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This chapter on sepsis and septic shock details the different aspects of the condition. It includes definitions, diagnostic criteria, situations of departure, and management strategies for medical professionals, aiming at the stabilization of the patient.

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CHAPITRE 11 Sepsis et choc septique Situations de départ 43 Découverte d'une hypotension artérielle 44 Hyperthermie, fièvre 89 Purpura, ecchymose, hématome Items, objectifs pédagogiques ITEM 332 – État de choc Voir les objectifs au chap...

CHAPITRE 11 Sepsis et choc septique Situations de départ 43 Découverte d'une hypotension artérielle 44 Hyperthermie, fièvre 89 Purpura, ecchymose, hématome Items, objectifs pédagogiques ITEM 332 – État de choc Voir les objectifs au chapitre 10. ITEM 158 – Sepsis et choc septique de l'enfant et de l'adulte Rang Rubrique Intitulé Descriptif Définition Savoir définir le sepsis et le choc septique chez l'enfant et l'adulte Identifier une urgence Reconnaître un patient à Savoir les critères de risque gravité, connaître sa signification en termes de risque de mortalité Diagnostic positif Savoir évoquer un état de Savoir évoquer un choc choc septique chez l'enfant septique devant tout et l'adulte patient fébrile ; savoir l'évoquer également si la température est normale, devant une hypotension avec des signes de défaillance d'organe Diagnostic positif Reconnaître un purpura Purpura fébrile = PF fulminans jusqu'à preuve du contraire Diagnostic positif Savoir rechercher sur les éléments de l'anamnèse et l'examen clinique les éléments d'orientation pour déterminer le site infectieux Diagnostic positif Diagnostiquer un état de Savoir demander un GDS choc septique (hors avec mesure du lactate microbiologie) devant une suspicion d'infection grave/sepsis Examens complémentaires Savoir prescrire les Savoir prescrire une prélèvements hémoculture avant microbiologiques antibiothérapie d'urgence d'urgence avant antibiothérapie Examens complémentaires Savoir prescrire les Savoir prescrire les prélèvements prélèvements spécifiques à microbiologiques adaptés la suspicion d'infection à la suspicion d'infection Examens complémentaires Connaître les examens Faire le bilan des complémentaires à réaliser défaillances d'organe pour diagnostiquer les complications du choc Examens complémentaires Comprendre l'intérêt (ou Comprendre la pertinence pas) d'un dosage de la des examens CRP et de la PCT dans le complémentaires contexte de sepsis et de choc septique Étiologie Connaître les principales Pneumonie, péritonite, infections responsables de infection urinaire… sepsis et de choc septique chez l'adulte et l'enfant Étiologie Connaître les principales Méningococcémie et causes du purpura pneumococcémie fulminans Prise en charge Savoir initier la prise en Réaliser l'injection de la charge immédiate d'un première dose purpura fulminans d'antibiotique (céfotaxime ou ceftriaxone, ou sinon amoxicilline) et orienter le patient (réanimation via transport médicalisé) Prise en charge Connaître les bases de la Remplissage, O2 si besoin, prise en charge d'un choc antibiotiques rapidement, septique chez l'adulte et appel réanimateur l'enfant Prise en charge Savoir prescrire Savoir prescrire une précocement des bêtalactamine à large antibiotiques adaptés spectre plus ou moins un second antibiotique en fonction de la porte d'entrée suspectée pour les infections communautaires fréquentes Prise en charge Contrôle de la source Savoir demander un avis infectieuse chirurgical ou radio- interventionnel pour discuter d'une éventuelle évacuation d'une source infectieuse Prise en charge Savoir prescrire un Savoir identifier le risque antibiotique spécifique de germe résistant et chez les patients non adapter l'antibiothérapie communautaires chez les patients non communautaires Suivi et/ou pronostic Connaître le pronostic d'un état de choc septique Introduction I. Etape clinique – Rechercher un sepsis devant une infection II. Etape clinique – Rechercher une porte d’entrée III. Quels examens complémentaires ? IV. Quelles mesures thérapeutiques immédiates ? V. Quelles mesures thérapeutiques spécialisées ? Vignette Clinique Madame S., 62 ans, est amenée par les sapeurs-pompiers depuis son domicile