Endocardite infectieuse et sphère oro-faciale UE 5 - EC3 PDF
Document Details
Uploaded by WellIntentionedTuba
CHU Nancy - Faculté d'Odontologie de Lorraine
Dr. MOBY Vanessa
Tags
Summary
Ce document présente une étude sur l'endocardite infectieuse et la sphère oro-faciale. Il explique la pathologie rare, ses mécanismes impliqués, ses causes et son étiologie. Il détaille également les foyers infectieux bucco dentaires et les patients à risque d'endocardite infectieuse.
Full Transcript
## Endocardite infectieuse et sphère oro-faciale ### I. Introduction - **Pathologie rare** - 34 cas par millions d'habitants - 3000 cas/an en France - **Mais grave, évolution défavorable pour les patients** - Taux de mortalité 20% à 1 an 40% à 5 ans (quasiment 1 patient sur 2) - **Infl...
## Endocardite infectieuse et sphère oro-faciale ### I. Introduction - **Pathologie rare** - 34 cas par millions d'habitants - 3000 cas/an en France - **Mais grave, évolution défavorable pour les patients** - Taux de mortalité 20% à 1 an 40% à 5 ans (quasiment 1 patient sur 2) - **Inflammation** de l'endocarde (tunique interne de la paroi du coeur), induite le plus souvent par une ou des bactéries - **Rôle important** d'éducation à l'hygiène bucco-dentaire pour le CD **90% des cas:** EI touche le cœur gauche **Cœur droit:** - plus rare - toxicomanie intra-veineuse - **Âge moyen de survenue:** 62 ans - **Germe responsable** de l'EI : staphylocoques (36 à 44% des cas) - **Suivi par les streptocoques** (nous concerne plus) : 19% à 40% des cas ### II. Mécanismes impliqués - Un endocarde sain a très peu de risque d'endocardite même s'il y a **passage de bactéries dans le sang**. - Mais si le patient souffre de problèmes cardiaques (valves défaillante, chirurgie cardiaque,...), il est possible que son **endocarde présente des lésions favorables à une agrégation plaquettaire**. - L'amas de plaquettes ainsi formé, associé à de la **fibrine**, constitue alors une végétation. - Au début, cette végétation, sous la forme d'une sphère, est stérile (pas de présence de bactéries). - Cependant, étant donné qu'elle perturbe le flux sanguin par sa présence anormale, on va rapidement observer à son niveau une **turbulence importante et donc une accumulation de bactéries**. - A leur tour, les bactéries vont être recouvertes d'autres thrombocytes et d'une végétation stérile on passera à une végétation pathologique au sein de laquelle les bactéries, mises à l'abri par les thrombocytes, ne pourront être éliminées par le flux sanguin. - Autre complication éventuelle, c'est qu'on va avoir des petits morceaux de cette végétation qui vont se décrocher et aller **obstruer certaines structures vasculaire (cérébrales ou autres parties du corps)**, c'est ce qu'on appelle une embole septique. ### III. Étiologie - Environ 1/3 des El aurait une porte d'entrée orale, avec pour germes les plus fréquents les **streptocoques oraux** - **Bactériémie**: passage bref et transitoire d'un organisme pathogène, une bactérie, dans la circulation sanguine **1ère étiologie (la plus fréquente):** brossage des dents, mastication (liée au mouvements des tissus oraux et aux micro-saignements qu'ils génèrent dans un environnement inflammatoire (pas dans une bouche saine)), chewing gum.. - bactériémie spontanée **2ème étiologie:** actes invasifs (détartrage, avulsion dentaire) - bactériémie provoquée - Connaître les patients à haut risque/risque modéré/risque faible - Le taux de bactériémie en fonction des actes que l'on peut réaliser : | Procédures dentaires | Prévalence de la bactériémie (%) | |:---|:---| | Extractions: simples | 51 | | Extractions: multiples | 68-100 | | Soins du parodonte: chirurgie par lambeaux | 36-88 | | Soins du parodonte: gingivectomies | 83 | | Soins du parodonte: détartrage, surfaçage | 8-80 | | Soins du parodonte: prophylaxie parodontale | 0-40 | | Soins endodontiques: Instrumentation intra-canalaire | 0-31 | | Soins endodontiques: pose de la digue | 30 | | Chirurgie endodontique: lambeaux d'accès | 83 | | Chirurgie endodontique: curettage péri-apical | 33 | | Anesthésie: péri-apicale | 20 | | Anesthésie: intra-ligamentaire | 90 | | Orthodontie: pose de bague | 10 | | Brossage des dents | 0-26 | | Passage du fil dentaire | 20-58 | | Passage de brossettes inter-proximales | 20-40 | | Mastication | 17-51 | NB: attention au passage des bactéries au niveau du péri-apex au cours du traitement endodontique - Seulemment **10%** des patients qui ont développé des El à streptocoques oraux ont **subi un geste dentaire à risque dans les 3 mois précédents** □ 90% autres : mauvaise hygiène bucco dentaire, bactériémie spontanée/quotidienne dont il faut faire prendre conscience aux patients - Les bactériémies induites par la mastication/soins d'hygiène bucco-dentaire= 1000 fois plus fréquentes que celles consécutives à une avulsion dentaire - Brossage des dents en présence d'une mauvaise hygiène orale et d'une maladie parodontale (à partir du moment où il y a un saignement il peut y avoir une bactériémie) : risque d'El ++ - Même s'il y a un saignement il faut continuer de recommander le brossage des dents (interdentaire compris) régulier pour réduire les bactéries en bouche et donc le risque d'endocardite. Au départ, les gencives, étant donné qu'elles sont inflammatoires, saignent donc le risque est augmenté certes, mais au fur et à mesure par la combinaison de l'action mécanique du brossage et du fluor contenu dans le dentifrice, le taux de bactéries va diminuer la maladie parodontale s'apaiser. - NB: intéressant de profiter du traitement antibiotique du patient pour procéder au rééquilibrage du microbiote oral par le brossage - Principale cause d'El à streptocoques oraux : manque d'hygiène orale ### IV. Foyers infectieux bucco-dentaires - Recherche des foyers infectieux bucco-dentaire (FIBD) - Examen clinique (dentaire, parodontal, muqueux) et une radio panoramique (au minimum) et/ou rétro-alvéolaire (en cas de doute sur dents dévitalisées) - On ne fait pas de sondage parodontal chez un patient El sans qu'il soit sous antibio (passage de sonde dans le parodonte source de saignements et donc de bactériémie) - CBCT recommandé (avis d'experts 2017): - sensibilité accrue de détection des FIBD - pour préciser certaines lésions : en cas de doute concernant le statut endodontique d'une dent restaurée ou de lésion péri-apicale - NB: étude actuelle pour déterminer si chez ces patients il n'est pas préférable de procéder à un CBCT, certes plus irradiant, plutôt qu'à un OPT, dont le résultat est plus incertain - 2 situations : - Présence effective de foyers bactériens (actifs ou latents) - Infection avérée - Infection sans répercussion clinique au moment de l'observation - Des situations à risque infectieux potentiel : susceptibles de devenir des foyers infectieux dans le futur (TTT endodontiques imparfaits par exemple) - Origine des FIBD - Processus infectieux d'origine dentaire : LIPOE aiguës ou chroniques avec ou sans présence de fistules - Caries dentaires profondes pour lesquelles la vitalité ne peut être préservée en cas de restauration. - Dents non restaurables - Dents nécrosées avec ou sans LIPOE (en cas de doute, des tests de vitalité doivent être réalisés pour évaluer l'état de la pulpe dentaire) - NB: attention à l'utilisation du test au froid en cas de dents à pulpe rétractée (pas de réaction mais la dent est bien vitale) - Processus infectieux d'origine parodontale : - parodontite avec suppuration (avec écoulement purulent) - parodontite ulcéro-nécrotique (cas les plus sévères) - parodontite sévère comme : - poche > ou = à 6mm, atteinte de furcation : classe 2 ou 3, mobilité > grade 1, perte osseuse > ou = ½ de la hauteur radiculaire, combinaison des facteurs - Processus infectieux intra-osseux ou muqueux (cellulite, fistule, kyste) - Processus infectieux d'origine implantaire dentaire : - péri-implantite avec suppuration - péri-implantite sévère - Péricoronarites associées à une dent en éruption ou partiellement en éruption (dent de sagesse le plus souvent) - Signe radiologique d'un foyer infectieux oral : radioclarté ou radiotransparence - Toutes ces situations constituent un foyer infectieux potentiel et doivent donc être évalués pour décider du traitement à effectuer sur ces dents. - Délai de prise en charge avant procédure valvulaire : - Actes chirurgicaux doivent être réalisés au moins 15 jours avant la procédure valvulaire. - Pourquoi ce délai ? Délai de rigueur : cicatrisation muqueuse achevée donc risque durant la procédure valvulaire minoré ### V. Flore orale et EI - Flore orale : - complexe et