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Fasicule Droit Pénal 2023.pdf

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CRFPA 2023 DROIT PÉNAL INTRODUCTION Les objectifs du polycopié. Le présent polycopié a été conçu pour permettre la préparation de l’épreuve de droit pénal général et spécial de l’examen d’entrée au CRFPA. L’objectif est de proposer un cours synthétique, malgré l’étendue du programme officiel de l...

CRFPA 2023 DROIT PÉNAL INTRODUCTION Les objectifs du polycopié. Le présent polycopié a été conçu pour permettre la préparation de l’épreuve de droit pénal général et spécial de l’examen d’entrée au CRFPA. L’objectif est de proposer un cours synthétique, malgré l’étendue du programme officiel de l’épreuve. En conséquence, toutes les informations historiques et doctrinales inutiles à la résolution d’un cas pratique ont volontairement été exclues. Seul le droit positif est présenté. Enfin, de nombreux conseils pratiques et illustrations jurisprudentielles viennent agrémenter ce cours afin de permettre aux étudiants d’utiliser au mieux leurs connaissances le jour de l’épreuve. I. La nature et le programme de l’épreuve L’article 5, 3°, de l’arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au CRFPA mentionnait initialement « une épreuve destinée à vérifier l’aptitude à résoudre un ou plusieurs cas pratiques, d’une durée de trois heures […] ». Depuis l’entrée en vigueur de l’arrêté du 2 octobre 2018 modifiant l’arrêté du 17 octobre 2016, l’épreuve est désormais destinée à vérifier, dans la même durée, l’aptitude à résoudre un ou plusieurs cas pratiques « ou à rédiger une ou plusieurs consultations ». Il semble se dégager de cette distinction une volonté de « professionnaliser » l’examen en donnant des sujets aux accents moins académiques, d’où le nom de consultation juridique. II. Sur le programme Le programme de l’épreuve est le suivant : - I. — Droit pénal général (y compris le régime de l’enfance délinquante). - II. — Droit pénal spécial : infractions contre les personnes, contre les biens, contre la nation, l’État et la paix publique. - III. — Droit pénal des affaires : abus de bien sociaux, banqueroute, délit d’initié et pratiques commerciales trompeuses. Le présent polycopié se concentre sur les thématiques essentielles de ces différentes matières, celles qui sont en général abordées à l’université, de la licence 2 au master 1. Concernant le droit pénal général, les principaux thèmes sont développés tels que l’application de la loi pénale dans le temps, l’application de la loi pénale dans l’espace, la complicité, la tentative, les causes d’irresponsabilité pénale, etc. Ces thèmes seront présentés dans un premier temps, car il est indispensable de maîtriser cette partie du cours pour appréhender au mieux dans un second temps l’étude du droit pénal spécial et du droit pénal des affaires. À ce sujet, le polycopié propose une présentation des différentes infractions pénales en suivant un plan classique : élément(s) préalable(s) quand il(s) existe(nt), élément matériel, élément moral et les sanctions pour terminer. La jurisprudence éclairera ponctuellement chaque élément constitutif des infractions étudiées. Il est illusoire d’espérer maîtriser tous les éléments constitutifs de toutes les infractions pénales, c’est la raison pour laquelle il est préférable de centrer les révisions sur ce qui forme le cœur de la matière. Ainsi, le choix a été fait de développer davantage certaines infractions pénales par rapport à d’autres. III. Les conseils de méthodologie, de travail et de révision Il est nécessaire, pendant la préparation de l’épreuve, de travailler avec son Code pénal. Il faut repérer les textes pertinents ainsi que la jurisprudence. Il est préférable que ce temps soit perdu pendant la préparation de l’épreuve plutôt que pendant l’épreuve elle-même. Le fait d’effectuer ce travail pendant les révisions permet Objectif Barreau – Droit pénal 1 aussi de se familiariser avec l’index et la table des annexes du Code que vous utiliserez probablement pendant l’épreuve. Concernant la présentation du syllogisme juridique, il est impératif d’opérer un lien permanent entre les règles de droit et les faits de l’espèce ce qui implique de scinder votre raisonnement afin que le correcteur puisse comprendre votre démarche intellectuelle. Pour ce faire, il faut éviter d’exposer toutes vos connaissances dans une première partie et de faire le lien avec les faits de l’espèce dans une seconde partie. À titre d’exemple, lorsque vous présentez une infraction pénale, il faudra décliner tour à tour ses éléments constitutifs en opérant un va-et-vient permanent entre la présentation des conditions (majeure) et les faits de l’espèce (mineure). Enfin, concernant la gestion du temps, qui est l’une des difficultés principales de cette épreuve, il est vivement conseillé de maîtriser parfaitement des trames de cas pratique. Cela vous permettra d’accélérer le traitement du sujet le jour de l’épreuve. L’objectif est de maîtriser à la perfection la présentation de certaines règles de droit portant sur un mécanisme de droit pénal général ou d’une infraction pénale. Il s’agit de règles que vous devrez obligatoirement exposer à chaque fois qu’un problème juridique devra être soulevé autour d’une thématique donnée. IV. Documents autorisés et interdits Lors des épreuves d’admissibilité, les candidats peuvent utiliser les codes annotés, mais non commentés, ainsi que les recueils (ou impressions tirées de sites internet officiels) de textes réglementaires, législatifs et constitutionnels nationaux, et de normes européennes et internationales, ne contenant aucune indication de doctrine. Sont interdites les reproductions de circulaires, de conventions collectives et de décisions de justice. Ces documents pourront être surlignés ou soulignés y compris sur la tranche. Cependant, aucune annotation manuscrite ne pourra y figurer. Les onglets, marque-pages ou signets non annotés sont autorisés. La calculatrice n’est autorisée pour aucune des épreuves d’admissibilité. V. Retours sur les épreuves de droit pénal Les sujets proposés ces dernières années à l’examen de droit pénal se sont révélés sans véritable surprise. Ils dénotent une volonté de juger le candidat sur sa capacité à élaborer un plan cohérent, à déterminer les qualifications idoines, à manier les principales notions de droit pénal général tout en exigeant, sur certains points, une réflexion approfondie compte tenu des hésitations induites par l’exposé des faits sur la solution. En revanche, les examens antérieurs n’ont pas semblé accorder une importance démesurée à l’actualité législative ou jurisprudentielle la plus récente. Ils n’ont pas non plus cherché à tester les candidats sur leurs connaissances d’infractions rares ou de notions peu utilisées en pratique. Objectif Barreau — Droit pénal 2 SOMMAIRE Introduction .......................................................................................................................................... 