Âges de la vie, générations, trajectoires PDF
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Université Rennes
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Cette présentation aborde la sociologie des âges de la vie, en examinant les générations et les trajectoires. Elle explore différentes perspectives, notamment celles des âges de la vie, des générations et des trajectoires sociales. La présentation est structurée en sections, incluant une introduction, un plan, et des analyses plus spécifiques sur l'adolescence, la jeunesse et la vieillesse.
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Âges de la vie, générations, trajectoires Séance 2 : Rendre compte des existences contemporaines par le prisme des âges Introduction Selon Cécile Van De Velve, la sociologie des âges de la vie se donne pou...
Âges de la vie, générations, trajectoires Séance 2 : Rendre compte des existences contemporaines par le prisme des âges Introduction Selon Cécile Van De Velve, la sociologie des âges de la vie se donne pour objectif de penser l’organisation sociale du temps et l’évolution des existences humaines. Il s’agit de renseigner comment se structurent les âges. Ce champ de recherches reste fragmenté du fait d’une conception segmentée des existences. Les existences sociales peuvent être étudiées selon 3 perspectives différentes : celle des âges de la vie, celle des générations, celle des trajectoires sociales. Nous présenterons ces trois approches (âges, générations, parcours), qui feront respectivement l’objet d’un chapitre. Pour ce deuxième volet du cours, il s’agit d’entrer dans l’approche sociologique des existences contemporaines à partir de la perspective des âges. Plan Cette seconde séance du cours s’organise autour de quatre points. 1. Une lecture en séquences 2. Allongement et multiplication des âges 3. Âges et âge : de quoi parle-t-on ? 4. L’exemple de la jeunesse 1. Une lecture en séquences 1. 1. Les âges de la vie : des objets sociologiques légitimes ? Un des principaux fondements de cette approche est d’ériger les « âges de la vie » en objets sociologiques légitimes. Au franchissement des âges est associé un changement de statut : l’âge devient un marqueur d’appartenance à un groupe social particulier. La « stratification d’âges » comme principe régulateur de la vie collective : les âges structurent les itinéraires individuels et aussi plus largement l’organisation de la société. Au-delà de son apparente évidence, cette façon de procéder ne fait pas consensus : une des critiques les plus courantes de cette approche est celle de Bourdieu dans un entretien de 1978 intitulé « La jeunesse n’est qu’un mot ». 1. 2. Cycle de vie et succession des âges En théorie, ces âges s’agencent en un « cycle de vie », fondé sur la répétition des mêmes séquences au fil des générations. Le cycle de vie désigne donc la façon dont une société définit et structure la succession des âges. Hypothèse de cette perspective : tous les individus traversent, au cours de leur existence, un ordre prédéfini d’étapes, qu’elles soient familiales, professionnelles ou sociales. Le cycle de vie fait alors référence à trois âges de la vie articulés autour de la centralité de la vie professionnelle : la jeunesse, l’âge adulte, la vieillesse. Cette perspective en termes de cycle de vie se fonde sur deux principes centraux (la ternarité des âges ; la linéarité des existences) et repose sur l’hypothèse de stabilité interne de chacun des âges. Critiques : de nombreuses trajectoires de vie s’éloignent de ce schéma (marquées par des « tournants » imprévisibles de l’existence) ; le caractère « genré » du cycle de vie qui décrit des trajectoires professionnelles principalement « masculines ». 1. 3. D’un âge à l’autre : la notion de « seuil » et de transition Entre les cycles s’intercalent des « seuils » qui vont marquer le passage d’une temporalité à l’autre de l’existence. Cette notion de seuil porte l’héritage du concept anthropologique de « rite de passage » proposé par Arnold Van Gennep en 1909 (1873- 1957). 3 temps dans ces rites de passage : la séparation, la mise à l’écart, l’entrée dans un nouveau groupe. Le concept de « transition » : fait référence au franchissement de plusieurs seuils, et tend à désigner un intervalle de durée entre deux âges. La sociologie des transitions vise ainsi à étudier leur ordre et leur agencement interne. 1. 4. La création des « classes d’âges » : des seuils multiples Cette perspective place la focale non sur le contenu des itinéraires individuels, mais sur la délimitation des âges, et sur les caractéristiques sociales des différents groupes d’âge ainsi définis. Cette perspective raisonne à l’échelle macrosociologique avec pour objectif la définition statistique de « catégories » ou de « classes d’âge ». Cette définition peut s’appuyer sur des critères d’âge, des critères biologiques ou des critères de statut. Exemples : le début de l’adolescence ; l’entrée dans la vieillesse. L’appartenance au groupe des « adolescents », des « seniors », est supposée porteuse de comportements distinctifs et objectivables. Le sociologue se donne alors pour mission de mesurer l’ampleur de ces « effets d’âge », comparativement aux effets d’autres variables sociales ou territoriales. 