il faut une autre hydrolyse d’une liaison phosphodiester pour libérer le brin rouge où se trouve l’homologie de séquence, qui s’associe au duplex noir. Cette hydrolyse est suivie par deux ligations, effectuées par des ligases. Jonction de Holliday. Ces deux ligations consolident l’association des deux duplex, formant une paire de molécules connectées par des liaisons covalentes, appelé molécule jointe, demi-chiasma ou encore jonction de Holliday. Selon ce modèle, la jonction de Holliday (JH) doit conduire au crossing-over, aussi bien qu’à une NSM, comme la conversion génique. La JH est dotée d’une propriété dynamique : la molécule jointe est formé par des hélices enroulées, c’est un ensemble en trois dimensions. On peut continuer les hydrolyses et réassociations sur les deux duplex parentaux. De ce fait, la taille de la zone hétéroduplex est variable, en fonction de la propriété dynamique du déplacement de la fourche du demi-chiasma. Ainsi, on ne peut pas déterminer le moment de la résolution de la JH, le moment de fin du crossing-over. En effet, le déplacement de la fourche aux travers des échanges de brins d’ADN est possible. Dans l’exemple pré- senté ci-dessous, les brins rouge et bleu - tous les deux homologues avec le brin noir - peuvent échanger de position ; la rupture des liaisons hydrogène entre les bases complémentaire est possible, à un certain coût énergétique. Dans la Figure 2.3 – Exemple de déplacement de la fourche de la jonction de Holliday pratique, cette possibilité d’échange et déplacement rend difficile la détermination de l’endroit où sera résolue la JH. Dans la réalité, la fourche ne peut avancer que dans un sens. Le déplacement de la fourche est contrôlé par une bat- terie d’enzymes et protéines qui s’assurent de cela. Sans ces protéines, la vitesse de déplacement de la fourche serait d’environs 30 pb/s, avec les protéines elle est beaucoup plus rapide. Les contraintes topologiques de tension qu’entraîne la torsion des doubles hélices peuvent occasionner des cassures double brins graves. C’est le rôle des hélicases de relâcher ces tensions - afin d’éviter la cassure double brin - en coupant un double brin, pour « détortiller » la double hélice. Deuxième étape : Résolution de la Jonction de Holliday. Les enzymes principales de la résolution de la JH sont les résolvases. Elles ont la double activité d’endonucléase et ligase leur permettant de couper des simples brins et de les rebouter ensemble pour résoudre la JH. Les résolvases agissent spécifiquement sur la molécule jointe ; leur action se déroule en quatre temps, (1) reconnaissance, (2) fixation, (3) coupure et (4) ligation. La structure 3D parfaitement symétrique de la JH pose un problème aux résolvases. En effet, deux résolutions sont possibles pour chaque molécule jointe. CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE HOLLIDAY 18 Figure 2.4 – Dessin schématique de la jonction de Holliday Ici, la libération des deux duplex parentaux par les résolvases donne un simple échange d’information sur la zone hétéroduplex. La taille de cette zone dépend de la migration de la fourche de JH. Une des causes principales de la conversion génique est la présence de mésappariements dans cette zone d’échange ; lors de la réparation des mésap- pariements, la machinerie cellulaire ne sait pas lequel des deux brins porte la séquence correcte. Chacune des deux séquences a la même probabilité de remplacer l’autre, donc à la fin de la conversion génique on retrouver 50% des molécules avec une séquence entièrement noire et 50% des molécules avec une séquence entièrement rouge. Le plus souvent, les résolvases n’agissent pas directement sur la molécule jointe, mais sur la molécule plane. Cette molécule plane est le résultat de l’action des topoisomérases sur la molécule jointe. Maturation de la jonction de Holliday. Les topoisomérases agissent sur la JH pour faciliter la tâche des résolvases, on appelle cette étape la maturation de la jonction de Holliday. Pendant cette maturation, les topoisomérases font un « tour de clé » sur la molécule jointe, pour décroiser les brins d’ADN au niveau de la zone hétéroduplex. Figure 2.5 – Action des topoisomérases sur la molécule jointe La résolvase reconnaît et agit sur la forme en croix de la molécule plane, qui est parfaitement symétrique. De ce fait, deux sens de coupure sont possibles : (1) Nord-Sud (N/S) et (2) Ouest-Est (W/E). Résolution par coupure/ligation dans le sens Nord-Sud. Si la résolvase résout la JH dans le sens N/S, on obtient deux duplex d’ADN issus de l’échange d’information des deux brins parentaux centraux. Il ne s’agit ici pas d’un vrai crossing-over, car un brin de chaque chromosome parental est resté intact ; ce n’est qu’un simple échange de bras chromatidiens. CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE HOLLIDAY 19 Résolution par coupure/ligation dans le sens Ouest-Est. Dans ce cas de figure, chacun des quatres brins des deux duplex parentaux qui interagissent ont subi une coupure/ligation et ont échangé de l’information. Il s’agit donc d’un vrai crossing-over ; il y a eu un échange d’information symétrique, précis au nucléotide près, qui a donné des molécules d’ADN recombinantes. Même si les deux duplex homologues en cours de recombinaison sont presque identiques, ils peuvent porter différents allèles d’un même gène (A/a, B/b, C/c). La recombinaison est initiée par une cassure (double brin ou pas) dans l’un des duplex. À proximité du site de la coupure, les brins d’ADN peuvent être séparés, libérant une extrémité 3’ sortante qui va envahir l’autre duplex parental qui lui est homologue, chercher sa séquence complémentaire au niveau du brin 5’, puis s’apparier avec lui. L’envahissement du duplex est l’étape centrale dans la recombinaison homologue car c’est l’appariement des brins complémentaires (issus des duplex homologues) qui établit l’appariement stable entre les deux duplex parentaux. Les enzymes qui catalysent l’invasion de brin sont appelées strand-exchange proteins, car elles promeuvent cette réaction critique. CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE HOLLIDAY 20 L’invasion de brin génère une jonction de Holliday qui peut se déplacer sur l’ADN par migration de la fourche. Cette migration agrandit la longueur sur laquelle est échangé l’ADN. Si les deux molécules ne sont pas identiques, ce qui est souvent le cas entre allèles d’un même gène, la migration de la fourche par ces régions de différence génère des hétéroduplex portant un ou plusieurs mésappariements (par exemple, entre les séquences des allèles B et b). La réparation de ces mésappariements dans l’hétéroduplex entraînera des phénomènes de conversion génique, car comme les deux brins sont issus d’un duplex parental original, la cellule ne sait pas quelle séquence est la « bonne » ; ainsi, après réparation, elle convertira l’hétéroduplex en un allèle B ou b. La fin de la recombinaison nécessite généralement la résolution de la jonction de Holliday par clivage des brins d’ADN près du site de croisement. Cette réaction sépare les deux molécules d’ADN en cours de recombinaison, complétant ainsi l’échange d’information génétique. La résolution d’une JH peut se faire dans deux sens, et peut donc donner deux types de produits de recombinaison. Pour rendre les