Support de Cours Licence 3 Psychologie Génétique Différentielle 2024-2025 PDF

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Ce document est un support de cours pour une unité d'enseignement de psychologie génétique différentielle au niveau licence 3. Il aborde les différents points de vue concernant la détermination de l'intelligence humaine, couvrant aspects heréditaire, environnemental et interactionniste.

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Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] UNIVERSITE FHB ANNEE UNIVERSITAIRE 2024 - 2025 ABIDJAN COCODY Laboratoire de psychologie Génétique Différentielle Enseignant : Prof. Ossei KOUAKOU Maître de Conférences e-mail : [email protected] Niveau : LICENCE 3 UE: PSYCHOLOGIE GENETIQUE DIFFERENTIELLE SUPPORT DE COURS DEVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE : APPORTS DE L’HEREDITE ET DU MILIEU 1 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] Objectif général : Ce cours vise à approfondir les connaissances des étudiants sur les déterminants de l’intelligence humaine Objectifs spécifiques : A la fin du cours, les étudiants seront capables de : - Découvrir l’intelligence et ses déterminants - Maîtriser la thèse innéiste ou héréditariste de l’intelligence - Maîtriser la thèse environnementaliste de l’intelligence - Maîtriser la thèse interactionniste ou de la double détermination de l’intelligence Introduction Le problème de savoir si les différences individuelles, en général, mais surtout à propos de l’intelligence, sont déterminées par l’hérédité ou le milieu a donné lieu à de nombreuses polémiques, alimentées par des préjugés idéologiques. Les deux positions extrêmes, héréditaristes ou environnementalistes, sont défendues avec plus ou moins de nuances par différents auteurs mais toute conception extrémiste est intenable, car les arguments forts en faveur d’une des thèses sont inévitablement contre l’autre. C’est dans cette perspectives, qu’une trois position plus conciliante et réaliste a vu le jour. C’est l’approche interactionniste ou la théorie de la double détermination de l’intelligence. Nous nous proposons d’examiner l’ensemble de ces thèses dans le cadre de cet enseignement. I- Le déterminisme héréditaire de l’intelligence A/ Généralités sur l’importance des facteurs héréditaires Le facteur héréditaire, biologique, est nommé « patrimoine » ou potentiel génétique ou biologique » influence l’intelligence. Cela est d’autant plus normal, puisque, selon la science, et depuis les travaux de Pasteur, il n’y a pas de génération spontanée. En effet, l’œuf humain devient nécessairement un être humain, un « petit homme », et non un chimpanzé ou, encore moins une 2 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] souris, alors il y a du biologique dans le développement de l’homme. Nous ajoutons à cela que tous les hommes sont constitués de la même manière, avec les mêmes organes (cœur, cerveau, poumons, pancréas…) aux mêmes endroits, et le même fonctionnement de ces organes. Il y a donc incontestablement, une hérédité générale dans le développement de l’homme, une hérédité qui se voit à travers les gènes, c’est-à-dire, les facteurs contenus dans l’œuf humain et qui vont diriger le développement et le fonctionnement du nouvel être humain. L’ensemble de ces facteurs, hérités des deux parents, constitue le programme génétique phylogénétique. Aussi, importe-t-il de noter que le programme génétique peut être perturbé. Mais, la perturbation n’est pas héritée dans la mesure où cette aberration chromosomique ne se trouvait pas au niveau des parents. Il ne faut donc pas confondre, du point de vue sémantique, hérédité et inné ou congénital. Une aberration chromosomique, par exemple, est congénitale mais elle n’est pas héréditaire. En effet, s’il est vrai qu’elle existe à la naissance, elle n’existait pas chez les parents. Cela signifie qu’elle n’est héritée d’aucun des deux parents. En d’autres termes, un être humain normal comme nous tous ici peut avoir, ce que nous ne pouvons souhaiter à aucun d’entre nous, un enfant (des) enfant (s) débile (s) congénitaux. ❖ Exemples de quelques anomalies ou aberrations génétiques Exemples à donner B/ La thèse héréditariste La thèse héréditariste de l’intelligence part du postulat que l’homme est un animal différent des autres animaux, un animal spécifique, un animal unique en son genre. De ce point de vue, les tenants de ce courant affirment qu’il y a une différence de nature entre l’homme et les autres animaux. Et cette différence de nature est avant tout biologique. Et ce d’autant plus que l’on n’arrive jamais à faire d’un animal, même le plus évolué, un être humain. Et ce qui différencie fondamentalement l’homo-sapiens des autres animaux, c’est son intelligence dont le substrat anatomique est le cerveau et particulièrement le néo-cortex ou nouveau cerveau. Ce néo-cortex ou nouveau cerveau, de couleur grisâtre, 3 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] qui se situe dans la partie frontale du cerveau, est donc le siège anatomique de l’intelligence. D’où d’ailleurs l’assimilation de l’intelligence à la « matière grise ». Dans ces conditions, selon cette thèse, l’intelligence est fondamentalement biologique, héréditaire. De même, les différences intellectuelles entre les hommes sont biologiques. Et l’intelligence est héréditaire, presque de père en fils. Aussi, les tenants de ce point de vue relèvent-ils, dans l’histoire de l’humanité, quelques familles riches en