Extraits des œuvres littéraires, contexte historique, mouvements (PDF)

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This document provides extracts from various literary works, placing them within their historical contexts and literary movements. It covers periods ranging from the Middle Ages to the 21st century, offering insights into the evolution of literature and its relationship with historical events.

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Extraits des œuvres litteraires,contexte historique,mouvements (moyen-âge, 16ème, 17ème, 18ème, 19ème , 20ème et 21ème siècles) Moyen âge (XII-XVème siècle) Le Moyen Age historique est la période qui s'étend de la chute de l'Empire romain en 476 jusqu'à la prise de Constantinople par les Turcs en...

Extraits des œuvres litteraires,contexte historique,mouvements (moyen-âge, 16ème, 17ème, 18ème, 19ème , 20ème et 21ème siècles) Moyen âge (XII-XVème siècle) Le Moyen Age historique est la période qui s'étend de la chute de l'Empire romain en 476 jusqu'à la prise de Constantinople par les Turcs en 1453. Le Moyen Age littéraire quant à lui ne débute qu'au milieu du XIème siècle avec les premières Chansons de Geste. Dans toute l'Europe, le latin demeure la langue écrite. Elle est le véhicule des contacts et des échanges entre les différents pays. La littérature latine du Moyen Age est riche de poésies, de récits de pèlerinages, des vies de saints, d'écrits historiques, d'épopées et d'écrits religieux. Cette littérature subsiste au moment où les premières grandes œuvres en langue française apparaissent. Evénements importants 2- La construction de Notre Dame de Paris commençant en 1163. 3- L'apparition des premières Universités (la Sorbonne en 1257). La Chanson de Roland La Chanson de Roland a été probablement écrite vers 1100 par un poète anonyme qui s’appellerait Turold. Le résumé de (la Chanson de Roland) Formation se trouvant à l'arrière d'une grande unité militaire dont elle ferme et protège la marche L’arrière-garde de l’armée de Charlemagne rentre d’une expédition victorieuse en Espagne qui a duré sept années. Elle est commandée par Roland, le neveu de Charlemagne, entouré de douze pairs dont Olivier et l’archevêque de Turpin. L’armée est attaquée par les Sarrazins à Roncevaux, après la trahison de Ganelon, le beau-père de Roland, qui est jaloux de la préférence de Charlemagne pour Roland. Olivier tente de convaincre Roland d’appeler Charlemagne à la rescousse, mais en vain. Toute l’arrière-garde périt, Roland le dernier, avant l’arrivée de Charlemagne appelé trop tard par le son du cor de 1 Roland. L’archange Gabriel emporte l’âme de Roland au paradis et Charlemagne venge ses hommes. De retour à Aix La Chapelle, il annonce à la belle Aude le décès de Roland : elle n’y survit pas… Après la bataille, Charlemagne fait juger Ganelon qui est traître Extrait de (La Chanson de Roland) Quand Roland voit qu’il y aura bataille, la partie pour le il devient plus féroce que lion ou léopard. comparaison tout : faire de la Il appelle les Français et dit à Olivier : injonctif voile « Seigneur, mon compagnon, mon ami, ne parlez plus ainsi ! Gradation L’empereur, qui nous a laissé les Français, synecdoque en a choisi vingt mille qui sont tels le tout pour la à son avis que pas un n’est un lâche. litote partie : Bordeaux Pour son seigneur on doit subir de grands maux, champs lexicaux a gagné la finale (pour l'équipe de endurer de grands froids et de fortes chaleurs, sur le courage Bordeaux), un on doit perdre de son sang et de sa chair. euphemisme manteau de vison (le manteau n'est Frappe de ta lance et moi de Durendal, injonctif fait qu'avec la ma bonne épée que le roi me donna.un vassal est un homme libre fourrure de qui se met sous la protection et l'animal) Si je meurs, celui qui l’aura pourraau dire service d'un homme plus menk en arabe se que ce fut l’épée d’un noble vassal. puissant » appelé « seigneur » ou trouve en Amerique suzerain de Nord XVIème siècle : Contexte historique : Le 16ème siècle de la Renaissance, de l'humanisme et de la réforme et la découverte des Nouveaux mondes. La première moitié du siècle voit les découvertes scientifiques d’abord, avec les débuts de l’imprimerie et de la chirurgie, ensuite, avec les voyages de Colomb, Magellan ou Vasco de Gama. Un nouvel intérêt pour l’Italie s’éveille : elle devient une destination obligée, un pèlerinage de l’artiste et un exemple. -Le mouvement humaniste : « humaniste » vient de l’italien « humanista » qui signifie« professeur de grammaire » (idée de pédagogie, d’estime pour l’homme à qui l’on enseigne). C’est une doctrine qui a pour objet le développement des qualités de l’homme par les livres (travail intellectuel) et par le sport (développement physique). 2 Les Humanistes croient au progrès de l’homme. Le modèle culturel est l’Antiquité on traduit et on imite les textes anciens Ecrivains représentatifs : Rabelais Montaigne -L’Ecole de la Pléiade : vient du grec « pleias », « constellation de 7 étoiles ». En 1556, elle est le nom donné au groupe de 7 grands poètes français de la Renaissance (Baïf, Ronsard, Du Bellay, Peletier, Belleau, Jodelle, Pontus de Tyard). Le genre dominant est la poésie. La doctrine de la Pléiade est résumée dans le livre Défense et illustration de la langue française, écrit par Du Bellay. Ecrivains représentatifs : Ronsard, Du Bellay Ode à Cassandre de Ronsard Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avait déclose. Sa robe de pourpre au soleil, A point perdu cette vesprée Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vôtre pareil. Las ! Voyez comme en peu d'espace, Mignonne, elle a dessus la place, Las, las ses beautés laissé choir ! Ô vraiment marâtre Nature, Puisqu'une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir ! Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que votre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez votre jeunesse : Comme à cette fleur, la vieillesse Fera ternir votre beauté. (Pierre de Ronsard, deuxième édition des Amours, 1553) XVIIème siècle : Contexte historique: Le XVIIe siècle commence le 1er janvier 1601 et finit le 31 décembre 1700. Ce siècle est souvent appelé le siècle de 3 Louis XIV en France.L'édit de Nantes du 13 avril 1598 met un terme aux guerres de Religion. Avec l'avènement de Louis XIV s'établit e la monarchie absolue en France. Dans une monarchie absolue, seul le roi a le pouvoir. Il détient d'ailleurs les trois types de pouvoir : judiciaire, législatif et exécutif. Le roi est vu comme le représentant de Dieu sur la terre, profitant donc de ce que l'on appelle le droit divin de régner. Il dirige ainsi le pays à sa guise avec deux principaux mandats : maintenir l'ordre dans le royaume et rendre le commerce florissant. Mouvements littéraires -Le Baroque (situé à la frontière entre le XVIème et le XVIIème : 1570- 1650) Le mot baroque vient du portuguais barroco. Au XVIIème, en littérature, il est centré autour de quelques principes communs : goût de la sensualité, des extrêmes, de l’ornementation, du langage à effets, des thèmes de l’illusion, des métamorphoses du monde et de la mort. Les genres littéraires dominants sont : la poésie et le théâtre. Ecrivains représentatifs : D’Aubigné Les Tragiques (poésie épique et engagée, texte qui parle des massacres de la St Barthélémy, des guerres civiles, en dénonçant les responsables de ces actes, Corneille au début de sa carrière L’Illusion comique. -Le Classicisme (1610-1660) : il est caractérisé par l’exercice de la raison dans les règles établies, il recherche la pureté et la clarté de la langue, la simplicité, l’équilibre et l’harmonie. Il prône l’imitation des chefs-d'œuvre anciens. Le Classicisme atteint son apogée dans la 1ère partie du règne de Louis XIV. Le genre dominant est le théâtre. Ecrivains représentatifs : Corneille (pièces de théâtre, 2ème partie de son œuvre), Racine, Molière, La Fontaine, La Bruyère, Boileau, Pascal Contexte historique: La période caractéristique du 18ème siècle est délimité par 2 dates repères: elle commence en 1715 avec la mort de Louis XIV, et se termine en 1799, date du coup d'État de Bonaparte, qui, en instaurant le consulat, met donc fin à la période 4 révolutionnaire. Alliant à la fois développement, crises et transition, le 18ème siècle fut caractérisée par d'énormes changements dans tous les domaines, particulièrement en politique car la monarchie absolue commence déjà à se fragiliser par la Régence de Philippe d'Orléans et le très long règne de Louis XV (7 ans de guerre perdue en Europe et outre-mer) et s'effondra finalement en 1789 suite à la Révolution française pour laisser place à l'installation de la République française en 1792. Le Cid de Pierre Corneille(1637), Scène 4, acte III. (….) CHIMENE Va, laisse-moi mourir. DON RODRIGUE Quatre mots seulement ; Après, ne me réponds qu’avec que cette épée. CHIMENE Quoi ? Du sang de mon père encor toute trempée ! DON RODRIGUE Ma Chimène… CHIMENE Ôte-moi cet objet odieux, Qui reproche ton crime et ta vie à mes yeux. DON RODRIGUE Regarde-le plutôt pour exciter ta haine, Pour croître ta colère, et pour hâter ma peine. CHIMENE Il est teint de mon sang. DON RODRIGUE Plonge-le dans le mien, Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien. CHIMENE Ah ! Quelle cruauté, qui tout en un jour tue Le père par le fer, la fille par la vue ! Ôte-moi cet objet, je ne puis le souffrir : Tu veux que je t’écoute, et tu me fais mourir ! […] L'Avare de Molière(1668) acte IV scène 7 5 HARPAGON. Il crie au voleur dès le jardin, et vient sans chapeau: Au voleur! Au voleur! À l'assassin! Au meurtrier! Justice, juste Ciel! Je suis perdu, je suis assassiné, on m'a coupé la gorge, on m'a dérobé mon argent. Qui peut-ce être? Qu'est-il devenu? Où est-il? Où se cache-t-il? Que ferai-je pour le trouver? Où courir? Où ne pas courir? N'est-il point là? N'est-il point ici? Qui est-ce? Arrête. Rends-moi mon argent, coquin. (Il se prend lui-même le bras.) Ah! C'est moi. Mon esprit est troublé, et j'ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas! Mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami! On m'a privé de toi; et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, ma consolation, ma joie; tout est Fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde: sans toi, il m'est impossible de vivre. C'en est fait, je n'en puis plus; je me meurs, je suis mort, je suis enterré. N'y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher argent, ou en m'apprenant qui l'a pris? (….) Andromaque de Racine, acte IV, scène 5 Cette pièce a été écrite en 1667, à l’époque classique, par Racine, poète dramatique rival de Corneille. Andromaque, tragédie racinienne, se déroule à la fin de la guerre de Troie. Pyrrhus, roi grec, est amoureux de sa prisonnière troyenne, Andromaque, et il a décidé de rompre ses fiançailles avec Hermione, princesse grecque. Dans cette