pour malaise. Les paramètres vitaux de la patiente relevés par l'infirmière d'accueil des urgences sont les suivants : pression artérielle 70/35 mmHg, FC 134 bpm, FR 28 cycles/min, SpO2 en air ambiant 90 %, température 38,9 °C. Devant l'altération de ces paramètres, la patiente est installée en salle d'accueil des urgences vitales (SAUV) et vous la prenez immédiatement en charge. Alors que l'infirmière installe à votre demande un scope multiparamétrique, une oxygénothérapie au masque haute concentration 10 litres/min et pose une voie veineuse périphérique, vous commencez à l'interroger et à l'examiner. Madame S. se plaint d'une grande fatigue depuis 3 jours et d'une douleur lombaire droite. Elle a des brûlures mictionnelles. Elle n'a pas été hospitalisée dans l'année écoulée et n'a pris aucun traitement. Elle n'a aucun antécédent. Elle met un peu de temps à répondre à vos questions. Elle présente des marbrures des deux genoux remontant jusqu'aux racines des cuisses. Vous ne constatez pas de signes d'insuffisance cardiaque (absence d'œdème des membres inférieurs, de turgescence jugulaire ou de crépitants des bases à l'auscultation), ni de saignement extériorisé. L'auscultation thoracique est sans particularité. L'abdomen est souple ; l'ébranlement de la fosse lombaire droite est douloureux. À ce stade, vous identifiez des signes infectieux (fièvre) avec un probable site urinaire (pyélonéphrite aiguë droite vu la dysurie et la douleur lombaire) et des signes évoquant un sepsis : FR > 22 cycles/min, altération des fonctions supérieures, PAS < 100 mmHg (score quick SOFA à 3/3). Le diagnostic de choc septique est envisagé mais ne sera éventuellement posé qu'à l'issue du remplissage vasculaire. Vous demandez donc : ❯ un bilan biologique immédiat : pour rechercher la cause de l'infection : 4 hémocultures (2 flacons aérobies, 2 anaérobies) et un ECBU ; pour le bilan du retentissement : gaz du sang artériels + lactatémie, ionogramme sanguin, NFS, TP, TCA, fibrinogène, bilan hépatique ; ❯ un remplissage vasculaire par soluté salé 0,9 % : 1 000 ml en débit libre ; ❯ l'injection d'une antibiothérapie IV probabiliste adaptée à la suspicion d'infection urinaire communautaire : céfotaxime 2 g IVL + gentamicine 5 mg/kg en 30 minutes. Le médecin réanimateur est appelé. → À ce stade, en moins d'une heure, vous avez : ❯ diagnostiqué une forme grave d'infection : un sepsis ; ❯ identifié un potentiel foyer infectieux ; ❯ effectué les premiers éléments du bilan de gravité (gaz du sang, lactate) ; ❯ prélevé des hémocultures ; ❯ débuté le remplissage vasculaire et l'oxygénothérapie adaptée ; ❯ injecté la première dose d'antibiotique ; ❯ prévenu le réanimateur. Le sondage urinaire ramène 100 ml d'urines d'aspect trouble. Les gaz du sang artériels en air ambiant montrent un pH à 7,30, une PaCO2 à 29 mmHg, une PaO2 à 110 mmHg, une bicarbonatémie à 14 mmol/l et une lactatémie à 4,5 mmol/l. Avec le réanimateur, vous convenez des éléments suivants : ❯ une infection urinaire grave nécessitant une imagerie urgente pour vérifier l'absence d'obstacle sur les voies urinaires : le radiologue est appelé pour demander une échographie rénale et des voies urinaires ; ❯ transfert en réanimation au vu de la gravité immédiate (hypotension profonde, lactatémie élevée) : vous aidez à brancarder la patiente sous surveillance scopée. L'échographie confirme le diagnostic de pyélonéphrite aiguë droite obstructive (dilatation pyélocalicielle en amont d'un obstacle lithiasique). Le chirurgien urologue est contacté pour pose de sonde JJ au bloc opératoire en urgence. Avant le bloc, le remplissage vasculaire est poursuivi par à nouveau 1 000 ml de soluté salé 0,9 % en débit libre. Devant la persistance de l'hypotension artérielle, de la noradrénaline est débutée sur une seconde voie veineuse périphérique. Un cathéter veineux central pour la poursuite de la perfusion de noradrénaline et un cathéter artériel radial afin de surveiller la pression artérielle de manière continue seront posés. À ce stade de l'évolution, il s'agit bien d'un choc septique. Introduction Le sepsis est un syndrome infectieux grave qui dépend des facteurs de virulence d'un ou plusieurs pathogènes (bactérie dans l'immense majorité des cas, plus rarement un virus, un parasite ou un champignon), du site infectieux et