sites de résolution plus facilement repérables, la JH est « rotée » pour donner une structure plane sans brins croisés. CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE HOLLIDAY 21 Les deux brins avec la même séquence et polarité 5’-3’ doivent être clivés. Les deux alternatives de clivage sont notées site 1 et site 2 sur la figure ci-dessous. Dans cet exemple, les sites de résolution marqués site 1 se trouvent sur deux brins d’ADN composés entièrement d’ADN d’un des deux parents. Si ces brins sont clivés puis liées de façon covalente par une ligase, la molécule recombinante obtenue aura la structure montrée sur le panel de gauche de la figure. Ces produits de recombinaison sont dits splice recombination products, car les deux duplex originaux sont maintenant « épissés ensemble », avec une zone hétéroduplex entre les deux. Comme il peut être apprécié en suivant les marqueurs d’allèles, la création de splice products résulte en un réassortiment des gènes flanquant le site de recombinaison. De ce fait, les splice products sont aussi appelés crossover products ; dans ce cas, il y a eu un crossing entre les allèles A et C. D’un autre coté, le paire alternative de sites de résolution de la jonction de Holliday, notés site 2, se trouvent sur les deux brins d’ADN qui contiennent déjà des régions de séquences issues des deux brins parentaux. Après résolution selon ces sites, les duplex résultants contiennent chacun une région, ou patch, d’ADN hétéroduplex. Ces types de produits de recombinaison sont de ce fait appelés patch recombination products. Dans ces produits, la recombinaison n’a pas conduit à un réassortiment des gènes flanquant le site initial de clivage. Ces molécules sont aussi connues sous le nom de non-crossover products. 2.2.1 Figures en huit Les figures en huit, observées pour la première fois au microscope électronique par Dressler et Potter (1977), sont des données confortant le modèle de Holliday, en permettant de visualiser les JH. Figures en chi. Dressler et Potter ont travaillé sur des plasmides de E. coli, ainsi que sur des phages. Si on utilise une enzyme de restriction qui ne reconnaît qu’un seul site de restriction sur lesdits plasmides, alors ceux-ci seront linéarisés. Deux plasmides linéairisés (deux duplex linéaires) de même séquence peuvent alors s’apparier et échanger des brins, formant une jonction de Holliday. La molécule jointe peut alors roter, décroiser le demi-chiasma, pour donner une molécule plane. C’est cette molécule plane, formée par deux duplex linéaires associés, que Dressler et Potter ont observé, et qu’ils ont appelé une figure en chi. Figure 2.6 – Formation d’une figure en chi D’ailleurs, deux monomères plasmidiques peuvent très bien interagir, car leurs séquences sont homologues. Pour Figure 2.7 – Formation d’une figure en huit prouver que la figure en huit est bien un intermédiaire de recombinaison, Dressler et Potter ont utilisé une enzyme de restriction coupant à un seul site du plasmide. Après l’action de cette enzyme, on passe d’une figure en huit à une figure en chi. CHAPITRE 2. LE MODÈLE DE HOLLIDAY 22 Résolution par coupure/ligation dans le sens Ouest-Est. La coupure/ligation affecte des brins diffé- rents. Cette résolution conduit à la fusion des deux monomères plasmidiques en un seul cercle plasmidique dimérique, du fait qu’ils soient circulaires. Il n’y a pas eu d’échange ici, on obtient juste un grand plasmide avec des séquences dupliquées. Ce grand plasmide n’est pas intéressant pour la bactérie, car il représente un coût énergétique plus élevé, sans l’intérêt de la recombinaison. Pour qu’il y ait d’échange, il aurait fallu à nouveau couper et relier le dimère, afin d’obtenir deux plasmides recom- binés. Sur ce dimère, n’importe quelles régions peuvent s’associer ensemble, car on trouve des séquences homologues sur toute la circonférence. 3 Des modèles alternatifs de recombinaison par cassure double brin 3.1 Le modèle DSBR de recombinaison homologue.............................. 25 3.1.1 Le schéma-type du modèle DSBR de la méiose de levure.................... 26 3.1.2 Le modèle de résolution de Hunter et Kleckner......................... 28 Extension du modèle DSBR avec l’exemple de la recombinaison mitotique.......... 31 3.2 Le modèle SDSA de recombinaison homologue.............................. 34 3.3 Le modèle SSA de recombinaison homologue............................... 35 23 CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 24 Les cassures double brin de l’ADN surviennent fréquemment. Si ces cassures ne sont pas réparées, les conséquences pour la cellule sont désastreuses. Par exemple, une seule cassure double brin dans le chromosome d’E. coli serait létale pour une cellule n’ayant pas la capacité de le réparer. Le principal mécanisme utilisé pour réparer des cassures double brin dans la plupart des cellules est la recombinaison homologue. D’autres types cellulaires peuvent utiliser des mécanismes plus simples, comme le non homologous end joining (NHEJ) pour soigner leurs chromosomes. Chez les bactéries, le rôle biologique majeur de la recombinaison homologue est de réparer les cassures double brin. Les radiations ionisantes (comme les rayons X) , ainsi que d’autres agents endommageants de l’ADN peuvent induire des cassures double brin. Beaucoup d’autres types de lésions de l’ADN donnent naissance à des cassures double brin en interférant avec le progression d’une fourche de réplication. Par exemple, une césure non réparée d’un brin d’ADN entraînera le collapse d’une fourche de réplication qui passe. De façon similaire, une lésion de l’ADN qui rendrait un brin inutilisable comme matrice de réplication arrêtera la fourche de réplication. Ce type de fourche bloquée peut être processée par beaucoup de mécanismes différents, tels que la régression de la fourche ou une digestion par exonucléase. L’ensemble de ces mécanismes donneront lieu à des extrémités d’ADN présentant des cassures double brin, qui pourront alors initier la recombinaison avec une molécule d’ADN homologue, afin de réparer la cassure. En plus de réparer des cassures double brin dans l’ADN chromosomique, la recombinaison homologue promeut l’échange génétique chez les bactéries. Cet échange se fait entre le chromosome d’une cellule et l’ADN qui rentre dans la cellule via transduction par bactériophage ou conjugaison entre cellules. Dans ces cas, le nouvel ADN rentre dans la cellule comme une molécule linéaire, avec les extrémités « cassées » essentielles pour initier la recombinaison. Dans les cellules eucaryotes, la recombinaison homologue est essentielle pour réparer les cassures double brin et les collapses des fourches de réplication. Ce rôle de réparation chromosomique et de redémarrage des fourches de répli- cation bloquées est la principale fonction de la recombinaison homologue dans la plupart des cellules somatiques des organismes complexes, ainsi que dans les organismes eucaryotes unicellulaires à multiplication végétative. Toutefois, la recombinaison homologue est aussi indispensable lors de l’appariement des chromosomes homologues pendant la méiose. Dans ce cas, lors que les cellules rentrent en phase de méiose, elles produisent une protéine spécifique qui induit des cassures double brin recombinogènes dans l’ADN. Ainsi, même