Les Acteurs de la Chaîne du Livre - Master 1 Édition & FABLI PDF
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Université de Limoges
Sarah PONZO
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This document appears to be lecture notes focusing on book publishing and the various actors involved in the industry. It covers topics like pricing policies, market trends, and societal factors.
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Les acteurs de la chaine du livre - Master 1 Édition et FABLI Sarah PONZO Introduction Industries culturelles et créatives (ICC) : Selon Unesco : « Les secteurs d’activité ayant comme objet principal la création, le développement, la production, la r...
Les acteurs de la chaine du livre - Master 1 Édition et FABLI Sarah PONZO Introduction Industries culturelles et créatives (ICC) : Selon Unesco : « Les secteurs d’activité ayant comme objet principal la création, le développement, la production, la reproduction, la diffusion ou la commercialisation de biens, de services et activités qui ont un contenu culturel, artistique et/ou patrimonial ». Secteur du livre : n° 2 des industries culturelles Marché du livre = 4,4 milliards d’euros (2023) Marché de la musique = 815 millions d’euros (2023) Marché du cinéma = 1,074 milliard d’euros (2022) Quelques Chiffres Pour plus d’informations : https://centrenationaldulivre.fr/donnees- cles/les-francais-et-la-lecture-en-2023 Changement de paradigme pour les métiers de l’édition et de la librairie - paradigme littéraire : des années 1920 aux années 1960 : vision élitiste du livre - paradigme capitaliste : des années 1950 aux années 1980 : livre produit sur le long terme, pratique du 80/20 (Loi Pareto). - paradigme financier : de nos jours : financiarisation de l’économie où le monde de l’édition se compose de grands groupes internationaux où se jouent des placements de fonds financiers (Bolloré et consorts) Définition de « chaine du livre » : « De la conception à la vente, chaque étape de la vie d’un livre né- cessite l’intervention de différents acteurs liés les uns aux autres. Ces métiers forment ce que l’on appelle « la chaine des métiers du livre » : enjeux culturels et économiques y sont intimement mêlés. » Rappel : Au XVIIIe siècle, seuls deux acteurs au cœur de la conception d’un livre : l’auteur d’une part, l’imprimeur-libraire-éditeur de l’autre. Depuis plusieurs décennies : multiplication des intermédiaires. De l’auteur au libraire, en passant par l’attaché de presse, le diffuseur, sans oublier l’imprimeur, le graphiste ou encore le bibliothécaire. Préambule : Définitions/cadre Éditer : « Rendre possible la communication entre un émetteur et un récepteur, par l’intermédiaire d’un support durable ». Selon l’Encylopédie Larousse : « Le métier d’éditeur est en partie inventé par le vénitien Alde Manuce (1449-1515), artisan et humaniste. Créateur en 1500 du caractère ita- lique inspiré de l’écriture de Pétrarque, il réalise les éditions princeps des classiques grecs et latins en formats aisément transportables (...) Il achète des presses, fait graver des caractères et ouvre un atelier de reliure avec l’aide de mécènes. Aux institutions religieuses et universi- taires, mais aussi aux particuliers, il vend ses propres ouvrages et ceux de ses confrères européens. (...) Alde Manuce intervient dans toutes les fonctions de la chaîne éditoriale. » En France : éditer = un seul mot pour deux métiers différents : editor : fonction maïeutique, faire naître; publisher : livre publié : faire connaître, vendre, faire vivre, élever. Différence avec les pays anglo-saxons où on distingue deux parties du métier : - Éditeur (editor) : gère un projet éditorial concret avec un regard litté- raire sur sa production, ses auteurs et ses collections = plus prestigieux « intellectuellement » - « Publieur » (publisher) : éditeur qui publie des livres plus commer- ciaux. En France, le métier d’éditeur rassemble ces deux faces. Il dirige la création et la mise en forme d’un livre. Le rôle de l’éditeur est de : lire des manuscrits, discerner les quali- tés littéraires d’un ouvrage ou d’un auteur, construire un catalogue, être chef d’entreprise et prendre des risques financiers et juridiques (l’éditeur est responsable de ce qu’il publie). Le livre Selon le dictionnaire de l’Académie française, un