tirade, Hermione lui en fait le reproche de façon violente. Acte IV, scène 5 HERMIONE. Je ne t'ai point aimé, cruel ? Qu'ai-je donc fait ? J'ai dédaigné pour toi les vœux de tous nos princes, Je t'ai cherché moi-même au fond de tes provinces ; J'y suis encor, malgré tes infidélités, Et malgré tous mes Grecs honteux de mes bontés. Je leur ai commandé de cacher mon injure ; J'attendais en secret le retour d'un parjure ; J'ai cru que tôt ou tard, à ton devoir rendu, Tu me rapporterais un cœur qui m'était dû. Je t'aimais inconstant ; qu'aurais-je fait fidèle ? Et même en ce moment où ta bouche cruelle Vient si tranquillement m'annoncer le trépas, Ingrat, je doute encor si je ne t'aime pas. 6 Mais, Seigneur, s'il le faut, si le Ciel en colère Réserve à d'autres yeux la gloire de vous plaire, Achevez votre hymen, j'y consens. Mais du moins Ne forcez pas mes yeux d'en être les témoins. Pour la dernière fois je vous parle peut-être : Différez-le d'un jour ; demain vous serez maître. Vous ne répondez point ? Perfide, je le vois, Tu comptes les moments que tu perds avec moi ! Ton cœur, impatient de revoir ta Troyenne, Ne souffre qu'à regret qu'un autre t'entretienne. Tu lui parles du cœur, tu la cherches des yeux. Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux : Va lui jurer la foi que tu m'avais jurée, Va profaner des Dieux la majesté sacrée. Ces Dieux, ces justes Dieux n'auront pas oublié Que les mêmes serments avec moi t'ont lié. Porte aux pieds des autels ce cœur qui m'abandonne ; Va, cours. Mais crains encor d'y trouver Hermione. La Cigale et la Fourmi de Jean de La Fontaine (1621-1695) La Cigale, ayant chanté Tout l'été, Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la Fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. "Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'Oût, foi d'animal, Intérêt et principal. " La Fourmi n'est pas prêteuse : C'est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. - Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. - Vous chantiez ? J'en suis fort aise. Eh bien! Dansez maintenant. 7 Le XVIII siècle Contexte historique: La période caractéristique du 18ème siècle est délimité par 2 dates repères: elle commence en 1715 avec la mort de Louis XIV, et se termine en 1799, date du coup d'État de Bonaparte, qui, en instaurant le consulat, met donc fin à la période révolutionnaire. Alliant à la fois développement, crises et transition, le 18ème siècle fut caractérisée par d'énormes changements dans tous les domaines, particulièrement en politique car la monarchie absolue commence déjà à se fragiliser par la Régence de Philippe d'Orléans et le très long règne de Louis XV (7 ans de guerre perdue en Europe et outre-mer) et s'effondra finalement en 1789 suite à la Révolution française pour laisser place à l'installation de la République française en 1792. Mouvement littéraire: -La philosophie des Lumières : (1720-1770) L'appellation "Lumières" est en fait une métaphore, qui explique que ce siècle a été "illuminé" de connaissances, de savoirs dans beaucoup de domaines. La raison éclaire tous les hommes, elle est lumière. Ce siècle est donc un nouvel âge "illuminé" par la raison, la science et le respect de l'humanité. Il est marqué par une vision élargie et renouvellée du monde grâce aux pensées modernes qui font leur apparition, répandues par les philosophes. Il y a aussi la réflexion politique; la désacralisation de la monarchie, du droit divin: On remet en cause l'origine divine de la puissance du roi, ce qui était inconcevable avant le 18° siècle. En ce qui concerne la religion, de manière générale, les philosophes croient en Dieu tout en rejetant la théologie chrétienne, les dogmes et l'institution. Ecrivains représentatifs : Montesquieu Les Lettres persanes, Voltaire, Diderot d’Alembert et d’autres L’encyclopédie, Rousseau Discours sur l’origine de l’inégalité, Marivaux, Beaumarchais. 8 Autorité Politique (L'Encyclopédie - Denis Diderot) Aucun homme n’a reçu de la nature le droit de commander aux autres. La liberté est un présent du Ciel, et chaque individu de la même espèce a le droit d’en jouir aussitôt qu’il jouit de la raison. Si la nature a établi quelque autorité, c’est la puissance paternelle : mais la puissance paternelle a ses bornes ; et dans l’état de nature, elle finirait aussitôt que les enfants seraient en état de se conduire. Toute autre autorité vient d’une autre origine que la nature. Qu’on examine bien et on la fera toujours remonter a l’une de ces deux sources : ou la force et la violence de celui qui s’en est emparé ; ou le consentement de ceux qui s’y sont soumis par un contrat fait ou supposé entre eux et celui à qui ils on déféré l’autorité. La puissance qui s’acquiert par la violence n’est qu’une usurpation et ne dure qu’autant que la force de celui qui commande l’emporte sur celle de ceux qui obéissent : en sorte que, si ces derniers deviennent a leur tour les plus forts, et qu’ils secouent le joug, ils le font avec autant de droit et de justice que l’autre qui le leur avait imposé. La même loi qui a fait l’autorité la défait alors : c’est la loi du plus fort. Quelquefois l’autorité qui s’établit par la violence change de nature ; c’est lorsqu’elle continue et se maintient du consentement exprès de ceux qu’on a soumis : mais elle rentre par là dans la seconde espèce dont je vais parler et celui qui se l’était arrogée devenant alors prince cesse d’être tyran. La puissance, qui