si elles peuvent surgir de plusieurs sources, l’apparition de cassures double brin est une étape clé pour la recombinaison homologue. CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 25 3.1 Le modèle DSBR de recombinaison homologue Le modèle double-strand break-repair (DSBR) a été développé en 1983 par Szostak et al. suite à des expériences de transformation chez E. coli. Pendant ces expériences, ils ont essayé de transformer un segment de chromosome de levure avec une portion de plasmide. La première constatation a été que la recombinaison présente un caractère asymétrique. Le plasmide utilisé contenait deux séquences provenant de l’ADN de levure. Il pouvait s’intégrer dans le chromosome de levure aussi bien au niveau d’une séquence que de l’autre, car la reconnaissance de l’homologie était équiprobable. Par contre, quand ils ont linéarisé le plasmide en le coupant dans une des séquences, ils ont observé que – la fréquence de transformation augmentait d’un facteur cent ou plus, et que – l’intégration du plasmide dans le chromosome de levure se faisait au niveau de la séquence coupée. De ces deux observations, ils ont tiré la conclusion que les cassures double brin sont très fortement recombinogènes. Après avoir linéarisé le plasmide en coupant au niveau d’une des séquences de levure, ils ont créé une brèche en digérant un tronçon de cette séquence. Ils ont observé que l’intégration se faisait toujours sur la séquence coupée, toujours à fréquence élevée, et que le tronçon de séquence digéré avait été réparé, la brèche avait été comblée. Il s’est produit entre le plasmide linéarisé le chromosome de levure l’équivalent d’un crossing-over, mais en un peu plus compliqué, car il y a eu aussi après une réparation de la séquence manquante sur le plasmide, en utilisant le chromosome de levure comme matrice. Après le crossing-over, A s’est hybridé avec a et d avec D. La cellule a compris qu’il manquait un segment entre A et d qui était homologue à BC, donc elle a recopié BC entre A et d. À la fin on obtient un chromosome de levure qui a intégré le plasmide et sur lequel la brèche a été réparée. CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 26 3.1.1 Le schéma-type du modèle DSBR de la méiose de levure Les cassures double brin sont relativement fréquentes. On estime leur fréquence à 8 cassures double brin par cellule par jour. Chez les Eucaryotes, il existe plusieurs voies de réparation de ces cassures. La recombinaison homologue est souvent déclenchée par des cassures double brin. Un modèle courant décrivant ce type d’échange génétique est le DSBR (double strand-break repair). Ici, on présente le modèle DSBR par recombinaison, mais on pourrait décrire beaucoup d’autres. Par exemple, le modèle NHEJ (non-homologous end jointing, ou encore le modèle BIR (break-induced replication), où la recombinaison a lieu au cours de la réplication, suite à une cassure. Avec le modèle BIR, la réparation est peu fidèle, source de mutations, mais elle est parfois viable. Le modèle DSBR débute avec une cassure double brin du duplex parental. Celle-ci peut être accidentelle, par des agents mutagènes, ou par des endonucléases spécifiques. Une exonucléase 5’-3’ crée des extrémités 3’ sortantes à partir de la cassure. Ces extrémités 3’ ont une activité recombinogène importante ; une fois prises en charge et stabilisées par RecA, elles pourront aller à la recherche d’homologie chez un autre duplex. Le complexe RecA-ADNsb trouve un duplex homologue, l’envahit et recombine avec lui. Une polymérase peut combler les brèches sur le duplex cassé en utilisant la séquence du duplex envahi, car chaque brèche a son homologie sur la séquence du duplex envahi. Il y a donc synthèse réparatrice à partir de l’extrémité 3’ des brins du duplex cassé, jusqu’à rejoindre l’extrémité 5’ du même brin. À ce moment, une ADN ligase intervient pour rabouter les brins et finir la réparation. En cas de mésappariements pendant la recombinaison ou la synthèse réparatrice, un exonucléase peut intervenir et digérer l’extrémité 3’ jusqu’à éliminer le nucléotide mésapparié, puis reprendre la synthèse. Figure 3.1 – Schéma-type du DSBR On obtient ainsi une molécule jointe constituée de deux duplex parentaux homologues. La particularité de cette molécule jointe est qu’elle possède deux JH, avec deux résolutions possibles pour chacune (N/S ou verticale, et W/E ou horizontale), donc quatre résolutions possibles pour l’ensemble de la molécule jointe. Hunter et Kleckner (2001) ont modélisé ces différentes possibilités de recombinaison. CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 27 La recombinaison homologue est souvent déclenchée par des cassures double brin dans l’ADN. Un modèle courant décrivant ce type d’échange génétique est la voie du double-strand break-repair. Cette voie débute avec l’introduction de cassures double brin dans l’un de deux duplex homologues. L’autre duplex reste intact. L’asy- métrie initiale de la cassure dans le modèle DSBR nécessite que les étapes suivantes du modèle soient aussi asymétriques ; c’est-à-dire que les duplex sont traités différemment. Après l’introduction de la cassure double brin, une exonucléase dégrade le duplex cassé pour générer des régions d’ADN simple brin : des extrémités 3’ sortantes recombinogènes. Dans certains cas, les deux extrémités libérées après cassure sont processées par l’exonucléase, tandis que dans autres seulement l’extrémité 5’ est dégradée. Ici, on montre les deux extrémités dégradées. Lesdites extrémités 3’ sortantes envahissent le duplex homologue intact. Le panel c de la figure ci-dessous montre l’invasion d’un seul brin, comme il se passe souvent au début, alors que le panel d montre les deux brins envahisseurs. Quel que soit le cas, le brin envahisseur s’apparie avec le brin du duplex homologue qui lui est complémentaire. Comme les brins envahisseurs finissent par une extrémité 3’, ils peuvent servir comme amorces pour la synthèse d’ADN utilisant les brins homologues comme matrices. L’élongation à partir de ces extrémités, en utilisant le brin complémentaire du duplex homologue comme matrice, sert à régénérer les régions d’ADN qui ont été détruites par les exonucléases à partir du site de cassure. CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 28 Si les séquences des deux duplex d’origine n’étaient pas identiques à proximité du site de coupure, de l’in- formation pourrait être perdue pendant la recombinaison par la voie DSBR. Dans l’exemple présenté ci-dessus, l’information de la molécule grise correspondant à la séquence dégradée par les exonucléases est perdue et rem- placée par la séquence présente sur le duplex bleu. Cette étape non réciproque dans la recombinaison par DSBR laisse parfois des traces génétiques, donnant lieu à un événement de conversion génique. Les deux jonctions de Holliday présentes dans l’intermédiaire de recombinaison produit par le modèle DSBR se déplacent par migration de la fourche, avant d’être finalement résolues individuellement pour finir la recombinaison. Les brins clivés lors de ces résolutions déterminent si les produits de recombinaison porteront des gènes réassortis dans les régions flanquant la zone de recombinaison ou pas. 3.1.2 Le modèle de résolution de Hunter et Kleckner Quand la résolution