livre est un « assem- blage de feuilles manuscrites ou imprimées destinées à être lues ». Une définition fiscale : Direction générale des impôts dans son ins- truction du 30 décembre 1971 (3C-14-71) : « Un livre est un ensemble imprimé, illustré ou non, publié sous un titre ayant pour objet la reproduction d’une œuvre de l’esprit d’un ou plusieurs auteurs en vue de l’enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture. (...) ». Le cadre légal du livre Prix unique du livre Loi du 10 août 1981 (« Loi Lang ») instaure le prix unique du livre (entrée en vigueur, le 1er janvier 1982), étendu par la loi du 26 mai 2011 au prix unique du livre numérique. Les objectifs sont : - l’égalité des citoyens devant le livre, qui sera vendu au même prix sur tout le territoire national - le maintien d’un réseau décentralisé très dense de distribution, notam- ment dans les zones défavorisées - le soutien au pluralisme dans la création et l’édition en particulier pour les ouvrages difficiles. 2021 : 40 ans de la loi Lang https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/ la-loi-lang-a-40-ans-et-grace-a-elle-les-librairies-sont-devenues-essen- tielles-6418093 Le prix public de vente est unique et fixé par l’éditeur. Il est imprimé au dos de chaque ouvrage et ne varie pas, quel que soit son point de vente. Une remise générale maximale de 5 % du prix TTC est auto- risée, en magasin. Il existe quelques exceptions, notamment sur le prix de vente des livres aux collectivités (9%) et sur celui des livres parus depuis 2 ans ayant plus de 6 mois de stock (possibilité de solder les ouvrages). Schéma présent dans le rapport du CR2L (Centre Régional Livre et Lecture de Picardie), La vie d’un livre, 2015-2016. Obligations de l’éditeur Le livre jeunesse : Loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse Article 1 : Sont assujetties aux prescriptions de la présente loi toutes les publications périodiques ou non qui, par leur caractère, leur présen- tation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinées aux enfants et adolescents. Sont toutefois exceptées les publications officielles et les publications scolaires soumises au contrôle du ministre de l’éducation nationale. Article 2 : Les publications visées à l’article 1er ne doivent comporter aucune illustration, aucun récit, aucune chronique, aucune rubrique, aucune insertion présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche ou tous actes qualifiés crimes ou délits ou de nature à démoraliser l’enfance ou la jeunesse, ou à inspirer ou entretenir des préjugés ethniques. Le dépôt légal : François 1er : 1537 Différents organismes mais BnF pour le domaine des publications (papier et numérique) Obligation pour l’éditeur de déposer chaque document qu’il édite, publie, imprime ou importe, auprès de la BnF Les mentions légales : Arrêté du 12 janvier 1995 : mentions obligatoires devant figurer sur les livres : - le nom (ou raison sociale) et adresse de l’éditeur - le nom (ou raison sociale) et adresse de l’imprimeur - la date de l’achèvement du tirage - la mention de l’ISBN (collection, annuaire) - le prix en euros qui lui figure toujours en 4e de couverture - la mention Dépôt légal, suivie du mois et de l’année de l’exécution du dépôt. 1) La production de livres et son évolution a) Livre : le paradoxe Livre = objet unique car production de l’esprit mais en même temps un objet d’opérations industrielles qui peuvent le réduire à des don- nées quantifiables (tirage, prix, nombres de pages, dimension etc). Édition de livre : deux domaines et c’est là où se situe ce paradoxe Domaine intellectuel : porter à la connaissance des lecteurs une œuvre de l’esprit. Domaine économique : vision romantique du livre mais c’est un pro- duit, culturel mais aussi commercial. b) Tendance : expansion de la production/baisse des tirages moyens Depuis fort longtemps, nous observons une augmentation de la pro- duction : 1960 : 6 000 titres/an 1970 : 10 000 titres/an 1985 : 30 000 titres/an 2000 : 50 000 titres/an 2010 : 70 000 titres/an 2021 : 109 000 titres/an 2022 : 111 503 titres/an Attention, sur ces chiffres il y a une part importante de réimpressions et nouvelles éditions. Raisons externes à une telle expansion de la production : augmenta- tion du niveau d’instruction : depuis les 30 glorieuses le nombre de lecteurs