Syllabus - Introduction au Droit PDF

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Haute École Condorcet

Jonathan Verdière

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law legal studies introduction to law legal philosophy

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This document provides a general introduction to the concept of law. It explores the characteristics of legal rules, explaining their nature, scope, and function in society. It differentiates between different legal systems, and distinguishes between various classifications within law.

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CHAPITRE I. INTRODUCTION GÉNÉRALE SECTION I. LA NOTION DE DROIT 1. Depuis toujours, les hommes ont tendance à se rassembler, à vivre en so- ciété : l’homme est, par nature, un être social ; ce qui veut dire qu’il recherche, spontanément, la compagnie de ses se...

CHAPITRE I. INTRODUCTION GÉNÉRALE SECTION I. LA NOTION DE DROIT 1. Depuis toujours, les hommes ont tendance à se rassembler, à vivre en so- ciété : l’homme est, par nature, un être social ; ce qui veut dire qu’il recherche, spontanément, la compagnie de ses semblables. L’individu trouve en effet dans la communauté, dans la collectivité, une plus grande sécurité vis-à-vis des périls extérieurs ; il peut également obtenir une meil- leure qualité de vie grâce à la division du travail et à la spécialisation. Comme l’exprimait déjà la formule romaine « ubi societas, ibi jus » ( 1), l’exis- tence du moindre groupe de personnes implique donc l’adoption de règles qui ap- porteront des solutions aux difficultés posées par la vie en groupe, en tentant de réaliser un équilibre entre les intérêts souvent divergents des individus. Mais au sein de chaque groupe social (famille, tribu, village, ville, Etat), l’in- dividu, soit par ignorance, soit par égoïsme, a tendance à défendre au maximum ses intérêts propres. Il va donc perpétrer des actes antisociaux risquant de com- promettre l’intérêt collectif. C’est donc une nécessité impérieuse, pour les individus, de créer une tech- nique qui permette la vie en commun, cet ensemble de prescriptions indispensables à la réalisation de l’ordre le plus favorable au but commun s’appelle le droit. SECTION II. LES CARACTÉRISTIQUES DE LA RÈGLE DE DROIT 2. Le droit tend à structurer la société et son fonctionnement par l’intermé- diaire d’une combinaison complexe de normes qui ont en commun d’être obliga- toires, générales, permanentes et à finalité sociale. 1 Là où il y a une société, il y a un droit. Chapitre I. Introduction générale 1 Ces quatre caractères permettent d’approcher la notion de droit, en ce com- pris les règles qui le composent. § 1. — LA RÈGLE DE DROIT EST OBLIGATOIRE A. NOTION 3. La règle juridique est obligatoire : c’est plus qu’un simple conseil ou qu’une invitation : c’est un ordre auquel l’individu ne peut se soustraire. Il n’y a ici aucune place pour son libre arbitre car la seule chose qu’il puisse faire, c’est se soumettre. Il faut également remarquer que la règle de droit ne peut remplir son rôle d’organisation des relations sociales qu’à la condition de devoir être respectée. De même, il est clair que si la population n’est pas tenue au respect de la règle de droit, le règne de l’anarchie n’est plus très loin. 4. La règle de droit est assortie de mécanismes de sanction reposant sur l’Etat. La vengeance privée étant interdite dans une société moderne, l’Etat a donc le monopole de la sanction juridique. Cela implique que tout citoyen doit pouvoir sai- sir une juridiction pour faire respecter une règle de droit, au besoin, par le recours à la force publique qui assurera l’efficacité de la décision de justice. La sanction reste, la plupart du temps, virtuelle, à l’état de menace. Statis- tiquement, le respect volontaire du droit ou, à défaut, la crainte de la punition suffisent à le faire respecter. B. CLASSIFICATION SELON LE DEGRÉ D’OBLIGATION 5. La règle ordonne, impose, permet… Sa force obligatoire varie selon l’intérêt qu’elle protège. Ainsi, l’on distingue habituellement : ¬ la règle d’ordre public, qui vise à protéger l’intérêt général en défendant les bases incontournables de la vie en société ; cela signifie qu’il est dé- fendu de conclure et d’exécuter un contrat, ou même une clause, con- traire à une disposition d’ordre public ; 2 Jonathan Verdière - Droit ¬ la règle impérative est celle qui protège l’intérêt privé d’une certaine ca- tégorie de personnes ; sa violation entraîne la nullité de la clause con- traire, voire même du contrat. Mais à la différence d’une disposition d’ordre public, lors de l’exécution du contrat, les parties peuvent, à certaines conditions, décider d’exécu- ter la clause qui est contraire à une disposition impérative ou de ne pas respecter une telle disposition (confirmation). ¬ la règle supplétive de volonté présente un caractère subsidiaire et ne s’appliquera qu’à défaut de volonté contraire expresse. C. DISTINCTION AVEC D’AUTRES SYSTÈMES NORMATIFS 6. La sanction étatique permet de distinguer la règle de droit d’autres règles. Ainsi, la religion, la morale ou la politesse sont dépourvues de ce caractère obliga- toire. Cependant, la violation d’une règle religieuse peut donner lieu à des sanc- tions d’ordre religieux tout comme la transgression d’une règle morale ou de poli- tesse peut provoquer la réprobation sociale, l’exclusion, le blâme public mais l’exé- cution de ces sanctions n’est pas assurée par l’Etat. L’autorité publique n’est pas à l’origine de la contrainte exercée pour le respect de ces règles. § 2. — LA RÈGLE DE DROIT EST GÉNÉRALE ET ABSTRAITE 7. Formulée de manière abstraite, c’est-à-dire sans référence particulière à une situation ou à une personne, la règle est d’application générale ; elle s’appli- quera donc à un nombre indéterminé de cas et d’individus, ce qui garantit l’égalité de tous devant la loi. Il faut remarquer que, parfois, la règle de droit ne s'applique qu’à un groupe limité de personnes : les consommateurs, les salariés, les personnes mariées, … La délimitation envisagée n’enlève, cependant, rien au caractère général de la règle de droit. Chapitre I. Introduction générale 3 § 3. — LA RÈGLE DE DROIT EST PERMANENTE 8. Après avoir été adoptée, la règle de droit s'applique avec constance et de façon uniforme à toutes les situations qu'elle réglemente jusqu’à ce qu’elle soit abrogée par l’autorité compétente (en principe, la même que celle qui l’a fait naître). Un juge ne pourrait pas écarter l’application d’une loi parce qu’elle lui sem- blerait inadaptée. Si les conditions prévues sont réunies, elle doit s’appliquer. 9. Elle a donc vocation à régir l’avenir, à durer un certain temps. Malheureusement, il s’agit plus d’un idéal que d’une réalité. S’il est vrai que certaines dispositions sont des exemples de durabilité, il faut constater que le droit moderne se montre enclin aux réformes passagères et superficielles. § 4. — LA RÈGLE DE DROIT A UNE FINALITÉ SOCIALE 10. L’ambition du droit est de régler les relations extérieures des hommes entre eux, pour y faire régner une certaine paix sociale. L’existence du droit suppose la présence de l’« autre », d’une relation so- ciale quelle qu’elle soit : le droit n’a pas son siège dans le for intérieur de l’individu, mais dans les rapports qu’il entretient avec ses semblables. Ainsi Robinson Crusoé, seul sur son île déserte ne parviendra jamais à créer une règle de droit. La ren- contre de Robinson et de Vendredi change la situation en créant une relation so- ciale qui portera le « droit en germe ». Inversement, le droit influence les relations sociales, dans un but d’apaise- ment, de pacification. L’objectif premier du droit est de fournir à la société les con- ditions du progrès commun et de la justice. SECTION III. LES GRANDES CLASSIFICATIONS 11. Les juristes aiment beaucoup les classifications : il suffit d’ouvrir la table des matières de n’importe quel livre de droit pour s’en apercevoir : table alphabétique, table analytique, table des citations, table des renvois aux textes législatifs… Cela n’est pas sans raison car il est vrai que le droit est une matière si vaste qu’il est 4 Jonathan Verdière - Droit impensable de ne pas le structurer autour de critères, de schémas de classification admis par tous. 12. Il est vrai que la notion de droit peut être comprise de plusieurs façons dif- férentes. Il importe de les distinguer pour mieux en percevoir la signification. Nous étudierons donc les distinctions qui opposent : ¬ le droit naturel et le droit positif ; ¬ le droit objectif et les droits subjectifs ; ¬ le droit privé et le droit public. § 1. — DROIT NATUREL ET DROIT POSITIF : L’ORIGINE 13. Cette distinction renvoie à l’origine du droit : l’auteur de la loi (le législa- teur) ne fait-il que reproduire un ordre naturel préexistant ou prend-il l’initiative de créer un véritable système juridique ? 14. Cette question a longtemps été disputée entre les philosophes du droit. En effet, ¬ pour les partisans du droit naturel, les règles de conduite des hommes sont intemporelles et universelles car elles appartiennent à la nature hu- maine et à l’ordre naturel des choses. Le législateur est donc tenu de se soumettre au droit naturel, à peine d’adopter des lois injustes, permettant aux citoyens de ne pas s’y sou- mettre. Son rôle consiste uniquement à donner, au travers des lois, un caractère obligatoire au contenu du droit naturel. ¬ l’école positiviste refuse de se référer à un soi-disant droit naturel et ne se préoccupe que du droit existant dans la société. Chapitre I. Introduction générale 5 Ainsi, seul le droit positif a valeur juridique : les hommes ne doivent res- pecter que les règles adoptées par l’autorité compétente et qui sont ap- plicables dans un territoire et à un moment donnés. Le positivisme rend inutile les jugements de valeur sur l’équité des règles juridiques. Il étudie le droit tel qu’il est, et non tel qu’il devrait être. § 2. — DROIT OBJECTIF ET LES DROITS SUBJECTIFS : LA FINALITÉ A. DROIT OBJECTIF 15. Le droit est, en premier lieu, un ensemble de règles destinées à organiser la vie en société. A cet ensemble, on applique l'expression « droit objectif ». Il s'agit de délimiter la part de liberté et de contrainte de chacun. Il faut définir ce qui est permis ou pas pour que la vie sociale soit possible. La société établit des règles destinées à régir son fonctionnement, et par voie de consé- quence, à organiser les relations des personnes qui la composent. 