individus particulièrement brillants du point de vue intellectuel : les Darwin avec Charles, son père, ses deux grands-pères et 4 de ses 10 enfants. Chacun peut trouver des exemples plus près de lui par rapport aux familles qui produisent des personnes qui ont certains dons dans divers domaines (sport, musique, mathématiques…). Selon donc ce courant, l’existence de telles lignées, tout au long des générations, montre les influences d’un patrimoine génétique spécialement favorable. Par ailleurs, l’existence, de génération en génération, de déficiences mentales congénitales, d’idiotie mentale dans une même famille, est un autre argument pour accorder, dans la détermination de l’intelligence, une plus grande part à la nature. C’est donc le matériel génétique contenu dans l’œuf humain, lequel matériel que ne possède pas les autres animaux et que tous les humains ne possèdent pas de la même manière et au même degré, qui conditionne largement, c’est-à- dire pour l’essentiel, l’intelligence. C’est cette position qu’adopte Jensen (A. R) (1969, 1972, 1973), qui postule, entre autres, que la vraisemblance de la théorie génétique de l’intelligence vient du fait que la théorie du milieu s’est trompée dans beaucoup de ses prédictions du comportement. En outre, Jensen (1973) écrit « Puisque l’intelligence et les autres aptitudes mentales dépendant de la structure physiologique du cerveau et que le cerveau, comme les autres organes, est soumis à l’influence génétique, comment peut-on ne pas voir que l’intelligence est, à l’évidence, aussi sujette à cette influence ? ». Evoquer les thèses des auteurs suivants : 4 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] Jensen, au sujet de l’intelligences des groupes raciaux Galton, concernant l’eugénisme Ombredane, psychologue belge inventeur du test TAT Congo C/ Quelques expérimentations pour étayer la thèse héréditariste La théorie sur l’hérédité de l’intelligence est soutenue par quelques expérimentations. Toutefois, pour des raisons d’ordre morales qui ne tolèrent pas des expérimentations sur l’homme, les quelques expérimentations pour apprécier l’influence du donné, du facteur biologique (héréditaire) sur le développement des capacités cognitives, ont porté, essentiellement, sur l’animal. En plus des raisons d’ordre moral que nous venons d’évoquer, des raisons d’ordre technique ont imposé l’animal pour ces expérimentations. En effet, vu que les animaux et plus particulièrement les animaux de laboratoire que sont les petits rongeurs ont un cycle de vie et de reproduction très court (maturité à 3 mois), il est possible d’observer la vie de plusieurs générations en très peu d’années. En complément à l’expérimentation sur l’animal, la méthode des jumeaux et autres parentés biologiques a permis des investigations sur l’homme. Les conclusions des résultats à partir des travaux sur l’animal ont été obtenues essentiellement selon deux méthodes : la méthode des ‘’lignées inbred’’ et la méthode de ‘’sélection directionnelle’’. ❖ La méthode des lignées inbred consiste à obtenir des lignées d’animaux génétiquement stables du point de vue de leurs caractéristiques, dont les aptitudes sont ensuite comparées. Pour obtenir des lignées inbred, c’est- à-dire, des lignées différentes bien standardisées, avec des souris ou des rats, on prend, dans une population ordinaire d’animaux, un couple d’animaux hétérozygote qu’on croise. Des descendants de ce couple, on prend toujours au hasard, un frère et une sœur que l’on croise (pour avoir deux ou N lignées inbred de même souche, on prend deux ou N couples parmi les descendants de ce premier couple). Ce faisant, on pratique des unions strictement consanguines. On répète ce type d’union sur plusieurs générations. Théoriquement au bout de de 5 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] quelques générations, les sujets d’une même lignée doivent être, au niveau de la presque totalité de leurs gènes, des homozygotes. Ainsi, les sujets inbred doivent conserver indéfiniment leurs caractéristiques, leur assemblage chromosomique homozygote ; sauf, bien évidemment, s’il y a mutation. Cependant, il faut souligner que certains chercheurs, ayant trouvé quelques inconvénients au niveau des lignées inbred (manque de vigueur, par exemple), ont fait porté leurs expérimentations sur des sujets hybrides, c’est-à-dire, des sujets issus de deux lignées inbred différentes, mais qui sont beaucoup plus robustes du fait de l’hétérosis des hybrides (même patrimoine génétique que les parents, mais plus robustes par exemple). ❖ Quant à la méthode de sélection directionnelle, elle ressemble quelque peu à la méthode des lignées inbred que nous venons de définir, mais, dans la méthode de sélection directionnelle, le couple d’animaux n’est pas pris au hasard, de même que les descendants de ce couple que l’on croise entre eux. le choix se fait à partir d’un test qui permet de sélectionner les animaux soit meilleurs, soit médiocres dans une aptitude, laquelle aptitude est susceptible d’être transmise aux descendants. Les meilleurs sont croisés entre eux et les médiocres le sont également entre eux. Avant d’exposer la deuxième thèse, qui affirme que l’intelligence est due au milieu, nous présentons dans la partie qui suit, des résultats des observations de la méthode des jumeaux et autres parentés biologiques, qui tentent de démontrer que l’intelligence est essentiellement biologique. Ici, nous parlons de simples observations ou d’observations cliniques à la différence des expérimentations comme avec la méthode des lignées inbred ou la méthode de sélection directionnelle qui est réalisée sur les animaux. 