TD Droit Constitutionnel S1 2024 PDF

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Ce fascicule contient des notes de cours et une table des matières sur le droit constitutionnel, et analyse différents aspects de la souveraineté, des formes d'état, et les constitutionnalismes. Le cours est pour le premier semestre 2024.

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PSUAD Conférences de méthode de Droit constitutionnel Cours de M. le Professeur Frédéric Rouvillois 2024 UPA/ I er Semestre 1 TABLE DES MATIÈRES Séance 2 La notion d’État 1 La souveraineté proclamée 2 Le problème de l’Europe 3 Le cas Mona...

PSUAD Conférences de méthode de Droit constitutionnel Cours de M. le Professeur Frédéric Rouvillois 2024 UPA/ I er Semestre 1 TABLE DES MATIÈRES Séance 2 La notion d’État 1 La souveraineté proclamée 2 Le problème de l’Europe 3 Le cas Monaco 4 République ou monarchie Séance 3 Les formes de l’État 1 L’État fédéral 2 L’État unitaire 3 L’État régional Séance 4 La notion de Constitution 1 Constitution écrite/non écrite 2 Tout État a une Constitution Séance 5 Fonctionnement de la Constitution 1 Interprétation 2 Révision Séance 6 Protection de la Constitution 1 Le Principe 2 Les modalités Séance 7 La séparation des pouvoirs 1 La théorie 2 Les pratiques Séance 9 La notion de démocratie 1 Incertitudes 2 Relativité Séance 10 La démocratie représentative 1 La représentation dans les Constitutions 2 Démocratie directe et semi-directe 3 Modes de Scrutin 4 La démocratie participative 2 Séance 2 : La notion d’État 1La souveraineté proclamée 1.1 Constitution de 1791 Titre III Des pouvoirs publics Article premier. La souveraineté est une, indivisible, inaliénable et imprescriptible. Elle appartient à la nation ; aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s'en attribuer l'exercice. 1.2 Constitution de 1946 Des institutions de la République Titre I De la souveraineté Article premier. La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Article 2. L'emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge à trois bandes verticales d'égales dimensions. L'hymne national est La Marseillaise. La devise de la République est : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Son principe est : gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple. Article 3. La souveraineté nationale appartient au peuple français. Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. Le peuple l'exerce, en matière constitutionnelle, par le vote de ses représentants et par le référendum. En toutes autres matières, il l'exerce par ses députés à l'Assemblée nationale, élus au suffrage universel, égal, direct et secret. Article 4. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux et ressortissants français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. 2 Le problème de la construction européenne 2.1 Loi Fondamentale allemande, 1949 Art 23 Pour l'édification d'une Europe unie, la République fédérale d'Allemagne concourt au développement de l'Union européenne qui est attachée aux principes fédératifs, sociaux, d'Etat de droit et de démocratie ainsi qu'au principe de subsidiarité et qui garantit une protection des droits fondamentaux substantiellement comparable à celle de la présente Loi fondamentale. A cet effet, la Fédération peut transférer des droits de souveraineté par une loi approuvée par le Bundesrat. 2.2 Vers le super-État ? In Alain Peyrefitte, C’était De Gaulle (Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2002, p. 80) Le 13 juillet 1960, trois après le traité de Rome, De Gaulle, à l’issue d’un conseil des ministres, interroge son ministre Alain Peyrefitte « sur la manière de se prémunir contre le risque de perte de souveraineté nationale que comporterait ce traité si l’on n’y prenait pas garde ». Selon le président français, les partisans du fédéralisme, ont « compris qu’ils couraient à un échec s’ils y allaient franco. Mais ils n’ont pas changé de conviction. Ils sont bien décidés à établir (…) les États-Unis d’Europe, avec un super gouvernement fédéral, composé des actuelles commissions, qui surplomberait des gouvernements provinciaux – les actuels gouvernements des États –, lesquels ne s’occuperaient plus que des questions secondaires. (…) Cela, nous n’en voulons pas ! Cela ne se fera pas. (…) Ces virtualités ne sont pas acceptables pour nous. (…) Les prétentions des commissaires de Bruxelles à vouloir donner des ordres au gouvernement sont dérisoires ! ». 3 2.3 Traité sur l’Union européenne Article 1 Par le présent traité, les HAUTES PARTIES CONTRACTANTES instituent entre elles une UNION EUROPÉENNE, ci-après dénommée «Union», à laquelle les États membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. Le présent traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d'ouverture et le plus près possible des citoyens. L'Union est fondée sur le présent traité et sur le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après dénommés «les traités»). Ces deux traités ont la même valeur juridique. L'Union se substitue et succède à la Communauté européenne. Article 3 1. L'Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être des peuples. 2. L'Union offre à ses citoyens un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d'asile, d'immigration ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène. 3. L'Union établit un marché intérieur. Elle œuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement. Elle promeut le progrès scientifique et technique. Elle combat l'exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l'égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l'enfant. Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres. Elle respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen. 4. L'Union établit une union économique et monétaire dont la monnaie est l'euro. 5. Dans ses relations avec le reste du monde, l'Union affirme et promeut ses valeurs et ses intérêts et contribue à la protection de ses citoyens. Elle contribue à la paix, à la sécurité, au développement durable de la planète, à la solidarité et au respect mutuel entre les peuples, au commerce libre et équitable, à l'élimination de la pauvreté et à la protection des droits de l'homme, en particulier ceux de l'enfant, ainsi qu'au strict respect et au développement du droit international, notamment au respect des principes de la charte des Nations unies. 6. L'Union poursuit ses objectifs par des moyens appropriés, en fonction des compétences qui lui sont attribuées dans les traités. Article 4 1. Conformément à l'article 5, toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres. 2. L'Union respecte l'égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale. Elle respecte les fonctions essentielles de l'État, notamment celles qui ont pour objet d'assurer son intégrité territoriale, de maintenir l'ordre public et de sauv garder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre. 3. En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les États membres se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités. Les États membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union. Les États membres facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en 4 e­ péril la réalisation des objectifs de l'Union. Article 5 1. Le principe d'attribution régit la délimitation des compétences de l'Union. Les principes de subsidiarité et de proportionnalité régissent l'exercice de ces compétences. 2. En vertu du principe d'attribution, l'Union n'agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées dans les traités pour atteindre les objectifs que ces traités établissent. Toute compétence non attribuée à l'Union dans les traités appartient aux États membres. 3. En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union. Les institutions de l'Union appliquent le principe de subsidiarité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Les parlements nationaux veillent au respect du principe de subsidiarité conformément à la procédure prévue dans ce protocole. 4. En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. Les institutions de l'Union appliquent le principe de proportionnalité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. 2. 4. Du Brexit, Michael Keating, « Brexit and the Territorial Constitution of the United Kingdom », in Droit et société, Vol. 98, n° 1, 2018, pp. 53-69 (Résumé) Depuis vingt ans, le Royaume-Uni s’est transformé, passant d’un État unitaire à un État décentralisé et asymétrique. L’Union européenne a fourni un cadre externe facilitant cette réforme. La décision, suite au référendum de juin 2016, de la quitter a des répercussions majeures sur l’ordre constitutionnel interne du Royaume-Uni et sa relation avec la République d’Irlande. Alors que l’Écosse et l’Irlande du Nord ont voté pour leur maintien dans l’UE, tout en exprimant le souhait de demeurer au sein du Royaume-Uni, ces deux choix sont désormais incompatibles. La réattribution des compétences jusqu’alors transférées à l’UE amène à des choix entre le Royaume-Uni et les gouvernements dévolus. Le caractère peu formel et peu écrit de la Constitution britannique a en outre pour résultat qu’il n’y a pas de solutions claires à ces conflits de compétences. Dans un contexte d’incertitude, l’avenir du Royaume-Uni balance entre les scénarios d’une recentralisation, d’une désintégration et d’une recomposition de l’État. 3 Le cas Monaco 3.1 Traité d'amitié protectrice de Paris du 17 juillet 1918 Le président de la République française et Son Altesse Sérénissime le prince de Monaco, désireux de confirmer par un acte formel de mutuelle confiance l'Amitié protectrice que, suivant une heureuse tradition, la Principauté a toujours rencontrée auprès du Gouvernement français, Considérant que les intérêts de la Principauté de Monaco sont nécessairement liés, pr suite de sa situation géographique, à ceux de la France, Ont résolu de conclure à cet effet un traité et ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs, savoir : Le président de la République française : M. Stephen Pichon, sénateur, ministre des affaires étrangères de la République française ; 5 Et Son Altesse sérénissime, le prince de Monaco : M. le comte Bany d'Avricourt, son envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire près le président de la République française ; Lesquels, dûment autorisés, sont convenus des dispositions suivantes : Article premier Le Gouvernement de la République française assure à la Principauté de Monaco la défense de son indépendance et de sa souveraineté et garantit l'intégrité de son territoire comme si ce territoire faisait partie de la France. De son côté, le Gouvernement de son Altesse sérénissime le prince de Monaco s'engage a exercer ses droits de souveraineté en parfaite