se fait dans le sens horizontal, la coupure/ligation est subie par les brins centraux. Quand elle se fait dans le sens vertical, la coupure/ligation est subie par les brins externes. Résolution dans le même sens, horizontal-horizontal. Dans cette possibilité de résolution, les deux brins externes restent intacts. Dans le secteur central, on trouve une zone hétéroduplex avec un rapport de trois brins rouges pour un noire, car on a utilisé la séquence rouge pour réparer les brèches de la noire. Cette zone hétéroduplex est un zone où les mésappariements sont possibles, donc une zone qui pourrait engendrer une conversion génique. Mais a priori il n’y aura pas de conversion génique, car tout mésappariement éventuel pendant la phase de synthèse réparatrice aurait été réparé. Le duplex est resté cohésif après réparation, il n’y a pas eu échange d’information, donc pas de crossing-over. C’était une réparation sans crossing-over. Résolution dans le même sens, vertical-vertical. Dans cette possibilité de résolution, on retrouve à nouveau la zone centrale hétéroduplex au rapport 3 :1. Il y a échange de segments de chromatide, mais pas échange de CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 29 chromatides complets. Donc il n’y a pas eu de vrai crossing-over. Selon le modèle de Hunter et Kleckner, les résolutions dans le même sens ne donnent pas des crossing-overs. Seules les résolutions en sens opposés donnent des vrais crossing-overs. Résolution en sens opposés, vertical-horizontal Dans cette possibilité de résolution, il y a bien eu échange de brins chromatidiens. C’est donc une réparation avec crossing-over. Résolution en sens opposés, horizontal-vertical Dans cette possibilité de résolution, il y a bien eu échange de brins chromatidiens. C’est donc une réparation avec crossing-over. Action des topoisomérases pouvant libérer l’ensemble. En réalité, il y a une cinquième résolution possible de cette molécule jointe. Si des topoisomérases viennent détortiller les deux brins croisés, on obtiendrai un duplex parental rouge intact et un duplex parental noir réparé avec les séquences du duplex rouge. Le système a beaucoup de résolutions possibles. Selon les partenaires utilisés, on peut obtenir une simple réparation de la cassure, une réparation des mutations, voire même un échange de brins, fabriquant des nouvelles associations, remaniant le génome. Ces modèles ont été très étudiés depuis les années 2000. On a découvert beaucoup de protéines impliquées dans le système, après la création de la brèche. Par exemple, la protéine Rad50, qui crée la brèche, ou les protéines Rad51, 52, 55/57, qui participent à la réparation de la brèche. La protéine Rad51 est l’équivalent eucaryote de RecA. En 1998, on a découvert chez la souris des mutations de Rad51 qui entraînaient une mort embryonnaire ; ceci a permis de mettre en évidence l’implication des mécanismes CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 30 de réparation de l’ADN au cours du développement embryonnaire. En 2012, il a été découvert que Rad51 catalyse directement la recombinaison mitotique et indirectement la réparation de l’ADN durant la méiose. Des mutants de Rad52 chez la levure sont incapables de réparer es dommages des radiations sur l’ADN, particu- lièrement celles dues aux rayons X. Chez les bactéries, on trouve le système SOS. Après une agression de l’ADN, la bactérie active une batterie de protéines de la recombinaison, dont RuvAB, pour remanier et faire bouger son génome. La façon dont les jonctions de Holliday présentes sur l’intermédiaire de recombinaison sont clivées a un grand impact sur la structure des molécules d’ADN produites. Lesdits produits de recombinaison verront les séquences flanquant le site de recombinaison – soit réassorties, dans les produits splice, – ou pas, dans les produits patch, selon comment la résolution est achevée. Pour chacune des jonctions de Holliday dans l’intermédiaire de recom- binaison du modèle DSBR, il y a deux sites de clivage possibles. La règle simple pour déterminer si la résolution résultera en un crossing-over ou pas dit que – si les deux jonctions sont clivés dans le même sens, il n’y aura pas de crossing-over, tandis que – si les deux jonctions sont clivés dans sens différents, il y en aura. Un exemple de cette règle est présenté ci-dessous. Dans le panel b, on trouve les produits de recombinaison obtenus quand les deux jonctions sont résolus selon le site 2. Notez que les marqueurs d’allèles A/B et a/b sont toujours présents sur les mêmes molécules d’ADN, comme ils l’étaient sur les duplex parentaux originaux. Le clivage des deux jonctions selon le site 1 donne aussi des produits patch. En revanche, quand les deux jonctions de Holliday sont clivées selon des sites différents, alors des produits splice sont obtenus. Dans le panel c, on obtient le produit de recombinaison quand la jonction x est clivée dans le sens 1, alors que la jonction y est clivée selon le sens 2. Notez que dans ce cas l’allèle A est sur la même molécule que l’allèle b, à différence des duplex parentaux ; donc il y a eu réassortiment des gènes flanquant la zone de recombinaison. De même, le clivage selon les sens 2 et 1 donne aussi des produits splice. – patch+patch=patch. – splice+splice=patch, car la deuxième résolution de type splice « défait » le réassortiment induit par la pre- mière. – patch+splice=splice. – splice+patch=splice, car le réassortiment induite par le premier splice est retenu dans le produit. CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 31 Extension du modèle DSBR avec l’exemple de la recombinaison mitotique Exemple de l’interconversion du signe sexuel chez la levure. On a constaté qu’il existe deux types de levures : des souches homothalliques et des souches hétérothalliques. En phase haploïde, on trouve deux signes sexuels chez la levure : a et ↵. Figure 3.2 – Cycle cellulaire d’une levure Deux colonies de levures, une a et une ↵, ont été isolées séparément. Il a été constaté que chaque colonie pouvait néanmoins produire des asques et des spores. Pendant les mitoses successives, les haploïdes a pouvaient fabriquer des souches ↵ et vice versa. Structure du chromosome 3 de la levure. Chez la levure, c’est le chromosome 3 qui porte l’information codant pour le signe sexuel. En partant d’un télomère vers l’autre, on trouve successivement une cassette HML contenant l’allèle ↵, puis le centromère, puis le locus MAT (mating type), qui est le locus déterminant le signe sexuel de l’individu portant ce chromosome. Entre la cassette HML et le locus MAT il y a 180 kpb. Après le locus MAT, on trouve la cassette HMR, contenant l’allèle a, puis l’autre télomère. Les cassettes HML et HMR sont dites « silencieuses ». Elles se trouvent proches des et jouent le rôle de sauvegarde du code génétique. Le processus d’interconversion débute avec une cassure double brin du locus MAT sous l’action de l’endonucléase HO (homothallic switching endonuclease), responsable de la recombinaison mitotique. Le locus MAT est donc coupé en deux, puis dégradé spécifiquement au niveau d’une séquence particulière présente aussi bien dans l’allèle a que dans l’allèle ↵. Cette séquence particulière est une séquence consensus de 24 pb, reconnue par l’enzyme HO. Après cette cassure, il y a une