1 Sommaire .............................................................................................................................................. 3 Partie I — Droit pénal général ............................................................................................................ 4 Thème I : La loi pénale ..................................................................................................................... 4 Thème II : L’infraction .................................................................................................................. 26 Thème III : La responsabilité pénale ............................................................................................ 39 Thème IV : La sanction pénale ...................................................................................................... 72 Partie II — Droit pénal spécial.......................................................................................................... 93 Thème I : Les infractions contre les personnes ............................................................................ 93 Thème II : Les infractions contre les biens ................................................................................. 177 Thème III : Les infractions contre la nation, l’État et la paix publique .................................. 203 Thème IV : Les infractions d’affaires ......................................................................................... 224 Table des matières ............................................................................................................................ 234 Objectif Barreau — Droit pénal 3 PARTIE I — DROIT PÉNAL GÉNÉRAL THÈME I : LA LOI P ÉNALE CHAPITRE I : LE PRINCIPE DE LÉGALITÉ DES DÉLITS ET DES PEINES INTRODUCTION : UN HÉRITAGE HISTORIQUE Sous l’Ancien Régime, les juges disposaient d’un pouvoir très large, tant pour définir le comportement incriminé que pour fixer la peine. L’arbitraire du juge était d’autant plus redouté que les peines étaient très diverses et parfois d’une gravité exceptionnelle. Au siècle des Lumières, émerge progressivement l’idée que les peines et les incriminations ne devraient plus dépendre uniquement du bon vouloir du juge, mais devraient être fixées dans la loi. Les penseurs des Lumières, et notamment Montesquieu dans « L’Esprit des lois », ont ainsi défendu l’importance d’encadrer le pouvoir du juge. Les constituants révolutionnaires ont relayé l’esprit des Lumières en inscrivant, au nom de l’égalité, le principe de légalité des délits et des peines dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (DDHC). L’article 7 de la DDHC énonce ainsi que « nul homme ne peut être arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi », et l’article 8 que « nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ». SECTION 1 : DÉFINITION DU PRINCIPE Le principe de légalité des délits et des peines implique qu’il n’y a pas de répression sans texte (I) et plus précisément pas de répression sans loi ou règlement disposant en ce sens (II). I. Pas de répression sans texte Le principe de légalité exige que toute incrimination figure dans un texte. Un comportement, si blâmable soit-il, qui n’est pas contenu dans un texte pénal, ne saurait être réprimé. Autrement dit, tout ce qui n’est pas érigé en infraction est autorisé. L’idée est que toute société démocratique se doit de définir les valeurs sociales qu’elle entend protéger, et permettre à ses citoyens de connaître par avance les comportements prohibés. Le principe de légalité des délits et des peines implique également que l’incrimination doit exister au moment où les faits sont accomplis. L’existence du texte s’apprécie donc au moment de la commission de l’infraction. Par conséquent, le juge pénal ne saurait punir un acte qui, au moment où il a été commis, n’était pas prévu par le Code pénal. II. La loi et le règlement, principales sources du droit pénal Comme voulu par les constituants révolutionnaires, le principe de légalité des délits et des peines signifiait non seulement que les incriminations et les peines devaient trouver leur fondement dans un texte, mais encore que ce texte devait être une loi au sens strict du terme. Sur ce point, le principe a connu une nette évolution puisque le pouvoir normatif du législateur est désormais concurrencé par le pouvoir réglementaire. En effet, les articles 34 et 37 de la Constitution, qui délimitent les domaines de la loi et du règlement, prévoient un partage de compétence entre la loi et le règlement : Objectif Barreau — Droit pénal 4 • La loi détermine les crimes, les délits et les peines qui leur sont applicables. La loi est ici entendue au sens large : elle comprend les lois votées par le Parlement, mais aussi les ordonnances prises par le gouvernement en application des articles 38 et 47-1 de la Constitution et les décisions prises par le président de la République sur le fondement de l’article 16 de la Constitution ; • Le règlement s’applique en matière contraventionnelle. Le pouvoir réglementaire émanant de l’exécutif, c’est donc le président de la République ou le Premier ministre qui édicte par décret en Conseil d’État les contraventions et les peines applicables à celles-ci. À ce titre, l’article R.610-1 du Code pénal prévoit que « les contraventions, ainsi que les classes dont elles relèvent, sont déterminées par décrets en Conseil d’État ». SECTION 2 : LA PORTÉE DU PRINCIPE DE LÉGALITÉ Le principe de légalité a pour conséquences d’une part d’encadrer le pouvoir d’interprétation du juge (I) et d’autre part, d’imposer au législateur une exigence de clarté et d’intelligibilité dans la rédaction des textes pénaux (II). I. Un principe qui s’impose au juge Si l’interprétation téléologique a été admise pour la loi pénale (B), celle-ci doit néanmoins être interprétée de manière stricte (A). A. L’interprétation stricte de la loi pénale L’interprétation stricte de la loi pénale implique que le juge ne peut opter ni pour une interprétation par analogie (1), ni pour une interprétation extensive (2). 1) La prohibition de l’interprétation par analogie a) Le principe de l’interdiction L’interprétation par analogie consisterait à appliquer la loi pénale à une hypothèse qu’elle ne prévoit pas. Le raisonnement par analogie risquerait donc de conduire le juge à appliquer la loi pénale à un comportement qu’elle ne vise pas, mais qui lui est proche. Cette méthode est interdite lorsqu’elle a pour effet d’aggraver la situation du prévenu. b) L’exception de l’interprétation in favorem En revanche, l’interdiction de l’interprétation par analogie tombe lorsqu’elle est en faveur du prévenu (interprétation par analogie in favorem). À titre d’exemple, l’article 328 de l’ancien Code pénal visait la légitime défense des personnes. La jurisprudence a admis par analogie la légitime défense des biens. S’agissant d’une cause d’irresponsabilité pénale, l’extension par analogie est une mesure favorable. Aujourd’hui, la légitime défense des biens est expressément prévue par l’article 122-5 al. 2 du Code pénal. 