conformité avec les intérêts politiques militaires, navals et économiques de la France. Article 2 Les mesures concernant les relations internationales de la Principauté devront toujours faire l'objet d'une entente préalable entre le Gouvernement princier et le Gouvernement français. Il en est de même des mesures concernant directement ou indirectement l'exercice d'une régence ou la succession à la couronne qui, soit par l'effet d'un mariage, d'une adoption au autrement, ne pourra être dévolue qu'à une personne ayant la nationalité française ou monégasque et agréée par le Gouvernement français. Article 3 Son Altesse sérénissime le prince de Monaco, conformément aux articles additionnels du traité du 2 février 1861, confirme, tant pour lui que pour ses successeurs, l'engagement pris par le Gouvernement français de ne point aliéner la Principauté, soit en totalité, soit en partie, en faveur d'aucune autre puissance que la France. En cas de vacance de la couronne, notamment faute d'héritier direct ou adoptif, le Gouvernement monégasque formera, sous le protectorat de la France, un État autonome sous le nom d'État de Monaco. En pareil cas, les biens privés immobiliers non affectés à un usage public, qui, de ce chef, pourraient faire l'objet d'une revendication particulière des ayants droit, seront rachetés par l'État de Monaco avec l'assistance, s'il y a lieu, de l'État français. Article 4 Le Gouvernement français pourra, soit de sa propre initiative, avec l'agrément du prince, ou en cas d'urgence après notification, soit sur la demande de son Altesse sérénissime, faire pénétrer et séjourner sur le territoire et dans les eaux territoriales de la Principauté les forces militaires ou navales nécessaires au maintien de la sécurité des deux pays. Article 5 Le Gouvernement français prêtera au Gouvernement princier ses bons offices pour lui faciliter l'accès à ses côtés des conférences et institutions internationales, notamment de celles ayant pour objet l'organisation de la Société des Nations. Article 6 Des conventions particulières fixeront les dispositions concernant notamment : les conséquences économiques de l'union douanière stipulée par le traité du 2 février 1861, la poursuite et la répression des fraudes fiscales, des contraventions, des délits et des crimes de toute nature, l'organisation des services publics communs, l'enseignement, le recrutement des fonctionnaires publics, le régime des étrangers principalement au point de vue de leur naturalisation et de leur sujétion aux impôts, la coordination des mesures de police, la surveillance des frontières, étant bien entendu qu'il appartient au seul Gouvernement princier d'édicter, avec l'assentiment du Gouvernement français, s'il y a lieu, les dispositions concernant l'ordre public interne de la Principauté. Article 7 Le présent traité sera, dès que les circonstances le permettront, porté par les soins du Gouvernement français à la connaissance des puissances. 3.2 Traité de 2002 Traité destiné à adapter et à confirmer les rapports d'amitié et de coopération entre la République française et la Principauté de Monaco La République française et la Principauté de Monaco, Désireuses de confirmer par un acte formel de mutuelle confiance les relations étroites et privilégiées qui sont le reflet de leur amitié traditionnelle, telles qu'elles sont issues de l'Histoire et telles qu'elles s'inscrivent dans leur communauté de destin, Considérant que ces relations, régies par le Traité du 17 juillet 1918, appellent un cadre juridique mieux adapté aux réalités d'aujourd'hui, Se fondant sur les principes du Droit international et de la Charte des Nations unies, et partageant en outre les mêmes valeurs de 6 paix, de démocratie, de justice et de solidarité, Sont convenues des dispositions suivantes : Article premier La République française assure à la Principauté de Monaco la défense de son indépendance et de sa souveraineté et garantit l'intégrité du territoire monégasque dans les mêmes conditions que le sien. La Principauté de Monaco s'engage à ce que les actions qu'elle conduit dans l'exercice de sa souveraineté s'accordent avec les intérêts fondamentaux de la République française dans les domaines politique, économique, de sécurité et de défense. Une concertation appropriée et régulière y pourvoit en tant que de besoin. Article 2 La Principauté de Monaco s'assure par une concertation appropriée et régulière que ses relations internationales sont conduites sur les questions fondamentales en convergence avec celles de la République française. La République française se concerte avec la Principauté de Monaco en vue de prendre en compte les intérêts fondamentaux de celle-ci. Article 3 En cas de décès ou d'abdication du Prince régnant, Sa succession est assurée en vertu des dispositions pertinentes de la Constitution de la Principauté de Monaco du 17 décembre 1962, modifiée par la loi no 1249 du 2 avril 2002 portant révision de la Constitution. Tout fait entraînant une modification dans l'ordre successoral prévu par la Constitution est porté à la connaissance de la République française. Le territoire de la Principauté de Monaco est inaliénable. Article 4 La République française peut, à la demande ou avec l'agrément du Prince, faire pénétrer et séjourner sur le territoire de la Principauté de Monaco les forces nécessaires à la sécurité des deux Etats. Toutefois, cette demande, ou cet agrément, n'est pas requis lorsque l'indépendance, la souveraineté ou l'intégrité du territoire de la Principauté de Monaco sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics est interrompu. Article 5 Les relations entre la République française et la Principauté de Monaco s'établissent au niveau diplomatique. Chaque Etat entretient, à cet effet, une représentation sur le territoire de l'autre. La République française facilite, à la demande de la Principauté de Monaco, l'adhésion de celle-ci aux organisations et institutions internationales auxquelles elle participe. Dans les Etats où la Principauté de Monaco ne dispose pas d'une représentation consulaire, et sous réserve des dispositions du droit international régissant les relations diplomatiques et consulaires, les ressortissants monégasques peuvent s'adresser en tant que de besoin à un poste diplomatique ou consulaire de la République française ou la représentant. Article 6 La République française et la Principauté de Monaco concluent des conventions particulières dans les domaines d'intérêt commun. Les conventions en vigueur à la date du présent traité le demeurent. Article 7 La République française et la Principauté de Monaco s'engagent à procéder à des consultations régulières sur les situations d'intérêt commun. La Commission de coopération franco-monégasque sert de cadre à ces consultations, ainsi que les commissions instituées par les conventions ad hoc. Article 8 La République française et la Principauté de Monaco notifient l'une à l'autre l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises pour l'entrée en vigueur du présent traité, laquelle intervient le premier jour du mois suivant la date de réception de la seconde de ces notifications. Le présent traité peut être modifié par le commun accord des parties. Les modifications prennent effet selon les mêmes procédures que celles mentionnées à l'alinéa précédent. Fait à Paris, le 24 octobre 2002, en double exemplaire. Pour la République française : 7 Dominique de Villepin, Ministre des affaires étrangères Pour Son Altesse Sérénissime le Prince de Monaco : Patrick Leclercq, 4 République ou Monarchie ? 4.1 La république, une notion incertaine La république comme antithèse de la monarchie ! Cette fois, enfin, on semble en présence d’un élément de définition stable, solide comme le roc. Et qui peut réclamer de la haute autorité de Machiavel qui, dès la première phrase du Prince, souligne que « tous les Etats, toutes les seigneuries qui eurent et ont commandement sur les hommes, furent et sont ou républiques, ou principautés »1 Ou républiques ou principautés. L’alternative est simple - spécialement pour Machiavel, citoyen d’une cité, Florence, « où les tensions persistantes entre les conceptions républicaines et médicéennes du gouvernement (ont) gardé leur actualité à la question de la valeur comparée de la république et de la monarchie, si importante dans la littérature politique du début du quattrocento »2 Cette distinction radicale peut d’ailleurs être le fait de républicains, comme Machiavel, mais aussi de monarchistes convaincus, à l’exemple de Jean Domat, « le Descartes de la jurisprudence », qui en fait la summa divisio de son Droit public. Ayant précisé que, dans toutes les républiques, « C’est par l’élection que l’on remplit les premières places »3, il en conclut à la médiocre qualité de ces régimes où, paradoxalement, l’intérêt général, qui devrait être l’unique souci du gouvernement, se trouve en pratique fort mal satisfait, à l’inverse de ce qui se produit dans les monarchies. À cette époque, sous le règne de Louis le Grand, la distinction se trouve d’ailleurs consacrée par le Dictionnaire de l’Académie française qui, dans son édition de 1694, définit la république comme un « État gouverné par plusieurs ». Par plusieurs, et non par un seul. Las ! L’opposition terme à terme que certains soutiennent, n’est pas si évidente qu’il y paraît : mieux, elle ne l’est, ni avant, ni après la rupture que représente à cet égard l’instauration de la république en septembre 1792. A avant 1792 Si, pour reprendre le mot de Camille Desmoulins, le mot république figurait dans les ordonnances de François Ier, c’est en raison de son caractère foncièrement polysémique Et parce qu’avant de désigner un certain type de régime politique, il est utilisé couramment comme synonyme de société, ou d’État. La république entendue comme corps politique, comme communauté des citoyens, se retrouve ainsi fréquemment dans les écrits officiels de la monarchie – et par exemple, dans certains édits du roi Henri IV. Au début de la révolution, Camille Desmoulins va jusqu’à qualifier l’Assemblée constituante de « congrès de la république de France », tandis que Saint-Just, le 19 août 1790, écrit à Robespierre qu’il idolâtre en lui déclarant : « Vous n’êtes pas seulement le député d’une province, vous êtes celui (....) de la république »4. Mais l’usage le plus fréquent, avant le XVIIIe siècle, est vraisemblablement celui qu’a immortalisé Jean Bodin en le prenant pour titre de son grand œuvre, Les Six livres de la république. En 1576, cet ouvrage, souvent considéré comme le point de départ de la philosophie politique française, débute par une phrase qui ne laisse pas de place au doute : « République est un droit gouvernement de plusieurs ménages et de ce qui leur est commun, avec puissance souveraine ». La république, pour Bodin comme pour beaucoup de ses contemporains, c’est l’État, quelle que soit la forme, monarchique, aristocratique ou populaire, de son gouvernement. L’État en tant qu’il se caractérise par un pouvoir souverain. Bodin n’est pas le premier à donner ce sens au mot république : vingt ans plus tôt, on ne rencontre ainsi dans le Miroir politique de Guillaume de la Perrière, pour qui « la bonne et droite république est celle en laquelle les gouverneurs tendent à l’utilité publique de la cité »5. Bodin n’est pas le premier, mais surtout pas le dernier : au XVIIe siècle, on le rencontre partout, dans l’œuvre de Guez de Balzac comme dans le testament politique de Richelieu, dans les Caractères de La Bruyère comme dans les œuvres de Fénelon. Dans cette acception, république et monarchie n’ont rien d’inconciliable, et sont donc très habituellement rapprochés. En 1626, dans un recueil paru en Hollande intitulé Res publica, sive status Regni galliae, la république, ou les lois du royaume de France, on réédite ainsi un ouvrage de Claude de Seyssel, le conseiller de Louis XII, sous le titre De la monarchie de France, ou de la 1 N. Machiavel, Oeuvres complètes, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1952, p. 290. 