des facteurs de susceptibilité de l'hôte. Ce qui le différencie d'une infection est la présence d'une dysfonction d'organe. La dysfonction des organes est liée à trois grands mécanismes qui s'associent et s'aggravent entre eux : activation majeure dérégulée du système de l'immunité innée (« orage cytokinique » pro- et anti-inflammatoire simultané) ; dysfonction de plusieurs voies métaboliques (dysfonction mitochondriale, notamment) ; état de choc dit distributif, associant plusieurs mécanismes avec une dysfonction vasculaire au premier plan : – hypovolémie efficace par augmentation de la perméabilité capillaire (transfert du liquide vasculaire vers le secteur interstitiel) ; – vasoplégie responsable d'une diminution des résistances vasculaires systémiques ; – atteinte cardiaque souvent associée. Le sepsis est la principale cause de décès dans les infections, surtout s'il n'est pas reconnu et traité rapidement. Sa reconnaissance requiert donc une attention particulière. Il s'agit de la première cause de mortalité en réanimation (20 à 40 % de mortalité pour le choc septique). Tout retard à la prise en charge d'un sepsis constitue une perte de chance pour le patient. Définitions Le diagnostic d'infection repose sur la présence de signes inflammatoires cliniques systémiques (fièvre) ou locaux et éventuellement biologiques et la suspicion ou la confirmation d'un agent infectieux à l'origine de l'inflammation. Le diagnostic de sepsis repose sur la présence d'une infection associée à une défaillance d'organe, dont les principales manifestations sont les suivantes : atteinte cardiovasculaire : – hypotension artérielle, tachycardie ; – marbrures ; atteinte respiratoire : polypnée, baisse de la SpO2 ; atteinte neurologique : trouble de la vigilance ; atteinte métabolique : acidose lactique ; atteinte rénale : oligurie et élévation de la créatinine ; atteinte de la coagulation : thrombopénie ; atteinte hépatique : augmentation de la bilirubinémie. Attention : ces signes de dysfonction d'organe sont ceux retrouvés dans tous les états de choc (cf. chapitre 10) ; ils ne sont pas spécifiques du sepsis ; ces signes peuvent apparaître en l'absence complète d'hypotension ou la précéder de plusieurs heures. Le sepsis peut donner des défaillances d'organes sévères même sans choc. Le choc septique est un sepsis réfractaire à la prise en charge initiale avec : une hypotension artérielle persistante : – malgré un remplissage vasculaire adapté ; – nécessitant l'administration de vasopresseurs afin de maintenir une pression artérielle moyenne supérieure à 65 mmHg ; la persistance d'une hyperlactatémie > 2 mmol/l. Le diagnostic de choc septique ne peut donc se faire qu'après une prise en charge initiale fondée sur l'expansion volémique. Il ne faut pas attendre le choc septique pour juger que la situation infectieuse est une urgence vitale nécessitant une prise en charge spécifique ! C'est l'intérêt de la notion de sepsis. L'objectif majeur est l'identification du sepsis et l'injection de la première dose d'antibiotique lors de la première heure de la prise en charge. I Étape clinique – Rechercher un sepsis devant toute infection En pratique clinique, un outil, le quick SOFA (qSOFA), a été développé à l'usage des services d'urgence ou extrahospitaliers pour dépister rapidement parmi les patients ayant une infection, ceux susceptibles de présenter un sepsis. Il est défini par trois items : fréquence respiratoire ≥ 22 cycles/min ; pression artérielle systolique ≤ 100 mmHg ; score de Glasgow < 15. Un qSOFA ≥ 2 permet de suspecter le diagnostic de sepsis et nécessite une prise en charge spécifique urgente décrite ci-après. Ce score est absolument à connaître et à utiliser systématiquement devant tout patient ayant une infection suspectée. Les marbrures ne font pas partie du qSOFA, mais l'avis des réanimateurs est qu'il s'agit d'un signe de gravité important à rechercher, témoin d'un trouble de la perfusion tissulaire, au même titre que l'hyperlactatémie. En cas d'hypotension artérielle avec une pression artérielle systolique < 90 mmHg, le diagnostic de choc est envisagé (cf. chapitre 10). Le qSOFA peut être élevé dans tous les états de choc, les items relevés n'étant pas spécifiques de l'infection. Son utilisation n'est pas validée en dehors du sepsis. II Étape