2) La prohibition de l’interprétation extensive La prohibition de l’interprétation extensive signifie qu’en présence de notions non définies par la loi, le juge pénal ne peut pas retenir une interprétation large dans un souci de répression. Par exemple, la Cour de cassation sanctionne systématiquement les juges du fond qui appliquent la qualification d’homicide involontaire à l’encontre d’un fœtus au motif que le terme « autrui », bien que non défini par la loi, ne saurait désigner un enfant intra-utéro (Cass. Ass. Plen. 29 juin 2001, no 99-85973). En matière de menace, le principe d’interprétation stricte de la loi pénale s’oppose à ce qu’un simple geste accompagnant une menace verbale puisse caractériser une menace de mort. Le fait de mimer l’acte de souffler sur le canon d’un pistolet accompagnant une menace verbale, ne peut être considéré comme une matérialisation de la menace « par un écrit, une image, ou tout autre objet » (Crim., 22 septembre 2015, no 14-82435). Objectif Barreau — Droit pénal 5 Plus récemment, en matière de revenge porn, la Cour de cassation a considéré que la diffusion sur internet par un homme d’une photographie de son ancienne compagne dénudée, ne constitue pas le délit prévu à l’article 226-1 2° dans la mesure où la femme avait posé volontairement et que « n’est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement ». Ce comportement est désormais réprimé à l’article 226-2-1 alinéa 2 du Code pénal (Cass. crim., 16 mars 2016, no 15-82676). L’activité de caming. En l’absence de définition légale de la prostitution, dont la caractérisation conditionne l’incrimination de proxénétisme, et en présence de textes récents dont il résulte que le législateur n’a pas entendu étendre la définition jurisprudentielle de cette notion, arrêtée par la Cour de cassation en 1996, et selon laquelle cette activité consiste à se prêter, moyennant une rémunération, à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient, afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui, il n’appartient pas au juge de modifier son appréciation dans un sens qui aurait pour effet d’élargir cette définition au-delà de ce que le législateur a expressément prévu. Doit ainsi être rejeté le pourvoi qui reproche à une chambre de l’instruction d’avoir refusé d’étendre la définition de la prostitution à l’activité de caming, consistant à proposer, moyennant rémunération, une diffusion d’images ou de vidéos à contenu sexuel, le client pouvant donner à distance des instructions spécifiques sur la nature du comportement ou de l’acte sexuel à accomplir, dès lors que celle-ci n’implique aucun contact physique entre la personne qui s’y livre et celle qui la sollicite (Crim., 18 mai 2022, no 21-82.283). B. L’admission de l’interprétation téléologique L’interprétation stricte de la loi pénale ne fait pas interdiction au juge de rechercher la ratio legis, c’est-à-dire la volonté du législateur. L’objectif est notamment d’adapter les textes aux avancées techniques. En effet, l’évolution de la technique peut entraîner l’apparition de nouveaux comportements ou moyens délictueux qui ne sont pas, en tant que tels, prévus dans les textes. Il appartient alors au juge de rechercher l’esprit du texte pour adapter celui-ci à ces nouveaux cas de figure. Une loi peut ainsi venir s’appliquer à un cas de figure qui n’existait pas au moment de son adoption et que ses rédacteurs ne pouvaient pas envisager. → Exemples : - La Cour de cassation a considéré, en matière d’apologie de crimes de guerre, que le terme d’« imprimé » contenu dans la loi du 29 juillet 1881 pouvait s’appliquer à n’importe quel support de communication de la pensée (Cass. Crim., 14 janv. 1971, no 70-90558). - La Chambre criminelle a admis que l’électricité puisse être un bien susceptible d’appropriation pouvant faire l’objet d’un vol, alors même que cette infraction date du Code pénal de 1810 (Cass. Crim., 3 août 1912, DP 1913.1 439). - La Chambre criminelle a également retenu que l’utilisation par le salarié de la connexion internet mise à sa disposition pour regarder des films pornographiques pouvait faire l’objet d’un détournement constitutif de l’abus de confiance (Cass. Crim., 19 mai 2004, no 03-83953). II. Un principe qui s’impose au législateur Le principe de légalité impose au législateur de définir les incriminations et les peines de manière intelligible (A). À défaut, la loi peut être sanctionnée par le biais de différents contrôles (B). A. Une exigence de clarté et de précision de la loi pénale L’exigence de clarté et de précision qui pèse sur le législateur est d’ordre constitutionnel (1) et européen (2). Objectif Barreau — Droit pénal 6 1) Une exigence constitutionnelle La DDHC faisant partie intégrante du bloc de constitutionnalité, le principe de légalité des délits et des peines a nécessairement valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel veille donc à son respect par le législateur. Dans sa décision des 19 et 20 janvier 1981, le Conseil constitutionnel déduit de l’article 8 de la DDHC et de l’article 34 de la Constitution, l’obligation faite au législateur « de définir les crimes et les délits en termes suffisamment clairs et précis pour permettre la détermination des auteurs d’infractions et pour exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines » (Cons. Const, 19 et 20 janv. 1981, déc. no 80-127, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes). 2) Une exigence européenne Pareillement, la Cour européenne des droits de l’Homme se fonde sur l’article 7 de la CEDH pour faire obligation au législateur d’édicter des textes suffisamment accessibles et précis. Elle justifie également cette exigence par le souci d’accessibilité des citoyens aux lois qui leur sont applicables. Par ailleurs, le contrôle de la CEDH ne se limite pas à la qualité du texte lui-même, mais s’étend également à l’interprétation jurisprudentielle qui en est faite (CEDH, Radio France c/ France 30 mars 2004). B. La sanction du principe L’obligation faite au législateur d’édicter des normes claires et précises est sanctionnée d’une part, par le Conseil constitutionnel via le contrôle de constitutionnalité (1), et d’autre part par le juge judiciaire qui est compétent pour exercer le contrôle de conventionnalité (2) et pour appliquer l’exception d’illégalité (3). 1) Le contrôle de constitutionnalité  Disposant du pouvoir d’abroger les textes légaux soumis à son contrôle, le Conseil constitutionnel est le premier garant du principe de légalité des délits et des peines. Le législateur qui manque à son devoir de clarté voit systématiquement son texte abrogé par le Conseil constitutionnel. → Exemples : - À l’occasion d’une QPC, le Conseil a ainsi abrogé le texte incriminant le délit de harcèlement sexuel au motif que les éléments constitutifs du délit n’étaient pas suffisamment décrits (Cons. Const. 