2« La pensée poli que italienne, 1450 – 1530 », in J. H. Burns, Histoire de la pensée poli que moderne, 1450 – 1700, Paris, plus, collec on Léviathan, 1900…, 32. 3 Cité É. Gojosso, Le concept de république en France ( XVIème-XVIIIème siècle), Aix en Provence, PUAM, 1998, p.195 4 Idem, p. 409 5 Cité idem, p. 93 8 ti ti ti république française. Ce sont d’ailleurs notamment les juristes qui, à l’époque, jonglent avec les deux mots – à l’instar de Charondas, affirmant que « le gouvernement de la république (…) s’il est d’un seul souverain, est appelé monarchie »6. 2 Cette incertitude se prolonge jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. A l’époque, la nouveauté vient de ce que le sens « actuel », la république comme régime politique, s’affirme, jusqu’à prendre le pas sur les autres, sans pour autant les faire disparaître… Mais ce glissement sémantique n’implique pas pour autant une réelle clarification des rapports entre les notions de monarchie et de république : le discours du temps, observe Éric Gojosso, « n’est jamais très rigoureux. Sous la plume des auteurs, république est plus que jamais un mot polysémique dont l’emploi est souvent flottant »7. Bref, même en tant que régime politique, la république n’est pas toujours distinguée de la monarchie Pour beaucoup de penseurs de l’époque, des plus modestes aux plus éminents, la république se définit en effet comme un système dépourvu d’un monarque absolu. C’est ce que présupposait déjà le protestant Jurieu, ennemi forcené de Louis XIV, lorsqu’il déclarait que le roi de Pologne « est plutôt un chef de république qu’un souverain »8. Même remarque pour la Suède, vue par d’Argenson comme « une république mixte présidée par un roi »9 ; pour l’Empire romain germanique vu par Voltaire, qui parle d’ « une république de princes à laquelle présidait un empereur »10 ; pour le monarchie franque vue par Mably ; et bien sûr, pour le modèle fétiche des Philosophes, la Grande-Bretagne, république dont « la première singularité heureuse » écrit Raynal, « est d’avoir un roi »11. La république, estime donc les penseurs des Lumières, est un système dans lequel le pouvoir n’est pas intégralement entre les mains d’un souverain absolu. Dès lors que tel n’est pas le cas, on est en république - même lorsqu’on est en présence d’un roi. Et Jean-Jacques Rousseau lui-même n’écrit pas autre chose : pour lui, est une république « tout État régi par des lois, sous quelque forme d’administration que ce puisse être : car alors seulement l’intérêt public gouverne, et la chose publique est quelque chose »12. Pour être république, précise-t-il en note, il suffit que le gouvernement ne se confonde pas avec le souverain, et « qu’il en soit le ministre : alors la monarchie elle-même est république ». Et c’est ce que Robespierre, disciple passionné de Rousseau, reconnaît à son tour dans un discours prononcé le 13 juillet 1791 : « Le mot république (…) appartient à tout gouvernement d’hommes libres qui ont une patrie. Or, on peut être libre avec un monarque comme avec un Sénat. Qu’est-ce que la constitution française actuelle ? C’est une république avec un monarque »13. Un an à peine avant la naissance de la république, le moins qu’on puisse dire est que le sens du mot demeure flottant. B Après 1792 Ce n’est donc que tardivement que l’on va affirmer l’opposition entre monarchie et république. Les jacobins eux-mêmes attendent septembre 1792, et même, la fin du mois, pour parler enfin de république. Quant à cette dernière, elle est au fond moins « proclamée » que « constatée », le 22 septembre, suite à l’abolition de la monarchie décidée la veille. (…) Pourtant, si les premiers éléments d’une doctrine républicaine se mettent en place, l’incertitude subsiste, comme on le constatera bientôt, sitôt après le 18 brumaire qui permet à Bonaparte de s’emparer du pouvoir. 1 Durant les premières années qui suivent ce coup d’Etat, puis l’adoption de la constitution de l’an VIII, l’ambiguïté paraît déjà considérable. Si l’article 1er de la constitution dispose que « la République française est une et inaltérable », l’article 39, qui désigne Premier consul « le citoyen Bonaparte », précise qu’il est nommé pour 10 ans et indéfiniment rééligible, les articles suivants consacrant sa primauté absolue. Détail notable, on maintient les deux fêtes nationales établies avant Brumaire, le 14 juillet, fête de la Concorde, et le 23 septembre, fête de la république. Mais à cette occasion, on crie en même temps « Vive la république ! » et « Vive Bonaparte ! »14 Du reste, constate Adolphe Thiers, les corps constitués s’adressent au Premier consul « comme on parlait jadis au roi »15. Le rapprochement, ou la confusion, s’accentue visiblement avec la constitution de l’an X (1802), en vertu de laquelle « les consuls sont à vie » (article 39), le Premier consul ayant en outre le pouvoir exorbitant de présenter, lorsqu’il « le juge convenable », « un citoyen pour lui succéder après sa mort » (article 42) - citoyen qui, précise l’article 43, prêtera « serment à la république, entre les 6 Idem, p. 157 7 Idem, 251 8 Idem, 193 9 Idem, 277 10 Idem, 329 11G.-Th. Raynal, Histoire philosophique et poli que des établissements et du commerce des européens dans les Deux Indes, Paris, Berry, An III, t. X, p. 70 12 J.-J. Rousseau, Du Contrat social, II, 6, Paris, Cazin, 1791, p. 63-64. 13 M. de Robespierre, Oeuvres, Paris, Presses universitaires de France, 1953, t. VII, p.552 14 M. Deslandres, op.cit., t. I, p. 516 15 Idem, p. 515 9 ti mains du premier consul ». D’une part, donc, la république subsiste, comme l’indique la formule du serment précisé à l’article 44 : « Je jure de maintenir la constitution, de respecter la liberté de conscience, de m’opposer au retour des institutions féodales, de ne jamais faire la guerre que pour la défense et la gloire de la République, et de n’employer le pouvoir dont je serai revêtu que pour le bonheur du peuple, de qui et pour qui je l’aurais reçu ». Mais d’autre part, les prérogatives dont est investi le Premier consul, le mandat à vie, et tout spécialement ce mécanisme de présentation de son successeur, indiquent que l’on est aussi en monarchie. À ce détail près qu’elle n’est pas héréditaire, et que le monarque reste libre de se choisir un Dauphin... (…) 2 Mais le plus frappant, c’est qu’il le demeure après la constitution de l’an XII (1804)- qui institue l’empire héréditaire sans pour autant renoncer à la république. Cette nouvelle constitution consacre un glissement perceptible depuis celle de l’an VIII. Pour autant, elle ne remet pas en cause la nature républicaine du régime. Son article premier précise ainsi que « le gouvernement de la République est confié à un empereur, qui prend le titre d’empereur des Français ». Au Tribunat, le 30 avril 1804, le rapporteur de la proposition avait émis le vœu que Napoléon Bonaparte « soit déclaré empereur et en cette qualité demeure charger du gouvernement de la république »16. L’un n’est donc pas exclusif de l’autre : c’est ce que rappelle la formule officielle, prévue aux articles 140 et 141 de la constitution pour figurer en tête des lois promulguées et des jugements exécutoires : « Napoléon, par la grâce de Dieu et des constitutions de la République, empereur des Français… » Et c’est ce que chaque français constate chaque jour en utilisant de pièces de monnaie qui, jusqu’en 1809, portent, côté face, « Napoléon, empereur des Français », et côté pile, « République française ». La formule ne sera modifiée qu’en vertu d’un décret impérial du 22 octobre 1808. (…) ( Ext de Frédéric Rouvillois, Etre (ou ne pas être) républicain, Paris, ed. du Cerf, 2015.) 4.2 Une monarchie contemporaine, Oman. Oman Constitution du 6 novembre 1996. Nous, Qabous bin Said, Sultan d'Oman, Confirmant les principes qui ont guidé la politique de l'État dans différents domaines au cours de la période écoulée, et affirmant notre détermination à poursuivre nos efforts pour créer un un avenir meilleur caractérisé par de nouvelles réalisations qui apporteront de nouveaux avantages au pays et à ses citoyens ; Déterminé à renforcer la position internationale d'Oman et son rôle dans l'établissement des fondements de la paix, de la sécurité, de la justice et de la coopération entre États et peuples différents ; Conformément aux exigences de l'intérêt public, Nous avons décrété ce qui suit : 1. La loi fondamentale de l'État est promulguée conformément au texte ci-joint. 2. Le présent décret sera publié au Journal officiel et entrera en vigueur avec effet à partir de sa date d'émission. 24 Jumada al Akhira 1417, correspondant au 6 novembre 1996. Titre premier. L'Etat et le système de gouvernement. Article premier. Le Sultanat d'Oman est un État arabe indépendant, islamique, pleinement souverain, avec Mascate pour capitale. (…) Article 5. Le système de gouvernement est le sultanat héréditaire, dont la succession appartient aux descendants mêles de Sayyid Turki bin Said bin Sultan, à condition toutefois que le successeur en titre soit musulman, adulte, sain d'esprit et fils légitime de parents musulmans omanais. Article 6. 1. Le conseil de la famille régnante nommera le successeur au trône ans un délai de trois jours après la vacance du trône. 2. Dans le cas où le conseil de famille ne parviendrait pas à se mettre d'accord sur le successeur au trône, il incombera au Conseil de défense de confirmer la personne désignée par le Sultan dans sa lettre au conseil de la famille régnante. Article 7. 