clinique – Rechercher une porte d'entrée Devant un sepsis ou une suspicion de sepsis (qSOFA ≥ 2), la source de l'infection (porte d'entrée) doit absolument être recherchée pour orienter le traitement antibiotique et le contrôle éventuel de la porte d'entrée. L'orientation vers une porte d'entrée est souvent évidente après l'anamnèse et l'examen clinique soigneux du patient ; il s'agit par ordre de fréquence : d'une infection pulmonaire (50 % des cas) ; d'une infection digestive (20 % des cas) ; d'une infection urinaire (10 % des cas) ; d'une infection sur cathéter (5 % des cas) ; d'une infection des parties molles (cutanée) ou méningée (< 5 % des cas). Cette première orientation guidera les examens cliniques et le traitement initial (cf. infra). 5 Le score SOFA est le score de défaillance d'organes, qui n'est pas du domaine du second cycle. Dans un nombre peu fréquent de cas, il n'est pas possible de déterminer à ce stade de foyer infectieux. Ceci implique une stratégie des examens complémentaires plus large (cf. infra). Encadré 11.1 Une urgence particulière : le purpura fulminans Devant tout signe infectieux et a fortiori en cas de sepsis suspecté/prouvé, l'examen clinique doit comprendre systématiquement une inspection de l'ensemble des téguments à la recherche d'un purpura (fig. 11.1). Devant des signes infectieux, la présence d'un élément purpurique nécrotique ou ecchymotique de plus de 3 mm évoque un purpura fulminans et impose l'injection immédiate IV, ou à défaut IM (en extrahospitalier notamment), de 2 g de ceftriaxone ou de céfotaxime (ou à défaut de l'amoxicilline). Attention : la dose est à connaître pour l'ECN. Le patient devra être transféré immédiatement, par moyen médicalisé (appel SAMU), en médecine intensive-réanimation. Le purpura doit être différencié des marbrures : la coloration violacée d'une marbrure disparaît à la pression puis réapparaît en quelques secondes, le purpura ne disparaît pas à la pression. Tout purpura fébrile = Purpura fulminans jusqu'à preuve du contraire → Antibiothérapie parentérale immédiate. Il s'agit d'un diagnostic rare (400 cas par an en France) mais rapidement mortel (de l'ordre de 40 % de mortalité) qui atteint des sujets souvent jeunes. Les deux germes le plus fréquemment à l'origine sont le méningocoque (Neisseria meningitidis) et le pneumocoque (Streptococcus pneumoniae). Il s'agit d'une dysfonction endothéliale majeure responsable d'un tableau brutal de choc septique avec une coagulation intravasculaire disséminée intense et purpura nécrotique extensif. Les survivants doivent fréquemment subir des amputations de plusieurs extrémités de membres. Tout cas doit être immédiatement déclaré à l'agence régionale de santé. En cas d'infection à méningocoque, une prophylaxie spécifique (rifampicine per os ou ciprofloxacine ou ceftriaxone et/ou vaccination) doit rapidement être proposée aux sujets contacts. Fig. 11.1 Lésions purpuriques plus ou moins extensives chez deux patients atteints de purpura fulminans. III Quels examens complémentaires ? Les examens complémentaires initiaux permettent : d'évaluer le retentissement de l'infection sur l'organisme ; de préciser l'étiologie : germe(s) et porte d'entrée infectieuse. A Évaluer le retentissement Devant toute suspicion de sepsis (qSOFA ≥ 2 dans un contexte d'infection) ou a fortiori de choc septique, un bilan des défaillances est impératif : gaz du sang et taux de lactate artériel : hypoxie, acidose, augmentation des lactates ; bilan hépatique (ASAT, ALAT, bilirubine) : cytolyse/cholestase pouvant signer une souffrance hépatique : « foie de choc » ou « foie hypoxique » ; numération-formule sanguine et bilan d'hémostase (TP, TCA, fibrinogène) : baisse des plaquettes puis coagulation intravasculaire disséminée ; ionogramme sanguin avec créatininémie : à la recherche d'une insuffisance rénale aiguë et des troubles métaboliques associés. Une radiographie de thorax (recherche d'une conséquence pulmonaire du sepsis — œdème lésionnel) et un ECG font partie du bilan systématique. C'est à l'issue de cette évaluation que le diagnostic de sepsis peut être posé (présence d'au moins une défaillance d'organe). Place des biomarqueurs (procalcitonine et C-Reactive Protein) Il existe systématiquement un syndrome inflammatoire biologique dans le sepsis avec élévation