2. Allongement et multiplication des âges 2. 1. Une adolescence qui n’en finit plus Hervé le Bras, 1983/3, « L’interminable adolescence ou les ruses de la famille », Le Débat, n° 25, Paris, pp. 116-125. Constats : la cohabitation avec les parents durent de plus en plus longtemps ; les études s’allongent avec une présence accrue de la famille ; le départ du domicile parental devient moins conflictuel. Ces constats sont lus comme les symptômes d’une adolescence qui peine à se clôturer. Olivier Galland (sociologue français, spécialiste de la jeunesse) reconduit cette idée par l’usage de l’expression « post-adolescent ». Même idée démontrée par les travaux de Jean-Claude Chamboredon au début des années 90. 2. 2. La jeunesse : un nouvel âge de la vie Olivier Galland, 2011 (5ème édition), Sociologie de la jeunesse, Paris, Armand colin. une nouvelle idée est défendue : la « jeunesse » n’est plus pensée comme un simple étirement de l’adolescence, mais comme un nouvel âge de la vie précédant la vie adulte. Dans la suite des travaux de H. Le Bras, Olivier Galland montre que les 4 seuils qui marquent l’entrée dans la vie d’adulte (départ de chez ses parents ; mise en couple ; fin des études ; premier emploi) font l’objet d’un report et d’une déconnexion. Report : les quatre seuils surviennent plus tardivement dans les itinéraires de vie. Déconnexion : les quatre seuils sont franchis séparément les uns des autres (ils sont désynchronisés). Conséquence selon Olivier Galland : naissance d’une nouvelle temporalité, celle de la « jeunesse » qui vient s’intercaler entre l’adolescence et l’âge adulte. 2. 3. La vieillesse : un troisième âge qui s’allonge et l’apparition du 4ème âge Dans les années 1970 et 1980, la « vieillesse » est assimilée au temps de la retraite et associée à la sortie légale de la vie professionnelle. La retraite est ainsi considérée par les sociologues et statisticiens comme un seuil d’entrée fixé à 60 ans. Ce « troisième temps » de la vie est amené, aux yeux des analystes, à s’étirer et à prendre une place croissante dans les existences au fur et à mesure que la vie s’allonge. Du point de vue des perceptions, représentations sociales, la retraite est négativement définie comme une « mort sociale » : Anne-Marie Guillemard, 1972, La retraite, une mort sociale, Paris, Mouton. Progressivement, relevé d’un phénomène d’allongement de la vieillesse (comme pour la jeunesse) : le 3ème âge s’allonge pour se subdiviser et laisser place à un 4ème âge. Dès lors, la retraite sera rapportée à une phase positive de l’existence, et le quatrième âge sera de plus en plus pensé comme celui de la fin de vie, et principalement approché sous l’angle pathologique puis de la fragilité. 2. 4. Des trois âges de la vie à plusieurs âges On retiendra donc que la sociologie des âges de la vie montre que de nouveaux âges sont inventés, voire redécouverts. C’est donc que l’âge n’est pas réductible à une donnée biologique. La sociologie des âges de la vie montre que nos sociétés ne cessent d’inventer des âges (l’enfance [prime enfance], l’adolescence [pré/post adolescence], la vieillesse avec le 3ème et le 4ème âge). Un séquençage de la vie sociale en 3 temps (enfant, adulte, vieux) ne tient donc plus, puisque nous constatons désormais une pluralité d’âges. Trois remarques sur cette sociologie des âges de la vie : elle raisonne à partir d’un âge de référence : l’âge adulte ; l’âge adulte n’est pas ou peu déconstruit ; approche linéaire et par séquences des existences sociales. 3. Âges et âge : de quoi parle-t-on ? 3. 1. L’âge : un construit social L’âge, contrairement à ce que spontanément on pourrait croire, n’est pas réductible à une donnée biologique, mais résulte bien d’une construction sociale. Il faut donc déconstruire la notion pour tenter d’y voir plus clair. Les « étapes d’âge » ne sont pas considérées en sciences sociales comme de simples reflets d’une succession de phases biologiques de l’existence humaine (croissance, maturité, sénescence). Les « âges de la vie » visent à la fois à « classer les individus dans des groupes » et à « distinguer des séquences dans le cours de l’existence » (Mauger, 2015). Les chercheurs montrent que : les âges de la vie diffèrent significativement d’une société et d’une époque à l’autre ; dans une société donnée, de nouvelles périodes de la vie peuvent apparaître ; l’âge dit chronologique, il relève lui aussi, d’une certaine manière, d’une invention. L’âge biologique est aussi construit par au moins trois aspects. 3. 