16 Cité M.Deslandres, op.cit., t. I, p. 558 10 Le Sultan, avant d'entrer en fonction, doit, dans une séance commune au Conseil d'Oman et au Conseil de défense, prêter le serment suivant : « Je jure devant Allah tout-puissant de respecter la loi fondamentale de l'État et toutes les lois, ainsi que de sauvegarder les intérêts des citoyens omanais et leur liberté et de préserver l'indépendance du pays et son intégrité territoriale. » Article 8. Le gouvernement continuera d'exercer ses fonctions jusqu'à ce que le Sultan soit désigné et investi de ses pouvoirs. Article 9. La loi dans le Sultanat sera fondée sur les principes de justice, de consultation (Choura) et d'égalité. Les citoyens ont le droit de participer aux affaires publiques, conformément à la loi fondamentale et aux conditions et clauses énoncées par la loi. (…) Titre IV. Le chef de l'État. Section 1. Le Sultan. Article 41. Le Sultan est le chef de l'État et le commandant suprême des forces armées. Sa personne est inviolable. Le respect de sa personne est un devoir et son commandement doit être obéi. Il est le symbole de l'unité nationale ; il protège et sauvegarde cette unité. Article 42. Le Sultan s'acquitte des fonctions suivantes : - préserver l'indépendance du pays et son intégrité territoriale ; protéger sa sécurité intérieure et extérieure ; sauvegarder les droits et les libertés des citoyens ; assurer l'obéissance à la loi et guider la politique générale de l'État ; - prendre des mesures promptes pour déjouer tout danger menaçant la sécurité de l'État, l'intégrité du territoire, la sécurité et l'intérêt de son peuple ou tout danger empêchant le bon fonctionnement des institutions de l'État ; - représenter l'État à l'intérieur du pays et à l'étranger dans les relations internationales ; - présider le Conseil des ministres ou nommer une personne pour le présider ; - présider les conseils spécialisés ou nommer une personne à leur présidence ; - nommer ou relever de leurs fonctions le vice-président du Conseil des ministres, les ministres ou toute personne de rang similaire ; - nommer ou relever de leurs fonctions les sous-secrétaires, les secrétaires généraux et toute personne de rang similaire ; - nommer ou relever de leurs fonctions les magistrats supérieurs ; - déclarer l'état d'urgence, la mobilisation générale, la guerre, conclure la paix, conformément aux dispositions de la loi ; - sanctionner et promulguer les lois ; - signer les traités et accords internationaux, conformément aux dispositions de la loi, ou autoriser leur signature et publier les décrets de ratification de ces traités et accords ; - nommer ou relever de leurs fonctions les représentants de l'État à l'étranger ou auprès des organisations internationales, conformément aux limites et aux conditions fixées par la loi. Accepter les lettres de créances des représentants d'autres États et des organisations internationales ; - accorder les grâces ou les remises de peines ; - conférer les honneurs, les décorations et les rangs militaires. 11 Séance 3 : Les formes de l’État 1 L’État fédéral 1.1 J. A Macdonald, Du système fédéral (1864) Depuis les débuts de leur union, les États-Unis ont connu des difficultés avec les « State Rights » qui ont fortement contribué à provoquer la présente guerre de mécontentement aux États-Unis. En fait, les Américains ont commencé par la fin. En effet, leur constitution stipule que chaque État est souverain en soi et que tous les pouvoirs attachés à la souveraineté lui appartiennent, sauf les pouvoirs que la Constitution confère au gouvernement général et au Congrès. Ici, nous avons adopté un système différent. Nous avons renforcé le gouvernement général. Nous avons attribué à la législature générale tous les grands domaines de législation. Non seulement avons-nous donné à la législature et au gouvernement généraux tous les pouvoirs qui se rattachent à la souveraineté de façon détaillée, mais nous avons aussi convenu expressément que les domaines d'intérêt général non attribués de façon claire et exclusive aux législatures et aux gouvernements locaux seront conférés à la législature et au gouvernement généraux. Nous avons ainsi évité la grande source de faiblesse qui a été la cause des perturbations aux États-Unis. Nous avons évité tout conflit de juridiction et d'autorité, et si cette Constitution est acceptée, nous aurons, comme je l'ai déjà dit, les avantages d'une union législative dans une même administration et les garanties du maintien des institutions et des lois locales exigées par tant de personnes dans les provinces qui seront désormais, et je le souhaite, réunies...... Le distingué membre qui examinera la liste des différents domaines assignés respectivement aux législatures générale et locales, notera que tout ce qui touche les intérêts de la Confédération dans son ensemble a été confié au parlement fédéral, tandis que les lois et les intérêts locaux propres à chaque section sont gardés intacts et placés entre les mains des organismes locaux. Naturellement, le parlement général doit avoir le pouvoir de gérer la dette et les biens publics de la Confédération. Bien sûr, il doit aussi régir les lois sur le commerce, les douanes et accises. Le parlement fédéral doit détenir le pouvoir souverain de prélever de l'argent des sources et par les moyens indiqués par les élus de la population. Il faut faire en sorte que les législatures locales aient le contrôle de tous les travaux locaux. De plus, il est vital, et il s'agit d'un des plus grands avantages de l'union fédérale et des législatures locales, que chaque province possède le pouvoir et les moyens de développer ses propres ressources, et qu'elle favorise son propre progrès selon sa culture et ses habitudes. Ainsi, toutes les améliorations, entreprises et exploitations locales ont été laissées entre les mains et à l'administration des législatures locales de chaque province. (Acclamations)...... En ce qui concerne les gouvernements locaux, il est prévu que chacun de ces derniers sera gouverné par un représentant administratif en chef nommé par le gouvernement général. Puisque cette province fait partie de l'union, avec sa législature locale et son gouvernement local subordonné à la législature et au gouvernement généraux, il est clair que le représentant administratif en chef de chaque province sera lui aussi subordonné. Le gouvernement général assumera envers les gouvernements locaux exactement la même responsabilité que le gouvernement impérial assume présentement envers les colonies ; de la même manière que le lieutenant-gouverneur de chacune des provinces est nommé directement par la reine, qu'il est responsable et qu'il répond directement devant Sa Majesté, les dirigeants des gouvernements locaux seront subordonnés au représentant de la reine, ils seront responsables et répondront devant lui...... En guise de conclusion, j'implore la Chambre de ne pas laisser passer cette occasion. Il s'agit d'une chance qui ne se présentera peut-être plus jamais. Au risque de me répéter, je dirais que ce n'est que par un heureux concours de circonstances que nous avons été en mesure de conduire cette grande idée à son état actuel. Si nous ne prenons pas avantage de cet instant, si nous ne nous montrons pas à la hauteur de la situation, celle-ci risque de ne plus se présenter et nous regretterons amèrement et vainement le fait de ne pas avoir profité de l'occasion de fonder une grande nation sous la bonne garde de la Grande-Bretagne et de notre Souveraine, la reine Victoria. (Vives acclamations au milieu desquelles l'honorable interlocuteur reprit son siège.) Source: Débats parlementaires sur la question de la confédération des provinces de l'Amérique britannique du Nord : 3e session, 8e Parlement provincial du Canada. – 1.2 Autriche, pouvoirs de la Fédération Loi constitutionnelle fédérale du 1er octobre 1920 Titre premier Dispositions générales. 12 A. Dispositions générales Article premier. L'Autriche est une République démocratique. Son droit émane du peuple. Article 2. (1) L'Autriche est un État fédéral. (2) L'État fédéral est formé de Laender autonomes : Basse-Autriche, Burgenland, Carinthie, Haute-Autriche, Salzbourg, Styrie, Tyrol, Vienne et Vorarlberg. Article 3. (1) Le territoire fédéral se compose des territoires des Laender. (2) Une modification du territoire fédéral qui représente en même temps une modification du territoire d'un Land, ainsi qu'une nouvelle délimitation d'un Land au sein du territoire fédéral ne peuvent s'effectuer - hormis les traités de paix - que sur la base de lois constitutionnelles concordantes de la Fédération et du Land dont le territoire est redélimité. Article 4. (1) Le territoire fédéral forme une seule et unique région monétaire, économique et douanière. (2) Aucun cordon douanier intérieur ni aucune autre restriction à la circulation ne sauraient être établis sur le territoire fédéral. Article 5. (1) Vienne est la capitale fédérale et le siège des organes suprêmes de la Fédération. (2) Pour la durée de circonstances exceptionnelles, le président fédéral peut, sur proposition du gouvernement fédéral, transférer le siège d'organes suprêmes de la Fédération dans un autre endroit du territoire fédéral. Article 6. (1) Il y a une seule nationalité unique pour la République d'Autriche. (2) Les nationaux autrichiens ayant un domicile principal dans un Land sont citoyens de ce Land ; les lois d'un Land peuvent cependant prévoir que même des nationaux ayant une résidence dans ce Land qui n'est pas leur domicile principal sont citoyens de ce Land. (3) Le domicile principal d'une personne est élu au lieu où elle s'est établie dans l'intention manifeste ou découlant des circonstances d'y créer le centre de ses liens d'existence ; dans le cas où cette condition matérielle, en considérant l'ensemble des liens d'existence d'une personne sur le plan professionnel, économique et social, s'applique à plusieurs résidences, c'est à elle de désigner le lieu de domicile principal pour lequel elle a un rapport de proximité prépondérant. Article 7. (1) Tous les citoyens de la Fédération sont égaux devant la loi. Les privilèges tenant à la naissance, au sexe, à l'état, à la classe et à 13 la religion sont exclus. Nul ne peut être défavorisé en raison de son handicap. La République (la Fédération, les Laender, les communes) s'engage à assurer, dans tous les domaines de la vie quotidienne, l'égalité de traitement entre les personnes handicapées et celles qui ne le sont pas. (2) La Fédération, les Laender, les communes reconnaissent le principe de l'égalité de fait entre les hommes et les femmes. Les mesures destinées à favoriser cette égalité sont autorisées, notamment si elles visent à éliminer les inégalités de fait existantes. (3) Les charges publiques peuvent être désignées sous une