vient du consentement des peuples suppose nécessairement des conditions qui en rendent l’usage légitime, utile à la société, avantageux à la république, et qui la fixent et la restreignent entre des limites ; car l’homme ne doit ni ne peut se donner entièrement sans réserve a un autre homme, parce qu’il a un maître supérieur au-dessus de tout, à qui seul il appartient tout entier. C’est Dieu, jaloux absolu, qui ne perd jamais de ses droits et ne les communique point. Il permet pour le bien commun et pour le maintien de la société que les hommes établissent entre eux un ordre de subordination, qu’ils obéissent à l’un d’eux ; mais il veut que ce soit par raison et avec mesure, et non pas aveuglément et sans réserve afin que la créature s’arroge pas les droit du créateur. Toute autre soumission est le véritable crime de l’idolâtrie. Fléchir le genou devant un homme ou devant une image n’est qu’une cérémonie extérieur, dont le vrai Dieu qui demande le cœur et l’esprit ne se souvient guère qu’il abandonne à l’institution des hommes pour en faire, comme il leur conviendra des marques d’un culte civil et politique, ou d’un culte 9 de religion. Ainsi ce ne sont point ces cérémonies en elles-mêmes, mais l’esprit de leur établissement, qui en rend la pratique innocente ou criminelle. Un Anglais n’a point de scrupule à servir le roi le genou en terre ; le cérémonial ne signifie ce qu’on a voulu qu’il signifiât ; mais livrer son cœur, son esprit et sa conduite sans aucune réserve à la volonté et au caprice d’une pure créature, en faire l’unique et le dernier motif de ses actions c’est assurément un crime de lèse-majesté divine au premier chef. Candide Rien n'était si beau, si leste, si brillant, si bien ordonné que les deux armées. Les trompettes, les fifres, les hautbois, les tambours, les canons, formaient une harmonie telle qu'il n'y en eut jamais en enfer. Les canons renversèrent d'abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface. La baïonnette fut aussi la raison suffisante de la mort de quelques milliers d'hommes. Le tout pouvait bien se monter à une trentaine de mille âmes. Candide, qui tremblait comme un philosophe, se cacha du mieux qu'il put pendant cette boucherie héroïque. Enfin, tandis que les deux rois faisaient chanter des Te Deum chacun dans son camp, il prit le parti d'aller raisonner ailleurs des effets et des causes. Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin ; il était en cendres : c'était un village abare que les Bulgares avaient brûlé, selon les lois du droit public. Ici des vieillards criblés de coups regardaient mourir leurs femmes égorgées, qui tenaient leurs enfants à leurs mamelles sanglantes ; là des filles éventrées après avoir assouvi les besoins naturels de quelques héros rendaient les derniers soupirs ; d'autres, à demi brûlées, criaient qu'on achevât de leur donner la mort. Des cervelles étaient répandues sur la terre à côté de bras et de jambes coupés. Candide s'enfuit au plus vite dans un autre village : il appartenait à des Bulgares, et des héros abares l'avaient traité de même. Candide, toujours marchant sur des membres palpitants ou à travers des ruines, arriva enfin hors du théâtre de la guerre, portant quelques petites provisions dans son bissac, et n'oubliant jamais Mlle Cunégonde. Ses provisions lui manquèrent quand il fut en Hollande ; mais ayant entendu dire que tout le monde était riche dans ce pays- là, et qu'on y était chrétien, il ne douta pas qu'on ne le traitât aussi 10 bien qu'il l'avait été dans le château de monsieur le baron avant qu'il en eût été chassé pour les beaux yeux de Mlle Cunégonde. Extrait du chapitre 3 de Candide - Voltaire Le 19ème siècle XIXème siècle : Contexte historique: Le 19ème siècle en France est une période de différents changements et d’instabilité politique et sociale, ce qui a influencé profondément les tendances littéraires de cette époque. Sur le plan politique : 3 Monarchies : Après la chute de Napoléon Bonaparte, trois rois se succèdent pour régner sur la France. -Louis 18 (1815- 1824) : – Charles 10 (1824 -1830) : suite à la mort de Louis 18 Charles10 est nommé roi – Louis Philippe (1830 - 1848) : Sur le plan social : deux couches sociales qui s’affrontent ; les bourgeois patrons d’usine et population ouvrière prolétariat Mouvements littéraires -Le romantisme : (1820-1850) Le mouvement se crée après l’héroïsme de Napoléon, pendant le Restauration, moment de l’histoire où le conservatisme moral et social se double d’une politique favorable aux affaires, si bien que les dirigeants étaient bien souvent des nouveaux riches, volontiers arrogants. Ce mouvement se crée donc en marge du système politique, l’écrivain se sent seul contre tous, puisqu’il n’adhère pas au pouvoir en place. Cela explique en partie pourquoi, dans ce courant, on retrouve souvent, en thème fondateur, la volonté de parler de soi, de se replier sur soi-même. Les Romantiques restent 11 cependant des observateurs très curieux de l’histoire, mais ils se sont pour la plupart sentis mis à l’écart des événements essentiels que la France connaissait. C’est alors qu’apparaît « le mal du siècle », qui est fait d’une impuissance à imposer des valeurs authentiques, dans une société dominée par l’argent. -Le réalisme : l’école réaliste commence dans les années 1850.Ce mouvement consiste à lier écriture et réalité pour montrer l’importance accordée aux forces matérielles. Il a pour objectif de décrire