extension de la brèche créée, par une exonucléase (processus similaire au début du modèle DSBR), qui libère des extrémités 3’ sortantes. Pour réparer la brèche, la cellule utilise l’information homologue CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 32 sur l’une des séquences silencieuses des cassettes HML ou HMR. Il existe un système permettant de réparer la brèche en recopiant une de ces séquences silencieuses à la place du locus MAT. C’est un exemple de conversion génique, car la séquence d’origine reste intacte et se retrouve dupliquée. Il semblerait que chez les levures homothalliques le gène HO soit non fonctionnel. Il n’y a donc pas d’interconversion du signe sexuel possible chez ces levures. Les cellules de levure haploïdes exprimant le signe sexuel a produisent une hormone a et un récepteur à l’hormone ↵ et réciproquement. Ainsi, les cellules complémentaires peuvent s’agglutiner, provoquant un arrêt du cycle cellulaire. L’arrêt du cycle cellulaire permet la conjugaison, en sortant du cycle de mitoses successives, ce qui permet à la colonie de grandir. Exemple de la recombinaison mitotique et la réparation des cassures chromosomiques. Chez la levure, il peut se produire des réparations de cassures chromosomiques par recombinaison pendant le cycle de mitoses. Si on traite des levures avec un agent mutagène comme les rayons X, afin d’induire des cassures double brin, on voit augmenter le taux de recombinaisons mitotiques. On constate que les cellules haploïdes irradiées sont très sensibles pendant la phase G1 du cycle cellulaire, et beaucoup moins pendant la phase G2. Les cellules diploïdes sont plus résistantes que les haploïdes, en particulier celles en phase G1. Ceci est du au fait que les réparations des cassures double brin font appel à des segments homologues à la copie qui est cassée. – Chez les cellules haploïdes en phase G1, on trouve un seul jeu de chromosomes au stade monochromatidien. Il y a un seul duplex par chromosome, pas de chromatides sœurs, pas d’homologues. Les cassures double brin sont de ce fait très difficiles à réparer, car il faut compter sur une séquence homologue sur le même chromosome qui soit assez éloignée pour qu’il puisse y avoir recombinaison. – Chez les cellules haploïdes en phase G2, on trouve un seul jeu de chromosomes au stade bichromatidien. Chaque chromatide a une chromatide sœur avec une séquence homologue à la sienne. La réparation de cassures double brin est donc plus facile, car elle peut être faite en copiant la séquence de la chromatide sœur de la chromatide cassée. – Chez les cellules diploïdes, on trouve deux jeux de chromosomes. Tous les chromosomes ont un homologue. Au stade bichromatidien, une cassure double brin d’une chromatide peut être réparée soit en utilisant la séquence de sa chromatide sœur, soit en utilisant la séquence d’une des chromatides du chromosome homologue. En plus de promouvoir l’appariement et réparation d’ADN, ainsi que l’échange génétique, la recombinaison homologue peut aussi servir pour changer des séquences d’ADN sur des sites précis du chromosome. Ce type de recombinaison est parfois utilisée pour réguler l’expression génique. Par exemple, la recombinaison contrôle le signe sexuel de la levure S. cerevisiae en changeant le gène mating-type qui est présent à un locus spécifique et qui est exprimé dans le génome d’un organisme. S. cerevisiae est un eucaryote unicellulaire qui existe sous trois types cellulaires. Les S. cerevisiae haploïdes peuvent avoir deux signes sexuels : a ou ↵. En plus, quand une cellule a et une cellule ↵ se trouvent à proximité, elles peuvent conjuguer pour former une cellule diploïde a/↵. Ce diploïde peut par la suite subir la méiose pour CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 33 donner deux cellules haploïdes a et deux cellules haploïdes ↵. Les gènes mating-type codent pour des régulateurs de transcription. Ces régulateurs contrôlent l’expression de gènes cibles dont les produits définissent le signe sexuel. Les gènes mating-type exprimés dans une cellule donnée sont ceux trouvés sur le locus mating-type (MAT). Ainsi, dans les cellules de signe a, le gène a1 est présent dans le locus MAT, alors que dans les cellules de signe ↵, ce sont les gènes ↵1 et ↵2 qui sont présents au locus MAT. Dans les cellules diploïdes, les deux sets de gènes mating-type sont exprimés. Les cellules peuvent changer les signe sexuel par recombinaison. En plus des gènes ↵ ou a présent au locus MAT de chaque cellule, il y a une copie additionnelle silencieuse des deux gènes ailleurs dans le génome. Ces copies additionnelles non exprimées se trouvent dans les loci HMR et HML ; lesdits loci sont donc appelés cassettes silen- cieuses. Leur fonction est de pourvoir une réserve d’information génétique qui peut être utilisée pour interconvertir le signe sexuel de la cellule. L’interconversion requière le transfert d’information génétique des sites HM au locus MAT via recombinaison homologue. En effet, même si le chromosome 3 de la levure porte trois loci mating-type, seulement les gènes au locus MAT sont expimés. Le locus HML code pour une copie silencieuse des gènes ↵, alors que le locus HMR code pour une copie silencieuse du gène a1. L’interconversion du signe sexuel est déclenchée par l’introduction d’une cassure double brin dans le locus MAT. cette réaction est catalysée par l’endonucléase HO. L’expression du gène HO est très bien régulée, afin d’assurer que l’interconversion du signe sexuel n’aie lieu que quand elle est nécessaire. HO est une endonucléase avec une grande spécificité de séquence. Les seuls sites dans le génome de levure qui portent des sites de reconnaissance pour HO sont les loci mating-type. La dégradation 5’-3’ de l’ADN au site de coupure induit par HO se fait par le même mécanisme que lors de la recombinaison méiotique. Ainsi, le complexe protéique MRX spécifique des extrémités 5’ dégrade ces brins, alors que les extrémités 3’ restent stables et ne sont pas sujettes à une digestion par endonucléases. Une fois les extrémités 3’ sortantes générées, elles sont recouvertes par des monomères de Rad51 et Rad52, entre autres. Ces brins recouverts de Rad51 débutent leur quête d’homologie de séquence pour débuter l’invasion de brin. L’interconversion du signe sexuel est unidirectionnelle. C’est-à-dire que l’information « déplacée » du la cassette HML ou HMR vers le locus MAT, mais jamais du locus MAT vers l’une des cassettes. Ainsi, le locus MAT est toujours le « receveur » lors de ce type de recombinaison, alors que les cassettes HML et HMR restent inchangées. Cette polarité du transfert unidirectionnel d’information vient du fait que l’endonucléase HO ne peut pas cliver son site de reconnaissance sur les cassettes HML ou HMR, car la structure de la chromatine sur ces sites les rend inaccessibles. Les extrémités 3’ sortantes recouvertes de Rad51 du locus MAT « choisissent » la cassette qu’elles vont envahir. Si le gène porté au locus MAT est a, alors le brin envahira la cassette HML, qui porte la séquence « en réserve » des gènes ↵. En revanche, si ce sont les gènes ↵ qui sont déjà présents sur le locus MAT, alors le brin envahira la cassette HMR. Après recombinaison, l’information génétique portée par la cassette HM choisie est présente sur le locus MAT aussi. Ce changement génétique a lieu sans un échange réciproque d’information du locus MAT au locus HM. Ce type de recombinaison non réciproque est en fait un exemple spécialisé de conversion génique. Même si la voie de réparation DSBR est capable d’expliquer le mécanisme de l’interconversion du signe sexuel CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 34 par recombinaison, des nouvelles expériences indiquent que ce mécanisme de recombinaison diverge du modèle DSBR après l’étape d’invasion du brin. Une indication que ce mécanisme est différent est le fait que la classe de produits de recombinaison splice n’est jamais observée suite à l’interconversion du signe sexuel. Selon le modèle DSBR, on devrait obtenir des produits splice et patch à des fréquences similaires ; cependant, dans le cadre de l’interconversion du signe sexuel, on n’observe jamais de produits splice. De ce fait, des modèles de recombinaison qui ne font pas intervenir une résolution d’intermédiaires de jonction de Holliday expliquent mieux l’interconversion du signe sexuel. 