forme qui révèle le sexe du détenteur ou de la détentrice de la fonction. Le même principe s'applique aux titres, aux grades universitaires et aux dénominations professionnelles. (4) L'exercice intégral des droits politiques est garanti aux agents de la fonction publique, y compris aux membres de l'armée fédérale. Article 8. La langue allemande est la langue officielle de la République, sans préjuger des droits accordés aux minorités linguistiques par des lois de la Fédération. (…) Article 9. (1) Les règles généralement reconnues du droit international public sont considérées comme partie intégrante du droit fédéral. (2) La Fédération peut transférer par voie législative ou par un traité approuvé selon la procédure du paragraphe premier de l'article 50, certains de ses droits de souveraineté à des institutions internationales et à leurs organes, et soumettre aux dispositions du droit international public l'activité des organes d'États étrangers sur le territoire fédéral ainsi que l'activité des organes autrichiens à l'étranger. (…) Article 10. (1) La Fédération dispose des pouvoirs législatif et exécutif dans les matières suivantes : 1. Constitution fédérale, en particulier élections au Conseil national ; référendums en vertu de la Constitution fédérale ; juridiction constitutionnelle ; 2. affaires étrangères, y compris la représentation politique et économique vis-à-vis de l'étranger, en particulier la conclusion de traités internationaux, sans préjudice de la compétence des Laender conformément aux dispositions du paragraphe premier de l'article 16 ; abornement des frontières; échanges de marchandises et de bétail avec l'étranger ; douanes; 3. réglementation et contrôle de l'entrée et de la sortie du territoire fédéral ; immigration et émigration ; passeports ; refoulement, reconduite, expulsion et extradition ainsi qu'extradition en transit ; 4. finances fédérales, en particulier les impôts perçus exclusivement ou partiellement pour la Fédération ; monopoles ; 5. monnaie, crédit, bourse, banque ; poids et mesures, normalisation et poinçonnage ; 6. droit civil, y compris les associations économiques, à l'exception toutefois des règles soumettant la mutation des biens fonciers pour étrangers et la mutation des biens fonciers bâtis ou à bâtir à des restrictions administratives, y compris l'acquisition de droits pour raison de décès par des personnes n'appartenant pas au groupe des héritiers légitimes ; fondations privées ; droit pénal, hormis le droit pénal administratif et la procédure pénale administrative dans les matières relevant de la compétence autonome des Laender ; justice ; institutions pour protéger la société contre les criminels ou les autres personnes dangereuses ; juridiction administrative ; droit d'auteur ; presse ; expropriation, dans la mesure où celle-ci ne concerne pas les matières relevant du domaine d'action autonome des Laender ; notaires, avocats et professions apparentées ; 7. sauvegarde de la tranquillité, de la sécurité et de l'ordre publics, y compris les premiers secours généraux, hormis cependant la police locale de sécurité ; droit d'association et de réunion ; questions d'état civil, y compris tenue des registres et changement de nom ; police des étrangers, déclaration de séjour ; armes, munitions et explosifs, épreuves de tir ; (…) 14 1.3 Abu Dhabi, structures et pouvoirs d’un État fédéré. Constitution du 2 décembre 1996 Titre VI. Les Émirats. Article 116. Les Émirats exercent toutes les prérogatives non assignées par la présente Constitution à la Fédération, ils participent ensemble à sa construction et profitent de son existence, de ses services et de sa protection. Article 117. L'exercice du pouvoir dans chaque Émirat vise en particulier à maintenir l'ordre et la sécurité sur son territoire, à y assurer les services publics à ses habitants et à en améliorer les conditions de vie. Article 118. Les Émirats membres de la Fédération feront tout pour coordonner leurs législations dans les différents domaines en vue de les unifier dans la mesure du possible. Deux Émirats ou plus peuvent, après obtention de l'approbation du Conseil suprême, se regrouper dans une unité politique ou administrative, ou unifier l'ensemble ou une partie de leurs services publics ou établir une administration unique ou commune pour assumer un service. Article 119. La loi fédérale réglementera de la manière la plus aisée possible tout ce qui concerne l'exécution des jugements, les demandes des commissions rogatoires, les documents juridiques et l'extradition des individus poursuivis entre les Émirats membres de la Fédération. Titre VII. Répartition des compétences législatives entre la Fédération et les Émirats. Article 120. La Fédération a la compétence législative et exécutive exclusive dans les affaires suivantes : 1. Affaires étrangères. 2. La défense et les forces armées de la Fédération. 3. La sécurité de la Fédération contre toute menace intérieure ou extérieure. 4. La sécurité et l'ordre dans la capitale permanente de la Fédération. 5. Les fonctionnaires fédéraux et ceux du système judiciaire fédéral. 6. Finances fédérales, impôts, taxes et honoraires. 7. Prêts publics de la Fédération. 8. Affaires postales, télégraphiques et télécommunications. 9. Construction, entretien et amélioration des routes déclarées par le Conseil Suprême comme étant des routes principales ainsi que l'organisation du trafic sur de telles routes. 10. Contrôle du trafic aérien et émission des permis aux avions et aux pilotes. 11. Éducation. 12, Santé publique et services médicaux. 13. Billets de banque et monnaie. 14. Mesures, normes et poids. 15. Services électriques. 16. Nationalité, passeports, résidence et immigration. 17. Les propriétés de la Fédération et tout ce qui s'y rattache. 18. Statistiques, recensements concernant les domaines fédéraux. 19. L'information fédérale. 15 Article 121. Sans préjudice des dispositions de l'article précédent, la Fédération a la compétence législative exclusive dans les domaines suivants : Relations de travail, travailleurs et sécurité sociale ; propriété foncière et expropriation dans l'intérêt public ; extradition des criminels ; banque ; assurances diverses ; protection de la faune et de la flore ; législations principales concernant code pénal, code civil et commercial, droit des sociétés, code de procédures civile et criminelle ; protection des droits de propriété intellectuelle, industrielle et technique ; les droits d'auteur, d'impression et d'édition ; importation des armes et des munitions à l'exception de celles destinées à l'utilisation des forces armées ou des forces de sécurité appartenant à un Émirat ; autres affaires d'aviation ne relevant pas de la juridiction exécutive de la Fédération ; délimitation des eaux territoriales et réglementation de la navigation en haute mer ; organisation et méthode d'établissement de zones franches financières et portée de leur exclusion de l'application des dispositions des lois fédérales. [Amendement n° 1 de 2004.] Article 122. Les Émirats ont compétence dans tous les sujets non assignés à la compétence exclusive de la Fédération selon les dispositions des deux articles précédents. Article 123. En tant qu'exception à l'alinéa 1 de l'article 120 relatif à la compétence exclusive de la Fédération dans les domaines de la politique étrangère et des relations internationales, les Émirats membres de la Fédération peuvent signer des accords limités à caractère local et administratif avec les États voisins ou les régions proches à condition que de tels accords ne soient pas contradictoires avec les intérêts de la fédération ou avec des lois fédérales et sous réserve que le Conseil fédéral suprême en soit informé à l'avance. Si le Conseil s'oppose à la conclusion de tels accords, elle est obligatoirement suspendue jusqu'à ce que la Cour fédérale statue dès que possible sur cette objection. Les Émirats peuvent maintenir leur adhésion à l'OPEP et à l'organisation des pays arabes exportateurs de pétrole ou peuvent y adhérer. Article 124. Avant la conclusion de n'importe quel traité ou accord international qui peut affecter le statut d'un des Émirats, les autorités compétentes de la Fédération consultent cet Émirat. En cas de conflit, le sujet sera soumis à la Haute Cour fédérale pour trancher. Article 125. Les gouvernements des Émirats prennent les mesures appropriées pour mettre en application les lois promulguées et les accords et les traités internationaux conclus par la Fédération, y compris la promulgation des lois, des règlements, des décisions et des ordres locaux nécessaires pour une telle application. Les autorités fédérales doivent superviser l'application, par les Gouvernements des Émirats, des lois fédérales, des décisions, des traités, des accords et des jugements fédéraux. Les autorités administratives et juridiques compétentes dans les Émirats doivent fournir aux autorités fédérales toute aide possible à cet égard. 1.4 Bavière CONSTITUTION DE LA REPUBLIQUE DE BAVIERE Du 2. d cembre 1946 (modifi e en dernier lieu par la loi du 10. novembre 2003) Face au champ de ruines auquel un ordre tatique et une soci t sans Dieu, sans conscience et sans respect de l'Homme, ont amen les survivants de la deuxi me guerre mondiale, et dans la volont ferme d'assurer aux g n rations allemandes qui suivent les b n dictions que sont la paix, l'humanisme et le droit, le peuple bavarois, eu gard son histoire plus que mill naire, se donne la Constitution qui suit. Article 1 Premi re partie Organisation et fonctions de l'Etat Chapitre I Les fondements de l'Etat bavarois (1) La Bavi re est un Etat libre. (note de la traductrice: "Etat libre" est la traduction litt rale du mot allemand "Freistaat" qui lui- m me est le synonyme de R publique). 16 é é é è é é é è è é é é é é é à é é ê é (2) Ses couleurs sont le blanc et le bleu. (3) Le blason est d fini par la loi. Article 2 (1) La Bavi re est une d mocratie. La souverainet mane du peuple. (2) Le peuple exprime sa volont au moyen d' lections et de scrutins. La majorit l'emporte. Article 3 (1) La Bavi re est un Etat de droit, un Etat prenant en charge constitutionnellement la culture (Kulturstaat) et un Etat social. Il sert le bien commun. 