n’a cessé d’augmenter. Facteurs internes : édition est une économie de l’offre où les éditeurs font leur marché. Problème potentiel de cette hausse de la production : la surproduction. Terme de surproduction pas vraiment employé de manière frontale dans la chaine du livre. Néanmoins, le 10 janvier 2019 lors des ses vœux, le président du Syndicat de la librairie française évoquait « la surproduction n’est pas un indice de bonne santé de la diversité mais au contraire, ce qui l’étouffe ». Le problème majeur de cette production en expansion = absorption impossible pour les points de vente. Autre problématique : la saisonnalité des parutions avec une forte concentration des parutions sur la fin de l’année = empêche les li- braires de faire leur travail de prescription de manière efficace. Dernière problématique : standardisation de l’offre. Paradoxe car si la production augmente, le tirage moyen global a ten- dance à baisser : En 1960 et jusqu’en 1985 : 15 000 ex. Puis chute brutale pour arriver à 8 000 ex en 2009 2016 : 5 341 ex 2021 : 5 061 ex 2022 : 4 815 ex Tendance : tirer moins d’exemplaires mais plus de livres différents. Pour faire face à cela, certains groupes utilisent des machines d’im- pression à la demande : - Ritméo chez Hachette depuis 2018 - Copernics pour Editis depuis 2017 (à l’arrêt depuis 2021) https://vimeo.com/interforum c) Un marché en extension : En 1960 : 200 millions d’exemplaires/an 2010 : 500 millions d’exemplaires/an 2021 : 554 millions d’exemplaires/an En 2021 : 486 millions d’exemplaires vendus, qu’en est-il des 68 mil- lions d’exemplaires restants ? En moyenne c’est 26 300 tonnes/an de livres destinés au pilon et près de 10 800 livres sont réintégrés dans le stock des distributeurs chaque année. Depuis 2011 : engagement du SNE (Syndicat National de l’Édition) pour l’accompagnement des différents maillons de la chaîne du livre afin de trouver des solutions pour réduire leur impact écologique. Mais chiffre d’affaires de l’édition en augmentation régulière. Chiffres clés de l’édition 2021 vs 2020 : l’année de tous les records : Chiffre d’affaires 2021 : 3 078,6 milliards d’€uros HT (+ 12,4% / 2020) dont 273,2 millions de livres numériques soit un peu moins de 9 % du CA des ventes de livres des éditeurs. - 486,1 millions d’exemplaires vendus (+15,3% / 2020) - tirage moyen : 5061 exemplaires (+7,8 % / 2020) (moyenne entre le tirage moyen des nouveautés et le tirage moyen des réimpressions) - 109 480 : nombre de titres publiés en 2021 (36,5 % de nouveautés et nouvelles éditions, et 63,5 % de réimpressions) - 810 130 : nombres de titres papier disponibles en 2019 (+3 % / 2018). Pas eu de mise à jour récente de ce chiffre mais au vu des autres résultats, on peut aisément imaginer que le nombre de titres dispo- nibles évoluent d’année en année. - 429 539 : livres numériques sont disponibles à la vente (Ainsi, selon les données fournies par Dilicom en juin 2022, 1 571 éditeurs (dont les marques éditoriales) ont un catalogue numérique à destination du grand public). Rebond en 2021 : Plusieurs facteurs à l’origine de cette performance : reconnaissance des librairies comme commerces essentiels, mise en place du Pass Culture... d) Les composantes de la production : littérature générale et les autres Malgré la grande diversité de l’offre disponible, on observe une ten- dance à la concentration des ventes sur un nombre réduit de titres c’est le phénomène des best-seller, aussi appelé best-sellerisation. « En termes de concentration, 15 % des références actives concentrent 90 % des ventes » selon Olivier Donnat (Évolution de la diversité consom- mée sur le marché du livre, 2007-2016). Les 10 meilleurs titres font 2 % du CA, les 1 000 premiers font 20 % du CA et les 10 000 premiers font 44 % du CA. Mais forte disparité également en fonction des secteurs éditoriaux. Analyse du graphique du SNE : Littérature : Toujours premier secteur BD/mangas : 2e place ! Secteur passé du cinquième au deuxième rang en dépassant pour la première fois la jeunesse ! Jeunesse : 3e place Pour le secteur des cartes géographiques et atlas, à ne pas confondre avec les guides touristiques qui eux sont compris dans la catégorie « Livres pratiques », il est évalué à 10,3 millions d’euros et le douzième secteur en valeur. En baisse depuis plusieurs années en raison