16. Le droit objectif désigne donc l'ensemble des règles juridiques qui régissent les hommes dans la vie en société et dont la violation est sanctionnée par l'autorité publique. B. DROITS SUBJECTIFS 17. Le mot droit a une seconde signification : le droit objectif reconnaît, en effet, des prérogatives aux individus. Le droit est, ici, envisagé de façon plus concrète et particulière. On étudie les droits dont une personne est titulaire, les prérogatives individuelles que les personnes ont vocation à puiser dans le corps de règles cons- titué par le droit objectif. Un droit subjectif est donc une prérogative individuelle reconnue et proté- gée par l’autorité publique qui permet à son titulaire de faire, d’exiger ou d’inter- dire quelque chose dans son propre intérêt ou, parfois, dans l’intérêt d’autrui. 6 Jonathan Verdière - Droit 18. Les droits subjectifs peuvent porter sur des objets différents (droits patri- moniaux/droits extra patrimoniaux) ou relever d’une nature différente (droits ré- els/droits personnels). 1. Distinction selon l’objet : droits patrimoniaux et extra-patrimoniaux a. Droits patrimoniaux 19. Les droits patrimoniaux sont ceux dont une personne peut disposer libre- ment. Ils sont évaluables en argent et entrent dans le patrimoine ( 2) de leur titu- laire. 20. Ils constituent des biens qui sont : ¬ transmissibles car ils peuvent être cédés à titre onéreux ou à titre gra- tuit ; ¬ saisissables par un créancier. Un créancier impayé peut saisir les droits patrimoniaux de son débiteur ; ¬ prescriptibles, entraînant leur acquisition ou leur extinction au terme de l’écoulement d’un certain délai. b. Droits extra-patrimoniaux 21. Les droits extra-patrimoniaux sont des droits qui appartiennent à un indi- vidu sans, cependant, qu’il puisse en disposer (droit de vote, droit à l’intégrité cor- porelle,…) : droits subjectifs par excellence, ils sont intimement rattachés à leur titulaire et ne peuvent en être séparés. 2 Selon la définition classique d’Aubry et Rau, il s’agit de l’ensemble des droits et obligations d’une personne. C’est « une masse de biens, de nature et d’origines diverses et matériellement séparées », elles « ne sont réunies par la pensée qu’en considération du fait qu’ils appartiennent à la même personne ». Chapitre I. Introduction générale 7 22. Contrairement aux droits patrimoniaux, ces droits : ¬ ne peuvent pas être estimés en argent et ne font donc pas partie du pa- trimoine de leur titulaire ; ¬ ne sont pas transmissibles : leur titulaire ne peut les céder à qui que ce soit ; ¬ sont insaisissables ; ¬ sont imprescriptibles : leur non-usage ne provoque pas leur disparition. 2. Distinction selon la nature : droits réels et droits personnels a. Droits réels 23. Le droit réel est la maîtrise exercée par une personne physique ou morale sur une chose du monde matériel (res). Ces droits établissent une relation directe et immédiate entre le titulaire du droit et la chose qui en est l’objet. Ce rapport peut être plus ou moins complet. On distingue les droits réels principaux (la propriété et ses démembrements) et les droits réels accessoires (droits qui garantissent le paiement d’une créance). 24. Les droits réels ont deux attributs : ¬ le droit de suite, qui permet à son titulaire d’exercer son droit, en quelques mains que se trouve l’objet ; ¬ le droit de préférence, qui autorise le titulaire à reprendre la chose dans les mains du détenteur, sans subir le concours des autres créanciers. 25. Ces deux attributs sont des conséquences de l’opposabilité absolue du droit réel : le titulaire du droit peut en exiger le respect par tous. 8 Jonathan Verdière - Droit 26. A noter enfin qu’en raison de leur caractère absolu, les droits réels existent en nombre limité : seule la loi peut en créer de nouveaux types, non les conven- tions. La volonté des individus ne peut en effet intervenir que pour transférer ou démembrer un droit réel, non pour en créer un. b. Droits personnels 27. Un droit personnel est un droit qui s’exerce contre une personne et qui per- mettra à son titulaire, le créancier, de contraindre l’autre partie, le débiteur à lui donner, à faire ou ne pas faire quelque chose à son profit. Le droit personnel est un droit relatif, qui n'établit de lien juridique qu'entre le créancier et le débiteur. § 3. — DROIT PUBLIC ET DROIT PRIVÉ 28. Dans la majorité des systèmes juridiques nationaux, une distinction souvent présentée comme essentielle oppose le droit public et le droit privé. Elle remonte à l’Antiquité et a été approfondie par Montesquieu qui a ainsi distingué le « droit politique », c’est-à-dire les règles concernant le rapport de « ceux qui gouvernent avec ceux qui sont gouvernés », par opposition au droit privé, qui règle « les rap- ports des citoyens entre eux ». 29. Cette distinction n’est, cependant, pas absolue car droit privé et droit pu- blic, loin d’être deux branches nettement séparées, représentent plutôt les deux aspects d’une même réalité : ¬ d’une part, l’Etat est à la source du droit privé, dont la maîtrise totale échappe aux particuliers ; ¬ d’autre part, certaines branches du droit, de nature hybride, sont re- belles à cette distinction droit public/droit privé et mettent en évidence son caractère théorique. Nous allons cependant la suivre car, comme toute classification, elle pré- sente cependant un avantage pratique certain. Chapitre I. Introduction générale 9 A. DROIT PRIVÉ 30. Le droit privé rassemble les branches du droit qui règlent les relations des particuliers entre eux et les rapports qu’ils entretiennent avec leur patrimoine. Il comprend : a) le droit civil, qui représente, certainement, la branche principale du droit privé et ce, pour au moins deux raisons. Il faut d’abord rappeler que le droit civil – qui repose essentiellement sur le Code civil promulgué en 1804 – représente le droit commun : il fera autorité, même en l’absence de règles particulières. Toutes les branches du droit, quelles qu’elles soient, reposent sur les concepts, les classifica- tions et les raisonnements construits par le droit civil. La seconde raison est assez simple : par son objet, le droit civil reçoit l’application la plus large, car il s’applique aux relations humaines les plus fondamentales. Si tout le monde n’est pas commerçant ou lié par un contrat de travail, tous doivent naître, vivre et mourir. La naissance, l’établissement de la filiation, le mariage, les successions sont au cœur du droit civil ; b) le droit commercial qui a, dès le moyen-âge, acquis une autonomie croissante en raison de ses particularités intrinsèques et des nécessités de la pratique. En effet, les règles formelles du droit civil étaient inadaptées aux échanges commerciaux, dont la rapidité et le dynamisme conditionnent l’efficacité. Il fallait donc d’autres règles, plus souples. La lourdeur des procédures judiciaires a également motivé la création de juridictions spéciales, composées principalement ou exclusivement de juges élus par et parmi les commerçants : ce sont les juridictions consu- laires, à l’origine de nos tribunaux de l’entreprise. Le droit commercial était principalement attaché aux actes de commerce et à la qualité de commerçant, accordée à « ceux qui exercent 10 Jonathan Verdière - Droit des actes qualifiés commerciaux par la loi et qui en font leur profession habituelle, soit à titre principal, soit à titre d’appoint » ( 3). Ces références ayant disparu de notre législation, l’expression «droit de l’entreprise » est progressivement apparue pour désigner l’en- semble des règles de droit qui régissent le fonctionnement des entre- prises, leurs activités et les relations qu’elles entretiennent avec leurs partenaires et clients. Cette notion peut être comprise de deux manières, selon qu’on l’envisage strictement ou de façon plus large. 1. Le droit de l’entreprise au sens strict désigne l’appellation moderne du droit commercial et comprend les règles applicables aux entre- prises, aux sociétés, à leur fonctionnement. Ces règles sont conte- nues dans le Code des sociétés et associations, dans le Code de droit économique et dans les lois annexes. 2. Le droit de l’entreprise au sens large a un objet plus étendu que le droit commercial classique pour le dépasser et y inclure la règlemen- tation de toutes les composantes de la vie économique. Le droit de l’entreprise va, ainsi, englober le droit du crédit, de la consommation, le droit fiscal, etc. c) le droit international privé : il fixe les règles de droit applicables aux re- lations juridiques entre particuliers, personnes physiques ou morales, dès lors que celles-ci comprennent un élément d’extranéité, impliquant un choix entre l’application de plusieurs législations nationales. Le droit international privé indiquera, par conséquent, quelle législation natio- nale doit s’appliquer en l’espèce, plutôt qu’une autre. B. DROIT PUBLIC 31. Le droit public fixe les règles d’organisation de l’Etat, ainsi que des institu- tions qui en dépendent. Il détermine également les règles gouvernant les rapports (droits et obligations) entre l’Etat et les citoyens. 3 Code de commerce, art. 1er (ancien). Chapitre I. Introduction générale 11 Font partie du droit public, les branches du droit suivantes : a) le droit constitutionnel rassemble les règles qui régissent l’organisation politique d’un Etat et son fonctionnement, qui fixent le statut des grands pouvoirs – législatif, exécutif et judiciaire –au sein de l’Etat, qui détermi- nent les relations entre la puissance publique et les particuliers et qui consacrent les droits fondamentaux des individus. L’expression « droit constitutionnel » n’implique pourtant pas l’exis- tence d’une constitution écrite, mais seulement d’une règle première, re- connue comme fondamentale, en ce sens qu’elle constitue les pouvoirs qui seront eux-mêmes auteurs de règles juridiques. Il est vrai que, le plus souvent, cette charte fondatrice est écrite ; ga- rante de la stabilité politique d’un pays, elle bénéficie d’une double pro- tection : ¬ d’une part, il existe une hiérarchie entre les différentes normes : la Constitution a la primauté en droit interne et prime sur toutes les autres règles ; ¬ d’autre part, elle ne peut être modifiée que dans le respect de règles strictes, précisées par la Constitution elle-même (art. 195). b) le droit administratif comprend les règles qui déterminent l’organisation et le fonctionnement des administrations centrales, régionales et com- munautaires, provinciales et communales ainsi que des services spéciaux chargés de veiller aux intérêts publics. Il règle aussi le régime des actes de l’administration et le statut des agents de l’Etat. En raison des buts qu’elles poursuivent, les autorités publiques se voient accorder des pouvoirs assez étendus, qui leur permettent – en règle gé- nérale – d’imposer des obligations aux particuliers sans leur consente- ment. Leurs activités seront, cependant, soumises à ces trois grands principes : 12 Jonathan Verdière - Droit 1. Principe de continuité des services publics. Le service public doit, en raison de sa nature même, être assuré de manière continue, c'est- à-dire de manière soit permanente (ex. : les services de police, les pompiers travaillent tous les jours de l'année, 24 heures sur 24), soit régulière (ex.: il n'est pas nécessaire que les services de l'administra- tion communale fonctionnent en continu mais il faut à tout le moins permettre un accès régulier aux guichets). C'est en raison de la con- tinuité du service public que le gouvernement fédéral démissionnaire reste en place jusqu'à la désignation par le Roi du gouvernement sui- vant. 2. Principe de changement. Les services publics ont le droit de modifier unilatéralement les conditions du service et les relations qu'ils entre- tiennent avec leurs cocontractants, leurs agents et les usagers. Ce droit, qui n'est pas ouvert aux simples particuliers, ne peut toutefois être exercé que si le changement est justifié par les exigences de l'intérêt général. Par exemple, le statut des fonctionnaires peut être modifié unilatéralement en fonction des nécessités du service public. 