franche de la CRP. Néanmoins, c'est également le cas dans toutes les formes graves d'agression, infectieuses ou non. La valeur diagnostique de la CRP est donc faible en cas de sepsis. La procalcitonine est un biomarqueur plus spécifique d'infection bactérienne. Toutefois, en présence de signes cliniques infectieux et d'une dysfonction d'organe, une antibiothérapie doit être systématiquement prescrite quelle que soit la valeur de la procalcitonine. Son dosage ne peut donc être recommandé à ce jour de façon systématique. B Préciser l'étiologie infectieuse 1 Hémocultures Le prélèvement des hémocultures est le prélèvement impératif systématique avant toute antibiothérapie : 4 flacons d'hémocultures (2 aérobies, 2 anaérobies) ; en une fois ; avec 10 ml de sang par flacon, soit 40 ml au total. Pour le même épisode fébrile, il n'est pas recommandé de multiplier les hémocultures (en dehors de cas spécifique, comme l'endocardite infectieuse notamment). Les hémocultures sont positives dans seulement 30 % des cas de sepsis. 2 Prélèvements et imagerie ciblés Les autres prélèvements à visée microbiologique et la stratégie d'imagerie sont réalisés en fonction du point d'appel clinique. La stratégie d'imagerie a pour but de confirmer la présence d'un foyer et, souvent, de permettre des prélèvements ciblés, voire un acte thérapeutique (drainage d'un abcès). Dans ce contexte d'imagerie avec impact vital, l'injection de produit de contraste iodé peut être réalisée quelle que soit la valeur de la créatinine. Ces stratégies sont détaillées dans les chapitres spécifiques ; on peut rappeler, par exemple : radiographie de thorax, prélèvements bactériens et viraux respiratoires en cas de suspicion de pneumonie ; ponction lombaire et éventuelle imagerie cérébrale en cas de suspicion de méningite ; ECBU et imagerie des voies urinaires en urgence si suspicion d'infection urinaire ; TDM abdominopelvienne en cas de sepsis à point de départ digestif ; … En cas de sepsis sans point d'appel clinique, il peut être réalisé une TDM thoraco-abdomino- pelvienne injectée. La réalisation des prélèvements infectieux et de l'imagerie ne doit pas faire oublier l'objectif de l'administration de l'antibiotique dans l'heure de la prise en charge du patient. En cas de délai, les prélèvements et imagerie se feront après cette première dose. Quiz 1 Le patient immunodéprimé Monsieur H., âgé de 56 ans, consulte aux urgences pour une altération de l'état général. Il a pour antécédent un lymphome non hodgkinien suivi en hématologie (troisième cure de chimiothérapie la semaine précédente sur PICC line). Les paramètres vitaux sont les suivants : température 38,2 °C, pression artérielle 98/40 mmHg, fréquence cardiaque 90 bpm, SpO2 90 % en air ambiant, fréquence respiratoire 24 cycles/min. L'auscultation pulmonaire est sans particularité. Le patient est somnolent. L'abdomen est souple et indolore. Le patient ne décrit pas de signes fonctionnels urinaires. L'examen cutanéomuqueux est sans particularité. Le dispositif de PICC line est propre. Les gaz du sang en air ambiant retrouvent un pH à 7,38, une PaO2 à 60 mmHg, une PaCO2 à 29 mmHg, une bicarbonatémie à 21 mmol/l, la lactatémie est à 2,6 mmol/l. La radiographie de thorax est sans particularité. La biologie revient avec une neutropénie à 300 éléments/mm3, une CRP à 20 mg/l et une PCT à 0,4 ng/ml, les fonctions rénales et hépatiques sont satisfaisantes. Quels sont les éléments essentiels de la prise en charge ? Quiz 2 La confusion fébrile de la personne âgée Monsieur C., âgé de 81 ans, est admis aux urgences pour une chute. Ses antécédents sont marqués principalement par une insuffisance rénale chronique, un diabète de type 2 non insulinodépendant et une hypertrophie bénigne de prostate. L'anamnèse est impossible car le patient est confus. Les paramètres vitaux sont les suivants : pression artérielle 80/50 mmHg, FC 95 bpm, FR 20 cycles/min, SpO2 93 % en air ambiant, température 39 °C. Il existe des marbrures et un globe vésical. L'examen neurologique ne retrouve pas de syndrome méningé ni signe de focalisation. La radiographie de thorax est jugée normale. Le sondage vésical ramène 500 ml d'urines purulentes avec une bandelette urinaire positive en leucocytes et nitrites. Les gaz du sang artériels retrouvent une acidose lactique (pH = 