1/ Les observations sur les jumeaux 6 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] L’étude des jumeaux présente un intérêt certain en tant que les vrais jumeaux peuvent être comparés, même s’il s’agit d’une comparaison lointaine, aux souris « inbred » que nous venons de voir. En effet, ces vrais jumeaux possèdent le même patrimoine génétique, de telle sorte qu’une ressemblance intellectuelle entre eux peut être attribuée à la biologie qu’ils partagent. Quant aux faux jumeaux, ils constitueront pour ainsi dire, le groupe témoin, en ce sens que l’ampleur de la ressemblance entre les vrais jumeaux ne pourra s’apprécier que par rapport à la ressemblance entre les faux jumeaux. Les observations que nous allons voir concernent aussi bien les vrais jumeaux=monozygotes (qui sortent d’un seul œuf) ou homozygotes (qui sortent du même œuf) que les faux jumeaux=dizygotes (qui proviennent de deux œufs ) ou hétérozygotes (qui proviennent de plusieurs œufs). Les jumeaux dizygotes sont aussi appelés jumeaux fraternels. Parmi les auteurs qui ont fait des observations sur les jumeaux, nous pouvons citer, par ordre alphabétique, Lorhlin et Nichols (1976), Newman et al. (1937), Roubertoux et Carlier (1978) et Wilson (1977). Pour mieux comprendre la convergence de ces observations, essayons de les présenter dans un tableau récapitulatif et comparatif. Tableau 1 : Corrélations entre les jumeaux Newman et al. Loehlin et Nichols Wilson (1977) Roubertoux et (1937) (1976) Carlier (1978) MZ ensemble.92.86.86.84 MZ séparément.73 - -.72 DZ ensemble.62.62.60.59 La première remarque que nous pouvons faire au niveau de ces observations, c’est que les informations fournies par les différents chercheurs convergent. Ces observations sur les jumeaux monozygotes élevés ensemble ou séparément et les jumeaux dizygotes élevés ensemble indiquent une influence du biologique, en ce sens que la ressemblance indiquée, ici, par la corrélation, est plus grande entre jumeaux monozygotes qu’entre jumeaux dizygotes, 7 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] même lorsque ces derniers sont élevés ensemble, alors que les premiers nommés sont élevés séparément. Cela se voit également dans la comparaison des deux groupes de jumeaux élevés ensemble :.92 et.62/.86 et.62/.86et.60/.84 et.59. Pour plus d’informations, voyons la corrélation entre frères et sœurs et entre enfants non apparentés. 2/ Les observations sur les enfants frères et sœurs et enfants non apparentés Récapitulatif qui permettra de mieux comprendre. Tableau 2 : corrélations entre frères et sœurs et enfants non apparentés Scarr et Weinberg (1978) Roubertoux et Carlier (1978) Frères et sœurs élevés.42.49 ensemble Frères et sœurs élevés -.42 séparément Enfants non apparentés.33.28 élevés ensemble Ici aussi, nous observons une convergence des résultats de ces recherches. Bien sûr, les deux groupes d’auteurs dont nous avons présenté les résultats ont effectué leur recherche la même année, mais, à notre avis, cela ne suffit pas pour expliquer la convergence des résultats. Nous observons d’abord que des frères et sœurs élevés ensemble sont plus ressemblants que des enfants non apparentés élevés ensemble (.42 comparé à.33 ou.49 comparé à 28). Ce qui indique que le biologique a une influence sur la ressemblance entre les individus. Nous notons également qu’un des deux chercheurs a trouvé que des frères et sœurs, même élevés dans des milieux différents sont encore plus ressemblants que des enfants non apparentés élevés dans un même milieu (.42 comparé à.28). Ce résultat indique bien une influence du milieu sur la ressemblance intellectuelle entre individus. Cela signifie que l’intelligence est 8 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] biologique et donc peut être héritée de père en fils. Mais, qu’en est-il de la ressemblance entre parents et enfants ? 3/ Les observations sur la ressemblance entre parents et enfants Tableau 3 : corrélations entre parents et enfants Burks (1928) Leahy (1935) Scarr et Weinberg Roubertoux et (1978) Carlier (1978) Père et enfant.45.51.39.46 Père adoptif et.07.19.15.18 enfant Différence.38.32.24.28 biologique Mère et enfant.46.51.39.46 Mère adoptive et.19.24.04.18 enfant adoptif Différence.27.27.35.28 biologique Il y a une ressemblance entre un parent et son enfant lorsque les deux sont liés génétiquement que lorsqu’ils ne partagent que le milieu. En effet, alors que la corrélation moyenne entre un père et l’enfant dont il est le géniteur et entre une mère et l’enfant dont elle est la génitrice est de.45 (elle est comprise, dans un cas comme dans l’autre entre.39 et.51), celle entre un père et son enfant adoptif est de.15 (comprise entre.07 et de.19), celle entre une mère et l’enfant dont elle n’est que la mère adoptive de.16 (comprise entre.04 et.024). Même si certaines corrélations entre parents adoptifs et enfants adoptifs nous semblent suspectes tant elles tendent vers 0 (.07 chez Burks et.04 chez Scarr et Weinberg), force est de reconnaitre que la différence est toujours en faveur des parents et enfants ayant un lien génétique. Nous pouvons donc dire que l’hypothèse est vérifiée en ce sens que la ressemblance intellectuelle est due à la biologie. Par conséquent, nous pouvons dire qu’apparemment, l’intelligence est héréditaire. 