3. Principe de l’égalité des usagers. Cette règle est en fait une appli- cation particulière du principe général d'égalité et de non-discrimi- nation consacré par les articles 10 et 11 de la Constitution belge. Ce principe implique que le service public doit être presté de manière égale, sans discrimination aux usagers qui se trouvent dans les mêmes conditions. Ce principe n'interdit donc pas que deux usagers soient traités différemment dès lors qu'ils se trouvent chacun dans des situations différentes (ex. : les sociétés de transport ne violent pas la loi d'égalité des usagers lorsqu'ils établissent des tarifs préfé- rentiels en faveur des étudiants ou des personnes âgées). Les caté- gories d'usagers doivent cependant être établies de manière objec- tive et il faut qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le but visé - qui doit être légitime - et les moyens employés pour l'atteindre. Chapitre I. Introduction générale 13 c) le droit pénal, parfois également appelé « droit criminel », est le domaine le plus spectaculaire du droit, quoi qu’il ne représente qu’une minorité des litiges traités en justice. Le droit pénal définit des infractions et énonce les peines applicables à leurs auteurs. Il précise aussi à quelles conditions et dans quelle mesure ces peines seront appliquées. Il existe trois types d'infractions : ¬ les contraventions : ce sont les infractions punies par des peines de police, à savoir un emprisonnement d’1 à 7 jours et/ou une amende de 1 à 25 euros ( 4). Exemple : « Seront punis d'une amende de dix euros à vingt euros et d'un emprisonnement d'un jour à cinq jours, ou d'une de ces peines seulement : Ceux qui se seront rendus coupables de bruits ou tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité des habitants » ( 5) ¬ les délits : ce sont les infractions punies par des peines correction- nelles, à savoir un emprisonnement de 8 jours à 5 ans et/ou une amende supérieure à 25 euros (4). Exemple : le vol simple, puni d’un emprisonnement d’1 mois à 5 ans et d’une amende de 26 euros à 500 euros ( 6) ¬ les crimes : ce sont les infractions punies par des peines criminelles, à savoir un emprisonnement de plus de 5 ans et/ou une amende su- périeure à 25 euros (4). Exemple : « L'homicide commis avec intention de donner la mort est qualifié meurtre. Il sera puni de la réclusion de vingt ans à trente ans » ( 7). C'est le juge qui, éclairé par toutes les circonstances de la cause, décide de la peine, tout en devant en principe rester dans la fourchette de peine 4 A multiplier par 8 (L. du 5 mars 1952, relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales), art. 1er, modifié par la L. du 25 décembre 2016. 5 C. pén., art. 561, 1°. 6 C. pén., art. 463, al. 1. 7 C. pén., art. 393. 14 Jonathan Verdière - Droit prévue par la loi. Cette fourchette étant souvent grande, le juge jouit d'un pouvoir d'appréciation non négligeable. S’il existe certains éléments favorables au suspect, le juge pourra atté- nuer la peine prévue par la loi en retenant les circonstances atténuantes qui lui semblent justifiées (ex.: absence d'antécédent judiciaire, le jeune âge de l'auteur des faits, son enfance malheureuse, etc.). d) le droit fiscal : cette matière fixe la manière dont les citoyens vont con- tribuer au financement de l’Etat, par l’intermédiaire du prélèvement de taxes et d’impôts. A ce sujet, il convient de faire la distinction entre : 1. impôt direct : prélèvement obligatoire qui, à intervalle régulier, frappe une situation durable ; 2. impôt indirect : taxe qui frappe une opération ponctuelle et nette- ment déterminée. Le prélèvement est, ainsi, opéré lors de l'accom- plissement de l'opération. Le droit fiscal n’a, pourtant, pas qu’une fonction d’ordre financier. Il est également un instrument politique d’ordre économique et social. Les impôts et les taxes influencent les rapports économiques en modi- fiant la répartition des richesses et revenus. Encore mieux qu’un dis- cours, ces prélèvements révèlent les choix et options politiques adoptés par les autorités publiques. e) le droit international public : gouverne les rapports entre Etats ainsi qu’entre un habitant d’un pays et un Etat étranger. C. DROIT SOCIAL 32. Le droit social réglemente, d’une part, les règles applicables aux relations individuelles entre un travailleur et son employeur ; et d’autre part, le finance- ment, les prestations et le fonctionnement général des organismes de sécurité so- ciale. Chapitre I. Introduction générale 15 Au travers de ses deux composantes, le droit social se rapproche du droit privé, en ce qu’il traite des rapports entre un employeur et un travailleur ; mais il tient également du droit public en ce qu’il réglemente les institutions et prestations de sécurité sociale. Il faut donc en conclure que le droit du travail fait partie du droit privé et le droit de la sécurité sociale, du droit public. SECTION IV. LES SOURCES DU DROIT § 1. — LA LOI 33. Au sens large, la loi est un terme désignant parfois l’ensemble des sources législatives. Celles-ci sont hiérarchisées. La Constitution est la norme la plus élevée. Les autres normes sont : 1) Les lois spéciales (lois à majorité spéciale dont le but est de déterminer la répartition des compétences entre autorités et les règles de fonction- nement des institutions publiques) ; 2) Les lois fédérales ainsi que les décrets et ordonnances adoptés par les entités fédérées (Régions et Communautés) ; 3) Les arrêtés royaux et arrêtés de gouvernement, dont le but est d’exé- cuter les lois ou les décrets ; 4) Les arrêtés ministériels. § 1. LA LOI FÉDÉRALE A. Notions 34. La loi est adoptée par le Pouvoir législatif, qui est exercé collectivement par le Roi, la Chambre des Représentants et le Sénat. 16 Jonathan Verdière - Droit 35. Le Parlement fédéral (qui comprend la Chambre des Représentants et le Sé- nat) est renouvelé tous les 5 ans, à l’occasion des élections fédérales ( 8). Figure 1. La Chambre des Représentants 36. La loi ne vaut que pour l’avenir : elle ne peut, en principe, pas avoir d’effet rétroactif. B. Procédure d’adoption 37. L’adoption d’une loi suit le cheminement suivant : a) Initiative. Une nouvelle loi peut être proposée : 1. Soit par un ministre (Roi) : il s’agit alors d’un « projet de loi », qui sera soumis à l’avis du Conseil d’Etat ; 2. Soit par un parlementaire : le texte déposé portera alors le nom de « proposition de loi ». b) Discussion en commission. Le texte du projet (ou de la proposition) est discuté dans la commission parlementaire compétente, qui pourra l’adopter, le modifier (amender) ou le rejeter. c) Vote en séance plénière. Le texte adopté en commission est discuté, puis voté à la Chambre à la majorité absolue. 8 Constitution, art. 65. Chapitre I. Introduction générale 17 La sixième réforme de l’Etat a considérablement réduit le rôle du Sénat, dont l’intervention se limite à quelques matières déterminées : 1. Bicaméralisme optionnel : une majorité de sénateurs demande l’exa- men du projet de loi transmis par la Chambre dans un domaine con- cernant (entre autres) l’organisation des institutions des Régions et Communautés ( 9) ; 2. Bicaméralisme obligatoire : le Sénat est sur pied d’égalité avec la Chambre (révision de la Constitution, lois à majorité spéciale, finan- cement des partis politiques, …) ( 10). d) Sanction et promulgation royales : 1. La sanction royale est la signature du Roi, en tant que membre du pouvoir législatif. Il marque ainsi son assentiment sur le texte adopté par le Parlement ; 2. La promulgation royale est l’acte du Roi en sa qualité de chef du pou- voir exécutif ; par cet acte, il constate l’existence de la loi et en or- donne la publication et l’exécution. e) Publication. La loi est publiée au Moniteur belge et entre, en principe, en vigueur 10 jours après sa publication. § 2. LES AUTRES SOURCES LÉGISLATIVES A. Décrets 38. Les décrets sont les textes législatifs adoptés par les Parlements de Com- munautés et de Régions. Ils ont force de loi dans les matières confiées aux Régions et Communautés et sont publiés au Moniteur belge 9 Constitution, article 78. 10 Constitution, article 77. 18 Jonathan Verdière - Droit B. Ordonnances 39. Il s’agit des actes qui émanent du Parlement de la Région de Bruxelles-Ca- pitale. Ils ont la même force obligatoire que la loi ou le décret dans leur sphère de compétence. C. Actes émanant du pouvoir exécutif et des autorités locales 1. Arrêtés royaux 40. Le Parlement fédéral délègue au Roi la compétence de préciser, sous la res- ponsabilité d’un ministre, des dispositions afin d’exécuter une loi. Les arrêtés royaux complètent la loi, apportent des détails nécessaires à son exécution. 2. Arrêtés ministériels 41. L’arrêté ministériel est un acte pris par un ministre et qui comporte les me- sures d’exécution d’une loi ou d’un arrêté royal. 3. Règlements provinciaux 42. Ils désignent des actes pris par le Conseil provincial dans une matière qui relève de sa compétence. 