4 mai 2012, déc. no 2012-240). - Le Conseil constitutionnel a également abrogé à deux reprises l’article 421-2-5-2 du Code pénal relatif au délit de consultation habituelle d’un site terroriste (Cons. Const., 10 février 2017, no 2016-611 QPC ; Cons. Const. 15 décembre 2017, no 2017-682 QPC). - Le Conseil constitutionnel a considéré que l’alinéa 1 de l’article 226-2-1 du Code pénal, punissant de deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende pour diffusion d’enregistrements ou de documents portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel sans l’accord de la personne, ne méconnaît pas le principe de légalité et de nécessité des délits et des peines et, partant, conforme à la Constitution (Cons. Const. 30 septembre 2021, no 2021-933 QPC). 2) Le contrôle de conventionnalité Si le Conseil constitutionnel est seul compétent pour effectuer le contrôle de constitutionnalité et abroger la loi, le juge pénal peut écarter un texte par le biais du contrôle de conventionnalité. De plus, depuis l’arrêt de la Cour de cassation Jacques Vabre du 24 mai 1975, le juge judiciaire est compétent pour contrôler la conformité d’une loi à un traité. Le juge pénal peut donc user de ce contrôle pour faire primer la norme internationale sur les dispositions internes, même législatives. Objectif Barreau — Droit pénal 7 On relèvera que la Cour de cassation n’hésite désormais plus à aller plus loin, dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité pour neutraliser l’application d’un texte d’incrimination lorsque celle-ci contrevient à une liberté ou à un droit consacrés par la Conv EDH. Ainsi, la Chambre criminelle a pu considérer que la condamnation, d’une personne qui, défilant sur la voie publique lors d’une manifestation politique pacifique, avait vociféré le slogan : « CRS au zoo, libérez les animaux ! », du chef de tapage injurieux sur le fondement de l’article R. 623-2, Code pénal, ne constitue pas une mesure nécessaire, dans une société démocratique, à la défense de l’ordre ou à la protection des droits et libertés d’autrui, et méconnaît les al. 10 et 11 de la Conv. EDH (Cass. crim., 3 novembre 2020, no 19-87.418). V. aussi : Cass. crim., 26 février 2020 no 19-81.827 : le fait pour une femme d’exhiber sa poitrine constitue bien le délit d’exhibition sexuelle, a jugé la Chambre criminelle de la Cour de cassation à propos d’une militante Femen. Toutefois, dès lors que le comportement poursuivi s’inscrit dans une démarche de protestation politique, sa sanction constituerait une ingérence disproportionnée dans l’exercice de la liberté d’expression. V. aussi : Cass. Crim., 24 janvier 2023, no 22-82.722 : relèvent de la liberté d’expression, garantie par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, les propos – certes attentatoires à l’honneur et à la considération – tenus par un membre de la liste d’opposition au maire qui, dans le contexte d’élections municipales et s’agissant d’un projet de lotissement polémique, s’interroge publiquement, à l’occasion d’un reportage télévisé, sur l’implication de l’adjoint au maire de la commune chargé de l’urbanisme sachant que celui-ci est propriétaire d’une partie des terrains concernés. 3) L’exception d’illégalité Lorsque l’incrimination émane d’un règlement, le juge pénal peut exercer son contrôle par le biais de l’exception d’illégalité. Ce mécanisme d’origine prétorienne permet au juge d’apprécier la légalité d’un acte administratif et de l’écarter du débat. L’article 111-5 du Code pénal précise que doit dépendre de l’examen de la légalité de l’acte, la solution du procès pénal soumis à la juridiction. Les motifs d’illégalité sont ceux que l’on retrouve classiquement en droit administratif : violation de la loi (Cass. crim., 1er février 1956, B. no 118), défaut ou insuffisance de motivation (Cass. crim., 11 octobre 1990, no 9081201), erreur manifeste d’appréciation (Cass. crim., 12 décembre 1990, no 90-81056), incompétence (Cass. crim., 29 novembre 1977, no 76-92342), détournement ou excès de pouvoir (Cass. crim., 30 janvier 1991, no 8986140). Si le juge constate l’illégalité de l’acte administratif soumis à son contrôle, il peut l’écarter du débat, mais sans en prononcer la nullité. Par ailleurs, cette décision n’a qu’une autorité relative de la chose jugée puisqu’un autre juge aura toute liberté de statuer dans un sens différent. Objectif Barreau — Droit pénal 8 CHAPITRE II : L’APPLICATION DE LA LOI PÉNALE SECTION 1 : LA DÉTERMINATION DE LA LOI APPLICABLE — LA QUALIFICATION DES FAITS Il résulte du principe non bis in idem qu’un fait unique doit être appréhendé sous une seule qualification (I). Ce principe d’unité de qualification souffre cependant des exceptions (II). I. Le principe de l’unité de qualification Le conflit de qualifications correspond à la situation où des qualifications s’excluent les unes et les autres. Pour aboutir à une qualification unique, la jurisprudence a développé un ensemble de règles de conflit que la doctrine peine à théoriser sous la forme d’un panorama cohérent. A. Les qualifications incompatibles Certaines qualifications pénales sont incompatibles entre elles de sorte qu’il est impossible d’en retenir une sans exclure l’autre. Cette incompatibilité peut notamment résulter : • De la psychologie de l’agent : → Exemples : → Le but du voleur étant de s’emparer de la chose d’autrui, il ne peut être considéré comme receleur. Les qualifications de vol et de recel sont donc incompatibles entre elles (Cass. Crim., 6 juin 1979, no 79-90374, B, no 193). → De la même manière, la jurisprudence refuse de retenir la qualification de meurtre et de recel de cadavre contre la même personne (Cass. Crim., 19 juin 1956, B, no 556, RCS 1957 obs. Hugueney). • De l’élément moral de l’infraction : → Exemple : Il n’est pas possible de retenir contre le même prévenu la qualification d’homicide volontaire et les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ou l’homicide involontaire. B. Les qualifications redondantes La qualification redondante correspond à l’hypothèse dans laquelle une qualification recouvre exactement les faits décrits dans une autre qualification. Deux situations sont à distinguer : • Si le même fait tombe sous le coup d’une qualification générale et d’une qualification spéciale, il faut retenir la seconde (ce qui rappelle la règle selon laquelle le spécial déroge au général). • Si les faits sont entièrement couverts par une qualification et seulement partiellement par une autre, il faut retenir la première. → Exemple : - L’incrimination de fraude électorale (qui est une incrimination spéciale) doit prévaloir sur celle de faux en écriture (qui est une incrimination générale) lorsqu’elles portent sur les mêmes faits (Cass. Crim., 30 juin 1987, no 86-94721 : « les faits reprochés aux inculpées, à les supposer établis, constitueraient non le crime de faux en écriture publique ou authentique, mais le délit prévu et puni par les articles L. 113 et L. 116 Objectif Barreau — Droit pénal 9 du Code électoral »). - L’empoisonnement est une incrimination spéciale qui doit prévaloir sur celle de meurtre (incrimination générale) lorsque l’agent