9 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] 4/ Le degré de parenté et intelligence De nombreux travaux ont été réalisés sur les corrélations intra-paire de personnes de degré de parenté génétique croissant : allant de la corrélation entre deux personnes sans lien de parenté aux vrais jumeaux (monozygotes), qui ont les mêmes chromosomes. On constate que la corrélation moyenne se situe de.15 pour les cousins, à. 86 pour les monozygotes élevés ensemble ; les frères et sœurs, parents/enfants, ou jumeaux dizygotes présentent des corrélations moyennes d’environ.50. 5/ Le cas des jumeaux séparés Retrouvez des jumeaux MZ qui ont été élevés séparément fournirait des résultats décisifs pour la comparaison des facteurs génétiques et le milieu. Malheureusement, cette méthode est difficile. Cependant, même dans des résultats dignes de foi, les corrélations entre jumeaux séparés sont fortes :.75 en moyenne dans plusieurs tests avec 38 paires jumeaux (Shields, 1962) ;.71 dans l’étude de Newman, Freeman et Holzinger (1973) sur 19 paires ; et.69 sur 12 paires dans la recherche danoise (Juel-Nielsen, 1963). La recherche faite sur le plus grand nombre de jumeaux est celle de l’université du Minnesota (Bouchard et al., 1990). Par rapport à des variables biologiques qui apparaissent très corrélées en dépit de la séparation. Les résultats à différents tests comme les échelles de Wechsler, le test de raisonnement de Raven ou le test de vocabulaire (Mill-Hill) apparaissent fortement corrélés chez les jumeaux séparés (cf. tableau). Séparés Ensemble Variables biologiques Empreintes digitales.97.96 Taille.86.93 Poids.73.83 Variables psychologiques WAIS verbale.64.88 10 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] WAIS performance.71.79 Raven + Mill-Hill (vocabulaire).78.76 Néanmoins, même pour ces résultats dignes de foi, le concept de « séparation » en terme de milieu est à envisager avec précaution car les jumeaux sont parfois élevés par des branches collatérales de la famille et, de toute façon, sont baignés dans la même culture : école, télévision, mode…D’après les résultats de Shields (1962), Kamin (1984) a relevé que certains jumeaux séparés étaient élevés par les membres de la même famille (la mère et la tante), ou se retrouvaient dans la même école, comme deux garçons que leurs camarades trouvaient si semblables qu’ils ne se quittaient plus. Ces résultats, comme ceux que nous avons vus précédemment, concordent avec ceux d’une recherche réalisée en 1940 par un groupe de chercheurs, Conrad et Jones. Ces chercheurs ont effectué, en Nouvelle Angleterre, des observations sur 977 sujets âgés de 3 à 60 ans et appartenant à 269 familles. Ces deux chercheurs ont trouvé que la ressemblance entre parents et enfants est de.49 ; cette corrélation est également de.49 entre frère et sœurs, de.45 entre mère et enfants, et de.54 entre enfants apparentés de même sexe. Cela signifie que, lorsqu’il y a un lien de parenté génétique, les aptitudes intellectuelles se développent de façon convergente, comme le montreraient déjà les résultats des observations sur les jumeaux. Par contre, l’évolution intellectuelle se fait de façon plus inégale dans un même milieu entre enfant n’ayant aucun lien génétique. Remarque : Au terme de l’exposé des résultats des observations cliniques sur l’homme, que pouvons-nous dire ? Nous pouvons faire les déductions suivantes : - Il y a plus de convergence (ressemblance) intellectuelle entre jumeaux monozygotes qu’entre jumeaux dizygotes. 11 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] - Il y a plus de ressemblance entre les enfants qui ont grandi dans leurs familles et leurs parents géniteurs qu’entre enfants adoptifs et parents adoptifs. - Il y a plus de ressemblance intellectuelle entre frères et sœurs, même élevés séparément, qu’entre enfants non apparentés élevés ensemble. - Sans aucun lien génétique, les aptitudes intellectuelles se développent de façon plus inégale dans un même milieu. - Pour terminer, nous pouvons indiquer un résultat qui est sous-jacent aux observations que nous venons d’exposer. En effet, il a été montré que, d’une manière générale, le niveau d’intelligence des enfants adoptés est plus élevé que celui de leurs parents biologiques. Et cela parce que lorsqu’un enfant est adopté, il est mis dans un milieu plus favorable que son milieu d’origine, celui de ses parents géniteurs ; c’est ce que montre l’étude de Skodak et Skeels (1949). L’étude de ces chercheurs a porté sur une centaine d’enfants adoptés dès l’âge de 6 mois au plus tard. Les auteurs ont gardé le contact avec les parents géniteurs et ont suivi régulièrement les enfants : à 2 ans, à 4 ans, à 7 ans et à 13 ans. Ils ont trouvé que les enfants adoptés ont un QI de 106, alors que leurs parents géniteurs ont un QI de 86, même si cette étude confirme, par ailleurs, qu’un enfant ressemble plus à sa mère génitrice (r=.31) qu’à sa mère adoptive (r=.20). Cette étude indique également que le QI des enfants adoptifs est nettement inférieur au QI de leurs parents adoptifs. En guise de conclusion, nous pouvons dire que les enquêtes familiales et particulièrement la méthode des jumeaux confirment les résultats des expérimentations sur les animaux, résultats selon lesquels il y a un apport du biologique, de l’hérédité, dans le développement de l’intelligence. Ce qui signifie que l’intelligence est « conditionnée à la base, pour une part non négligeable, par le patrimoine hérité ». Toutefois, pouvons-nous pour autant établir une relation de cause à effet, c’est-à-dire, affirmer