du dé- veloppement des systèmes de guidage électronique (GPS, maps, Waze etc) même si un léger frémissement a eu lieu sur le segment des plans et des cartes en raison d’une reprise de tourisme « local » (randonnées, camping-car etc). e) Le livre de poche : 1953 par Henri Filipacchi Si le format poche est aujourd’hui l’un des plus vendus, son arrivée dans le paysage de l’édition en 1953 n’a pourtant pas été un long fleuve tranquille, suscitant un débat extrêmement vif sur la démocratisation culturelle et l’accès au livre. Le livre de poche : dans les acceptations premières c’est un ouvrage qui tient dans la poche. Les raisons d’un succès : Comme le dit Jean-Yves Mollier, le livre de poche, « plus que son for- mat ou son prix, il se caractérise par une forte capacité à s’adresser à tous types de public ». 1) L’Édition Fayard et le « Livre populaire » 1905 : Fayard lance leur collection « Livre populaire », il fallait comp- ter 0,65cts de francs pour un tel ouvrage. Invention qui est le fruit d’une collaboration entre la maison Fayard, les imprimeurs et les auteurs = faible coût. Premier roman publié dans cette collection : « Chaste et Flétrie » de Charles Mérouvel : succès immédiat. Un tel succès attire la concurrence, Jules Tallandier arrive sur le devant de la scène éditoriale. 2) « Le livre de poche », 1915, Tallandier 1906 : en réponse à Fayard, Tallandier lance « Le roman populaire », il faut compter 0,85 cts de francs. Mais il est le premier à utiliser le terme de « Livre de poche », en créant cette collection en 1912 en réponse à la maison Larousse & cie qui avait lancé son nouveau volume compact « Larousse de poche ». Livre de poche de Tallandier : caractérise par son petit prix et son for- mat. Problème : arrivée de la Première Guerre Mondiale va tout bousculer, la France est plongée dans une période d’instabilité éco, politique et sociale : vente de livres impossible ! L’entre-deux-guerre en France : période générale sombre, pas de grandes tentatives d’innovations. Il faut regarder du côté de l’Angleterre et des États-Unis. 3) Les penguin Books, 1935 (Angleterre) 1936 : Penguin Books sont créés pour permettre à la lit- térature de pénétrer toutes les couches de la population. Prix : 6 pences, typo plus lisible. Grâce aux innovations technologiques et techniques : couverture et logo soignés contribuent au succès. 4) Paperbacks ou Pocket Books, 1939 (États-Unis) Son petit format et son accessibilité économique propulsent cette col- lection au sommet du marché du livre américain. De la même manière que Lane (Penguin books), Simon&Schuster créent un logo pour per- mettre une identification rapide en magasin. 5) Livre de poche, Henri Filipacchi, 1953 C’est le contexte général (social, économique, politique, culturel) qui explique la raison d’un tel succès à cette période. Le mythe autour de Filipacchi : La légende dit que l’idée incroyable de Filipacchi lui est venue en observant un GI américain sortir d’une librairie parisienne, un livre à la main. À sa grande surprise, ce militaire le déchira en deux mor- ceaux, et glissa chaque morceau dans une poche de son blouson. C’est alors qu’il décida de créer un livre qui puisse tenir dans une SEULE POCHE ! Histoire vraie ou non, Filipacchi a su saisir sa chance et lancer ce pro- jet du livre de poche au bon moment. Réduction des coûts de production et économies d’échelles sont à l’ordre du jour : prix, format, papier, reliure, tout est renouvelé ! Il reste à Filipacchi de racheter le nom Le livre de Poche, qui appartenait à Jules Tallandier dès 1915, et la collection de Filipacchi commence officiellement sa vie politique le 9 février 1953 : Premiers livres de poche paraissent en février 1953 pour 2 francs, soit à peine le prix d’un quotidien à l’époque. Quelques titres : - Koenigsmark de Pierre Benoit (55 000 exemplaires) - Les clés du royaume d’A.J. Cronin (55 000 exemplaires) - Vol de nuit d’Antoine de Saint-Exupéry (70 000 exemplaires) Mais cette nouvelle collection attire autant les sympathisants que les opposants : Arguments des opposants : La littérature est bradée, dévalorisation voire avilissement de la culture. Henri Michaux ou Julien Gracq étaient opposés à cette évolution du monde du livre. Dans l’opinion publique également, nombreux sont ceux qui redoutent une fin de « l’aristocratie des