accomplit un acte d’emploi ou d’administration d’une substance de nature à entraîner la mort. II. Les exceptions au principe de l’unité de qualification Par exception au principe de l’unité de qualification, il arrive que plusieurs qualifications soient retenues pour un même fait. Tel est le cas, en premier lieu, lorsque plusieurs valeurs sociales sont atteintes ou lorsque les infractions relèvent d’intentions coupables différentes. Il en va notamment ainsi lorsqu’un même fait est susceptible de porter atteinte d’une part à l’intégrité physique et d’autre part à l’intégrité des biens (Ben Haddadi, 3 mars 1960). En second lieu, la pluralité de victimes justifie qu’un même acte donne lieu à des poursuites sous plusieurs qualifications distinctes. Il s’agit notamment de l’hypothèse de l’accident de la circulation causant la mort d’un passant, les blessures graves d’un deuxième et celles plus légères d’un troisième. À NOTER : Seules les peines attachées à la qualification retenue peuvent être prononcées, non les peines complémentaires liées à la qualification éliminée. III. L’action unique caractérisée par une seule intention coupable Depuis quelques années, la Chambre criminelle de la Cour de cassation réglait les questions de conflit en appliquant la règle suivante : « Des faits qui procèdent de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes. » (Cass. crim., 26 octobre 2016, no 15-84552) L’expression « des faits » démontre qu’il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un fait unique qui pourrait recevoir plusieurs qualifications pénales distinctes, mais plutôt d’infractions concomitantes ou qui se succèdent dans le temps, de manière plus ou moins rapprochée, et procèdent ainsi « d’une action unique ». Se fondant sur cette nouvelle formulation, la Chambre criminelle a développé une jurisprudence conduisant tantôt à accepter que plusieurs qualifications soient retenues, tantôt à refuser le cumul (Cass. crim., 7 décembre 2016, no 15-87335 ; Cass. crim., 28 mars 2018, no 17-81114 ; Cass. crim 14 novembre 2019 no 1883.122 ; Cass. crim 9 septembre 2020 no 19-84.301). Cass. Crim, 14 novembre 2019 no 18-83.122 : la règle non bis in idem s’oppose au cumul entre, d’une part, des assassinats, tentatives d’assassinat et destructions dangereuses pour les personnes au moyen d’explosifs et, d’autre part, du port et du transport d’engin explosif sans motif légitime, cette dernière infraction procédant de manière indissociable d’une action unique caractérisée par une seule intention coupable. Cass. Crim, 9 septembre 2020 no 19-84.301 : n’a pas méconnu le principe non bis in idem la cour d’appel qui condamne une infirmière libérale des chefs d’escroquerie et de faux dès lors que les juges se sont fondés, au titre du faux, sur des faits de falsification d’ordonnances médicales qui sont distincts des faits d’utilisation de ces documents retenus comme élément des manœuvres frauduleuses de l’escroquerie à des fins de facturation de soins fictifs au préjudice de caisses d’assurance maladie et mutuelles de santé. Objectif Barreau — Droit pénal 10 FOCUS TRÈS IMPORTANT (évolution de la jurisprudence) : le principe non bis in idem, qui s’oppose à la poursuite et à la punition d’un même fait à plusieurs reprises, a conduit récemment la chambre criminelle à rappeler l’interdiction de cumuler les qualifications lors de la déclaration de culpabilité. Plusieurs décisions doivent retenir notre attention. Dans un arrêt du 15 décembre 2021 (no 21-81.864), la Cour de cassation est venue limiter le champ d’application de l’interdiction du cumul des qualifications. Dans un attendu de principe rendu au visa du principe non bis in idem, elle considère que cette interdiction « doit être réservée, outre à la situation dans laquelle la caractérisation des éléments constitutifs de l’une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l’autre, aux cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et que [soit] l’une des qualifications, telles qu’elles résultent des textes d’incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l’autre, qui seule doit alors être retenue ; [soit lorsque] l’une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l’action répréhensible sanctionnée par l’autre infraction, dite générale ». Désormais, l’interdiction de cumuler les qualifications s’applique aux situations suivantes : • Cas où l’une des infractions exclut nécessairement la caractérisation des éléments constitutifs de l’autre (exemple : il n’est pas possible de retenir pour un même fait la qualification de meurtre et celle de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, car ce sont des qualifications alternatives) ; • Cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et que l’une des qualifications, telles qu’elles résultent des textes d’incrimination, correspond à un élément constitutif ou une circonstance aggravante de l’autre, qui seule doit alors être retenue (exemple : le cas du vol commis avec violences. Seul le vol aggravé sera retenu, sauf si les faits constitutifs de ce délit sont distincts des violences caractérisant la circonstance aggravante du vol) ; • Cas où un fait ou des faits identiques sont en cause et que l’une des qualifications retenues, dite spéciale, incrimine une modalité particulière de l’action répréhensible sanctionnée par l’autre infraction, dite générale. C’est par exemple le cas de l’assassinat (qualification générale) et de l’empoisonnement (qualification spéciale), respectivement réprimés par les articles 221-3 et 2215 du Code pénal. En l’espèce, la Cour de cassation considère que les qualifications d’escroquerie et de faux et usage de faux peuvent se cumuler. D’une part, parce que la caractérisation des éléments constitutifs de l’une de ces infractions n’exclut pas la caractérisation des éléments constitutifs de l’autre. D’autre part, car l’article 313-1 du Code pénal, qui incrimine l’escroquerie, vise les manœuvres frauduleuses, et non « spécifiquement » le faux et l’usage de faux. À la lecture de la première de ces décisions (no 21-81.864), on comprend que désormais, il faudra uniquement se fier aux textes d’incrimination pour déterminer si deux infractions peuvent rentrer en conflit de qualification. C’est également cette nouvelle règle qui a été appliquée dans la deuxième décision, qui concernait le cumul des délits de prêt illicite de main-d’œuvre et de travail dissimulé par dissimulation de salariés (Crim. 15 déc. 2021, no 20-85.924). La cour d’appel avait alors déclaré le plaignant coupable de ces deux chefs, ce qu’il contestait, au soutien du principe non bis in idem. Selon la Cour de cassation, même si ces deux délits sont distincts, « le délit de travail dissimulé est inhérent à celui de prêt illicite de main-d’œuvre, le premier sanctionnant le but en quelque sorte et le second le contenu ». Dès lors, il semblait s’agir, a priori, de « faits procédant de manière indissociable d’une action unique » (Crim. 26 oct. 2016, no 15-84.552). Pourtant, afin d’appréhender l’action