l’exclusivité du biologique sur l’intelligence ? Pour notre part, nous ne saurions établir une relation, dans la mesure où ces mêmes études indiquent l’apport d’un autre facteur. En effet, si la ressemblance entre jumeaux monozygotes mesure l’effet 12 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] du biologique (variance génotypique), la différence entre ces jumeaux mesure l’effet d’un autre facteur. De même la différence entre jumeaux hétérozygotes montre à la fois l’effet de l’hérédité et celui d’un autre facteur qui, selon nous, n’est autre que le facteur environnemental. Cela est d’autant vrai que l’embryon humain subit aussi l’influence des facteurs extérieurs jusqu’à être adulte et même au-delà. Ces conditions extérieures sont tout aussi physiques que sociales. En effet, on sait que tel potentiel génétique se développera de telle manière en fonction de tel milieu. C’est ainsi que la couleur de la peau dépend non seulement des gènes mais aussi de l’ensoleillement du milieu. De même, les conditions nutritionnelles influent sur la taille de l’individu. Il faut donc entendre par milieu, comme le Auguste Comte cité par Larmat (1979 pp 9-10), « non seulement le fluide où l’organisme est plongé, mais… l’ensemble total des circonstances extérieures d’un genre quelconque, nécessaires à l’existence de chaque organisme déterminé ». II- Le déterminisme environnemental sur le développement de l’intelligence A l’opposé du courant héréditariste, s’est développé un autre courant soutenu par beaucoup de chercheurs dont des psychologues, des sociologues, et autres spécialistes des sciences humaines. Selon ce courant, il faut accorder une grande part à l’influence du milieu. Pour les auteurs de ce courant, l’évolution psychologique, contrairement à l’évolution physiologique (biologique), doit beaucoup, sinon tout à l’environnement, à l’éducation. C’est ce courant de ces hommes de science que nous désignons par la thèse environnementaliste. Cette thèse affirme qu’à la naissance, tous les êtres humains sont biologiquement égaux et que seules, les conditions de vie déterminent le niveau d’intelligence d’un homme. Cette thèse est aussi soutenue, tout comme celle que nous venons de voir, par des observations cliniques, tant il est vrai qu’il n’est pas possible d’expérimenter » facilement sur l’homme pour des raisons morales et techniques. Nous exposons ici quelques observations cliniques qui permettent de soutenir cette thèse. 1/ L’histoire de la petite fille indienne Gauayaki 13 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] La petite tribu des Guayaki compte parmi les groupes ethniques les plus intéressants et les moins connus de l’Amérique du sud. Réduite à quelques centaines d’individus vivants dans des forêts de la région orientale du Paraguay, elle est en voie d’extinction. Ils n’ont pas de contact direct avec les populations des villes et villages ni avec les autres indiens. Leur culture matérielle est très réduite, leur vie errante dans les parties les plus reculées de la forêt, l’hostilité régnant toujours entre eux et les autres indiens n’ont pas encore permis de les approcher. Les rares travaux à leur sujet ont été faits à l’aide d’individus captifs. Il s’agit d’une petite fille recueillie à l’âge de 2 ou 3 ans par les européens ne parlant pas sa langue maternelle. - après seulement quelques mois dans la nouvelle famille (sa famille d’adoption), cette fille n’avait rien de différent, du point de vue intellectuel, d’un enfant européen. - A 10 ans d’âge, cette jeune indienne parlait couramment le français, la langue de ses parents d’adoption, et le portugais, la langue officielle du pays. - plus tard, après des études, cette jeune fille devient la principale collaboratrice de son père adoptif. Pour les tenants de la théorie environnementaliste de l’intelligence, cette histoire de la petite indienne est la preuve incontestable que tous les hommes sont nés égaux du point de vue de leurs aptitudes, mais c’est le milieu, c’est-à- dire, les conditions de vie, qui différencie les uns des autres en orientant les aptitudes. Cette thèse que nous qualifions de behavioriste rappelle l’affirmation de Waston (1913) selon laquelle, il est possible de faire d’un bébé ce que l’on veut pourvu qu’on dispose du milieu idéal pour ce projet. Cela rappelle également la position de Wallon dans l’évolution psychologique de l’enfant (1941) qui affirme que l’enfant est plus grand que l’adulte en ce sens que l’adulte est ce qu’il est, alors que l’enfant peut devenir n’importe quel adulte. 2/ L’histoire des enfants sauvages 14 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] Plusieurs cas historiques d’enfants très isolés du milieu social indiquent le rôle crucial de l’environnement, notamment au cours de la petite enfance. Le cas le célèbre, parmi les cas dignes de foi (il y a eu des enfants-léopards, Babouins, Singes, Panthères, Gazelles (Malson, 1964), est celui des enfants –loups Amala et Kamala, qui ont inspiré Mowgli à Kipling. Le 09 octobre 1920, dans un village des Indes, le révérend Singh apprend l’existence d’ « hommes fantastiques ». Sur les lieux, il voit sortir d’un repaire trois loups adultes, deux louveteaux et deux « monstres » marchant à quatre pattes, avec une longue crinière emmêlée et se comportant comme des loups. Plus tard les deux « monstres » sont pris et emmenés à l’orphelinat de Midnapore, ce sont deux petites filles. La plus jeunes sera appelé Amala, on estime son âge (en 920) à 1 an et