7,33, lactate = 3,8 mmol/l). Deux séries d'hémocultures et un bilan biologique sont réalisés. Quelle est votre analyse de la situation ? Que proposez-vous comme traitement ? IV Quelles mesures thérapeutiques immédiates ? Devant toute suspicion de sepsis, un avis spécialisé du réanimateur est requis. « Le sepsis se rencontre partout et se traite en réanimation. » Le réanimateur doit être prévenu au plus tôt du possible diagnostic de sepsis. La prise en charge devra être définie en accord avec lui et nécessitera le plus souvent une admission en réanimation- soins intensifs. Néanmoins, la prise en charge initiale d'un sepsis avec l'objectif de l'identification et de la première dose d'antibiotique dans la première heure doit être connue de tous les médecins, de même que le remplissage vasculaire initial en cas d'hypotension artérielle. Cela est absolument primordial pour le pronostic du patient. La prise en charge du sepsis repose sur deux volets simultanés : la prise en charge des défaillances d'organe : en premier lieu la stabilisation hémodynamique ; le contrôle de l'infection : en premier lieu l'antibiothérapie d'urgence. A Mise en condition et stabilisation hémodynamique La prise en charge initiale repose sur une mise en condition immédiate et les mesures symptomatiques d'urgence (cf. chapitre 10) ; pour rappel : scope multiparamétrique ; oxygénation pour SpO2 > 95 % (et < 100 %) ; voie veineuse périphérique ; remplissage vasculaire si hypotension artérielle par sérum salé 0,9 % 500 ml en débit libre jusque 20–30 ml/kg dans les 3 premières heures maximum, idéalement dans l'heure. B Antibiothérapie d'urgence Le contrôle de l'infection d'un sepsis passe toujours par une antibiothérapie, débutée dans l'heure, et dans certains cas par un geste chirurgical, radiologique interventionnel, endoscopique interventionnel. Le choix de l'antibiothérapie en situation d'urgence et en fonction de la porte d'entrée (tableau 11.1) fait l'objet d'un chapitre dédié (chapitre 42) et est précisé dans les chapitres spécifiques d'organes. L'antibiothérapie doit prendre en compte la porte d'entrée suspectée et le risque de résistance aux antibiotiques (caractère communautaire ou associé aux soins de l'infection, écologie bactérienne et facteurs de risque liés aux patients : antériorité de bactéries multirésistantes, antibiothérapie récente, voyage à l'étranger…). Tableau 11.1 Antibiothérapie en situation d'urgence. Pneumonie communautaire Germes Streptococcus pneumoniae, Legionela pneumophila Moins fréquemment, Staphylococcus aureus, entérobactéries, Haemophilus influenzae, Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia pneumoniae Anaérobies à prendre en compte en cas de pneumopathie d'inhalation Pseudomonas aeruginosa est à considérer chez le patient BPCO stade IV qui a reçu des cures multiples d'antibiotiques dans les 6 mois précédents, en cas d'antécédent d'exacerbation de BPCO due à P. aeruginosa, ou en cas de bronchectasie ou mucoviscidose Antibiothérapie Céfotaxime 1–2 g × 3/24 h IV ou ceftriaxone 1–2 g/24 h IV Et : antibiothérapie active sur les germes intracellulaires : macrolide IV ou fluoroquinolone antipneumococcique de type lévofloxacine 500 mg × 2/24 h IVL En cas de facteurs de risque de Pseudomonas aeruginosa : pipéracilline/tazobactam 4 g × 3– 4/24 h IV ou céfépime 1–2 g × 3/24 h IV ou carbapénème et amikacine et antibiothérapie active sur les germes intracellulaires Infection urinaire grave Germes Escherichia coli, Proteus, Klebsiella, entérocoques Antibiothérapie Céfotaxime ou ceftriaxone et amikacine En cas d'allergie : aztréonam et amikacine En cas d'infection nosocomiale ou associée aux soins : carbapénème et amikacine Infection intra-abdominale grave Germes Escherichia coli, enterobactéries, Bacteroides fragilis, entérocoques Antibiothérapie Pipéracilline-tazobactam et gentamicine Et : traitement antifongique type échinocandines si au moins 3 critères parmi les suivants : défaillance hémodynamique, sexe féminin, chirurgie sus-mésocolique, antibiothérapie en cours depuis plus de 48 heures Infection des parties molles Germes Streptocoques, staphylocoques, anaérobies, entérobactéries dans les localisations périnéales Antibiothérapie Membres, tête et cou : amoxicilline-acide clavulanique Périnée : pipéracilline-tazobactam Si portage