délictueuse dans toutes ses dimensions, la Cour de cassation validait ce cumul. Plus récemment, la Cour de cassation a fixé de façon claire les modalités de non-application du principe non bis in idem (Crim., 15 février 2022, no 20-81.450). En l’espèce, après un épisode de fortes pluies, une partie du toit-terrasse d’un magasin de vente s’effondrait sur plusieurs clients. Les premières investigations, confirmées par des expertises ordonnées dans le cadre de l’instruction, confirmaient une défaillance de la société exploitante dans l’entretien des systèmes d’évacuation des eaux de pluie. D’autres sociétés étaient également mises en cause. Le Tribunal correctionnel de Grenoble a condamné les prévenus sur la double qualification délictuelle et contraventionnelle de blessures involontaires, compte tenu de durées d’ITT inférieures et supérieures à trois mois. Par un arrêt en date du 14 janvier 2020, la cour d’appel confirmait les condamnations, Objectif Barreau — Droit pénal 11 excepté pour une des sociétés intervenantes. Un pourvoi en cassation a été formé et plusieurs moyens ont été soulevés. L’un des moyens reprochait notamment à la cour d’appel d’avoir prononcé deux déclarations de culpabilité, l’une de nature délictuelle, et l’autre de nature contraventionnelle. Le moyen se fondait sur la violation du principe non bis in idem. Le moyen s’articulait sur la jurisprudence issue de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 26 octobre 2016 (Crim., 26 octobre 2016, no 15-84552 cité précédemment). La Cour de cassation déclare d’abord que le moyen tiré de la méconnaissance de la règle non bis in idem, soulevé pour la première fois devant la Cour de cassation est irrecevable. L’application de ce principe n’est pas d’ordre public. Ensuite, elle ajoute : « À le supposer recevable, le moyen tiré de la violation du principe ne bis in idem ne serait, en tout état de cause, pas fondé. En effet, les déclarations de culpabilité des délits et contraventions de blessures involontaires ne sont pas exclusives l’une de l’autre ; par ailleurs, aucune des qualifications telles qu’elles résultent des textes d’incrimination ne correspond à un élément constitutif ou à une circonstance aggravante de l’autre et aucune de ces qualifications n’incrimine une modalité particulière de l’action répréhensible sanctionnée par l’autre infraction. » La rédaction de cet arrêt, rendu en formation plénière, en fait un arrêt de principe qui vient confirmer l’arrêt précédemment rendu le 15 décembre 2021 (no 21-81.864). Cas de l’infraction originaire et du recel (incompatibilité étrangère au principe non bis in idem). Selon une jurisprudence constante et ancienne de la Cour de cassation, l’infraction de recel ne peut être retenue à l’égard de celui qui a commis l’infraction originaire dont provient la chose recélée (Crim., 29 juin 1848, Bull. crim. 1848, no 192 ; Crim., 2 décembre 1971, pourvoi no 71-90.215, Bull. crim. 1971, no 337). Ces infractions sont exclusives l’une de l’autre, et leur incompatibilité étant étrangère au principe non bis in idem, l’infléchissement de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à ce principe (Crim., 15 décembre 2021, pourvoi no 21-81.864, Bull.) est sans incidence sur elle. Encourt par conséquent la cassation l’arrêt d’une cour d’appel qui déclare le prévenu receleur du produit des infractions principales dont il est l’auteur (Crim., 13 avril 2022, n° 19-84.831). Absence d’incompatibilité du délit d’association de malfaiteurs et de l’infraction préparée commise en bande organisée. Au regard des textes d’incriminations, le délit d’association de malfaiteurs, qui implique un acte de participation à un groupement établi en vue de la commission d’infractions, ne correspond pas à la circonstance de bande organisée, qui aggrave l’infraction dès lors qu’elle a été commise ou préparée par un groupement structuré, sans exiger que son auteur y ait participé. Par ailleurs, les éléments constitutifs du délit d’association de malfaiteurs, et de l’infraction consommée poursuivie en bande organisée ne sont pas susceptibles d’être incompatibles et aucune de ces qualifications n’incrimine une modalité particulière de l’action répréhensible sanctionnée par l’autre infraction. Ne méconnaît pas le principe non bis in idem la cour d’appel qui déclare le prévenu coupable des délits de participation à une association de malfaiteurs et de blanchiment en bande organisée, y compris lorsque les faits retenus pour établir l’association de malfaiteurs sont identiques à ceux caractérisant la bande organisée (Cass. Crim., 9 juin 2022, no 21-80.237). Objectif Barreau — Droit pénal 12 SECTION 2 : L’APPLICATION DE LA LOI PÉNALE DANS LE TEMPS Une loi peut parfois s’appliquer à des faits antérieurs à son entrée en vigueur ou continuer de produire ses effets après sa disparition, ce qui conduit à s’interroger sur le champ d’application de la loi pénale dans le temps. L’application de la loi dans le temps est régie par deux principes fondamentaux : 1. L’application de la loi pénale de fond la plus favorable 2. L’application immédiate de la loi pénale de forme Pour comprendre l’articulation de ces deux principes, il faut distinguer deux régimes : l’application dans le temps de la loi pénale de fond (I) et l’application dans le temps de la loi pénale de forme (II). I. Application dans le temps de la loi pénale de fond Les lois pénales dites « de fond » sont : 1. 2. 3. Les lois d’incrimination : celles qui définissent les éléments constitutifs d’une infraction, qui créent ou élargissent une incrimination. Les lois de pénalité : celles qui fixent les peines applicables aux infractions. Les lois relatives à la responsabilité pénale : par exemple, une loi qui crée ou limite une immunité ou une cause d’irresponsabilité pénale. A. Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale de fond plus sévère : la non-rétroactivité in pejus Le principe de non-rétroactivité in pejus implique que la loi pénale plus sévère ne peut être rétroactive (1). Cependant, certaines lois dérogent à ce principe (2). 