demi, tandis que la plus âgée, qu’on appellera Kamala a un âge estimé à 8 ans et demi. Amala et Kamala se déplacent à quatre pattes comme des loups, courant sur les coudes et les genoux, et ont d’épaisses callosités sur la paume des mains, les coudes, la plante des pieds et les genoux. Elles laissent pendre leur langue et halètent, ouvrant parfois démesurément leurs mâchoires ; les liquides sont lapés ; elles préfèrent les aliments carnés, déterrent les charognes et poursuivent les volailles. Elles ont peur du jour (photophobie) et préfèrent la nuit (nyctalopie), se tapissant tout le jour à l’ombre et s’agitant la nuit, gémissant et hurlant…La petite Amala est morte de néphrite (inflammation du rein) en 1921 et Kamala n’a vécu que jusqu’à 17 ans environ (elle est morte en 1929). Pendant les huit années passées à l’orphelinat, Kamala a appris progressivement de nouveaux comportements. Après 10 mois, elle tend la main pour demander un aliment, après 16 mois, elle se dresse sur les genoux mais ce n’est qu’à 6ans (en 1926, elle avait environ 14 ans) qu’elle réussit à marcher ; dès lors elle continuera à marcher. Elle réalise de nombreuses commissions simples, signale les nourrissons qui pleurent, ramassent des œufs dans le poulailler. Sur le plan du langage, il ya apparition rapide de deux mots, « ma » pour maman et « bhoo » pour faim ou soif. Après 3 ans, elle prononce « hoo » pour dire oui, « bha » pour dire « riz » et « am jab » pour dire « je veux ». Après 6 ans, elle reconnait ses objets personnels (assiette, verre,) elle connait trois dizaines de mots, comprend bien les instructions verbales et est 15 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] capable de quelques conversations. Elle avait un vocabulaire de 50 mots à l’époque précédant sa mort, en novembre 1920. Il importe de retenir que ces enfants dits sauvages, sont bien constitués génétiquement, c’est-à-dire, qu’ils sont dotés, au sens piagétien, des mêmes facteurs génétiques que nous, et qu’ils possèdent, à des degrés certes divers, les mêmes facteurs d’autorégulations ou d’équilibration des actions que nous. Si donc la constitution génétique de ces enfants est la même que celle de tous les enfants du monde et celle qui fut celle de tous les adultes, alors, les tenants de la thèse environnementaliste, soutiennent que l’état d’arriération mentale, l’état d’idiotie, l’état d’inadaptation sociale, de ces enfants ne peut être attribué, qu’à l’absence de contacts humains, c’est-à-dire, à l’absence combinée des facteurs sociaux de coordination interindividuelle et des facteurs sociaux de transmissions éducative et culturelle (cf. les facteurs du développement intellectuel selon Piaget). Pour les environnementalistes donc, tous les enfants sont au départ semblables à peu de choses près. C’est le milieu qui va les différencier. En d’autres termes, chacun de nous n’est pas ce que la biologie a fait de lui, mais chacun de nous est ce que l’environnement a fait de lui ; il n’est pas né ce qu’il est, il est devenu ce qu’il est. Les béhavioristes, depuis Watson, adoptent cette position, à peu de choses près. Pour ce courant de pensée, les combinaisons génétiques ont pour caractère dominant la plasticité qui leur permet de se laisser modeler par un milieu donné. Ce courant est né de Watson qui affirmait dans son manifeste (1913) : « Donnez-moi une douzaine de jeunes enfants sains, bien constitués et le ‘’monde’’ spécifique que je choisirai pour les élever, et je vous garantis qu’en prenant n’importe lequel au hasard, je l’entraînerai à devenir n’importe quel type de spécialiste que je voudrai (médecin, juriste, artiste, négociant, et même, oui, mendiant ou voleur) quels que soient ses talents, ses penchants, ses tendances, ses aptitudes, ses vocations et la race de ses ancêtres » (traduction Larmat, 1979). C’est dans la perspective de cette thèse de Watson que Skinner, un des disciples de Watson, affirme quant à lui, qu’avec des techniques appropriées à 16 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] chaque intelligence individuelle, il est possible de faire apprendre n’importe quoi à n’importe qui. III- L’interaction hérédité-milieu ou la théorie de la double détermination de l’intelligence Les deux hypothèses sur l’origine de l’intelligence, celle de l’hérédité et celle de l’environnement, laquelle faut-il retenir ? A cette question, nous pouvons répondre par « aucune des deux » ou par « les deux à la fois ». En effet, nous pouvons refuser l’hypothèse innéiste, celle qui affirme l’exclusivité de l’hérédité dans la détermination de l’intelligence, parce que ses arguments ne sont pas toujours convaincants. Par exemple, l’argument empirique de la continuité du génie ou du talent n’est pas satisfaisant, car dans une famille, on ne partage pas que l’hérédité, le biologique. On partage aussi l’éducation, l’entraînement, la culture, bref, le milieu. Or, si ces facteurs ne créent pas en eux-mêmes les talents, ils les activent, les relèvent, les orientent. Nous pouvons également refuser la thèse environnementaliste parce que ses arguments ne présentent pas, non plus une solidité à toute épreuve. Par exemple, l’argument tiré de l’existence des enfants sauvages n’est pas inattaquable. En effet, qu’est ce qui dit que les enfants sauvages, qui sont des arriérés mentaux, ne sont pas débiles du point de vue biologique ? Nous pouvons même faire l’hypothèse que c’est justement peut-être parce qu’ils étaient débiles mentaux qu’ils ont été abandonnés par