1.5 Dissolution de la fédération Loi constitutionnelle du 25 novembre 1992 sur la dissolution de la République fédérative tchèque et slovaque. La Tchécoslovaquie, née, le 28 octobre 1918, de la Grande Guerre et de la défaite des empires centraux, a été dissoute, comme la Yougoslavie, après la chute du Mur de Berlin et la réunification de l'Allemagne. Les discussions entre Tchèques et Slovaques sur la Constitution de l'État commun échouent au début de 1992. Les élections du 6 juin 1992 voient la victoire des formations politiques disposées à tirer les conséquences de cet échec : la formation de deux États indépendants. Dès le 19 juin, la dissolution de la Fédération est décidée. La séparation s'opère à l'amiable. L'Assemblée fédérale tchécoslovaque adopte le 25 novembre une loi qui prévoit les modalités de la disparition de l'État commun. La République tchèque et la République slovaque naissent officiellement le 1er janvier 1993. L'Assemblée fédérale de la République fédérative tchèque et slovaque, tout en respectant la résolution du Conseil national tchèque et du Conseil national de la République slovaque, a délibéré sur la loi constitutionnelle suivante : Article premier. 1. Le 31 décembre 1992, la République fédérative tchèque et slovaque disparaît. 2. Les États successeurs de la République fédérative tchèque et slovaque sont la république tchèque et la république slovaque. Article 2. L'activité de la République fédérative tchèque et slovaque, qui lui a été confiée par des lois constitutionnelles et autres, se transmet à la république tchèque et à la République slovaque dès le 1er janvier 1993. Article 3. 1. Avec la disparition de la République fédérative tchèque et slovaque, les organes d'État de la République fédérative tchèque et slovaque disparaissent. En même temps disparaissent les forces armées et les corps de sécurité de la République fédérative tchèque et slovaque et les organisations inscrites au budget, celles subventionnées par le budget d'État de la République fédérative tchèque et slovaque, et les organisations d'État rattachées à l'activité de la République fédérative tchèque et slovaque qui ont été définies par la loi. 2. La République tchèque et la République slovaque ne peuvent pas, après la disparition de la République fédérative tchèque et slovaque, utiliser les symboles d'État de la République fédérative tchèque et slovaque. Article 4. 1. A partir du jour désigné à l'article 2, le pouvoir législatif appartient, en République tchèque au corps législatif composé des députés élus aux élections en 1992 en République tchèque à l'Assemblée fédérale de la République fédérative tchèque et slovaque et au Conseil national tchèque. Les relations intérieures de ce corps législatif seront édictées conformément à l'article 7 par la loi de la République tchèque. 2. A partir du jour désigné à l'article 2, le pouvoir législatif appartient, en République slovaque, au corps législatif composé des députés élus aux élections en 1992 en République slovaque à l'Assemblée fédérale de de la République fédérative tchèque et slovaque et au Conseil national slovaque. Les relations intérieures de ce corps législatif seront édictées conformément à l'article 7 par la loi de la République slovaque. 3. Les dispositions de la loi sur les élections à l'Assemblée fédérale sur la vacance du mandat restent intactes. Article 5. La compétence dévolue au jour de la disparition de la République fédérative tchèque et slovaque au gouvernement de la République fédérative tchèque et slovaque appartient, dès le 1er janvier 1993, au gouvernement de la République tchèque sur le territoire de la République tchèque et au gouvernement de la République slovaque sur le territoire de la République slovaque, si la loi constitutionnelle de la République tchèque et la loi constitutionnelle de la République slovaque n'édictent pas autrement. 17 è è é é é é é é é 2 L’Etat unitaire Jean Pierre Raffarin, Projet de loi constitutionnelle relative à l’organisation décentralisée de la République, Sénat, séance du 16 octobre 2002 , exposé des motifs La République s'est construite sur les principes fondateurs de l'indivisibilité du territoire et de l'égalité des citoyens devant la loi. Les Français y demeurent profondément attachés. L'idée selon laquelle ces principes exigeraient que l'on bride les initiatives locales appartient, en revanche, au passé. L'impuissance de l'Etat a souvent été mise en accusation. Nos compatriotes constatent que la centralisation n'empêche pas les inégalités et que les disparités territoriales sont grandissantes. Ils se plaignent également de la complexité de notre organisation institutionnelle, qui ne leur permet pas d'identifier un responsable pour chaque politique publique. Une clarification des compétences s'impose. Le présent projet de loi vise ainsi à modifier profondément le cadre constitutionnel de l'action des collectivités territoriales, en métropole et outre-mer. Ces collectivités sont aujourd'hui appelées à jouer un rôle essentiel pour moderniser notre pays, pour réformer ses structures administratives, pour rapprocher les services publics des citoyens et revivifier la vie démocratique. C'est au travers de leur action que doit s'incarner une République plus responsable, plus efficace et plus démocratique. Une République plus responsable doit équilibrer l'exigence de cohérence et le besoin de proximité. C'est à l'Etat, et d'abord au Parlement, qu'il appartient de définir les grands principes et d'évaluer la façon dont ils sont mis en oeuvre sur tout le territoire. Mais ce rôle sera d'autant mieux assuré si l'Etat se recentre sur ses missions principales. Quant aux collectivités territoriales, il convient de reconnaître leur capacité et leur autonomie de gestion, sous le contrôle du citoyen. Le droit à l'expérimentation permettra, pour chaque politique publique, de déterminer le bon niveau d'exercice des compétences. Ainsi les conditions de la mise en oeuvre du principe de subsidiarité seront réunies. Une République plus efficace, c'est un Etat qui sait maîtriser ses dépenses et simplifier ses structures. La décentralisation est la première réforme de l'Etat. Elle lui permettra de mieux exercer ses missions régaliennes et de solidarité. Parallèlement, le Gouvernement favorisera les réformes souhaitées par les collectivités, en les aidant à aller dans le sens de la simplification et des économies souhaitées par nos concitoyens et en leur assurant les financements nécessaires. Une République plus démocratique, enfin, c'est une République où les citoyens sont plus souvent consultés, notamment dans les débats locaux ; où ils peuvent identifier clairement les élus responsables de chacune des politiques publiques. La réforme engagée par le Gouvernement, conformément aux orientations du Président de la République, sera, ainsi, d'abord une réforme au service du citoyen. 3 L’État régional 3.1 Constitution espagnole du 27 décembre 1978 Art. 1er 1. L'Espagne constitue un État de droit, social et démocratique, qui défend comme valeurs suprêmes de son ordre juridique la liberté, la justice, l'égalité et le pluralisme politique. 2. La souveraineté nationale appartient au peuple espagnol, dont émanent les pouvoirs de l'État. 3. La forme politique de l'État espagnol est la monarchie parlementaire. Article 2 La Constitution est fondée sur l'unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les Espagnols. Elle reconnaît et garantit le droit à l'autonomie des nationalités et des régions qui la composent et la solidarité entre elles. Article 3 1. Le castillan est la langue espagnole officielle de l'État. Tous les Espagnols ont le devoir de le connaître et le droit de l'utiliser. 18 2. Les autres langues espagnoles sont aussi officielles dans leurs communautés autonomes respectives conformément à leurs statuts. 3. La richesse de la diversité linguistique de l'Espagne est un patrimoine culturel qui fait l'objet d'un respect et d'une protection spéciales. Chapitre III : Des communautés autonomes Article 143 1. Dans l'exercice du droit à l'autonomie reconnu à l'article 2 de la Constitution, les provinces limitrophes présentant des caractéristiques historiques, culturelles et économiques communes, les territoires insulaires et les provinces constituant une entité régionale historique pourront accéder à l'autogouvernement et se constituer en communautés autonomes conformément aux dispositions du présent titre et de leurs statuts respectifs. 2. L'initiative du processus d'autonomie incombe à tous les conseils de province intéressés ou à l'organe interinsulaire correspondant et aux deux tiers des communes dont la population représente au moins la majorité du corps électoral de chaque province ou île. Ces conditions doivent être accomplies dans un délai de six mois après le premier accord adopté à ce propos par l'une des collectivités locales intéressées. 3. L'initiative, en cas d'échec, ne pourra être reprise qu'après un délai de cinq ans. Article 145 1. En aucun cas, on n'admettra la fédération de communautés autonomes. 2. Les statuts peuvent prévoir les cas, les conditions et les termes dans lesquels les communautés autonomes peuvent conclure des accords entre elles pour la gestion et la prestation des services qui leur sont propres, ainsi que le caractère et les effets de la communication correspondante aux Cortès générales. Dans les autres cas, les accords de coopération entre communautés autonomes necessitent l'autorisation des Cortès générales. Article 146 Le projet de statut est élaboré par une assemblée composée des membres du conseil provincial ou de l'organe interinsulaire des provinces concernées et par les députés et les sénateurs élus dans leur ressort, et il sera transmis aux Cortès générales pour être examiné comme une loi. Article 147 1. Selon les termes de la présente Constitution, les statuts sont la norme institutionnelle fondamentale de chaque communauté autonome et l'État les reconnaît et les protège comme partie intégrante de son ordre juridique. 2. Les statuts d'autonomie doivent contenir : a) le nom de la communauté qui correspond le mieux à son identité historique ; b) la délimitation de son territoire ; c) le nom, l'organisation et le siège des institutions autonomes propres ; d) les compétences assumées dans le cadre établi par la Constitution et les règles de base pour le transfert des services correspondant à ces compétences. 3. La révision des statuts se conforme aux procédures qu'ils établissent eux-mêmes et elle exige, de toute manière, l'approbation des Cortès générales par une loi organique. Article 148 1. Les communautés autonomes peuvent assumer des compétences dans les matières suivantes : 1) l'organisation de leurs institutions d'autogouvernement ; 2) les modifications des limites des communes sises sur leur territoire et, de manière générale, les compétences qui incombent à l'administration de l'État sur les collectivités locales et dont le transfert est autorisé par la législation sur le régime local ; (…) Article 149 1. L'État jouit d'une compétence exclusive pour les matières suivantes : 1) règlementation des conditions fondamentales qui garantissent l'égalité de tous les Espagnols dans l'exercice des droits et l'exécution de leurs devoirs constitutionnels ; 2) nationalité, immigration, émigration, condition des étrangers et droit d'asile ; 3) relations internationales ; 19 4) défense et forces armées ; 5) administration de la justice ; (…) 32) autorisation pour la convocation de consultations populaires par voie de référendum. 