1) L’application du principe Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère est énoncé à l’article 8 de la DDHC et à l’article 7 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme. Le principe est repris dans le Code pénal à l’article 112-1 : « sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis », et « peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date ». Autrement dit, la loi pénale plus sévère ne peut s’appliquer qu’aux faits commis après son entrée en vigueur. L’application de ce principe suppose donc de résoudre deux questions : la détermination du moment où l’infraction a été commise (a), et l’appréciation du caractère plus sévère ou plus doux de la loi nouvelle (b). a) La détermination de la date des faits Puisque la loi pénale plus sévère ne vaut que pour l’avenir, le juge doit vérifier que les faits répréhensibles ont été commis après l’entrée en vigueur de la loi appliquée. Si l’infraction a été commise avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, le juge devra faire application de la loi ancienne. La détermination de la date de réalisation de l’infraction est plus ou moins évidente selon le type d’infraction concerné : • Pour les infractions instantanées (qui se commettent en un trait de temps) et les infractions permanentes (qui s’effectuent en un trait de temps, mais dont les effets se prolongent dans le temps) : il suffit de prendre la date de commission des faits et d’appliquer la loi en vigueur à cette date ; • Pour les infractions continues (celles qui se réalisent sur une certaine durée) : si l’infraction perdure après l’entrée en vigueur de la loi plus sévère, celle-ci s’appliquera ; • Pour les infractions complexes (celles dont la réalisation requiert la réalisation de plusieurs actes) et les Objectif Barreau — Droit pénal 13 infractions d’habitude (réalisation dans le temps de plusieurs actes de même nature ; par exemple, l’exercice illégal de la profession d’avocat) : il suffit qu’un seul acte ait été commis après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle plus sévère pour que celle-ci s’applique ; • Pour les infractions qui supposent une condition préalable : la jurisprudence considère que la loi nouvelle s’applique dès lors que les éléments constitutifs de l’infraction sont postérieurs à cette loi, même si la condition préalable a été réalisée avant son entrée en vigueur. À NOTER : (récidive et concours réel) La Cour de cassation considère de manière constante qu’une loi plus sévère qui aggrave le régime de la récidive s’appliquera immédiatement si l’infraction du second terme a été commise postérieurement à son entrée en vigueur (Cass. Crim., 29 février 2000, no 98-80518, Bull. crim. no 95). La jurisprudence est similaire en ce qui concerne le concours d’infractions : une infraction en concours commise postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle plus sévère se verra appliquer celle-ci. b) L’appréciation du caractère plus sévère de la loi nouvelle Pour apprécier le caractère plus sévère de la loi nouvelle, il faut distinguer deux situations selon le caractère unitaire ou ambivalent de la loi nouvelle : 1. Si la loi nouvelle présente un caractère unitaire, c’est-à-dire si elle comporte une ou plusieurs dispositions plus sévères, alors la loi apparaît évidemment comme plus sévère. 1. Si la loi nouvelle présente un caractère ambivalent, c’est-à-dire si elle comporte des dispositions qui sont plus sévères et d’autres plus douces, il faut alors distinguer deux situations : - Si les dispositions sont dissociables les unes des autres : il faut faire une application distributive du principe de non-rétroactivité de loi plus sévère. Ainsi, les dispositions plus douces s’appliqueront, et les dispositions plus sévères ne s’appliqueront pas aux faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi. - Si les dispositions sont indissociables les unes des autres : la jurisprudence invite à apprécier le caractère plus doux ou plus sévère de la loi nouvelle dans sa globalité. → Exemple : → Une loi qui aggraverait la peine d’emprisonnement tout en réduisant le montant de l’amende encourue doit être considérée comme globalement plus sévère (Cass. crim., 15 mars 1995, no 94-81782, Bull. crim. no 106). 2) Les exceptions au principe Le principe de non-rétroactivité de la loi pénale de fond plus sévère ne s’applique pas à certains types de lois qui s’appliqueront alors rétroactivement. a) Les lois interprétatives Une loi est dite « interprétative » lorsqu’elle a pour objet de préciser la signification ou la portée d’une disposition légale, sans en modifier la substance. Ces lois rétroagissent, car elles font corps avec la loi interprétée. → Exemple : → La définition des viols et agressions sexuelles, lorsqu’ils ont été commis sur des mineurs ou sur des mineurs de 15 ans, a été clarifiée par la réécriture des dispositions de l’article 222-22-1 du Code pénal afin de faciliter le recours à ces qualifications par les juridictions. Les dispositions de l’article 222-22-1 constituent des dispositions interprétatives, qui sont donc immédiatement applicables aux procédures Objectif Barreau — Droit pénal 14 en cours et aux faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi (V. not. Cass. crim., 17 mars 2021 no 2086.318). b) Les lois déclaratives Une loi est déclarative lorsqu’elle se borne à constater une règle préexistante sans l’interpréter. → Exemple : → Dans l’arrêt Barbie du 26 janvier 1984, la Chambre criminelle a considéré que la loi du 26 décembre 1964, constatant l’imprescriptibilité des crimes de guerre, n’était pas une loi nouvelle plus sévère en ce qu’elle ne faisait que constater une règle de droit pénal international préexistante. c) Les lois instituant des mesures de police et de sûreté La distinction entre une loi instituant une peine et une loi instituant une mesure de sûreté ou de police est délicate, car il est parfois difficile de différencier une peine d’une mesure de sûreté ou de police. La principale différence tient au caractère non rétributif de la mesure de sûreté. → Exemple : → L’inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles (FIJAIS) peut être vue à la fois comme une sanction et comme une mesure de police. Le Conseil constitutionnel a tranché en considérant que l’inscription au FIJAIS constituait une mesure de police et non une sanction (Cons. const., 2 mars 2004 no 2004-492). En cas de difficulté, il convient d’utiliser des faisceaux d’indices (tels que le but, la nature ou la gravité de la mesure) pour déterminer au cas par cas s’il s’agit d’une sanction pénale ou d’une mesure de sûreté ou de police. S’il s’agit d’une mesure de sûreté ou de police, la loi nouvelle pourra s’appliquer immédiatement, même à des faits commis avant son entrée en vigueur. d) Les lois incriminant des atteintes à des valeurs essentielles reconnues par les nations civilisées Le principe de non-rétroactivité de loi pénale plus sévère tombe devant les atteintes à des valeurs supérieures telles que le respect de l’humanité. L’article 15 § 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 7 § 2 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales font référence aux « principes généraux des nations civilisées ». Les infractions au droit international humanitaire échappent au principe de non-rétroactivité de la loi plus sévère, même si, à l’époque de leur commission, leur répression n’était pas expressément prévue. Ainsi, les crimes contre l’humanité ont pu être jugés alors même que l’infraction de crime contre l’humanité n’était pas encore formalisée dans un texte. B. Le principe d’application immédiate de la loi pénale de fond plus douce : la rétroactivité in mitius Le principe d’application immédiate de la loi pénale plus douce (1) est soumis à des dérogations (2). 