ou risque de Staphylococcus aureus résistant à la méticilline : ajout de linézolide Porte d'entrée non identifiée Antibiothérapie Céfotaxime ou ceftriaxone + gentamicine En cas d'infection nosocomiale ou associée aux soins : carbapénème ou pipéracilline/tazobactam et amikacine ± vancomycine ou linézolide si suspicion de staphylocoque (dispositif vasculaire) Les doses ne sont pas à connaître pour l'ECN. V Quelles mesures thérapeutiques spécialisées ? Le lecteur est renvoyé au chapitre 10 pour les mesures avancées de réanimation, notamment : surveillance continue et réévaluation ; support vasopresseur : en cas d'échec du remplissage vasculaire pour corriger l'hypotension artérielle, un support hémodynamique par de la noradrénaline IVSE est débuté pour un objectif de pression artérielle moyenne de 65 mmHg ; la noradrénaline est débutée d'emblée, en association au remplissage, si la pression artérielle diastolique est inférieure à 40 mmHg ; évaluation hémodynamique ; prise en charge des défaillances d'organes. Le contrôle du foyer infectieux est primordial dans un certain nombre de situations, par exemple : drainage d'un abcès intra-abdominal, d'un épanchement pleural purulent, etc. ; drainage d'urines infectées en amont d'un obstacle ; drainage d'une angiocholite ; chirurgie d'une péritonite ; excision des tissus nécrotiques d'une dermohypodermite nécrosante ; ablation d'un dispositif d'abord vasculaire infecté. Le contrôle du foyer infectieux passe par une prise en charge multidisciplinaire concertée entre le réanimateur, le radiologue, ± le spécialiste interventionnel d'organe (endoscopiste pour le drainage d'une angiocholite) et le chirurgien. Points de vigilance Considérer un sepsis comme une urgence vitale. Le score qSOFA permet de le dépister. En cas de suspicion de purpura fulminans, l'injection de l'antibiotique doit être immédiate. L'antibiothérapie doit être administré en urgence (dans l'heure !) chez tout patient en sepsis (après 4 flacons d'hémocultures). Il faut toujours rechercher et traiter un foyer infectieux nécessitant un geste invasif de drainage en radiologie interventionnelle, en chirurgie ou en endoscopie. Il faut réévaluer précocement et régulièrement l'efficacité d'un traitement médical adapté (remplissage vasculaire et antibiothérapie). L'avis du réanimateur dès le stade de suspicion de sepsis est indispensable. Tic-tac… La première heure est décisive ! Avoir suspecté le diagnostic de sepsis : infection possible + qSOFA < 15 min Avoir évalué la gravité (clinique + GDS et lactates) et prélevé 4 flacons d'hémocultures < 30 min Avoir évalué le ou les sites suspects Avoir adminsitré au patient une antibiothérapie IV et un remplissage vasculaire (30 ml/kg de cristalloïdes) si hypotension < 60 min Avoir prévenu le réanimateur Avoir défini la prise en charge avec le réanimateur < 90 min Une situation clinique… Deux prises en charge Alexandre, interne de garde aux urgences, reçoit Monsieur S., 63 ans, pour dyspnée à 16 h. Monsieur S. explique qu'il est essoufflé depuis deux jours et qu'il est extrêmement fatigué. Il se plaint également de douleurs diffuses et de frissons. Il a une toux avec expectorations purulentes. Il rapporte comme antécédent une consommation sevrée de tabac à hauteur de 20 paquets-années et une hypertension artérielle sous nébivolol. Le patient est désorienté (il ne sait plus s'il est à l'hôpital ou en bateau). Les paramètres vitaux sont les suivants : température 38,5 °C (fièvre), fréquence cardiaque 105 bpm (tachycardie), pression artérielle 95/48 (63) mmHg (hypotension), FR 26 cycles/min (polypnée), SpO2 90 % en air ambiant. Sous oxygène mis en place par l'infirmier à l'accueil, la saturation remonte à 92 %. L'infirmier appelle Alexandre à 16 h 10. Là où Alexandre ne fait pas bien… Alexandre examine Monsieur S. à 16 h 30 : l'auscultation met en évidence un foyer de crépitants en base gauche et quelques ronchus controlatéraux. L'abdomen est souple et indolore. Le patient ne rapporte pas de diarrhée ou de signe fonctionnel urinaire. Alexandre suspecte une pneumopathie. Il demande une radiographie de thorax. À 18 h 30, l'infirmier lui indique que Monsieur S. a eu sa radiographie. Alexandre voit la radiographie à 19 h 30 après avoir examiné deux autres patients encore. Il constate une opacité alvéolaire