2. Sans préjudice des compétences que peuvent assumer les communautés autonomes, l'État considère le service de la culture comme un devoir et une attribution essentielle et il facilite la communication culturelle entre les communautés autonomes, en accord avec elles. 3. Les matières qui ne sont pas attribuées expressément à l'État par la Constitution peuvent appartenir aux communautés autonomes en vertu de leurs statuts respectifs. La compétence sur les matières qui ne sont pas assumées par les communautés autonomes appartient à l'État, dont les normes prévaudront en cas de conflit sur celles des communautés autonomes pour tout ce qui ne relève pas de la compétence exclusive de celles-ci. Le droit étatique sera, en tout cas, supplétif au droit des communautés autonomes. Article 150 1. Les Cortès générales, dans les matières dont la compétence appartient à l'État, peuvent attribuer à toutes les Communautés autonomes ou à certaines d'entre elles la faculté d'édicter, pour elles-mêmes, des normes législatives dans le cadre des principes, bases et directives fixés par les lois de l'État. Sans préjudice de la compétence des tribunaux, chaque loi cadre fixe les modalités du contrôle des Cortès générales sur ces normes législatives des communautés autonomes. 3. L'État peut transférer ou déléguer aux communautés autonomes, par une loi organique, les compétences correspondant aux matières lui appartenant qui par leur nature propre sont susceptibles de transfert ou de délégation. La loi prévoit dans chaque cas le transfert correspondant des moyens financiers, ainsi que les formes de contrôle que l'État se réserve. 3. L'État peut édicter des lois pour énoncer les principes nécessaires à l'harmonisation des dispositions normatives des communautés autonomes, même, quand l'intérêt général l'exige, dans le cas de matières attribuées à la compétence de celles-ci. L'appréciation de cette nécessité incombe aux Cortès générales, à la majorité absolue de chaque chambre. Article 153 Le contrôle de l'activité des organes des communautés autonomes est exercé : a) par la Cour constitutionnelle, pour la constitutionnalité des dispositions normatives ayant force de loi ; b) par le gouvernement, après avis du Conseil d'État, pour l'exercice des compétences déléguées auxquelles se réfère le paragraphe 2 de l'article 150 ; c) par la juridiction administrative contentieuse, pour ce qui concerne l'administration autonome et ses normes règlementaires ; d) par la Cour des comptes, pour ce qui concerne l'économie et le budget. Article 154 Un délégué nommé par le gouvernement dirige l'administration de l'État sur le territoire de la communauté autonome et assure la coordination, s'il y a lieu, avec l'administration propre à la communauté. Article 155 1. Si une communauté autonome ne remplit pas les obligations que la Constitution et la loi lui imposent ou si elle agit d'une façon qui nuit gravement à l'intérêt général de l'Espagne, le gouvernement, après une mise en demeure au président de la communauté autonome et, dans le cas où il n'en serait pas tenu compte, avec l'accord de la majorité absolue du Sénat, peut prendre les mesures nécessaires pour obliger cette communauté à l'exécution forcée de ses obligations ou pour protéger l'intérêt général mentionné. 2. Pour l'exécution des mesures envisagées au paragraphe précédent, le gouvernement peut donner des instructions à toutes les autorités des communautés autonomes. Article 156 1. Les communautés autonomes jouissent de l'autonomie financière pour le développement et la mise en oeuvre de leurs compétences, conformément aux principes de coordination avec les finances de l'État et de solidarité entre tous les Espagnols. 2. Les Communautés autonomes peuvent agir comme déléguées ou collaboratrices de l'État pour le recouvrement, la gestion et la liquidation des ressources fiscales de celui-ci, conformément à la loi et aux statuts. 20 3.2 Le Tribunal constitutionnel face à la « Déclaration de souveraineté et du droit de décision du peuple de Catalogne » : une décision ambivalente par Xavier Arbós Marín, le 13 avril 2014 Le Tribunal constitutionnel espagnol a rendu le 25 mars 2014 une décision importante, portant sur une déclaration du Parlement catalan du 23 janvier 2013 à caractère souverainiste, ayant pour titre « Déclaration de souveraineté et du droit de décision du peuple de Catalogne ». La décision, rendue sur un recours introduit contre ce texte par le gouvernement espagnol, est particulièrement intéressante, sur le plan de la procédure du contrôle de la constitutionnalité comme sur le fond des principes constitutionnels. Xavier Arbos Martin, Professeur de droit constitutionnel à l’Université de Barcelone, la décrypte ci-après et en montre le caractère novateur. 1. L’admissibilité de la requête dont il est ici question était controversée, mais, une fois celle-ci acceptée, chacun s’attendait à une déclaration d’inconstitutionnalité de la déclaration catalane, telle que le gouvernement espagnol le voulait : l’article 1.2 de la Constitution espagnole établit en effet que la souveraineté nationale appartient au peuple espagnol, et l’article 2 proclame l’indivisibilité de la nation espagnole. La Cour déclare inconstitutionnel le paragraphe de la Déclaration qui attribue au peuple catalan la qualité de « souverain », mais, en ce qui concerne le « droit de décision », la Cour constitutionnelle admet la possibilité d’une interprétation de ce droit qui serait conforme à la Constitution. 2. Le problème procédural vient du caractère de la déclaration. Elle ne pouvait en principe donner lieu à un recours devant le Tribunal constitutionnel que si elle pouvait produire des « effets juridiques » car le Tribunal ne peut pas contrôler des déclarations strictement politiques des parlements. Toutefois, l’article 162.2 de la Constitution espagnole autorise au gouvernement espagnol à déférer au Tribunal constitutionnel « les dispositions et les résolutions adoptées par les organes des Communautés autonomes ». Pour la Cour, la déclaration parlementaire est une « résolution » dont la mise en œuvre peut donc être contrôlée. Cette décision d’admissibilité du recours du gouvernement a été critiquée comme étant une démarche politique, différente de la démarche adoptée en 2004 à l’égard d’une décision du Parlement basque de 2004, où la Cour n’a pas voulu examiner le fond et a donc déclaré le recours irrecevable. Dans cette affaire-là, c’est en raison du fait que la résolution basque n’était qu’une étape de la procédure législative que le Tribunal a pris cette décision. Mais dans ce cas-ci, l’admission a eu pour effet d’amener le Tribunal à modifier sa jurisprudence sur le fond. 3. En effet, selon deux décisions du Tribunal, portant les nos 76/1994 et 103/2008, aucun référendum consultatif ayant un contenu équivalent à ceux qui concernent les réformes constitutionnelles ne pouvait être tenu. Les opposants à la tenue d’un référendum consultatif sur l’indépendance de la Catalogne pouvaient en déduire qu’on ne pouvait pas tenir ce genre de consultation. Pareille analyse ne peut plus être tenue après la décision de mars 2014 du Tribunal constitutionnel. 4. Certes, la décision de la Cour rejette la souveraineté du peuple catalan. Elle dit aussi que le « droit de décision » est inconstitutionnel si on le prend comme équivalent au droit à l’autodétermination. Mais la Cour admet de façon explicite qu’il peut y avoir une notion compatible avec la Constitution dans le « droit de décision », à savoir celui de promouvoir une « aspiration politique » dans le cadre de la légalité. Le Tribunal aurait pu exclure, non seulement la possibilité de tenir un référendum d’autodétermination, mais aussi celle de tenir un référendum consultatif. Il l’avait fait dans ses décisions 76/1994 et 103/2008 précitées, mais il ne confirme pas cette jurisprudence à présent. Sa décision ouvre la porte à « l’aspiration politique » du Parlement catalan, en encourageant en même temps le dialogue des institutions dans le cadre de la légalité, ce qui exclut la sécession unilatérale. Et, ce qui est presque surprenant, le Tribunal encadre son raisonnement dans des principes qu’il tire et de la Constitution même et de la déclaration soumise à son examen. Ainsi, la Cour souligne les valeurs partagées par les sécessionnistes et leurs adversaires. 5. La décision ne laisse aucun doute : on ne peut pas fonder sur la souveraineté du peuple catalan son droit à la sécession dans le cadre de la Constitution. Mais elle dit aussi qu’on peut la réformer selon les procédures qu’elle prévoit, en soulignant l’importance du dialogue. 3.3 Allocution du Roi d’Espagne Felipe IVI du 3 octobre 2017 : « Nous avons tous été témoins des faits qui se sont produits en Catalogne, avec comme objectif final de la que soit proclamée, illégalement, l'indépendance de la Catalogne. Depuis longtemps, certaines autorités de Catalogne, de manière réitérée, consciente et délibérée, ont bafoué la Constitution et leur statut d'autonomie. Ces autorités, d'une manière claire et catégorique, se sont situées totalement en marge du droit et de la démocratie. Elles ont prétendu briser l'unité de l'Espagne et la souveraineté nationale. Elles ont ébranlé les principes démocratiques de tout Etat de droit et ont miné l'harmonie et la coexistence dans la société catalane, parvenant, malheureusement, à la diviser. Aujourd'hui, la société catalane est fracturée et polarisée. Ces autorités ont méprisé les sentiments de solidarité qui ont uni et uniront l'ensemble des Espagnols. Avec leur conduite irresponsable, elles peuvent même 21 mettre en danger la stabilité économique et sociale de la Catalogne, et de toute l'Espagne. Avec leurs décisions, elles ont porté atteinte de manière systématique aux normes approuvées légalement et légitimement, faisant preuve d'une déloyauté inadmissible vis-à-vis des pouvoirs de l'Etat. Devant cette situation d'une extrême gravité, qui nécessité le ferme engagement de tous avec l'intérêt général, c'est la responsabilité des pouvoirs légitimes de l'Etat d'assurer l'ordre constitutionnel et le fonctionnement normal des institutions, le respect de l'Etat de droit et l'autonomie de la Catalogne. Nous vivons des moments très graves pour notre vie démocratique. » 3.4 La régionalisation avancée au Maroc ( Frédéric Rouvillois, janvier 2019) Dans l’un de ses grands ouvrages, L’Ancien régime et la Révolution17, Alexis de Tocqueville affirmait l’existence d’une continuité profonde, avant et après 1789, entre la centralisation