1) Application du principe L’article 15 § 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques énonce que « si, postérieurement à l’infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ». Il s’agit donc d’un principe en faveur du prévenu. Objectif Barreau — Droit pénal 15 Le principe figure également dans le Code pénal à l’article 112-1, alinéa 3, qui indique que « les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes ». L’application du principe d’application immédiate de loi plus douce est donc subordonnée à deux conditions : • La loi nouvelle doit être plus douce. → Exemples : - Supprimer une circonstance aggravante ; Rétrograder un crime en délit ; Définir les éléments constitutifs d’une infraction de manière plus restrictive ; Réduire la peine encourue ; Créer un nouveau fait justificatif. • La décision ne doit pas être passée en force de chose jugée. Autrement dit, tant que l’infraction n’a pas été définitivement jugée, la loi nouvelle est applicable, y compris si l’affaire est pendante devant la cour d’appel (Cass. crim., 28 juin 1995, no 94-84811, B. no 243) ou devant la Cour de cassation (Cass. crim., 14 janvier 1876 : S. 1876.1.433, note Villey). Cette seconde condition est justifiée par l’idée que la loi nouvelle plus douce ne doit pas conduire à réexaminer toutes les décisions rendues sous l’empire de la loi ancienne plus sévère. Lorsque la loi nouvelle supprime une infraction, l’article 112-4 du Code pénal énonce que « la peine cesse de recevoir exécution quand elle a été prononcée pour un fait qui, en vertu d’une loi postérieure au jugement, n’a plus le caractère d’infraction pénale ». Le prévenu est alors immédiatement libéré, à moins que l’acte ne demeure répréhensible sous une autre qualification pénale. → Exemple : → La suppression du délit d’abus de blanc-seing ne donne pas lieu à l’application de l’article 112-4 dans la mesure où les agissements peuvent être appréhendés par le délit de faux ou d’abus de confiance (Cass. crim., 18 mai 1994, no 93-82003, B. no 187, Cass. crim., 21 sept. 1994, no 93-85297, B. no 300). L’application de l’article 112-4 du Code pénal requiert donc que les agissements soient entièrement dépénalisés et ne puissent retomber sous le coup d’aucune autre qualification. → Exemple : → Le délit de racolage a été totalement supprimé du Code pénal. 2) Les dérogations au principe Deux dérogations au principe de l’application immédiate de la loi pénale plus douce doivent être mentionnées : le cas de l’abrogation des règlements temporaires (a) et celui de l’abrogation à droit constant (b). a) Le cas particulier de l’abrogation des règlements temporaires Les dispositions légales, notamment celles relatives à la réglementation économique, fiscale ou douanière, sont parfois assorties de textes réglementaires temporaires pris pour leur application. Afin d’éviter que les fraudeurs n’échappent trop facilement à la justice pénale en bénéficiant du principe de rétroactivité in mitius, il est de jurisprudence constante que l’abrogation des textes réglementaires n’a pas d’effet rétroactif. En effet, la Chambre criminelle considère que « lorsqu’une disposition législative, support légal d’une incrimination, demeure en vigueur, l’abrogation de textes réglementaires pris pour son application n’a pas d’effet rétroactif » (Cass. crim., 30 janvier 1989, no 86-96060 ; Cass. crim., 5 novembre 1992, no 92-82.590). Objectif Barreau — Droit pénal 16 Cette exception au principe se retrouve également dans d’autres domaines comme la réglementation routière ou la réglementation sanitaire. b) Le cas particulier de l’abrogation à droit constant Toutes les fois qu’une disposition pénale est abrogée, mais reprise aussitôt dans un autre texte, la loi nouvelle s’applique aux faits commis avant son entrée en vigueur. Cette solution est logique dans la mesure où les faits n’ont jamais perdu leur caractère répréhensible. → Exemple : → Tel est le cas par exemple du délit d’atteinte sexuelle aggravée de l’article 227-26 du Code pénal qui avait été abrogé par la loi du 4 mars 2002, mais repris dans cette même loi et inséré aux articles 225-12-1 et suivants du Code pénal (Cass. crim., 4 févr. 2004, no 03-81984). II. L’application dans le temps des lois pénales de forme A. La notion de loi pénale de forme À l’inverse des lois pénales de fond qui ont trait au fond du droit, les lois pénales de forme concernent principalement les questions de procédure, de compétence et des modalités des peines et des poursuites. Les lois pénales de forme sont : • Les lois de compétence et d’organisation judiciaire ; • Les lois relatives aux voies de recours ; • Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure ; • Les lois relatives à la prescription de l’action publique et des peines ; • Les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines. B. Le principe d’application immédiate des lois pénales de forme En principe, les lois pénales de forme sont d’application immédiate, y compris pour les faits commis avant leur entrée en vigueur et même lorsqu’elles auraient pour effet d’aggraver la situation du prévenu. Le principe concerne toutes les lois pénales de forme. 1) Les lois de compétences et d’organisation judiciaire L’article 112-2 1° du Code pénal dispose que ces lois sont d’application immédiate, tant qu’un jugement au fond n’a pas été rendu en première instance. Si un jugement au fond a déjà été rendu, le prévenu demeure soumis à la loi ancienne jusqu’à la fin du procès. 2) Les lois relatives aux voies de recours Ces lois sont d’application immédiate, sauf aux instances en cours. Par conséquent, une loi nouvelle qui supprimerait une voie de recours n’aura aucun effet sur les possibilités du prévenu, dont l’instance est en cours, d’exercer cette voie de recours prévue par la loi ancienne. Ce principe d’application immédiate des lois relatives aux voies de recours s’applique tant aux lois fixant les modalités de poursuites et les formes de la procédure (a) qu’aux lois relatives à la prescription de l’action publique ou de la peine (b). Objectif Barreau — Droit pénal 17 a) Les lois fixant les modalités de poursuites et les formes de la procédure Le 2° de l’article 112-2 du Code pénal dispose que les lois fixant les modalités de poursuites et les formes de procédure sont d’application immédiate. Tel est le cas par exemple de la loi fixant les modes de saisine du juge d’instruction, ou encore la loi élargissant le champ de la procédure de comparution immédiate. b) Les lois relatives à la prescription de l’action publique ou de la peine Le 4° de l’article 112-2 du Code pénal dispose que les lois sont d’application immédiate, à condition que la prescription ne soit pas déjà acquise lors de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle. Deux cas sont à distinguer : - Les faits sont prescrits sous la loi ancienne : une loi nouvelle qui allongerait ou diminuerait une prescription n’aura aucune incidence sur les faits prescrits. - Les faits dont la prescription est en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle : la nouvelle prescription remplace l’ancienne sans que le délai total puisse excéder le délai de la prescription la pl

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