diversifiée, - parasites, champignons, levures, mycoplasmes, bactéries - prend la forme de plaque bactérienne ou biofilm dentaire - Espèce la plus abondante dans la cavité orale : streptocoques - Dans les conditions physiologiques : plus de 500 espèces de bactéries sont présentes en équilibre dans la cavité orale - De nombreux streptocoques et entérocoques faecalis sont les principaux impliqués dans l'El. ### VI. Patients à risque d'EΙ - 1. Patients à haut risque - Patient porteur de prothèse valvulaire (implanté par voie chirurgicale ou per/transcutanée (TAVI= implantation de valve aortique par voie percutanée)) : - mécanique, - bioprothèse, - plastie valvulaire avec matériel prothétique (anneaux, cordages, tubes, clips valvulaires...) - Patient porteur de pompe d'assistance ventriculaire (attention nouveauté par rapport aux précédentes reco) - Antécédents d'endocardite infectieuse (+++) - Cardiopathies congénitales cyanogènes : - cardiopathie cyanogène non-réparées (ventricule unique, Sd d'Eisenmenger) - cardiopathies cyanogènes réparée par anastomoses cavo-pulmonaire, - cardiopathie congénitale complètement réparées avec matériel prothétique (tétralogie de Fallot, tronc artériel commun, canal atrio-ventriculaire), placé par cathétérisme ou chirurgicalement pdt les 6 mois suivant la procédure (post-op) - cardiopathie congénitale réparées avec persistance d'un shunt (fuite) ou d'un défect résiduel (flux turbulent à haute vitesse) au niveau du site d'implantation d'un matériel prothétique ou d'un dispositif intra cardiaque mis en place par chirurgie ou cathétérisme interventionnel - Aide potentielle : certains patients désormais porteurs d'une carte de prévention - 2. Patients à risque intermédiaire - Cardiomyopathie hypertrophique obstructive - Autres cardiopathies congénitales que celles classées à haut risque : CIV (= Communication Inter-Ventriculaire) sans shunt résiduel (>6 mois) - Dispositif de stimulation avec sonde intracardiaque - Anomalie morphologique et /ou dysfonction d'une ou plusieurs valves cardiaques : insuffisance valvulaire, rétrécissement valvulaire, fuite, bicuspidie aortique, prolapsus valvulaire, sténose pulmonaire (fuite et sténose moins fréquent) - Pas d'antibioprophylaxie systématique mais suivi tous les 6 mois (plus de vigilance) - ACTES INVASIFS CONTRE INDIQUES CHEZ LES PATIENTS A HAUT RISQUE - Coiffage pulpaire en denture permanente mature - Pulpectomie des dents temporaires - Toute technique de chirurgie avec utilisation d'une membrane de régénération osseuse - Tout traitement de la péri-implantite - traitement endodontique ou RTE sur : dents ne pouvant pas être rendues fonctionnelles ou restaurées, dent dont le support parodontal est insuffisant - en cas de remplacement valvulaire dans un délais court de (< à 1 mois), TE ou RTE sur dents symptomatiques présentant une lésion inflammatoire péri-apicale d'origine endodontique (LIPOE) sont contre -indiqués - Point particulier : dent symptomatique avec LIPOE - Traitement ou un retraitement endodontique sur une dent symptomatique présentant une lésion inflammatoire péri-apicale d'origine endodontique (LIPOE) : après résolution de la symptomatologie par antibiothérapie - Pour les actes CI: avulsion de la dent systématique - ACTES INVASIFS NÉCESSITANT UNE ANTIBIOPROPHYLAXIE : - 1. Anesthésie - anesthésie locale en site inflammatoire - anesthésie intraligamentaire et tronculaire qui ne doivent être réalisés qu'en 2de intention - 2. Odontologie conservatrice et endodontie - pose d'une digue dans un contexte de gencive inflammatoire - adulte: pulpotomie sur des dents permanentes mature, pulpectomie, traitement et retraitement endodontique, chirurgie endodontique - enfant: (<18ans): pulpotomie des dents temporaires, pulpotomie des dents permanentes immatures, coiffage pulpaire des dents permanentes immatures - Protocole TE ou RTE : - désinfection de la digue et des dents isolées à l'aide d'une compresse imbibée d'hypochlorite de sodium - emploi d'aide optique (loupes, microscope) - technique de mise en forme corono-apicale progressive avec utilisation de localisateur d'apex électronique (limiter la surinstrumentation et l'extrusion de débris intracanalaires dans le péri-apex), déjà important chez patients lambda mais encore plus chez ces patients - désinfection