monarchique et celle qui demeure associée au jacobinisme. L’idée est stimulante, même si ces conclusions ont été vivement contestées. En revanche, ce qui ne paraît pas contestable, c’est la permanence de la politique de « régionalisation avancée » menée au Maroc, avant comme après le « Printemps arabe ». Sans doute le cadre normatif a-t-il été transformé, notamment avec l’adoption d’une nouvelle constitution en juillet 2011. Mais malgré ça, le processus s’est poursuivi, et l’impact du « Printemps arabe » s’est finalement borné à en accélérer le rythme. Ce constat jette d’abord une lumière démystificatrice sur la nature dudit « Printemps » dans le royaume chérifien où, contrairement à ceux qui ont éclot au même moment en Égypte ou en Tunisie, il n’a jamais constitué une « révolution » au sens propre du terme. Mais il éclaire aussi, et surtout, cette notion de « régionalisation avancée », en démontrant à la fois son importance - si considérable que ni la chose, ni la formule, ne seront remises en cause par les événement s-, et son caractère, essentiellement dynamique. À cet égard, reconnaissons d’emblée que l’on pourrait négliger cette dimension, et s’intéresser, sur un mode statique, au statut actuel de la région en droit positif marocain. On pourrait alors rappeler que, dans le cadre de la constitution de 2011, dont l’article 1er dispose que « l’organisation territoriale du royaume est décentralisée », les douze régions sont désormais encadrées par la loi organique n° 111–14 du 7 juillet 2015 et par les dizaines d’actes réglementaires pris pour l’application de celle-ci.18 On pourrait préciser ensuite que la région, collectivité décentralisée gérant « démocratiquement ses affaires grâce à une assemblée élue au suffrage universel direct » ( Constitution, art. 135), est administrée par un « conseil régional » élu pour six ans qui élit son président, chargé d’exécuter ses délibérations, de préparer son budget et de prendre toutes les mesures nécessaires. On pourrait ajouter enfin que la région dispose de compétences propres, notamment en matière de développement et d’aménagement, ainsi que de compétences partagées ; que son budget, pour être exécutoire, doit obtenir le visa du ministre de l’intérieur ; et que l’État, s’il doit respecter le principe de libre administration énoncé à l’article 136 de la constitution, continue néanmoins d’assurer sur ses actes un contrôle administratif. A vrai dire, la matière serait amplement suffisante, et son intérêt, indéniable. Pourtant, ce n’est pas sous cet angle que l’on a choisi d’envisager la question, mais bien selon une perspective dynamique19, qui se trouve être en rapport étroit avec l’organisation institutionnelle du royaume, ses permanences et son caractère évolutif - sans parler du pragmatisme qui constitue l’une de ses marques les plus caractéristiques. Au Maroc, le projet de « régionalisation avancée » est bien antérieur à la constitution de 201120, et il n’a été achevé ni par la loi organique du 7 juillet 2015, ni même par la charte de la déconcentration publiée le 3 janvier dernier : il n’y a pas de point final. Le processus vient de loin et il est appelé à se poursuivre, avec une lenteur qui semble paradoxalement la meilleure garantie de son accomplissement. Dans la fable de La Fontaine, c’est parce qu’elle se hâte que la laitière finit par renverser le pot-au-lait, et, du coup, par faire avorter ses projets. C’est donc à ce chantier de longue haleine que l’on voudrait s’intéresser ici, pour en évoquer successivement la centralité, la complexité et la nécessité. 17 A. de Tocqueville, L’Ancien régime et la Révolu on, Paris, Michel Lévy frères, 1856. 18 Cf M. Rousset, J. Garagnon, M.A. Benabdallah, Droit administra f marocain, Rabat, Remald, 2107, pp. 183-213 19A. Lokrifa, J.-Y. Mousseron, « La poli que de régionalisa on avancée au Maroc, enjeux et état des lieux », Maghreb–Machrek, 2014, n°3, p.113 20Sur l’histoire longue des régions marocaines, on peut citer, outre l’ouvrage classique de F. Brémard, L’organisa on régionale du Maroc, Paris, LGDJ, 1949 ; S. Chraïbi, Développement spa al et poli que de régionalisa on : le cas du Maroc, thèse de doctorat d’État en droit, faculté de droit de Casablanca, 1993 ; El Yaagoubi, « La région en tant que nouvelle collec vité locale au Maroc », Remald, n° 20-21, 1997, p.p. 21 et s. ; M. Rousset, « Les trois âges de la régionalisa on au Maroc », Revue marocaine de science poli que et sociale, n° 3, 2011. 22 ti ti ti ti ti ti ti ti ti ti ti I Un projet fondamental La constitution de 2011, après avoir affirmé dans son article 1er al. 4 le caractère décentralisé du royaume, indique que cette organisation territoriale est « fondée sur une régionalisation avancée ». Sans même parler du terme, choisi à dessein, une telle place au sein du texte constitutionnel suffit à établir le caractère fondamental de cette notion21. Ce qui représente certes une innovation au regard de la constitution précédente, mais nullement une surprise : tandis que la formule, « régionalisation avancée », est couramment utilisée à partir de 2008, la réflexion à laquelle elle a donné lieu a conduit, dès 2010, à envisager une révision constitutionnelle d’ampleur 22. Du reste, si l’on envisage la question sur un plus long terme, on doit constater que la reconnaissance juridique des régions comme collectivités territoriales coïncide déjà, dans la révision constitutionnelle de 1992, avec le grand tournant modernisateur de l’État marocain23. Ainsi, le projet de régionalisation avancée apparaît-il à la fois volontariste, global et progressif. A Volontariste Depuis les années 90, le processus de régionalisation est présenté comme un acte de souveraineté – le contraire d’une solution imposée de l’extérieur. « Le projet découle d’une volonté royale délibérée et d’un engagement libre et souverain de l’État unitaire marocain24», signale ainsi la Commission consultative sur la régionalisation dans son rapport de 2010. « Il ne résulte pas d’un quelconque accommodement avec des particularismes ethniques, culturels ou confessionnels plus ou moins exacerbées. » 25 Dans le même sens, celle-ci réaffirme que la régionalisation avancée a été « souverainement adoptée par le royaume »26 - tout en soulignant que les différences culturelles, humaines, etc, n’entraînent pas, dans le cas du Maroc, la constitution d’une « tradition régionale contraignante ni, encore moins, de régionalisme politique »27 qui s’imposerait à l’Etat. En somme, il s’agit bien d’un choix, libre dans tous ses éléments. À cet égard, on note aussi la volonté d’opposer frontalement la « régionalisation » à toute forme de « régionalisme ». Certains observateurs rappellent que la régionalisation telle qu’entreprise au Maroc est « un processus top-down »28, volontariste et s’exerçant de haut en bas, qui vise à « créer des unités d’un rang inférieur à celui d’un État et au sein de celui-ci, et à déléguer des ressources et des pouvoirs à ces corps intermédiaires. »29 Au contraire, le « régionalisme » apparaît comme « un processus bottom- up » par lequel une collectivité territoriale prétend « conquérir un certain degré d’autonomie par rapport au pouvoir central »30 - une hypothèse que l’État marocain récuse par principe. 21 Cf A. Bouachik, « La régionalisa on avancée dans la cons tu on marocaine de 2011 », in A. Bouachik, M. Dego e, Ch. Saint- Prot, La cons tu on marocaine de 2011, lectures croisées,Rabat, Remald, 2012, pp. 105 et s. ; F.-P. Blanc, « La régionalisa on et la cons tu on de 2011 : genèse et prospec ve », La cons tu on marocaine de 2011, analyses et commentaires, Paris,LGDJ, 2012, pp 307 et s. 22 Commission consulta ve de la régionalisa on, Rapport sur la régionalisa on avancée soumis à la Haute a en on de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, n° 28 23C’est en e et en 1990, dans un discours du 8 mai, que le roi Hassan II déclare « nous voulons réellement construire l’État de droit » ; la révision cons tu onnelle de 1992 qui introduit la région dans le droit public, est également celle qui voit naître le conseil cons tu onnel. 24 Commission consulta ve, op.cit., Prologue, II, m 25 Ibidem 26 Ibidem, n° 31-1 27 Ibidem, n° 31-3 28 A. Lokrifa, J._Y. Mousseron, op.cit., p. 121 29 Ibidem, p. 113 30 Ibidem 23 ti ti ti ff ti ti ti ti ti ti ti ti ti ti ti ti ti ti ti tt ff ti ti C’est dans le même sens que l’on peut interpréter la volonté, fréquemment réitérée, de créer un type de régionalisation sui generis : une idée reprise par le roi dans son discours du 3 janvier 2010 31, mais déjà présente en 2008, lorsqu’il il évoquait « le défi majeur qui consiste à faire émerger un modèle marocain original en matière de régionalisation. » 32 Le principe d’un choix souverain, c’est qu’il est libre d’utiliser à sa guise les expériences étrangères33, mais qu’il ne saurait adopter un comportement mimétique34, qui impliquerait un renoncement à cette liberté et susciterait en outre des difficultés pratiques. Ce qui importe, c’est de conserver la haute main sur le processus, du point de départ au point d’aboutissement. B Global Si ce projet relève directement de la souveraineté, c’est en raison de son caractère global- la « régionalisation avancée » devant avoir un impact, non seulement sur l’organisation territoriale, mais aussi sur l’État lui-même. Le roi l’indique dans son discours du 3 janvier 2010 lorsqu’il affirme qu’elle constitue un « chantier structurant » : autrement dit, non pas « un simple aménagement technique ou administratif », mais « une option résolue pour la rénovation et la modernisation des structures de l’État. »35 C’est l’État dans son ensemble qui est donc censé profiter de cette « nouvelle dynamique de réforme institutionnelle profonde. »36 D’une part, en effet, la régionalisation implique un puissant mouvement de déconcentration, qui en constitue le corollaire obligé, et par suite, un remodelage radical de l’action étatique dans les territoires. « Une régionalisation efficiente va nécessairement de pair avec un système de déconcentration aussi large que concret, dans le cadre de pôles bien définis auxquels les autorités centrales délèguent des prérogatives et des ressources nécessaires, suivant une approche régionale intégrée. » 37 Dans son rapport de 2016, le Conseil économique, social et environnemental notait que « l’avènement de la régionalisation met fin à une longue période d’hésitations voire de réticences à s’engager sur la voie de la déconcentration », dès lors que la mise en œuvre de celle-ci constitue l’« une des clés du succès de la régionalisation »38 : on ne fera pas l’une sans l’autre.39 D’où, « un changement radical dans la gouvernance publique »40 en « synergie avec la mise en œuvre de la r?

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