leurs parents. Ce que nous voulons dire est que personne ne peut présumer quel niveau mental ces enfants sauvages auraient atteint s’ils avaient bénéficié d’un milieu (environnement) éducatif normal. Mais, nous pouvons également dire que ces deux hypothèses sur l’origine de l’intelligence humaine sont valables toutes les deux parce que chacune est valable, c’est-à-dire, vraie, mais seulement en partie. C’est cette position de moyen terme que nous appelons « théorie de la double détermination », et qui postule des influences conjointes du biologique, du génétique, et de l’environnement dans la détermination de l’intelligence humaine. Cette thèse 17 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] de la double détermination compte, aujourd’hui, de plus en plus de partisans parce que, nous semble-t-il, elle est la plus réaliste. Nous pouvons donc affirmer, sans risque de nous tromper, que la thèse innéiste est vraie, mais que la thèse environnementaliste est aussi vraie. Nous pensons, en effet, que chacun de nous naît avec un génotype intellectuel déterminé. Et ce génotype, nous le devons non pas à nos parents (père et mère), mais à notre espèce. Il est donc phylogénétiquement déterminé. Mais, ce génotype n’est, en fait, qu’une simple possibilité, une capacité à…D’où d’ailleurs le nom de potentiel, c’est-à-dire, un élément en puissance, un élément capable de devenir. De ce fait, sa réalisation, c’est-à-dire, son expression, son actualisation, dépendra fondamentalement des conditions d’existence, en d’autres termes de l’environnement plus ou moins favorable dans lequel il va se développer. Ainsi, si ce potentiel est placé dans un environnement favorable, il développera toutes ses possibilités. Cela signifie que le milieu, l’environnement, ne pourra développer (ne pourra permettre le développement, donc spontané, endogène) que ce que chacun de nous possède, à la naissance, de manière différentielle des autres. C’est dire que le milieu, fût-il le plus favorable qui soit, ne peut développer que ce que le biologique offre à développer. Aussi, le milieu ne peut-il pas développer jusqu’à rendre intelligent un sujet atteint de trisomie 21 ou mongolisme. On peut aussi citer l’exemple des Kellog (M. et Mme, chercheurs) qui ont élevé un bébé chimpanzé comme un bébé humain, mais qui n’a rien donné en terme qualitatif (acquisition du langage) (Henri Delacroix). Par contre, si ce potentiel est placé dans un environnement défavorable, il ne pourra pas développer toutes ses possibilités, même si, à la naissance, elles étaient énormes. Ainsi, un sujet bien doté du point de vue biologique, qui aurait pu faire montre d’une intelligence supérieure dans de bonnes conditions, végétera et sera quelconque dans un environnement culturellement trop pauvre, alors qu’un autre, moins pourvu à la naissance, atteindra son maximum, son plafond, s’il est placé dans des conditions éducatives meilleures, et pourra même se trouver supérieur à celui qui était mieux pourvu mais qui, du fait d’un milieu pauvre, n’a pas pu se développer comme il aurait dû. 18 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] Puisque le biologique, le génotype, ne peut se développer correctement que s’il est placé dans un environnement favorable, et que le milieu ne peut permettre le développement que de ce qui est biologiquement programmé, alors, nous pouvons affirmer non seulement que l’intelligence est biologique, mais qu’il existe une influence de l’environnement su l’actualisation (réalisation, expression) du génotype (potentiel ) intellectuel inné, c’est-à-dire programmé au double point de vue phylogénétique et ontogénétique. Ce qui veut dire qu’il y a une interaction génotype-environnement. D’ailleurs, même les études qui ont tenté de montrer l’effet exclusif du biologique sur l’intelligence, montrent également, sûrement sans le vouloir, l’effet du facteur environnemental : les jumeaux monozygotes élevés dans les milieux différents (élevés séparément) présentent une corrélation 0.72 ou.73, alors que, lorsqu’ils sont élevés ensemble, cette corrélation est de.84 à.92. De même, les frères et sœurs élevés séparément présentent une corrélation de.42, alors que, lorsqu’ils sont élevés ensemble, cette corrélation est de.49. Il y a donc un facteur autre que le biologique dans la détermination de l’intelligence humaine. C’est ce facteur qu’il convient d’appeler la variance environnementale. ✓ Définition de la variance environnementale La variance environnementale se traduit en terme d’apports du milieu physique et du milieu socioculturel. Selon, Reuchlin (1972, 1976) la variance environnementale comprend trois types de facteurs, à savoir : les facteurs représentants les effets du milieu physique, les facteurs représentant les conditions de nutrition et les facteurs inhérents au milieu socioculturel. 1/Les facteurs du milieu physique L’expérimentation animale confirme l’importance cruciale du milieu et permet de contrôler différentes variables, de même l’étude des déficits sensoriels chez l’homme permet indirectement d’évaluer l’importance de certaines stimulations pour le développement cognitif. 