complète du SC à l'issue de la 1ère séance - nombre de séances le plus limités possible, avec utilisation d'une médication intracanalaire antiseptique entre les séances (type hydroxyde de calcium) - réalisation d'une obturation coronaire étanche entre les séances - suivi radio à 1,2 et 4 ans - NB: attention aux accidents liés aux sens de rotation des instruments - 3. Parodontologie - sondage parodontal, assainissement parodontal (détartrage et surfaçage) - gingivectomie, élongation/allongement coronaire, traitement chirurgical des poches ( il est interdit d'utiliser une membrane de régénération osseuse) - 4. Chirurgie orale - avulsions dentaires, frénectomie, biopsie, exérèse de lésions muqueuses et lésions osseuses bénignes, dégagement orthodontique de dent incluse, technique d'accélération de déplacement dentaire invasives (corticotomie) - 5. Implantologie orale - mise en place d'implants, mise en place de piliers implantaires de cicatrisation en cas d'implants enfouis, chirurgie pré-implantaire sans utilisation d'une membrane de régénération osseuse - ttt de la péri-implantite : il est reco de déposer l'implant - 6. Orthodontie - mise en place et dépose de minis-vis d'ancrage / plaque d'ancrage, réduction amélaire interproximale (stripping) - 7. Traumatologie - tous les actes thérapeutiques en lien avec la traumatologie dentaire et alvéolaire, dont la réimplantation des dents permanentes matures et immatures - ACTES NON INVASIFS : - Actes de prévention non sanglants - Soins conservateurs - Soins prothétiques non sanglants - Dépose post-opératoire des sutures (même si petite goutte de sang on ne considère pas ça à risque) - Pose de prothèse amovible - Pose ou ajustement d'appareil ODF - Prise de radio dentaire - ANTIBIOPROPHYLAXIE - Problématique: % de souches résistantes aux macrolides est élevé | Antibioprophylaxie | |:---| | Amoxicilline: 2 g per os 30-60 minutes avant le geste invasif, en une prise | | Enfants: 50 mg/kg | | Enfants: 15 mg/kg | | En cas d'allergie à l'amoxicilline: azithromycine 500 mg per OS | | Contre-indication formelle chez le patient traité pour ou ayant un allongement de l'intervalle QT (durée entre 2 évènements sur l'ECG)| | Autre alternative: pristinamycine: 1g per os (enfant ≥ 6 ans: 25 mg/kg) | - A noter : évolution de la reco pour les enfants allergiques aux pénicillines “contraints” de prendre en substitution de l'azithromycine : aujourd'hui elle est de 20 mg/kg (et non plus de 15 mg/kg comme noté sur le diapo) et ce en raison du conditionnement de ce médicament en France : la pipette livrée avec le médicament ne permet pas d'administrer la dose de 15 mg/kg mais 20 mg/kg (probablement parce que c'est la dose recommandée pour les ttt curatifs: 20 mg/kg/jour pdt 3 jours). La posologie reste quant à elle inchangée, à savoir en une prise 1 heure avant. - Contre indication à l'Azithromycine : - hypersensibilité à l'erythrombomycine ou autre macrolide - insuffisance hépatique sévère - cholestase sévère - ergotamine - colchicine - cisapride - patients présentant une clairance de la créatinine inférieure à 40 ml/min, la prescription d'azithromycine doit être prudente - CI pristinamycine = colchicine - Espacer d'au moins 3 semaines les séances nécessitant une antibioprophylaxie, sinon changer la classe d'antibiotiques pour prévenir tout phénomène de résistance aux antibios. - En cas d'oubli de l'antibioprophylaxie ? l'antibiotique peut être pris jusqu'à 2 heures suivant le geste. - Suivi des patients à haut risque : - Contrôle chez le chirurgien-dentiste traitant : tous les 4 à 6 mois, - Hygiène dentaire et inter-dentaire rigoureuse - Brossage 2x/J, 2 min - Pas de piercing ni tatouage (les déconseiller chez ces patients) - Fil dentaire : (tout d'abord passer le fil et ensuite le brossage) - Technique complémentaire de l'hygiène bucco-dentaire - But: désorganiser le biofilm inter-proximal - Le passage quotidien du fil réduit le risque de caries proximales - Si mauvais passage du fil; bactériémie provoquée par l'utilisation du fil est plus élevée que lors du brossage des dents : - Technique est mal exécutée : traumatisme des papilles interdentaires et de la gencive en perturbant l'attachement de l'épithélium de jonction - Bactériémie spontanée: 20 à 58% - privilégier l'utilisation de la brossette