2. Des questions Les démographes, on l’a dit, reprennent les définitions officielles des âges pour les considérer comme des variables quantitatives qu’ils vont renseigner dans leurs enquêtes statistiques. Pour autant, Gérard Mauger questionne : L'âge peut-il être un principe de construction de groupes sociaux ? Scepticisme pour les fondateurs (E. Durkheim et M. Halbwachs). Le cas de la jeunesse Quelle peut être la pertinence sociologique d'une définition universelle et intemporelle des âges de la vie souvent associée à celle de « cycle de vie » ? M. Halbwachs : la triple relativité de la notion d’âge. Les limites qui séparent l'âge adulte de la jeunesse, la vieillesse de l'âge adulte varient dans le temps, dans l'espace et dans l'espace social, en raison de l'« antagonisme », de la « lutte sourde » entre générations, « chacun réclamant sa place au soleil ». 3. 3. L’âge : un rapport social Admettre que l’âge fait l’objet d’un traitement social donnant à voir des catégories différentes d’âges, c’est ouvrir une nouvelle question : celle du statut des individus dans des rapports de pouvoir, lesquels produisent les catégories sociales dites des « jeunes », des « adultes » par exemple. Ainsi, on se rend compte que l’âge sous tend : des performances normatives ; des rapports de pouvoir. L’âge d’un point de vue sociologique est donc toujours social pour au moins trois raisons : on ne retrouve pas les mêmes étapes d’âge partout et de tout temps ; la catégorisation d’un individu comme « jeune » ou « vieux » est relationnelle et contextuelle ; Les positions d’âge sont inséparables des autres dimensions des rapports sociaux. L’âge n’est pas une question de développement biologique, mais une question de statut des individus dans des rapports de pouvoir socialement institués, lesquels produisent les catégories telles que « jeunes » et « adultes ». 4. L’exemple de la jeunesse 4. 1. La jeunesse : une catégorie nominative socialement construite et historiquement située La jeunesse est socialement construite : Pierre Bourdieu, 1978, « la jeunesse n’est qu’un mot », entretien avec Anne-Marie Métailié, paru dans Les jeunes et le premier emploi, Paris, Association des Âges, pp 520-530 ; Publié aussi dans Pierre Bourdieu, 1984, Questions de sociologie, Paris, Ed. de Minuit, pp. 143-154. Lecture des pages 143 à 145, soit des réponses à deux questions : comment le sociologue aborde-t-il le phénomène des jeunes ? qu’entendent les sociologues par vieux, adultes ou troisième âge ? La jeunesse, une catégorie historiquement située : Olivier Galland repère 4 périodes dans la construction socio-historique de cette catégorie « jeunesse » : jusqu’au 17ème siècle ; le siècle des Lumières ; le 19ème siècle; le 20ème siècle. On comprend donc que chaque époque produit un type de jeunesse. C’est surtout durant les années 50 que les historiens font remonter la construction historique de la jeunesse en France, pour au moins trois raisons. 4. 2. Une catégorie définie par les politiques publiques La jeunesse fait l’objet d’une attention particulière et d’une forte intervention de la part de la puissance publique surtout à partir des années 1970. Quatre principales étapes de ces politiques dédiées à la jeunesse : de 1870 à 1936 ; ce sont les initiatives locales qui font les politiques ; de 1936 au début des années 80 ; de 1982-83 à 1995 ; de 1995 aux années 2010-20. D’une manière générale, l’État met en place des politiques publiques en matière d’insertion, des aides sociales pour les jeunes au travers de dispositifs. Exemple : la « garantie jeune » en 2021. 4. 3. Une culture juvénile ? Avancer l’idée d’une « culture jeune » suppose alors que les jeunes partagent un système de valeurs, de goûts, de pratiques qui leurs sont propres. La thèse d’une culture jeune se développe dans les années 60, notamment sous la plume de Edgar Morin (sociologue, philosophe français, né en 1921). Une thèse mise en débat : Pierre Bourdieu « La jeunesse n’est qu’un mot » ; la publication, en 1964, de l’ouvrage Les Héritiers écrit avec Jean-Claude Passeron. Une thèse également discutée par une lecture en terme de génération et de rapport de génération. Références bibliographiques BOURDIEU Pierre, CHAMBOREDON Jean-Claude, 1964, Les Héritiers, Paris, Ed. Du Seuil. BOURDIEU Pierre, 1984, « la jeunesse n’est qu’un mot », Questions de sociologie, Paris, Ed. de Minuit, pp. 143-154. GALLAND Olivier, 2011 (5ème édition), Sociologie de la jeunesse, Paris, Armand colin. GUILLEMARD Anne-Marie, 1972, La retraite, une mort sociale, Paris, Mouton. LE BRAS Hervé, 1983/3, « L’interminable adolescence ou les ruses de la famille », Le Débat, n° 25, Paris, pp. 116-125. MAUGER Gérad, 2015, Âges et générations, Paris, La découverte. PERCHERON Annick et RÉMOND René, 1991, Âge et politique, Paris, Economica. VAN DE VELDE Cécile, 2015, Sociologie des âges de la vie, Paris, Armand Colin. VAN GENNEP Arnold, 1909, les rites de passage, Paris, Emile Nourry.