3.2 Le modèle SDSA de recombinaison homologue Pour expliquer la conversion génique sans crossing-over, un nouveau modèle de recombinaison, appelé synthesis- dependent strand annealing (SDSA) a été proposé. L’événement déclenchant la recombinaison est (comme pour le modèle DSBR) une cassure double brin au niveau d’un duplex parental. Après digestion 5’-3’ des extrémités 5’ libérées par une exonucléase, le brin 3’ invasif sert d’amorce pour initier la synthèse d’ADN à partir d’une région d’homologie flanquant le locus Y a, puis pour continuer de copier la séquence Y a. De façon remarquable, et contrairement à ce qui a lieu dans le modèle DSBR, une fourche de réplication complète est assemblée à ce site. Cependant, à différence de la réplication d’ADN normale, le brin nouvellement synthétisé est déplacé de sa matrice et s’hybride avec la deuxième extrémité 5’ digérée. Une fois ce processus d’hybridation achevé, l’extrémité 3’ correspondante est clivée par une endonucléase, et la nouvelle extrémité 3’ ainsi créée est utilisée pour amorcer et rallonger la synthèse de la copie du second brin de la séquence Y a. Ceci résulte en la synthèse d’un nouveau segment d’ADN double brin, joint au site d’ADN originellement clivé par HO et digéré par les endonucléases. Ce nouveau segment a la séquence du segment qui a été utilisé comme matrice (HMR dans ce cas). CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 35 Ainsi, l’ADN nouvellement synthétisé, une copie exacte de l’information contenue dans la séquence homologue, rem- place l’information originellement présente. Ce mécanisme explique comment la conversion génique a lieu sans nécessiter la résolution d’une jonction de Holliday. Avec ce modèle, l’absence de produits de type splice durant l’interconversion du signe sexuel n’est plus un mystère. 3.3 Le modèle SSA de recombinaison homologue Le modèle SSA (single strand annealing) de recombinaison homologue a été établi en 1984, suite à des expériences faites sur la souris et les végétaux. Il s’agit de la représentation d’une voie de réparation de cassures doubles introduites dans deux séquences répétées sur le même chromosome ou entre deux duplex homologues cassés. Le modèle SSA est unique dans le sens où il ne nécessite pas d’un autre duplex homologue intact pour effectuer la réparation, à différence des autres modèles de recombinaison homologue DSBR et SDSA. On commence avec deux duplex parentaux homologues, tous les deux ayant subi une cassure double brin. Une exonucléase vient digérer les extrémités 5’ de chaque brin au niveau de la cassure, libérant deux extrémités 3’ sortante par duplex, qui peuvent être prises en charge par RecA, par exemple. Les deux extrémités 3’ sortantes d’un duplex trouvent leur homologue dans la séquence du duplex homologue, donc elles s’apparient directement. Les parties des duplex qui ne participent pas à cet appariement sont isolées et dégradées. La recombinaison par SSA peut ainsi entraîner des pertes importantes d’information. Il peut y avoir un décalage dans la séquence homologue, qui entraînera l’expulsion d’une partie des deux brins appariés. Ce décalage est induit par l’asymétrie initiale des deux coupures double brin, qui ne se font pas au même endroit sur les deux duplex ; ainsi, il est très improbable que les régions flanquant les sites de coupure sur chacun des duplex soient homologues. Ces parties expulsées seront par la suite dégradées. Il peut aussi y avoir un manque de séquence homologue sur un brin, créant une brèche. Cette brèche sera comblée en utilisant la séquence du brin homologue comme matrice. Mécanisme non-conservatif. Celui-ci est un modèle de réparation « à l’arrache », car on ne récupère qu’un seul duplex chimérique à partir de deux duplex cassés. De ce fait, on l’appelle un mécanisme non-conservatif. Le résultat de la recombinaison par SSA est un duplex recombinant ; l’équivalent d’un crossing-over, mais sans réciprocité. Ce modèle peut paraître un peu brutal, mais c’est un façon pour la cellule de faire une réparation convenable s’il n’y a pas de séquences homologues. Certes, il y a des pertes plus ou moins importantes d’information, mais la recombinaison par SSA permet aux organismes (surtout aux organismes haploïdes) de survivre et de remanier leur génome. C’est l’importance des séquences répétées dans la réparation de l’ADN, on espérant que l’information entre les séquences répétées (qui sera donc perdue) ne soit pas trop importante. CHAPITRE 3. DES MODÈLES ALTERNATIFS DE RECOMBINAISON PAR CASSURE DOUBLE BRIN 36 Le modèle SSA expliquerait l’intégration d’ADN extrachromosomique - que l’on fait rentrer dans la cellule végétale par transgenèse - dans le génome végétal. 4 Les protéines qui interviennent dans la recombinaison 4.1 La protéine RecBCD............................................ 38 4.2 La protéine RecA.............................................. 40 4.2.1 Reconnaissance de régions d’ADN simple brin et attachement................. 40 4.2.2 Formation de molécules jointes.................................. 41 4.2.3 Transfert de brins.......................................... 41 4.3 La protéine SSB............................................... 45 4.4 Les résolvases................................................ 46 4.4.1 Les protéines RuvAB........................................ 46 4.4.2 La protéine RuvC.......................................... 46 4.5 Bilan..................................................... 