la société dans sa dimension historique et sociale. Les écrivains se documentent, vont sur les lieux où vont se passer leur action (pour écrire Salammbô, Flaubert se rend à Carthage, en Tunisie pour pouvoir mieux décrire les lieux par la suite). Ecrivains représentatifs : Stendhal, Balzac, Flaubert, les frères Goncourt -Le naturalisme : (1850-1900) L’œuvre naturaliste s’appuie sur trois critères : la reproduction exacte de la vie, l’absence de héros (il met en scène des gens ordinaires), la disparition du romancier (focalisation interne, ce sont les personnages qui parlent et non le narrateur omniscient). L'imagination doit être bannie : Tous les efforts du romancier tendent à cacher l’imaginaire sous le réel. Le naturalisme repose donc sur des méthodes scientifiques, l’écrivain se sert de documents, utilise un carnet pour écrire ce qu’il voit (la vie dans les mines, le milieu ouvrier). Il cherche par ses œuvres à exprimer le mal social. Ecrivains représentatifs : Zola, Maupassant Contexte historique : vie sous le second empire, dominé par la figure autoritaire de Napoléon III. -Le symbolisme : (à partir de 1886-1895) Le symbolisme est un mouvement artistique d'origine française de la fin du 19e siècle. Également présent dans d'autres domaines de l'art, il tire par exemple ses racines poétiques de la Russie et de la Belgique. Dans la littérature, le style a fait ses débuts avec la publication des Fleurs du Mal, en 1857, de Charles Baudelaire. 12 Ainsi par descriptions de « paysages intérieurs », les poètes symbolistes traduisent leurs impressions, ils utilisent aussi le symbole, la métaphore et l’allégorie. Au lieu de nommer un objet, ils tenteront plutôt de rendre compte de l’impression que nous donnerait sa présence ou son absence. Au-delà des apparences, il y a des rapports entre les choses, des liens entre les êtres, des correspondances (Baudelaire) entre les sons, les images et les parfums. C’est ce que le symbole devrait exprimer. Colombe = paix; oiseau = liberté, un son rappelle une image, une odeur rappelle un lieu, une sensation rappelle un moment du passé, etc. Ecrivains représentatifs : Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé Hernani Monts d'Aragon ! Galice ! Estrémadure ! - Oh ! Je porte malheur à tout ce qui m'entoure ! - J'ai pris vos meilleurs fils, pour mes droits, sans remords; Je les ai faits combattre, et voilà qu'ils sont morts ! C'étaient les plus vaillants de la vaillante Espagne. Ils sont morts ! Ils sont tous tombés dans la montagne, Tous sur le dos couchés, en braves, devant Dieu, Et, si leurs yeux s'ouvraient, ils verraient le ciel bleu ! Voilà ce que je fais de tout ce qui m'épouse ! Est-ce une destinée à te rendre jalouse ? Dona Sol, prends le duc, prends l'enfer, prends le roi ! C'est bien. Tout ce qui n'est pas moi vaut mieux que moi ! Je n'ai plus un ami qui de moi se souvienne, Tout me quitte, il est temps qu'à la fin ton tour vienne, 13 Car je dois être seul. Fuis ma contagion. Ne te fais pas d'aimer une religion! Oh ! Par pitié pour toi, fuis ! - Tu me crois, peut-être, Un homme comme sont tous les autres, un être Intelligent, qui court droit au but qu'il rêva. Détrompe-toi. Je suis une force qui va ! Agent aveugle et sourd de mystères funèbres Une âme de malheur faite avec des ténèbres ! Où vais-je ? Je ne sais. Mais je me sens poussé D'un souffle impétueux, d'un destin insensé. Je descends, je descends, et jamais ne m'arrête. Si parfois, haletant, j'ose tourner la tête, Une voix me dit: Marche! Et l'abîme est profond, Et de flamme ou de sang je le vois rouge au fond ! Cependant, à l'entour de ma course farouche, Tout se brise, tout meurt. Malheur à qui me touche ! Oh ! Fuis ! Détourne-toi de mon chemin fatal, Hélas ! Sans le vouloir, je te ferais du mal ! Le Père Goriot - Honoré de Balzac (1835) Le lendemain, à l'heure du bal, Rastignac alla chez madame de Beauséant, qui l'emmena pour le présenter à la duchesse de Carigliano. Il reçut le plus gracieux accueil de la maréchale, chez laquelle il retrouva madame de Nucingen. Delphine s'était parée avec l'intention de plaire à tous pour mieux plaire à Eugène, de qui elle attendait impatiemment un coup d'œil, en croyant cacher son impatience. Pour qui sait deviner les émotions d'une femme, ce 14 moment est plein de délices. Qui ne s'est souvent plu à faire attendre son opinion, à déguiser coquettement son plaisir, à chercher des aveux dans l'inquiétude que l'on cause, à jouir des craintes qu'on dissipera par un sourire? Pendant cette fête, l'étudiant mesure tout à coup la portée de sa position, et comprit qu'il avait un état dans le monde en étant cousin avoué de madame de Beauséant. La conquête de madame la baronne de Nucingen, qu'on lui donnait déjà, le mettait si bien en relief, que tous les jeunes gens lui jetaient des regards d'envie; en en surprenant quelques-uns, il goûta les premiers plaisirs de la fatuité. En passant d'un salon dans un autre, en traversant les groupes, il entendit vanter son bonheur. Les femmes lui prédisaient toutes des succès. Delphine, craignant de le perdre, lui promit de ne pas lui refuser le soir le baiser qu'elle s'était tant défendu d'accorder l'avant-veille. A ce bal, Rastignac reçut plusieurs engagements. Il fut présenté par sa cousine à quelques femmes qui toutes avaient des prétentions à l'élégance, et dont les maisons passaient pour être agréables, il se vit lancé dans le plus grand et le plus beau monde de