basale droite. Alexandre prescrit sur l'ordinateur deux paires d'hémocultures à une heure d'intervalle, un bilan biologique puis indique qu'après ces prélèvements une antibiothérapie IV par céphalosporine de 3e génération + lévofloxacine devra être débutée. Alexandre prévoit d'orienter le patient vers le service de pneumologie. L'infirmier voit la prescription informatique à 21 h 00. Il réalise la première paire d'hémocultures à 21 h 30 et la deuxième à 23 h. L'antibiotique est administré à 0 h 00 soit 8 heures après l'admission. Monsieur S. se dégradera progressivement pendant la nuit et sera admis en réanimation à 6 h. Alexandre n'a pas mesuré la gravité du tableau clinique. Il n'a pas identifié le sepsis, il n'a pas non plus analysé la gravité de la détresse respiratoire. L'absence de prise de conscience entraîne une prise en charge très retardée dans le temps, ce qui va avoir un effet majeur sur le pronostic. Ce qu'aurait dû faire Alexandre Immédiatement alerté par l'altération des paramètres vitaux, Alexandre évalue la sévérité : ❯ sur le plan infectieux, le quick SOFA est à 3 avec un besoin de prise en charge hémodynamique rapide par remplissage vasculaire et antibiothérapie dans l'heure ; ❯ sur le plan respiratoire, il constate une cyanose des lèvres, des signes de lutte respiratoire avec un tirage sus-claviculaire, sans respiration abdominale paradoxale. Il existe un risque d'épuisement respiratoire nécessitant une prise en charge spécialisée. Il existe donc un sepsis et une détresse respiratoire aiguë. Le point d'appel infectieux est pulmonaire. Alexandre s'assure que le débit d'oxygène permet une correction de la SpO2. Il prescrit un premier remplissage vasculaire par soluté salé 0,9 % 1 000 ml en débit libre. Il demande à l'infirmier de prélever immédiatement 4 flacons d'hémocultures, des gaz du sang artériels-lactate, un ionogramme, une NFS, TP, TCA, et un bilan hépatique. Alexandre appelle le réanimateur. Alexandre prescrit une radiographie de thorax au lit. Le manipulateur radio comprend bien l'urgence mais est en train de réaliser un scanner pour un polytraumatisme et indique que la radiographie aura lieu dans une heure. Alexandre décide donc de prescrire la première dose d'antibiotique avant la confirmation du foyer de pneumopathie, les arguments cliniques étant suffisants pour affirmer le diagnostic et pour ne pas retarder plus l'antibiothérapie. Monsieur S. reçoit la première dose antibiotique à 16 h 50 et est transféré à 17 h en réanimation. Réponses aux quiz Quiz 1 Il s'agit à ce stade d'un sepsis (probable infection et qSOFA = 2) sans porte d'entrée évidente, ce qui est fréquent chez le patient neutropénique (aplasie fébrile). Vous allez prélever des hémocultures sur une veine périphérique (40 ml de sang) ainsi que des hémocultures sur le dispositif de PICC line. Vous ferez aussi réaliser un ECBU. Un remplissage vasculaire doit être débuté rapidement et une antibiothérapie large spectre par voie intraveineuse. Il s'agit d'une aplasie fébrile en situation nosocomiale : l'antibiothérapie doit cibler les bactéries pyogènes potentiellement résistantes dont P. aeruginosae (pipéracilline/tazobactam + amikacine, par exemple). Il peut se discuter de couvrir le staphylocoque résistant à la méticilline car il existe un cathéter (glycopeptide de type vancomycine). Devant l'absence de porte d'entrée évidente, un scanner thoraco-abdomino-pelvien à la recherche d'un foyer infectieux profond doit être réalisé ainsi que le retrait et la mise en culture du PICC line si choc septique. Quiz 2 Il s'agit d'un sepsis (probable infection et qSOFA = 3) avec un point d'appel urinaire. La confusion pourrait orienter sur une méningite ou une méningoencéphalite. Cependant, le sepsis est souvent responsable d'une confusion chez la personne âgée (qui présente en plus une rétention d'urine dans ce cas clinique). En présence d'un point d'appel infectieux évident, la ponction lombaire n'est alors pas systématique. Vous débutez un remplissage vasculaire et instaurez une antibiothérapie probabiliste en ciblant une infection urinaire communautaire (entérobactéries sauvages : céphalosporine de 3e génération ± aminoside de type gentamicine). Une imagerie des voies urinaires devra être réalisée.

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