48 37 CHAPITRE 4. LES PROTÉINES QUI INTERVIENNENT DANS LA RECOMBINAISON 38 Des organismes de tous les embranchements du vivant codent pour des enzymes catalysant les réactions biochi- miques de la recombinaison. Dans certains cas, les membres de familles de protéines homologues accomplissent la même fonction dans plusieurs organismes. Les explications les plus détaillées de la recombinaison proviennent d’études faites sur E. coli et son phage. Dans les sections suivantes nous allons donc d’abord nous centrer sur les protéines promotrices de la recombinaison chez E. coli, via une voie majeure de DSBR, connue sous le nom de voie RecBCD. Les protéines impliquées dans cette voie fournissent des activités nécessaires à la complétion d’étapes importantes dans la voie DSBR. En plus de ces protéines dédiées à la recombinaison, des ADN polymérases, des protéines liant l’ADNsb, des topoisomérases et des ligases jouent aussi des rôles critiques dans le processus d’échange génétique. À noter qu’on ne connaît pas encore de protéine chez E. coli permettant de créer des cassures double brin dans l’ADN, malgré le fait que la voie DSBR nécessite d’un cassure double brin dans l’un des duplex. On pense que les cassures générées par des lésions d’ADN, des erreurs de réparation ou des collapses de fourches de réplication sont la source majeur de ces événements initiateurs dans l’ADN chromosomique. Alternativement, durant les réactions de transfert horizontal, tels que la transduction via des phages, l’ADN infectant porte des extrémités « cassées ». Les sections qui suivent présentent les protéines dédiées à la recombinaison chez E. coli et leur fonctionnement dans le contexte de la recombinaison selon le modèle DSBR. Ces protéines sont présentées dans l’ordre dans lequel elles apparaissent dans la voie de réaction. (1) D’abord, on considère la façon dont l’enzyme RecBCD processe l’ADN au site de cassure double brin pour générer des régions simple brin sortantes. (2) Puis on décrit la structure et le mécanisme de RecA, la protéine de strand-exchange. RecA, après s’être assemblée sur un ADNsb, trouve des régions d’homologie de séquence dans des molécules d’ADN et génère des nouveaux appariements de bases entre ces séquences. (3) Les protéines RuvA et RuvB qui permettent la migration de la branche sont décrites ensuite. (4) Finalement, l’enzyme qui résout la jonction de Holliday, RuvC, est considérée. 4.1 La protéine RecBCD La base de quasiment toutes les découvertes en Génétique sont les mutants. On a découvert les premiers mutants de la recombinaison en étudiant la conjugaison chez E. coli. La conjugaison chez cette bactérie est un très bon modèle d’étude, car elle ressemble beaucoup à la recombinaison méiotique des Eucaryotes. Chez E. coli, on a isolé un complexe protéique correspondant au produit de trois gènes : recB, recC, recD, qui sont contigus sur le même chromosome, comme un linkat. Ces trois gènes codent donc pour une protéine hétérotrimétique, aux sous-unités B, C et D. Puis on a produit des mutants RecB et RecC , chez qui la recombinaison a été réduite de 102 à 103 fois. Ainsi, on a déduit que la protéine RecBCD jouait un rôle dans la recombinaison, même si celui-ci était moins important que celui de RecA (car chez les mutants RecA la recombinaison est diminuée d’un facteur 104 ). Fonctions de RecBCD. La protéine RecBCD a une activité nucléase et hélicase. On lui distingue trois principales classes de rôles. (1) Activité exonucléase simple brin et double brin, ATP-dépendante. De ce fait, elle est aussi appelée exonucléase 5. (2) Activité endonucléase simple brin, faible. (3) Activité hélicase unidirectionnelle. RecBCD joue aussi un rôle dans la prise en charge de cassures double brin accidentelles. Principe de fonctionnement de RecBCD. Le principal substrat de RecBCD sont les extrémités libres d’ADN double brin, typiquement après une cassure. CHAPITRE 4. LES PROTÉINES QUI INTERVIENNENT DANS LA RECOMBINAISON 39 RecBCD se fixe sur l’extrémité libre du duplex, puis progrese sur celui-ci, écar- tant les brins à l’avant et les refermant à l’arrière. a particularité de cette protéine est qu’elle ouvre les brins plus rapidement qu’elle les referme. De ce fait, au fur et à mesure de la progression de RecBCD sur le duplex, des boucles se forment, de plus en plus grandes. Ce sont ces boucles symétriques plus ou moins grandes, dites Figure 4.1 – Boucles « en oreilles « en oreilles de lapin », qui ont conduit à la découverte de RecBCD. de lapin » Sites chi. RecBCD recherche des sites particuliers sur le duplex pour commencer son activité. Ces sites, appelés sites chi (crossover hotspot instigator ), sont des séquences particulières 1 reconnues par RecBCD. RecBCD coupe en amont du site chi, en présence d’ATP et de Mg2+ 2. L’extrémité 3’ simple brin libérée par la coupure est aussitôt prise en charge par des monomères de RecA, qui débutent l’amorçage de la formation de la JH. RecBCD a une spécificité d’action nucléasique par rapport aux sites chi. C’est-à-dire que sur ces sites chi ne peuvent être activées que des recombinaisons initiées par RecBCD. De son côté, RecBC(D ) perd sa sous-unité D, et donc son activité endonucléase, pou éviter de faire des micro- fragments d’ADN. Ce genre de système permet, par exemple, d’intégrer de l’ADN double brin dans un un génome bactérien, grâce à la libération d’extrémités 3’OH, qui sont prises en charge par la protéine RecA. Figure 4.2 – Principe de fonctionnement de RecBCD L’ADN d’E. coli possède un million de sites chi. C’est-à-dire, un tous les cinq gènes, tous les 5000 pb ; ce qui montre que ces séquences ont un vrai rôle fonctionnel. Du fait de ce grand nombre d’endroits permettant d’initier la recombinaison, on parle souvent de « ADN prédécoupé ». En effet, les sites chi sont des « points chauds », ou hotspots,de la recombinaison. Il existe des variations dans la distribution de ces hotspots selon l’espèce et le sexe, par exemple, ce qui montre que les crossing-overs ne sont pas des événements totalement aléatoires ; il existe des endroits privilégiés pour cela. En temps normal, l’ADN ne possède pas d’extrémités 3’ libres. Si c’était le cas, la recombinaison se ferait pendant tout le cycle cellulaire. Mutations sbc. Les mutations sbcA-sbcD (pour « suppression des mutations B et C » sont des mutations de mutations qui permettent aux mutants RecB et RecC de recombiner à nouveau. Les sbc sont des contre-mutations, 1. 5’-GCTGGTGG-3’. 2. Les ions magnésium sont très importants dans ces mécanismes, car ils absorbent les charges électrostatiques des motifs d’ADN qui se repoussent. CHAPITRE 4. LES PROTÉINES QUI INTERVIENNENT DANS LA RECOMBINAISON 40 des mécanismes pour agir contre ces mutations délétères. 4.2 La protéine RecA Le modèle d’étude de la protéine RecA est E. coli, en particulier. Elle a un homologue chez l’Homme : la protéine Rad51, nommée ainsi car elle joue un rôle dans la défense contre les dégâts causés par la radiation. RecA est une protéine clé de la recombinaison et la réparation de l’ADN. Elle amorce la recombinaison. Du fait que tous les organismes vivants ont besoin de recombiner et réparer leur ADN, on trouve la protéine RecA (ou un homologue) dans tout le monde vivant. Vraisemblablement, les mécanismes de recombinaison de l’ADN ont été inventés avec l’ADN. RecA est la protéine centrale de la recombinaison homologue. C’est une grosse protéine, d’environs 38 kDa ; un monomère de RecA recouvre environs 5 nt. Il s’agit du membre fondateur de la famille d’enzymes strand-exchange proteins. Ces enzymes catalysent l’appariement de séquences d’ADN homologues. L’appariement implique la recherche d’homologies entre les séquences, ainsi la génération de régions d’appariement. Les caractéristiques importantes que doivent avoir les molécules d’ADN à apparier sont – une complémentarité des séquences, – une région d’ADN simple brin sur au moins une des molécules et – la présence d’une extrémité d’ADN dans la région complémentaire, permettant aux brins d’ADN sur l’hétéro- duplex en formation de s’entremêler. L’activité recombinogène de RecA a été découverte entre 1969 et 1982. Elle est décomposée en trois étapes. (1) Reconnaissance de régions d’ADN simple brin et attachement, (2) formation de molécules jointes, puis (3) ransfert de brins. 