19 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] Les résultats de plusieurs études révèlent que la qualité de l’environnement (les stimulations) joue un rôle déterminant dans le développement aussi bien cognitif qu’affectif : Spitz (1945) par le concept d’hospitalisme, le fait que les enfants pour des besoins sanitaires se trouvent confinés à l’hôpital loin de ses parents, provoquait une apathie générale et un retard dans le développement. Cela pouvait être attribué à une carence affective. D’autres études expérimentales portant sur les rats montrent que les rats qui ont vécu dans un environnement riche en stimulations (ils sont plusieurs dans un environnement et interagissent entre eux, de plus, ils sont sollicités pour la résolution de problèmes divers : labyrinthe…, développent plus leur cortex cérébral contrairement à ceux qui vivent dans un environnement appauvri (seul sans contacts avec les autres…) (cf. travaux de Rosenzweig, Bennet et Diamond, 1972 ; Rosenzweig, 1976). Cooper et Zubeck ont réalisé une expérience en élevant des souches de rats brillants et cancres dans les différents types d’environnements : appauvri, standard ou enrichi tel que déterminé par Rosenzweig. La performance est mesurée par le score d’erreurs dans un labyrinthe et on constate que le génotype, ou patrimoine génétique, ne s’exprime que dans un milieu moyen c’est-à-dire dans les conditions d’élevage standard. Lorsque le milieu est appauvri, les rats brillants font énormément d’erreurs tout comme les cancres tandis qu’à l’inverse, en milieu enrichi, les cancres « rattrapent » les brillants. Plus spectaculairement, on observe que les cancres élevés en milieu enrichi réussissent mieux que les rats brillants élevés en milieu appauvri ; c’est un renversement de l’effet génétique par l’effet du milieu. 2/ Les facteurs de nutrition A ce niveau, il est prouvé scientifiquement qu’une alimentation riche en nutriments et variée contribue au développement de l’intelligence. En revanche, une alimentation pauvre en nutriments et non variée ou une sous- alimentation ou une malnutrition a des impacts négatifs sur le développement cognitif. Cela est d’autant vrai que le cerveau en tant que le substrat organique 20 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] de l’intelligence a besoin d’aliments de croissance comme l’ensemble des organes. En effet, les nombreux facteurs physiologiques : nutrition, vitamines, hygiène, alcoolisme de la mère pendant la grossesse, etc, sont évidemment déterminants pour le développement intra-utérin, le développement pendant la petite enfance et pendant la maturation dans le développement ultérieur. De nombreuses recherches ont été faites sur les effets de la malnutrition chez l’animal, notamment chez le rat (Levistsky et Strupp, cités par Lieury, 2000) et montrent un mauvais développement du cerveau (trouble de la neurogénèse), neurones moins gros, moins de dendrites, etc. Si certains effets peuvent être compensés par une meilleure nutrition par la suite, des dommages semblent subsister notamment au niveau de l’hippocampe (dont on sait le rôle prépondérant dans la mémorisation). En Afrique par exemple, la malnutrition produit des maladies spécifiques qui ralentissent fortement le développement intellectuel (Tapé, 1987). On constate aussi que les effets d’une meilleure nutrition sont d’autant plus évidents que le niveau scolaire augmente (école primaire). 3/ L’environnement culturel : famille et école L’environnement regroupe également des facteurs psychologiques concernant les stimulations sensori-motrices, linguistiques, affectives, sociales de la petite enfance : le rôle des attitudes parentales (Lautrey, 1980 ; Esperet, 1979), du niveau socio-économique, des cultures sociales et ethnique (Tapé, 1987), du milieu cognitif et culturel, télévision (Singer et Singer, 1980), musique, littérature, etc. L’environnement culturel est certainement constitué en très grande partie par la famille et par l’école, la famille jouant un rôle déterminant pour les stimulations précoces et l’acquisition du langage, l’école étant le lieu privilégié des acquisitions intellectuelles, la lecture, les mathématiques (Lieury et coll, 1996). Les conditions d’éducation déterminent de façon définitive le statut intellectuel et social de l’individu. L’environnement est certainement sous-estimé la plupart 21 Dr. Ossei KOUAKOU, Maître de Conférences UP Psychologie génétique différentielle UP Psychologie cognitive et résolution de problèmes E-mail : [email protected] du temps dans la mesure où les recherches se font fréquemment dans les pays où l’éducation est largement répandue. Conclusion La seule position réaliste est l’interactionnisme, l’hérédité et le milieu jouant en interaction un rôle considérable. Si nous avons des gènes en moins nous ne serions pas homme. De même, si nous avons tous les gènes au complet et que nous ne recevons pas d’éducation nous ne serions pas aussi homme développé. Les interactions sont donc très importantes, qu’un génotype très défavorable peut annuler des effets de milieu (mongolisme, oligophrénie), tandis qu’à l’inverse un milieu très défavorable (enfants sauvages) peut annuler les potentialités génétiques les plus puissantes du règne animal. Références Bibliographiques Delacroix, H. (1934). L’enfant et le langage. Paris : Presse électronique de France. Houdé, O. et Leroux, G. (2009). Psychologie du développement cognitif. Paris : PUF Larmat, J. (1979). La génétique de l’intelligence. Paris : PUF. Piaget, J. (1936). La naissance de l’intelligence chez l’enfant. Neuchâtel, Paris : Delachaux & Niestlé. Piaget, J. (1981). La psychologie de l’intelligence. Paris : Armand Colin. Reuchlin, M. (1972). Milieu et développement. Paris : PUF. Reuchlin, M. (1976). Culture et conduites. Paris : PUF. 22

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