lecteurs », à l’instar de cet étudiant en mé- decine en 1964 : https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i13043985/le-livre-de- poche-et-le-mepris Arguments des sympathisants : Giono, Pagnol ou encore Prévert sont pour cette évolution. Selon Giono, le livre de poche (est) « Le plus puissant instrument de culture de la civilisation moderne ». Pour Marcel Pagnol, c’est « Un moyen de culture presque aussi puissant que la radio ou la télévision ». https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/i00015998/marcel-pagnol- a-propos-du-livre-de-poche Malgré les divergences de point de vue, rapidement le glissement sé- mantique s’opère et la marque « Livre de Poche » s’imprime comme un concept dans les esprits. Début 1950 : Un amour de Swann : 500 000 ex vendus. Années 1960 : la croissance s’accélère, de 8 millions d’ex vendus en 1957, les ventes passent à 28 millions d’ex en 1969. Ce succès inspire évidemment la concurrence : 1958 : Flammarion lance J’ai lu 1962 : Lancement de 10/18 1962 : Presses de la Cité lance « Presses Pocket » connue aujourd’hui comme Pocket 1964 : Lancement de GF (Garnier/Flammarion) 1970 : Seuil lance Points 1972 : Gallimard lance Folio Bataille frontale entre les éditeurs, « marque contre marque » : l’enjeu -> disposer des fonds littéraires des éditeurs (achat des droits du grand format pour le passage poche) afin de pouvoir alimenter les linéaires poches. Malgré tout, Livre de poche, depuis sa création = plus d’un milliard d’exemplaires vendus, et demeure la première collection de poche fran- çaise de grande diffusion. À noter que de nombreux éditeurs plus « petits » ont aussi leur col- lection de poche comme Actes Sud (Babel), les Éditions de Minuit (Double ou Reprise), les éditions Christian Bourgois (Titres). Intérêt financier pour ces éditeurs : conservation de leurs droits et donc entrées d’argent plus « facile » pour le passage poche. Le format poche : cohabitation entre les grands classiques, les livres de fond et les best seller contemporains ! 4 évolutions notables : - pas seulement du roman en poche mais aussi du théâtre, de la poésie, des sciences humaines, des essais, de l’histoire. Initialement, tout livre vendu à plus de 40 000 ex --> passage poche. Aujourd’hui, tendance du quasi systématique des nouveautés en for- mat poche car nouvelle opportunité pour le titre. - Inédits en poche : près du tiers de la production, approche par le prix (Recueils de nouvelles à vocation caritative : Pocket réunit chaque année depuis 2014 des auteurs pour 13 à table, dont les profits sont versés aux Restos du cœur, par ex). - Création de collections intermédiaires : semi-poche (Libretto, La pe- tite vermillon, Picquier, Monsieur Toussaint Louverture). - Le poche a gagné ses lettres de noblesse : critique littéraire, festivals comme Saint-Maur en poche ou encore Lire en poche de Gradignan. Poids du poche en 2021 : 25% de la production en titre, 25% des ventes en volume et 14,4% des ventes en valeurs. f ) La politique de prix Pas de détail des prix mais tendance pour les livres à petits prix : clas- siques à 10F. Mille et une nuit puis Librio : grands classiques tombés dans le do- maine public. Problème : fait baisser le panier moyen en librairie, néanmoins, le poche fait office de « malabar » de la librairie car achat facile. Le prix moyen des livres augmente moins vite que l’inflation, ce qui est plutôt une bonne nouvelle au vu du contexte aujourd’hui. g) Les traductions En France, pays très ouvert, une part de la traduction en hausse : 20% des titres publiés sont des traductions soit à peu près 13 000 nouveau- tés/an. En 2021 : 12 360 titres traduits en français (+55,4% / 2020) 59,6% des traductions sont de l’anglais 18,5% du japonais Puis vient l’italien (4,3%), l’allemand (4%) et l’espagnol (3,2%). Comme en 2019 et 2020, les trois segments les plus traduits : romans, BD, littérature jeunesse --> 69% de l’ensemble des traductions. Petit rappel des différents maillons de la chaine du livre : L’auteur, l’éditeur, le maquettiste/graphiste, l’imprimeur, la diffusion/ distribution, la librairie, les bibliothèques, le lecteur. 