4. Règlements communaux 43. Ces textes sont élaborés par le Conseil communal dans une domaine de sa compétence. § 2. — LA COUTUME 44. La coutume désigne des usages juridiques, constants et généralisés dans un groupe social et qui sont devenus obligatoires. Pour être reconnue comme telle, la coutume doit présenter trois caractéris- tiques essentielles : la répétition, la publicité et la continuité. Chapitre I. Introduction générale 19 Malgré le développement du droit écrit, la coutume subsiste malgré tout de nos jours dans certains domaines : art. 663 du Code civil : « Chacun peut contraindre son voisin, dans les villes et faubourgs, à contribuer aux constructions et réparations de la clôture faisant séparation de leurs maisons, cours et jardins assis ès dites villes et faubourgs ; la hauteur de la clôture sera fixée suivant les règlements particuliers ou les usages constants et reconnus (…) » ; art. 1135 du Code civil : « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ». § 3. — LA JURISPRUDENCE 45. Il s'agit de l'ensemble des décisions rendues par les cours et tribunaux, dont les plus significatives sont publiées dans des revues juridiques (Journal des Tribu- naux, Pasicrisie,…). 46. Même s'il s'occupe d'un conflit par nature particulier, le juge occupe une position privilégiée. On peut même dire que le juge fait le droit dans la mesure où il est amené nécessairement à énoncer des considérations générales, à interpréter les règles, à dire comment il comprend la loi et comment, le cas échéant, il la pré- cise ou la complète. Inévitablement, il participe à la création des règles. Dans la genèse du droit, sa fonction est au moins aussi importante que celle du législateur. Cependant, la jurisprudence n'a pas de portée générale dans la mesure où la décision de justice n'est obligatoire que pour les parties en cause, mais c'est une source d'enseignement pour le juge qui doit appliquer la loi aux faits qui lui sont soumis. 20 Jonathan Verdière - Droit § 4. — LA DOCTRINE 47. Il s'agit de l'ensemble des opinions exprimées par les auteurs à propos des règles de droit et de la manière dont elles sont ou doivent être appliquées par les juges. La doctrine n'a aucune force obligatoire, elle est surtout source d'enseigne- ment. Elle sert à éclairer les praticiens du droit, dont le juge. On distingue trois types de doctrine : ¬ la doctrine de législation : elle sert à préciser la portée de l'œuvre du législateur, à promouvoir l'amélioration de la législation. ¬ la doctrine de jurisprudence : elle commente les décisions judiciaires en en faisant la critique, tant positive que négative. ¬ la doctrine d'enseignement : elle est destinée à favoriser et à perfection- ner la connaissance du droit. Cette dernière est principalement l'œuvre des professeurs d'université. II. §5. - L’ÉQUITÉ 48. L’équité est une réalisation suprême de la justice, allant parfois au-delà de ce que prescrit la loi. Le juge, chargé d'appliquer la règle de droit, ne peut l'écarter parce qu'elle conduit à une injustice. Le juge statue selon la loi et non selon ce qui lui paraît juste : le sens de l’équité du magistrat n’interviendra que si la loi le permet et dans la limite qu’elle autorise (ex : fixation des dommages et intérêts ; art. 33 de la loi du 3 juillet 1978 relative au contrat de travail, précisant que le juge apprécie en équité s'il y a lieu au paiement d’une indemnité lorsque le décès de l’employeur met fin au contrat de travail et en fixe le montant). Les raisons en sont simples : une des nécessités, inhérentes au droit, est de faire régner, non seulement la justice, mais aussi l'ordre, la sécurité, la paix. Chapitre I. Introduction générale 21 CHAPITRE II. PRINCIPES DE DROIT CONSTITUTIONNEL BELGE SECTION I. CARACTÉRISTIQUES DE L’ETAT BELGE 49. Lors de l’élaboration de la Constitution, le Congrès national, notre assem- blée constituante, a dû faire des choix essentiels dans le cadre de l’organisation du nouvel état belge. Ces choix fondateurs permettent de structurer notre droit constitutionnel autour de quelques principes de base : ¬ La séparation des pouvoirs ; ¬ La hiérarchie des normes ; ¬ La monarchie parlementaire ; ¬ La garantie des droits fondamentaux. § 1. — LA SÉPARATION DES POUVOIRS 50. L’organisation d’une société implique que l’autorité soit confiée à certaines personnes ou institutions ; cette société ne pourra donc fonctionner que si ces per- sonnes ou autorités ont le pouvoir d’imposer (au besoin par la force) des règles que tous les citoyens doivent respecter. L’attribution des pouvoirs peut être pensée de différentes manières : soit les pouvoirs sont concentrés entre les mains d’une seule personne ou institution ; soit les pouvoirs sont répartis entre plusieurs autorités publiques qui devront ou non rendre des comptes sur la façon dont elles exercent le pouvoir qui leur a été confié. 51. La théorie de la séparation des pouvoirs repose sur une division du pouvoir entre : ¬ Le pouvoir législatif, qui est compétent pour élaborer les lois et contrô- ler le pouvoir exécutif ; 22 Jonathan Verdière - Droit ¬ Le pouvoir exécutif exécute les lois ; il a donc pour mission de veiller à ce que les lois ne tombent pas en oubli et soient appliquées ; il administre le pays à cette occasion ; ¬ Le pouvoir judiciaire tranche les conflits nés de l’application des lois. Il est exercé par les cours et tribunaux. Dans le cadre de sa mission, le pouvoir judiciaire peut aller jusqu’à censurer l’acte illégal posé par l’exé- cutif ; 52. La Constitution belge organise un régime de séparation des pouvoirs, sans cependant le développer dans son sens le plus absolu. En effet : ¬ Le pouvoir législatif est exercé collectivement par le Parlement, composé de la Chambre des représentants et du Sénat, et le Roi ; ¬ Le pouvoir exécutif revient au Roi et à son Gouvernement, composé des ministres et secrétaires d’État ; ¬ Le pouvoir judiciaire revient aux cours et tribunaux de l’ordre judiciaire. Il est donc plus adéquat de considérer le modèle belge comme celui d’une collaboration – ou d’un équilibre – des pouvoirs, plutôt que celui d’une stricte sé- paration. § 2. — LA HIÉRARCHIE DES NORMES 53. Hans KELSEN, théoricien du droit et constitutionnaliste austro-américain a théorisé les systèmes juridiques au sein d’une structure pyramidale qui peut se représenter ainsi : Constitution Lois Actes administratifs Chapitre II. Principes de droit constitutionnel belge 23 Selon cette théorie, une norme ne sera valable qu’à la condition d’être con- forme aux normes supérieures. Une loi n’est valide que si elle est conforme à la Constitution ; de même, un acte administratif ne sera régulier que s’il est con- forme, d’une part, aux lois et, d’autre part, à la Constitution. Cette structuration peut paraitre assez évidente et son application n’est pas contestable. Il est d’ailleurs, même d’un point de vue théorique, assez difficile d’imaginer un système juridique qui ne soit pas étroitement hiérarchisé. 54. Le principe de la hiérarchie des normes reçoit, en Belgique, une application très stricte. Par exemple, l’article 159 de la Constitution précise que les cours et tribunaux n’appliqueront les actes administratifs que s’ils sont conformes à la Constitution. Concrètement, cela implique que le juge confronté, dans le cadre d’un litige, à un acte administratif contraire à la loi ou à la Constitution, devra refuser de l’appliquer. Dès lors que la Belgique est un État fédéral, les Communautés et Régions ont également le droit de prendre des normes pour légiférer dans les matières qui sont de leur compétence. Ces normes, les décrets et les ordonnances, ont cepen- dant la même valeur que les lois fédérales ! Constitution Lois, décrets, ordonnances (actes législatifs) Arrêtés, règlements (actes administratifs) 55. Pour être complet, il faut ajouter que cette hiérarchie des normes s’est en- richie, depuis plus d’un demi-siècle, d’un étage supplémentaire : le droit européen, et de façon plus générale, le droit international. En effet, l’Union européenne a été dotée, dès sa naissance, du pouvoir d’adopter des règles de droit : règlements, directives, etc. qui se sont ajoutées à 24 Jonathan Verdière - Droit celles des traités fondateurs portant déjà un ensemble de principes essentiels à la mise en place du marché unique. La question de savoir quel rapport ces sources de droit entretenaient avec le droit national des États membres s’est rapidement posée. L’intérêt n’est pas seulement théorique : lorsqu’un juge est confronté à deux normes contraires, l’une belge, l’autre européenne, il doit pouvoir appliquer l’une et écarter l’autre, sous peine de commettre un déni de justice. La problématique était délicate et a soulevé de nombreux débats dans la majorité des pays membres de l’Union européenne. 56. En Belgique, la Cour de cassation se prononça en 1971 de façon très nette pour la primauté du droit européen, et plus généralement du droit international (directement applicable) sur le droit belge. § 3. — MONARCHIE PARLEMENTAIRE 57. Le Congrès national, qui procéda à l’adoption de la Constitution belge le 7 février 1831, a privilégié le régime de la monarchie parlementaire. Les deux termes ont leur importance et l’expression caractérise un partage du pouvoir, entre le Parlement et le Roi. La monarchie parlementaire s’oppose à la monarchie absolue, dans laquelle tous les pouvoirs émanent du monarque qui les délègue à sa guise, en conservant toujours la possibilité de se les réapproprier. S’il est vrai que le Parlement et le Roi se partagent une grande partie du pouvoir, ils ne sont pas sur un pied d’égalité : notre schéma constitutionnel attri- bue la primauté au Parlement, qui dispose d’une plénitude de compétences. Par conséquent, le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribue for- mellement la Constitution (Const., art. 105). Il ne peut, en outre, les exercer que dans le respect d’une règle fondamentale, le contreseing ministériel : aucun acte du Roi ne peut avoir d’effet s’il n’est contresigné par un ministre (Const., art. 106). Cela implique donc que le Roi ne peut accomplir aucun acte, ne serait-ce que susceptible d’être interprété d’une manière politique, sans l’accord d’un ministre. Cette règle vaut pour tous les actes juridiques auxquels le souverain est associé ; mais c’est également vrai pour de simples faits matériels. Chapitre II. Principes de droit constitutionnel belge 25 § 4. — LES DROITS FONDAMENTAUX 58. Des droits fondamentaux ont été progressivement reconnus aux citoyens, selon trois étapes successives : d’abord, les droits civils et politiques, ensuite les droits sociaux et culturels, et plus récemment, les droits dits de troisième généra- tion. Ces trois générations ont été consécutivement consacrées par la Constitu- tion : a) les droits de la première génération : ce sont les droits civils et poli- tiques. Historiquement, ces droits ont été consacrés les premiers dans le temps (par les Révolutionnaires puis par le Constituant belge de 1830). Ces droits créent des obligations négatives dans le chef des autorités pu- bliques, qui ne peuvent donc pas enfreindre ces droits : le droit à la vie, l'égalité devant la