Paris. Cette soirée eut donc pour lui les charmes d'un brillant début, et il devait s'en souvenir jusque dans ses vieux jours, comme une jeune fille se souvient du bal où elle a eu des triomphes. Le lendemain, quand, en déjeunant, il raconta ses succès au père Goriot devant les pensionnaires, Vautrin se prit à sourire d'une façon diabolique. Thérèse Raquin d'Emile Zola (1867) La barque allait s'engager dans un petit bras, sombre et étroit, s'enfonçant entre deux îles. On entendait, derrière l'une des îles, les chants adoucis d'une équipe de canotiers qui devaient remonter la Seine. Au loin, en amont, la rivière était libre. Alors Laurent se leva et prit Camille à bras-le-corps. Le commis éclata de rire. - Ah ! Non, tu me chatouilles, dit-il, pas de ces plaisanteries-là... Voyons, finis : tu vas me faire tomber. Laurent serra plus fort, donna une secousse. Camille se tourna et vit la figure effrayante de son ami, toute convulsionnée. Il ne comprit pas ; une épouvante vague le saisit. Il voulut crier, et sentit une main rude qui le serrait à la gorge. Avec l'instinct d'une bête qui se défend, il se dressa sur les genoux, se cramponnant au bord de la barque. Il lutta ainsi pendant quelques secondes. - Thérèse ! Thérèse ! Appela-t-il d'une voix étouffée et sifflante. La jeune femme regardait, se tenant des deux mains à un banc du canot 15 qui craquait et dansait sur la rivière. Elle ne pouvait fermer les yeux : une effrayante contraction les tenait grands ouverts, fixés sur le spectacle horrible de la lutte. Elle était rigide, muette. - Thérèse ! Thérèse ! Appela de nouveau le malheureux qui râlait. A ce dernier appel, Thérèse éclata en sanglots. Ses nerfs se détendaient. La crise qu'elle redoutait la jeta toute frémissante au fond de la barque. Elle y resta pliée, pâmée, morte. Laurent secouait toujours Camille, en le serrant d'une main à la gorge. Il finit par l'arracher de la barque à l'aide de son autre main. Il le tenait en l'air, ainsi qu'un enfant, au bout de ses bras vigoureux. Comme il penchait la tête, découvrant le cou, sa victime, folle de rage et d'épouvante, se tordit, avança les dents et les enfonça dans ce cou. Et lorsque le meurtrier, retenant un cri de souffrance, lança brusquement le commis à la rivière, les dents de celui-ci lui emportèrent un morceau de chair. Camille tomba en poussant un hurlement. Il revint deux ou trois fois sur l'eau, jetant des cris de plus en plus sourds. Laurent ne perdit pas une seconde. Il releva le collet de son paletot pour cacher sa blessure. Puis, il saisit entre ses bras Thérèse évanouie, fit chavirer le canot d’un coup de pied, et se laissa tomber dans la Seine en tenant sa maîtresse. Il la soutint sur l’eau, appelant au secours d’une voix lamentable. Les canotiers, dont il avait entendu les chants derrière la pointe de l’île, arrivaient à grands coups de rames. Ils comprirent qu’un malheur venait d’avoir lieu : ils opérèrent le sauvetage de Thérèse qu’ils couchèrent sur un banc, et de Laurent qui se mit à se désespérer de la mort de son ami. Il se jeta à l’eau, il chercha Camille dans les endroits où il ne pouvait être, il revint en pleurant, en se tordant les bras, en s’arrachant les cheveux. Les canotiers tentaient de le calmer, de le consoler. - C’est ma faute, criait-il, je n’aurais pas dû laisser ce pauvre garçon danser et remuer comme il le faisait... À un moment, nous nous sommes trouvés tous les trois du même côté de la barque et nous avons chaviré... En tombant, il m’a crié de sauver sa femme... Les fleurs de mal de Charles Baudelaire () L'albatros Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers, 16 Qui suivent, indolents compagnons de voyage, Le navire glissant sur les gouffres amers. A peine les ont-ils déposés sur les planches, Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux, Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches Comme des avirons traîner à côté d'eux. Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule ! Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid ! L'un agace son bec avec un brûle-gueule, L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait ! Le Poète est semblable au prince des nuées Qui hante la tempête et se rit de l'archer ; Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l'empêchent de marcher. Le 20ème siècle Le XXe siècle -Contexte historique: Le XXe siècle commence avec début de la première guerre Mondiale dans le 28 juillet 1914 et se termine avec la dissolution de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) dans le 31 décembre 1991. Il se caractérise par la rivalité de deux superpuissances : Les États-Unis et l'URSS. L'existentialisme: est un courant philosophique et littéraire qui considère chaque personne comme un être unique qui est maître de ses actes et de son destin. Thèmes -L’existence précède l’essence : selon Sartre l’homme est jeté dans le monde, donc il existe avant de penser. - Athéisme : Il y a donc le refus de la religion et la négation de Dieu. 17 - La liberté de l’homme : si Dieu n’existe pas, l’homme est l’unique responsable de ses actions : il est libre de choisir. Ecrivains importants: Jean Paul Sartre, Albert Camus. Mouvements littéraires -Le surréalisme : (1916-1940) André Breton le définit dans le premier Manifeste du surréalisme comme un « automatisme psychique pur, par lequel on se propose d'exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. "Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale [...] ». Ecrivains importants : Aragon, Breton, Eluard, Desnos -Le nouveau roman : (1950-1990) il est né d’une réaction contre le roman réaliste et psychologique. Abolition de l’intrigue: les Nouveaux Romanciers ne veulent plus construire une histoire dont les épisodes se succèdent avec cohérence. Le nouveau romancier présente encore des événements, mais ceux-ci ne sont plus groupés dans un enchaînement temporel traditionnel : les Nouveaux Romanciers refusent donc l’ordre strict de chronologie linéaire traditionnelle. D’une certaine façon on peut dire que le désordre instauré par les Nouveaux Romanciers reproduit le désordre de notre vie. Le personnage devient un être anonyme, un personnage « X », sans nom de famille, sans prénom, sans parents, sans héritage, sans profession. Un être dépourvu complètement de toute caractéristique. Ecrivains représentatifs : Robbe-Grillet, Butor, Sarraute, Claude Simon L’absurde, courant philosophique du XX siècle L’absurde est un degré de comique très élevé et aux caractéristiques spécifiques et qui est loin d’être apprécié par tous. L’absurde par 18 définition c’est ce qui est contraire a la logique, à la raison ou au sens commun et échappe à toute logique ou qui ne respecte pas les règles de celle-ci. Il signifie ce qui n’est pas en harmonie avec quelqu’un ou quelque chose, par exemple, une conduite absurde est un comportement anormal. L’absurde, est souvent utilisé pour désigner un certain type de littérature. Parmi les romans les plus connus traitant de l’absurde figure L’Étranger d’Albert Camus. La littérature de l’absurde, majoritairement représentée par le théâtre de l’absurde, est née après la seconde guerre Mondiale. On qualifie ainsi de nombreuses pièces d’Eugène Ionesco (Le Roi se meurt), Samuel Beckett(Fin de partie, En attendant Godot) ou encore Fermando Arrabal et Genet. Huis Clos (Jean-Paul Sartre, Huis clos, Scène 1) SCÈNE PREMIÈRE (Ed. Folio p. 15-17) GARCIN, LE GARÇON D'ÉTAGE GARCIN, redevenant sérieux tout à coup. Où sont les pals ? LE GARÇON Quoi ? GARCIN Les pals, les grils, les entonnoirs de cuir. LE GARÇON Vous voulez rire ? GARCIN, le regardant. 19 Ah ? Ah bon. Non, je ne voulais pas rire. (Un silence. Il se promène.) Pas de glaces, pas de fenêtres, naturellement. Rien de fragile. (Avec une violence subite) Et pourquoi m'a-t-on ôté ma brosse à dents ? LE GARÇON Et voilà. Voilà la dignité humaine qui vous revient. C'est formidable. GARCIN, frappant sur le bras du fauteuil avec colère. Je vous prie de m'épargner vos familiarités. Je n'ignore rien de ma position, mais je ne supporterai pas que vous... LE GARÇON Là ! Là ! Excusez-moi. Qu'est-ce que vous voulez, tous les clients posent la même question. Ils s'amènent : - « Où sont les pals ? » A ce moment-là, je vous jure qu'ils ne songent pas à faire leur toilette. Et puis, dès qu'on les a rassurés, voilà la brosse à dents. Mais, pour l'amour de Dieu, est-ce que vous ne pouvez pas réfléchir ? Car enfin, je vous le demande, pourquoi vous brosseriez-vous les dents ? GARCIN, calmé. Oui, en effet, pourquoi ? (Il regarde autour de lui.) Et pourquoi se regarderait-on dans les glaces ? Tandis que le bronze, à la bonne heure... J'imagine qu'il y a de certains moments où je regarderai de tous mes yeux. De tous mes yeux, hein ? Allons, allons, il n'y a rien à cacher; je vous dis que je n'ignore rien de ma position. Voulez-vous que je vous raconte comment cela se passe ? Le type suffoque, il s'enfonce, il se noie, seul son regard est hors de l'eau et qu'est-ce qu'il voit ? Un bronze de Barbedienne. Quel cauchemar ! Allons, on vous a sans doute défendu de me répondre, je n'insiste pas. Mais rappelez- vous qu'on ne me prend pas au dépourvu, ne venez pas vous vanter de m'avoir surpris ; je regarde la situation en face. (Il reprend sa marche.) Donc, pas de brosse à dents. Pas de lit non plus. Car on ne dort jamais, bien entendu ? LE GARÇON Dame ! GARCIN 20 Je l'aurais parié. Pourquoi dormirait-on ? Le sommeil vous prend derrière les oreilles. Vous sentez vos yeux qui se ferment, mais pourquoi dormir ? Vous vous allongez sur le canapé et pfft... le sommeil s'envole. Il faut se frotter les yeux, se relever et tout recommence. LE GARÇON Que vous êtes romanesque ! GARCIN Taisez-vous. Je ne crierai pas, je ne gémirai pas, mais je veux regarder la situation en face. Je ne veux pas qu'elle saute sur moi par-derrière, sans que j'aie pu la reconnaître. Romanesque ? Alors c'est qu'on n'a même pas besoin de sommeil ? Pourquoi dormir si on n'a pas sommeil ? Parfait. Attendez... Attendez : pourquoi est-ce pénible ? Pourquoi est-ce forcément pénible ? J'y suis : c'est la vie sans coupure. LE GARÇON Quelle coupure ? GARCIN, l'imitant. Quelle coupure ? (Soupçonneux.) Regardez-moi. J'en étais sûr ! Voilà ce qui explique l'indiscrétion grossière et insoutenable de votre regard. Ma parole, elles sont atrophiées. Le Petit Prince [...] C’est alors qu’apparut le renard. - Bonjour, dit le renard. - Bonjour, répondit poliment le Petit Prince, qui se retourna mais ne vit rien. [...] - Qui es-tu? - dit le Petit Prince - Tu es bien joli... - Je suis un renard, dit le renard. - Viens jouer avec moi, lui proposa le Petit Prince. Je suis tellement triste... - Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé. [...] 21 - Qu’est-ce que signifie "apprivoiser"? [...] - C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie "créer des liens...". - Créer des liens? - Bien sûr, dit le renard. Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde... - Je commence à comprendre, dit le Petit Prince. [...] Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m’ennuie donc un peu. Mais si tu m’apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m’appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde! Tu vois là-bas, les champs de blé? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c’est triste! Mais tu as des cheveux couleur d’or. Alors ce sera merveilleux quand tu m’auras apprivoisé! - Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j’aimerai le bruit du vent dans le blé. Le renard se tut et regarda longtemps le Petit Prince: - S’il te plaît... apprivoise-moi! dit-il. - Je veux bien, répondit le Petit Prince, mais je n’ai pas beaucoup de temps. J’ai des amis à découvrir et beaucoup de choses à connaître. - On ne connaît que de choses que l’on apprivoise, dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’existe point de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi! - Que faut-il faire? dit le Petit Prince. - Il faut être patient - répondit le renard. [...] Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, Chap. XX 22 Le 21ème siècle (XXIe) Evènements importants  1- Les attentats du 11 septembre 2001 sur les tours jumelles du World Trade Center (WTC) à Manhattan (New York) et sur le Pentagone, siège du Département de la Défense.  2- La guerre d'Afghanistan s'inscrit dans la « guerre contre le terrorisme » déclarée par l'administration Bush à la suite des attentats du 11 septembre 2001.  3- La guerre d'Irak débute le 20 mars 2003 avec l'invasion de l'Irak (dite « opération liberté irakienne ») par la coalition menée par les États-Unis contre le parti Baas de Saddam Hussein. L'invasion a conduit à la défaite rapide de l'armée irakienne, à la capture et l'exécution de Saddam Hussein et à la mise en place d'un nouveau gouvernement.  4- Le 26 décembre 2004, un séisme de magnitude 9,1 se déclenche dans l'Océan Indien et provoque un tsunami, qui fait plus de 220 000 victimes sur tout le pourtour de l'Océan Indien, et notamment en Asie du Sud-est et en Inde.  5- le XXIème siècle reste pour le moment le siècle d’internet, des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter, le siècle de Google, d’Apple et de Microsoft. Les nouvelles technologies avancent vite, les formes et formats changent, les livres courent même le risque de disparaître dans peu de temps. Mouvement littéraire Autofiction Au Pays de Tahar Ben Jelloun Mes enfants ont la tête très arabe, la tête et les gestes, ils disent qu’ils sont intégrés, j’ai jamais compris ce que c’est ; un jour Rachid m’a montré une carte et m’a dit : avec ça je vote, moi aussi je suis français et européen, je lui dis, va doucement, déjà pour avoir les papiers t’as attendu plus d’un an et demi, tu vas pas commencer le même cirque pour te dire européen, n’oublie pas d’où tu viens, d’où tes parents viennent, c’est important, partout où tu iras, n’oublie pas que ton pays d’origine est inscrit sur ton visage, il est là, que tu le veuilles ou non. Moi, je n’ai jamais douté de mon pays, vous autres, vous ne savez pas de quel pays vous êtes, oui, vous vous dites françaouis, je crois que vous êtes les seuls à le croire, tu penses que le flic te traite comme un Françaouis cent pour cent ? Oui, si tu vas au tribunal, le 23 juge dira que t’es françaouis, il est obligé, mais il pense que tu es étranger, ou bien un bâtard. On dirait que la France a fait plein de gosses avec une femme venue d’ailleurs et que ces enfants, elle a oublié de les déclarer, je veux dire de les reconnaître, c’est curieux, de toute façon, rien ne sera facile pour vous ! Quand nous sommes arrivés, il y avait déjà des immigrés, des gens d’Italie, d’Espagne, du Portugal. Ils nous regardaient avec un œil pas sympathique, en fait, ils étaient de moins en moins immigrés, leurs pays allaient tous entrer dans l’Europe et nous, nous sommes restés sur le quai, je veux dire sur le trottoir, on voulait bien de nous, mais tant qu’on restait discrets, il fallait pas trop parler ni bouger. Puis un jour, je venais à peine d’arriver, les Algériens qui étaient en guerre pour l’indépendance de leur pays décidèrent de manifester dans les rues de Paris. Je n’y étais pas, mais je sais que beaucoup de chambres d’Algériens restèrent vides après la manifestation, leurs habitants étaient morts. On en parlait en baissant la voix ; on avait peur parce que la police rôdait tout le temps autour de la cité. N’oublie jamais d’où tu viens, mon fils. Dis-moi, c’est vrai que tu te fais appeler Richard ? Richard Ben Abdallah ! Ça va pas ensemble, tu maquilles le prénom mais le nom te dénonce, Ben Abdallah, fils de l’adorateur d’Allah ! C’est lourd ! Comment t’as fait ? Tu as changé aussi le nom ? Ah, tu as supprimé l’adorateur d’Allah et tu as juste laissé Ben, oui, on pourrait te prendre pour un juif, c’est ça, tu veux effacer tes origines et trouver un bout de place, un petit tabouret chez les Françaouis, juifs de préférence, dis-moi, est-ce que ça marche ? Est-ce que tu trouves plus facilement du travail ? Tu as fait ça pour entrer en boîte de nuit ? Il ne m’a pas répondu, parti en courant... Richard ! Dire que j’ai égorgé un beau mouton le jour de son baptême ! Rachid c’est plus beau que Richard, enfin qu’y puis-je ? Tahar Ben Jelloun, Au pays, Gallimard (2009) 24

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