2) La fonction éditoriale, l’éditeur : le chef d’orchestre Métier exerce une fascination auprès du public : à la fois simple (ne demande qu’un bureau, un téléphone et un carnet d’adresses) et mys- térieux. Le métier est porté par des figures, de fortes personnalités Bernard Grasset, Louis Hachette, Gaston Gallimard, P.O.L, Jérôme Lindon... Rôle d’ordre intellectuel (accompagner l’auteur, définir une politique éditoriale, prendre des décisions) et un rôle économique (c’est un chef d’entreprise qui doit vendre des livres et les faire connaître, c’est lui qui prend tous les risques financiers et juridiques en publiant un ouvrage). C’est lui qui fixe le prix de l’ouvrage. Le travail d’éditeur repose sur 3 prérogatives - publier ou non - fixation du prix - le tirage L’éditeur contrôle toutes les étapes de fabrication jusqu’à la commercialisation - conception/fabrication - contractualisation - commercialisation Aujourd’hui Au niveau national : 8 000 structures éditoriales en France Entre 4 000 et 6 000 structures publient des livres régulièrement, mais 12 maisons d’éditions réalisent à elles seules 70% du CA global de l’édition = concentration éditoriale Maisons d’édition en Nouvelle Aquitaine : source ALCA 251 maison d’édition 16% dans l’univers de la BD / 28% dans le secteur de la jeunesse / 41% dans le secteur de la littérature 33% vivent en Gironde et 13% en Haute-Vienne ! L’importance de la rentabilité ! L’éditeur assume ses investissements : possibilité de publier un titre dont il sait qu’il ne sera pas immédiatement rentable mais qui correspond à ses ambitions culturelles. L’enjeu : la moindre rentabilité des livres « à faible rotation » peut être compensée par la vente plus « facile » d’autres titres Système dit de « vache à lait » : Définition : « Activité qui réclame peu d’investissement et qui génère une trésorerie importante ». ou « Personne que l’on exploite ou chose dont on tire un profit continuel.» Des auteurs vache à lait pour certaines maisons d’édition sont primordiaux pour la pérennité de leurs structures et permettent la publication de textes plus « confidentiels » ou primo-romanciers. Quelques auteurs :) XO éditions Grasset Albin Michel Calmann-Lévy Michel Lafon a)Édition et chaîne graphique L’imprimeur : Élaboration des techniques d’imprimerie par Gutenberg en 1450 = révolution du livre : reproduction à de nombreux exemplaires ≠ travail de copiste. Définition : L’imprimerie est un ensemble de technologies permettant de reproduire des écrits et des illustrations en grande quantité, généralement sur du papier. Secteur très concurrentiel : concurrence asiatique, chinoise, indienne = les imprimeurs français doivent se spécialiser ou se démarquer. Le Label Imprim’Vert Certains imprimeurs engagent une démarche de qualité environnementale avec ce label. Décerné par la Fédération française de l’Imprimerie selon divers critères : - élimination conforme des déchets dangereux - stockage sécurisé des produits et déchets dangereux liquides - abandon des produits étiquetés « toxique » au profit de produits moins dangereux. Travail de confiance et à long terme autour du trio : qualité/coût/dé- lais. Les éditeurs achètent encore majoritairement leur papier (Internatio- nal Paper à Saillat-sur-Vienne : 20% du CA du groupe pour le seg- ment des papiers d’impression). La fabrication représente en moyenne 15 % du prix du livre. Depuis 2021, après le covid, pénurie de papier, grosses difficultés pour la filière. b) Une bien étrange matière première (l’auteur) 101 600 auteurs en France (chiffre de 2017/2018) Seuls 5 000 vivent de leur métier/profession principale En France : aucune étude pour devenir auteurs ≠ pays anglo-saxons Néanmoins France gros potentiel d’écrivains : 3 millions de personnes ont écrit un roman ou en ont un dans leur tiroir ! Pour être publié en France, 3 possibilités : - L’édition à compte d’éditeur : contrat signé avec un éditeur qui donne lieu à une rémunération forfaitaire et/ou pourcentage sur les ventes. C’est le contrat le plus couramment utilisé. - L’édition à compte d’auteur : contrat signé avec l’éditeur mais l’au- teur participe aux frais de réalisation et doit souvent assurer tout ou partie de la promotion. - L’auto-édition : l’auteur fait seul les démarches d’impression et de commercialisation, le tout à ses frais. Législation Le métier d’auteur est protégé en France par les droits d’auteurs : - Droits moraux : un caractère inaliénable (ne peuvent faire l’objet d’aucune cession), perpétuel et imprescriptible - Droits patrimoniaux : le droit de reproduction et le droit de représentation : ils sont cessibles et les contrats de cessions de droits sont fréquents. Néanmoins, toute utilisation de l’œuvre sans autorisation de l’auteur est considérée comme illicite. À noter également et c’est le plus important, que ces droits patrimoniaux ont une durée de protection qui est de 70 ans à compter de la date de décès de l’auteur. Magie du domaine public : 1er janvier 2021 Sarbacane Grasset Michel Lafon Éditions Du Rocher Soleil À la différence du lien entre l’éditeur et l’imprimeur (rapport de sous-traitance professionnelle) le rapport entre l’éditeur et l’auteur est très complexe, éminemment interpersonnel, lié au réseau, aux lecteurs des maisons, aux directeurs de collection qui sont aussi auteurs (Serge Quadruppani pour Métailié, Clara Dupont-Monod pour JC Lattès). Rémunération des auteurs : participation proportionnelle aux résul- tats de l’exploitation de l’ouvrage : ce que l’on appelle le « contrat à pourcentage ». L’auteur est payé au prorata sur le prix de vente du livre hors taxes et en droits d’auteurs. Pour les auteurs les plus reconnus, il y a l’à-valoir : avance que l’éditeur verse à l’auteur avant même que l’ouvrage ne soit publié. Environ 468 millions d’euros de droits d’auteur sont versés chaque année. En 2021, c’est environ 556 millions d’euros de droits d’auteur qui ont été versés. Auteurs en Nouvelle Aquitaine : Source ALCA - 856 auteurs/autrices - 68% sont écrivain(e)s / 25% sont illustrateur(e)s / 8% sont des tra- ducteur(e)s / 23% sont dans l’univers de la BD - 33% vivent en Gironde et 10% en Haute-Vienne - 44% sont des femmes et 56% des hommes (chiffres 2021) Auteur = métier où l’égalité homme/femme n’est pas encore acquise même si amélioration depuis quelques années. c) Le maquettiste/graphiste : mettre en forme Salarié ou indépendant, graphistes et maquettistes s’occupent de la composition des pages et de l’ouvrage dans son ensemble. Maquettiste : intérieur de l’ouvrage, aspect technique du graphisme et utilisation des outils informatiques. Graphiste : charte graphique, couverture, affiche, PLV. Évidemment le maquettiste tout comme le correcteur d’ailleurs, a à sa portée un ouvrage de référence sur les règles typographiques : « Lexique des règles typographiques en usage à l’imprimerie nationale » qui est un peu l’équivalent d’une Bible où l’on s’y réfère très régulièrement. Paradoxe de la maquette But : être au service du texte donc doit être invisible pour ne se concen- trer que sur le texte ! Néanmoins elle est primordiale au même titre que la couverture. Le travail de la maquette et couverture : déclenchement d’actes d’achats si les deux éléments sont bien réalisés. Importance des blancs : les marges intérieures, l’interlignage dans le texte, l’écart entre les différents mots. Le blanc d’une page = « l’espace de liberté du lecteur ». Plus un texte s’entoure de blanc, plus il invite, permet, autorise le lecteur à être libre, à l’inverse, plus un texte occupe le blanc, moins il laisse le lecteur s’en- fuir... Un don, Toni Morrison, 10/18 Hommage à la Catalogne, Orwell, 10/18 Monsieur Toussaint Louverture Un éditeur qui a tout compris et de la région Nouvelle Aquitaine ! Black Water, Michael Mcdowell, Toussaint Louverture d) le poids prépondérant de l’aval (le libraire) https://www.youtube.com/watch?v=o-zoRO7NiOA Placé en bout de chaîne, le libraire choisit, conseille et vend les livres. Pas un commerçant comme les autres car ne détermine pas son prix (prix unique en France et déterminé par l’éditeur) mais négocie son prix d’achat avec le fournisseur. Aujourd’hui, un libraire doit avoir 3 qualités essentielles : - solide compétence culturelle et commerciale - réelle capacité de gestion - être un bon communicant En France : 20 000 à 25 000 lieux où l’on achète des livres, mais seulement 3 700 librairies indépendantes. Différentes typologies de librairies La librairie indépendante : 3 700 librairies Pas possible de se distinguer d’un concurrent par le prix, librairie in- dépendante se distingue par leur assortiment (fonds et nouveautés) et un ancrage territorial fort (participation au maillage culturel de ce territoire). La librairie généraliste : librairie en général installée dans les centres des villes. Historiquement il y a un enjeu de