loi, l'interdiction de la torture, le droit à un procès équitable, la liberté d'expression, la liberté d'association, la liberté de culte, le droit de propriété... ). b) Les droits de la deuxième génération : ce sont les droits économiques, sociaux et culturels. Ils sont apparus dans un second temps (pour la plu- part, au lendemain de la seconde guerre mondiale) : en effet, on s'est aperçu que la seule reconnaissance des droits civils et politiques était insuffisante : à quoi bon pouvoir s'exprimer librement si on n'a pas la possibilité de s'instruire, à quoi bon avoir le droit à la vie si on n'a pas la possibilité de subvenir à ses besoins ? Ces droits créent des obligations positives dans le chef des autorités publiques : elles ne doivent pas se contenter de ne pas violer ces droits (comme pour les droits de la pre- mière génération) ; elles doivent en outre intervenir, positivement, pour mettre en œuvre ces droits : le droit à la santé, le droit à l'emploi, le droit à l'éducation, le droit à la culture, etc. c) On évoque parfois l'existence des droits de la troisième génération, pour viser un ensemble plus incertain de droits d'émergence récente. Ces droits ont une dimension collective marquée, ce qui fait qu'ils s'adressent davantage à la communauté internationale dans son ensemble, plutôt qu'aux autorités publiques d'un seul Etat (ex. : les droits 26 Jonathan Verdière - Droit environnementaux, le droit à la paix, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, le droit au développement,…). SECTION II. UN ETAT FÉDÉRAL 59. La Belgique est un Etat fédéral. § 5. — LE FÉDÉRALISME 60. Qu’est-ce, en définitive, que le fédéralisme ? Le fédéralisme est un type d’or- ganisation dans lequel une association d’Etats est soumise à un super-Etat, tout en conservant, dans une certaine mesure, leur souveraineté et leur indépendance. 61. Il peut être centripète ou centrifuge : ¬ Ainsi, l’on parlera de fédéralisme centripète, comme aux États-Unis d’Amérique quand des états indépendants et souverains décident, afin de créer une plus grande union entre eux, de mettre en commun cer- taines compétences et de les confier à une nouvelle structure : la fédé- ration. ¬ Au contraire, le fédéralisme centrifuge a pour point de départ un état unitaire, qui se modifie et se réorganise en éclatant en entités disposant d’une certaine autonomie et qui maintiennent entre elles des liens forts, caractérisés par l’existence d’une fédération dont le statut est réglé par la Constitution fédérale. Il existe de nombreuses applications du fédéralisme, à travers le monde ; probablement parce que ce mode d’organisation politique réalise un équilibre pré- cieux aux états dont le territoire est étendu. Ainsi, outre les États-Unis, la Fédé- ration de Russie, l’Australie, le Canada, le Brésil, l’Allemagne ou la Suisse. 62. Le caractère essentiel du fédéralisme est la coexistence de plusieurs ordres constitutionnels qui se superposent, l’un au niveau fédéral, l’autre au ni- veau de chaque entité fédérée : il a deux types de Constitution, deux types de ter- ritoire, deux types de gouvernement humain et de nationalité, deux types de puis- sance publique, deux types de Cour suprême. 63. Deux principes sont à la base de tout état fédéral : Chapitre II. Principes de droit constitutionnel belge 27 ¬ Le principe d’autonomie. Les états fédérés conservent tous une cer- taine indépendance, chacun d’eux constituant un système étatique avec son pouvoir législatif, son pouvoir exécutif et son pouvoir judiciaire. Les états fédérés sont donc autonomes et non dans un rapport de subordi- nation vis-à-vis de l’État fédéral. Ils sont toutefois soumis à l’ordre constitutionnel fédéral qui impose des principes essentiels (ex. égalité et non-discrimination, respect du suf- frage universel…), qui limite leur champ de leurs compétences maté- rielles, qui détermine le mode de règlement des conflits entre normes fé- dérales et fédérées. ¬ Le principe de participation. On reconnait un trait du fédéralisme, dans la participation des états fédérés, états membres, comme tels, à la con- duite de l’État fédéral. Les états fédérés participent donc habituelle- ment, par leurs représentants, à la formation des décisions prises au ni- veau fédéral, par le biais de la seconde chambre du Parlement (Sénat ou Chambre des États). C’est également au sein de cette seconde assemblée que vont s’organiser les procédures de collaboration entre les différentes composantes fédérées. 64. Quoique la Constitution affirme solennellement le caractère fédéral de la Belgique, notre pays n’a pas encore acquis tous les traits caractéristiques des États fédéraux « authentiques ». 65. La structure politique de la Belgique présente : ¬ Des données fédérales : o Les institutions communautaires et régionales sont autonomes ; elles se sont vu octroyer des compétences assez larges ; o Les organes législatifs des institutions communautaires et régionales ont le pouvoir de prendre des décrets qui ont la même force juridique que les lois ; o La mise en place d’une Cour constitutionnelle, qui a pour vocation de ré- gler les conflits entre lois, décrets et ordonnances. ¬ Des traits propres à son ancienne configuration d’État unitaire : 28 Jonathan Verdière - Droit o Les communautés et régions n’ont pas encore d’ordre constitutionnel propre. Il n’existe pas de Constitution ou de sous-nationalité wallonne, flamande, germanophone ou bruxelloise ; o La non-fédéralisation du pouvoir judiciaire qui n’a pas été dédoublé par la réforme de l’état. SECTION III. LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES I. LES COMPÉTENCES DE L’ETAT FÉDÉRAL 66. L’Etat fédéral conserve des compétences dans de nombreuses matières telles, par exemple, que la justice, les finances, la sécurité sociale, les affaires étrangères ainsi qu’une partie importante de la politique de santé publique et des affaires intérieures. II. LES COMPÉTENCES DES COMMUNAUTÉS 67. Les Communautés reposent sur la notion de « langue », une donnée qui est liée aux personnes. Les Communautés sont donc compétentes dans un ensemble de matières connexes : la culture, (théâtres, bibliothèques, audiovisuel,…), l’enseignement, l’emploi des langues et les matières personnalisables qui incluent, d'une part, la politique de santé (médecine préventive et curative) et, d'autre part, l'aide aux personnes (la protection de la jeunesse, l'aide sociale, l'aide aux familles, l'accueil des immigrés,...). Les communautés sont également compétentes en matière de recherche scientifique et de relations internationales dans les domaines qui relèvent de leur compétence. III. LES COMPÉTENCES DES RÉGIONS 68. Les Régions ont des compétences dans les domaines qui touchent à l'occu- pation du « territoire » au sens large du terme. Chapitre II. Principes de droit constitutionnel belge 29 Ainsi, la Région flamande, la Région de Bruxelles-Capitale et la Région wal- lonne exercent leurs compétences en matière d'économie, d'emploi, d'agriculture, de politique de l'eau, de logement, de travaux publics, d'énergie, de transport (à l'exception de la SNCB), d'environnement, d'aménagement du territoire et d'urba- nisme, de conservation de la nature, de crédit social, de commerce extérieur, de tutelle sur les provinces, les communes et les intercommunales. Elles sont également compétentes en matière de recherche scientifique et de relations internationales dans les domaines précités. 30 Jonathan Verdière - Droit CHAPITRE III. LE POUVOIR JUDICIAIRE ET LA PROCÉDURE CIVILE 69. Notre étude s’attache, dans un premier temps, à identifier les acteurs de la justice. Dans un second temps, nous étudierons les différents tribunaux. SECTION I. LES ACTEURS I. LES ORGANES § 1. LES JUGES 70. Le juge du fond est un magistrat qui exerce la fonction juridictionnelle. C’est à lui que revient le pouvoir de juger, de trancher le litige : la loi lui donne compé- tence pour dire le fait et le droit et prononcer une décision contraignante à l’égard des parties. § 2. LE MINISTÈRE PUBLIC 71. Les magistrats du ministère public forment le « Parquet » ou magistrature debout. Leur mission n’est pas de juger : ils veillent, au nom de la société et de l’intérêt général, au respect de la loi et de l’ordre public. 72. Dans ce cadre, le ministère public a principalement pour mission de recher- cher les comportements susceptibles de poursuites pénales (infractions) et d’en poursuivre les auteurs devant les tribunaux répressifs. Cependant, dans certaines matières liées à l'ordre public, les parquets, ont aussi une compétence d'avis (en matière de faillites, en matière de divorce lorsque des mineurs d'âge sont impliqués, en matière de protection des malades mentaux). Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 31 II. LES AUXILIAIRES § 1. LES GREFFIERS 73. Les greffiers sont des auxiliaires de justice dont la mission est d’apporter un soutien administratif aux magistrats dans l’exercice de leur charge. Leur tâche principale est de garantir le bon déroulement de la procédure (inscription des affaires au rôle, tenue du dossier, réception des conclusions et des pièces, fixation de la date de plaidoirie, envoi des convocations et notifications aux parties). Dans ce cadre, ils assistent aux audiences (dont ils dressent le procès-ver- bal), transcrivent les jugements, assurent la conservation des minutes ( 11) et en dressent l’expédition ( 12). § 2. LES AVOCATS 74. L’avocat est un professionnel du droit dont la fonction traditionnelle est de conseiller et défendre ses clients en justice en plaidant pour faire valoir leurs inté- rêts et, de manière plus générale, les représenter. Le métier d'avocat est l'un des métiers dit de profession libérale, au même titre que les médecins, les vétérinaires, les architectes, les pharmaciens,... 75. Pour être avocat, il faut être titulaire d’un master en droit (C. jud., art. 428). 11 La minute d’un acte est l’original d’un document émanant d’une juridiction ou d’un officier public. 