4.2.1 Reconnaissance de régions d’ADN simple brin et attachement La protéine RecA a une forte affinité pour l’ADN simple brin (ADNsb ou ssDNA, single-strand DNA). Des mo- nomères de RecA reconnaissent une extrémité 3’ libre, sur laquelle elles se fixent - dans le sens 5’ vers 3’ - formant un complexe ADN-protéines. Pour former un filament, des sous-unités de RecA se lient à l’ADN. La fixation des monomères de RecA est beaucoup plus rapide sur de l’ADNsb que sur de l’ADNdb, ce qui explique la nécessité de régions d’ADNsb dans les substrats pour le transfert de brins. La forme active de RecA est un filament nucléoprotéique. Au contraire de la plupart des protéines impliquées dans la biologie moléculaire, qui fonctionnent sous forme de petites unités protéiques discrètes, tels que des monomères, dimères, voire même des hexamères, le filament de RecA est énorme et variable en taille ; des filaments contenant environ 100 sous-unités de RecA et 300 nucléotides sont couramment rencontrés. Les filaments peuvent accommoder une, deux, trois, voire même quatre brins d’ADN. Toutefois, les filaments avec un ou trois brins liés sont les plus couramment rencontrés dans les intermédiaires de recombinaison. Principe de fonctionnement. Sans la protéine RecA, l’ADNsb est incapable d’interagir avec de l’ADNdb. Quand il devient simple brin, l’ADN s’entortille sur lui même, se contracte, et ne peut donc pas interagir avec un double brin homologue, car il faut que les bases du simple brin maintiennent une distance de 3,7 Å, égale à la distance entre deux bases du double brin. Un des rôles de RecA est de stabiliser le simple brin, pour égaliser la distance entre ses nucléotides. En effet, la structure de l’ADN au sein du filament nucléoprotéique est très étendue comparée à sa forme libre. Le complexe RecA-ADNsb devient alors capable d’interagir avec un ADNdb. Beaucoup d’études sur le modèle E. coli ont montré que diverses mutations des ADN ligases, de l’ADN polymérase I, ainsi que des agents mutagènes comme les rayons UV, les rayons X et certains réactifs chimiques - entre autres - favorisent la formation de crossing-overs. La conclusion est que les cassures de l’ADN favorisent l’apparition de crossing-overs, car sont générées des extrémités 3’ libres recombinogènes. CHAPITRE 4. LES PROTÉINES QUI INTERVIENNENT DANS LA RECOMBINAISON 41 Il a aussi été montré que la protéine Rec A est nécessaire à la recombinaison, car des mutants RecA recombinent environs 104 fois moins que les individus sauvages. 4.2.2 Formation de molécules jointes La protéine RecA effectue une réaction fondamentale de la recombinaison : la formation d’hybrides ADNsb-ADNdb. Aucune réaction n’a lieu si on mélange RecA avec deux hélices homologues entièrement appariées. Il faut au départ un ADNsb, RecA et un ADNdb homologue pour pouvoir former une molécule jointe. Exemple d’interaction entre un duplex circulaire et un ADN simple brin linéaire. Le complexe RecA- ADNsb parcourt le duplex circulaire en recherche d’une séquence homologue. Quand il la trouve, l’extrémité 3’ libre de l’ADNsb - qui est lextrémité invasive, ouvre le double brin circulaire, par un mécanisme équivalent à celui de la formation de la JH. L’extrémité 3’ invasive s’hybride alors avec sa séquence complémentaire sur le double brin. L’hybridation se poursuit de 3’ vers 5’. Les unités RecA sont expulsées du complexe au fur et à mesure pour permettre l’hybridation. L’ensemble progresse de 3’ vers 5’, si on suit l’ADNsb. L’hybridation est une l’étape lente du processus, qui consomme de l’ATP, notamment pour ouvrir le double brin et amorcer la réaction, et pour hydrolyser les reformer les liaisons hydrogène. La structure obtenue à la fin de l’hybridation est appelée une boucle en D. 4.2.3 Transfert de brins La recherche d’homologie et la réaction de transfert de brins ont lieu au sein du filament nucléoprotéique. Le transfert de brins - l’échange physique entre les ADN - commence dès le début de l’accrochage de l’ADNsb. La recherche d’homologie est promue par RecA car la structure du filament a deux sites de liaison à l’ADN, (1) une site primaire, sur lequel se lie la première molécule d’ADN et (2) un site secondaire, qui peut être occupé par de l’ADN double brin. La liaison à ce site secondaire est rapide, transitoire et indépendante de la séquence d’ADN. Ainsi, le filament de RecA peut lier et parcourir rapidement des longues zones d’ADN en quête d’homologie de séquence. Sur la figure ci-dessous, le filament de RecA-ADNsb est représenté selon une vue « du dessus ». Le duplex d’ADN qui arrive est représenté en bleu. CHAPITRE 4. LES PROTÉINES QUI INTERVIENNENT DANS LA RECOMBINAISON 42 Exemple d’interaction entre un duplex linéaire et un ADN simple brin circulaire. Comme avant, l’ADNsb circulaire envahit le duplex linéaire par l’extrémité 3’ de ce dernier. Les monomères de RecA expulsés au fur et à mesure du complexe se fixent sur le simple brin linéaire du duplex qui n’est pas envahi par l’ADNsb circulaire ; ceci car les monomères de RecA ont une très forte affinité pour l’ADNsb. Le processus d’hybridation continue tant qu’il y a de l’homologie. Il a été montré que ce système peut franchir des petits zones d’hétérologie et des petits appariements, mais si celles-ci deviennent trop importantes, le système se décroche. À la fin de cette hybridation, on obtient un ADN circulaire hybridé avec un ADN linéaire, et un ADNsb linéaire, qui CHAPITRE 4. LES PROTÉINES QUI INTERVIENNENT DANS LA RECOMBINAISON 43 se trouve stabilisé par RecA. Le processus peut recommencer et continuer tant qu’il y ait du RecA-ADNsb, de l’ADNdb et de l’ATP dans le milieu ; des figures plus complexes peuvent être ainsi formées. S’il y a un excès de RecA-ADNsb circulaire dans le milieu, celui-ci peut réagir avec l’ADNdb circulaire qui vient d’être formés. Les deux ADN circulaires se « partagent » l’ADNsb linéaire. Il semblerait que la recherche de séquences homologues par le complexe RecA-ADNsb pourrait se faire de l’extérieur, sans avoir à ouvrir la double hélice du duplex. Dans ce cas, il n’y aurait pas de consommation d’ATP pendant l’étape de recherche d’homologie. Exemple d’interaction entre un duplex linéaire et un ADN simple brin linéaire. La protéine RecA possède deux sites actifs, notés I et II. Pour être fonctionnelle, elle doit être activée par de l’ATP. Le complexe RecA-ADNsb parcourt le duplex cible, et quand une séquence homologue assez longue est trouvée (sur plusieurs monomères de RecA), celle-ci coupe les liaisons hydrogène liant les deux brins du duplex, consommant l’ATP. Une fois que les liaisons hydrogène entre les bases des deux brins ont été établies, les monomères de RecA sont expulsés et recyclés, perdant leur ADP. Exemple d’interaction entre deux duplex linéaires. L’ensemble de monomères de RecA forment une hélice géante qui passe autour de la molécule jointe. Le déplacement de la fourche a besoin de beaucoup de protéines, telles que l’hélice géante de monomères de RecA,

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