l’emplacement privilégié. Attention : une librairie généraliste peut être indépendante, ce n’est pas antinomique. Entre 10 et 30 librairies en France avec plusieurs millions de CA an- nuel. Assortiment important, grands nombres de titres différents au moins 30 000, mais plutôt entre 40 et 50 000. Mollat (Bordeaux) : 155 000 références disponibles Page et Plume (Limoges) : 55 000 références Importance aujourd’hui des réseaux sociaux : fidélisation de la clien- tèle, attractivité etc... Présentation de l’assortiment en tables thématiques, coups de coeur... Aussi les librairies dîtes spécialisées : BD, mangas, jeunesse, voyage etc Libraire : acteur fragile de la chaîne du livre : concurrence d’internet mais aussi des GSS. Progression de la part des ventes de livres en ligne VS vente en maga- sins. En 2019 : 21% vente en ligne contre 22,5% pour librairies physiques tous réseaux confondus. Mais depuis 2020 : vrai retour à l’achat en magasin, les divers confine- ments et la qualification de commerces essentiels. Concurrence --> regroupement de libraires dans des réseaux forts : les libraires ensemble, Canal BD, Momie, librairies Sorcières, le label LIR. Les chaines de librairies Gibert Joseph (30 magasins), Decitre (11 magasins, essentiellement en Rhônes-Alpes), le Furet du Nord (20 magasins principalement dans les Hauts de France). Aussi librairies d’éditeurs : Actes Sud, Dalloz, Gallimard, Glénat, Flam- marion, Hachette... GSS : concurrent ++ des librairies FNAC CULTURA LECLERC ESPACE CULTUREL GSA : réseaux de supermarchés et d’hypermachés CORA HYPER U/SUPER U AUCHAN CARREFOUR Livre : bonne image des magasins, marge + importante que l’alimen- taire mais ne représente pas la plus grande part des ventes CA. Es- sentiellement certaines catégories de livres : coloriages, cahiers de va- cances, best-seller. Particularité 2020 : part du livres ++ car pas concernés par les ferme- tures des confinements. Vente en ligne : 15% de part de marché pour les librairies Amazon et Fnac.com --> 80% des ventes par internet Mais les libraires s’emparent de cet outil : click&collect pendant les confinements, regroupement de librairies en France (Place des li- braires, leslibraires.fr, lalibrairie.com) --> possibilité de réserver, com- mander directement en ligne. Aujourd’hui, plus de 20 portails web de librairies en France. Prise de conscience de nouveaux moyens de consommation du livre. 3 niveaux de librairies en France déterminés en fonction des diffu- seurs. Librairie 1er niveau : les 700 à 1300 clients les plus importants, soit en termes de CA soit en termes qualitatifs (capacité d’un libraire à lancer un titre, travailler sur le fonds des éditeurs diffusés). Ex : Page et Plume, Mollat... Librairies 2nd niveau : 4 000 à 12 000 points de vente. Ex : petite li- brairie de proximité (MDP Limoges), hypermarché Librairies 3e niveau : très petit point de vente, librairies thèmes (éso- térisme, religion) ou magasins où le livre a une petite part : magasin de bricolage, Joué Club... Les Librairies en Nouvelle-Aquitaine : Source ALCA : - 217 librairies (sans compter les GSS) - 73% sont généralistes / 27% sont spécialisés - 23,5% en Gironde et 13% en Charente-Maritime, 9% en Haute- Vienne e) La bibliothèque : conserver, informer et transmettre Bibliothèque : rôle de conservation et transmission entre le passé, le présent et l’avenir. Bibliothécaire : en lien direct avec le libraire --> vient en boutique pour faire le choix de leur prochain assortiment. 7% du marché du livre mais 20% du CA des libraires (marchés pu- blics) Utilise les mêmes stratégies que les libraires : mise en valeur de l’assor- timent, tables thématiques, coups de coeur... 2018 : 16% de la population est inscrite dans une bibliothèque (en- quête observatoire de la lecture publique). f) le lecteur, l’arbitre et le grand inconnu : Le lecteur est le dernier maillon de la chaine du livre, le plus impor- tant car sans lui, pas de livre ! Longtemps nous nous sommes intéressés au lecteur à travers les di- verses études menées d’une année sur l’autre : statistiques de nombres de livres lus/an etc. Mais il est depuis longtemps resté muet, ce qui n’est plus le cas depuis quelques années avec le phénomène des blo- gueurs, booktubeurs, booktokeurs, sites de lecteurs (Livraddict). SUITE AU SECOND SEMESTRE : DIFFUSION/DISTRIBUTION