12 L’expédition d’un jugement est une copie exécutoire de l’acte, destinée à être remise à un huissier afin qu’il procède à la signification de la décision, voire éventuellement à son exécution forcée par voie de saisie-exécution. Le greffier apposera sur l’expédition la formule exécutoire : « Nous, PHILIPPE, Roi des Belges, A tous, présents et à venir, faisons savoir : (corps de la décision). Mandons et ordonnons à tous huis- siers de justice, à ce requis de mettre le présent arrêt, jugement, ordonnance, mandat ou acte à exécution; A Nos procureurs généraux et Nos procureurs du Roi près les tribunaux de première instance, d'y tenir la main, et à tous commandants et officiers de la force publique d'y prêter main forte lorsqu'ils en seront légalement requis; En foi de quoi le présent arrêt, jugement, ordonnance, a été signé et scellé du sceau de la cour, du tribunal. » 32 Jonathan Verdière - Droit Après prestation de serment, l’avocat est inscrit sur la liste des avocats sta- giaires (C. jud., art. 429). Il doit alors accomplir un stage de trois années minimum, auprès d'un avocat chevronné et poursuivre une formation théorique, qui s’achève généralement par un examen et/ou la présentation d'un travail (C. jud., art. 434). Au terme de son stage, l'avocat peut être admis au tableau de l’ordre des avocats (effectifs). Il existe un barreau dans chaque arrondissement judiciaire et au niveau de la Cour de Cassation. Chacun de ces barreaux est dirigé par un conseil de l’ordre dont le « chef » est le Bâtonnier. Le rôle essentiel du Conseil de l'Ordre consiste à établir des rè- glements concernant la profession, à faire respecter ces règlements, à prendre des mesures et sanctions contre des avocats indélicats, pouvant aller jusqu'à la radia- tion (interdiction à l'avocat d'encore en porter le titre et d'exercer le métier). § 3. LES HUISSIERS DE JUSTICE 76. II s'agit d'officiers ministériels nommés à vie par le Roi, dont le nombre est réglementé par la loi. Il existe, dans chaque arrondissement judiciaire, un en- semble d'huissiers qui ne peuvent agir que sur le territoire de leur arrondissement. 77. Les Huissiers ont essentiellement pour mission de délivrer les convocations (de les remettre aux personnes convoquées), d'établir des constats (constats im- mobiliers, descriptifs de situations particulières). Ils sont également chargés d'exécuter des jugements, c'est-à-dire concrè- tement de contraindre les personnes condamnées à exécuter (respecter) les juge- ments les condamnant. Des mesures de saisie consistent dans un premier temps à inventorier les biens des personnes condamnées récalcitrantes, et dans un second temps de procéder à leur vente. SECTION II. LA COMPETENCE 78. La répartition des litiges entre les cours et tribunaux a lieu en fonction de leur compétence, c’est-à-dire de leur aptitude reconnue par la loi à instruire et juger une action portée devant eux. Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 33 79. Nous devons distinguer : ¬ La compétence territoriale : délimite la partie du territoire dans lequel s’exerce ce pouvoir de juger ; ¬ La compétence d’attribution (ou matérielle) : délimite le type de litige qu’une juridiction peut trancher. I. LA COMPÉTENCE TERRITORIALE § 1. NOTIONS 80. Chaque « circonscription » judiciaire est désignée par un terme particulier, en fonction de la juridiction qui est compétente sur ce territoire : ¬ Le canton, pour le juge de paix ; ¬ L’arrondissement, pour le tribunal de première instance, le tribunal de l’entreprise et le tribunal du travail ; ¬ La province, pour la cour d’assises ; ¬ Le ressort (qui inclut plusieurs arrondissements), pour la cour d’appel et la cour du travail ; ¬ Au niveau national, pour la cour de cassation. § 2. RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE 81. Chaque juridiction n’est compétente que pour une partie limitée du terri- toire. Le découpage du territoire belge sur le plan judiciaire se présente comme suit : ¬ 187 cantons (justices de paix) ; ¬ 12 arrondissements judiciaires comprenant 13 tribunaux de première instance ( 13) et 15 tribunaux de police ( 14) ; 13 Un seul par arrondissement, excepté à Bruxelles où il y a deux tribunaux de première instance, un francophone et un néerlandophone. 14 Un seul par arrondissement, excepté à Bruxelles où il y a un tribunal francophone, un tribunal néerlandophone ainsi qu’un tribunal de police à Hal et un à Vilvorde. 34 Jonathan Verdière - Droit ¬ 5 ressorts, qui comprennent 9 tribunaux de l’entreprise, 9 tribunaux du travail et 5 cours d’appel ; ¬ une Cour de cassation compétente pour l’ensemble du territoire belge (article 147 de la Constitution). 82. Les 12 arrondissements judiciaires : a) Flandre occidentale (Bruges – Courtrai – Furnes – Ypres) ; b) Flandre orientale (Gand – Termonde – Audernarde) ; c) Anvers (Anvers – Turnhout – Malines) ; d) Limbourg (Hasselt – Tongres) ; e) Louvain ; f) Bruxelles ; g) Nivelles ; h) Eupen ; i) Liège (Liège – Verviers – Huy) ; j) Namur (Namur – Dinant) ; k) Luxembourg (Marche – Neufchâteau – Arlon) ; l) Hainaut (Mons – Tournai – Charleroi). Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 35 Figure 2. Les nouveaux arrondissements judiciaires § 3. DÉTERMINATION DE LA JURIDICTION COMPÉTENTE 83. En principe, l’action en justice sera portée devant le juge du domicile du dé- fendeur. Le juge de l’endroit où l’obligation est née, ou du lieu où elle doit être exécutée peut également être compétent ( 15). 84. Dans certains cas, le Code judiciaire prévoit des dispositions particulières qui déterminent le juge territorialement compétent. Elles sont obligatoires pour les parties, qui ne peuvent pas y déroger. Exemples : ¬ En matière immobilière, le juge compétent est déterminé par la localisa- tion de l’immeuble ; ¬ La demande en divorce, sera portée devant le juge compétent pour la dernière résidence conjugale ; ¬ En matière successorale, le juge compétent sera celui du domicile du dé- funt. ¬ Les demandes concernant un mineur d’âge seront portées devant le juge du domicile du mineur. 15 C. jud., art. 624. 36 Jonathan Verdière - Droit 85. Les parties peuvent, sauf cas particulier, convenir d’attribuer, en cas de li- tige éventuel, la compétence territoriale aux juridictions d’un arrondissement dé- terminé. Il s’agit d’une clause d’attribution de compétence, qui pourrait être rédi- gée comme suit : « En cas de litige, les tribunaux du siège social du vendeur sont seuls compétents, sauf dispositions d’ordre public contraignantes ». II. LA COMPÉTENCE MATÉRIELLE 86. La compétence matérielle est déterminée en fonction de plusieurs critères, qui peuvent éventuellement être combinés : ¬ L’objet de la demande ; ¬ La valeur de la demande ; ¬ L’urgence de la demande ; ¬ La qualité des parties. SECTION III. LES JURIDICTIONS 87. L’organisation du pouvoir judiciaire, composé des cours et tribunaux, ré- pond à certains principes garantissant les droits du justiciable et assurant le fonc- tionnement harmonieux de l’ensemble du système judiciaire : ¬ dans la majorité des cas, le justiciable a la possibilité de faire juger une deuxième fois sa cause devant une autre juridiction ; ce droit de recours « ordinaire » a rendu nécessaire la création de juridictions d’appel ; ¬ l’individu assigné devant une juridiction qui, pour n’importe quelle rai- son, n’a pu comparaître pour présenter sa défense, a le droit de s’oppo- ser au jugement prononcé « par défaut » si cette décision n’est pas sus- ceptible d’appel. Cette procédure lui permettra de faire fixer une nou- velle date d’audience pour, cette fois-ci, présenter ses moyens (argu- ments) de défense ; Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 37 ¬ une juridiction suprême, la Cour de Cassation, est chargée d’examiner l’application du droit par l’ensemble des juridictions, afin d'en assurer la plus grande uniformité. I. LA JUSTICE DE PAIX § 1. PRÉSENTATION 88. Créée par les lois des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, la justice de paix présente ces caractéristiques d’être une juridiction rapide, proche du jus- ticiable et incarnée dans son juge (en ce sens que le juge de paix statue seul, sans ministère public). Ces traits distinctifs expliquent le développement important de l’institution du juge de paix : ¬ comme juge des petits procès (compétence générale) ; ¬ comme juge de litiges importants impliquant proximité avec le terrain, rapidité et simplicité de la procédure (compétences spéciales). 89. Le Juge de Paix est compétent sur un territoire appelé canton judiciaire (art. 59). Le territoire de la Belgique est divisé en 187 cantons judiciaires, déterminés en fonction de la densité de la population : certains regroupent plusieurs com- munes, tandis que d'autres se limitent à certains quartiers. § 2. COMPÉTENCE A. Compétence générale 90. Ce magistrat des « petits procès » est compétent pour connaître des af- faires civiles dont l’enjeu, exclusivement financier, ne dépasse pas 5.000 € ( 16) : 16 C. jud. art. 590, al. 1, modifié par l’art. 27 de la L. du 25 mai 2018. 38 Jonathan Verdière - Droit c’est sa compétence générale. Par exemple, le remboursement d’une dette, le paie- ment d’un bien ou d’un service, la réclamation de dommages et intérêts. B. Compétence spéciale 91. Le juge de paix peut, dans certains cas, connaître de demandes, parfois très importantes, ayant ou non un enjeu financier. La raison est simple : le justiciable a besoin d’un juge de terrain qui lui soit proche. Le juge de paix sera alors compétent – dans le cadre de ses compétences spéciales – quel que soit le montant de la demande. Ces compétences concernent notamment les contestations relatives : ¬ aux baux, baux de résidence principale, baux commerciaux ( 17) ; ¬ aux servitudes, droits de passage, aux actions possessoires ( 18) ; ¬ au contentieux du crédit à la consommation ( 19) ; ¬ à la procédure en extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique ( 20). § 3. RESSORT 92. Les jugements du juge de paix sont prononcés en premier ressort ( 21) s’ils concernent une demande dont la valeur est d’au-moins 2.000 € ; ils pourront alors être portés devant le tribunal de première instance. 17 C. jud., art. 591, 1°. 18 C. jud., art. 591, 3° à 5°. 19 C. jud., art. 591, 21° 20 C. jud., art. 595. Le reste du contentieux de l’expropriation ressort à la compétence du tribunal de première instance (C. jud., art. 569, 10°). 21 C’est-à-dire : susceptibles d’appel. Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 39 A défaut, la décision du juge de paix n’est pas susceptible d’appel (art. 617, al.2), bien qu’elle puisse faire l’objet d’une opposition voire éventuellement d’un pourvoi en cassation. II. LE TRIBUNAL DE POLICE § 1. PRÉSENTATION 93. Ces tribunaux ont la compétence de connaître de tous les litiges – quel qu’en soit l’enjeu financier – relatifs à la réparation d’un dommage résultant d’un acci- dent de la circulation. Puisque le contentieux du roulage peut avoir un aspect pénal – en cas de poursuites du parquet – ou ne pas en avoir, le tribunal comporte une section pénale et une section civile. A. La section pénale 94. La section pénale du tribunal est compétente pour juger des infractions au Code de la route ainsi que certains délits, notamment les coups et blessures invo- lontaires ou les homicides involontaires survenus à l’occasion d’un accident de rou- lage. Dans ce cas, le tribunal de police a la possibilité, de prononcer une peine qui consiste généralement en une amende, éventuellement assortie d’une déchéance du droit de conduire. B. La section civile 95. Les tribunaux de police ont également une section civile, qui est compétente pour fixer les dommages et intérêts réclamés par les victimes d’accidents de cir- culation ( 22). Ce n’est donc pas l’application d’une peine qui est en jeu, le Parquet n’inter- vient pas : le seul débat se noue entre la victime et l’auteur de l’accident et porte 22 C. jud., art. 601bis. 40 Jonathan Verdière - Droit sur la responsabilité de ce dernier et la hauteur des dommages et intérêts éven- tuels. § 2. RESSORT 96. Les jugements prononcés par le tribunal de police peuvent être frappés d’ap- pel s’ils concernent une demande dont la valeur est d’au-moins 2.000 € ( 23). Dans ce cas, l’affaire sera portée devant le tribunal de première instance. III. LE TRIBUNAL DU TRAVAIL § 1. PRÉSENTATION 97. Le tribunal du travail est composé d'un président, d'un ou de plusieurs vice- présidents, de juges ainsi que de juges sociaux (art. 82, al. 1). § 2. COMPÉTENCE 98. Le tribunal du travail est, évidemment, une juridiction spécialisée dans le règlement des litiges intéressant les conflits du travail et de la sécurité sociale, quel que soit leur enjeu financier : ¬ Le tribunal du travail est compétent pour régler tous les litiges entre les employeurs et les travailleurs, dans le cadre de la loi sur le contrat de travail, notamment, ceux : o relatifs au licenciement ; o concernant les montants et le paiement de la rémunération, l’interven- tion de l'employeur dans certains frais du travailleur ; 23 C. jud., art. 617, modifié par l’art. 28 de la loi du 25 mai 2018. Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 41 o portant sur la violation du secret de fabrication pendant la durée du con- trat par le travailleur ; o concernant les actes de concurrence déloyale du travailleur vis-à-vis de son employeur, etc. ¬ Le tribunal du travail est également compétent pour toutes les matières dites de sécurité sociale, tant pour les travailleurs salariés, en ce compris les fonctionnaires, qu'en ce qui concerne les travailleurs indépendants. Exemples : o litiges concernant des accidents du travail et sur le chemin du tra- vail ( 24) ; o paiement des cotisations ONSS par les employeurs ayant engagé des tra- vailleurs salariés ( 25) ; o paiement de cotisations sociales dues par les travailleurs indépendants ; o litiges en matière d’allocations familiales ou de chômage, contentieux entre les justiciables et les CPAS. ¬ Enfin, le tribunal du travail connaît également la matière du surendette- ment avec le traitement des demandes en règlement collectif de dettes ( 26). § 3. RESSORT 99. Les jugements rendus par le tribunal du travail sont toujours susceptibles d’appel (C. jud., art. 617, al. 2) ; ces décisions seront alors entreprises devant la Cour du travail. 24 Seulement pour les salariés et fonctionnaires. 25 Uniquement dans le secteur privé. 26 C. jud., art. 578, 14° 42 Jonathan Verdière - Droit IV. LE TRIBUNAL DE L’ENTREPRISE § 1. PRÉSENTATION 100. En fonction du volume d’affaires à juger, le tribunal de l’entreprise com- prend une ou plusieurs chambres, plus ou moins spécialisées et présidées par un juge professionnel, entouré de deux juges consulaires (art. 84). Le Tribunal de l’entreprise est composé d'un président et de plusieurs juges ainsi que des juges consulaires et éventuellement de juges consulaires suppléants (art. 85, al. 1 et 2). § 2. COMPÉTENCE A. Compétence générale 101. La juridiction consulaire s’occupe, évidemment, des affaires liées à l’activité des entreprises et, plus largement, à la vie économique. Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 43 Ainsi, le tribunal de l’entreprise juge-t-il – c’est sa compétence générale – les contestations entre entreprises( 27) et qui ne relèvent pas de la compétence spéciale d’autres juridictions (art. 573, 1°) ( 28). Cette compétence générale est cependant assortie d’une réserve impor- tante : une personne qui n’est pas une entreprise peut porter sa demande devant le tribunal de l’entreprise, pour autant que son adversaire – le défendeur – soit une entreprise (573, al.2). Par exemple, si une personne pensionnée, n'étant pas une entreprise, achète une voiture à un garagiste et qu'elle entend en réclamer le remboursement parce que la voiture présente d'importants défauts, la personne pensionnée peut citer le garagiste soit devant le tribunal de première instance, soit devant le tribu- nal de l’entreprise. Dans ce cas, le demandeur choisira de faire convoquer son ad- versaire devant le Tribunal qui est à même de régler, le plus rapidement possible son procès (probablement, le tribunal de l’entreprise). 27 Au sens de l’art. I.1, 1° du Code de Droit Economique, une entreprise est chacune des organisa- tions suivantes : (a) toute personne physique qui exerce une activité professionnelle à titre indépendant ; (b) toute personne morale ; (c) toute autre organisation sans personnalité juridique. Nonobstant ce qui précède, ne sont pas des entreprises, sauf s'il en est disposé autrement dans les livres ci-dessous ou d'autres dispositions légales prévoyant une telle application : (a) toute organisation sans personnalité juridique qui ne poursuit pas de but de distribution et qui ne procède effectivement pas à une distribution à ses membres ou à des personnes qui exer- cent une influence décisive sur la politique de l'organisation ; (b) toute personne morale de droit public qui ne propose pas de biens ou services sur un marché; (c) l'Etat fédéral, les régions, les communautés, les provinces, les zones de secours, les pré-zones, l'Agglomération bruxelloise, les communes, les zones pluricommunales, les organes territoriaux in- tracommunaux, la Commission communautaire française, la Commission communautaire flamande, la Commission communautaire commune et les centres publics d'action sociale. 28 Contrairement au régime antérieur à la loi du 23 mars 2014 (Mon., 22 mai 2014), la compétence du tribunal s’étend à l’ensemble des litiges, quelle que soit le montant de la demande. 44 Jonathan Verdière - Droit B. Compétences spéciales 102. Le tribunal de l’entreprise dispose de multiples compétences spéciales (art. 574), qu’il pourra exercer indépendamment de la qualité des parties et de l’enjeu financier du litige. Il s’agit, notamment : ¬ des conflits entre associés, administrateurs, gérants, liquidateurs et commissaires au sein d’une société ; ¬ des litiges découlant directement des faillites et des procédures en réor- ganisation judiciaire ; ¬ problèmes d’appellation d’origine, nomination des commissaires vérifica- teurs de livres et comptes des sociétés. § 3. RESSORT 103. Les jugements du tribunal de l’entreprise qui statuent sur une demande dont le montant ne dépasse pas 2.500 euros, sont rendus en dernier ressort (C. jud. art. 617, al. 1). Il n’y a donc pas d’appel possible dans ces cas-là. Dans l’hypothèse où la valeur de la demande permet d’interjeter appel, l’af- faire sera portée devant la Cour d’appel. V. LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE 104. La diversité et le volume du contentieux traité par le tribunal de première instance justifient la division de la juridiction en quatre sections dénommées res- pectivement tribunal civil, tribunal correctionnel, tribunal de la famille et de la jeunesse et tribunal de l’application des peines (art. 76), comprenant chacune Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 45 plusieurs chambres ( 29) composées d’un ou de trois juges, tous magistrats profes- sionnels ( 30). § 1. TRIBUNAL CIVIL A. Compétence 105. La section civile du tribunal de première instance tranche tous les litiges qui n’entrent pas dans la compétence du juge de paix, du tribunal du travail et du tri- bunal de l’entreprise. C’est pourquoi, l’on dit que le tribunal de première instance est la « juridiction ordinaire » (art. 568), jugeant tous les conflits relevant du con- tentieux civil au sens large. Ainsi, ce tribunal se prononcera – dans le cadre de sa compétence générale – sur tous les conflits non commerciaux tendant au paiement (sensu lato) d’une somme d’argent supérieure à 5.000 €. 106. De nombreuses compétences spéciales ont été confiées au tribunal civil, in- dépendamment de la valeur de la demande. Parmi celles-ci, relevons la compétence du tribunal de première instance dans des matières suivantes : ¬ contestations élevées sur l'exécution des jugements et arrêts ( 31) ; ¬ demandes de facilités de paiement en matière de crédit hypothécaire ( 32) ; ¬ contestations relatives à l’application d’une loi d’impôt ( 33). 29 Dont la chambre du conseil – section correctionnelle – qui statue ou non sur le maintien de la détention préventive et sur le renvoi des inculpés devant le tribunal correctionnel 30 A l’exception des assesseurs en application des peines (voy. art. 196ter). 31 C. jud., art. 569, 5° 32 C. jud., art. 569, 24°. 33 C. jud., art. 569, 32° 46 Jonathan Verdière - Droit 107. Comme nous l’avons déjà signalé, le tribunal de civil tranche l’appel des dé- cisions rendues au premier degré par le juge de paix (art. 577), sur des demandes dont la valeur est d’au-moins 5.000 € ; à défaut, la décision du juge de paix n’est pas susceptible d’appel (art. 617, al.2), bien qu’elle puisse faire l’objet d’une oppo- sition ou éventuellement d’un pourvoi en cassation. B. Ressort 108. Les jugements du tribunal de première instance qui statuent sur une de- mande dont le montant est d’au-moins 2.500 euros, sont rendus en premier ressort (C. jud. art. 617, al. 1) : dans ce cas, une possibilité d’appel existe et sera tranchée par la Cour d’appel § 2. TRIBUNAL DE LA FAMILLE ET DE LA JEUNESSE 109. Depuis la loi du 30 juillet 2013, l’ensemble du contentieux familial – divorce, filiation, hébergement, pensions alimentaires, partages successoraux, etc. – relè- vent de la compétence d’une seule juridiction, alors qu’ils étaient auparavant dis- persés entre quatre juridictions différentes (juge de paix, tribunal civil, tribunal de la jeunesse et président du tribunal de première instance). 110. Le tribunal de la famille et de la jeunesse, comprend trois de chambres : la chambre de la famille, la chambre de la jeunesse et la chambre des règlements à l’amiable. A. La chambre de la famille ( 34) 111. Cette chambre connaît des litiges familiaux (au sens large du terme) tels que ceux concernant : ¬ l’état des personnes (actes de l’Etat-Civil, mariage, divorce, filiation, adoption) ; 34 C. jud., art. 572bis. Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 47 ¬ la cohabitation légale, les droits et obligations des époux, les régimes matrimoniaux ; ¬ l’autorité parentale, les obligations alimentaires ; ¬ les successions, les testaments, les donations ; ¬ les sorties d’indivision par partage judiciaire ; B. La chambre de la jeunesse 112. Cette chambre est compétente pour adopter des mesures de protection en- vers les mineurs en danger et les mineurs auteurs d’actes délictueux. 113. L’environnement difficile dans lequel évolue le mineur demande que des me- sures soient prises rapidement, en complément (ou en remplacement) des mesures d’aides qui ont pu être mises en place en collaboration avec l’administration de l’aide à la jeunesse de la Communauté française. Le tribunal pourra ainsi prendre des mesures protectionnelles, distinctes des peines prononcées par les tribunaux correctionnels et qui pourront être revues moyennant des procédures souples. 114. Dans des cas particulièrement graves et si le mineur avait plus de seize ans au moment des faits, le juge de la jeunesse peut décider de son propre dessaisis- sement ; cela veut dire que le mineur sera jugé conformément au droit pénal ordi- naire (applicable aux adultes) par une chambre spécifique du tribunal de la jeu- nesse ou par la cour d’assises ( 35). C. La chambre des règlements à l’amiable 115. Cette chambre joue un rôle de conciliation entre les parties, les débats et les écrits restant confidentiels. La procédure de règlement à l’amiable peut prendre fin à tout moment, à la demande du juge ou des parties. 35 Loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait, art. 57bis. 48 Jonathan Verdière - Droit Si les parties ne n’aboutissent pas à un accord (et ne peuvent donc pas être conciliées), la procédure se poursuit devant la chambre de la famille. § 3. LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL 116. Cette juridiction répressive juge les auteurs de délits (catégorie intermé- diaire d’infractions) et statue sur les appels des jugements du tribunal de police statuant en matière pénale. 117. Fréquemment, les tribunaux correctionnels ont à juger des crimes « correc- tionnalisés », c’est-à-dire des infractions qui ont perdu leur qualification criminelle en raison de certaines circonstances atténuantes reconnues au prévenu. Cela va permettre au Procureur du Roi et à la Chambre du conseil de renvoyer le suspect devant un tribunal correctionnel, plutôt que de réunir une session de la Cour d’as- sises. § 4. TRIBUNAL DE L’APPLICATION DES PEINES 118. Il statue sur les modalités d’exécution des peines imposées aux détenus con- damnés à un emprisonnement de trois ans, au moins. 119. Plusieurs choix s’offrent au tribunal de l’application des peines : ¬ Détention limitée : elle permet à un détenu de quitter de manière régu- lière la prison pour une durée de maximum 16 heures par jour. Elle peut être accordée au condamné afin de défendre ses intérêts professionnels, de formation ou familiaux qui nécessitent sa présence hors de la prison ; ¬ Surveillance électronique : la surveillance électronique permet d’exécu- ter en totalité ou en partie une peine privative de liberté en dehors de la prison. La personne est soumise à un horaire établi dont le respect est contrôlé entre autres via des moyens électroniques. La surveillance électronique est accordée au début de la peine. ¬ Libération conditionnelle : la libération conditionnelle permet aux per- sonnes condamnées à des peines de prison d’exécuter une partie de leur Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 49 peine en dehors de la prison. Pendant un délai d’épreuve déterminé, la personne devra respecter des conditions imposées par le tribunal ( 36). VI. LA COUR D’APPEL § 1. PRÉSENTATION 120. La cour d’appel comprend des chambres civiles (et commerciales), correc- tionnelles, de la jeunesse et de la famille (art. 101, al. 1). La plupart des chambres sont composées de trois juges (art. 101, §2 al. 2). 121. La Cour d'appel se compose de conseillers, de conseillers suppléants (art. 102), de Présidents de chambres (les plus anciens parmi les conseillers) et d'un Premier Président (art. 101, al. 3). § 2. COMPÉTENCE 122. La cour d'appel juge les appels interjetés contre les décisions rendues en premier ressort par le tribunal de première instance et le tribunal de l’entreprise et qui concernent un enjeu financier supérieur à 2.500 € (art. 617). Notons que les jugements rendus par le tribunal de première instance dans des contesta- tions relatives à l’application d’une loi d’impôt sont toujours susceptibles d’appel (art. 617, in fine). Sont ainsi appelables, les décisions rendues « en premier ressort », c’est-à- dire celles par lesquelles le tribunal de première instance ou le tribunal correction- nel se prononce pour la première fois sur un litige et évidemment pas, celles ren- dues par ces tribunaux en tant que juge d’appel des décisions prononcées par le juge de paix ou le tribunal de police. 36 https://www.tribunaux-rechtbanken.be/fr/tribunaux-cours/tribunal-de-premiere-instance/tri- bunal-de-lapplication-des-peines, consulté le 12/09/2018. 50 Jonathan Verdière - Droit VII. LA COUR DU TRAVAIL § 1. PRÉSENTATION 123. Elle est divisée en chambres d'au moins trois magistrats, composées d'un conseiller professionnel et de deux conseillers sociaux. Dans certains cas, l’audi- torat général y rend des avis. 124. Elle est composée d'un Premier Président, d'un Président de chambre choisi parmi les conseillers les plus anciens, de conseillers et de conseillers sociaux et éventuellement de conseillers sociaux suppléants (art. 103). § 2. COMPÉTENCE 125. La cour du travail statue sur les appels interjetés contre les jugements ren- dus par le tribunal du travail, lesquels sont toujours susceptibles d'appel (art. 617). VIII. LA COUR D’ASSISES 126. La Cour d’assises est compétente pour juger les auteurs de crimes (catégo- rie d’infraction la plus grave), les délits politiques et de presse. IX. LA COUR DE CASSATION 127. Il n’y a qu’une seule Cour de cassation en Belgique. Elle est donc compétente pour l’ensemble du Royaume et traite des « pourvois en cassation » formés contre les décisions rendues en dernier ressort (jugements du tribunal de première ins- tance et du tribunal de l’entreprise rendus en degré d’appel et arrêts des diffé- rentes cours). Elle est divisée en trois chambres : civile et commerciale ; criminelle, correc- tionnelle et de police ; du travail. La Cour de Cassation est composée de conseillers à la Cour de Cassation, d'un Président et d'un Premier Président (art. 129). Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 51 128. De manière générale, la fonction de la Cour de cassation consiste à unifor- miser l’application du droit. Il lui appartient de « casser » des décisions qui lui ont été soumises lorsque les reproches sont fondés sur une violation de la loi, à la suite d’une mauvaise interprétation de celle-ci ou sur une violation des formes. La Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires : ¬ Si le pourvoi en cassation est rejeté, la décision querellée est implicite- ment confirmée ; ¬ Si le pourvoi est fondé, la Cour de cassation « casse » la décision querel- lée et renvoie l’affaire à une juridiction de même niveau que celle qui a rendu la décision critiquée. X. AUTRES JURIDICTIONS § 1. LE CONSEIL D’ETAT 129. Le Conseil d’Etat est une juridiction administrative, qui est composée de deux sections : ¬ La section de législation : elle joue le rôle de conseiller juridique pour les gouvernements et les assemblées législatives. Elle donne un avis sur les avant- projets de loi, de décret, d'ordonnance ou d'arrêtés ; ¬ La section du contentieux administratif : il s'agit de la plus haute juri- diction administrative de notre pays. Tout citoyen ou personne morale (société, association...) peut demander l'annulation d'actes juridiques ou de règlements émanant d'une autorité administrative. Sont visés les arrêtés royaux et les arrêtés des gouvernements communau- taires et régionaux, les actes administratifs des conseils provinciaux, des conseils communaux, des collèges des bourgmestre et échevins, des bourgmestres, les com- missions d'examen, les nominations,... § 2. LA COUR CONSTITUTIONNELLE 130. La Cour constitutionnelle est une juridiction composée de 12 juges, nommés à vie. 52 Jonathan Verdière - Droit Sa mission est de veiller au respect de la Constitution par les législateurs belges. Elle peut ainsi annuler, déclarer inconstitutionnels et suspendre les lois, décrets et ordonnances. SECTION IV. LA PROCÉDURE I. UN PROCÈS DÉBUTE PAR UNE CITATION 131. La citation (ou assignation) est un acte d’huissier de justice par lequel le demandeur fait inviter son adversaire à comparaître devant la juridiction appelée à trancher le litige qui les oppose. L’assignation doit contenir, notamment, les renseignements suivants : ¬ L’identité des parties ; ¬ La date à laquelle elle est délivrée ; ¬ L’objet de la demande ; ¬ La date de l’audience et la désignation du tribunal. 132. Cependant, dans certaines matières (ex. bail), le législateur a voulu faciliter (démocratiser ?) l’accès à la justice en dispensant le demandeur d’avoir recours à l’assignation par exploit d’huissier. Il pourra, en effet, introduire le procès en adressant au tribunal une requête, qui est une demande écrite sous forme de lettre invitant le juge à convoquer les parties afin qu’il entende leurs explications et tranche ensuite leur litige en prononçant son jugement. II. L’ASSIGNATION LANCÉE, L’AFFAIRE VIENDRA À L’AUDIENCE 133. Les parties comparaîtront en personne ou représentées par leur avocat de- vant le tribunal désigné dans l’assignation. Chapitre III. Le pouvoir judiciaire et la procédure civile 53 Si le défendeur est présent (ou représenté) à l’audience, la procédure sera dite contradictoire : le juge aura entendu les arguments du demandeur ainsi que les exceptions et moyens de défense soulevés par son adversaire, le défendeur. Si, en revanche, le défendeur ne comparaît pas, le tribunal pourra statuer par défaut, fondant sa décision sur les seuls arguments de la partie demanderesse. III. LE TRIBUNAL STATUERA PAR UN JUGEMENT 134. Après avoir entendu les parties, le tribunal examinera les éléments de preuve qui lui sont soumis. Ex. Le tribunal saisi d’une contestation concernant le paiement du prix d’une voiture examinera le bon de commande, la ristourne qui y est éventuellement mentionnée, les conditions de paiement reprises aux conditions générales du garage vendeur, la facture non-acquittée,… Il prononcera ensuite sa décision, qui sera contradictoire ou par défaut, se- lon que le défendeur a, ou non, comparu. La distinction n’est pas théoriqu

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